Questions d'actualité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement. Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet. Chacun sera attentif au respect des uns et des autres et du temps de parole.

Avant d'aborder une série de questions sur la Nouvelle-Calédonie, je souhaite appeler solennellement l'ensemble de la population calédonienne au calme et à la raison, comme viennent de le faire, dans un communiqué commun, les forces politiques calédoniennes, indépendantistes et non-indépendantistes. Tout embrasement supplémentaire mettrait à mal le vivre-ensemble et la construction du destin commun cher aux signataires de l'accord de Nouméa. Il y a déjà eu trop de morts, ce n'est pas acceptable.

Je rends hommage aux forces de l'ordre, à leur courage et à leur engagement face au déchaînement de violence auquel ils font face depuis plusieurs jours. Le nombre de blessés en témoigne.

J'exprime également ma solidarité aux victimes de ces débordements et exactions.

Enfin, mes pensées vont aussi aux agents pénitentiaires qui, dans l'exercice de leur mission pour l'État de droit, ont été assassinés pour deux d'entre eux et grièvement blessés pour trois autres.

M. Gabriel Attal, Premier ministre.  - Avant de répondre à plusieurs questions sur la Nouvelle-Calédonie, je veux avoir un mot pour les deux agents pénitentiaires froidement assassinés hier dans l'Eure. C'est un drame absolu, un bouleversement pour l'administration pénitentiaire, dont je salue l'engagement au service de la République, un bouleversement pour nos concitoyens, empreints de reconnaissance pour ceux qui les défendent au quotidien.

Car c'est bien la République qui a été attaquée hier. On a tiré sur nos lois, sur nos règles, sur des femmes et des hommes qui se battent contre l'impunité.

Je l'ai dit à l'Assemblée nationale, notre détermination pour retrouver les auteurs est totale. Le ministre de l'intérieur a déployé des moyens exceptionnels. L'enquête progresse : ils sont traqués, ils seront trouvés et ils paieront !

Plus largement, nous travaillons avec l'administration pénitentiaire. Le garde des sceaux était hier à Caen et a reçu l'intersyndicale afin d'identifier les moyens de renforcer la protection que nous devons à nos agents pénitentiaires. (Applaudissements)

Nouvelle-Calédonie (I)

M. François Patriat .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Le Président de la République a convoqué ce matin un conseil de défense et souhaité l'instauration de l'état d'urgence en Nouvelle-Calédonie. La situation est exceptionnelle. Trois de nos compatriotes sont décédés après une deuxième nuit de violences. Des gendarmeries ont été prises d'assaut, des policiers et gendarmes blessés. Nous rendons hommage aux forces de l'ordre et pensons à nos concitoyens qui vivent dans l'angoisse.

La violence doit cesser. Les premières victimes en sont les Calédoniens eux-mêmes. Je salue le courage des responsables politiques, loyalistes comme indépendantistes, qui ont appelé au calme.

Les accords de Nouméa ont affirmé le destin commun des Calédoniens. Par trois fois, ceux-ci ont choisi la République. Le projet de loi constitutionnelle adopté au Sénat et hier à l'Assemblée nationale est une étape nécessaire d'un processus qui suit depuis trente ans la voie démocratique.

Le Président de la République a tendu la main aux représentants calédoniens. La solution passera par le dialogue. Les violences ne panseront pas les blessures du passé, mais compromettent l'avenir.

Quelles mesures compte prendre le Gouvernement pour ramener l'ordre ? Quelles sont les voies pour rétablir le dialogue et bâtir l'avenir ? (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur plusieurs travées du groupe INDEP ; Mme Annick Jacquemet applaudit également.)

M. Gabriel Attal, Premier ministre .  - La Nouvelle-Calédonie est frappée par des violences graves qui ont provoqué des dégâts majeurs et blessé des centaines de personnes, des dizaines de policiers et gendarmes. Plusieurs sont décédées. J'ai une pensée pour les victimes et pour les Calédoniens qui veulent le retour au calme. Aucune violence n'est justifiable, aucune violence ne sera tolérée.

Je rends hommage aux forces de l'ordre qui gardent leur sang-froid malgré les tirs et protègent des vies.

L'urgence est le rétablissement de l'ordre et le retour au calme et à la sérénité.

Ce matin, le Président de la République a convoqué un conseil de défense, des décisions fortes ont été prises. Cet après-midi, un conseil des ministres exceptionnel actera la déclaration de l'état d'urgence, ce qui permettra le déploiement de moyens supplémentaires massifs. Le ministre de l'intérieur a annoncé quatre escadrons de gendarmerie mobile, des renforts du Raid et du GIGN ; le haut-commissaire a instauré un couvre-feu.

En Nouvelle-Calédonie, on ne sait que trop jusqu'où peuvent mener les violences. Le retour de l'ordre et du calme est la priorité absolue.

Je salue les responsables calédoniens, indépendantistes et non-indépendantistes, qui ont unanimement appelé à cesser les violences.

Après le Sénat en mars dernier, l'Assemblée nationale a adopté à son tour le projet de loi constitutionnelle hier. Celui-ci s'inscrit dans le processus engagé depuis la décision des Calédoniens, lors de trois référendums, de demeurer dans la République.

Le dégel du corps électoral est un enjeu démocratique : le Conseil d'État nous y a enjoint. Il s'agit de permettre à des milliers de personnes, nées en Nouvelle-Calédonie ou y vivant depuis des années, de participer aux élections provinciales.

