Saisie et confiscation des avoirs criminels (Conclusions de la CMP)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen des conclusions de la commission mixte paritaire (CMP) chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi améliorant l'efficacité des dispositifs de saisie et de confiscation des avoirs criminels.

Mme Muriel Jourda, rapporteur pour le Sénat de la CMP .  - L'intitulé de cette proposition de loi indique clairement son objet : appréhender les avoirs des délinquants. C'est une ressource pour le budget de l'État, mais surtout un important moyen de lutte contre la criminalité et la délinquance, comme les travaux de la commission d'enquête sur le narcotrafic l'illustrent. Souvent, l'appât du gain est la première motivation de la délinquance, alors que le risque carcéral est désormais plus admis.

Le député Jean-Luc Warsmann est l'auteur de la loi qui a créé l'Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (Agrasc). Dans un rapport d'évaluation de 2019, Jean-Luc Warsmann a fait des préconisations dont certaines se retrouvent dans la présente proposition de loi.

En CMP, nous avons trouvé un accord qui permet d'améliorer tant les saisies que les confiscations.

La saisie est le moment de l'enquête où les avoirs criminels sont bloqués. L'Agrasc sera l'organisme de formation des policiers, des gendarmes et des magistrats. Les comptes d'actifs numériques pourront désormais être saisis. Enfin, nous avons rendu les recours plus simples et moins longs.

Après la saisie, vient le temps de la gestion. Or les biens saisis ne pouvaient plus être gérés dès lors qu'une juridiction était saisie. Nous y avons remédié. En outre, l'Agrasc sera désormais systématiquement informée des saisies ayant eu lieu.

Seuls 30 % des biens saisis sont confisqués. Désormais, la confiscation sera obligatoire, donc automatique, s'agissant de certains biens, ce qui améliorera le pourcentage de transformation des saisies en confiscations.

Voilà l'accord que nous avons trouvé en CMP : j'espère que vous le voterez, afin de faire avancer la lutte contre la délinquance.

M. Thomas Cazenave, ministre délégué chargé des comptes publics .  - Cette proposition de loi marque une nouvelle avancée importante dans la saisie et la confiscation des avoirs criminels. Je me réjouis que la CMP ait abouti à un texte consensuel. Je salue le travail de Muriel Jourda.

Nous devons adopter des mesures fortes pour lutter contre la délinquance. C'est le sens des récentes annonces du garde des sceaux : parquet national anticriminalité organisée ; cours d'assises spécialement composées pour les règlements de comptes ; statut du repenti ; crime d'association de malfaiteurs. Cette proposition de loi est à replacer dans le cadre d'une action globale, forte et volontariste.

Il s'agit ici d'investir pour mieux saisir et de confisquer pour mieux sanctionner, afin de donner corps à l'adage selon lequel le crime ne paie pas.

Notre arsenal législatif a évolué pour favoriser le travail des enquêteurs et des magistrats qui saisissent et confisquent toujours plus : 1,44 milliard d'euros de saisies -  fois dix depuis 2011  - et 175,5 millions d'euros de confiscations -  en hausse de 105 % sur trois ans. L'Agrasc, avec ses huit antennes régionales, a vu ses effectifs doubler entre 2020 et 2023.

Frapper les délinquants au portefeuille est triplement gagnant : pour réprimer, pour indemniser les victimes et pour envoyer un message de fermeté. Le texte donne un nouvel élan à cette dynamique vertueuse.

Je salue le travail de la CMP, qui a tenu compte des nombreux enrichissements de l'Assemblée nationale et du Sénat, des exigences constitutionnelles et des contraintes pratiques des magistrats.

En effet, pour donner leur plein effet aux procédures, elles doivent être suffisamment simples pour que les magistrats s'en emparent. Objectif rempli, notamment avec la simplification de la procédure de recours contre les saisies.

Faire de la confiscation une peine complémentaire obligatoire est l'un des principaux apports de ce texte. Désormais, sauf décision motivée, la juridiction doit confisquer, afin que bien mal acquis ne profite jamais.

L'affectation des biens saisis est élargie au profit des services judiciaires, de l'administration pénitentiaire et des établissements publics sous tutelle du ministère de la justice, dont l'Agrasc.

À l'initiative du Sénat, le texte vient combler une lacune : l'absence d'acteur judiciaire chargé de statuer sur le sort des biens saisis. D'où la désignation d'un magistrat compétent.

