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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Hommage à Jean-Claude Gaudin

Questions d'actualité

Réforme de l'audiovisuel public

Mme Sylvie Robert

Mme Rachida Dati, ministre de la culture

Aides à la rénovation énergétique

M. Jean-Pierre Corbisez

M. Guillaume Kasbarian, ministre chargé du logement

Communication du Quai d'Orsay

M. Édouard Courtial

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué chargé de l'Europe

Parole de la France

M. Roger Karoutchi

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué chargé de l'Europe

Politiques publiques relatives à la famille

M. Xavier Iacovelli

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée chargée de l'enfance, de la jeunesse et des familles

Droit de grève

M. Philippe Tabarot

M. Patrice Vergriete, ministre délégué chargé des transports

Stratégie de Stellantis

M. François Bonhomme

M. Roland Lescure, ministre délégué chargé de l'industrie et de l'énergie

Zones de revitalisation rurale

Mme Anne-Sophie Romagny

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité

Situation en Nouvelle-Calédonie (I)

M. Claude Malhuret

M. Gabriel Attal, Premier ministre

Situation en Nouvelle-Calédonie (II)

Mme Annick Girardin

M. Gabriel Attal, Premier ministre

Situation en Nouvelle-Calédonie (III)

Mme Mélanie Vogel

M. Gabriel Attal, Premier ministre

Situation en Nouvelle-Calédonie (IV)

Mme Audrey Bélim

M. Gabriel Attal, Premier ministre

Réforme de la fonction publique

M. Jean-Gérard Paumier

M. Stanislas Guerini, ministre de la transformation et de la fonction publiques

« Choc des savoirs »

Mme Colombe Brossel

Mme Nicole Belloubet, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse

Avenir de la centrale à charbon de Saint-Avold

M. Khalifé Khalifé

M. Roland Lescure, ministre délégué chargé de l'industrie et de l'énergie

Déboires des agriculteurs jurassiens

M. Clément Pernot

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire

CMP (Nominations)

Transformation des bureaux en logements (Procédure accélérée - Suite)

Discussion des articles

Article 1er

Après l'article 1er

Article 2

Après l'article 2

Article 4

Après l'article 4

Article 5 bis

Article 6

Après l'article 6

Mise au point au sujet de votes

Vote sur l'ensemble

M. Christian Redon-Sarrazy

Mme Antoinette Guhl

Mme Sophie Primas

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente de la commission des affaires économiques

Accord France-Allemagne sur l'apprentissage transfrontalier (Procédure accélérée)

Discussion générale

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué chargé de l'Europe

M. Akli Mellouli, rapporteur de la commission des affaires étrangères

Mme Vanina Paoli-Gagin

M. Claude Kern

M. Guillaume Gontard

Mme Silvana Silvani

Mme Véronique Guillotin

M. Ludovic Haye

M. Michaël Weber

M. André Reichardt

Mme Catherine Belrhiti

Vote de l'article unique

Justice patrimoniale au sein de la famille (Conclusions de la CMP)

Mme Isabelle Florennes, rapporteure pour le Sénat de la CMP

M. Thomas Cazenave, ministre délégué chargé des comptes publics

Discussion du texte élaboré par la CMP

Article 1er

Vote sur l'ensemble

Mme Dominique Vérien

Mme Ghislaine Senée

M. Pascal Savoldelli

M. Michel Masset

Mme Nicole Duranton

Mme Corinne Narassiguin

Mme Muriel Jourda

Mme Laure Darcos

Ingérences étrangères en France (Procédure accélérée)

CMP (Nominations)

Discussion générale

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué chargé de l'Europe

Mme Agnès Canayer, rapporteure de la commission des lois

M. Claude Malhuret, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées

Renvoi en commission

Mme Gisèle Jourda

Discussion générale (Suite)

M. Thomas Dossus

M. Pascal Savoldelli

Mme Annick Girardin

Mme Nicole Duranton

M. Jérôme Durain

M. André Reichardt

M. Christopher Szczurek

Mme Vanina Paoli-Gagin

Mme Nathalie Goulet

Mme Gisèle Jourda

Mme Valérie Boyer

M. François Bonneau

Discussion des articles

Article 1er

Article 1er bis A

Article 1er bis

Mme Gisèle Jourda

Après l'article 1er bis

Article 2

Mme Gisèle Jourda

Après l'article 2

Article 3

M. Pascal Savoldelli

Article 4

Après l'article 4

Intitulé de la proposition de loi

Vote sur l'ensemble

Mme Catherine Morin-Desailly

M. Pascal Savoldelli

M. Olivier Cadic

Ordre du jour du mardi 28 mai 2024




SÉANCE

du mercredi 22 mai 2024

88e séance de la session ordinaire 2023-2024

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires : Mmes Catherine Di Folco et Patricia Schillinger.

La séance est ouverte à 15 heures.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Hommage à Jean-Claude Gaudin

M. le président.  - (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que Mmes et MM. les membres du Gouvernement, se lèvent.) C'est avec une grande tristesse que nous avons appris la disparition brutale de Jean-Claude Gaudin.

Nous honorons non seulement la mémoire du ministre, du député et du sénateur qu'il a été, mais aussi de celui qui a incarné profondément Marseille, sa ville.

Rendre hommage à Jean-Claude Gaudin, c'est honorer un de nos plus grands élus, dont le parcours politique ne pouvait que passer par l'assemblée représentant les collectivités territoriales de la République : le Sénat.

Dès l'âge de 15 ans, il admire par-dessus tout Vincent Delpuech, propriétaire du quotidien Le Petit Provençal, qui siégea au Sénat de 1939 à 1966. Le 27 mars 1965, le jeune professeur d'histoire-géographie fait son entrée au conseil municipal de Marseille : peut-il alors penser qu'il y siégera cinquante-cinq ans ? Son arrivée au Palais Bourbon, en mars 1978, est un grand moment d'émotion.

Élu sénateur en 1989, il siège au groupe des Républicains et Indépendants et rejoint la commission des affaires étrangères. Il restera attaché à la Haute Assemblée pendant vingt-huit ans. En septembre 1995, le sénateur-maire de Marseille est élu président du groupe des Républicains et Indépendants.

Ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration en 1995, il revient au Sénat en 1998 et en devient vice-président. Il est un président de séance courtois, chaleureux, au savoir-faire efficace dans la conduite, parfois délicate, de nos débats. Ceux qui l'ont connu se souviendront de sa courtoisie et de sa technique unique, ni numérique ni arithmétique : il « consulte du regard »... (Sourires) En mars 2011, les membres du groupe UMP le désignent comme leur président.

L'empathie et la sympathie qu'il suscite tiennent à cette estime de l'autre qu'il a développée au cours de sa jeunesse et tout au long de sa carrière, dans l'esprit de la doctrine sociale de l'Église qu'il a incarnée au sein du groupe d'amitié France-Saint-Siège. Son empathie va aussi au peuple arménien, dont il défend inlassablement la cause au Sénat.

En juillet 2017, il décide, en application des nouvelles règles relatives au cumul des mandats, de céder son mandat de sénateur et de conserver celui de premier magistrat de Marseille, afin de privilégier le lien direct avec ses administrés. Il conservera ce mandat jusqu'en 2020.

Certains d'entre nous gardent en mémoire l'ultime séance qu'il a présidée, en session extraordinaire, le 25 juillet 2017, et l'émotion que, sur toutes les travées, nous avions alors ressentie.

Lors de la réunion de questure décentralisée qui s'est tenue début mars à l'invitation du maire de Marseille, nous l'avons retrouvé au Palais du Pharo, les trois questeurs et moi-même. Le lendemain, je me suis rendu chez lui, dans sa maison de Mazargues ; autour d'un café, nous avons fait de calissons, qu'il adorait, un usage immodéré... (Sourires) Il était toujours aussi aigu dans sa réflexion politique et son regard sur notre pays.

« Jean-Claude », « Monsieur le maire » : il faut avoir, comme moi, traversé Marseille avec lui dans sa voiture pour comprendre la relation si forte qu'il entretenait avec les Marseillaises et les Marseillais. Nous l'accompagnerons demain à la cathédrale de La Major.

À ses proches, à tous ceux qui ont partagé ses engagements, je redis la part que le Sénat prend à leur chagrin. Je n'oublierai pas qu'il a été à mes côtés un vice-président engagé et fidèle. Il savait détendre toutes les situations, même les plus inextricables, avec une science particulière.

Je vous propose d'observer un moment de recueillement en mémoire de Jean-Claude Gaudin. En fermant les yeux, vous pourrez l'imaginer, à cette place qu'il a tant aimée, diriger nos débats avec fermeté et gentillesse. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que Mmes et MM. les membres du Gouvernement, observent un moment de recueillement.)

Questions d'actualité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.

Notre séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.

Chacun sera attentif au respect des uns et des autres et du temps de parole.

J'excuse l'absence, au début de la séance, du Premier ministre, qui revient des cérémonies organisées ce matin à Caen en hommage aux deux surveillants pénitentiaires tués la semaine dernière dans l'attaque de leur fourgon. Le Sénat a rendu hommage mercredi dernier à ces fonctionnaires victimes d'un crime odieux.

En conséquence, les questions relatives à la Nouvelle Calédonie seront, avec l'accord des groupes, posées en fin de séance, le Premier ministre tenant à y répondre en personne.

Réforme de l'audiovisuel public

Mme Sylvie Robert .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur quelques travées du GEST) « BBC à la française » :  un beau slogan, hélas vide de sens...

Madame la ministre de la culture, avez-vous présenté une seule fois votre vision stratégique ? Non. Justifié la pertinence de la fusion, au-delà de votre autre slogan, « se réunir pour être plus fort » ? Non plus. Dissipé les doutes et les craintes que ce texte fait peser sur l'indépendance et le pluralisme de l'information ? Pas davantage.

Avez-vous clarifié le futur financement de l'audiovisuel public ? Absolument pas. Consulté les personnels ? La grève prévue demain apporte une réponse limpide.

La cacophonie règne au sein de la majorité, et l'exécutif navigue à vue. L'audiovisuel extérieur fait-il partie de la réforme ? Oui, mais non. Faut-il déplafonner ou contraindre les recettes publicitaires ? On ne sait plus. Bref, plus on avance, moins on en sait...

Si vous souhaitez réellement protéger l'audiovisuel public, ne passez pas en force ; reconnaissez que votre projet n'est pas mûr. Êtes-vous prête à y renoncer ? (« Bravo ! » et vifs applaudissements sur les travées du groupe SER ; applaudissements sur de nombreuses travées du GEST et sur certaines travées du groupe CRCE-K)

Mme Rachida Dati, ministre de la culture .  - Non, cette réforme ne tombe pas du ciel. Il y a dix ans qu'elle est connue. Vous en avez d'ailleurs débattu ici, et je rends hommage au président Lafon, qui a fait adopter par votre assemblée une proposition de loi, de laquelle je suis partie. Bien d'autres sénateurs travaillent depuis longtemps sur la question, dont MM. Hugonet et Karoutchi.

D'aucuns annoncent un retour à l'ORTF, mais nous ne sommes pas du tout dans le même contexte : 26 chaînes privées, des groupes qui s'organisent et rassemblent leurs forces. Face à eux, l'audiovisuel public est très dispersé - tous les rapports le soulignent.

Par ailleurs, les pratiques de consommation ont évolué, notamment chez les jeunes : l'âge moyen des téléspectateurs de France TV est de 64 ans, et celui des auditeurs de Radio France est passé de 51 à 57 ans en quelques années.

Plusieurs voix à gauche. - Quel rapport ?

Mme Rachida Dati, ministre.  - Réformer l'audiovisuel public est un enjeu pour l'avenir.

M. Thomas Dossus.  - Hors sujet !

Mme Rachida Dati, ministre.  - Créer une maison commune ne conduira pas à uniformiser les métiers ni les activités.

Nous aurons un mode de financement totalement inédit ; je rends hommage au président Lafon, qui a fait avancer cette question. Nous serons le seul pays européen à avoir, via un prélèvement sur recettes, un financement sanctuarisé.

M. le président.  - Il faut conclure.

Mme Rachida Dati, ministre.  - Enfin, j'ai bien consulté les syndicats, les journalistes et les rédactions.

Cette réforme ambitieuse est très attendue par les Français. (Exclamations ironiques sur de nombreuses travées à gauche ; Applaudissements sur plusieurs travées du RDPI)

Mme Sylvie Robert.  - Le texte voté au Sénat portait sur la holding, pas la fusion.

Le service public de l'audiovisuel va bien ; il est plébiscité par ses auteurs, ses éditeurs et ses auditeurs. Pourquoi le déstabiliser dans la précipitation ?

Plusieurs de vos prédécesseurs l'ont dit : la fusion sera inutile et inefficace. Elle va à contre-courant des urgences du moment : nous avons besoin d'une grande réflexion sur l'avenir des médias ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST, ainsi que sur certaines travées du groupe CRCE-K)

Aides à la rénovation énergétique

M. Jean-Pierre Corbisez .  - L'objectif de 200 000 rénovations énergétiques en 2024 a été abaissé à 140 000, à la suite des coupes budgétaires.

En janvier dernier, les monogestes s'arrêtaient et les certificats d'économie d'énergie (C2E) passaient sous le contrôle de l'Agence nationale de l'habitat (Anah). Voilà une semaine, monsieur le ministre du logement, vous avez fait trois pas en arrière en réautorisant les monogestes et en reportant au 1er janvier 2025 les décisions prévues au 1er janvier de cette année.

J'y vais, j'y vais pas... Les candidats à la rénovation énergétique n'y comprennent plus rien : faut-il attendre l'année prochaine, au risque de voir les aides baisser, voire disparaître dans les 20 milliards d'euros d'économies annoncées ? N'y avait-il pas moyen de faire plus simple ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K ; M. Rémi Cardon applaudit également.)

M. Guillaume Kasbarian, ministre chargé du logement .  - MaPrimeRénov' est un succès français (MM. Yannick Jadot et Akli Mellouli s'esclaffent), qui a déjà permis à plus de deux millions de nos concitoyens de rénover leur logement. Pour eux, réjouissons-nous.

Jamais le budget de MaPrimeRénov' n'a été aussi élevé, malgré l'effort de restitution : 3,85 milliards d'euros cette année, contre 3,49 l'année dernière - une enveloppe sous-consommée.

Les fortes baisses de dossiers déposés en janvier et février nous ont conduits, Christophe Béchu et moi-même, à écouter les professionnels du bâtiment et à ajuster les règles. C'est pourquoi nous avons publié un décret qui supprime l'obligation du DPE dans le cadre d'une rénovation par geste et autorise les monogestes.

C'est un changement de bon sens, grâce auquel plus de Français pourront bénéficier du dispositif. Les premiers résultats se font sentir : 7 618 dossiers ont été déposés sur le site de l'Anah la semaine dernière, soit deux fois plus que la moyenne hebdomadaire depuis le début de l'année.

Je réunirai les acteurs de la filière de la rénovation pour lancer un mouvement de structuration. Nous signerons un pacte ambitieux pour une rénovation simplifiée et accéléré. (Applaudissements sur certaines travées du RDPI)

M. Jean-Pierre Corbisez.  - Oui, le volume de dossiers déposés augmente. Mais iront-ils à terme ?

Désormais, pour les C2E, tout passe par l'Anah. Or les dossiers Anah sont complexes. Et c'est seulement lorsque 80 % des travaux sont engagés que la subvention peut être demandée. On peut demander une avance, mais c'est encore un dossier à remplir... L'ancienne formule était plus simple : vous payiez votre part et l'entreprise cherchait le solde auprès des grands groupes pollueurs. Monsieur le ministre, faites plus simple !

Par ailleurs, pour l'éclairage public, le fonds vert ne subventionne plus les collectivités territoriales qu'à hauteur de 15 %, au lieu de 25 %. Et pour la rénovation énergétique des bâtiments communaux, la contribution de la DETR n'est plus que de 25 %, au lieu de 35 %. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K)

Communication du Quai d'Orsay

M. Édouard Courtial .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Depuis deux jours, la voix du Quai d'Orsay s'embrouille.

À la suite de la mort du président iranien, le ministère a présenté ses condoléances à la République islamique d'Iran.

Le même jour, le procureur général de la Cour pénale internationale (CPI) a requis des mandats d'arrêt contre Benyamin Netanyahou et Yahya Sinwar, chef du Hamas à Gaza et cerveau présumé de l'attaque du 7 octobre, mettant dos à dos le chef d'un gouvernement démocratique et le dirigeant d'une organisation terroriste. Le Quai d'Orsay s'est fendu d'un courtois communiqué, indiquant que la France soutenait l'indépendance de la CPI et « la lutte contre l'impunité dans toutes les circonstances ».

Les deux événements sont indépendants, mais leur télescopage et la réaction du Quai d'Orsay brouillent la voix de notre pays. Lorsqu'on présente ses condoléances pour la mort d'Ebrahim Raïssi, la jeune Masha Amini, tuée pour avoir bravé l'absolutisme des mollahs, se retourne dans sa tombe. Et le ministre a dû préciser qu'il ne pouvait y avoir d'équivalence entre le Hamas et Israël.

Comprenez que cela suscite le trouble ! Allez-vous reprendre la main sur la communication de votre ministère ? À l'avenir, nos valeurs y auront-elles plus clairement droit de cité ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC, sur de nombreuses travées du groupe INDEP et sur quelques travées du groupe Les Républicains)

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué chargé de l'Europe .  - Je vous prie d'excuser l'absence de Stéphane Séjourné, qui est à Weimar avec ses homologues polonais et allemand.

En ce qui concerne la CPI, le Quai d'Orsay a rappelé le droit conventionnel : la France reconnaît l'indépendance de cette juridiction. Comme Stéphane Séjourné l'a souligné, cela n'implique en aucun cas une équivalence entre le Hamas, un groupe terroriste qui s'est rendu coupable du pire massacre antisémite depuis la Shoah, et Israël, État démocratique qui doit respecter le droit international dans la conduite d'une guerre qu'il n'a pas provoquée.

À l'occasion du décès du président iranien, le Quai d'Orsay s'en est tenu aux usages protocolaires s'agissant d'un pays avec lequel nous entretenons des relations diplomatiques. Cela n'ôte rien au différend que nous avons avec l'Iran, qui mène une action déstabilisatrice dans l'ensemble du Moyen-Orient.

En particulier, l'agression contre Israël du 13 avril dernier est inacceptable, comme est intolérable la répression des mouvements pour les libertés publiques et les droits des femmes. Quant au développement illégal du programme nucléaire iranien, il est irresponsable. Je n'oublie pas l'indigne politique d'otages d'État, dont sont victimes quatre de nos compatriotes. Le respect des usages n'enlève rien à la fermeté avec laquelle la France s'adresse à l'Iran. (M. François Patriat applaudit.)

Parole de la France

M. Roger Karoutchi .  - (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La France a toujours parlé contre l'obscurantisme et pour la démocratie : est-ce toujours le cas ? (Sensation ; applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC)

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué chargé de l'Europe .  - Je suis abonné aux questions courtes ! (Sourires)

La France tient son rang de grande puissance d'équilibre au Proche-Orient, en Ukraine et sur tous les théâtres au sujet desquels nous prenons parti ou position. C'est cette voix d'équilibre que porte M. Séjourné aujourd'hui même, dans le cadre du triangle de Weimar réactivé.

C'est le Président de la République qui, lors du dernier Conseil européen, a conduit nos partenaires à parler d'une seule voix pour, tout à la fois, dénoncer la situation des otages à Gaza et appeler à une trêve humanitaire conduisant à un cessez-le-feu durable. La France appelle à sanctionner les dirigeants du Hamas comme les colons extrémistes violents.

Cette voix d'équilibre est, je le crois, entendue partout dans le monde. (Applaudissements sur certaines travées du RDPI)

M. Roger Karoutchi.  - À force de « en même temps », plus personne ne vous entend.

Il faut dire que l'ONU - ce « machin », disait de Gaulle - a beaucoup évolué : le comité des droits de l'homme est présidé par l'Iran (marques d'ironie à droite), le comité des droits de la femme par l'Arabie saoudite (les marques d'ironie redoublent à droite) et le comité de décolonisation, qui demande l'indépendance de la Nouvelle-Calédonie et de la Polynésie, a pour rapporteur le représentant de la Syrie de Bachar al-Assad... Quant au secrétaire général, il a demandé une minute de silence pour le boucher de Téhéran : l'ambassadeur de France semble y avoir participé volontiers.

Vous parlez de condoléances protocolaires, mais il y a des messages qu'on entend plus ou moins. Que pensent les femmes iraniennes, l'opposition démocratique du pays, les jeunes Iraniens ? (Applaudissements nourris sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP, ainsi que sur certaines travées du RDSE et du groupe SER)

La France obséquieuse avec l'obscurantisme, c'est non ! La France, c'est la voix de la démocratie.

La réaction du Quai d'Orsay à la demande du procureur serait institutionnelle ? S'il s'agit juste de dire que la France respecte l'indépendance de la CPI, ce communiqué n'a pas d'utilité ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur certaines travées du groupe UC) Pourquoi le dire ce soir-là ? Aviez-vous honte de ce communiqué, pour le publier à minuit et quart ?

Ne mettez pas sur le même plan, quelles que soient nos appréciations sur le gouvernement de Netanyahou, un État démocratique et une organisation terroriste qui assassine ! (« Bravo ! » et applaudissements nourris et prolongés sur les travées du groupe Les Républicains ; applaudissements prolongés sur les travées du groupe UC ; M. Emmanuel Capus applaudit également.)

Politiques publiques relatives à la famille

M. Xavier Iacovelli .  - La notion de famille a beaucoup évolué depuis le code civil de 1804. Les familles d'aujourd'hui sont diverses : traditionnelles, recomposées une ou plusieurs fois, homoparentales, monoparentales choisies ou subies. L'éducation des enfants est parfois assurée par un beau-parent, sans statut.

Il faut un grand dépoussiérage pour dessiner un nouveau cadre global et solidaire des droits familiaux.

Nous avons doublé le congé paternité, à vingt-huit jours. Plus de 70 % des pères le prennent, c'est une réussite.

À l'inverse, le congé parental est à bout de souffle : 0,8 % des pères et 14 % des mères qui y recourent. C'est pourquoi le Président de la République a appelé à créer un congé de naissance plus court mais mieux indemnisé, avec un traitement égal des parents.

Pour renforcer le socle de notre société, il faut repenser le soutien aux familles, afin qu'il corresponde aux besoins et contribue à réduire les inégalités de genre. Comptez-vous lancer une concertation en vue d'actualiser les droits familiaux ? Comment faire en sorte que la maternité ne soit plus facteur d'exclusion professionnelle ? (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée chargée de l'enfance, de la jeunesse et des familles .  - Oui, les familles françaises ont évolué ; elles ont plusieurs visages. Mais une inégalité perdure, entre le parent qui s'arrête et celui qui ne s'arrête pas.

Plus de la moitié des parents ne prennent plus la prestation partagée d'éducation de l'enfant (PreParE), qui éloigne du travail et creuse les inégalités.

Accompagner les familles, c'est les regarder telles qu'elles sont et leur apporter de nouvelles réponses : soutien de la parentalité, accompagnement des 1 000 premiers jours, droits nouveaux.

La classe moyenne n'a pas accès à la PreParE, qui est forfaitaire. Deux parents qui travaillent ne se poseront pas la question de rester ou pas auprès de leur nouveau-né.

Nous voulons ouvrir un nouveau droit aux deux parents, à temps égal - trois mois chacun -, à un niveau proportionnel au salaire, et qui réduit l'inégalité fréquente entre celui du père et celui de la mère. Nous permettrons ainsi à la classe moyenne de se poser la question. La concertation avec les associations et les organisations syndicales et patronales a commencé.

Nous voulons simplifier la vie de toutes les familles françaises, notamment les familles monoparentales, plus vulnérables. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Droit de grève

M. Philippe Tabarot .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Jean-François Longeot applaudit également.) À 65 jours des jeux Olympiques (JO), le chantage à la grève tourne à plein régime. Pas de trêve olympique pour les mobilités, ni les finances publiques ! (Murmures sur les travées du groupe CRCE-K)

Devenue préalable à toute négociation, la grève est une arme de destruction sociale. Il est temps d'en finir avec l'action de certains syndicats irresponsables qui préfèrent la nuisance maximale à la fierté de travailler pour son pays pendant les Jeux. (Protestations sur les travées du groupe CRCE-K)

Depuis 1947, pas une année sans grève à la SNCF.

M. Ian Brossat.  - Eh oui !

M. Philippe Tabarot.  - Cette nouvelle grève arrive après un accord dit historique sur les retraites, censé apaiser le climat social... Il n'a tenu que quinze jours. (M. Fabien Gay ironise.)

Cette machine infernale ne s'arrêtera plus. Les Français ne vous ont pas élus pour subir ce chantage. Au Sénat, nous avons voté pour que le droit de grève n'anéantisse plus les autres droits fondamentaux, comme se déplacer ou entreprendre.

Monsieur le ministre, cela fait quoi d'être passé en quelques jours de ministre des transports à ministre de la grève ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées des groupes UC et INDEP)

M. Patrice Vergriete, ministre délégué chargé des transports .  - J'ai toujours défendu le dialogue social et le droit de faire grève, mais j'ai toujours appelé à la responsabilité de chacun, direction et syndicats.

La grève d'hier ciblait les modalités de compensation des agents SNCF durant les JO. Cette négociation est-elle légitime ? Oui : les agents seront mobilisés, une compensation est légitime.

M. Fabien Gay.  - Même la droite vous le dit !

M. Patrice Vergriete, ministre délégué.  - Mais la grève d'hier était une grève préventive, ce qui n'est pas acceptable. Notre pays est décidément bien immature en matière de démocratie sociale. D'un côté on fustige un accord d'entreprise, de l'autre on négocie par la menace.

Monsieur le sénateur, vos propositions de loi auraient-elles changé la situation que nous avons connue hier en Île-de-France ? Non : la grève a eu lieu en dehors des vacances scolaires et des week-ends prolongés. J'appelle tous les acteurs à retrouver le sens de la démocratie sociale. (Applaudissements sur quelques travées du RDPI)

M. Philippe Tabarot.  - Votre appel à la responsabilité n'est guère écouté ! Nous avons l'impression d'un jeu de rôles scandaleux. Votre complicité avec les syndicats (M. Fabien Gay sourit) exaspère les Français confrontés aux difficultés quotidiennes. (Protestations à gauche) Reprenez les choses en main, que l'on puisse se déplacer en toute sérénité ! Rétablissez des moyens de transport à la hauteur d'une démocratie comme la nôtre. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Stratégie de Stellantis

M. François Bonhomme .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La fin annoncée du moteur thermique d'ici dix ans est un défi majeur pour le secteur automobile. La Chine a une avance considérable dans la production de petits véhicules, que nous avons délocalisée.

Carlos Tavares a annoncé la semaine dernière que Stellantis allait commercialiser dans son réseau de concessionnaires deux nouveaux modèles de véhicules électriques de marque chinoise.

Où en est le réarmement industriel de la France ? (Applaudissements sur de nombreuses travées du groupe Les Républicains)

M. Roland Lescure, ministre délégué chargé de l'industrie et de l'énergie .  - La transition vers la fin du moteur thermique est une décision européenne. C'est le sens de l'histoire : ce doit être l'occasion de réindustrialiser la France et l'Europe. Il faut produire des véhicules électriques chez nous. Nous construisons cinq gigafactories qui permettront, à terme, de fabriquer en France plus de deux millions de batteries. (M. Fabien Gay proteste.) C'est de la valeur ajoutée pour les véhicules fabriqués et assemblés en France. Nous projetons de produire en France un million de véhicules électriques, deux millions à terme. Une grande part sera de marque Stellantis, mais également de marque Renault, qui produira la Renault 5 électrique en France dès l'année prochaine. Je salue cette décision.

Stellantis a noué un partenariat avec la Chine pour pénétrer le marché chinois, et pour exporter en Europe des véhicules fabriqués en Chine. C'est son choix. Soyons clairs : la naïveté, c'est terminé ; le monde plat, c'est terminé ; être le dernier ravi de la crèche, c'est terminé.

Le leasing social a connu un fort succès, avec 50 000 véhicules commandés. Le dispositif sera prorogé. Le bonus automobile ne concerne que les véhicules fabriqués en France ou en Europe. Résultat, la part de marché des véhicules non européens est passée de 55 % à 25 %. Nous devons réserver les aides publiques aux constructeurs qui choisissent la France ou l'Europe. (Applaudissements sur les travées du RDPI et du groupe INDEP)

M. François Bonhomme.  - Votre réponse traduit vos atermoiements. C'est votre majorité au Parlement européen, sous l'influence du dogmatisme écologique, qui a imposé la fin du moteur thermique en 2035, sans aucune étude d'impact. L'industrie chinoise, elle, dispose d'avantages compétitifs majeurs dans la voiture électrique. Notre secteur industriel sera fragilisé.