Nous n'avons jamais cessé d'appeler au dialogue en tendant la main à tous, indépendantistes et non-indépendantistes. Nous gardons le cap du dialogue et cherchons à créer les conditions d'un accord politique global. C'est pourquoi le Président de la République a annoncé qu'il ne convoquerait pas immédiatement le Congrès et a proposé aux responsables calédoniens de se réunir à Paris pour tenter de trouver un consensus. Quoi qu'il en soit, nous devrons continuer à avancer. Mais avec toutes les bonnes volontés autour de la table, je ne doute pas que nous réussirons. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur plusieurs travées du groupe INDEP)

Sécurisation des jeux Olympiques

M. Dany Wattebled .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Je veux dire mon soutien aux familles des agents décédés et à ceux qui ont été blessés lors de l'assaut barbare contre un fourgon pénitentiaire. Une telle violence n'est pas tolérable, justice doit être faite.

Cette attaque survient à quelques semaines des jeux Olympiques et Paralympiques (JOP), qui sont une chance pour la France, mais dont la sécurisation représente un défi majeur.

Nos forces de sécurité sont déjà fortement mobilisées pour maintenir l'ordre face à des émeutes violentes et récurrentes, pour lutter contre la drogue à travers les opérations « place nette », pour nous protéger contre une menace terroriste au plus haut. Nous saluons leur travail.

Dans un tel contexte, certains s'inquiètent de notre capacité à assurer la sécurité durant les JOP sans fragiliser celle des territoires, notamment lors de manifestations sportives, culturelles ou touristiques prévues cet été - sans oublier la lutte contre l'immigration clandestine sur les côtes du Nord-Pas-de-Calais.

Les moyens mis en oeuvre sont-ils à la hauteur des défis ? N'allons-nous pas déshabiller Pierre pour habiller Paul ? (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur quelques travées du groupe UC)

M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer .  - Permettez-moi de présenter mes condoléances aux familles des agents pénitentiaires tués hier et d'adresser une pensée aux forces de l'ordre en Nouvelle-Calédonie, dont le gendarme qui lutte en ce moment pour la vie.

Les Jeux s'étendent sur une période assez longue : de l'arrivée de la flamme, le 8 mai, jusqu'aux jeux Paralympiques, mi-septembre. D'où l'augmentation des effectifs de police et de gendarmerie, la création de onze escadrons de gendarmerie et de CRS, le refus des congés pour tous les policiers, gendarmes et agents de préfecture. L'intégralité du personnel du ministère de l'intérieur, 100 % des policiers et gendarmes, seront présents partout sur le territoire national pendant les JOP, contre 50 % pour un été ordinaire.

Nous pourrons ainsi aligner les 45 000 policiers et gendarmes nécessaires en Île-de-France, mais aussi garantir le même niveau de sécurité sur tout le territoire, accueillir le Tour de France à Nice, les festivités du 14 juillet, les manifestations culturelles, faire face à d'éventuels mégafeux et tenir la frontière. Dans le Nord, il y aura plus de policiers et de gendarmes que l'été dernier.

La flamme est arrivée à Marseille et a déjà franchi huit étapes sans incident. Soyons fiers de nos forces de l'ordre ! (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées des groupes INDEP et UC)

M. Dany Wattebled.  - Merci pour votre réponse, et vive les Jeux ! (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP)

Financement des Ehpad

Mme Maryse Carrère .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Au nom du RDSE, je partage les inquiétudes exprimées sur la situation en Nouvelle-Calédonie et adresse mes condoléances aux familles des agents pénitentiaires tués dans l'Eure.

Selon la Fédération hospitalière de France, 80 % des Ehpad publics ont enregistré un déficit l'année dernière, presque deux fois plus qu'en 2019.

Une réforme structurelle de leur financement s'impose. Les fonds d'urgence répétés - 100 millions d'euros l'an dernier, 695 millions cette année - n'ont pas stoppé l'hémorragie. Confrontés à l'inflation, à la compensation incomplète des revalorisations salariales et à la stagnation des tarifs d'hébergement, les directeurs d'établissement sont conduits à chercher des économies sur tout et sur tous.

Le système de dotation soins et dépendance mis en place par la loi de 2015 ne permet plus aux Ehpad d'assurer une prise en charge adéquate. Ce n'est pas une question de volonté de la part des personnels, dont nous saluons le dévouement.

La question du financement de la cinquième branche de la sécurité sociale est centrale. Nous ne pouvons faire peser sur les résidents et leurs familles cette situation budgétaire intenable.

Quelle réforme envisagez-vous pour le financement des Ehpad ? (Applaudissements sur les travées du RDSE ; M. Daniel Chasseing applaudit également.)

M. Gabriel Attal, Premier ministre .  - Ces derniers mois ont été émaillés de témoignages révoltants sur les conditions de vie dans certains Ehpad. Ils ont fait douter les familles et jeté l'opprobre, injustement, sur des personnels qui, dans leur écrasante majorité, se donnent sans compter - je leur rends hommage.

Nous devons répondre au défi des Ehpad, car le grand âge est un enjeu d'avenir majeur. L'ensemble du secteur souffre de l'inflation et d'un manque d'attractivité des métiers. Avec Fadila Khattabi, nous répondons présent : vaste plan de contrôle, fonds d'urgence de 100 millions d'euros, augmentation inédite des dotations dans le cadre du Ségur - soit 4 milliards d'euros de plus pour nos aînés.