La CMP a aussi consacré une demande du Gouvernement : que l'Agrasc soit informée de toutes les saisies et confiscations, afin de jouer son rôle de tour de contrôle. Ce texte bénéficiera ainsi à tous les Français qui pourront récupérer leurs dommages et intérêts.

Enfin, la confiscation d'un immeuble constituera un titre d'expulsion à l'encontre du propriétaire condamné et de sa famille. Seul le locataire de bonne foi sera protégé. En revanche, les proches du délinquant ou du criminel ne pourront plus profiter de l'immeuble et en seront chassés.

Ce texte donne des outils concrets aux enquêteurs et aux magistrats et améliore l'indemnisation des victimes. Il incarne cette justice vertueuse, qui rassemble et qui protège.

Je salue les rapporteurs Jourda et Warsmann et tous les parlementaires qui se sont investis.

L'engagement du Gouvernement dans la lutte contre la délinquance et la criminalité est total. Ce texte est un pas supplémentaire dans la bonne direction : je vous invite à l'adopter largement.

M. le président.  - En application de l'article 42, alinéa 12, du règlement, le Sénat examinant après l'Assemblée nationale le texte élaboré par la CMP, il se prononce par un seul vote sur l'ensemble du texte en ne retenant que les amendements présentés ou acceptés par le Gouvernement. En conséquence, le vote sur les amendements et sur les articles est réservé.

Discussion du texte élaboré par la CMP

Article 1er bis C

M. le président.  - Amendement n°1, présenté par le Gouvernement.

Au début

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

I.  -  A.  -  Au 4° du II de l'article L. 172-13 du code de l'environnement, les mots : « à l'avant-dernier » sont remplacés par les mots : « au cinquième ».

M. Thomas Cazenave, ministre délégué.  - Rédactionnel.

Mme Muriel Jourda, rapporteur.  - J'émets, en mon nom, un avis favorable, faute de réunion de la commission.

Article 3

M. le président.  - Amendement n°2, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 12

Après les mots :

article 56

insérer les mots : 

et à la première phrase du premier alinéa de l'article 706-148

M. Thomas Cazenave, ministre délégué.  - Rédactionnel.

Mme Muriel Jourda, rapporteur.  - Avis favorable.

Article 5

M. le président.  - Amendement n°3, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 1

Compléter cet alinéa par les mots :

, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna

M. Thomas Cazenave, ministre délégué.  - Rédactionnel.

Mme Muriel Jourda, rapporteur.  - Avis favorable.

Explications de vote

Mme Nathalie Delattre .  - Je me réjouis de l'accord trouvé en CMP. Quoique technique, ce texte est d'intérêt majeur.

Voilà quinze ans, la loi Warsmann avait marqué un tournant, offrant de larges dispositifs opérationnels. Les évolutions législatives ont conduit à la création de plusieurs institutions, notamment l'Agrasc, dont je salue le travail.

Dans leur rapport de 2019, Laurent Saint-Martin et Jean-Luc Warsmann ont souligné que les mécanismes de saisie et de confiscation des avoirs criminels étaient encore trop peu utilisés, concentrés sur les affaires économiques et financières et sur la criminalité organisée, au détriment des affaires de moyenne et faible intensité.

Au nom du RDSE, je soutiens les différents dispositifs de cette proposition de loi, qui garantissent l'efficacité du pacte républicain. Je salue aussi les apports du Sénat à l'article 1er quater sur la gestion des biens saisis, ainsi qu'à l'article 2 bis A sur la peine complémentaire de confiscation. Je regrette toutefois qu'aucun de nos amendements ne figure dans le texte adopté en CMP.

Le crime ne doit pas payer, il va donc de soi que le groupe RDSE votera unanimement cette proposition de loi.

Mme Patricia Schillinger .  - Ce texte vise à améliorer l'efficacité des dispositifs de saisie et de confiscation des avoirs criminels, donnant ainsi corps à l'adage selon lequel nul ne doit tirer profit de son crime.

Les acteurs du crime organisé craignent plus pour leur portefeuille que pour leur liberté. Il faut donc frapper au portefeuille, et fort, en réaffirmant que le crime ne paie pas.

Les mécanismes actuels de saisie et de confiscation ont fait la preuve de leur efficacité.