Les constructeurs automobiles demandent eux-mêmes le report de cette échéance. Aucun autre continent n'a pris une telle décision, qui masque mal notre déclassement industriel, alors que notre déficit commercial atteignait 5 milliards d'euros en 2023 !

Vous dites vouloir réarmer notre industrie, mais ne disposez que d'un pistolet à bouchon.

En l'absence de stratégie industrielle protectrice, nous subirons le dumping social des entreprises chinoises, dopées aux aides d'État.

Le véhicule électrique produit en France devait être l'eldorado de la mobilité du futur : il n'est qu'un mirage ! Le réveil risque d'être brutal. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Zones de revitalisation rurale

Mme Anne-Sophie Romagny .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) La réforme des zones de revitalisation rurale (ZRR), certes louable, pénalisera 2 000 communes - 180 dans mon département de la Marne  - qui subiront une sortie sèche, avec des conséquences en matière de fiscalité, d'installation des professionnels de santé, de soutien aux agences postales et aux entreprises.

Vous assuriez qu'aucune commune ne resterait sur le carreau, mais l'échéance du 1er juillet 2024 approche et nous ne voyons rien venir.

Certaines communes sortent du dispositif car elles se portent mieux financièrement -  parfait ! Mais quid de celles qui sortent cette année, ou qui ont été sorties en 2017 et maintenues artificiellement, sans que les maires ne soient avertis ? De celles qui sortent du dispositif car mariées de force dans un EPCI ? Le critère de l'Insee de bassin de vie est trop large et ne correspond pas à la réalité.

La ruralité, c'est 20 % de la population mais 80 % du territoire. Que proposez-vous pour ces communes ? Un maintien dans le dispositif, le temps que leurs projets aboutissent ? Des mesures spécifiques d'accompagnement ?

Ne me répondez pas « Petites Villes de demain » ou « Villages d'avenir », vous seriez hors sujet. Les élus attendent une réponse concrète. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité .  - Le Sénat connait bien cette réforme, qui aboutit à zoner 17 700 communes. La loi de finances pour 2024 a fixé l'échéance du 1er juillet pour se laisser le temps de la concertation au cas par cas. Nous avons ajusté les critères dans de nombreux départements.

Nous travaillons avec beaucoup de sénateurs et avons trouvé beaucoup de solutions. Sur les 611 communes de la Marne, 180 sortent du dispositif. Comme je l'ai proposé au sénateur Pointereau, ou à la sénatrice Borchio Fontimp (marques d'ironie à droite), je vous propose une visioconférence la semaine prochaine, pour travailler sur cette réforme, afin de la rendre plus fine, plus concrète et plus efficace pour la Marne. (On feint de s'offusquer sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Nathalie Goulet.  - Il n'y a pas que la Marne !

Situation en Nouvelle-Calédonie (I)

M. Claude Malhuret .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) En route vers la Nouvelle-Calédonie, le Président de la République doit affronter un double défi : conforter le retour à l'ordre et sauvegarder la possibilité d'un accord global - institutionnel, politique et économique - avec tous les acteurs.

Monsieur le Premier ministre, pouvez-vous faire le point sur les conditions de sécurité ? Les informations que nous entendons sont contradictoires selon les interlocuteurs, à Paris ou à Nouméa.

Le Président de la République a annoncé l'installation d'une mission. Pouvez-vous déjà nous donner quelques précisions ?

Les ingérences étrangères ont joué dans le déclenchement des violences. Contrairement à ceux qui portent plainte contre l'État car ils estiment que des messages TikTok invitant à « brûler les maisons des blancs » participent du débat démocratique, j'approuve votre décision de suspendre cette plateforme en Nouvelle-Calédonie. (Applaudissements sur quelques travées des groupes INDEP, UC et du RDPI)

Comment le Gouvernement répond-il à l'immixtion de ce réseau chinois, et à celle de l'Azerbaïdjan, dans nos affaires intérieures ? S'y ajoute la provocation russe d'une cyberattaque massive, cette nuit, destinée à mettre à bas le réseau internet de l'île. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur quelques travées des groupes UC et Les Républicains)

M. Gabriel Attal, Premier ministre .  - Les violences qui secouent la Nouvelle-Calédonie depuis plus d'une semaine sont très graves. La situation reste tendue et fragile. En quelques jours, des quartiers ont été ravagés, des bâtiments détruits, des magasins pillés. Des dizaines de personnes ont été blessées. Deux gendarmes ont perdu la vie ; ils s'étaient engagés pour la plus noble des missions : faire respecter les lois de la République. Je veux leur rendre hommage, saluer leur bravoure, dire la solidarité de la Nation.

Quatre personnes ont perdu la vie lors des émeutes. J'adresse mes pensées à leur famille : je ne me résoudrai jamais à ce que des jeunes meurent dans une spirale de violence.

Notre priorité est le rétablissement de l'ordre et le retour au calme. Le Président de la République a présidé trois conseils de défense et de sécurité ; l'état d'urgence a été déclaré, un couvre-feu instauré, les rassemblements interdits, l'accès à un réseau social suspendu.

J'ai présidé cinq comités interministériels de crise. Un pont aérien a permis de déployer sur place un millier de forces de sécurité intérieure supplémentaires : elles seront bientôt plus de 3 000, le double d'avant la crise. Nous sommes pleinement mobilisés.

Des opérations d'ampleur ont été menées : 90 barrages démantelés, 306 émeutiers interpellés. Le garde des sceaux a pris une circulaire pénale appelant à la plus grande fermeté ; des mandats de dépôt sont prononcés. Un tel déchaînement de violence ne saurait rester impuni.

Sur place, la situation reste difficile. Il faut continuer à lever les barrages et reprendre le contrôle de l'ensemble des quartiers de Nouméa et des villes de l'agglomération.

Enfin, il y a l'enjeu de l'approvisionnement en denrées alimentaires et de l'accès aux soins. La Nouvelle-Calédonie dispose de stocks pour plusieurs semaines, mais le réseau de distribution a été fragilisé ; le haut-commissaire a pris des mesures pour rétablir les circuits de distribution.

Ensuite, il y a l'enjeu de la reconstruction. Le ministre de l'économie a reçu l'ensemble des forces économiques par visioconférence : ce matin même, il discutait avec les assureurs et les banquiers. Nous restons sur le qui-vive tant que la vie normale n'aura pas repris.

Ces émeutes remettent en cause la capacité pour les communautés de Nouvelle-Calédonie à vivre ensemble, à écrire un destin commun. Ce vivre-ensemble, qui a guidé les accords de Matignon et de Nouméa, guide aussi notre action. Je salue la responsabilité des forces politiques de Nouvelle-Calédonie qui ont appelé au calme. Il n'y a pas de dialogue possible quand il y a de la violence, mais des avancées immenses sont possibles quand le dialogue se noue.

Le Président de la République se rend en Nouvelle-Calédonie, au contact des forces vives, pour engager une discussion en vue de faire émerger un accord politique global ; le groupe de contact restera sur place autant qu'il le faudra. Le chemin du pardon et de l'avenir, comme l'appelait de ses voeux le Président il y a un an, voilà ce vers quoi nous sommes engagés. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Situation en Nouvelle-Calédonie (II)

Mme Annick Girardin .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Monsieur le Premier ministre, la Nouvelle-Calédonie est à genoux, sa population choquée et meurtrie. Chacun a condamné les actes injustifiables qui ont fait six morts et des blessés. L'économie est en berne, la société déchirée. Je salue les forces de l'ordre et les sauveteurs pour leur engagement sans faille.

Le marasme économique est attisé par des souffleurs de braise. Pourtant, le processus de décolonisation est unique, avec quatre référendums en trente ans. Mais nous voilà revenus aux mêmes questionnements qu'en 1988.

Nous saluons la décision du Président de la République de se rendre sur place. Mais, au-delà d'envoyer un message aux pays voisins, quel est son dessein ? Se dirige-t-on vers des accords de l'Élysée ? Quelles seront les prérogatives de la future mission ?

Michel Rocard disait que la paix était le courage de transformer l'ennemi en interlocuteur. La solution ne pourra pas être que martiale et institutionnelle, et le pays ne pourra se reconstruire qu'avec le soutien de toutes - je dis bien toutes - les forces vives. (Applaudissements sur les travées du RDSE ; MM. Grégory Blanc et Jean-Marc Vayssouze-Faure applaudissent également.)

M. Gabriel Attal, Premier ministre .  - Vous connaissez bien l'histoire et les enjeux de la Nouvelle-Calédonie et mesurez la gravité d'un retour quarante ans en arrière. Mais nous ne laisserons pas faire. Nous agissons pour rétablir l'ordre et faire face aux conséquences des émeutes. Le ministre de l'économie et des finances a rencontré les acteurs locaux pour aider à la reconstruction économique et sociale.

Nous engageons toutes nos forces pour créer les conditions du dialogue et d'un accord politique global.

En se déplaçant, le Président de la République veut témoigner aux Calédoniens la solidarité de la Nation et renouer le fil du dialogue entre indépendantistes et non-indépendantistes. Sa mission, composée de hauts fonctionnaires, restera en Nouvelle-Calédonie le temps nécessaire. Déjà venu deux fois en Nouvelle-Calédonie depuis 2017, il s'y rend une nouvelle fois pour trouver un accord politique global.

J'ai présidé cinq cellules interministérielles de crise. J'ai réuni vendredi soir à Matignon les présidents des deux chambres et les représentants des groupes politiques. Dans les mois à venir, avec le ministre de l'intérieur et des outre-mer et la ministre déléguée chargée des outre-mer, je suivrai l'évolution des discussions, afin de parvenir à un accord politique global avec la Nouvelle-Calédonie. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées du groupe INDEP et du RDSE)

Situation en Nouvelle-Calédonie (III)

Mme Mélanie Vogel .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) Pour de nombreux compatriotes, l'embrasement de la Nouvelle-Calédonie, les violences, les morts ont été un grand choc. Mais beaucoup d'entre nous ont eu à la bouche le goût amer de la catastrophe annoncée. Les fautes de la France depuis 2020, comme le refus de reporter le troisième référendum, ne pouvaient que conduire au drame, au feu et au sang. L'histoire jugera.

L'heure n'est pas à la comptabilisation des torts, mais à leur réparation. On ne peut pas décoloniser en jouant les cow-boys et en bombant le torse, mais seulement en étant humble, impartial et digne.

Pour renouer avec l'héritage des accords de Nouméa, il faut d'abord dire : « pardon » - ce qui n'est pas se rabaisser, mais grandir. Il faut aussi agir, c'est-à-dire retirer ce texte maintenant ! (Applaudissements sur les travées du GEST et sur plusieurs travées du groupe SER)

Aucune solution pacifique, juste et digne n'est possible sans cela. Il faut aussi clarifier les responsabilités - le Premier ministre doit reprendre en main ce dossier - et les contours de la mission de dialogue. Alors nous aurons une chance que la France ne rate pas la totalité du processus de décolonisation. (Applaudissements sur les mêmes travées)

M. Gabriel Attal, Premier ministre .  - La situation en Nouvelle-Calédonie est grave et appelle à la discussion, pas aux anathèmes.

Oui, il y a des violences. Comme l'ensemble des acteurs politiques calédoniens, il est important que nous les dénoncions tous, car la violence n'est ni tolérable ni justifiable.

Vous avez parlé de bomber le torse ou de jouer les cow-boys. Je vous parle de la possibilité pour les Calédoniens de vivre en sécurité, de manger, de se soigner. (M. Thomas Dossus proteste ; MM. Jean-Michel Arnaud et Olivier Cadic applaudissent.)

Le retour à l'ordre est un préalable à tout, y compris au vivre ensemble. (M. Yannick Jadot lève les bras au ciel en signe de protestation ; M. François Patriat applaudit.) Ce vivre ensemble est le fil rouge de quarante ans de dialogue et d'échanges.

M. Yannick Jadot.  - Même Édouard Philippe vous a alerté !

M. Gabriel Attal, Premier ministre.  - Tous les indépendantistes et les non-indépendantistes ont appelé à la fin de la violence. Il faut faire avancer le dialogue par un accord politique global, au bénéfice de la Nouvelle-Calédonie. Le Président de la République a toujours été clair : l'an dernier, il a parlé du chemin du pardon, mais aussi du chemin de l'avenir.

J'ai présidé il y a quelques semaines la cérémonie nationale de l'abolition de l'esclavage, qui se tenait pour la première fois, non pas au jardin du Luxembourg, mais à La Rochelle - j'en remercie le président Larcher. La France regarde son histoire en face.

À côté du chemin du pardon, il y a le chemin de l'avenir, que nous devons trouver tous ensemble. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur quelques travées du RDPI et des groupes UC et Les Républicains)

Situation en Nouvelle-Calédonie (IV)

Mme Audrey Bélim .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Qui aurait imaginé, en 2024, une épidémie de choléra en France ? Qui aurait imaginé un haut-commissaire parler de guerre civile en France ?

La situation critique dans les outre-mer résulte d'une absence de politique, d'écoute et de compréhension pour nos territoires.

Depuis 2017, il y a eu des assises, des livres bleus, des comités interministériels des outre-mer (Ciom), mais pour quel résultat ? Toujours une réaction face à l'urgence. Le choléra à Mayotte et les violences en Nouvelle-Calédonie étaient prévisibles, car nous vous avions alertés. Près de 36 % des Réunionnais vivent sous le seuil de pauvreté, 77 % à Mayotte, et je ne parle pas des violences urbaines.

Je suis réunionnaise, ultramarine et française, libre, fraternelle et solidaire ! Je demande que tous les moyens de l'État soient déployés contre le choléra comme s'il avait lieu dans l'Hexagone. Ne donnez pas le sentiment que la vie d'un enfant de 3 ans vaut moins à Mayotte ou ailleurs dans les outre-mer que dans l'Hexagone.

Nos concitoyens attendent toujours l'égalité réelle, votée à l'unanimité par le Parlement ! Allez-vous enfin croire en nous et construire avec nous, en y consacrant des moyens budgétaires suffisants ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST, ainsi que sur quelques travées du groupe CRCE-K)

M. Gabriel Attal, Premier ministre .  - Je l'ai vu dans les différentes fonctions ministérielles que j'ai exercées : nos outre-mer sont une chance et une richesse inouïes pour notre pays. Mais ils traversent de grandes difficultés, que nous connaissons aussi en métropole, mais d'une ampleur bien plus grande, en matière de transition écologique et sociale, de sécurité. La responsabilité de l'État, c'est d'investir pour que nos territoires ultramarins affrontent ces très grandes difficultés.

M. Hervé Gillé.  - Qu'avez-vous fait depuis sept ans ?

M. Gabriel Attal, Premier ministre.  - Avons-nous réglé tous les problèmes depuis 2017 ? Non, bien sûr - je suis lucide.

Mais nous avons massivement investi dans la politique de la ville et pour l'éducation. Ainsi, en tant que ministre de l'éducation nationale, j'ai vu à La Réunion les effets des mesures prises en matière d'éducation prioritaire. Il reste des difficultés de pouvoir d'achat, causées par l'envolée des prix de l'énergie et de l'essence.

Nous avons obtenu une avancée majeure avec l'Union européenne pour le renouvellement des flottes de pêche, mais il faut continuer à agir. Mon gouvernement sera mobilisé. Un nouveau Ciom se tiendra dans les prochains mois. Il s'agit d'assurer aux habitants d'outre-mer de pouvoir vivre dignement en sécurité, avec une éducation de qualité pour leurs enfants. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées du groupe UC)

Réforme de la fonction publique

M. Jean-Gérard Paumier .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Monsieur le ministre, notre service public est au coeur du contrat social. Nos fonctions publiques - territoriale, hospitalière et d'État - sont des biens nationaux, auxquels nos compatriotes sont attachés.

Cinq ans après la loi du 6 août 2019, votre débat sur la réforme de la fonction m'interpelle. Par son calendrier, d'abord : il intervient après une crise du covid qui a fragilisé la fonction publique hospitalière et une période de forte hausse de prix qui a rogné le pouvoir d'achat des 5,5 millions de fonctionnaires.

Par sa méthode, ensuite : le discours unilatéral lors de rencontres de terrain, comme ce vendredi à Amboise, ne saurait faire oublier l'insuffisance de la concertation préalable avec les centres de gestion et les syndicats de fonctionnaires.

Quant au contenu, enfin, vous vous focalisez sur les aspects statutaires, comme le licenciement et la rémunération au mérite, sans fixer d'ailleurs de critères précis, ainsi que la suppression emblématique des catégories A, B, C, au moment où les secrétaires de mairie attendent leur décret à ce sujet... Tout cela risque d'être perçu moins comme une avancée que comme une remise en cause de fondamentaux.

Monsieur le ministre, envisagez-vous donc d'infléchir le calendrier, la méthode et le contenu de votre réforme ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Mickaël Vallet applaudit également.)

M. Stanislas Guerini, ministre de la transformation et de la fonction publiques .  - Le Premier ministre a rendu hommage il y a quelques heures aux agents de la pénitentiaire décédés, aux côtés de leurs frères d'armes. Nous avons vu des agents publics investis, nous savons ce que nous leur devons. Je suis fier d'être leur ministre.

Mais regardons les choses en face : la fonction publique n'est plus attractive ; le nombre de candidats aux concours a été divisé par deux.

Depuis deux ans, nous avons consacré 14 milliards d'euros aux hausses de salaire des agents -  les plus fortes en 37 ans. Nous avons travaillé sur leurs conditions de travail, le logement, la santé avec les syndicats.

Mais il y a des blocages, des rigidités. Dans votre beau département d'Indre-et-Loire, j'ai entendu des employeurs territoriaux qui ne pouvaient pas titulariser leurs apprentis ; des secrétaires de mairie empêchées d'évoluer du fait des quotas de promotion ; des professeurs qui devaient attendre vingt ans pour accéder au deuxième grade ; des agents de préfecture dont l'engagement n'était pas pris en compte dans leur rémunération.

Ce sont tous ces sujets qu'il faudra régler avec les agents et les syndicats, que je recevais, hier encore, pour préparer une réforme nécessaire à notre fonction publique. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Jean-Gérard Paumier.  - Dans un climat social tendu, mon propos est de vous alerter, faute de vous convaincre. Mais si vous dédaignez les mises en garde, souvenez-vous des mots de Chateaubriand prononcés en ces lieux : « Inutile Cassandre, il ne me reste qu'à m'asseoir sur les débris d'un naufrage que j'ai tant de fois prédit ».

« Choc des savoirs »

Mme Colombe Brossel .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Depuis février, pas un jour sans un rassemblement, une manifestation, une journée de grève ou une opération « collège désert » contre le prétendu « choc des savoirs ».

Enseignants, personnel de direction, inspecteurs, parents d'élèves : tous refusent les groupes de niveau, car ils refusent le tri social. Ils n'en peuvent plus des annonces perlées alors que les dotations horaires globales sont déjà arrêtées. Un groupe de niveau en maths, c'est la fin d'une option latin ; un groupe de niveau en français, c'est la fin de demi-groupes en langues ou en SVT.

Faute de candidats aux concours, vous en êtes réduits à supplier les professeurs retraités de revenir assurer ces groupes de niveaux. Vous faites appel aux contractuels. Confier les plus fragiles aux plus fragiles, il fallait l'inventer !

À l'heure où l'école publique a besoin d'un choc de moyens et d'un choc de confiance, allez-vous mettre fin aux groupes de niveau ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST)

Mme Nicole Belloubet, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse .  - Non, non et non, je ne partage pas votre analyse sur le choc des savoirs.

Non, il ne s'agit pas d'un tri social. Les dispositifs annoncés par Gabriel Attal visent à faire progresser tous nos élèves. Cette ambition partagée se traduit des groupes de besoins en sixième et en cinquième, en français et en mathématiques, adaptés aux besoins de nos élèves, avec une pédagogie différenciée. Il y aura un brassage de ces groupes en cours d'année.

Non, quand vous évoquez l'insuffisance des moyens. Nous avons créé des emplois supplémentaires et consacré 2 200 ETP à la création des groupes ; nous faisons au mieux pour avoir l'ensemble des professeurs devant les élèves.

Non, nous ne « supplions » pas les gens de venir enseigner, nous prenons acte d'une tendance générale en Europe. L'éducation nationale a du mal à recruter, en France et ailleurs - preuve que ce n'est pas qu'une question de rémunération. D'ailleurs, la France a fait un effort considérable depuis 2017 pour améliorer la rémunération de nos enseignants, qui est passée de 1 800 à 2 100 euros en début de carrière.

Nous faisons porter l'effort sur la formation initiale pour renforcer l'attractivité du parcours, avec le concours au bout de la troisième année et une poursuite de la formation.

Ces mesures visent à renforcer notre système éducatif. C'est notre seul objectif. (M. François Patriat applaudit.)

Mme Colombe Brossel.  - Votre réponse m'inquiète. J'ai l'impression d'un monde parallèle... Tous les jours, nous sommes alertés sur les conséquences néfastes de ces groupes de niveaux !

Quand on a raison seule contre tous, madame la ministre, c'est généralement qu'on a tort. Il n'y a pas un chercheur en sciences de l'éducation qui soutienne votre projet. Cinq directeurs généraux de l'enseignement scolaire ont dit leur opposition.

M. Mickaël Vallet.  - Et le Conseil scientifique de l'éducation nationale !

Mme Colombe Brossel.  - Parents et enseignants seront samedi dans la rue pour refuser le tri social des élèves. Nous serons nombreux à leurs côtés. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST)

Avenir de la centrale à charbon de Saint-Avold

M. Khalifé Khalifé .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Au plus fort de la crise énergétique, trois mois après avoir été licenciés pour fermeture du site, sur décision de l'État, les salariés de la centrale à charbon de Saint-Avold en Moselle, dont je salue le dévouement, avaient accepté de revenir pour sécuriser le système électrique national.

Alors que le Président de la République s'est engagé à soutenir la reconversion du site, aucune perspective ne se profile. Les salariés attendent du Gouvernement une feuille de route claire sur la conversion du charbon à la biomasse et sur la réindustrialisation par l'hydrogène.

L'échéance de 2025 approche. C'est tout un territoire, ses élus, ses entreprises partenaires, qui sont mobilisés sur ce projet, pour enfin tourner la page du charbon.

Nous confirmez-vous l'engagement du Gouvernement dans ce projet ? Quel avenir pouvez-vous annoncer aux salariés de la centrale ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Roland Lescure, ministre délégué chargé de l'industrie et de l'énergie .  - Je salue votre engagement dans votre territoire. Depuis quinze jours, les candidats aux élections européennes y défilent comme à Gravelotte...

M. Mickaël Vallet.  - À Gravelines !

M. Roland Lescure, ministre délégué.  - ... pour détailler leurs solutions miracles. Vous étiez là avant les élections, vous serez là après, auprès des salariés, auprès du territoire ; j'espère l'être aussi.

Vous le savez, le Président de la République a annoncé la sortie du charbon d'ici 2027. Impératif écologique peut rimer avec stratégie industrielle de développement dans les territoires : nous l'avons fait au Havre, où la centrale à charbon a été fermée, avec des perspectives industrielles et des emplois pour chacun des salariés concernés. Nous le ferons à Cordemais, à Gardanne et à Saint-Avold.

Nous sommes en contact étroit avec les salariés, avec l'entreprise, avec les élus. Nous avons pour seule boussole des projets économiques viables, rentables, disponibles rapidement, ayant un impact positif sur l'emploi et sur le territoire. Vous en avez mentionné certains, il y en a d'autres, dans la transition écologique, dans le recyclage du plastique. Nous les regardons tous.

Oui, nous pouvons donner un avenir à ces territoires grâce à la transition écologique, qui est une opportunité industrielle. Je m'y engage.

M. Khalifé Khalifé.  - J'ai envie de vous croire, et je vous pense sincère. Je suis prêt à discuter avec vous. Ce territoire frontalier a assez souffert ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Véronique Guillotin applaudit également.)

Déboires des agriculteurs jurassiens

M. Clément Pernot .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le Jura a gelé dans la nuit du 23 avril dernier. Les bourgeons des ceps jurassiens n'y ont pas survécu. Selon la chambre d'agriculture, les prévisions de récolte sont proches du zéro raisin.

Pour soulager nos vignerons, il faut bien sûr des exonérations fiscales et sociales à court terme, mais ces phénomènes de gel sont trop consécutifs pour parler d'aléas : c'est la conséquence d'une évolution climatique qui entraîne des floraisons trop précoces, percutées par le gel.

Les viticulteurs jurassiens sont touchés dans leur chair. Les anciens s'interrogent sur leur succession ; les jeunes, endettés, sur leur avenir. Tous sont pessimistes.

Dans le même temps, les prévisions concernant la ressource en eau sur la montagne jurassienne sont apocalyptiques, ce qui menace sa filière d'excellence, le comté. Autre malheur : la forêt du massif jurassien est gravement malade. C'est toute l'agriculture du Jura qui est en péril à moyen terme. Au nom de tous les agriculteurs, de la vigne, des champs et de la forêt, je vous implore d'agir, pour que nous cessions de subir.

D'autres terroirs connaissent les mêmes déboires. C'est pourquoi il faut un plan Marshall agricole au niveau national, à décliner à l'échelle départementale. Il ne devra pas être le réceptacle de délires écologiques militants, mais porter des solutions adaptées.

M. le président.  - Veuillez conclure.

M. Clément Pernot.  - Le président du conseil départemental du Jura est prêt à vous accompagner dans cette démarche. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Sylvie Vermeillet applaudit également.)

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire .  - J'adresse tout mon soutien aux agriculteurs du Jura, au nom du ministre de l'agriculture, retenu à l'Assemblée nationale. Le Gouvernement se tiendra à leur côté.

Notre agriculture, notre viticulture sont frappées de plein fouet par le dérèglement climatique, dont notre politique agricole doit tenir compte. Le Gouvernement répond présent : 1,3 milliard d'euros en soutien à la transition agroécologique ; 1,3 milliard d'euros également pour les viticulteurs. Nous devons aussi construire des projets de long terme, territoire par territoire, en anticipant l'impact du dérèglement climatique sur la ressource en eau, afin de proposer des solutions, aux jeunes agriculteurs en particulier.

Les Pyrénées-Orientales, frappés par la sécheresse, sont le laboratoire de notre plan Méditerranée, doté de 50 millions d'euros. Nous mènerons cette approche, territoire par territoire, culture par culture, en tendant la main aux organisations professionnelles agricoles.

La séance est suspendue à 16 h 30.

Présidence de M. Loïc Hervé, vice-président

La séance reprend à 16 h 40.

CMP (Nominations)

M. le président.  - Des candidatures pour siéger au sein de la commission mixte paritaire (CMP) chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à accroître le financement des entreprises et l'attractivité de la France ont été publiées.

Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n'a pas reçu d'opposition dans le délai d'une heure prévu par notre règlement.

Transformation des bureaux en logements (Procédure accélérée - Suite)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à faciliter la transformation des bureaux en logements.

Discussion des articles

Article 1er

M. le président.  - Amendement n°29 rectifié, présenté par MM. Gremillet, J.P. Vogel, Paccaud et de Legge, Mme Jacques, M. Panunzi, Mme Puissat, M. Burgoa, Mme M. Mercier, MM. Somon et Genet, Mme Gruny, MM. Reynaud et Brisson, Mme Gosselin, M. D. Laurent, Mmes Evren et Garnier, MM. Duplomb, J.M. Boyer, Lefèvre, Menonville et Saury, Mmes Muller-Bronn, Ventalon et Lassarade, M. Bruyen, Mmes Primas et Belrhiti, M. Sido, Mme F. Gerbaud, M. Anglars, Mme Pluchet, M. Houpert, Mme Micouleau et MM. Meignen et Bouchet.

Alinéa 2, première phrase

Après la seconde occurrence du mot :

habitation,

insérer les mots :

y compris pour les bâtiments ruraux qui n'ont plus de vocation agricole

M. Daniel Gremillet.  - Cet amendement élargit l'ambition de la proposition de loi, au-delà de la seule transformation de bureaux vacants en logements. Il s'agit d'envoyer un signal aux territoires ruraux, où d'anciens corps de ferme sont devenus des verrues au coeur des villages. Transformons des bâtiments agricoles en logements afin d'avoir des capacités d'accueil supplémentaires dans nos villages.

Mme Martine Berthet, rapporteure de la commission des affaires économiques.  - La dérogation prévue à l'article 1er s'appliquera sans restriction. Le PLU liste les bâtiments qui peuvent faire l'objet d'un changement de destination ; les bâtiments agricoles sont concernés. Votre amendement est donc satisfait. Il reste cependant un verrou fiscal, mais vous avez déposé plusieurs amendements à l'article 2.

Dans l'attente d'une véritable réforme fiscale, avis favorable.