Malgré tout, les établissements connaissent des difficultés structurelles. Nous prenons le problème à bras-le-corps. Nous augmentons la dotation aux Ehpad publics de 5 % cette année, et les situations difficiles sont suivies par les ARS.

Pour préserver les plus modestes, la loi Bien vieillir a instauré deux tarifs d'hébergement, différenciés selon les revenus.

Mais il faut aller plus loin, notamment sur la gouvernance. Nous avons donc proposé aux départements une expérimentation qui verrait l'État financer la dépendance : un quart d'entre eux ont candidaté. Le rapport Woerth, attendu prochainement, abordera la question.

Nous continuerons à agir avec force pour le bien vieillir dans notre société. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Nouvelle-Calédonie (II)

M. Patrick Kanner .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Il est minuit à Nouméa et, à 17 000 km de Paris, la République vacille. La Nouvelle-Calédonie s'embrase : trois personnes ont été tuées lors de cette dernière nuit d'affrontements. Mes pensées vont aux familles endeuillées, aux pompiers et aux forces de l'ordre déployées sur le terrain.

L'ordre républicain doit être rétabli en Nouvelle-Calédonie, dans les rues et dans les esprits. Cela suppose une réponse sécuritaire, mais aussi la construction de justes équilibres pour sortir de la crise.

Nous vous avons alerté en vain à maintes reprises - le 7 mai dernier encore, avec Boris Vallaud. Il faut renouer avec la lucidité, l'humilité et l'impartialité qui prévalaient depuis 1988. Il faut créer une mission de dialogue, annoncer que le Congrès ne sera pas convoqué et aboutir, sans ultimatum, à un accord global tripartite, dont vous devez être le garant, monsieur le Premier ministre. Car ce dossier n'aurait pas dû quitter le bureau du Premier ministre.

Allez-vous interrompre le processus constitutionnel ? Vous engager personnellement ? Vous rendre sur place ? (Applaudissements à gauche)

M. Gabriel Attal, Premier ministre .  - La volonté commune, la priorité absolue, c'est le retour à l'ordre, au calme et à la sérénité. Aucune violence n'est justifiable ni acceptable. Je réitère mon soutien à nos forces de sécurité, qui seront renforcées dans les prochaines heures pour continuer à protéger les Calédoniens.

Pour le reste, je le redis : il y a eu un processus démocratique, qui a conduit les Calédoniens à se prononcer par trois fois par référendum. (M. Yannick Jadot proteste.) Un projet de loi constitutionnelle a été adopté dans les mêmes termes par les deux chambres du Parlement.

M. Yannick Jadot.  - Et alors ?

M. Gabriel Attal, Premier ministre.  - La procédure institutionnelle, démocratique, c'est de convoquer le Congrès. (M. Yannick Jadot proteste.)

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Il y a l'actualité !

M. Gabriel Attal, Premier ministre.  - Si nous n'étions pas ouverts au dialogue, si nous ne recherchions pas un accord politique global, nous l'aurions convoqué immédiatement. (Protestations sur les travées du groupe SER et du GEST)

M. Yannick Jadot.  - Prenez le temps !

M. Gabriel Attal, Premier ministre.  - Le Président de la République a proposé de mettre auparavant l'ensemble des responsables calédoniens autour de la table, pour laisser du temps au dialogue.

Je vais proposer aux forces politiques calédoniennes de fixer une date pour nous rencontrer et avancer ensemble, au service des Calédoniens et de la République. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur plusieurs travées du groupe INDEP)

M. Patrick Kanner.  - Sur fond de crise économique, sociale et institutionnelle et d'influence étrangère, vous avez délibérément tourné le dos à la méthode éprouvée par Michel Rocard et Lionel Jospin. (M. Gabriel Attal le réfute.) C'est la première fois depuis 1988 que l'on engage un processus constitutionnel avant d'avoir trouvé un accord local. (M. Rachid Temal renchérit.) Votre rôle est de prévenir les crises, pas d'éteindre les incendies ! (Applaudissements à gauche)

Nouvelle-Calédonie (III)

Mme Cécile Cukierman .  - J'associe à cette question notre collègue Robert Xowie, retenu en Nouvelle-Calédonie.

Monsieur le Premier ministre, votre jusqu'au-boutisme a plongé la Nouvelle-Calédonie dans une crise profonde. On dénombre des centaines de blessés, dont un gendarme grièvement ; trois manifestants ont déjà été tués. C'est terrible. Il faut que cela cesse. Au nom de mon groupe, je présente mes condoléances aux familles des victimes.

En faisant adopter à marche forcée le projet de loi actant le dégel du corps électoral, vous remettez en cause le processus de décolonisation issu des accords Nouméa et faites vaciller la paix civile. En poussant l'Assemblée nationale au vote du texte - victoire à la Pyrrhus - vous saviez que vous fermiez la porte au dialogue !

Ce n'est pas un conseil de sécurité qu'il faut, mais le retrait du projet de loi, comme le demandent la quasi-totalité des groupes politiques au Congrès de Nouvelle-Calédonie.

L'état d'urgence, annoncé il y a une heure, signe la faillite de votre politique. C'est une faute d'y recourir pour imposer un projet de loi, de surcroît constitutionnelle.