Depuis la création de l'Agrasc, le montant des saisies est passé de 109 millions d'euros en 2011 à 1,44 milliard d'euros en 2023, tandis que le montant des avoirs confisqués s'élève à 175 millions d'euros. Mais ces chiffres peuvent encore s'améliorer : seuls 30 % des biens saisis sont effectivement confisqués. Il faut aller plus loin, comme le propose l'auteur de ce texte, Jean Luc Warsmann, dont je salue le travail.

Je salue aussi l'esprit constructif des membres de la CMP ainsi que le travail de Mme la rapporteure, dont les apports ont été nombreux. Je pense ainsi à l'extension aux conventions judiciaires d'intérêt public environnementales de l'obligation faite aux personnes morales de se dessaisir des biens confisqués.

Le RDPI se réjouit que plusieurs de ses amendements aient été retenus : la possibilité d'affecter des biens saisis à l'administration pénitentiaire, l'extension des possibilités de non-restitution des biens saisis, l'accès de l'Agrasc aux informations du fichier informatisé des données juridiques immobilières (Fidji), entre autres.

Le travail mené par les deux chambres aboutit à un texte équilibré et efficace, qui permettra aux mécanismes de saisie et de confiscation d'atteindre leur plein potentiel.

Le RDPI votera donc ce texte avec enthousiasme. (M. Bernard Buis et Mme Muriel Jourda applaudissent.)

M. Pierre-Alain Roiron .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) La commission d'enquête sur l'impact du narcotrafic en France a rendu ses conclusions hier. Son président, Jérôme Durain, a été édifié par les témoignages de celles et ceux qui luttent contre ce phénomène.

La prison n'est plus une menace suffisante pour bon nombre de narcotrafiquants. Comme cela a été rapporté en audition, le seul moment où on voit pleurer les narcotrafiquants, c'est lorsqu'on saisit leur appartement, leur compte bancaire ou leur voiture.

Il faut donc suivre l'argent et frapper au portefeuille. Pour certains, la détention est une période de formation, pendant laquelle les affaires continuent de prospérer, alors que les saisies et les confiscations remettent en cause le modèle du narcotrafic.

Selon l'écrivain italien Roberto Saviano, 5 000 euros investis dans le trafic de cocaïne peuvent rapporter jusqu'à 1 million d'euros...

Mettons fin, grâce à ce texte, au sentiment d'impunité !

En 2023, l'Agrasc a saisi pour plus de 1,4 milliard d'euros de biens, en hausse de 87 % par rapport à l'année précédente. Le montant des confiscations a atteint 175 millions d'euros en 2023.

La souris a toutefois toujours un temps d'avance sur le chat : selon l'Office antistupéfiants (Ofast), le chiffre d'affaires du trafic de drogue en France serait de l'ordre de 3 milliards d'euros.

Nous regrettons que nos amendements, inspirés par Transparency International et Crim'Halt, n'aient pas été retenus.

Les recommandations de la commission d'enquête n'appellent pas toutes une traduction législative, mais il me semble important de les évoquer : mener une guerre financière contre le narcotrafic avec des enquêtes patrimoniales systématiques sur les narcotrafiquants et leurs proches, en mobilisant tous les services de l'État -  DGFiP, Tracfin, Urssaf ; permettre la fermeture administrative des commerces de façade, qui pullulent dans certains quartiers et constituent de véritables lessiveuses ; créer une injonction pour richesses inexpliquées, en forçant la personne à justifier au fisc de l'origine de ses biens.

Monsieur le ministre, nous comptons sur votre détermination à avancer sur ces points. (M. Thomas Cazenave hoche la tête.) Nous voterons ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

Mme Marie Mercier .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La CMP du 30 avril dernier a été conclusive et nous nous en réjouissons.

Nous saluons les dispositions introduites par nos collègues députés qui font de la confiscation une peine complémentaire obligatoire.

Un apport de notre rapporteur est la possibilité de gérer les biens saisis avant que le tribunal ait statué sur le sort de ces derniers. Le dispositif de saisie et de confiscation des avoirs criminels passera par la désignation d'un acteur judiciaire qui statuera sur les biens.

Le compromis trouvé sur l'article 3 facilitera l'expulsion des occupants de mauvaise foi d'un logement confisqué par la justice.

L'allongement du délai permettant aux victimes de demander l'obtention des biens confisqués est une bonne chose.