M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué chargé du logement.  - Les bâtiments agricoles sont bien inclus dans le champ du texte : la dérogation s'applique à tous les bâtiments autres que ceux d'habitation. Votre amendement est donc satisfait ; retrait, sinon avis défavorable.

M. Daniel Gremillet.  - Je remercie Mme la rapporteure. J'ai déposé d'autres amendements ; nous en débattrons. Envoyons un signal. Si mon amendement est satisfait, alors nulle difficulté à l'inscrire dans la loi.

L'amendement n°29 rectifié est adopté.

M. le président.  - Amendement n°31, présenté par Mme Berthet, au nom de la commission des affaires économiques.

I.  -  Alinéa 2

1° À la fin de la première phrase

Remplacer les mots :

, même si le plan local d'urbanisme ou le document en tenant lieu ne l'autorise pas

par les mots :

en dérogeant aux règles relatives aux destinations du plan local d'urbanisme ou du document en tenant lieu

2° Au début de la deuxième phrase

Remplacer les mots :

La dérogation aux règles relatives aux destinations du plan local d'urbanisme ou du document en tenant lieu

par les mots :

L'autorisation de changement de destination

3° À la dernière phrase

Remplacer les mots :

la dérogation

par les mots :

l'autorisation de changement de destination

II.  -  Alinéa 3, au début

Remplacer les mots :

La dérogation

par les mots :

L'autorisation de changement de destination

III.  -  Alinéa 4

Remplacer la première occurrence du mot :

la

par le mot :

une

IV.  -  Alinéa 5

Remplacer les mots :

la demande de dérogation est transmise par l'autorité compétente mentionnée au premier alinéa

par les mots :

l'autorité compétente mentionnée au premier alinéa du présent article transmet également une demande de dérogation

Mme Martine Berthet, rapporteure.  - Clarification rédactionnelle.

M. le président.  - Amendement n°9, présenté par le Gouvernement.

Alinéas 3 à 5

Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :

« Un décret en Conseil d'État fixe les conditions dans lesquelles l'autorité compétente en matière de plan local d'urbanisme ou de document en tenant lieu est associée à l'octroi de la dérogation mentionnée au premier alinéa.

M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué.  - Il s'agit de préciser les modalités d'application des alinéas 3 et 5 par voie réglementaire.

Mme Martine Berthet, rapporteure.  - En effet, certains éléments - comme la fixation des délais d'instruction des demandes de permis de construire - pourraient trouver leur place dans la partie réglementaire du code de l'urbanisme. Mais votre amendement supprime les trois quarts de l'article, notamment l'avis conforme de l'autorité compétente en matière de PLU et l'avis simple du maire. Avis défavorable.

M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué.  - L'amendement n°31 n'est pas que rédactionnel. Évitons toute confusion avec la notion d'autorisation qui renvoie davantage à l'autorisation de construire. Demande de retrait au profit de l'amendement n°9 du Gouvernement.

L'amendement n°31 est adopté.

L'amendement n°9 n'a plus d'objet.

M. le président.  - Amendement n°6 rectifié, présenté par M. Redon-Sarrazy et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Après l'alinéa 2

Insérer un alinéa ainsi rédigé : 

« Dans les communes qui font l'objet d'un arrêté de carence pris en application de l'article L. 302-9-1 du code de la construction et de l'habitation, la dérogation mentionnée au premier alinéa du présent article est conditionnée à la réalisation de logements locatifs sociaux selon les modalités prévues à l'article L. 302-9-1-2 du même code.

M. Christian Redon-Sarrazy.  - Dans les communes carencées au titre de la loi SRU, tout programme doit comporter au moins 30 % de logements sociaux. Il doit en être de même pour les transformations.

M. le président.  - Amendement identique n°14, présenté par Mme Guhl, MM. Jadot, Salmon, Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard et Mellouli et Mmes Ollivier, Poncet Monge, Senée, Souyris et M. Vogel.

Mme Antoinette Guhl.  - La loi SRU est fondamentale pour la construction des logements sociaux. La dérogation ne doit pas être accordée dans les communes carencées si le projet de transformation ne comporte pas au moins 30 % de logements sociaux. Il s'agit de renforcer le parc social et de rétablir l'équité entre les communes.

M. le président.  - Amendement n°1, présenté par Mme Margaté et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky.

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

« Art. L. 152-6-....  - Sur le territoire des communes qui ne respectent pas les taux mentionnés aux I et II de l'article L. 302-5 du code de la construction et de l'habitation, l'autorisation mentionnée à l'article L. 152-6-5 du présent code ne peut être délivrée qu'en vue de la réalisation de logements locatifs sociaux au sens du IV de l'article L. 302-5 du code de la construction et de l'habitation. »

Mme Marianne Margaté.  - L'usage des bâtiments doit correspondre aux besoins les plus importants. Les logements créés dans le cadre de ces projets de transformation risquent d'intégrer le coût de la vacance des bureaux pendant plusieurs mois, voire années. Or ces logements doivent rester abordables.

Pour les villes qui ne respectent pas la loi SRU, il y a un besoin de rattrapage : nous proposons donc que les bureaux vides soient tous transformés en logements sociaux. Ce serait un signal fort avant le projet de loi sur le logement abordable.

Mme Martine Berthet, rapporteure.  - Je comprends la logique des amendements nos6 rectifié et 14, mais imposer un pourcentage de logements sociaux fragiliserait ces projets. Ce n'est, en outre, pas le bon vecteur législatif : le prochain projet de loi sur le logement abordable comprend des dispositifs de rattrapage pour les communes carencées.

L'amendement n°1 découragerait toutes les opérations de transformation, qui sont déjà très coûteuses. Retrait, sinon avis défavorable.

M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué.  - Ces amendements restreindraient le champ d'application de la loi. Nous débattrons de la loi SRU dans quelques semaines. Avis défavorable.

Mme Audrey Linkenheld.  - Quelle surprise !

M. Christian Redon-Sarrazy.  - Ce serait un frein ? Mais les mises en chantier de logements sociaux sont insuffisantes ! Nous avons l'occasion de maintenir une trajectoire. Vous nous annoncez un prochain projet de loi ; nous verrons bien !

M. Pascal Savoldelli.  - Il ne peut y avoir une fin de non-recevoir. Neuf communes des Hauts-de-Seine sont carencées en logements sociaux. Au premier trimestre 2024, 60 % des 451 000 m2 de bureaux loués ou vendus étaient dans l'Ouest parisien.

Vous pouvez parler de mixité sociale, mais vous avez l'opportunité de faire respecter la loi et de corriger une injustice.

En Île-de-France, on compte 18 000 logements sociaux pour 800 000 demandeurs, soit 45 ans d'attente... Votons ces amendements !

Mme Audrey Linkenheld.  - N'opposons pas mixité fonctionnelle et mixité sociale. Lille Métropole Habitat a lancé une belle opération de transformation de bureaux en logements, sous le label « engagés pour la qualité du logement de demain ». Pourquoi ne pas en faire autant dans les communes carencées ? Nous aurons ce débat lors de l'examen du prochain projet de loi.

Mme Martine Berthet, rapporteure.  - Il n'est pas question d'opposer ces deux mixités, mais de transformer le plus de bureaux possible, pour produire du logement. Rien n'empêche la réalisation de logements sociaux, mais ce ne sera pas une obligation.

M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué.  - L'objectif de ce texte est d'accélérer la transformation de bureaux en logements, de tous types.

Mme Audrey Linkenheld.  - Même ceux qui ne correspondent pas à la demande ! (M. Lucien Stanzione renchérit.)

M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué.  - Vous auriez tout aussi bien pu conditionner ces transformations à la réalisation de logements étudiants ou destinés aux travailleurs saisonniers... cela aurait été tout aussi légitime.

Mme Audrey Linkenheld.  - Oui ! Tous ces publics sont sociaux !

M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué.  - Trêve de polémiques. La loi SRU s'applique : une commune carencée qui transformera des bureaux en logements non sociaux restera carencée. (Protestations à gauche)

M. Pascal Savoldelli.  - Alors là, bravo !

M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué.  - Ne complexifions pas inutilement.

Mme Antoinette Guhl.  - Il ne s'agit pas de complexifier, mais de faire appliquer la loi SRU. Il serait normal d'obliger la commune à créer au moins 30 % de logements sociaux. Votre rejet de ces amendements est politique et vous vous apprêtez à détricoter la loi SRU. Assumez, monsieur le ministre !

M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué.  - J'assume !

Mme Antoinette Guhl.  - Nous aussi ! Afin que la loi SRU soit respectée, et parce que 2,4 millions de personnes attendent un logement social. (Mme Anne Souyris applaudit.)

À la demande de la commission des affaires économiques, les amendements identiques nos6 rectifié et 14 sont mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°195 :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 341
Pour l'adoption 131
Contre 210

Les amendements identiques nos6 rectifié et 14 ne sont pas adoptés.

À la demande de la commission des affaires économiques, l'amendement n°1 est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°196 :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 325
Pour l'adoption 115
Contre 210

L'amendement n°1 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°13, présenté par Mme Guhl, MM. Jadot, Salmon, Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard et Mellouli et Mmes Ollivier, Poncet Monge, Senée, Souyris et M. Vogel.

Après l'alinéa 2

Insérer un alinéa ainsi rédigé : 

« Dans le cadre d'un changement de destination d'un bâtiment ayant une destination autre que l'habitation en bâtiment à destination principale d'habitation, les locaux concernés par la procédure prévue au présent article doivent répondre aux critères de décence définis par le décret n° 87-149 du 6 mars 1987 fixant les conditions minimales de confort et d'habitabilité auxquelles doivent répondre les locaux mis en location.

Mme Antoinette Guhl.  - Cet amendement précise que les habitations issues de ces transformations respectent les critères de décence et les conditions minimales de confort et d'habitabilité. Autrement, des logements de piètre qualité risquent de proliférer.

Mme Martine Berthet, rapporteure.  - Ces logements n'ont pas tous vocation à être loués. Il serait donc curieux de les soumettre à des obligations qui ne valent que pour les biens loués.

En revanche, ils devront tous respecter la réglementation applicable aux locaux d'habitation - performance énergétique et environnementale, gestion des risques. Avis défavorable.

M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué.  - Avis défavorable.

À la demande de la commission des affaires économiques, l'amendement n°13 est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°197 :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 261
Pour l'adoption   34
Contre 227

L'amendement n°13 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°15, présenté par Mme Guhl, MM. Jadot, Salmon, Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard et Mellouli et Mmes Ollivier, Poncet Monge, Senée, Souyris et M. Vogel.

Après l'alinéa 2

Insérer un alinéa ainsi rédigé : 

« Dans le cadre d'un changement de destination d'un bâtiment ayant une destination autre que l'habitation en bâtiment à destination principale d'habitation, les locaux concernés par la procédure prévue au présent article sont attribués prioritairement aux personnes mal logées et aux personnes mentionnées à l'article L. 441-2-3-1 du code de la construction et de l'habitation.

Mme Antoinette Guhl.  - Nous proposons une solution simple, suggérée par la Fondation Abbé Pierre : ces nouveaux logements doivent être prioritairement destinés aux mal-logés et aux demandeurs Dalo (droit au logement opposable).

Mme Martine Berthet, rapporteure.  - Compte tenu du coût de ces transformations, cet amendement reviendrait à bloquer toute opération, faute de rentabilité. Or créer des logements plus haut de gamme, c'est toujours améliorer l'offre de logements. Avis défavorable.

M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué.  - Même avis.

À la demande de la commission des affaires économiques, l'amendement n°15 est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°198 :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 261
Pour l'adoption   34
Contre 227

L'amendement n°15 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°16, présenté par Mme Guhl, MM. Jadot, Salmon, Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard et Mellouli et Mmes Ollivier, Poncet Monge, Senée, Souyris et M. Vogel.

Après l'alinéa 2

Insérer un alinéa ainsi rédigé : 

« Dans le cadre d'un changement de destination d'un bâtiment ayant une destination autre que l'habitation en bâtiment à destination principale d'habitation, les locaux concernés par la procédure prévue au présent article sont attribués prioritairement aux étudiants bénéficiant d'une bourse sur critères sociaux et aux étudiants dont le lieu d'études supérieures ne dépend pas du rectorat d'origine.

Mme Antoinette Guhl.  - J'avais anticipé la suggestion du ministre : nous proposons que les étudiants, notamment boursiers, soient prioritaires en cas de transformation de bureaux en logements.

La situation du logement étudiant est critique : 233 000 logements Crous pour 3 millions d'étudiants, soit un logement pour seize étudiants... C'est une grave pénurie. Certains sont contraints d'arrêter leurs études faute de logement.

Mme Martine Berthet, rapporteure.  - Les boursiers sont déjà prioritaires pour les logements Crous. Certaines transformations permettront la réalisation de résidences universitaires plus haut de gamme, car il faut loger tous les étudiants, quels que soient leurs moyens. En outre, votre amendement priorise les étudiants boursiers sur tout autre public : c'est étrange. Avis défavorable.

M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué.  - Même avis. À Suresnes, Action Logement a transformé des bureaux pour créer 140 logements étudiants. Ces transformations bénéficieront à tous les Français, y compris aux étudiants -  on peut s'en réjouir.

En outre, le projet de loi relatif au logement abordable devrait permettre aux étudiants les plus précaires de bénéficier du bail mobilité pour accéder au logement social.

À la demande de la commission des affaires économiques, l'amendement n°16 est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°199 :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 261
Pour l'adoption   34
Contre 227

L'amendement n°16 n'est pas adopté.

L'article 1er, modifié, est adopté.

Après l'article 1er

M. le président.  - Amendement n°5, présenté par M. Redon-Sarrazy et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Après l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À la première phrase du premier alinéa du I de l'article L. 1231-2 du code général des collectivités territoriales, après les mots : « habitat dégradé », sont insérés les mots : « et la transformation des bâtiments à destination autres qu'habitation en habitations ».

M. Christian Redon-Sarrazy.  - La possibilité de déroger au PLU sera applicable partout, y compris dans les zones peu denses et pourra donc concerner d'anciennes écoles, postes ou trésoreries. L'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) doit pouvoir être sollicitée par les élus locaux pour les accompagner dans le montage de ces opérations complexes.

Mme Martine Berthet, rapporteure.  - Nous avons récemment précisé, lors de l'examen du projet de loi sur l'habitat dégradé, que l'ANCT pouvait être saisie.

La transformation de locaux en habitations conduira parfois à de profondes transformations du tissu urbain. Pour les petites communes, le concours de l'ANCT peut être précieux. Avis favorable.

M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué.  - Monsieur le sénateur, vous m'aviez déjà interrogé en commission à ce sujet. Je vous confirme que l'ANCT peut d'ores et déjà intervenir, à la demande des élus, en mettant à leur disposition une offre d'ingénierie sur mesure dès lors que l'ingénierie locale fait défaut. Votre demande est donc satisfaite. Mais si vous souhaitez envoyer un signal politique, le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

L'amendement n°5 est adopté et devient un article additionnel.

L'article 1er bis est adopté.

Article 2

M. le président.  - Amendement n°3 rectifié, présenté par Mme Blatrix Contat et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Alinéa 3

Supprimer les mots : 

instituée dans la commune ou l'établissement public de coopération intercommunale 

Mme Florence Blatrix Contat.  - Nous voulons maintenir la part départementale de la taxe d'aménagement, alors que le rapporteur a resserré le dispositif sur la seule part communale.

Cette limitation réduira les ressources des départements sans modifier substantiellement les conditions économiques des projets. Or la part départementale est cruciale dans le financement des opérations d'aménagements menées par les départements et les conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement (CAUE). Les priver de ressources serait contre-productif.

M. Stéphane Sautarel, rapporteur pour avis de la commission des finances.  - Nous ne diminuons pas les ressources des départements, nous ne les augmentons pas. L'enjeu des finances départementales ne dépend pas de ce seul texte.

Notre objectif est d'inciter les autorités en charge de l'urbanisme, c'est-à-dire le bloc communal, à autoriser les opérations. Nous limitons donc l'imposition au strict nécessaire. Aller au-delà risquerait d'alourdir le coût de ces opérations. Retrait, sinon avis défavorable.

M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué.  - Même avis.

L'amendement n°3 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°28 rectifié, présenté par MM. Gremillet, J.P. Vogel, Paccaud et de Legge, Mme Jacques, M. Panunzi, Mme Puissat, M. Burgoa, Mme M. Mercier, MM. Somon et Genet, Mme Gruny, MM. Reynaud et Brisson, Mme Gosselin, M. D. Laurent, Mmes Evren et Garnier, MM. Duplomb, J.M. Boyer, Lefèvre, Menonville et Saury, Mmes Muller-Bronn, Ventalon et Lassarade, M. Bruyen, Mmes Primas et Belrhiti, M. Sido, Mme F. Gerbaud, M. Anglars, Mme Pluchet, M. Houpert, Mme Micouleau et MM. Meignen et Bouchet.

Alinéa 3

Compléter cet alinéa par les mots : 

y compris lorsqu'il s'agit de bâtiments ruraux qui n'ont plus de vocation agricole

M. Daniel Gremillet.  - Il s'agit, ici encore, de traiter les verrues et de développer le logement locatif dans nos villages, en réglant la difficulté fiscale liée à la distinction entre corps de ferme et partie habitable.

M. Stéphane Sautarel, rapporteur pour avis.  - Je suis sensible à votre souci de trouver un juste équilibre fiscal entre les agriculteurs et les communes. Mais le code général des impôts, qui prend en compte la destination et non l'usage des locaux, prévoit déjà que la transformation de locaux agricoles est assujettie à la taxe d'aménagement. Monsieur le ministre nous le confirmera probablement.

Votre amendement étant satisfait, retrait ?

M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué.  - Je le confirme : les transformations de bâtiments ruraux en logements seront assujetties à la taxe d'aménagement si l'article 2 est adopté.

L'amendement est satisfait : retrait ?

M. Daniel Gremillet.  - Je suis satisfait et retire l'amendement.

L'amendement n°28 rectifié est retiré.

M. le président.  - Amendement n°2, présenté par Mme Blatrix Contat et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Alinéas 9 et 10

Supprimer ces alinéas.

Mme Florence Blatrix Contat.  - Cet amendement supprime l'abattement de 50 % sur la taxe d'aménagement pour les transformations. La taxe a déjà été acquittée dans la première vie du bâtiment, me dira le rapporteur. Mais les transformations seront à l'origine de coûts supplémentaires pour les collectivités -  infrastructures, espaces publics, services publics.

Dans un contexte de raréfaction des deniers publics, garantissons-leur des ressources suffisantes en supprimant cet abattement.

M. Stéphane Sautarel, rapporteur pour avis.  - Je répondrai comme à l'amendement n°3 : la taxe d'aménagement vise à financer les équipements publics rendus nécessaires par l'arrivée de nouveaux habitants -  écoles, structures petite enfance, etc. Mais de nombreux équipements existants pourront aussi être utilisés sans adaptation majeure.

C'est une mesure équilibrée, que je vous propose de conserver. Christian Redon-Sarrazy a souligné l'importance de la rentabilité de ces opérations : n'en renchérissons pas le coût fiscal. Avis défavorable.

M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué.  - Même avis.

L'amendement n°2 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°8 rectifié bis, présenté par M. J.B. Blanc, Mme M. Mercier, M. Belin, Mmes Joseph, Ventalon et Gruny, MM. Reynaud et Chaize, Mmes Micouleau et Demas, MM. Pellevat, Rapin, Anglars et Somon, Mme Evren, MM. D. Laurent, Burgoa et Daubresse, Mmes Canayer, Bellurot, Lassarade et Belrhiti et M. Bouchet.

Après l'alinéa 10

Insérer deux alinéas ainsi rédigés : 

« Pour les ope?rations de transformation de bureaux en logements, l'abattement applique? sur les 100 premiers me?tres carre?s des locaux d'habitation a? usage d'habitation principale est de 75 %.

« .... - Un abattement de 75 % est applique? sur les valeurs mentionne?es au 1° de l'article 1635 quater H pour les locaux d'habitation a? usage d'habitation principale issus d'ope?rations de transformation de ba?timents tertiaires. »

 

M. Jean-Baptiste Blanc.  - Cet amendement vise à augmenter l'abattement de la taxe d'aménagement sur les résidences principales en le faisant passer de 50 % à 75 % pour favoriser la conversion de bureaux en logements, pratique encore trop rare.

Les coûts liés à la transformation de bureaux en logements sont généralement supérieurs de 10 à 15 % à ceux d'une opération de construction traditionnelle.

Cet amendement est lié au financement du ZAN, objectif à atteindre : il faut s'y mettre.

M. Stéphane Sautarel, rapporteur pour avis.  - Je suis sensible à votre objectif, mais je vous demande le retrait de votre amendement dans un souci d'équilibre. Actuellement, le code général des impôts prévoit que les 100 premiers mètres carrés des locaux d'habitation à usage principal font l'objet d'un abattement à 50 %. Le texte de la commission prévoit déjà un tel abattement, sur la totalité de la surface.

Réduire le poids de la taxe d'aménagement pour les porteurs de projets est un objectif intéressant.

M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué.  - Je comprends votre souhait d'améliorer la rentabilité économique de ces projets. M. le rapporteur l'a dit : il faut conserver un équilibre entre la préservation des recettes des collectivités territoriales et l'accélération de la construction de logements.

Le sujet fiscal n'est pas épuisé, nous en débattrons lors de l'examen du PLF. Retrait, sinon avis défavorable.

M. Jean-Baptiste Blanc.  - Dont acte : nous en rediscuterons. Les travaux de suivi de la mise en application du ZAN sont transpartisans ; nous avons nombre de propositions fiscales et juridiques.

L'amendement n°8 rectifié bis est retiré.

L'article 2 est adopté.

Après l'article 2

M. le président.  - Amendement n°30 rectifié bis, présenté par MM. Gremillet, J.P. Vogel, Paccaud et de Legge, Mme Jacques, MM. Panunzi et Burgoa, Mme M. Mercier, MM. Somon et Genet, Mme Gruny, M. Reynaud, Mme Evren, M. D. Laurent, Mme Gosselin, MM. Brisson, Duplomb, J.M. Boyer, Lefèvre, Menonville et Saury, Mmes Muller-Bronn et Ventalon, M. Bruyen, Mmes Primas et Belrhiti, M. Sido, Mme F. Gerbaud, M. Anglars, Mme Pluchet, M. Houpert, Mme Micouleau et M. Meignen.

Après l'article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Le III de l'article 1383 du code général des impôts est complété par deux phrases ainsi rédigées : « Dans le cas d'une conversion d'un bâtiment à usage agricole en maison, les I et II s'appliquent pour une durée de cinq années supplémentaires. Cette exonération exceptionnelle est applicable jusqu'en 2031. »

II. - La perte de recettes résultant pour les collectivités territoriales du I est compensée, à due concurrence, par une majoration de la dotation globale de fonctionnement.

III. - La perte de recettes résultant pour l'État du paragraphe précédent est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

M. Daniel Gremillet.  - Cet amendement vise à faciliter la transformation de corps de fermes inutilisés en logements habitables, en exonérant pendant cinq ans supplémentaires, et non plus deux, jusqu'en 2031, les porteurs de projet de la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB). C'est un financement très important, et cela entrerait dans le calendrier du ZAN.

M. Stéphane Sautarel, rapporteur pour avis.  - En tant qu'élu rural, je partage cet objectif. Toutefois, cet amendement soulève un problème de doctrine fiscale : habituellement, on ne touche à la fiscalité que dans le cadre du PLF.

Cet amendement soulève aussi un problème d'égalité devant l'impôt, car les habitations non issues de bâtiments agricoles bénéficieraient d'une moindre exonération.

Enfin, votre amendement priverait les collectivités territoriales de ressources. Retrait ? Nous en débattrons lors de l'examen du PLF.

M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué.  - Je souscris à ces arguments, et en ajouterai un autre : le champ d'application de votre amendement est plus large que la conversion d'un bâtiment agricole en logement. La transformation serait permise aussi pour créer une usine ou un bâtiment commercial, par exemple un entrepôt logistique. C'est peut-être utile, mais ce n'est pas l'objet de la proposition de loi.

M. Daniel Gremillet.  - Interrogez les maires, ils n'en peuvent plus ! Souvent les propriétaires de ces bâtiments, vastes, en plein coeur de village, n'ont pas les moyens de les transformer en logements. Il faut traiter le problème fiscal et redonner de la lisibilité aux maires ruraux. Je retire mon amendement, mais nous en reparlerons lors du PLF 2025.

L'amendement n°30 rectifié bis est retiré.

L'article 3 bis A est adopté, de même que l'article 3 bis.

Article 4

M. le président.  - Amendement n°17, présenté par Mme Guhl, MM. Jadot, Salmon, Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard et Mellouli et Mmes Ollivier, Poncet Monge, Senée, Souyris et M. Vogel.

Alinéa 2

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

L'ordre de succession ne peut aboutir à la disparition d'une destination habitation.

Mme Antoinette Guhl.  - Cet amendement précise l'ordre de succession des destinations dans le cadre du permis de construire réversible, afin de ne pas compromettre la production de logements. Les autorisations accordées doivent respecter l'esprit du texte : les bâtiments initialement destinés à l'habitat ne doivent pas être transformés en structures à usage non résidentiel.

Mme Martine Berthet, rapporteure.  - Dans un contexte de crise du logement, je comprends votre préoccupation. Cela revient à réintégrer un ordre obligatoire de destination. Toutefois, la souplesse de la rédaction actuelle est importante : nous ne savons pas de quoi demain sera fait - sait-on jamais, une abondance de logements ?

La commission a donné aux maires la possibilité d'exiger la mention de la première destination, et donc que celle-ci soit de l'habitation. Avis défavorable.

M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué.  - Même avis.

L'amendement n°17 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°11, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 7

Supprimer cet alinéa.

M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué.  - Cet amendement supprime la possibilité pour le permis à destination multiple de bénéficier de la dérogation prévue à l'article 1er.

Comme tout permis de construire, le permis de construire à destination multiple peut bénéficier des différentes dérogations prévues dans le PLU : ils ne doivent pas en être privés.

M. le président.  - Amendement identique n°26, présenté par MM. Buis, Buval, Fouassin, Patriat, Iacovelli et Lemoyne, Mme Schillinger, M. Théophile, Mme Havet, M. Omar Oili, Mme Phinera-Horth, M. Bitz, Mmes Cazebonne et Duranton, MM. Haye, Kulimoetoke, Lévrier et Mohamed Soilihi, Mme Nadille et MM. Patient, Rambaud et Rohfritsch.

M. Bernard Buis.  - Défendu.

Mme Martine Berthet, rapporteure.  - S'agissant de deux dispositifs nouveaux, ce point n'était pas évident pour les acteurs interrogés. L'argument du risque d'a contrario qu'affectionne le Gouvernement est faible. On ne sait jamais quelles restrictions supplémentaires peuvent ressortir des décrets d'application !

Cependant, en raison de la clarification du ministre, je ne vois pas de raison de m'y opposer : avis favorable. (M. Guillaume Kasbarian la remercie.)

Les amendements identiques nos11 et 26 sont adoptés.

M. le président.  - Amendement n°10, présenté par le Gouvernement.

I.  -  Alinéa 10

1° Deuxième phrase

Remplacer le mot :

dix

par le mot :

vingt

2° Dernière phrase

Remplacer le mot :

deux

par le mot :

trois

et le mot :

cinq

par le mot :

dix

II.  -  Alinéa 12

Supprimer les mots :

, notamment les modalités d'information du titulaire du permis, en cas de modification des règles d'urbanisme mentionnées au 3° opposables au projet ayant fait l'objet du permis

M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué.  - Défendu.

M. le président.  - Amendement identique n°25, présenté par MM. Buis, Buval, Fouassin, Patriat, Iacovelli et Lemoyne, Mme Schillinger, M. Théophile, Mme Havet, M. Omar Oili, Mme Phinera-Horth, M. Bitz, Mmes Cazebonne et Duranton, MM. Haye, Kulimoetoke, Lévrier et Mohamed Soilihi, Mme Nadille et MM. Patient, Rambaud et Rohfritsch.

M. Bernard Buis.  - Cet amendement vise à augmenter le délai de validité du permis multi-destination introduit par la commission des affaires économiques. Celle-ci propose dix ans, prolongeable de cinq ans deux fois, sur demande du bénéficiaire, soit vingt ans maximum, c'est-à-dire la date à laquelle des travaux lourds doivent avoir lieu.

Nous proposons une durée de base de vingt ans, prolongeable de dix ans jusqu'à trois reprises.

Mme Martine Berthet, rapporteure.  - La durée d'un permis de construire est de trois ans, renouvelable deux fois. En commission, nous l'avons étendue à dix ans. La disposition proposée reviendrait à enlever leurs prérogatives aux collectivités territoriales ; parce que pendant vingt ans les nouvelles règles du PLU seraient inapplicables.