Stoppez cet engrenage ! Allez-vous retirer le projet de loi constitutionnelle ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K et du GEST, ainsi que sur quelques travées du groupe SER)

M. Gabriel Attal, Premier ministre .  - J'étais en accord avec le début de votre question, moins avec la fin.

L'état d'urgence n'est pas instauré pour un projet de loi, mais pour protéger les Calédoniens des violences. Les mesures décidées en conseil de défense visent le retour à l'ordre, préalable à tout. La violence n'est jamais justifiable ni acceptable.

Pour le reste, j'ai déjà répondu à MM. Patriat et Kanner. Le processus conduit ces dernières années, avec Sébastien Lecornu puis Gérald Darmanin, a permis la tenue des référendums et l'élaboration de ce texte, adopté largement par le Sénat et l'Assemblée nationale.

Face aux tensions, je salue la responsabilité des forces politiques calédoniennes qui ont appelé au calme et à la fin des violences. Nous devons nous hisser à cette hauteur.

Notre main est toujours tendue, nous sommes ouverts au dialogue. Je souhaite que la rencontre avec les forces politiques calédoniennes se tienne très rapidement. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; M. Emmanuel Capus applaudit également.)

Mme Cécile Cukierman.  - Le dialogue ne se décrète ni ne s'impose : il se construit, dans le respect. Vous avez attisé le feu, il est temps de l'éteindre et de poser les bases d'un avenir meilleur, pour le peuple kanak comme pour la République française. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K)

Géorgie

M. François Bonneau .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe INDEP) La République de Géorgie poursuivait son chemin vers l'Union européenne, confirmé par l'obtention du statut de candidat à la fin de l'année dernière. Mais cette dynamique est désormais menacée.

Sur l'initiative du parti au pouvoir, dirigé par l'oligarque Bidzina Ivanichvili, des lois qui tournent le dos aux valeurs européennes sont adoptées. Le projet de loi sur la transparence -  qui rappelle la loi russe sur les agents étrangers  - suscite une vaste opposition et de nombreuses manifestations à Tbilissi. Dans un contexte marqué par la guerre en Ukraine et la présence militaire russe dans le Caucase, la Géorgie risque l'isolement.

La France a une relation historique avec la Géorgie, marquée par l'accueil du gouvernement géorgien en exil entre 1918 et 1921 et le rôle de la France dans la stabilisation post-guerre russo-géorgienne de 2008. La présidente Salomé Zourabichvili, franco-géorgienne, s'oppose avec beaucoup de courage aux caciques en place.

Comment la France compte-t-elle défendre nos intérêts stratégiques communs et soutenir les Géorgiens dans leur aspiration européenne ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe INDEP)

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué chargé de l'Europe .  - Depuis plusieurs semaines, le peuple géorgien se lève pour défendre la liberté et la démocratie en bravant les milices, en brandissant le drapeau européen, en chantant l'Ode à la joie. Nous ne pouvons y rester sourds. À l'heure où l'Europe est si décriée par les nationalistes et populistes de tous bords, ce chant qui s'élève dans la nuit nous rappelle que l'Europe, c'est la liberté, la démocratie et l'espérance pour tant de peuples du monde.

Je veux dire au peuple géorgien que la France et l'Europe l'entendent. Une délégation sénatoriale menée par le président Rapin a relayé ce message en Géorgie. La France déplore l'adoption de ce projet de loi, condamne les violences contre les manifestants et appelle les autorités géorgiennes à respecter les libertés, notamment celle des médias.

La France se tient aux côtés de la Géorgie dans son chemin vers l'Union européenne, le seul auquel son peuple aspire. Rien n'est plus puissant qu'une idée dont le temps est venu. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Liberté d'expression et audiovisuel public

Mme Anne Souyris .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) Dimanche dernier, les organisations syndicales de Radio France ont appelé à la grève pour défendre la liberté d'expression, à la suite d'évènements troublants, notamment dans nos universités. (Vives protestations sur les travées du groupe Les Républicains)

D'abord, l'humoriste Guillaume Meurice a été suspendu pour des propos tenus à l'antenne, qui n'ont pourtant pas été condamnés par la justice -  au contraire, puisque la plainte a été classée sans suite.

Ensuite, Rachida Dati a présenté un projet de fusion-acquisition des médias publics. Lundi, un député de votre majorité a proposé de remplacer France 24 par France Info. Dans le même temps, des émissions majeures sur l'environnement vont être déprogrammées : Vert de rage, Le pourquoi du comment, La terre au carré, entre autres. Après tout, qui aurait pu, n'est-ce pas, prédire la crise démocratique et climatique ?

La démocratie est vivante quand elle est plurielle, et les médias publics sont puissants quand ils sont libres de s'exprimer. (Marques d'impatience sur les travées du groupe Les Républicains) Comment comptez-vous garantir la libre expression de ces médias ? (Applaudissements sur les travées du GEST et sur quelques travées des groupes SER et CRCE-K)

Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée chargée du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement .  - Je vous prie d'excuser la ministre de la culture.

M. Laurent Burgoa.  - Elle est au Festival de Cannes !

Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée.  - Afin de renforcer l'audiovisuel public, qui fait face à une concurrence exacerbée et à une défiance croissante à l'égard de l'information, un projet de loi est en cours d'examen à l'Assemblée nationale.