Grâce à Jean-Luc Warsmann, notre législation s'est améliorée.

Nous rendons hommage à l'action déterminante des policiers, gendarmes, magistrats et agents de l'Agrasc.

Non, le crime ne doit plus enrichir impunément !

Pour toutes ces raisons, notre groupe votera en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Louis Vogel .  - Les dispositifs de saisie et de confiscation des avoirs criminels sont des outils essentiels de préservation de l'ordre public, de la sécurité et de la justice.

Cette proposition de loi vise à priver les criminels de leur patrimoine mal acquis. Il s'agit aussi de dissuader ceux qui seraient prêts à s'engager dans des infractions illégales et de réparer les dommages subis par les victimes.

C'est un changement d'approche. Issue de la loi Warsmann du 9 juillet 2010, l'Agrasc est un pilier de cette nouvelle politique.

Le montant des confiscations réalisées par l'Agrasc s'établit à 172 millions d'euros en 2022, le double du montant de 2020 ; c'est considérable, mais pas encore suffisant !

Les députés Laurent Saint-Martin et Jean-Luc Warsmann ont souligné dans leur rapport de 2019 que « le crime ne doit pas payer » (M. le ministre renchérit) ; tel est l'esprit des auteurs de ce texte.

Les peines d'emprisonnement ne suffisent plus. Il faut aller beaucoup plus loin, notamment dans la lutte contre le narcotrafic, et cela passe par la saisie du patrimoine des malfaiteurs.

Initialement composé de trois articles, le texte a été enrichi au fur et à mesure de la navette. L'accord en CMP a permis de simplifier les procédures. Des mesures concrètes de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme sont également prévues, ainsi que des mesures visant à fluidifier la chaîne pénale jusqu'à la confiscation.

Mme Nathalie Goulet.  - Très bien !

M. Louis Vogel.  - Aussi notre groupe est favorable à l'adoption du texte équilibré présenté par Muriel Jourda, dont je salue le travail.

Ce texte novateur envoie un message de fermeté. Il doit servir de modèle à l'échelle de l'Union européenne ; monsieur le ministre, je compte sur vous ! (M. Thomas Cazenave en prend note ; applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

M. Philippe Bonnecarrère .  - Cette proposition de loi visant à améliorer, par des mesures techniques, le fonctionnement de l'Agrasc, fait écho à des réflexions récentes du Sénat, notamment aux recommandations, rendues publiques hier, de la commission d'enquête sur le narcotrafic. Comme Nathalie Goulet et Louis Vogel l'ont souligné, les besoins en matière de coopération judiciaire dans le domaine des avoirs criminels sont considérables, notamment à l'échelle européenne. Un article paru aujourd'hui dans Le Monde au sujet de la situation à Dubaï le confirme.

L'Agrasc a beaucoup évolué depuis sa création, en 2010 ; elle nous paraît bien fonctionner.

Le travail de la rapporteure, Muriel Jourda, est allé dans le bon sens : je pense en particulier à l'évolution vers des confiscations de plein droit et à la simplification de la procédure d'appel et des modalités des conventions judiciaires d'intérêt public (CJIP).

L'esprit du texte rejoint les propositions du rapport de la commission d'enquête sur le narcotrafic. L'argent du crime doit être confisqué - c'est l'objet notamment des propositions 31, 32 et 33 du rapport. La question de l'accès aux fichiers numériques me paraissait réglée, mais il semble, d'après le rapport, que ce ne soit pas si évident que cela. J'insiste aussi sur la proposition audacieuse consistant à créer une présomption de blanchiment.

Je ne puis conclure sans une pensée pour les victimes des événements dramatiques survenus hier dans l'Eure, qui illustrent une rupture de notre contrat social - pour reprendre les mots du Président de la République, un ensauvagement de la société. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP)

M. Guy Benarroche .  - Hier, la commission d'enquête du Sénat sur le narcotrafic a présenté ses propositions pour rendre plus efficace notre dispositif de saisie et de confiscation des avoirs criminels. Je salue la qualité de ses travaux, menés sous l'égide de Jérôme Durain et d'Étienne Blanc, et regrette que nous n'ayons pas attendu ses conclusions pour légiférer. Je signale notamment les propositions visant à autoriser les confiscations en l'absence de sanction pénale et à faciliter la saisie des fonds de commerce.