Figer les règles d'urbanisme pendant vingt ans me semble excessif, alors que les contraintes du ZAN et l'adaptation au changement climatique obligent à adapter rapidement les documents d'urbanisme. Avis défavorable.

M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué.  - Même si je salue l'extension prévue la rapporteure, les promoteurs ont besoin de plus de lisibilité : dix ans, c'est un peu court. Pour améliorer l'appropriation du permis à destination multiple, il faut en allonger la durée.

J'espère que les parlementaires se mettront d'accord pour donner plus de visibilité aux acteurs.

Les amendements identiques nos10 et 25 ne sont pas adoptés.

L'article 4, modifié, est adopté.

Après l'article 4

M. le président.  - Amendement n°4, présenté par M. Redon-Sarrazy et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Après l'article 4

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

En vue de favoriser la transformation des bâtiments de destination autres que d'habitation en bâtiment d'habitations, le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai d'un an après l'entrée en vigueur de la présente loi, un rapport présentant les solutions et propositions permettant de faire converger les règles de construction et de réhabilitation applicables aux immeubles destinés aux bureaux d'une part, et aux logements d'autre part.

M. Christian Redon-Sarrazy.  - Les ambitions de transformation de bureaux en logements sont freinées par des contraintes techniques qui nécessitent des travaux d'aménagement et entravent la rentabilité des opérations. Cette mutabilité des bâtiments doit s'accompagner d'une réflexion approfondie en matière de convergence entre bureaux et logements pour faciliter cette mixité fonctionnelle.

Cet amendement d'appel a pour objet d'inciter le Gouvernement à s'engager plus avant dans cette démarche, sans quoi son objectif restera vain.

Mme Martine Berthet, rapporteure.  - Plutôt que de rédiger un rapport, les administrations centrales doivent simplifier ces normes. Ce chantier réglementaire doit être mené de toute urgence, sans quoi le recyclage urbain n'accélérera jamais. Avis défavorable.

M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué.  - Même avis. Je vous rassure : nous souhaitons simplifier au maximum les règles de construction pour aller plus vite. Lors du Marché international des professionnels de l'immobilier (Mipim), j'ai annoncé cinq chantiers et dix mesures de simplification ; j'ai signé des décrets d'application, dont un décret créant des certificats de projet, pour plus de visibilité.

Le projet de loi dont nous discuterons proposera des simplifications législatives. J'annoncerai de nouvelles mesures de simplification en juin. Il est plus important de prendre des mesures législatives et réglementaires que de produire un rapport.

L'amendement n°4 est retiré.

L'article 5 est adopté.

Article 5 bis

M. le président.  - Amendement n°19, présenté par Mme Guhl, MM. Jadot, Salmon, Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard et Mellouli et Mmes Ollivier, Poncet Monge, Senée, Souyris et M. Vogel.

Compléter cet article par les mots :

, gérées par le réseau des oeuvres universitaires et scolaires mentionné à l'article L. 822-1 du code de l'éducation ou régies par des établissements publics d'aménagement

Mme Antoinette Guhl.  - Cet amendement vise à rétablir la rédaction issue de l'Assemblée nationale qui réserve le bonus de constructibilité aux résidences universitaires gérées par les Crous. La commission a élargi le bénéfice de ce bonus à l'ensemble des résidences universitaires -  régies par une multiplicité d'acteurs, dont des acteurs privés.

J'ai pointé la pénurie de logements étudiants, mais surtout de logement social étudiant ! Sans cette mesure, il y aura une abondance de logements étudiants, mais à des prix inaccessibles -  1 000 euros par mois le studio ! Ce serait une fausse bonne idée.

M. le président.  - Amendement n°24, présenté par le Gouvernement.

Compléter cet article par les mots :

, gérées par le réseau des oeuvres universitaires et scolaires mentionné à l'article L. 822-1 du code de l'éducation

M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué.  - Cet amendement vise à reprendre le texte issu de l'Assemblée nationale, qui accorde aux résidences universitaires des Crous qui ne sont pas conventionnées en logement social le même bonus de constructibilité que celui accordé aux logements sociaux, notamment les résidences universitaires sociales.

M. le président.  - Amendement identique n°27, présenté par MM. Buis, Buval, Fouassin, Patriat, Iacovelli et Lemoyne, Mme Schillinger, M. Théophile, Mme Havet, M. Omar Oili, Mme Phinera-Horth, M. Bitz, Mmes Cazebonne et Duranton, MM. Haye, Kulimoetoke, Lévrier et Mohamed Soilihi, Mme Nadille et MM. Patient, Rambaud et Rohfritsch.

M. Bernard Buis.  - Défendu.

Mme Martine Berthet, rapporteure.  - Selon le Cnous, les difficultés croissantes d'accès au logement des étudiants sont liées à une moindre rotation dans le parc ; on a un taux d'occupation physique de 95 %. Nos étudiants ont besoin de logements.

La densification peut rester l'apanage des bailleurs et des Crous ou éventuellement des établissements publics d'aménagement.

Or les résidences universitaires sont des objets bien identifiés, dont le statut et le régime sont définis dans le code de la construction et de l'habitation. Les risques de dérive sont inexistants. Par ailleurs, le bonus de constructibilité ne pourra s'appliquer que s'il est prévu dans le PLU. Avis défavorable à ces trois amendements.

M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué.  - Avis défavorable à l'amendement n°19.

L'amendement n°19 n'est pas adopté, non plus que les amendements identiques nos24 et 27.

L'article 5 bis est adopté.

Article 6

M. le président.  - Amendement n°7, présenté par M. Redon-Sarrazy et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé : 

« Le bénéfice de cette dérogation est conditionné à l'occupation des logements ainsi créés à titre de résidence principale pour une durée d'au moins trois ans à compter de la livraison des travaux permettant le changement de destination des locaux concernés. »

M. Christian Redon-Sarrazy.  - Dans sa version issue de l'Assemblée nationale, le texte prévoyait d'imposer, à peine de nullité de l'approbation de la décision de l'assemblée générale, l'usage à titre de résidence principale des locaux transformés en habitations pendant trois ans. Nous proposons de réintégrer cette obligation d'usage avec une rédaction tenant compte des observations de la commission.

M. le président.  - Amendement identique n°20 rectifié, présenté par Mme Guhl, MM. Jadot, Salmon, Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard et Mellouli et Mmes Ollivier, Poncet Monge, Senée, Souyris et M. Vogel.

Mme Antoinette Guhl.  - Défendu.

Mme Martine Berthet, rapporteure.  - La servitude de résidence principale sous peine de nullité, très difficilement applicable, a été supprimée par la commission ; elle impliquerait, si la nouvelle destination n'était pas respectée, de revenir à l'état initial, ce qui serait coûteux, alors même que la transformation aurait été déjà onéreuse et complexe. Avis défavorable.

M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué.  - Même avis.

Les amendements identiques nos7 et 20 rectifié ne sont pas adoptés.

L'article 6 est adopté.

Après l'article 6

M. le président.  - Amendement n°22, présenté par M. Buis.

Après l'article 6

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le premier alinéa du I de l'article 9 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :

« Un copropriétaire peut modifier la destination de ses parties privatives à usage d'habitation en bureau ou en commerce. Par dérogation au premier alinéa du présent I, lorsque cette modification contrevient à la destination de l'immeuble, elle est soumise à l'approbation de l'assemblée générale statuant à la majorité prévue à l'article 24. 

« À peine de nullité de l'approbation de l'assemblée générale, le bénéfice de cette dérogation est conditionné à l'occupation des bureaux ou des commerces ainsi créés pour une durée d'au moins trois ans à compter de la livraison des travaux permettant le changement de destination des locaux concernés. »

M. Bernard Buis.  - Certaines petites communes rurales manquent de bureaux. Par parallélisme des formes, il faudrait donc pouvoir transformer des logements en bureaux. Mais ce n'est pas l'esprit de la loi, aussi je retire ces amendements.

Les amendements nos22, 23 et 21 sont retirés.

L'article 7 est adopté.

Mise au point au sujet de votes

M. Jean-Luc Brault.  - Lors des scrutins publics nos195 et 196, l'ensemble des membres du groupe INDEP souhaitait voter contre.

Acte en est donné.

Vote sur l'ensemble

M. Christian Redon-Sarrazy .  - Nous voterons cette proposition de loi, mais avec le sentiment de ne pas être à la hauteur du sujet. Monsieur le ministre, vous avez rappelé les mesures prises depuis 2017, mais vous avez rejeté un amendement visant à augmenter le nombre de logements sociaux dans les communes carencées.

L'élargissement aux bâtiments qui ne sont pas des bureaux est à saluer. Il faudra mieux accompagner les collectivités territoriales. Espérons que l'ANCT le fera en matière d'ingénierie.

Réseaux de transports, écoles, services : les besoins nouveaux sont nombreux. La taxe d'habitation, supprimée, ne pourra couvrir ces besoins, non plus qu'une part de la taxe d'aménagement, dont l'exonération a été maintenue. Nous attendons le projet de loi sur le logement abordable, et d'ici là, resterons vigilants.

Mme Antoinette Guhl .  - Le groupe écologiste votera ce texte insuffisant, qui ne répond pas à l'exigence de logements sociaux, ni aux besoins en logements étudiants. Le débat nous déçoit, mais la transformation de bureaux en logements dans les grandes villes est une bonne chose. Nous avançons à petits pas.

Mme Sophie Primas .  - Sans hésitation, le groupe Les Républicains votera cette proposition de loi. Toute mesure en matière de logement est bonne à prendre actuellement. Nous avons besoin de travailler avec vous sur le logement, monsieur le ministre. Nous devrons aussi travailler sur les entrées de ville, ce que vous appelez « la France moche », où le potentiel est important.

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente de la commission des affaires économiques .  - Après le vote, hier soir, de la proposition de loi sur les meublés de tourisme, nous nous apprêtons à voter un texte qui permettra la conversion en logements de quelques dizaines de milliers de bureaux. Cette transformation prendra du temps. Nous avons accéléré les procédures tout en veillant à ne pas déposséder les maires de leurs prérogatives.

Je salue le travail de notre rapporteure, Martine Berthet, ainsi que celui de Stéphane Sautarel, rapporteur pour avis de la commission des finances, qui a prévu une fiscalité incitative pour tenir compte de l'équilibre financier des opérations, dont le coût peut atteindre 5 000 à 6 000 euros du mètre carré.

Nous débattrons prochainement d'un projet de loi sur le logement abordable. Le Sénat y prendra toute sa part. Nous avons besoin d'une relance de la demande, au-delà du choc de l'offre.

La proposition de loi, modifiée, est adoptée.

(Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains.)

M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué.  - Je vous remercie de ce vote large. Je salue le travail des rapporteurs qui ont enrichi le texte, en élargissant le type de bâtiments concernés. Bravo également pour votre modération en matière fiscale.

Je ne doute pas que nous pourrons convoquer une CMP rapidement et que le même esprit de coconstruction prévaudra pour l'examen du projet de loi sur le logement abordable. (Applaudissements sur les travées du RDPI, du RDSE, ainsi que sur les travées des groupes INDEP, UC et Les Républicains)

La séance est suspendue quelques instants.

Accord France-Allemagne sur l'apprentissage transfrontalier (Procédure accélérée)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérale d'Allemagne relatif à l'apprentissage transfrontalier. La procédure accélérée a été engagée sur ce texte.

Discussion générale

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué chargé de l'Europe .  - Je me réjouis de vous présenter ce projet de loi autorisant l'approbation de l'accord signé le 21 juillet 2023 à Lauterbourg, en Alsace, entre la France et l'Allemagne.

La coopération transfrontalière nous est chère. Nombreux sont nos concitoyens à vivre à proximité d'une frontière, voire à travailler de l'autre côté de celle-ci. Continuons à faire de la frontière franco-allemande un espace dynamique d'échanges mutuels, une passerelle, pas un obstacle.

Cette ambition est la marque d'une relation bilatérale forte, que mettra à l'honneur la visite d'État du Président de la République fin mai. C'est la preuve d'une Europe au service de ses habitants, qui facilite leur mobilité, vingt ans après Schengen. C'est enfin le signe tangible que l'engagement du Parlement en faveur de nos territoires porte ses fruits.

Dans le traité d'Aix-la-Chapelle, en 2019, nous avions souhaité soutenir la formation et l'enseignement professionnel et avions institué un comité de coopération transfrontalier, qui a relayé la volonté des acteurs locaux de conclure un accord sur l'apprentissage.

Dans son discours de la Sorbonne du 25 avril, le Président de la République a appelé de ses voeux un Erasmus de l'apprentissage. Cet accord s'inscrit dans cet objectif. C'est dans l'Europe que notre jeunesse se renforce et se perfectionne. C'est l'un des jalons pour l'avenir.

Dans la loi 3DS, le Sénat a prévu qu'une convention internationale précise les modalités de mise en oeuvre de l'apprentissage transfrontalier. Avec ce nouvel accord, les apprentis de la métropole pourront faire leur apprentissage dans trois Länder frontaliers : Bade-Wurtemberg, Rhénanie-Palatinat et Saare. Toutes les certifications éligibles à l'apprentissage en France et tous les diplômes professionnels allemands seront éligibles à l'apprentissage transfrontalier.

C'est une démonstration de l'Europe en action. En approuvant ce projet de loi, vous affirmez votre confiance dans une Europe qui éduque, qui intègre et qui construit l'avenir de sa jeunesse.

Alors que l'Allemagne s'apprête à le ratifier, je vous invite à le soutenir et à ajouter une pierre supplémentaire au bel édifice de l'amitié franco-allemande. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées du groupe UC ; Mme Elsa Schalck applaudit également.)

M. Akli Mellouli, rapporteur de la commission des affaires étrangères .  - Cet accord est le premier à s'inscrire dans le cadre légal posé par la loi 3DS en matière d'apprentissage transfrontalier.

La coopération entre la France et l'Allemagne a été marquée par le traité de l'Élysée de 1963 et le traité d'Aix-la-Chapelle de 2019.

La région Grand-Est a mis en place un dispositif d'apprentissage transfrontalier dès 2010, formalisé par deux accords-cadres, en 2013 et 2014. Mais la loi du 5 septembre 2018 a retiré aux régions leur compétence en matière d'apprentissage : les accords-cadres ont pris fin même si une solution transitoire a été trouvée.

Les élus locaux se sont mobilisés pour trouver une solution, relayés par un avis du 30 mai 2021 du comité de coopération transfrontalière, et de nouvelles dispositions ont été introduites dans la loi 3DS. J'en remercie Brigitte Klinkert, ainsi que le député Sylvain Waserman.

La loi prévoit la conclusion d'une convention : c'est l'objet du présent accord, qui s'inspire largement des précédents accords-cadres.

Il concerne tout le territoire métropolitain français, en application du principe d'égalité, mais uniquement les Länder frontaliers, même si une clause d'extension à d'autres Länder est prévue.

Le financement sera assuré conformément aux dispositions en vigueur dans chaque pays, sans mécanisme de compensation. Ces règles pourront toutefois être renégociées, trois ans après l'entrée en vigueur de l'accord. En France, c'est l'Opérateur des compétences des entreprises de proximité (Opcoep) qui financera.

Un comité de suivi associant les représentants des Länder se réunira annuellement et pourra proposer des améliorations.

Plusieurs facteurs devraient conduire à une augmentation du nombre de bénéficiaires. L'âge limite d'entrée a été porté à 29 ans révolus, et la loi 3DS a élargi le champ d'application à toute la métropole. Selon l'Igas, près de 300 contrats d'apprentissage transfrontalier pourraient à terme être conclus chaque année. D'autres accords devraient suivre, avec la Belgique, le Luxembourg, la Suisse ou encore l'Italie.

Le Sénat est la première chambre saisie de cet accord ; l'Assemblée nationale et le Bundestag devraient se prononcer avant l'automne.

Notre commission vous invite à approuver cet accord, qui répond aux enjeux de la formation professionnelle et participe à la construction d'un espace européen de l'éducation. (Applaudissements sur les travées du GEST ; Mme Laure Darcos applaudit également.)

Mme Vanina Paoli-Gagin .  - La France et l'Allemagne sont unies par une histoire riche et complexe. Notre relation privilégiée s'incarne dans les territoires transfrontaliers. Les partenariats économiques, culturels et sociaux renforcent nos liens.

Les zones frontalières sont des espaces spécifiques. Ce sont des territoires d'échanges de biens, de services et de main-d'oeuvre. Cela pose des questions juridiques et administratives et un défi d'harmonisation réglementaire. Nous devons apporter des réponses concrètes pour faciliter les coopérations.

L'apprentissage est un formidable outil pour l'insertion professionnelle et l'épanouissement des jeunes. En soutenant le développement des apprentissages entre nos deux pays, nous soutenons une passerelle supplémentaire vers la mobilité internationale au cours du parcours étudiant. Ce cadre juridique permettra aux frontaliers de bâtir des relations durables.

Les établissements de formation et les entreprises de part et d'autre de la frontière innovent ensemble et créent des emplois ; ce sont les instruments de notre souveraineté industrielle européenne. Toutes les parties y voient une logique gagnant-gagnant et nous ne pouvons que nous en féliciter.

Le groupe Les Indépendants salue le travail du rapporteur et votera ce texte. Nos relations transfrontalières participent de la puissance de notre espace européen et au sentiment d'une communauté européenne unie. Nous espérons que nos liens, si nécessaires, avec l'Allemagne en seront renforcés. (Mme Véronique Guillotin et M. Akli Mellouli applaudissent.)

M. Claude Kern .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. Ludovic Haye applaudit également.) Lors de son discours à la Sorbonne, le 25 avril dernier, le président Macron a rappelé que l'excellence européenne résidait dans nos savoir-faire. Il a appelé à décupler l'Erasmus de l'apprentissage, pour atteindre au moins 15 % d'apprentis en mobilité européenne d'ici à 2030.

La conclusion de cet accord s'inscrit dans ce cadre, mais aussi dans celui de la politique de coopération avec l'Allemagne et de la politique européenne de formation.

C'est le premier accord conclu dans le cadre de l'article 186 de la loi 3DS, qui prévoit la possibilité d'effectuer une partie de son apprentissage dans un pays frontalier de la France, sous réserve d'un accord bilatéral avec le pays concerné.

Les anciennes régions du Grand Est avaient déjà développé des partenariats avec l'Allemagne, en matière de formation professionnelle, initiale et continue, tels que les accords-cadres pour le Rhin supérieur du 12 septembre 2013 et du 20 juin 2014 entre la Sarre et la Lorraine. Mais cela avait été fragilisé par la loi du 5 septembre 2018 Liberté de choisir son avenir professionnel, qui a fait perdre aux régions la compétence du financement de la formation professionnelle par l'apprentissage.

Ce texte concrétise une volonté politique partagée des régions frontalières de l'Allemagne et de la France. Les apprentis pourront ainsi développer leurs compétences, notamment linguistiques, et leur employabilité sur un marché du travail élargi.

Selon une enquête de la région Grand Est, les apprentis transfrontaliers d'avant 2018 accèdent rapidement à un premier emploi : un sur deux était en emploi dès la fin du contrat, deux sur trois dans le mois qui suivait. Aujourd'hui, 80 % sont en CDI.

Pourtant, selon l'Igas, seuls 2 % des apprentis bénéficient d'une mobilité. En cause, des freins tels que la diversité des modèles éducatifs européens, un statut juridique inadapté et des difficultés dans la reconnaissance des compétences acquises lors de la mobilité.

Ce texte concrétise une grande avancée. Le groupe UC le votera, en espérant atteindre, avec de nouveaux accords bilatéraux, l'objectif de 15 % d'apprentis en mobilité d'ici à 2030. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur plusieurs travées du groupe Les Républicains ; Mme Véronique Guillotin et M. Ludovic Haye applaudissent également.)

M. Guillaume Gontard .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) La coopération franco-allemande, scellée notamment par les traités de l'Élysée et d'Aix-la-Chapelle, est au coeur de la construction européenne.

La coopération transfrontalière, les partenariats scientifiques ou encore la diplomatie commune sont autant de mesures en faveur de la relation franco-allemande.

Pourtant, 37 ans après Erasmus, le partenariat en matière d'apprentissage demeure peu développé, alors que l'apprentissage est bien plus développé en Allemagne qu'en France et permet une bonne insertion professionnelle.

En 2018, une réforme de l'apprentissage a enfin démocratisé cette pratique en France, mais elle a fragilisé juridiquement la coopération entre la région Grand Est et l'Allemagne.

Le texte que nous examinons aujourd'hui offre davantage d'occasions de découvrir la langue et la culture allemandes, ce dont nous nous félicitons. Nous le voterons.

Cette démarche a vocation à se développer également avec nos autres voisins, mais cela implique une vraie évaluation du mécanisme, malheureusement absente du texte, qui a ses points forts, mais aussi ses points faibles, tels que la question du logement.

Nous sommes nombreux à vouloir renforcer les liens universitaires avec les pays européens. Mais nous regrettons qu'il n'en aille pas de même pour les pays extraeuropéens, la loi Immigration ayant créé des obstacles pour les jeunes de ces pays.

Une question fondamentale n'est pas abordée dans ce texte : la langue. En 2022, seuls 14 % des élèves choisissent l'allemand en LV1, contre 23 % à la fin des années 1990. La moitié des postes de professeurs d'allemand sont vacants, malgré un nombre en baisse. Nous le regrettons. Il faut faire vivre le couple franco-allemand : penchons-nous sur ce sujet.

M. André Reichardt.  - Très bien.

M. Guillaume Gontard.  - Il faut un sursaut de moyens pour notre jeunesse. (Applaudissements sur les travées du GEST ; Mme Véronique Guillotin)

Mme Silvana Silvani .  - Cet accord fait suite à la loi pour un Erasmus de l'apprentissage, sur laquelle le groupe CRCE-K s'était abstenu. Nous restons circonspects sur un mécanisme qui consiste surtout à assouplir -  une fois de plus  - les règles pour les entreprises. Aucune amélioration des conditions d'étude et de rémunération des apprentis n'est prévue, alors qu'ils sont souvent d'origine populaire.

L'étude d'impact de ce texte prévoit que l'apprentissage franco-allemand pourrait concerner 300 jeunes. Mais il faut replacer cela dans le contexte du démantèlement de l'enseignement professionnel public, subordonné de fait aux besoins immédiats et à court terme du patronat. En témoigne la réforme Attal, qui n'a fait que calquer le lycée professionnel sur le modèle des centres de formation d'apprentis (CFA), au service des entreprises. Des jeunes de 15 ans sont ainsi orientés vers les métiers les plus pénibles, rémunérés à 2,80 euros de l'heure.

Le Gouvernement ne cesse d'évoquer la fin de l'argent magique. Mais l'OFCE évalue la dépense publique pour l'apprentissage à 15,7 milliards d'euros en 2021. Au profit de qui ? Près de 25 % des apprentis ne terminent pas leur formation. Selon Inserjeunes, 30 % des contrats de CAP et 27 % pour les bacs professionnels sont interrompus. Après la rupture de contrat, les trois quarts de ces jeunes abandonnent leur formation.

Mais le malheur des uns fait le bonheur des autres : les CFA ont dégagé un bénéfice net de 702 millions d'euros en 2021, contre 426 millions en 2020, soit une hausse de 64 % en un an. Une aubaine !

Nous sommes plus que favorables à la mobilité de nos jeunes, mais le plus urgent, c'est le renforcement de l'enseignement professionnel. Aussi, nous nous abstiendrons. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K)

Mme Véronique Guillotin .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE ; MM. Akli Mellouli et Ludovic Haye applaudissent également.) C'est avec beaucoup de plaisir que je soutiens cet accord reprenant une coopération initiée entre la région Grand Est et les Länder frontaliers, quand les régions géraient encore l'apprentissage.

M. André Reichardt.  - Le Grand Est n'existait pas !

Mme Véronique Guillotin.  - C'est une véritable plus-value pour le secteur éducatif français et pour les jeunes.

Nous espérons que cet accord sera rapidement suivi d'autres accords avec nos voisins, comme le Luxembourg et la Belgique, où l'apprentissage transfrontalier n'existe pas ou peu.

Comme pour les travailleurs frontaliers, les déplacements se font essentiellement de la France vers les pays limitrophes, alors que nous avons de grands atouts en France. En Meurthe-et-Moselle, je pense à Le Bras Frères, qui participe à la rénovation de Notre-Dame de Paris. Nous avons beaucoup à apporter aux apprentis des autres pays.

L'apprentissage transfrontalier garantit l'équivalence. Ce texte pourrait lever les obstacles à la mobilité, de l'absence de statut au manque de coopération sur l'apprentissage des langues étrangères.

Un point n'a pas été évoqué dans ce texte : cet accord ne produira pas les effets attendus si les jeunes n'apprennent pas l'allemand. Nous avons de plus en plus de mal à recruter des professeurs d'allemand. Au Luxembourg, la langue des lycées techniques est l'allemand.

Si l'on veut donner toutes ses chances à cet accord, il va falloir développer l'apprentissage de cette langue dans les zones frontalières.

Le groupe RDSE votera ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe UC ; M. Ludovic Haye applaudit également.)

M. Ludovic Haye .  - Je remercie Akli Mellouli pour son travail précieux sur ce texte, ainsi que le ministre et ses équipes. Pour l'Alsacien d'adoption que je suis, ce texte représente beaucoup. Sans remonter jusqu'à la Sorbonne et à l'université d'Heidelberg, il est important de rappeler le rôle majeur des échanges universitaires et scolaires. « On se lasse de tout, excepté d'apprendre », disait Virgile.

Les nombreux programmes existants ne concernent toutefois pas l'apprentissage. En France, cette filière est performante et s'est largement développée ces dernières années, avec un million d'apprentis fin 2023. Ces élèves s'intègrent mieux sur le marché de l'emploi.

Avec ce projet de loi, nous rétablissons une situation normale. Avant 2018, les élèves pouvaient aisément faire leur apprentissage en Allemagne, mais la révision des compétences des régions a fragilisé cette possibilité, rétablie par la loi 3DS.

Cet accord, attendu par les élèves et les collectivités territoriales, rend accessibles à l'apprentissage transfrontalier toutes les certifications existant en France et en Allemagne. Il est le fruit d'une négociation entre les États, mais aussi les régions et les Länder. Le financement de l'apprentissage transfrontalier sera financé selon les dispositions en vigueur dans chaque pays.

La région Grand Est sera la première concernée - je m'en réjouis - par des échanges avec le Bade-Wurtemberg, la Rhénanie-Palatinat et la Sarre. En Alsace comme en Lorraine ou dans le Territoire de Belfort cher au président Perrin, nous vivons le transfrontalier au quotidien : nous voyageons, travaillons, suivons des études supérieures des deux côtés de la frontière. La Collectivité européenne d'Alsace (CEA) et notre Eurorégion y ont un rôle majeur. Cette frontière s'efface grâce à l'Europe.

Cet accord est l'occasion d'un rééquilibrage entre les deux pays, pour donner envie aux jeunes de venir en France et réarmer nos filières en tension. Nous avons bien fait d'ouvrir l'apprentissage transfrontalier sur tout le territoire métropolitain.

Les perspectives d'un apprentissage et d'un marché du travail transfrontalier sont de puissants leviers. Il faudra donner à nos élèves l'envie d'apprendre l'allemand.

Le RDPI votera ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du RDPI et du groupe UC ; M. Akli Mellouli applaudit également.)

M. Michaël Weber .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) La question de l'apprentissage transfrontalier entre la France et l'Allemagne s'inscrit dans une ambition européenne plus large.

La question de la pertinence d'un accord bilatéral, au périmètre géographique restreint, se pose. Une série d'accords similaires avec d'autres pays limitrophes semble en cours de négociation : quel en est le calendrier, monsieur le ministre ?

Le développement de l'apprentissage transfrontalier est une bonne nouvelle. La convention répond au souhait des acteurs locaux et inaugure une politique européenne de l'apprentissage.

Quelques points appellent une plus grande vigilance : l'accord pose un cadre juridique, mais il ne suffira pas à insuffler une dynamique, car le principal frein n'est pas juridique, mais financier. Sans aide, la mobilité des apprentis restera faible.

Or le Gouvernement a récemment annoncé une baisse des aides aux CFA et de l'enveloppe destinée aux régions en leur faveur, alors qu'il avait été jugé insuffisant dès le début. Certains centres seront contraints de fermer des sections de formation, voire des sites.

Il est prévu que la prise en charge de ces contrats transfrontaliers soit assurée par un opérateur unique, pour un montant fixé par les ministres du budget et de la formation professionnelle. Monsieur le ministre, pouvez-vous préciser ce point ?

Seuls trois Länder sont concernés, alors qu'il faudrait que cela s'étende à toute l'Allemagne. Quelles sont les intentions du Gouvernement dans ce sens ?