Ce texte ne sort pas de nulle part : il s'inspire de rapports parlementaires en faveur d'un audiovisuel fort et indépendant -  Gattolin-Leleux, Karoutchi-Hugonet, Gaultier-Bataillon. Nous devons continuer à travailler ensemble sur ces enjeux.

Je m'étonne de vos propos sur la liberté d'expression, alors que vos amis de l'Assemblée nationale ont appelé, pas plus tard qu'hier, à supprimer les éditorialistes. (Exclamations sur les travées du GEST et du groupe SER ; applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains) Charité bien ordonnée commence par soi-même ! (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Lutte contre le narcotrafic (I)

M. Étienne Blanc .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Les sénateurs Les Républicains expriment leur effroi et leur compassion à la suite du drame intervenu dans l'Eure.

Avec le président Durain, nous avons mené une enquête sur le narcotrafic en France. Notre rapport montre une dissonance entre le chiffre d'affaires du narcotrafic, de 3,5 milliards à 6 milliards d'euros, et le montant des saisies réalisées par la justice, 117 millions d'euros...

Dans une République qui connaît des difficultés à faire fonctionner sa justice et sa police, les confiscations et les saisies constituent pourtant un gisement de ressources très important !

Pourquoi un taux aussi faible ? Quelles en sont les causes ? Quels moyens le Gouvernement mettra-t-il en place pour saisir ce qui doit l'être et qui doit contribuer à la sécurité des Français ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée chargée de l'enfance, de la jeunesse et des familles .  - (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains) Nous rejoignons vos propos : notre pays est en deuil, car deux agents de l'administration pénitentiaire ont été lâchement abattus par un commando barbare. Le garde des sceaux s'est immédiatement rendu à Caen. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains)

M. François Bonhomme.  - Ce n'est pas le sujet.

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée.  - Comme l'a dit le Premier ministre, c'est bien la République qui est attaquée. En ce moment même, le garde des sceaux échange avec les syndicats pénitentiaires. (Les protestations redoublent.)

La violence de ces crimes inouïs a conduit le garde des sceaux à prendre des mesures radicales contre le crime organisé (vives protestations sur les travées du groupe Les Républicains) : création d'un parquet national anticriminalité, cour d'assises spécialement composée pour les règlements de comptes, statut du repenti, nouveau crime d'association de malfaiteurs. À l'automne, le Gouvernement présentera un projet de loi, qui pourra s'inspirer de votre rapport, dont le garde des sceaux salue la qualité.

M. François Bonhomme.  - Merci !

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée.  - Nous tirerons les conclusions qui s'imposent, notre main ne tremblera pas, ni sur les confiscations ni sur les sanctions. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Étienne Blanc.  - Votre absence de réponse montre bien l'ampleur du désastre. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ainsi que sur plusieurs travées du groupe UC)

Nouvelle-Calédonie (IV)

M. Georges Naturel .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Monsieur le Premier ministre, depuis trois jours, nos compatriotes calédoniens sont confrontés à l'insurrection et au chaos urbain. Déjà quatre morts, et l'on vient d'en apprendre un cinquième -  un gendarme qui voulait défendre la République et protéger les Calédoniens ; plus de 100 entreprises pillées ou détruites ; des milices civiles dans les quartiers.

Je rends hommage aux forces de l'ordre, qui affrontent avec courage et ténacité ce chaos, et à tous les Calédoniens, qui ont perdu leurs biens et qui ne cèdent pas aux provocations.

Le Président de la République va déclarer l'état d'urgence ; je salue cette initiative, car il faut, à tout prix, rétablir l'ordre en Nouvelle-Calédonie.

Comment renouerez-vous les fils du dialogue, monsieur le Premier ministre ? Avec quels acteurs calédoniens ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer .  - Nous venons d'apprendre la mort d'un gendarme de 24 ans, de l'escadron de Melun. J'ai une pensée pour lui, sa famille et ses camarades. Les vieux - comme l'on dit en Nouvelle-Calédonie - sont venus parler aux gendarmes, il a retiré son casque, et s'est fait tirer dessus, en plein front.

Nous rétablissons la démocratie en Nouvelle-Calédonie, car la volonté du peuple calédonien s'est exprimée, par trois fois. Des centaines de policiers et gendarmes sont blessés et leurs familles sont terrorisées. Des femmes parturientes ont traversé, escortées par les gendarmes, la Nouvelle-Calédonie pour aller accoucher en toute sécurité, mais elles se sont fait tirer dessus ! Cette violence n'a rien à voir avec la politique.

La cellule de coordination des actions de terrain (CCAT), qui est loin du FLNKS, est un groupe mafieux, qui veut instaurer la violence, comme il l'a fait l'an dernier dans la province Sud.

Il y a un dialogue avec le FLNKS et les loyalistes. Je salue, à l'instar du Président du Sénat et du Président de la République, le communiqué commun de toutes les forces politiques.

Ne confondons pas les manifestations politiques avec les violences de ceux qui pillent et tuent. Jamais la République ne tremblera devant les kalachnikovs. (Applaudissements nourris sur les travées du RDPI et sur les travées des groupes INDEP, UC et Les Républicains).

M. Georges Naturel.  - Il faut rétablir l'ordre et reconstruire ce qui a été détruit, mais ce sera long. Il faut aussi renouer les fils du dialogue. Confierez-vous ce chantier à de nouveaux interlocuteurs ? Monsieur le Premier ministre, ne nous abandonnez pas ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Lutte contre le narcotrafic (II)

M. Jérôme Durain .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Le drame d'hier dans l'Eure a profondément ému la représentation nationale ; nous exprimons nos condoléances aux proches des agents sauvagement assassinés.