Les délinquants détestent être frappés au portefeuille. « Pour être véritablement dissuasive, toute sanction pénale doit pouvoir s'accompagner de la privation des délinquants des profits qu'ils ont pu tirer de l'infraction », selon l'exposé des motifs de la loi, dont M. Warsmann est à l'origine, créant l'Agrasc.

Comme l'a expliqué la rapporteure, les avoirs criminels ne sont pas systématiquement identifiés. En outre, seuls 30 % des biens saisis sont effectivement confisqués. Toutefois, les saisies sont en forte progression dans notre pays : 109 millions d'euros en 2011, 771 millions d'euros en 2022 - sept fois plus -, dont 27 millions à Marseille. L'Agrasc est donc un succès ; félicitons ses agents, qui par leur travail redonnent du sens à la sanction.

Mais des marges de progression existent. L'Ofast estime à plus de 3 milliards d'euros, au minimum, les retombées du trafic de stupéfiants en France. L'Agrasc pourrait donc saisir davantage encore, ce que confirme la commission d'enquête sénatoriale, qui insiste notamment sur l'importance de former les personnels des juridictions.

Nous saluons les apports du texte, notamment l'ajout des collectivités territoriales parmi les personnes morales pouvant bénéficier des biens saisis. Le Sénat a inclus dans cette liste d'autres personnes morales, dont l'Office français de la biodiversité (OFB) et la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC).

Par le passé, je me suis opposé à certaines mesures privant les justiciables de leur droit de contestation, pour des raisons prétendument pragmatiques. J'adhère à la solution proposée par l'article 1er du texte, qui prévoit une contestation auprès du Premier président de la Cour d'appel, ce qui allégera le contentieux.

Nous regrettons qu'aucune de nos propositions n'ait été retenue, notamment sur l'extension du dispositif à l'entourage familial des agents publics étrangers pour mieux lutter contre les biens mal acquis. Reste que ce texte est une avancée, qui consolide au-delà du tout-prison les autres moyens efficaces de sanction. Le GEST le votera. (Applaudissements sur les travées du GEST)

Mme Evelyne Corbière Naminzo .  - (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K) La saisie et la confiscation ont le double intérêt de dissuader les criminels et délinquants et de mettre au service de la société des biens acquis contre ses intérêts.

Il faut frapper les délinquants au portefeuille. L'Italie a montré la voie en mettant en place, en 1982, un premier dispositif de confiscation sur l'initiative de Pio La Torre, député communiste sicilien qui paya de sa vie son combat contre la mafia.

En France, c'est en 2010, sur l'initiative du député Warsmann, qu'un mécanisme similaire fut mis en place. En 2018, un amendement à la loi Elan défendu par le député communiste Stéphane Peu a autorisé la confiscation des biens des marchands de sommeil. En 2020, deux textes ont amélioré encore le dispositif, permettant notamment la restitution des biens mal acquis à travers l'aide au développement.

En 2021, le montant des biens saisis s'élevait à 484 millions d'euros, contre 109 millions dix ans plus tôt. Les confiscations d'actifs sont passées, elles, de 700 000 euros en 2011 à 150 millions d'euros dix ans plus tard. Malgré cette progression fulgurante, nous sommes encore loin des résultats de l'Italie, qui a confisqué plus de 11 milliards d'euros de biens à la mafia au cours des vingt dernières années.

Grâce à cette proposition de loi, les saisies seront plus rapides et plus efficaces. Nous nous réjouissons que la commission ait étendu la confiscation aux biens ayant servi à commettre l'infraction ou qui étaient destinés à la commettre ainsi qu'à tous ceux qui en constituent un produit direct ou indirect. On ne peut pas s'enrichir par le crime !

Le texte comporte un volet de réaffectation des biens concernés. L'Italie est une source d'inspiration en la matière : en 2019, 947 biens ont été mis au service de l'économie sociale et solidaire, à travers des fondations, des associations, des écoles ou des organismes de formation professionnelle. Cela permet de montrer que les systèmes mafieux ne l'emportent pas sur le bien commun.

Nous saluons cette proposition de loi, car nous croyons que l'efficacité dissuasive de la peine tient moins à sa sévérité qu'à sa certitude. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K ; Mme Annie Le Houerou applaudit également.)

Vote sur le texte élaboré par la CMP

La proposition de loi, modifiée, est définitivement adoptée.

La séance est suspendue quelques instants.