Quant aux conditions financières, les deux parties ne prévoient pas de système de compensation, alors que son absence freine la mobilité. La hausse progressive du nombre de bénéficiaires doit amener les parties à considérer un système plus pérenne. Le Gouvernement devrait engager la réflexion sur ce sujet dès maintenant avec l'Allemagne.

J'ai une pensée pour Angèle Dufflo, militante du bilinguisme, vice-présidente du conseil régional de Lorraine trop vite disparue. Élus en Moselle, nous nous étions battus conjointement pour qu'un jeune puisse faire sa formation en école en France et en entreprise en Allemagne.

Aussi, malgré ces écueils, je salue cet accord comme une véritable avancée. (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. Claude Kern applaudit également.)

M. André Reichardt .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ainsi qu'au banc des commissions ; M. Ludovic Haye applaudit également.) Je suis le troisième parlementaire alsacien à m'exprimer sur cet accord ce soir ; c'est dire l'intérêt de ce texte pour l'Alsace, dont la position géographique est une formidable opportunité pour sa jeunesse.

Hasard du calendrier ou non, cet accord donne plus de sens encore aux élections européennes du 9 juin prochain en montrant à la jeunesse tout l'intérêt de la construction européenne. Il inaugure une série d'autres accords construisant un espace européen de l'apprentissage tout autour de la France.

Ayant longtemps dirigé la chambre des métiers d'Alsace, vice-président puis président de feu le conseil régional d'Alsace, j'ai naturellement suivi le sujet de l'apprentissage en tant que sénateur. La loi Liberté de choisir son avenir professionnel, depuis le 1er janvier 2020, a dessaisi les conseils régionaux de l'apprentissage au profit des branches professionnelles. En Alsace, ce fut un tsunami faisant disparaître le cadre transfrontalier de l'apprentissage pendant des années.

Quelle inconséquence, quels dégâts ! Le nombre de jeunes d'Alsace se lançant dans l'apprentissage transfrontalier n'a pas retrouvé son niveau d'antan : alors qu'Adrien Zeller espérait atteindre 1 000 apprentis, 300 seraient aujourd'hui concernés ; nous en sommes loin !

Les dispositifs Erasmus+ et Mona ont attiré des jeunes, mais les résultats en matière d'emploi ne sont pas les mêmes, alors que les entreprises allemandes sont demandeuses de main-d'oeuvre.

La leçon est claire, monsieur le ministre : avant de tout mettre à plat, il faut une étude d'impact !

Il faut enfin tenir compte des aléas ; ainsi, pendant le Covid, j'appelais à ne pas fermer complètement les frontières.

La question du financement avait été épineuse ; Élisabeth Borne, alors ministre du travail, avait donné des instructions pour une prise en charge provisoire des apprentis en 2020, mais avec des résultats qui n'étaient pas à la hauteur.

Vous connaissez mon attachement au droit local alsacien et mosellan ; ce dernier est très vertueux en matière d'apprentissage, car plus exigeant, une garantie d'intégration et de formation, comme en Allemagne. Nos taux de ruptures atteignent ainsi la moitié du niveau national.

Je voterai ce projet de loi avec enthousiasme. (Applaudissements sur le banc des commissions ; M. Ludovic Haye applaudit également.)

Mme Catherine Belrhiti .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Ludovic Haye applaudit également.) L'accord que nous examinons s'inscrit dans la ligne du traité de l'Élysée de 1963 et de l'amitié cultivée entre nos deux pays après une relation si tourmentée.

L'apprentissage me tient à coeur. Dans la Moselle, comme dans les autres départements limitrophes de l'Allemagne, l'apprentissage transfrontalier est une chance pour nos concitoyens. L'accord lui offre un cadre juridique sécurisé, avec un contrat d'apprentissage standardisé et bilingue.

Ce texte est une étape indispensable dans la construction de l'espace européen de l'éducation. Frontaliers, nous savons combien il est important de favoriser la mobilité.

L'apprentissage transfrontalier est une réussite : 80 % des jeunes occupent un emploi dans les trois mois suivants, majoritairement en CDI, contre 65 % au bout de six mois après un CAP ou un BTS.

Nous avons beaucoup à apprendre de nos voisins : les compétences techniques et linguistiques ramenées dans les bagages des apprentis font leur force, avec une plus grande mobilité internationale. La réforme catastrophique de la loi Liberté de choisir de son avenir professionnel avait retiré aux régions la compétence de l'apprentissage. La loi 3DS a réintroduit l'apprentissage transfrontalier, sous réserve de la conclusion d'un accord bilatéral sur le sujet. Cette convention corrige définitivement cette erreur, dans l'attente de conventions avec les autres pays voisins. Je ne peux que m'en réjouir : les trois Länder voisins sont des partenaires historiques de nos départements.

Les ressortissants français sont les plus grands bénéficiaires de l'apprentissage transfrontalier. À l'heure où notre pays doit se poser la question de la formation de notre jeunesse, offrir à des apprentis motivés une telle possibilité poursuivra la redynamisation de l'apprentissage. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et au banc des commissions)

Vote de l'article unique

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué.  - Monsieur Weber, avec la Belgique et le Luxembourg, on peut attendre une convention dans les douze mois. S'agissant de l'Espagne, la coopération locale avec la Catalogne et le Pays basque est très dynamique, dans tous les domaines, et s'approfondit grâce au traité de Barcelone.

Je salue le travail de notre ambassadeur aux questions frontalières, Philippe Voiry, que certains d'entre vous connaissent. Il a permis au Gouvernement de prendre conscience de problèmes communs à nos frontières. Avec la ministre des collectivités territoriales, nous envisageons de réunir un comité interministériel transfrontalier.

Le projet de loi est adopté.

Justice patrimoniale au sein de la famille (Conclusions de la CMP)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen des conclusions de la commission mixte paritaire (CMP) chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à assurer une justice patrimoniale au sein de la famille.

Mme Isabelle Florennes, rapporteure pour le Sénat de la CMP .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; Mme Marie Mercier applaudit également.) Adopté le 18 janvier 2024 à l'Assemblée nationale et le 20 mars dernier au Sénat : le parcours de ce texte aura été rapide. Je m'en réjouis, vu les lacunes qu'il comble.

La CMP a trouvé facilement un compromis. Sur le volet civil, l'article 1er remédie à un oubli coupable du législateur. Reprenant la rédaction du Sénat, il rend impossible une forme de pardon accordé par la victime à son bourreau à la dissolution du mariage, consistant à lui accorder le bénéfice des avantages matrimoniaux malgré sa déchéance matrimoniale. Sur l'initiative de la députée Perrine Goulet, nous avons introduit une disposition prenant en compte les biens propres.

L'article 1er bis A précise qu'il est possible d'établir un inventaire matrimonial au décès d'un des époux au-delà du seul inventaire de succession.

L'article 1er bis demeure dans la rédaction du Sénat. Depuis, nous avons été saisis sur l'interprétation du texte. Je clarifie donc la volonté du législateur : une fois la volonté exprimée par un époux dans la convention matrimoniale de renoncer à la révocation de plein droit, au moment du divorce, de certains avantages matrimoniaux prenant effet à la dissolution du régime matrimonial, il sera toujours possible de modifier la convention matrimoniale pour revenir à l'expression de cette volonté. L'irrévocabilité ne s'applique pas à la stipulation de la convention matrimoniale, mais bien à l'avantage matrimonial en cause.

Sur le volet fiscal, il est difficilement tolérable qu'une femme se séparant d'un conjoint qui s'est soustrait à ses obligations déclaratives soit comptable de dettes fiscales qu'elle n'a pas contractées.

Ainsi, l'article 2 ter, que nous devons à Pascal Savoldelli, applique cette disposition aux dossiers en cours d'instruction.

Les articles 2 bis A et 2 bis B n'ont pu être retenus, car ils faisaient peser de trop grands risques de contournement de l'impôt. Le ministre Cazenave a cependant pris des engagements fermes au sujet des décharges de responsabilité solidaire. La confiance n'exclut pas le contrôle : si les résultats n'étaient pas au rendez-vous, le PLF serait l'occasion d'y remédier.

Je vous propose d'adopter ce texte et remercie Hubert Ott et Perrine Goulet. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

M. Thomas Cazenave, ministre délégué chargé des comptes publics .  - En réponse à des amendements au PLF sur les décharges de responsabilité solidaire, je m'étais engagé à y travailler. C'est chose faite, avec le groupe démocrate à l'Assemblée nationale. Ce texte, enrichi par l'Assemblée nationale, le Sénat et la CMP, comporte des avancées notables pour les femmes victimes de violences intrafamiliales. Je salue le travail des députés Perrine Goulet et Hubert Ott ainsi que la rapporteure Isabelle Florennes.

Ce texte présente des avancées en droit civil - j'excuse l'absence du garde des sceaux - notamment sur le droit des régimes matrimoniaux. Faute de disposition propre à l'époux ayant provoqué la mort du conjoint, un époux meurtrier peut bénéficier de la clause d'attribution intégrale lui permettant de jouir de la pleine propriété, au décès de son époux, de l'ensemble des biens communs. C'est insupportable.

Ce texte met en pratique l'adage : « le crime ne paie pas ». Désormais, l'époux ne pourra plus tirer profit d'avantages matrimoniaux en cas de condamnation pénale pour homicide et sur décision du juge dans des cas de torture, de viol ou de violences.

La CMP a parfait le dispositif. En cas d'apports propres à la communauté par l'époux décédé, les héritiers récupéreront ces biens.

Le texte modifie l'article 265 du code civil. Actuellement, la convention de divorce peut prévoir le maintien d'un avantage matrimonial. Ce sera désormais possible dès le contrat de mariage.

Je veux rassurer les praticiens : l'article 1397 du code civil, qui permet la modification du régime matrimonial au long du mariage, reste applicable. Ainsi, les époux qui auront convenu de l'irrévocabilité des avantages matrimoniaux dans leur contrat pourront revenir sur leur décision.

Le texte consacre une avancée majeure pour les victimes de la solidarité fiscale - en majorité des femmes. La fraude fiscale du conjoint peut virer au cauchemar : la détresse financière s'ajoute au drame personnel, l'administration pouvant réclamer les économies d'une vie. Désormais, il sera possible d'annuler la dette fiscale, pour ne pas ajouter de l'inhumanité à la détresse. Je me réjouis du compromis proposé, qui reprend des apports du Sénat, dont le remboursement en cas d'octroi de décharge de responsabilité solidaire, adopté sur l'initiative de Pascal Savoldelli, et la précision sur le traitement des pénalités apportée par la rapporteure Isabelle Florennes.

Ce travail collectif apporte donc des solutions concrètes. La décharge de responsabilité solidaire permet de déclarer tiers à la dette les personnes victimes de la solidarité fiscale. La CMP fait preuve de confiance : nous serons à la hauteur.

Les demandes de remise gracieuse par les personnes à qui la décharge a été refusée dans le passé seront traitées par l'administration centrale des finances publiques, pour harmoniser les réponses.

En parallèle, nous allons finaliser rapidement la doctrine. Je m'engage à la publier d'ici octobre, après consultation des acteurs.

S'agissant de la décharge de responsabilité solidaire, je m'engage à ce que les biens issus d'un héritage ne soient plus recherchés par l'administration fiscale dans la phase de recouvrement de la dette fiscale.

Depuis sept ans, la lutte contre les violences faites aux femmes et l'égalité femmes-hommes sont une priorité. Ce texte conjugue fiscalité et égalité. Nous mettons fin à un monde dans lequel un homme qui tue sa femme peut récupérer l'ensemble des biens communs.

Ce texte est une avancée majeure au service du droit des femmes, nous pouvons en être fiers. (Applaudissements sur les travées du RDPI, du RDSE et sur plusieurs travées des groupes UC et Les Républicains)

Discussion du texte élaboré par la CMP

M. le président.- En application de l'article 42, alinéa 12, du règlement, le Sénat examinant après l'Assemblée nationale le texte élaboré par la CMP, il se prononce par un seul vote sur l'ensemble du texte en ne retenant que les amendements présentés ou acceptés par le Gouvernement.

Article 1er

M. le président.  - Amendement n°1, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 3

Remplacer le mot :

condamné

par les mots :

qui a commis les actes mentionnés au même premier alinéa 

M. Thomas Cazenave, ministre délégué.  - Cet amendement rédactionnel corrige une erreur matérielle : il ne peut être fait référence à « l'époux condamné » dans le cas où l'action publique n'a pu être exercée ou s'est éteinte en raison de son décès.

Mme Isabelle Florennes, rapporteure.  - Avis favorable.

L'amendement n°1 est adopté.

Vote sur l'ensemble

Mme Dominique Vérien .  - (Mme Isabelle Florennes applaudit.) Il est toujours agréable de voir un texte aboutir, surtout lorsqu'il corrige des aberrations de notre droit. Je rappelle qu'on peut tuer son conjoint et hériter de son patrimoine dès lors qu'on est marié sous le régime de la communauté universelle. Le crime ne doit pas payer : avec l'article 1er, qui crée une forme de déchéance matrimoniale, il ne payera plus. Nos deux chambres ont trouvé un dispositif autonome, proche du régime d'indignité successorale.

Grâce à sa rapporteure, le Sénat a renforcé le dispositif de déchéance des avantages matrimoniaux tout en supprimant la faculté du pardon laissée à la victime, pour intégrer les cas d'emprise. Petit à petit, notre droit prend cette notion en compte, je m'en réjouis.

L'exclusion des biens professionnels du calcul de la créance de participation a été sécurisée. Longtemps, au regard de la jurisprudence de la Cour de cassation, ces dispositions protectrices étaient rendues caduques au moment du divorce. Le Sénat a donné à l'article une portée plus générale.

L'article 2 améliore le dispositif de décharge de responsabilité solidaire qui permet d'exonérer un ex-conjoint d'une partie des dettes fiscales dues par le couple. Dans bien des cas, les épouses devaient régler des dettes dont elles n'avaient pas connaissance, et qui avaient parfois une origine frauduleuse...

Je connais les attentes des associations sur ce sujet. Nous avons trouvé un compromis efficace, je le crois : la restitution des sommes recouvrées par l'administration fiscale entre la séparation des époux et la déclaration de décharge, une mesure de bon sens et efficace.

Je salue les engagements du ministre Cazenave pour que le dispositif de décharge gracieuse donne une issue favorable à certains dossiers ; je suivrai son évolution. Nous attendons impatiemment la nouvelle doctrine que vous avez annoncée. Si les résultats ne sont pas au rendez-vous, nous saurons vous le rappeler, par le biais d'un amendement au PLF ou, pourquoi pas, d'une mission flash de la délégation au droit des femmes.

Cela dit, vous me semblez avoir pris le sujet à bras-le-corps et j'ai confiance. Le groupe UC est heureux d'avoir porté ce texte, que nous voterons. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

Mme Ghislaine Senée .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) Cette proposition de loi s'inscrit dans le contexte plus large des inégalités entre les genres, que le Gouvernement ne combat pas suffisamment : le budget qui y est consacré a certes doublé mais n'atteint que 0,7 %. Il n'est guère surprenant que les grandes promesses sur l'égalité soient à mille lieues des réalités vécues par les femmes.

Selon la Drees, 20 % des sondés estiment normal que les femmes restent à la maison pour élever les enfants. Les politiques publiques sont inadaptées : faute de places en crèche, trois mères seules sur cinq ne travaillent pas. À ces inégalités choquantes s'ajoutent le harcèlement et les violences sexistes et sexuelles.

Pour lutter contre ces inégalités et ces violences, il faut partir des réalités subies par les femmes. Cette proposition de loi d'Hubert Ott, que je remercie, apporte plusieurs briques à l'édifice.

D'abord, une meilleure prise en compte des violences intrafamiliales lors de l'évaluation des avantages matrimoniaux - ceux-ci seront révoqués en cas de violences.

Ensuite, le sort d'une dette fiscale après la séparation du couple. En effet, l'ex-conjointe était tenue solidairement au paiement de l'impôt, et donc tenue de régler la dette. Avec ce texte, les demandes de décharge en solidarité fiscale deviennent enfin plus faciles.

Grâce à un amendement de la rapporteure, la décharge s'applique également aux pénalités dues par le conjoint fraudeur. Nous nous réjouissons du maintien de cette mesure en CMP, mais cela demeure une décharge accordée à titre gracieux. Mme Vogel et moi-même aurions préféré une autre solution...

Nous déplorons aussi que la CMP ait suivi le Sénat sur l'article 1er bis, qui prévoit qu'une convention matrimoniale peut rendre les avantages matrimoniaux irrévocables. Un conjoint plus riche pourra en abuser pour éviter un partage jugé trop généreux. Dans les couples hétérosexuels, l'homme pourrait exploiter sa situation dominante... Malgré ces regrets et alertes, ce texte est une avancée. Nous le voterons. (Applaudissements sur les travées du GEST)

M. Pascal Savoldelli .  - Lors de la réunion de la CMP, seuls cinq députés sur sept étaient présents, dont trois de la majorité présidentielle. Cela affaiblit la légitimité du texte et mine la démocratie parlementaire.

La rapporteure Florennes a voté contre l'article 2 bis A qui corrigeait une injustice pourtant reconnue sur tous nos bancs. Il s'agissait d'octroyer une décharge de responsabilité solidaire à l'ex-conjointe innocente des dettes fiscales contractées par son ex-conjoint. Soit elle est responsable, et doit en assumer les conséquences, soit elle est innocente, et doit être déchargée ! Les victimes sont à 92 % des femmes. Je regrette que la rapporteure de l'Assemblée nationale ait minimisé cette dimension pour discréditer une association de femmes. Quand un système injuste est en place, il ne suffit pas de le contourner, il faut le démanteler. La quête de justice exige une cohésion sans faille.

Le Parlement souhaite-t-il maintenir un dispositif gracieux à la main de l'administration ou créer un dispositif légal de plein contentieux, qui institue un droit ? Rappelons que près de 80 % des dettes sont issues de redressements fiscaux d'un ex-conjoint, et que 60 % des demandes de désolidarisation se soldent par un refus de Bercy.

Dire que le collectif des femmes divorcées victimes de la solidarité fiscale soutient ce recul est une aberration. Marie-Cécile Sergent a appelé la CMP « à impérativement conserver à l'identique le texte issu du Sénat », et à « en finir avec cette violence administrative et économique faite aux femmes ».

Tel que rédigé, l'article 2 n'oriente aucunement l'appréciation portée par les services fiscaux. M. le ministre annonce une instruction fiscale de Bercy d'ici l'été. Si la doctrine de l'administration sur la solidarité fiscale ne change pas, la rapporteure y reviendra lors du PLF...

À saluer néanmoins, l'adoption, malgré l'opposition du Gouvernement, de notre amendement visant à restituer les sommes injustement prélevées aux victimes exonérées. Aussi, nous nous abstiendrons sur le texte issu de la CMP, privilégiant le principe de la grâce au droit de grâce en matière fiscale. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K)

M. Michel Masset .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Je l'ai dit en première lecture : cette proposition de loi porte des mesures justes, nécessaires et attendues.

Sur la forme, son élaboration illustre la capacité du bicamérisme à apporter des réponses rapides et efficaces. Nos débats ont été denses. Nos délibérations ont infusé les consensus qui se sont formés en CMP. Le travail de coconstruction des rapporteures a été fondamental, je les en remercie vivement.

Ce texte répond à un objectif de justice, en mettant fin à la « prime au crime ». La jurisprudence civile avait pris cette direction, sa sanctuarisation dans la loi s'imposait.

Il traite aussi de la solidarité fiscale entre époux, dont les femmes sont les principales victimes, à 80 %.

Sur le volet fiscal, des compromis subtils ont été trouvés.

À l'article 1er, le Sénat a été suivi : la suppression de la faculté de pardon de la victime traduit une meilleure prise en compte des situations d'emprise par le droit.

Je salue également le rétablissement de la disposition relative aux biens propres apportés à la communauté par l'époux victime.

À l'article 1er bis A, le rétablissement de l'inventaire dans une communauté de biens est également bienvenu.

Sur le volet fiscal, la suppression en CMP des articles 2 bis A et 2 bis B, introduits par le Sénat, s'appuie sur les engagements pris par le ministre Cazenave, après concertation avec le collectif des femmes divorcées victimes de la solidarité fiscale. Ils devront être tenus. Il est indispensable d'apporter une réponse facilitatrice aux femmes victimes.

Enfin, la nouvelle rédaction de l'article 2, plus protectrice, répond aux attentes du Sénat. Le RDSE votera unanimement ce texte. (Applaudissements sur les travées du RDSE)

Mme Nicole Duranton .  - Cette proposition de loi répond à l'impératif majeur d'égalité des droits entre les hommes et les femmes. Le combat n'est pas terminé.

Il est question ici de justice. Justice pour toutes ces femmes victimes de violences, longtemps invisibilisées, emmurées dans la culpabilité et la honte. Justice pour toutes ces femmes séparées, victimes des dettes contractées par leur ex-mari.

Alors que les femmes constituent 86 % des victimes de violences conjugales et font l'objet de 82 % des homicides conjugaux, il est inconcevable que l'époux assassin profite des avantages tirés de son régime matrimonial.

Je salue le consensus suscité par la mise en place du régime de déchéance de plein droit, à l'article 1er, et l'ouverture de la possibilité d'une décharge de responsabilité à titre gracieux, à l'article 2.

La CMP a retenu plusieurs apports du Sénat. Ainsi, le dispositif de déchéance des avantages matrimoniaux a été renforcé et la faculté du pardon laissée à la victime supprimée, pour tenir compte des cas d'emprise.

Si tous ont condamné l'injustice faite aux femmes tenues solidairement responsables des dettes fiscales contractées à leur insu par leur ex-conjoint, certains ont regretté un dispositif de décharge « à titre gracieux ». Face aux difficultés rédactionnelles soulevées par l'article 2 bis A, la CMP a toutefois préféré le supprimer, le Gouvernement s'engageant à publier une instruction fiscale avant l'été et à améliorer le traitement des dossiers.

Enfin, nous saluons les dispositions introduites par Pascal Savoldelli sur la rétrocession des sommes versées par les victimes. Ce texte est porteur d'une avancée en matière d'égalité et de liberté pour les femmes.

Je salue l'engagement du député Hubert Ott, auteur de la proposition de loi. En la votant, nous réaffirmons notre engagement en faveur du droit des femmes. La violence ne doit faire l'objet d'aucune indulgence. Nul ne doit payer pour un crime qu'il n'a pas commis. Il est essentiel que ces principes fondamentaux soient des réalités pour les femmes.

Nous voterons pour cette proposition de loi très attendue. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Mme Corinne Narassiguin .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Ce texte bienvenu encadrera mieux les conséquences d'une séparation en cas de violences conjugales. La proposition de loi Ott a fait l'objet d'un consensus, d'un travail transpartisan, et a été enrichie au cours de la navette. Je remercie Hussein Bourgi, qui a porté la voix de notre groupe.

La lutte contre l'injustice passe aussi par des modifications du droit patrimonial et du droit fiscal.

Le texte issu de la CMP est plus que salutaire.

Aberration de notre droit civil, il est possible de tuer son conjoint et d'en hériter. L'article 1er crée le régime juridique de déchéance matrimoniale. Il était indigne que les époux meurtriers ou violents puissent tirer les avantages de la convention matrimoniale. Cette lacune sera réparée, et le dispositif s'appliquera aux conventions en cours.

La solidarité fiscale entre conjoints est un principe fondamental de notre droit, mais il peut entraîner de profondes injustices. Nombre de requérants se heurtent encore aux interprétations restrictives de l'administration fiscale, avec des situations dramatiques à la clé.

Nous saluons l'article 2, qui évitera de faire peser sur le conjoint de bonne foi une charge fiscale trop lourde.

En revanche, nous regrettons la suppression en CMP des articles 2 bis A et 2 bis B, adoptés au Sénat contre l'avis de la rapporteure mais qui faisaient l'objet d'un large consensus.

Reste que ce texte est une avancée bienvenue dans la lutte contre les violences conjugales et répare des injustices qui touchent majoritairement les femmes. Notre groupe le votera. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

Mme Muriel Jourda .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Si le droit a pour fonction première d'assurer la sécurité dans les relations sociales et ne se confond pas avec la morale et l'équité, il ne peut néanmoins pas trop s'en écarter, sauf à devenir inapplicable.

Il est impossible que des situations légales ou contractuelles dictées par une vie de couple normale perdurent quand les fondamentaux de la vie de couple, tels que le respect et la confiance, ont disparu.

Il est encore plus incompréhensible de maintenir un avantage matrimonial lorsqu'un des conjoints a porté atteinte à l'autre.

Idem lorsque la créance fiscale du couple est uniquement liée à une acquisition frauduleuse de revenus ignorée du conjoint - pourtant solidaire de la dette ! Là encore, la décharge de responsabilité solidaire est une solution bienvenue. Comme d'autres, je regrette toutefois que nous n'ayons pu conserver la rédaction défendue par plusieurs groupes du Sénat. Avec ce léger bémol, le groupe Les Républicains votera le texte issu de la CMP. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Claude Kern applaudit également.)

Mme Laure Darcos .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Cette proposition de loi s'inscrit dans notre engagement commun pour l'égalité entre les hommes et les femmes et contre les violences conjugales. Elle apporte des réponses concrètes à des situations inacceptables. En l'état du droit, un mari peut tuer son épouse et jouir de la pleine propriété de leurs biens communs. Je me réjouis que la CMP ait été conclusive sur ce point et comble ainsi un vide juridique insupportable.

Je regrette toutefois la suppression des articles 2 bis A et 2 bis B, en dépit de la mobilisation des sénateurs et des associations de femmes divorcées victimes de la solidarité fiscale. Le ministre nous avait pourtant invités, en loi de finances, à trouver un véhicule législatif adéquat...

Par ailleurs, nous avions souhaité que les biens immobiliers détenus antérieurement à la date du mariage ou du Pacs soient écartés lors de l'examen de la situation patrimoniale. La dette fiscale, souvent contractée à leur insu, est un terrible fardeau pour certaines femmes. Le rejet de leur demande par l'administration fiscale est une double peine. J'ai été touchée par le témoignage de Marie-Cécile dans le quotidien Libération, que je vous invite à lire, monsieur le ministre.

Des vies brisées, une précarité indicible, une dette impossible à rembourser, voilà le résultat d'une politique fiscale qui, à défaut de faire payer le responsable, s'acharne sur l'innocente.

Reste le dispositif de remise gracieuse, qui bénéficiera, à l'initiative du Sénat, aux dossiers en cours. Mais la suppression par la CMP des autres dispositions me semble être une erreur.

Monsieur le ministre, j'ai pris note de votre engagement et ne doute pas de votre bonne foi. Je demeurerai attentive à l'évolution de la situation et participerai volontiers à une mission flash de la délégation aux droits des femmes, si les résultats ne suivent pas.

Je salue l'engagement des associations qui militent pour mettre fin aux injustices faites aux femmes divorcées.

Ce texte est tout de même une avancée, le groupe Les Indépendants lui apportera son soutien unanime. (Mme Dominique Vérien et M. Michel Masset applaudissent.)

La proposition de loi, modifiée, est adoptée.

La séance est suspendue à 20 h 10.

Présidence de M. Pierre Ouzoulias, vice-président

La séance reprend à 21 h 40.

Ingérences étrangères en France (Procédure accélérée)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, après engagement de la procédure accélérée, visant à prévenir les ingérences étrangères en France.

CMP (Nominations)

M. le président.  - Des candidatures pour siéger au sein de l'éventuelle commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur cette proposition de loi ont été publiées.

Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n'a pas reçu d'opposition dans le délai d'une heure prévu par notre règlement.

Discussion générale

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué chargé de l'Europe .  - La démocratie a besoin de citoyens éclairés et de consciences informées. C'est pourquoi nos ennemis s'en prennent à la bonne information des citoyens, clé de voûte de la démocratie, en instillant le virus de la désinformation dans le débat public.

Je salue le travail du Sénat sur cette question fondamentale.

Cette proposition de loi crée pour la première fois un bouclier de transparence, afin que les Français soient dûment informés des activités d'influence menées par des puissances étrangères. Un registre placé sous la responsabilité de la HATVP est créé à l'article 1er. Je salue l'apport de la commission des lois qui a défini la notion d'influence étrangère.

Cette proposition de loi lutte aussi contre les ingérences étrangères, qui se distinguent de l'influence par leur malveillance et leur illégalité. Face aux ingérences, nous avons besoin d'un véritable bouclier démocratique, avec, comme pour lutter contre un virus, des moyens de détection, des dispositifs de traitement, et enfin une immunité collective, pour éviter la contamination.

Nous avons commencé à construire ce bouclier depuis plusieurs années, avec Viginum, créé en 2021 et le règlement européen sur les services numériques.

Cette proposition de loi apporte deux éléments supplémentaires : le recours aux algorithmes pour détecter les manipulations de l'information ; et, grâce au Sénat, le doublement des peines qu'encourent les personnes qui s'attaquent aux biens et aux personnes pour le compte d'une puissance étrangère.