Avec toute la prudence qui convient, il est difficile de ne pas lier ces faits aux constats formulés par notre commission d'enquête sur le trafic de stupéfiants. Notre assemblée appelle à un sursaut pour sortir du piège du narcotrafic.

Monsieur le ministre de l'intérieur, vous persistez à vouloir attaquer ce fléau par le bas ; nous pensons, nous, qu'il faut frapper les réseaux au portefeuille et à la tête. Répondrez-vous à l'appel unanime du Sénat ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer .  - Vous parlez de prudence, mais il a un lien - c'est l'évidence - entre l'attaque ignoble d'hier et le narcotrafic.

C'est un narcotrafiquant qui était en cours de transfert, après être passé deux fois devant les assises pour voir commandité des meurtres à Marseille - où police et justice font un travail formidable, dans des conditions très difficiles. Et sans doute l'équipe de tueurs est-elle similaire à celles impliquées dans les règlements de comptes qui se produisent dans le sud de la France.

Je l'ai dit devant votre commission d'enquête : le plus grand danger pour l'unité nationale est le narcotrafic.

Oui, il faut, par le bas, attaquer les points de deal, interpeller les « choufs », opérer des saisies et arrêter les consommateurs. Mais nul ne doute qu'Étienne Blanc et vous-même ayez raison : l'argent du crime doit être confisqué. Nous devons, collectivement, faire cent fois plus qu'aujourd'hui ; nous suivrons les recommandations du Sénat.

Mais, plus largement, c'est le monde entier qui doit agir davantage. La première cause de mortalité aux États-Unis est le fentanyl. Aux Pays-Bas et en Belgique, on assassine des journalistes, des avocats, peut-être des femmes et des hommes politiques. En Amérique du Sud, la production de stupéfiants a été multipliée par 100. En Afghanistan aussi, la production d'héroïne et de cocaïne bondit, réduisant leur coût chez nous.

Nous devons tous nous réveiller. La drogue n'est jamais festive et toujours mortelle : plus un seul discours ne doit en accepter la consommation ! (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur certaines travées des groupes INDEP, UC et Les Républicains)

M. Jérôme Durain.  - L'écart est grand entre votre discours et les actes du Gouvernement. Nous pensons, nous aussi, que la drogue est la plus grande menace sécuritaire, mais votre réponse n'est pas au niveau.

Contre le terrorisme, nous sommes en ordre de bataille ; contre le narcotrafic, nous sommes en ordre dispersé. Corruption, outre-mer, blanchiment, ports, prisons, coopérations internationales, moyens pour la police et la justice : tous les chantiers sont ouverts.

Le Sénat avance des pistes : parquet national antistupéfiants, « Drug Enforcement Administration (DEA) à la française ». Nous vous proposons une stratégie globale, des moyens suffisants, un pilotage spécifique favorisant la coordination entre services. Il est temps que le Gouvernement se saisisse de nos travaux ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur plusieurs travées du RDSE ; MM. Franck Dhersin et Rémy Pointereau ainsi que Mme Nadine Bellurot applaudissent également.)

Difficultés de recrutement des enseignants

Mme Catherine Belrhiti .  - (Applaudissements sur de nombreuses travées du groupe Les Républicains) Madame la ministre de l'éducation nationale, vous avez reconnu les difficultés de recrutement d'enseignants dans certaines académies. De fait, pour le concours de professeur des écoles, le nombre de candidats par poste n'a jamais été aussi faible.

Chaque année, le Gouvernement répond par le recrutement de contractuels, dont la formation est loin d'être adaptée. Passer le concours à bac+3 sera très insuffisant, car les problèmes sont systémiques : rémunération, déroulement des carrières, mobilité, manque de reconnaissance. Qui souhaiterait gagner 1,1 Smic en début de carrière après cinq ans d'études ?

La gestion des ressources humaines ne fonctionne qu'à l'ancienneté : en envoyant les jeunes professeurs loin de chez eux, dans les territoires les plus difficiles, on leur demande souvent de sacrifier leur projet de vie.

Quand le Gouvernement instaurera-t-il enfin un pacte d'attractivité pour la profession ? Il y va de l'avenir de notre jeunesse ! (Applaudissements sur de nombreuses travées du groupe Les Républicains)

Mme Nicole Belloubet, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse .  - Oui, nous rencontrons des difficultés de recrutement, mais c'est le cas pour tous les pays de l'Union européenne (on ironise à droite et sur certaines travées à gauche), quels que soient les rémunérations et les systèmes.

Pour assurer la rentrée prochaine, nous recruterons, en effet, des contractuels ; nous le ferons suffisamment tôt, parfois dès le 1er juin, pour qu'ils bénéficient d'une formation - c'est un progrès.

Nous avons augmenté la rémunération des enseignants, notamment en début de carrière : un enseignant du premier degré commence par gagner plus de 2 100 euros nets par mois, contre moins de 1 800 euros en 2017.

Enfin, nous avons lancé une réforme, structurante et enthousiasmante, de la formation initiale. La préparation au concours, à bac+3, sera suivie jusqu'au master d'une formation professionnalisante, rémunérée.

Ces différentes mesures sont de nature à renforcer l'attractivité du métier d'enseignant, le plus beau du monde selon Péguy.