Alors que la démocratie est attaquée par des ennemis de l'intérieur et de l'extérieur, nous devions renforcer notre arsenal.

Cette proposition de loi améliore la transparence et se donne les moyens de détecter les auteurs de manipulations, comme nous en avons connu ces deux dernières années, depuis l'agression russe en Ukraine.

J'espère que notre débat de ce soir améliorera encore ce texte. (Applaudissements au banc des commissions et sur les travées du RDPI)

Mme Agnès Canayer, rapporteure de la commission des lois .  - (Applaudissements au banc des commissions et sur les travées du groupe Les Républicains) Les comportements hostiles de pays étrangers ne relèvent pas de la fiction. L'ingérence étrangère a toujours existé -  voyez l'espionnage. Les cyberattaques sont des outils modernes d'ingérence, comme l'influence ou le sharp power.

Mise en lumière par les Macron Leaks et les Story Killers, l'ingérence étrangère se développe sur des terreaux fragilisés. De Mayotte à la Nouvelle-Calédonie, les outre-mer sont une cible privilégiée.

La menace est protéiforme et plus durable qu'auparavant, comme l'a constaté la délégation parlementaire au renseignement dans son rapport pour 2022-2023. Sur ses 22 propositions, quatre, de niveau législatif, se retrouvent dans la proposition de loi de Sacha Houlié.

L'article 1er crée un répertoire des acteurs de l'influence, sur le modèle du Foreign Agents Registration Act (FARA) américain, tenu par la HATVP. Le non-respect de l'obligation de déclaration serait puni de trois ans de prison et 45 000 euros d'amende.

L'article 2 prévoit la remise bisannuelle au Parlement d'un rapport du Gouvernement sur l'état des menaces.

L'article 3 étend aux cas d'ingérence étrangère la technique dite de l'algorithme, réservée jusqu'à présent à la lutte contre le terrorisme.

L'article 4 permettra à l'administration de geler les avoirs des personnes physiques ou morales auteurs d'ingérences étrangères.

L'Assemblée nationale a imposé aux think tanks de détailler auprès de la HATVP les dons et versements en provenance d'une puissance ou d'une personne morale étrangère, et rendu le texte applicable en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie et à Wallis-et-Futuna.

La commission des lois du Sénat juge cette proposition bienvenue. Je remercie le président Malhuret pour sa collaboration constructive.

Pour plus d'efficacité, nous avons proposé que le nouveau répertoire soit distinct de celui des représentants d'intérêts créé par la loi Sapin II.

Nous avons clarifié la notion d'influence étrangère, sur le fondement d'un élément intentionnel et d'un critère matériel. L'action d'influence peut prendre trois formes : entrer en communication avec une cible ; réaliser une action de communication publique ; lever des fonds ou procéder à des versements sans contrepartie.

Nous avons étendu la liste des cibles issue de la loi Sapin II aux anciens Présidents de la République, anciens ministres et anciens parlementaires pendant cinq ans à l'issue de leur mandat, ainsi qu'aux anciens candidats à des élections nationales et aux élus des communes de plus de 20 000 habitants.

Nous avons renforcé les pouvoirs de la HATVP - mises en demeure, contrôles sur pièces et sur place, astreintes.

La HATVP ne pouvant être prête d'ici fin 2024 en raison des JO, nous avons reporté l'entrée en vigueur de la procédure de déclaration au 31 décembre 2025.

Nous avons renforcé les contrôles par la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR) et la délégation parlementaire au renseignement sur l'expérimentation de la technique de l'algorithme et en avons fixé le terme au 1er janvier 2028.

Nous avons aussi introduit deux nouveaux dispositifs.

La HATVP pourra contrôler pendant cinq ans les risques d'ingérence étrangère au titre des mobilités public-privé et de la reconversion professionnelle des anciens ministres, présidents d'exécutifs locaux et membres d'une autorité administrative ou publique indépendante.

Une circonstance aggravante en cas d'atteinte aux biens ou aux personnes a été introduite et le recours à des techniques spéciales d'enquête sera autorisé.

Cette proposition de loi est opportune : elle étend la palette de nos moyens de lutte contre l'ingérence étrangère et comble les failles de notre cadre juridique très libéral. Nos services de renseignement doivent disposer de moyens adaptés à l'évolution de la menace.

Malheureusement, elle arrive trop tard pour les élections européennes et les JO.

Plus vite, plus haut, plus fort, ensemble : la devise olympique est particulièrement adaptée à ces enjeux. Nous vous demandons d'adopter ce texte issu des travaux de la délégation parlementaire au renseignement. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du RDPI)

M. Claude Malhuret, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées .  - Une nouvelle guerre a commencé. Au XXe siècle, les démocraties, après un combat de cent ans contre les totalitarismes, l'ont emporté. Comme Kant, nous avons cru à la paix perpétuelle. Mais les dictatures sont revenues, décidées à prendre leur revanche. Nos ennemis ne se cachent pas : Poutine, Xi, Khamenei et d'autres déclarent ouvertement qu'ils veulent notre perte.

La vraie guerre, avec armées et canons, se déroule sur nos écrans. Mais, comme dans les années trente, beaucoup de nos dirigeants tentent de nous rassurer : « nous ne sommes en guerre contre personne ». Étrange affirmation, quand vos ennemis veulent vous détruire...

La guerre qu'on ne voit pas venir, titre d'un livre de Nathalie Loiseau, prend de nouvelles formes : désinformation, manipulation, noyautage des réseaux sociaux, fake news, fermes à trolls, cyberattaques, infiltration des milieux politiques et des affaires. Nos démocraties sont attaquées de l'intérieur, sans victime apparente, sans coupable identifié, mais avec de vrais dégâts. L'ingérence est la première branche de la tenaille, et nous faisons semblant de l'ignorer.

Quand j'ai voulu faire interdire Russia Today et Sputnik, en 2018, le ministre m'a répondu : vous n'y pensez pas, et la liberté d'expression ? Puis, au lendemain de l'invasion de l'Ukraine, leur interdiction a été décidée, dans la panique, dans toute l'Europe.

J'ai demandé à la Commission européenne des mesures contre TikTok - elles tardent à venir. En Nouvelle-Calédonie, TikTok a été interdit et des ONG gauchistes attaquent le ministre de l'intérieur pour atteinte à la liberté d'expression. Je le redis avec solennité : tant que l'on considérera ces plateformes, ces banques de la colère, comme des hébergeurs et non comme des éditeurs, nous perdrons la bataille.

Mme Catherine Morin-Desailly.  - On l'a dit de nombreuses fois !

M. Claude Malhuret, rapporteur pour avis.  - Après l'ingérence, la deuxième branche de la tenaille, c'est la cinquième colonne : l'extrême droite et l'extrême gauche, courroies de transmission des tyrannies.

Cette proposition de loi a deux vertus : elle marque la fin du déni et elle propose des moyens de faire face à la menace.

Ce texte est le bienvenu et la commission des affaires étrangères et de la défense le soutient. Il nous reste cependant un immense chemin à parcourir et ce n'est là qu'un timide premier pas. La législation américaine Fara date de 1938 : notre retard est immense !

Et la disproportion des forces terrifiante : des centaines d'agents en Russie, plusieurs millions en Chine, alors qu'en France, on compte 3 500 membres rattachés au commandement de la cyberdéfense, 42 agents pour Viginum et 71 à la HATVP...

À chaque jour, ses nouvelles attaques. La dernière provocation de la Russie, qui a souillé le Mémorial de la Shoah à Paris et tenté de mettre à bas le réseau internet de Nouvelle-Calédonie, montre combien il y a urgence à agir. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, Les Républicains, UC et SER, ainsi que du RDSE et du RDPI)

Renvoi en commission

M. le président.  - Motion n°22, présentée par Mme G. Jourda et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

En application de l'article 44, alinéa 5, du Règlement, le Sénat décide qu'il y a lieu de renvoyer à la commission des lois la proposition de loi visant à prévenir les ingérences étrangères en France (n° 479, 2023-2024).

Mme Gisèle Jourda .  - À l'initiative de notre collègue Rachid Temal, une commission d'enquête sur les politiques publiques face aux opérations d'influences étrangères a été créée, dont les travaux doivent s'achever en juillet prochain.

Cette motion de renvoi en commission vise à lui laisser le temps d'achever ses travaux. Un tel report serait sans incidence, puisque cette proposition de loi n'entrera pas en vigueur avant le 31 décembre 2025. C'est une question de respect des travaux du Sénat et le gage d'un travail plus approfondi et donc plus efficace.

Nous partageons le même objectif : améliorer la législation pour protéger la France contre les ingérences étrangères. La commission d'enquête entend des experts, des ministres, des ambassadeurs, des militaires, des journalistes et fait des déplacements.

Le constat est brutal : la France est devenue une cible privilégiée. Campagnes de dénigrement en Afrique, tentatives de manipulation en période électorale, désinformation en Ukraine, remise en cause de notre légitimité dans les Outre-mer en sont des exemples. L'Europe est-elle à la hauteur ? Longtemps, tel n'a pas été le cas.

Le rapport que j'ai écrit avec Pascal Allizard, « L'Europe peut-elle contribuer au réveil européen dans un XXIe siècle chinois ? », propose des pistes qui se révèlent pertinentes.

Ne nous y trompons pas : répéter comme un mantra que la Chine est un rival systémique ne suffit à pas à définir une politique européenne à la hauteur des enjeux. Et nous avons d'autres rivaux ! Nous devons cesser d'être naïfs.

La commission d'enquête devra établir un état des lieux, cartographier les menaces, analyser les outils et les politiques publiques et réaliser un travail prospectif. Elle fera des propositions pour améliorer notre législation.

Cette proposition de loi va dans le bon sens et je rends hommage au travail de Sacha Houlié, même si ce texte aurait mérité d'être un projet de loi - avec étude d'impact.

Attendons les conclusions de notre commission d'enquête. (Applaudissements sur les travées du CRCE-K et du groupe SER)

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Avis défavorable. Nous partageons le constat, mais il est nécessaire que le Parlement débatte. Nous ne maîtrisons pas l'ordre du jour et ne pouvons pas repousser l'examen de ce texte. Le sujet est déjà bien documenté, grâce au travail de la délégation parlementaire au renseignement et de la commission d'enquête de l'Assemblée nationale.

Ce texte, qui n'est pas l'alpha et l'oméga, devra être complété, notamment grâce aux travaux de votre commission d'enquête.

Il est urgent et nécessaire de débattre ce soir.

Je précise que le report de l'entrée en vigueur à 2025 ne concerne que le répertoire, les autres dispositions entrant en vigueur dès la promulgation de la loi.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué.  - On ne peut plus attendre. Voyez les démêlés de la liste Alternative für Deutschland (AfD) en Allemagne : le collaborateur de la tête de liste soupçonné d'espionnage au profit de la Chine, le second de liste accusé d'avoir été corrompu par la Russie... La menace est considérable. D'où l'importance de l'article 4 bis de la proposition de loi qui alourdit les sanctions pour protéger notre débat public.

M. Pascal Savoldelli.  - Je n'ai pas bien compris : soit la loi entre en vigueur le 31 décembre 2025, soit il y a urgence... Respectons le travail de cette commission d'enquête pluraliste qui fera certainement d'intéressantes propositions !

Certes, nous ne maîtrisons pas l'ordre du jour du Gouvernement, mais le renvoi en commission est tout à fait réglementaire.

Mme Agnès Canayer.  - Seul l'article 1er entrera en vigueur en décembre 2025, le temps pour la HATVP de se doter des outils nécessaires à la création du répertoire. Les autres dispositions entreront en application dès la promulgation de la loi.

La motion n°22 n'est pas adoptée.

Discussion générale (Suite)

M. Thomas Dossus .  - Les ingérences étrangères sont une des plus grandes menaces qui pèsent sur nos démocraties.

La Russie et la Chine perturbent nos processus démocratiques : députés européens d'extrême droite corrompus par la Russie ; espionnage au profit de la Chine par un collaborateur de l'AfD ; députés européens socialistes corrompus par le Qatar ; responsabilité russe dans les mains rouges peintes sur le Mémorial de la Shoah à Paris... Les tentatives d'influence de l'opinion publique depuis l'étranger se multiplient.

Les puissances étrangères, étatiques ou non, veulent affaiblir nos démocraties et trouvent des alliés : l'extrême droite européenne, qui met à mal les institutions démocratiques, le pluralisme, le débat éclairé, la citoyenneté active, les droits et libertés publiques -  bref, les valeurs européennes. Milei, Orban, Meloni, Le Pen constituent cette force politique que les démocrates doivent vaincre.

Lutter contre les influences étrangères est le devoir des démocraties. Trop longtemps, la naïveté ou le déni ont prévalu.

La proposition de loi de Sacha Houlié améliore un peu la situation. Nous soutenons la création d'un registre pour les acteurs de l'influence, une disposition défendue sans succès par les écologistes au Parlement européen pendant dix ans... Nous sommes favorables au prononcé de sanctions par la HATVP en cas de manquement.

En revanche, nous sommes opposés à l'analyse algorithmique des données de connexion, qui renforcerait la surveillance de masse et nuirait à nos libertés publiques.

Mais ce texte est très loin de suffire. Les stations de police chinoises illégales perdureront, tout comme le financement des campagnes électorales depuis l'étranger, nos amendements ayant été considérés comme des cavaliers législatifs.

Qui peut accepter que le RN continue de contracter des prêts russes par exemple ? La création d'une banque de la démocratie est une piste intéressante.

Bien qu'incomplet et dangereux par certains aspects, ce texte améliore un peu la lutte contre les influences étrangères : nous le voterons.

M. Pascal Savoldelli .  - Ce texte doit être replacé dans son contexte géopolitique. Alors que les tensions entre les États-Unis et la Chine se cristallisent autour de la course à la suprématie mondiale, l'atmosphère internationale se teinte d'incertitude et de désordre. À Tallinn en 2021, Charles Michel plaidait pour une Europe qui affirme sa puissance et se libère de ses entraves géopolitiques.

Dans un contexte de rivalités commerciales et idéologiques avec la Chine, faut-il vraiment se ranger derrière les États-Unis pour préserver notre indépendance ? À demi-mots, ce texte prône un protectionnisme à l'égard de la Chine et de la Russie, oubliant que les ingérences sont aussi le fait de multinationales, principalement américaines. La lutte contre les ingérences étrangères est au service d'une idéologie occidentalocentrée.

Si la lutte contre les ingérences étrangères est cruciale, il ne peut y avoir des ingérences tolérées et d'autres proscrites. Une telle approche binaire légitimerait les pratiques observables notamment au Parlement européen, où les consultants jouent le rôle d'experts, d'arbitres, de pompiers de service ; je renvoie à notre travail sur les cabinets de conseil.

Il faut donc lutter contre toutes les formes d'influence : c'est le sens de notre amendement pour élargir la lutte aux entités à but lucratif. Et les États membres de l'Union européenne doivent aussi être concernés.

Nous soutiendrons l'article 1er qui crée un répertoire, mais les moyens de la HATVP doivent être renforcés en conséquence. Nous proposerons un amendement pour protéger la presse et les avocats.

Nous nous opposons fermement à l'article 3 qui ouvre la porte à l'utilisation d'algorithmes par les services de renseignement. L'évolution de l'équilibre entre sécurité nationale et respect des libertés individuelles, inquiète -  souvenez-vous de la loi sur les JOP de Paris 2024 autorisant une surveillance publique de masse. Reconnaissons que l'algorithme n'est pas neutre : il reproduit notamment les discriminations préexistantes. Le cadre de l'expérimentation est trop large et aucun contre-pouvoir n'est prévu. Je vous invite à considérer ces dangers sérieusement. Si cet article demeure en l'état, nous voterons contre cette proposition de loi.

Mme Annick Girardin .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Loi russe en Géorgie, fermeture de réseaux sociaux et cyberattaques en Nouvelle-Calédonie, arrestations en Tunisie : l'actualité fait la part belle aux ingérences étrangères.

Nous devons légiférer. Le rapport de la délégation parlementaire au renseignement et celui la commission d'enquête sur les ingérences et influences étrangères ont souligné les fragilités de l'Hexagone et de l'outre-mer. Décideurs publics, entreprises et milieux académiques doivent être mieux sensibilisés.

J'insiste sur la fragilité de l'outre-mer. Les évènements de Nouvelle-Calédonie mettent en lumière l'insuffisante sécurisation de ces territoires et justifient cette proposition de loi.

L'article 1er prévoit la création d'un répertoire numérique des représentants d'intérêts agissant pour le compte d'un mandant étranger. La liste des cibles d'influence a été utilement complétée. Le report de l'entrée en vigueur de ce dispositif est aussi une bonne chose.

Quid des moyens mis à la disposition de la HATVP pour accomplir ses nouvelles tâches ?

Notre groupe a souvent émis des réserves sur les algorithmes, mais nous devons nous doter de ces technologies efficaces et les expérimenter afin d'en mesurer les effets et d'en limiter les dérives.

Le RDSE votera donc ce texte qui lance une nouvelle dynamique, même s'il est loin de répondre à l'ampleur du problème. Les conclusions de la commission d'enquête permettront probablement d'enrichir notre arsenal.

Notre souveraineté et celle de l'Europe sont en cause face à cette menace protéiforme, et avec elles celle de nos concitoyens.

Les ingérences sont variées. Les smartphones, les réseaux sociaux, les data, autant de canaux pour lesquels l'Europe doit se doter d'une stratégie claire.

La France joue un rôle moteur en Europe : nous sommes les seuls à avoir des territoires outre-mer qui nous permettent d'être présents dans le monde entier. L'Europe ne peut se faire sans la France et ses câbles sous-marins. Notre pays doit rejoindre le peloton de tête de cette lutte.

Je compte sur vous, monsieur le ministre, pour avancer sur ce sujet, sans quoi nous serons pris en tenaille entre la Russie et la Chine d'un côté, et les États-Unis de l'autre. (Applaudissements sur les travées du RDSE)

Mme Nicole Duranton .  - (M. Jean-Baptiste Lemoyne et Mme Gisèle Jourda applaudissent.) Cette année marquera un moment historique, non seulement pour la France qui accueillera les JOP de Paris, mais aussi pour l'Europe en raison des élections européennes qui appelleront aux urnes plus de 358 millions d'électeurs.

Des puissances étrangères malveillantes veulent nous affaiblir, par des actions protéiformes.

La menace revêt des formes multiples. Il s'agit de campagnes de désinformation, de cyberattaques et de tentatives d'espionnage dans des domaines aussi sensibles que le spatial. Les acteurs se sont multipliés, illustrant le caractère omniprésent de la menace. Médias ou partis politiques peuvent devenir parfois à leur insu des vecteurs de l'ingérence étrangère.

La menace est durable. Certaines puissances autoritaires montrent une hostilité grandissante envers des démocraties occidentales telles que la France. C'est le cas de la Russie notamment.

Je citerai l'activité du réseau « Portal Kombat », révélé par Viginum et composé de 193 sites internet diffusant des contenus prorusses pour changer le regard porté sur la guerre d'agression en Ukraine.

La Russie n'en était pas à son coup d'essai. Le rapport du procureur américain Robert Mueller a montré que la Russie s'était impliquée de façon systématique dans la campagne présidentielle américaine. En 2017, l'équipe de campagne d'Emmanuel Macron a été visée par des hackers russes, qui ont publié des contenus de messageries électroniques avant le second tour de la présidentielle.

La Russie n'est pas un cas isolé. Elle est soupçonnée, comme la Chine et l'Azerbaïdjan, d'ingérences en Nouvelle-Calédonie.

Pour faire face à ces ingérences qui nous menacent régulièrement, cette proposition de loi renforce notre capacité d'action, en modernisant notre cadre législatif. Du travail a déjà été réalisé, avec la création de Viginum en 2021.

La technique de l'algorithme, mise en place par la loi du 30 juillet 2021 relative à la prévention d'actes de terrorisme et au renseignement, est pérennisée.

Très concrètement, notre renseignement pourra faire usage d'un traitement automatisé des données numériques, pour identifier des acteurs qui tentent d'échapper à nos radars. Pour rassurer ceux qui s'inquiètent pour les libertés publiques, ces mesures seront strictement encadrées et limitées à la lutte contre les ingérences avec une mise en oeuvre initiale à titre expérimental.

L'adaptation de notre arsenal passera aussi par des volets plus traditionnels. Nous nous en prendrons par exemple au portefeuille des acteurs menaçant la sécurité nationale, en gelant leurs avoirs notamment.

À la suite du rapport de la délégation parlementaire au renseignement, je veux rappeler la porosité entre influence et ingérence étrangère. Les actions d'ingérence sont hostiles au pays visé ; ce n'est pas le cas de l'influence, même si celle-ci peut insidieusement tomber dans l'ingérence.

Cette proposition de loi prévoit la création d'un répertoire ad hoc recensant les représentants d'intérêts qui cherchent à influencer les décisions françaises vis-à-vis de l'étranger. Cela a été recommandé par un rapport de l'OCDE en avril dernier, afin de renforcer la transparence sur ces acteurs.

L'article 2 prévoit qu'un rapport sera établi tous les deux ans sur la situation.

Le RDPI soutient cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Jérôme Durain .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Il y a quelques années encore, l'ingérence n'était pas mentionnée telle quelle. On ne peut parler correctement que du droit ou du devoir d'assistance, et non d'ingérence, disait l'Académie française.

La « fin de l'histoire » de Francis Fukuyama n'est plus qu'un lointain souvenir. Nous faisons face à une cacophonie anxiogène. Soupçonnées, fantasmées, avérées, les ingérences sont, dans l'esprit de tous, contre l'appareil d'État mais aussi face aux simples candidats.

Cette proposition de loi est inspirée par les travaux de la délégation parlementaire au renseignement et de la commission d'enquête sénatoriale dont Rachid Temal est le rapporteur. Mais ce texte ne prend pas encore totalement la mesure de l'état de la menace. Le dispositif proposé conserve quelques lacunes.

Il nous semblerait cohérent de nous assurer que les candidats aux élections européennes soient concernés, tout comme les candidats aux mandats nationaux.

Pourquoi les membres du Conseil constitutionnel ne sont-ils pas listés parmi les cibles ? Certes, l'organisation du Conseil et son fonctionnement relèvent de la Constitution, mais lister ses membres ne créerait aucune obligation à leur égard. Il en est de même pour l'actuel Président de la République : le texte actuel ne prend en compte que les anciens présidents de la République.

On a beaucoup glosé sur les contrats entre d'anciens premiers ministres étrangers et la Russie. Mais cela ne concerne pas que nos voisins... Nous souhaitons que la durée de contrôle soit portée à huit ans après la fin de l'exercice des fonctions.

Notre état d'esprit est à la fois constructif et ambitieux. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

M. André Reichardt .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Rares sont les convergences de l'histoire et de la politique sur le vieux continent aussi fortes que celles des influences et des ingérences étrangères.

Si les influences sont acceptables, les ingérences ne peuvent être tolérées, d'autant plus qu'elles revêtent de nouvelles formes.

Une commission d'enquête sur ce sujet est en cours ; j'ai l'honneur d'en être vice-président. On peut regretter, comme Gisèle Jourda, que cette proposition de loi précède les conclusions de notre commission d'enquête. N'aurait-on vraiment pas pu attendre ? Je n'ai été que moyennement convaincu.

Ce décalage donnera naissance à un second texte. Pourquoi, dès lors, ne pas tout rassembler en un texte unique ?

La nécessité d'adapter nos outils est évidente. En effet, les menaces sont nombreuses et viennent également des pays du Golfe par exemple, qui promeuvent la radicalité islamiste.

Cette proposition de loi me semble incomplète : elle ne va pas assez loin. L'architecture de la transparence s'avère arc-boutée sur la HATVP dont les missions s'accumulent. Il me paraît opportun d'insister sur cet accroissement, alors que ses moyens n'augmentent pas et qu'elle est toujours dépourvue de pouvoirs de sanction.

En deuxième lieu, lorsque les flux de données augmentent de façon exponentielle, le recours aux nouvelles technologies augmente également.

Collecte d'informations, justice prédictive et autres usages, les algorithmes trouvent sans cesse de nouvelles applications. (M. Pascal Savoldelli le confirme.) Nous tentons d'être vigilants, mais la tâche s'avère sans fin. Une régulation d'ampleur des algorithmes est devenue nécessaire. Elle pourrait conduire à la création d'une nouvelle autorité publique, comme l'ont recommandé le Conseil d'État, la Cour de cassation et le Conseil national des barreaux. C'est indispensable, mais aussi inéluctable, si l'on veut préserver un équilibre salutaire entre État et démocratie.

La multiplication des gels d'avoir peut sembler insuffisante à l'égard des puissances étrangères, mais aussi exorbitantes pour les personnes physiques ou morales.

La coordination entre les services de renseignement est essentielle. Sinon, des interventions sectorielles, parcellaires, ne seraient qu'un trompe-l'oeil.

Une stratégie nationale ambitieuse est nécessaire pour lutter contre les ingérences étrangères, mais pourrait être un élément d'influence sur le plan international pour nos propres valeurs.

La commission d'enquête du Sénat pourra peut-être défendre la mise en oeuvre d'une stratégie nationale que j'appelle de mes voeux. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Christopher Szczurek .  - Cette proposition de loi est bienvenue et attendue, alors que des ingérences toujours plus diverses et pernicieuses se déploient. Notre pays doit se doter des moyens de sévir contre ceux qui trahissent la France. Nous attendions beaucoup de ce texte.

Les ingérences sont trop présentes et trop nombreuses, dans la quasi-totalité des secteurs, qu'il s'agisse de médias, de députés européens, ou d'un ancien ministre décoré par le premier secrétaire du parti communiste chinois. Plus grave : dans cette assemblée, Arnaud Montebourg a indiqué le prix, fort peu élevé, de la trahison de la France et de la soumission par des dirigeants politiques de nos fleurons industriels à des intérêts étrangers.

La logique d'obligation de déclaration à l'article 1er des personnes mandatées par un pays étranger est peut-être minime, mais elle est nécessaire.

Cela recèle néanmoins des lacunes : pourquoi exclure les pays de l'Union européenne quand on sait que certains agissent avec des complices français pour nous détruire ? Pourquoi exclure les ONG qui, sous un manteau d'altruisme, sont souvent le cheval de Troie d'intérêts extérieurs ? Un État n'a pas d'amis, il n'a que des intérêts à défendre.

Ce texte devrait garantir plus efficacement le suivi des mandataires étrangers à moins d'être un coup d'épée dans l'eau. Nous nous félicitons de la prise de conscience de ce risque par le grand public.

La publication d'un rapport et la tenue d'un débat au Parlement sont à saluer, mais tous les deux ans, c'est trop espacé.

Si nous soutenons ce texte dans son principe, il n'y a rien ou si peu contre ceux qui ont trahi la patrie. Aussi voterons-nous toutes les mesures améliorant ce texte. (M. Joshua Hochart applaudit.)

Mme Vanina Paoli-Gagin .  - Les démocraties sont des sociétés ouvertes. Chacun peut s'y exprimer. Cette ouverture et cette liberté sont de grandes forces ; nous pouvons ainsi améliorer nos politiques publiques. Mais c'est aussi un talon d'Achille : nos adversaires peuvent en profiter pour s'ingérer dans notre politique.

De telles manipulations ont été détectées lors des campagnes présidentielles aux États-Unis en 2016 ou en France en 2017. La menace est réelle. Nous devons avoir la plus grande vigilance à l'approche du scrutin européen.

Nos concitoyens doivent avoir conscience que des acteurs étrangers cherchent à exercer un contrôle très étroit sur l'information et sur notre opinion publique.

La création de Viginum en 2021 a permis de détecter, d'imputer des actions de désinformation aux influences étrangères notamment depuis le début de la guerre en Ukraine.

L'Union européenne et l'Otan développent des outils et des doctrines contre cette menace. Nous devons assurer une meilleure transparence sur les actions d'influence des puissances étrangères.

Pour le régime de Tbilissi, le fait d'être financé à 20 % par des fonds étrangers entraîne la qualification d'organisation poursuivant les intérêts d'une puissance étrangère. Malgré la proximité des intitulés, cette proposition de loi ne poursuit pas la même logique : elle vise à surveiller les actions de lobbying des puissances étrangères. Elle n'accuse pas toutes les organisations recevant des fonds étrangers de poursuivre des intérêts étrangers.

Ces déclarations mettront au jour les manoeuvres et la HATVP caractérisera leur ampleur. Il est impératif de permettre à notre renseignement d'utiliser le traitement automatisé des données.

Si des menaces sont détectées, nous devons avoir les moyens de nous défendre. Le gel des fonds utilisés pour les manoeuvres d'ingérence pourra être décidé par le Gouvernement. Les techniques spéciales d'enquête pourront être utilisées le cas échéant. Nous devons protéger nos concitoyens de la menace. Je salue le travail des rapporteurs qui ont amélioré ce texte.

Il faudra renforcer notre arsenal dans le domaine économique et légiférer. Notre pays doit mieux se défendre contre les atteintes à sa souveraineté.

Le groupe Les Indépendants votera en faveur de cette proposition de loi.

Mme Nathalie Goulet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Le groupe centriste votera ce texte. La naïveté est terminée, à tel point que la DGSI est venue à la rencontre de l'ensemble des sénateurs, nous adressant une note très précise pour nous prémunir contre les attaques. Un homme averti en vaut deux - une femme au moins quatre ! (Sourires)

Cette proposition de loi ne s'attaque pas à tous les modes d'ingérence.

La protection des données personnelles est un sujet sur lequel notre groupe travaille depuis longtemps, avec Catherine Morin-Desailly.

Nous aurions aussi voulu que davantage soit fait sur l'islam radical et sur les pays pompiers pyromanes. Le Conseil de défense et de sécurité nationale a demandé une mission sur la menace que représentent les Frères musulmans. Tous ces sujets ne sont pas évoqués dans la proposition de loi. Avec Catherine Morin-Desailly, nous avons déposé plusieurs amendements.

Il n'y a rien sur la diplomatie d'influence. Rien dans le texte nous éviterait un Qatargate. Nos amendements ont tous été écartés.

Monsieur le ministre, vous avez deux occasions de montrer votre bonne foi, sur le pantouflage et le rétro-pantouflage, car le texte d'Éliane Assassi et Arnaud Bazin, à la suite de leur commission d'enquête, sera examiné de nouveau la semaine prochaine. Sur ce sujet des cabinets de conseils, il y a de l'ingérence et de l'influence. Nous sommes nombreux à vouloir revenir à la rédaction du Sénat, que l'Assemblée a vidée de sa substance.

Ensuite, vous pouvez octroyer budget et moyens humains.

Le groupe centriste votera la proposition de loi à l'unanimité. (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. André Reichardt applaudit également.)

Mme Gisèle Jourda .  - (M. Michaël Weber applaudit.) L'actualité ne manque pas d'exemples d'ingérences étrangères. Les enjeux sont multiples : Jérôme Durain les a déclinés.

Le premier impératif est de les identifier : identifier nos rivaux, les menaces et les outils.

La tâche n'est pas mince. Nos alliés peuvent être nos ennemis. La menace est souvent hybride.

La France est une cible, mais surtout la victime d'une absence de vision stratégique de long terme.

Dans notre rapport de 2021, avec Pascal Allizard, nous listions les moyens de la Chine en matière de soft power ; l'Europe semble en prendre conscience.

L'article 2 a pour objet de protéger notre société.

Les outils déclinés aux articles 1 et 3 sont-ils suffisants ? Viginum existe et est efficace, mais disposera-t-elle des moyens suffisants ? Nous attendons des engagements dans le prochain budget.

Ce texte ne prévoit pas de stratégie coordonnée et efficace. Les risques sont démultipliés par les réseaux sociaux et l'intelligence artificielle.

Mieux protéger notre patrimoine scientifique, nos libertés académiques et de recherche est un autre enjeu, mais le texte ne les évoque pas.

Ce texte n'est pas à la hauteur des défis à relever ; c'est une marche importante mais insuffisante. Il est un tressaillement quand nous avons besoin d'un sursaut.

Nous voterons en faveur de son adoption mais proposerons de l'enrichir. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

Mme Valérie Boyer .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La commission des lois a approuvé les dispositifs en les améliorant. Dès le 2 novembre 2023, la délégation parlementaire au renseignement a souligné que la menace d'ingérence était élevée. Elle identifie des menaces classiques, modernes et hybrides, en provenance de la Russie, de la Chine, de la Turquie et de l'Iran. Elle alerte sur la naïveté et le déni de certains élus, de hauts fonctionnaires et d'acteurs universitaires et économiques notamment. Elle prône la mise en place d'un registre de type Fara face à une menace protéiforme et durable.

La délégation parlementaire au renseignement a identifié deux catégories de pays à l'origine d'actions d'ingérence. Nous avons tous en tête le Qatargate et la diplomatie du caviar de l'Azerbaïdjan qui visaient respectivement le Parlement européen et le Conseil de l'Europe.

L'autre type d'ingérence vise à déstabiliser nos démocraties. L'ombre de l'Azerbaïdjan, de la Russie et de la Chine plane sur la Nouvelle-Calédonie. Ils souhaitent faire main basse sur les ressources de ce territoire d'outre-mer, dont le nickel et nos eaux territoriales.

En mars, des médias azerbaïdjanais montraient des photos de militants indépendantistes avec des tee-shirts azéris ou des portraits du président Aliyev en Nouvelle-Calédonie. Cette dictature a fourni du gaz à l'Europe sous les applaudissements d'Ursula von der Leyen, mais a massacré des Arméniens d'Artsakh.

Depuis plusieurs années, la France subit une guerre de l'information en Afrique, menée par la Russie et la Turquie, qui dénigrent notre pays en parlant d'anticolonialisme et qui ciblent aujourd'hui les territoires d'outre-mer.

En première ligne, l'Azerbaïdjan joue sur les populations locales. Lors du sommet des non-alignés, Ilham Aliyev a dénonçé les crimes coloniaux et les actes de génocide. L'outre-mer était qualifié de « reste abominable de l'empire colonial ». Faisant fi du droit de la population à disposer d'elle-même, puisque les Mahorais se sont prononcés pour rester dans la France, il s'est dit favorable à la souveraineté des Comores sur Mayotte.

En novembre 2023, il réitérait ses attaques en accusant la France de déstabiliser ses colonies présentes et passées mais aussi « notre région, le Caucase Sud »... Incroyable hypocrisie de la part d'empires supercoloniaux, la Russie avec ses pays satellites, ou la Turquie qui poursuit ses délires panturquistes pour reformer l'Empire ottoman. Moscou, Ankara et Bakou propagent l'image d'une France pillarde et brutale, d'une puissance coloniale criminelle. Leur but est de salir l'image de notre pays.

De nombreuses autres mesures de la délégation parlementaire au renseignement auraient pu trouver leur place dans cette proposition de loi.

Compte tenu de la situation actuelle en Nouvelle-Calédonie, je propose que le gel des avoirs azéris voté en 2022 soit enfin effectif et qu'ils servent à réparer les dégâts évalués à près d'un milliard d'euros en Nouvelle-Calédonie.

J'espère que ce texte marquera le début d'un travail parlementaire plus large, notamment sur l'influence étrangère dans nos universités. La Chine est impliquée dans 70 à 80 % des cas graves d'influences étatiques sur les travaux académiques et scientifiques français.

Si les Frères musulmans ne constituent pas un État, leur entrisme aurait toutefois pu être évoqué. Leur ombre plane sur notre pays, de la décapitation de Samuel Paty aux manifestations pour le burkini dans les piscines, en passant par les marches contre l'islamophobie.

Nous devons agir rapidement sur ces guerres contre nous-mêmes. Pour paraphraser le président Chirac, nos démocraties brûlent et nous regardons ailleurs. Notre liberté mérite pourtant de continuer à s'exercer. Elle le mérite.

M. François Bonneau .  - Tandis que des ingérences en provenance de Russie, de Chine et d'Azerbaïdjan sont visibles en Nouvelle-Calédonie, nous examinons cette proposition de loi.

Ces opérations tentaculaires visent à saper la cohésion et à porter atteinte à la souveraineté nationale. Selon le rapport d'avril 2024 de l'OCDE, c'est un risque majeur qui appelle de nouveaux outils. Le rapport de la délégation parlementaire au renseignement indique un niveau d'ingérence élevé ; il fait 22 propositions, dont 18 sur ce sujet, qui ont été une source d'inspiration pour ce texte.

Celui-ci apporte un début de réponse : une meilleure information du Parlement sur l'état des menaces, une extension de la technologie de l'algorithme à ces ingérences et le gel des avoirs des personnes responsables. Grâce à la commission des lois, les travaux de la HATVP seront mieux coordonnés.

Cela appelle aussi des réponses européennes. Dès 2020, le Parlement européen s'est doté d'un cadre pour lutter contre les ingérences. Le 25 avril dernier, il a adopté une résolution qui réclame notamment une enquête interne approfondie.

À trois semaines des élections européennes, une action forte et coordonnée des États membres est nécessaire.

Le Sénat a mis en place une commission d'enquête sur les ingérences ; le groupe UC suivra attentivement ses conclusions et votera unanimement ce texte.

Discussion des articles

Article 1er

M. le président.  - Amendement n°23 rectifié, présenté par Mmes N. Goulet et Morin-Desailly.

Alinéa 6

Après la référence :

II

insérer les mots :

ou qui agissent de facto sous le contrôle d'un État étranger

Mme Nathalie Goulet.  - Comme le rapport de l'OCDE, nous pensons que le mandat étranger peut être verbal, écrit ou de facto.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Avis défavorable. Cette proposition introduit une notion floue, peu juridique. Le texte actuel vise toute personne agissant « sur l'ordre, la demande ou sous la direction ou le contrôle d'un mandant étranger. »

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué.  - Même avis.

L'amendement n°23 rectifié est retiré.

M. le président.  - Amendement n°5, présenté par M. Durain et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Alinéa 6

Supprimer les mots : 

et aux fins de promouvoir les intérêts de ce dernier

M. Jérôme Durain.  - Cet amendement supprime le deuxième critère définissant une personne agissant pour le compte d'un mandant étranger, redondant : si on agit sur ordre de quelqu'un, c'est forcément dans son intérêt. Attention : des personnes, pour contourner le dispositif, pourraient arguer qu'elles agissent dans l'intérêt d'un tiers...

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Avis défavorable. Vous souhaitez assouplir les critères, mais l'ensemble des critères sont cumulatifs et permettent de ne pas trop élargir, afin de rester efficace.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué.  - Même avis.

L'amendement n°5 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°8, présenté par M. Durain et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Après l'alinéa 7

Insérer un alinéa ainsi rédigé : 

« ...) Le Président de la République ; 

M. Thierry Cozic.  - Le dispositif est incomplet, car plusieurs personnalités publiques de haut rang ne sont pas prises en compte. C'est le cas du Président de la République, qui fait l'objet de cet amendement.

Son statut relève de la seule Constitution, mais cet amendement ne modifie pas son statut. Il ne crée des obligations que pour les auteurs d'actions d'influence. Nous ne parlons pas, bien entendu, de relations diplomatiques, mais de tentatives d'influence sur des politiques publiques.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Avis défavorable à ce nouvel élargissement des personnes visées qui présente un risque constitutionnel au regard de l'immunité du Président de la République.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué.  - Dans son avis sur la loi Sapin II, le Conseil d'État a effectivement indiqué qu'il n'était pas possible d'inclure le Président de la République dans la liste des cibles.

L'amendement n°8 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°9, présenté par M. Durain et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Après l'alinéa 11

insérer un alinéa ainsi rédigé : 

« ...) Un membre du Conseil constitutionnel ;

M. Jérôme Durain.  - Dans le prolongement du précédent, cet amendement vise les membres du Conseil Constitutionnel. Comment croire qu'ils ne pourraient pas être la cible d'actions de mandants étrangers ? On nous rétorquera que l'organisation et le fonctionnement du Conseil constitutionnel relèvent de l'ordonnance du 7 novembre 1958 ; mais les considérer comme des cibles potentielles ne modifie en rien leur statut, ni le fonctionnement du Conseil. Seuls les agents d'influence sont visés.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Avis défavorable. C'est le même raisonnement que pour le Président de la République. Toucher à leurs contacts, c'est toucher à leur statut, qui relève d'une loi organique.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué.  - Même avis.

L'amendement n°9 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°7, présenté par M. Durain et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Alinéa 16

Remplacer les mots : 

ou sénatoriales

par les mots : 

,sénatoriales ou européennes

Mme Gisèle Jourda.  - La commission des lois a élargi la liste des cibles de la loi Sapin II, mais exclut les candidats aux élections européennes, ce que nous regrettons. Si leur statut, une fois élus, relève du droit européen, ce n'est pas le cas de leur élection, régie par le droit national. C'est de surcroît politiquement indispensable, au vu des conclusions de la commission spéciale du Parlement européen présidée par Raphaël Glucksmann.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Qu'en pense le Gouvernement ? Nous en avons débattu au sein des deux commissions : l'Union européenne assure-t-elle ce type de contrôle ?

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué.  - Avis favorable. Il est souhaitable que la liste soit étendue aux candidats aux élections européennes, qui peuvent être ciblés.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Avis favorable.

L'amendement n°7 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°1 rectifié, présenté par Mmes N. Goulet et Morin-Desailly.

Après l'alinéa 19

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« ...° Organisant des voyages à destination des élus ou des sociaux-professionnels.

Mme Nathalie Goulet.  - Amendement de précision. J'ai un exemple en tête d'une entité, qui organise des voyages pour des élus, mais n'est pas inscrite sur la liste de la HATVP.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Retrait ou avis défavorable : organiser des voyages entre dans la catégorie large « d'entrer en contact. »

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué.  - Même avis.

L'amendement n°1 rectifié est retiré.

M. le président.  - Amendement n°6, présenté par M. Durain et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

I. - Alinéa 22

Supprimer les mots : 

, à l'exclusion des États membres de l'Union européenne

II. - Alinéa 24

Supprimer les mots : 

, à l'exclusion de ceux issus des États membres de l'Union européenne

M. Jérôme Durain.  - Cet amendement aborde un sujet complexe : l'activité d'influence menée par des États membres de l'Union européenne. On ne peut concevoir que par nature, ils n'en exerceraient pas. Exiger la plus grande transparence même de la part de partenaires n'est pas illégitime.

En quoi cela contreviendrait-il au droit de l'Union européenne ?

M. le président.  - Amendement identique n°53, présenté par M. Savoldelli et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky.

Mme Evelyne Corbière Naminzo.  - Nous avons déjà exprimé notre inquiétude face à la montée en puissance de l'extrême droite dans plusieurs pays de l'Union européenne, tels que le Danemark, la Suède, l'Italie et la Hongrie.

La réalité démontre une divergence inquiétante de valeurs et de principes, à l'encontre des idéaux de tolérance et de respect formant le socle de notre démocratie. Ces gouvernements peuvent être tentés d'accepter des alliances extérieures. Nous devons avoir une vigilance accrue. Ce serait un signal fort, celui d'une France résolue à préserver sa démocratie. La justice ne souffre aucune exception.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Avis défavorable. Il y a un risque fort d'inconventionnalité de ces deux amendements : la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), dans une affaire ayant trait à la Hongrie, a en effet jugé que cela serait contraire à l'article 63 du traité sur l'Union européenne et à la Charte des droits fondamentaux.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué.  - Même avis.

Les amendements identiques nos6 et 53 ne sont pas adoptés.

M. le président.  - Amendement n°4 rectifié, présenté par Mmes N. Goulet et Morin-Desailly.

Alinéa 24

Après le mot :

étrangers

insérer les mots :

y compris les partis et mouvements en exil et/ou bénéficiant de l'asile politique 

Mme Nathalie Goulet.  - Victoire de l'optimisme sur l'expérience : je souhaite inclure les partis et mouvements en exil.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Avis défavorable. C'est superfétatoire.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué.  - Même avis.

L'amendement n°4 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°51, présenté par M. Savoldelli et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky.

Alinéa 25

Rédiger ainsi cet alinéa :

« III.  -  Ne sont pas des représentants d'intérêts agissant pour le compte d'un mandant étranger, au sens de la présente section : les membres du personnel diplomatique et consulaire en poste en France dûment habilités, les membres et les agents d'un État étranger, les journalistes, au sens de l'article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, les organes de presse, au sens de l'article 1er de la loi n° 86-897 du 1 août 1986 portant réforme juridique de la presse, ainsi que les services de communication audiovisuelle, au sens de l'article 2 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, les avocats, lorsqu'ils réalisent des prestations de conseil juridique ou d'assistance des parties devant les juridictions, les organismes juridictionnels, disciplinaires ou autorités administratives. »

M. Pascal Savoldelli.  - Nous exemptons les journalistes et organes de presse. Croire qu'on peut lutter contre la propagande de guerre par la censure est une faute lourde. La censure gouvernementale de Russia Today (RT) et de Sputnik aurait dû choquer les démocrates que nous sommes.

La liberté d'expression, fût-elle propagandiste, doit être protégée. La Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) le rappelle : elle s'applique aussi à des propos qui choquent, heurtent et inquiètent.

Cela n'a pas empêché le Conseil de décréter en mars 2022 une censure sur tout le territoire européen, une première depuis des dizaines d'années. Au demeurant, c'est inefficace, car ces médias restent accessibles ; et contre-productif, car cela ne fait que nourrir les complotismes. L'antidote est un audiovisuel public fort.

Si la vérité est la première victime de la guerre, c'est parce que les belligérants y trouvent leur intérêt.

L'amendement n°2 rectifié n'est pas défendu.

M. le président.  - Amendement n°27, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.

Alinéa 25

Compléter cet alinéa par les mots :

et les avocats, lorsqu'ils réalisent des prestations de conseil juridique ou d'assistance des parties devant les juridictions, les organismes juridictionnels, disciplinaires ou autorités administratives

M. Thomas Dossus.  - Nous voulons exclure les avocats de la liste, afin de préserver le bon fonctionnement de la justice. Les avocats sont soumis à une déontologie stricte, avec trois mécanismes de contrôle. Ils n'ont ainsi pas le droit d'accepter un mandat lorsque leur indépendance ne peut être garantie.

Cet amendement est issu d'une recommandation du Conseil national des barreaux (CNB).

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Avis défavorable sur ces deux amendements. Nous avons entendu de nombreux services de renseignement qui nous l'ont indiqué : les ingérences sont souvent menées par des avocats ou des journalistes.

De plus, les activités contentieuses des avocats ne sont pas concernées par l'article 1er.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué.  - Même avis.

L'amendement n°51 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°27.

M. le président.  - Amendement n°28, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.

Après l'alinéa 29

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« ...° Les montants des financements reçus de chacun des mandants étrangers pour le compte desquels il agit ;

M. Thomas Dossus.  - Nous voulons obliger les lobbyistes à publier le montant des rémunérations qu'ils touchent pour leur activité en France au profit d'acteurs étrangers. C'est surprenant de ne pas inclure cette information clé : il y a une différence entre être payé 5 000 ou 1 million d'euros pour une action d'influence.

Le registre européen impose d'indiquer une fourchette de rémunération.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Avis défavorable. Cette obligation de déclarer l'ensemble des financements pour chacune des activités est extrêmement sévère. L'influence étrangère est une activité légale, je le rappelle. Cette mesure emboliserait la HATVP.

En outre, ces informations peuvent être obtenues par des contrôles sur place et sur pièce.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué.  - Même avis.

Mme Nathalie Goulet.  - Je voterai cet amendement bienvenu.

L'amendement n°28 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°42 rectifié bis, présenté par MM. Daubet et Bilhac, Mmes M. Carrère et N. Delattre, M. Fialaire, Mme Girardin, MM. Guiol et Masset, Mme Pantel, M. Gold et Mme Guillotin.

Alinéa 50

Après les mots :

article 18-13

insérer les mots :

, ou d'avoir communiqué de fausses informations,

Mme Annick Girardin.  - L'oubli de déclaration est sanctionné ; la volonté de fausser les informations déclarées à la HATVP devrait l'être aussi.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Avis défavorable car les sanctions en cas de non-déclaration ou de mauvaise déclaration satisfont cet amendement.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué.  - Même avis.

L'amendement n°42 rectifié bis n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°43 rectifié bis, présenté par MM. Daubet et Bilhac, Mmes M. Carrère et N. Delattre, M. Fialaire, Mme Girardin, MM. Guiol et Masset, Mme Pantel, M. Gold et Mme Guillotin.

Alinéa 54

Compléter cet alinéa par les mots :

notamment, la durée de publicité des informations du répertoire numérique

Mme Annick Girardin.  - Un représentant d'intérêt peut se désinscrire du répertoire en cas de cessation d'activité. Les éléments déclarés restent accessibles pendant cinq ans. Il serait souhaitable que cela soit beaucoup plus long lorsque l'action est au bénéfice d'un acteur étranger.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Avis défavorable, car inutile : le décret fixera les dates. En outre, sur la forme, la commission est peu friande de « notamment ».

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué.  - Même avis.

L'amendement n°43 rectifié bis n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°55, présenté par Mme Canayer, au nom de la commission des lois.

Alinéa 62

Remplacer la référence :

18-11

par la référence : 

18-12-1

L'amendement n°55 de correction matérielle, accepté par le Gouvernement, est adopté.

L'article 1er, modifié, est adopté.

Article 1er bis A

M. le président.  - Amendement n°56 rectifié, présenté par Mme Canayer, au nom de la commission des lois.

Alinéa 4

Remplacer les références : 

1° et 3° à 7° de l'article 18-2

par les références : 

a et c à j du 1° du I de l'article 18-12-1

et 

après le mot : 

prévu

insérer les mots : 

au même

L'amendement de correction n°56 rectifié, accepté par le Gouvernement, est adopté.

M. le président.  - Amendement n°10, présenté par M. Durain et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Alinéa 5

Remplacer le mot : 

cinq

par le mot : 

huit

M. Jérôme Durain.  - Nous avions déposé en commission des lois un amendement renforçant le contrôle de la HATVP sur les activités des anciens membres du Gouvernement. De nombreuses actions d'influence étrangère sont en effet menées plusieurs années après la fin des fonctions, en raison de l'importance de leur réseau. C'est une bonne chose que le délai soit de cinq ans après la cessation des fonctions, et non pas de trois ans.

Nous avions proposé dix ans, mais, par compromis, nous proposons désormais huit ans. Madame la rapporteure, pourquoi nous opposez-vous que cela ne correspond à aucune durée de mandat ?

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - La durée de cinq ans est surtout de compromis. Elle suffit pour assurer le suivi des anciens présidents et ministres, sans entraver trop longtemps leur reconversion. C'est deux ans de plus que les trois ans prévus dans le contrôle de leur mobilité. Avis défavorable.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué.  - Même avis.

L'amendement n°10 n'est pas adopté.

L'article 1er bis A, modifié, est adopté.

Article 1er bis

Mme Gisèle Jourda .  - La grande absente du texte, c'est la sensibilisation des élus locaux aux menaces d'ingérence - je pense à la commande publique. Elle est pourtant indispensable et préconisée par la délégation parlementaire au renseignement. Nous prévoyions par amendement une session de sensibilisation pour les élus locaux dans chaque département, mais cela a été déclaré irrecevable. Pourquoi ?

M. le président.  - Amendement n°11, présenté par Mme G. Jourda et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Alinéa 1

Après les mots : 

politique étrangère

insérer les mots : 

, les établissements publics mentionnés aux articles L. 711-1 du code de l'éducation et L. 313-1 du code de la recherche

Mme Gisèle Jourda.  - Les think tanks et laboratoires d'idées devront indiquer les dons perçus de toute puissance ou personne morale étrangère. Ayant obtenu que soient aussi concernés les instituts ayant la forme juridique d'un établissement éducatif public à but non lucratif, nous voulons aussi inclure les centres de recherche et universitaires. Lisez le rapport de MM. Gattolin et Blanc sur ce sujet.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - La commission des lois a adopté l'extension aux instituts. Nous comprenons l'enjeu, mais les universités ont déjà l'obligation de publier les dons reçus. Est-ce redondant, monsieur le ministre ?

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué.  - Je partage votre préoccupation face au risque de dépendance aux financements étrangers ; mais le Gouvernement relève deux difficultés : il n'est pas utile de cibler des entités dépourvues de personnalité juridique et les références des articles cités ne sont pas pertinentes. Retrait, sinon avis défavorable.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Même avis.

M. Pascal Savoldelli.  - Le groupe CRCE-K ne votera pas cet amendement. Les centres universitaires sont protégés par une liberté académique et une liberté constitutionnelle.

L'amendement n°11 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°54, présenté par M. Savoldelli et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky.

Alinéa 1

Supprimer les mots :

extérieures à l'Union européenne

M. Pascal Savoldelli.  - Cet amendement s'applique aux think tanks et aux laboratoires d'idées. L'appartenance à l'Union européenne ne doit pas être synonyme de privilège au regard des obligations de transparence.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Avis défavorable pour les mêmes raisons que tout à l'heure. Nous courons un risque d'inconventionnalité sanctionné par la CJUE.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué.  - Même avis.

M. Jérôme Durain.  - Chers collègues communistes, par cohérence, nous voterons cet amendement.

L'amendement n°54 n'est pas adopté.

L'article 1er bis est adopté.

Après l'article 1er bis

M. le président.  - Amendement n°34, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.

Après l'article 1er bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La section 5 du chapitre Ier du titre Ier du livre IV du code pénal est complété par un article 411-... ainsi rédigé :

« Art. 411-....  -  Le fait de publier une imitation d'une publication de presse ou d'un service de presse en ligne pour le compte d'une puissance étrangère, d'une entreprise ou organisation étrangère, contenant des informations fausses de nature à induire en erreur et à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation est puni de sept ans d'emprisonnement et de 100 000 euros d'amende. »

M. Thomas Dossus.  - Cet amendement pénalise l'imitation de l'identité d'une agence de presse ou d'un média pour diffuser des informations biaisées ou fausses. Des groupuscules étrangers tentent ainsi de diffuser des rumeurs infondées. Meta a déjà supprimé les références à 60 sites sur les réseaux sociaux.

Infoross est par exemple une fausse agence de presse russe, qui propose des articles plagiés ; voyez le titre d'un article, par exemple : « les armes archaïques de l'Otan n'aident pas l'Ukraine dans son combat contre la Russie ». Viginum et les services de renseignement ont sans doute repéré quantité de sites de ce type. Le risque est aussi que cela érode la confiance des citoyens dans les médias. Imiter une publication doit être pénalement répréhensible.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Ce phénomène est bien connu, grâce à Viginum. La diffusion de fausses informations est déjà sanctionnée par la loi de 1881 sur la presse. Nous avons augmenté le quantum en cas d'action pour une puissance étrangère. Retrait, sinon avis défavorable.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué.  - Même avis.

L'amendement n°34 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°12, présenté par Mme G. Jourda et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Après l'article 1er bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le premier alinéa de l'article L. 411-5 du code de la recherche est complété par les mots : « ainsi qu'avec toute puissance étrangère ou toute personne morale étrangère ».

Mme Gisèle Jourda.  - Cet amendement oblige les chercheurs à signaler les aides étrangères dont ils ont bénéficié pour leurs travaux. Cette transparence des coopérations universitaires était une des recommandations du rapport de MM. Gattolin et Blanc.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Retrait, sinon avis défavorable.

Votre amendement ne fait pas le lien entre les puissances étrangères et la mission du chercheur : un chercheur qui partirait en déplacement pour d'autres activités serait aussi obligé de le déclarer...

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué.  - Même avis.

L'amendement n°12 n'est pas adopté.

Article 2

Mme Gisèle Jourda .  - Je veux faire part de ma stupéfaction : la commission des lois a en effet jugé qu'un amendement demandant la transmission d'un rapport sur les postes clandestins de police étrangers sur notre territoire serait un cavalier législatif. Plus que de l'ingérence, c'est une atteinte à notre souveraineté ! En quoi cela serait-il dépourvu de lien avec ce texte ?

M. le président.  - Amendement n°52, présenté par M. Savoldelli et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky.

Première phrase

Supprimer le mot :

deux

M. Pascal Savoldelli.  - Nous demandons un rapport au Parlement tous les ans, et non tous les deux ans. Rien ne justifie d'attendre aussi longtemps, au regard de l'importance du sujet. Un suivi annuel est primordial pour assurer un contrôle du pouvoir exécutif, qui définit la menace à la sécurité nationale.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Deux ans, c'est suffisant, et cela permettra d'avoir un rapport étayé. Retrait, sinon avis défavorable.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué.  - Même avis.

M. Pascal Savoldelli.  - On ne serait pas capable de remettre un rapport annuel, sur un tel sujet ? Cet argument m'étonne.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué.  - Ce sont les députés qui ont allongé le délai de remise, au regard des informations nouvelles à transmettre.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - De nombreux rapports ne sont jamais rendus : nous attendons toujours celui sur les URL en matière d'algorithme. Il faut laisser le temps de rédiger des rapports consistants, de qualité - sans compter qu'un contrôle est également exercé par la délégation parlementaire au renseignement. Deux ans, c'est adapté.

M. Olivier Cadic.  - Lorsqu'on n'avertit pas les parlementaires d'attaques les concernant, il y a un problème ! Viginum, l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (Anssi) remettent des rapports annuels. C'est d'autant plus nécessaire que nos ennemis changent rapidement de modus operandi. Revenons à un an.