M. Rachid Temal.  - Il faut le payer !

Mme Catherine Belrhiti.  - Pour avoir enseigné pendant quarante ans, je sais ce qu'est ce métier.

Vous traitez le problème de l'attractivité par de petites réformes, mais il faut repenser la profession et l'insertion des jeunes enseignants. La régionalisation des concours, notamment, est une nécessité. Sans un nouveau pacte fondateur, la contractualisation de l'éducation nationale sera inexorable.

Seuls des professeurs épanouis pourront former les têtes bien faites de demain ! (Applaudissements sur de nombreuses travées du groupe Les Républicains)

Quatrième année d'études en médecine générale

M. Guislain Cambier .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Depuis décembre 2022, il est prévu que les internes en quatrième année de médecine générale accomplissent un stage en cabinet. Il s'agit de faciliter leur future installation et de répondre aux besoins croissants de la population en matière de santé. De beaux objectifs, mais rien n'est prêt. Élus, médecins et étudiants nous alertent : il est urgent de publier les textes réglementaires !

Votre prédécesseur a engagé la parole de l'État, mais les actes se font attendre. Dans le Nord, la place manque dans les cabinets pour recevoir 250 docteurs juniors par an. Les élus locaux sont prêts à accompagner la mesure pour attirer les jeunes médecins vers nos territoires, mais, pour mettre à disposition, voire construire des locaux et des logements, il faut un calendrier précis.

Où et sous quelle autorité les docteurs juniors exerceront-ils ? Comment leurs maîtres de stage seront-ils formés ? Quid de leur rémunération et de leur logement ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. Vincent Louault applaudit également.)

M. Frédéric Valletoux, ministre délégué chargé de la santé et de la prévention .  - La médecine générale est essentielle pour l'avenir de notre système de santé. C'est pourquoi le Gouvernement a souhaité lui envoyer un signal fort d'attractivité et de reconnaissance : nous voulons que les jeunes médecins soient de plus en plus nombreux à choisir cette spécialité et à s'installer dans nos territoires.

Mes prédécesseurs, en liaison avec Sylvie Retailleau, ont prévu une quatrième année pour le diplôme d'études spécialisées de médecine générale, afin de favoriser l'installation en sortie de cursus. La nouvelle maquette de formation a suscité des questionnements. J'ai donc demandé à des personnalités qualifiées de poursuivre la concertation pour assurer le succès de cette réforme. Je veillerai à ce que les textes d'application soient publiés avant la fin de l'été.

Dès 2026, 3 600 docteurs juniors pourront consulter, sous la supervision de médecins généralistes, dans tous nos territoires, notamment les moins dotés. Nous devons travailler sans attendre à leurs conditions d'accueil et de logement : j'ai reçu à cette fin les associations d'élus locaux.

Combinée à la fin du numerus clausus, cette réforme marque un tournant majeur pour la structuration des soins primaires dans notre pays. En agissant dès maintenant, nous serons au rendez-vous. (Applaudissements sur plusieurs travées du RDPI)

M. Guislain Cambier.  - Nombre d'internes lillois qui ont découvert Maubeuge ou Gouzeaucourt veulent s'y installer. Nous voulons la réussite de cette réforme ! C'est pourquoi nous attendons les textes. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

Participation de Taïwan à l'assemblée de l'OMS

Mme Else Joseph .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Lors de la pandémie de covid 19, nous avons mesuré combien la coopération de tous les pays et leur inclusion dans les dispositifs de l'OMS sont vitales. Lors de la 77e assemblée mondiale de la santé, dans quelques jours, un accord sur la réponse aux pandémies pourrait être conclu. L'efficacité de cette réponse suppose que tous les pays, sans exclusive, soient intégrés au dispositif.

Par la voix de M. Le Drian puis de Mme Colonna, la France s'est déclarée favorable à la participation de Taïwan aux instances de l'OMS, reconnaissant ainsi son expertise médicale. Mais, en pratique, Taïwan n'est pas autorisée à participer à des dispositifs comme le système mondial de surveillance de la grippe ou le réseau mondial de vérifications sanitaires numériques. En cas de nouvelle pandémie, l'impossibilité d'émettre et de contrôler des documents numérisés conformes aux normes internationales entraînerait des difficultés pour les Taïwanais qui travaillent à l'étranger et les étrangers qui vivent dans le pays, dont plusieurs milliers de Français.

Cette exclusion va à l'encontre des objectifs de l'OMS ; elle pénalise la santé publique mondiale, donc la santé des Français. La lutte contre les pandémies ne doit pas être sacrifiée à des pressions mesquines ! Pourquoi cette lenteur pour intégrer pleinement Taïwan aux activités de l'organisation, alors qu'on déroule le tapis rouge à d'autres ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Franck Riester, ministre délégué chargé du commerce extérieur, de l'attractivité, de la francophonie et des Français de l'étranger .  - Je connais l'intérêt que vous portez à ce sujet en tant que vice-présidente du groupe d'échanges et d'études Sénat-Taïwan, présidé par Jean-Baptiste Lemoyne.

Comme chaque année, la question de la participation de Taïwan à l'assemblée mondiale de la santé se pose. La position de la France est constante : il y a une seule Chine. Toutefois, dans le respect de ce principe, nous soutenons la participation de Taïwan aux travaux des organisations internationales, lorsque leur statut le permet et que cela va dans l'intérêt collectif.