À l'issue d'une épreuve à main levée déclarée douteuse, l'amendement n°52, mis aux voix par assis et levé, est adopté.

M. le président.  - Amendement n°50, présenté par M. Savoldelli et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky.

Première phrase

Compléter cette phrase par les mots :

sur le fondement d'un rapport établi par la délégation parlementaire au renseignement

M. Pascal Savoldelli.  - Nous ne sommes pas naïfs sur l'implication politique d'un tel rapport sur les menaces pesant sur la sécurité nationale. Nous proposons que le Parlement participe à la définition de ces menaces au travers de sa délégation au renseignement, qui a pour mission de contrôler l'action du Gouvernement en la matière.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Avis défavorable. La délégation parlementaire au renseignement contrôle l'activité des services de renseignement ; elle n'a pas les moyens d'étudier l'état de la menace, et ce n'est pas son rôle.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué.  - Même avis.

L'amendement n°50 n'est pas adopté.

L'article 2, modifié, est adopté.

Après l'article 2

M. le président.  - Amendement n°25 rectifié quater, présenté par MM. Lemoyne, Montaugé, Buis et Bonneau, Mme Duranton, MM. Mellouli, Brault, Courtial et Haye, Mme G. Jourda et M. Gremillet.

Après l'article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le code monétaire et financier est ainsi modifié :

1° L'article L. 151-6 est complété par une phrase ainsi rédigée :

« La publication annuelle de ces données peut donner lieu à un débat à l'Assemblée nationale et au Sénat. » ;

2° Le I de l'article L. 151-7 est ainsi modifié :

a) Au 1°, les mots : « de sécurité » sont remplacés par les mots : « d'intelligence » ;

b) Au 2°, après la première occurrence de la référence : « L. 151-3 », sont insérés les mots : « et aux mesures prises pour s'assurer du respect de ces conditions dans la durée ».

M. Jean-Baptiste Lemoyne.  - Les ingérences prennent plusieurs formes. Mon amendement, cosigné de façon transpartisane, a trait à l'intelligence économique et à la protection de nos intérêts économiques. Il reprend une recommandation de la proposition de loi que j'ai déposée avec Mme Lienemann, MM. Babary et Montaugé, qui faisait suite à notre mission d'information.

Il est proposé que ce rapport puisse faire l'objet d'un débat à l'Assemblée nationale et au Sénat. Le Parlement gagnerait à mieux connaître ces activités de prédation, pour mieux les endiguer.

M. le président.  - Sous-amendement n°57 rectifié ter à l'amendement n° 25 rectifié de M. Lemoyne, présenté par Mme Primas et MM. Meignen, Gay et Darras.

Amendement n° 25

Compléter cet amendement par un alinéa ainsi rédigé :

... ° La deuxième phrase du 2° du II du même article L. 151-7 est supprimée.

M. Thierry Meignen.  - Cosigné par les quatre rapporteurs de la mission sénatoriale sur Atos, ce sous-amendement vise à faciliter l'exercice des pouvoirs d'investigation octroyés au Parlement en matière de contrôle des investissements étrangers en France.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - La commission n'a pu examiner le sous-amendement, déposé tardivement. À titre personnel, sagesse.

L'amendement de M. Lemoyne aurait davantage sa place dans un texte sur l'intelligence économique, qui sera examiné prochainement. Sagesse.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué.  - Nous n'avons pas eu le temps d'expertiser le sous-amendement n°57 : retrait, sinon avis défavorable.

L'amendement n°25 rectifié quater inscrit dans le code la possibilité d'organiser un débat à l'Assemblée nationale et au Sénat sur le contrôle des investissements étrangers en France. Depuis 2020, le Gouvernement publie chaque année, sur le site de la direction générale du Trésor, les principales données statistiques en la matière ; rien n'empêche les assemblées d'en débattre si elles le souhaitent.

Remplacer « sécurité économique » par « intelligence économique » affecterait la cohérence du dispositif de sécurité économique mis en place par le décret du 20 mars 1999, nous n'y sommes pas favorables.

Pas d'opposition, en revanche, sur l'introduction dans le rapport d'éléments sur le suivi de la mise en oeuvre par les investisseurs, dans la durée, des conditions qui leur sont imposées.

M. Jean-Baptiste Lemoyne.  - Le Parlement peut décider lui-même d'organiser un débat - nous le ferons prochainement, à l'initiative du RDPI -, mais rien ne s'oppose à l'inscrire dans la loi.

La notion d'« intelligence économique » est plus large que celle de « sécurité économique » ; la CMP pourra toujours rajouter un « et ».

Enfin, le Gouvernement est d'accord pour intégrer les mesures de suivi. Bref, aucun de ces trois points n'est insurmontable. Ce sont des recommandations de notre mission d'information, adoptées à l'unanimité. Je propose de poursuivre dans cet élan et de voter l'amendement.

Mme Catherine Morin-Desailly.  - Parfois, on découvre des informations dans la presse... Les débats, l'information, c'est bien ; agir, c'est mieux. Il faut avant tout une politique industrielle offensive !

Le sous-amendement n°57 rectifié ter est adopté.

L'amendement n°25 rectifié quater, sous-amendé, est adopté et devient un article additionnel.

M. le président.  - Amendement n°14, présenté par Mme G. Jourda et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Après l'article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le Gouvernement remet à la délégation parlementaire au renseignement, avant le 1er juillet de l'année qui suit celle de la promulgation de la présente loi, puis tous les ans, un rapport exhaustif sur les investissements directs et investissements ultimes (qui prennent en compte la maison mère et non les filiales, et la nationalité de cette maison mère), ainsi que les prêts financiers des pays étrangers dans les secteurs touchant à la défense nationale ou susceptible de mettre en jeu l'ordre public et des activités essentielles à la garantie des intérêts de la France.

Mme Gisèle Jourda.  - Il s'agit de permettre à la délégation parlementaire au renseignement d'avoir une vision d'ensemble des investissements étrangers afin de mieux évaluer les risques : atteinte à la sécurité et à l'ordre public, endettement excessif et perte de garantie stratégique, transfert de technologie, non-respect des normes environnementales, etc.

La France doit être moteur sur ces questions. Nous plaidons pour une analyse exhaustive au niveau européen.

Je vous renvoie au rapport d'information que j'ai signé avec Pascal Allizard.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Avis défavorable. Nous venons d'adopter l'amendement de M. Lemoyne, qui est plus large.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué.  - Même avis.

L'amendement n°14 n'est pas adopté.

Article 3

M. Pascal Savoldelli .  - Cet article ouvre la porte à l'utilisation d'algorithmes par les services de renseignement en matière d'ingérence étrangère - quitte à modifier l'équilibre entre sécurité nationale et libertés individuelles.

Le Président Macron prépare depuis sept ans le pays à cette banalisation des IA de surveillance, sans tenir compte des critiques des ONG et de la Cnil. On le voit, ces techniques s'étendent progressivement à d'autres domaines que le terrorisme. Pourtant, les erreurs algorithmiques touchent jusqu'à 2 % de la population !

Nous nous opposons à ce capitalisme de surveillance. L'algorithme n'est pas neutre, il est le fruit d'un donneur d'ordre, guidé par une idéologie. C'est la société panoptique décrite par Michel Foucault.

Quels seront les biais de ces algorithmes ? Qui en aura l'usage ? L'extension à la prévention de toute ingérence étrangère est trop large.

Nous voterons contre cet article, qui menace les libertés individuelles, et, si aucun de nos amendements n'est retenu, contre le texte.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué.  - Il ne faut pas tout mélanger. Non, le Président de la République n'a pas placé la France sous surveillance. Il veut faire de la France un leader en matière d'IA. Il faut l'en remercier, car actuellement les algorithmes qui sont dans vos poches, dans vos véhicules, vos tablettes, sont tous conçus en Chine ou aux États-Unis ! (MM. Thomas Dossus et Pascal Savoldelli protestent.)

Nous avons, en Europe, une autre vision de la dignité de la personne humaine, de la vie privée, des droits d'auteur.

M. Pascal Savoldelli.  - La République française a des valeurs !

M. le président.  - Amendement n°29, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.

Supprimer cet article.

M. Thomas Dossus.  - Ce n'est pas parce qu'un algorithme est français qu'il est vertueux, monsieur le ministre !

On élargit un outil dont l'emploi était initialement circonscrit au terrorisme. De proposition de loi en proposition de loi, nous avançons vers une société de surveillance, sans étude d'impact, sans avis du Conseil d'État ni de la Cnil.

Pour lutter contre les autocrates, nous utiliserons leurs propres outils de surveillance - mais avec un algorithme français !

M. le président.  - Amendement identique n°44, présenté par M. Savoldelli et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky.

M. Pascal Savoldelli.  - L'algorithme n'a pas de nationalité, contrairement au donneur d'ordre. C'est un traitement automatisé visant à détecter des connexions ou des navigations sur internet susceptibles de révéler à un stade précoce l'existence d'une menace : ce n'est pas une surveillance ciblée.

La Cnil a déjà alerté sur le caractère particulièrement intrusif de cette méthode. Or nous n'avons aucun élément sur les biais algorithmiques, aucune garantie. Rien n'est précisé sur le stockage des données. Des ingérences étrangères peuvent aussi intervenir à ce niveau.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Face à la menace, il faut faire évoluer les outils dont disposent nos services. Les algorithmes ont fait leurs preuves dans la lutte contre le terrorisme et seront efficaces contre les ingérences étrangères, notamment pour prévenir des cyberattaques.

Les données sont stockées au groupement interministériel de contrôle (GIC), sécurisé, que la délégation a contrôlé. La commission des lois a renforcé le contrôle par la CNCTR, qui peut intervenir à tout moment et même faire cesser l'utilisation de l'algorithme. La délégation parlementaire au renseignement peut aussi mener un contrôle. C'est la seule instance disposant de toutes les informations secret-défense.

Les modalités de contrôle et d'encadrement permettent d'assurer le respect du cadre légal que nous votons.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué.  - Même avis.

Mme Catherine Morin-Desailly.  - Le règlement européen sur l'intelligence artificielle, récemment adopté, retient une approche par le risque, avec une attention particulière accordée aux usages. La seule exception concerne la menace terroriste.

À mon sens, le texte français et le texte européen doivent s'articuler.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué.  - La sécurité nationale a été exclue du périmètre des obligations qui s'imposent aux distributeurs de logiciels d'IA sur le territoire européen. Il n'y a pas de contradiction entre cet article et le règlement européen sur l'IA.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Les algorithmes ne sont pas de l'IA. Ce sont des outils informatiques qui vont « itérer » des données correspondant à des comportements prédéterminés. Il n'y a pas de création de matière. On a aussi recours à des algorithmes dans le cadre de la vidéoprotection augmentée.

M. Olivier Cadic.  - Je rassure M. Savoldelli : toutes vos données, comme les nôtres, sont d'ores et déjà aspirées en Chine, pour faire sauter tous les cryptages quand ils disposeront d'ordinateurs quantiques.

Cet article concerne une technique d'automatisation visant à repérer plus vite les manipulations et ingérences. Il ne faut pas fantasmer.

À la demande du groupe CRCE-K, les amendements identiques nos29 et 44 sont mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici le résultat du scrutin n°200 :

Nombre de votants 344
Nombre de suffrages exprimés 344
Pour l'adoption 33
Contre 311

Les amendements identiques nos29 et 44 ne sont pas adoptés.

M. le président.  - Amendement n°15, présenté par M. Durain et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Rédiger ainsi cet article :

I. - À titre expérimental et pour une durée de trois ans, peuvent être autorisés, pour les besoins de la prévention de toute forme d'ingérence étrangère et dans les conditions prévues à l'article 851-3 du code de la sécurité intérieure, sur les données transitant par les réseaux des opérateurs et des personnes mentionnées à l'article L. 851-1, des traitements automatisés destinés, en fonction de paramètres précisés dans l'autorisation, à détecter des connexions susceptibles de révéler toute forme d'ingérence ou de tentative d'ingérence étrangère.

II. - Le Gouvernement remet au Parlement un rapport d'étape sur l'application du présent article au plus tard dix-huit mois avant la fin de l'expérimentation. Une version de ce rapport comportant les exemples de mise en oeuvre des algorithmes est transmis à la délégation parlementaire au renseignement.

Au plus tard six mois avant la fin de l'expérimentation, un rapport définitif présentant le bilan de l'application du présent article est transmis au Parlement. Dans le respect des règles intéressant la sécurité nationale, ce rapport présente les conséquences de l'élargissement des finalités prévu au I sur l'efficacité de la technique dite de l'algorithme en matière de lutte contre le terrorisme. Il précise l'évolution du nombre d'alertes recensées. Une version de ce rapport comportant les exemples de mise en oeuvre des algorithmes est transmis à la délégation parlementaire au renseignement.

M. Jérôme Durain.  - Nous ne sommes pas défavorables par principe à l'utilisation des algorithmes, pour peu que ce soit circonscrit et que la vie privée et les données personnelles soient protégées.

Nous voulons affirmer plus explicitement le caractère expérimental de cet article.

Nous ramenons la durée de l'expérimentation à trois ans. Nous proposons de mieux circonscrire les cas de recours à l'algorithme, pour viser les seules ingérences étrangères. Nous souhaitons enfin que le rapport d'évaluation précise les conséquences de l'utilisation de l'algorithme en matière de terrorisme et au nombre d'alertes recensées.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Cet amendement réécrit le dispositif en le sortant du code, mais les effets juridiques sont les mêmes. Nous pensons qu'une durée de trois ans est trop courte pour l'entraînement des algorithmes dans les bacs à sable. Retrait sinon avis défavorable

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué.  - Même avis.

L'amendement n°15 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°16, présenté par M. Durain et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

I.  -  Alinéa 3

Rédiger ainsi cet alinéa : 

a) Après les mots : « prévention du terrorisme » sont insérés les mots : « et de toute forme d'ingérence étrangère » ;

II.  -  Alinéa 4

Supprimer les mots : 

, des menaces pour la défense nationale

III.  -  Alinéa 8

Rédiger ainsi cet alinéa : 

a) Les mots : « et de toute forme d'ingérence étrangère » sont supprimés ;

IV.  -  Alinéa 9

Supprimer les mots : 

, des menaces pour la défense nationale

M. Jérôme Durain.  - L'usage de la technique algorithmique est aujourd'hui réservé à la lutte contre le terrorisme ; le texte va bien au-delà, en visant des finalités concernant la souveraineté de la France, au périmètre extrêmement large. Insidieusement, on élargit le recours à l'algorithme.

Nous proposons de circonscrire cet article au seul périmètre des ingérences étrangères.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - L'algorithme est un outil prévu par le code de sécurité intérieure. Nous nous sommes référés aux finalités citées dans ce code.

Si nous adoptions votre amendement, les algorithmes ne pourraient plus être utilisés contre les cyberattaques. Avis défavorable.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué.  - Même avis.

L'amendement n°16 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°17 rectifié, présenté par M. Durain et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Après l'alinéa 4

Insérer trois alinéas ainsi rédigés :

...° Le premier alinéa du II est ainsi modifié :

...) La première phrase est complétée par les mots : « ainsi que sur toute demande de modification apportée aux traitements et paramètres » ;

...) À la dernière phrase, les mots : « est informée de toute modification apportée aux traitements et paramètres et » sont supprimés.

Mme Gisèle Jourda.  - Nous souhaitons renforcer le contrôle de l'algorithme par la CNCTR. Actuellement, celle-ci rend un avis qui équivaut à un avis conforme lors de création de l'outil, mais en cas de modifications, même substantielles, apportées aux paramètres de l'algorithme, elle n'est qu'informée.

M. le président.  - Amendement n°45, présenté par M. Savoldelli et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky.

Après l'alinéa 5

Insérer quatre alinéas ainsi rédigés :

...° Il est ajouté un paragraphe ainsi rédigé :

 « .... - Par dérogation au II du présent article, les modifications apportées au traitement et aux paramètres prévus par le présent article sont soumises à un avis conforme de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement et de la Commission nationale de l'informatique et des libertés. »

.... - Le second alinéa de l'article L. 821-3 du code de la sécurité intérieure est complété par les mots : «, sauf en ce qui concerne les techniques de renseignement prévues à l'article L. 851-3. »

.... - Le deuxième alinéa de l'article L. 821-4 du code de la sécurité intérieure est complété par une phrase ainsi rédigée : « En cas d'avis défavorable de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement concernant les techniques de renseignement prévues à l'article L. 851-3, le Premier ministre ne peut pas délivrer l'autorisation. »

M. Pascal Savoldelli.  - Ces trois amendements ont le même objet : renforcer le contrôle de la Cnil et de la CNCTR.

M. le président.  - Amendement n°30, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.

Après l'alinéa 5

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

...° Il est ajouté un paragraphe ainsi rédigé :

« ...  -  Par dérogation au II du présent article, les modifications apportées au traitement et aux paramètres prévues par le présent article sont soumises à un avis conforme de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement. »

M. Thomas Dossus.  - En effet, il s'agit d'établir des garde-fous, en l'absence d'étude d'impact, d'avis de la Cnil ou du Conseil d'État.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Avis défavorable à ces trois amendements. Vous renforcez les contrôles sur les algorithmes ; or la CNCTR intervient déjà à tout moment. Elle peut même mettre fin à l'utilisation d'un algorithme.

Les contrôles de la CNCTR fonctionnent déjà bien et ses avis sont toujours suivis par le Premier ministre. L'avis de la CNCTR est bien plus technique et précis que la Cnil, dont l'avis alourdira le processus.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué.  - Même avis.

M. Pascal Savoldelli.  - Je suis étonné par l'argument selon lequel l'avis de la Cnil alourdirait le processus. Quand on touche aux libertés individuelles, ce n'est pas un avis de trop ! C'est une singularité française.

L'amendement n°17 rectifié n'est pas adopté, non plus que les amendements nos45 et 30.

M. le président.  - Amendement n°47, présenté par M. Savoldelli et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky.

Après l'alinéa 5

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

.... - Un décret en Conseil d'État pris après avis conforme de la Commission nationale de l'informatique et des libertés définit les modalités des modifications issues du I du présent article.

M. Pascal Savoldelli.  - Notre État de droit repose sur la garantie des droits fondamentaux. La Cnil, autorité administrative indépendante, doit exercer son contrôle et s'assurer que l'informatique n'y porte pas atteinte. Nous demandons des garanties suffisantes pour que le renseignement ne se fasse pas au détriment de l'État de droit. Or nous sommes en train de le sacrifier sur l'autel de la lutte contre les ingérences étrangères.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Avis défavorable. Les techniciens de la CNCTR réalisent des contrôles sur place, alors que la Cnil n'effectue qu'un contrôle sur dossier, ce qui est moins puissant. Ne complexifions pas le contrôle, au risque de l'affaiblir.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué.  - Comment riposter à des événements comme le suivant : lors de la période de silence de 48 heures précédant le scrutin pour l'élection nationale slovaque, en septembre 2023, un faux enregistrement a été diffusé, où l'on entend le candidat progressiste s'entretenir avec un journaliste sur la façon d'orienter le vote. En l'occurrence, il a perdu, mais cela a jeté un doute sur les résultats.

L'utilisation des algorithmes vise à faire échec à de telles manipulations qui portent atteinte au coeur même de notre État de droit, l'expression du peuple souverain par le suffrage.

L'amendement n°47 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°48, présenté par M. Savoldelli et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky.

Alinéa 6

Remplacer l'année : 

2028

par l'année : 

2026

M. Pascal Savoldelli.  - Déjà défendu.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Avis défavorable. Deux ans pour une expérimentation, c'est trop court. Nous préférons quatre ans, avec un rapport à mi-étape.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué.  - Même avis.

L'amendement n°48 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°46, présenté par M. Savoldelli et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky.

Alinéa 11, seconde phrase

Remplacer les mots :

est transmis

par les mots :

et une analyse sur les biais de ces algorithmes et l'équilibre entre les impératifs de sécurité et les atteintes portées à la vie privée des personnes concernées sont transmises

M. Pascal Savoldelli.  - L'utilisation des algorithmes ne présente aucune garantie. Aux États-Unis, le logiciel Predpol oriente l'intervention de la police : plus son attention se tourne vers un quartier, plus la police s'y rend, et plus l'algorithme l'y oriente, avec de graves conséquences en termes de discrimination.

Les biais algorithmiques doivent être pris en compte.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Avis défavorable. Oui, les algorithmes peuvent présenter des biais ; c'est pourquoi ils sont entraînés. La CNCTR est chargée d'assurer ce contrôle, qui est suffisant.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué.  - Même avis.

L'amendement n°46 n'est pas adopté.

L'article 3 est adopté.

Article 4

M. le président.  - Amendement n°49, présenté par M.Savoldelli et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky.

Alinéa 3

Après le mot :

étrangère

insérer les mots :

ou d'une entité étrangère à but lucratif

M. Pascal Savoldelli.  - Défendu.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Avis défavorable à cet amendement qui fait référence aux entreprises étrangères sans préciser si elles sont liées à un mandant étranger ou non.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué.  - Même avis.

L'amendement n°49 n'est pas adopté.

L'article 4 est adopté.

Après l'article 4

M. le président.  - Amendement n°19, présenté par Mme G. Jourda et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Après l'article 4

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le septième alinéa de l'article L. 312-15 du code de l'éducation, il est inséré un alinéa ainsi rédigé : 

« L'enseignement moral et civique doit également avoir pour objectif de sensibiliser les élèves aux risques d'ingérences étrangères dans le traitement de l'information dans les médias et sur les plateformes numériques, afin de prévenir les manipulations de l'information dont ils peuvent faire l'objet. »

Mme Gisèle Jourda.  - Tous les experts s'accordent à dire que la sensibilisation des jeunes est indispensable, notamment en cours d'éducation morale et civique (EMC), afin de prévenir les manipulations et de renforcer la résilience. Nous nous inspirons du modèle finlandais, où la confiance dans les élus et les médias est la plus forte.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Avis défavorable. Nous souscrivons à l'objectif, mais il n'est pas opportun de l'inscrire dans la loi.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué.  - Cela figure déjà dans les enseignements de quatrième et les nouveaux programmes d'EMC l'intègreront dès la rentrée 2024. L'amendement est donc satisfait : retrait ?

M. Olivier Cadic.  - Dans les écoles françaises à l'étranger, un gros effort est fourni dans ce domaine. Que Mme Jourda soit rassurée.

L'amendement n°19 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°18, présenté par Mme G. Jourda et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Après l'article 4

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après la deuxième phrase du premier alinéa de l'article L. 114-3 du code du service national, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Ils sont également sensibilisés aux risques d'ingérences étrangères dans le traitement de l'information, dans les médias et sur les plateformes numériques. »

Mme Gisèle Jourda.  - Cet amendement cible les jeunes Français qui participent à la Journée défense et citoyenneté (JDC).

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Avis défavorable.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué.  - Même avis.

Mme Catherine Morin-Desailly.  - Dès 2011, nous avons inscrit la sensibilisation aux risques sur internet dans le code de l'éducation et l'avons réaffirmé à l'occasion du vote de la loi pour une école de la confiance. N'énumérons pas à chaque fois les risques auxquels il faut sensibiliser les élèves !

L'amendement n°18 n'est pas adopté.

L'article 4 bis est adopté.

L'article 5 est adopté.

Intitulé de la proposition de loi

M. le président.  - Amendement n°21, présenté par Mme G. Jourda et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Rédiger ainsi l'intitulé :

Proposition de loi relative au contrôle des activités d'influence étrangère et à la lutte contre les risques d'ingérence étrangère en France

Mme Gisèle Jourda.  - Tel quel, l'intitulé ne couvre pas la totalité du sujet. Il convient de mieux distinguer ce qui relève de l'influence, qui est légale, du risque d'ingérence, qui ne l'est pas. Il ne s'agit pas seulement d'une différence de degré, mais plutôt de nature.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Avis défavorable. L'objet de la proposition de loi est bien de lutter contre l'ingérence étrangère.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué.  - Sagesse.

L'amendement n°21 n'est pas adopté.

Vote sur l'ensemble

Mme Catherine Morin-Desailly .  - Une nouvelle guerre a commencé. Nous commençons à comprendre, nous disait Claude Malhuret. Il y a neuf ans, au lendemain de l'affaire Snowden révélant au monde qu'internet était loin du mythe originel, mais était un monde d'hypersurveillance et de vulnérabilité, notre groupe avait demandé une mission commune d'information. Internet était déjà devenu le théâtre de cyberattaques toujours plus nombreuses et le rapport préconisait la mise en oeuvre d'une stratégie globale, très rapidement.

Une réforme de la gouvernance mondiale de l'internet reste à effectuer.

La délégation parlementaire au renseignement et l'Anssi ont été renforcées, comme nous le recommandions.

Nous sommes enfin à la réforme de la régulation européenne, avec le DSA, le Data Act notamment. Nous avons gagné la bataille des tortues, comme le disait la prix Nobel de la paix Maria Ressa. Mais les monopoles, dépendances, graves dysfonctionnements et mésusages se sont malheureusement multipliés. Une politique industrielle offensive nous assurerait une autonomie stratégique, plutôt que de recourir à des technologies chinoises ou américaines.

Face aux lois extraterritoriales, nous avons toujours des vulnérabilités importantes. L'information et la montée en compétences numériques de tous sont importantes, mais nous pouvons mieux faire.

Il faut une stratégie de lutte contre les ingérences étrangères dans le champ de l'information, avec une évaluation rapide de la mise en oeuvre du DSA et une modération des plateformes. Comme le dit Claude Malhuret, il faut un véritable statut et une véritable responsabilité des plateformes. Il faut aussi être attentifs à l'IA générative.

Les missions de l'audiovisuel public doivent aller dans le sens de la lutte contre la désinformation, mais il lui faut de la pérennité et du dynamisme. France Médias Monde mène une lutte contre la désinformation importante. Nous voterons ce texte, mais il reste beaucoup à faire.

M. Pascal Savoldelli .  - Aucun de nos amendements sur l'article 3 pour équilibrer sécurité nationale et libertés individuelles n'a été retenu. C'est un premier motif de rejet du texte.

Ensuite, vous avez refusé d'élargir aux entités à but lucratif - les multinationales et les Gafam. Nos débats sont un peu incantatoires. Microsoft reste le premier fournisseur en logiciels de l'État depuis les années 1990, et l'adoption de Windows 95 sur tous les ordinateurs de l'administration -  dont le ministère de la défense. En 2020, le ministère de l'éducation nationale a de nouveau signé un contrat pour équiper 800 000 postes. L'entreprise reste le premier fournisseur de l'État, encouragé par l'Union des groupements d'achats publics (Ugap) qui propose en priorité les logiciels Microsoft et Oracle. Pourtant, un scandale éclatait en 2013 avec Prism, pour le compte de la NSA. Dès 2018, la DGSI mettait en garde contre le rachat de sociétés françaises expertes dans le traitement des données, dans les domaines de l'aéronautique, de la recherche et de la santé.

D'autres entreprises américaines profitent du marché des données françaises. Bpifrance a choisi Amazon Web Services en juin 2020 pour gérer les données des prêts garantis par l'État. La DGSI a renouvelé son contrat avec Palantir, Microsoft Azure, AWS, Google Cloud, IBM Could et la solution cloud d'Oracle. Le périmètre est donc un peu incantatoire par rapport à ceux qui font régulièrement de l'ingérence étrangère sur nos décisions d'action publique.

M. Olivier Cadic .  - L'objet de ce texte est louable. Notre démocratie est attaquée, comme les autres. Un organisme s'adonne à des ingérences étrangères ouvertement : le site de l'ambassade de la République de Chine a déclaré que nous laissions mourir nos aînés dans les Ehpad. Il a attaqué directement la liberté de la presse à la suite de l'émission « Envoyé spécial » qui faisait part de menaces contre une personne qui allait être emmenée en Chine. Cette ingérence étrangère existe, or on ne fait rien. Cela m'inquiète. On peut voter des textes, mais il faut mettre fin aux ingérences qui ont déjà cours sur notre sol.

La proposition de loi, modifiée, est adoptée.

Prochaine séance, mardi 28 mai 2024, à 14 h 30.

La séance est levée à 1 h 05.

Pour le Directeur des Comptes rendus du Sénat,

Rosalie Delpech

Chef de publication

Ordre du jour du mardi 28 mai 2024

Séance publique

À 14 h 30 et le soir

1. Débat sur le bilan de l'application des lois

2. Deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l'Assemblée nationale, encadrant l'intervention des cabinets de conseil privés dans les politiques publiques (texte de la commission, n°616, 2023-2024) (demande du groupe Les Républicains et du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky)

3. Proposition de loi visant à encadrer les pratiques médicales mises en oeuvre dans la prise en charge des mineurs en questionnement de genre, présentée par Mme Jacqueline Eustache-Brinio et plusieurs de ses collègues (n°435, 2023-2024) (demande du groupe Les Républicains)