Depuis 1964, la France s'en tient à la politique d'une seule Chine et n'entretient pas de relations diplomatiques avec Taïwan, sans que cela n'empêche le développement entre nous de coopérations riches dans de nombreux domaines.

Nous appelons l'OMS, dans le respect de ses statuts, à inclure davantage Taïwan dans ses travaux, notamment lors de la prochaine assemblée mondiale de la santé. (M. François Patriat applaudit.)

Mme Else Joseph.  - Merci pour votre réponse, mais il est temps de passer de la parole aux actes ! Les décisions de l'OMS doivent échapper aux pressions politiques ou économiques. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Investiture de Vladimir Poutine

M. Rachid Temal .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Quel message le Président de la République et le Gouvernement souhaitaient-ils adresser aux Français et au monde en envoyant l'ambassadeur de France à l'investiture de Vladimir Poutine ?

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué chargé de l'Europe .  - (On ironise sur les travées du groupe SER ; MRachid Temal reste debout pendant la réponse du ministre.) Merci beaucoup pour votre question. (Rires à gauche)

Nul ne peut accuser le Président de la République de manquer de fermeté à l'égard de Vladimir Poutine. Dès les premiers jours de l'invasion russe en Ukraine, la France a initié le premier paquet de sanctions. C'est encore la France qui a signé un accord de sécurité avec l'Ukraine, à hauteur de 3 milliards d'euros - le Sénat a voté cet accord.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - La question ?

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué.  - C'est enfin la France qui a condamné le contexte de répression dans lequel se sont tenues les élections russes, notamment dans les territoires occupés. (Protestations sur les travées du groupe SER)

Monsieur le sénateur, vous utilisez votre question pour pointer du doigt la diplomatie française. J'utiliserai ma réponse pour lui rendre hommage, et en particulier à Pierre Levy, notre ambassadeur en Russie. (Exclamations sur les travées du groupe SER)

M. Hervé Gillé.  - Que faisait-il là-bas ?

M. Hussein Bourgi.  - Ce n'est pas le sujet !

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué.  - Il accomplit sa mission depuis quatre ans dans des conditions difficiles. En se joignant au rassemblement du peuple russe en mémoire d'Alexeï Navalny, victime d'un assassinat politique, il a montré le meilleur visage de la France. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Rachid Temal.  - Nous défendons nos diplomates : c'est vous qui avez mené la réforme du corps diplomatique ! Ma question ne remet pas en cause leur travail remarquable.

C'est vous qui n'avez pas protégé notre ambassadeur, convoqué à trois reprises par le pouvoir russe en 2024 ; le lendemain même d'une convocation, vous l'envoyez à la cérémonie d'investiture ! Aucun pays européen, sauf la Hongrie et la Slovaquie, n'était présent le 9 mai ; aucun pays du G7 n'y était.

Le Président de la République avait condamné les résultats de l'élection ; moins d'un mois plus tard, il envoie son ambassadeur à la cérémonie : c'est une faute ! La position de la France n'est pas claire : c'est un double discours. Vous abaissez la parole de la France.

C'est une faute diplomatique, politique et morale ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur plusieurs travées des groupes CRCE-K et Les Républicains)

Sommet Choisissez la France

Mme Anne-Marie Nédélec .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Près de 15 milliards d'euros d'investissements ont été annoncés à la suite du sommet Choisissez la France. Mais notre attractivité repose avant tout sur le crédit impôt recherche (CIR), qui fait de la France une terre de recherche plus qu'une terre de production. Quelle part de ces investissements seront consacrés à des emplois et combien à des rachats d'actions ? Les subventions à la relocalisation attirent les projets, mais ne les ancrent pas dans la durée dans nos territoires.

Les projets d'investissement auront-ils un impact durable en matière de valeur ajoutée ? Quand et comment renforcerez-vous l'attractivité réelle de la France en améliorant les conditions de la production ? (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)

M. Thomas Cazenave, ministre délégué chargé des comptes publics .  - Ce septième sommet Choose France est un magnifique succès...

M. Mickaël Vallet.  - Et en français, cela donne quoi ?

M. Thomas Cazenave, ministre délégué.  - Pas moins de 15 milliards d'euros d'investissements, 56 projets dans nos territoires, avec 10 000 emplois à la clef et des centaines d'entrepreneurs réunis à Versailles.

Il couronne la politique menée depuis 2017 par Bruno Le Maire sur un cap fixé par le Président de la République.

Nous sommes le pays le plus attractif d'Europe. Mais cela ne tombe pas du ciel ! Cela résulte de notre politique fiscale, d'investissement - avec l'action de France 2030 en faveur de l'innovation de rupture -, de notre politique de formation et de la loi Industrie verte.

Quand il y a des bonnes nouvelles, il faut savoir s'en féliciter ! (MM. François Patriat et Ludovic Haye applaudissent.)

Mme Anne-Marie Nédélec.  - Je m'en réjouis, mais les chiffres sont têtus : d'après le baromètre Ernst & Young, la rentabilité moyenne en termes d'emploi de chaque projet est de 33 en France, contre 59 en Allemagne ou au Royaume-Uni ; d'après l'Insee, le niveau des investissements directs étrangers revient à leur niveau d'il y a dix ans ; selon Usine nouvelle, sur 52 projets des sommets Choisissez la France depuis dix ans, seuls une trentaine ont réellement abouti. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)