Ordonnance de protection (Procédure accélérée)

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, allongeant la durée de l'ordonnance de protection et créant l'ordonnance provisoire de protection immédiate (OPPI).

Discussion générale

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée chargée de l'enfance, de la jeunesse et des familles .  - Je vous prie d'excuser l'absence du garde des sceaux, qui se trouve aux côtés des agents de l'administration pénitentiaire en raison du drame que nous connaissons aujourd'hui. C'est un véritable choc.

Certains combats ne doivent néanmoins jamais cesser. Le texte que nous examinons est le fruit d'une mobilisation transpartisane. Les travaux de Dominique Vérien et Émilie Chandler, ayant abouti au Plan rouge VIF - sur les violences intrafamiliales - feront date.

Nous avons oeuvré collectivement pour faire progresser ce combat : lancement du Grenelle en 2019 ; loi du 18 mars 2024 à l'initiative de la députée Isabelle Santiago et votée à l'unanimité au Sénat de façon transpartisane pour protéger les enfants contre des parents violents ; pôles spécialisés dans toutes les juridictions, effectifs depuis le 1er janvier 2024.

Les juridictions se sont emparées des outils que le législateur a créés : 5 709 téléphones grave danger ont été distribués en 2023, de même que plus de 1 000 bracelets anti-rapprochement - qui ont entraîné plus de 10 500 interventions des forces de sécurité intérieure ; enfin 3 586 ordonnances de protection ont été prononcées en 2022, contre à peine 1 392 en 2017, et le taux d'acceptation des demandes est de plus de 70 %.

L'article 1er permet d'allonger les mesures décidées par le juge de six à douze mois - aujourd'hui, leur prolongation n'est pas automatique et est impossible pour les victimes non mariées ou sans enfants.

L'ordonnance de protection est un dispositif civil qui permet de prendre des mesures quasi pénales : il ne faut donc pas en fragiliser l'équilibre. La notion de danger vraisemblable doit rester au coeur de l'office du juge, avec désormais le danger grave et immédiat. Ne mettons pas en péril un dispositif connu de tous les acteurs ; conservons les deux critères de violences vraisemblables et de danger vraisemblable.

L'article 1er crée aussi une ordonnance provisoire de protection immédiate (OPPI) par laquelle le juge peut prononcer en 24 heures et sans contradictoire des mesures de protection avant l'ordonnance de protection qui sera prise dans un délai de six jours.

L'absence de contradictoire exige un encadrement strict. Les critères de délivrance plus restrictifs pour l'OPPI ont été maintenus : un danger grave et immédiat. Même chose pour son caractère accessoire limité dans le temps : elle prendra fin le jour de la délivrance de l'ordonnance de protection ou lorsque l'instance prendra fin pour un motif de procédure. Enfin, la commission des lois a opportunément ajouté aux mesures pouvant être prononcées la dissimulation de domicile - quelques ajustements rédactionnels pourront en faciliter la mise en oeuvre.

Si je me réjouis des améliorations, je ne souscris pas à certaines évolutions adoptées par la commission des lois.

L'interdiction faite au juge de refuser de délivrer une OPPI sur le fait que la requête est accompagnée de pièces en langue étrangère est inutile : aucun texte n'exige la participation d'un traducteur assermenté et un document en langue étrangère peut toujours être produit en traduction libre ou grâce à un logiciel en ligne.

La possibilité qu'une personne en danger puisse demander au juge une OPPI après avis conforme du procureur de la République renverse l'équilibre actuel où le procureur de la République décide seul. Le traitement de l'urgence est maîtrisé par le parquet comme par le siège et il nous appartiendra d'en préciser le circuit. Ajouter ainsi des étapes supplémentaires à la délivrance d'une OPPI nuirait à son efficacité. Enfin, la saisine directe du juge serait conditionnée à l'avis d'une personne tierce, ce qui porterait atteinte au principe de libre accès à la justice. Nous construisons ici un dispositif inédit, dérogatoire aux règles et aux principes fondamentaux de la procédure civile ; nous devons le sécuriser, tout autant que nous devons garantir son efficacité.

Un amendement vous est donc proposé pour que seul le procureur de la République puisse solliciter sans délai la délivrance d'une ordonnance provisoire.

L'article 1er bis, introduit par un amendement de la rapporteure en commission, prévoit de masquer l'adresse de la personne protégée dans les listes électorales - c'est nécessaire, mais il ne faut pas porter atteinte à la transparence démocratique ; aussi je propose qu'un décret en Conseil d'État précise la mise en oeuvre de cette mesure.

L'article 2 prévoit que la violation d'une ordonnance de protection sera punie de trois ans de prison et de 45 000 euros d'amende. Je salue le travail d'harmonisation des peines par la commission.

L'article 2 bis prévoit utilement qu'une ordonnance provisoire puisse donner lieu à l'attribution d'un téléphone grave danger.

Nous avons l'occasion de sécuriser un dispositif judiciaire inédit. Cette intervention immédiate doit être à fois protectrice des victimes et garante des principes essentiels de notre État de droit. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; Mme Elsa Schalck et M. Michel Savin applaudissent également.)

Mme Dominique Vérien, rapporteure de la commission des lois .  - J'exprime mon soutien au ministre de la justice et à la famille pénitentiaire qui a été durement touchée, ainsi que mes condoléances aux familles des victimes.

Cette proposition de loi est la continuation d'un long travail parlementaire. La lutte contre le fléau des violences intrafamiliales nécessite la mobilisation de toutes les parties prenantes. Tous les trois jours, une femme tombe sous les coups de son conjoint ou de son ex-conjoint : en 2022, il y a eu 118 décès et 267 tentatives de féminicide ; la même année, les forces de sécurité ont recensé près de 240 000 femmes victimes de violences commises par leur partenaire ou ex-partenaire et 87 000 femmes victimes de violences sexuelles. Derrière chacun de ces chiffres, ce sont des victimes que la société a échoué à protéger.

Les ordonnances de protection en sont l'un des moyens. Créées en 2010 sur le modèle du dispositif existant en Espagne, elles permettent au juge aux affaires familiales (JAF) d'assurer la protection de victimes de violences intrafamiliales en prononçant des mesures protectrices et temporaires, à mi-chemin entre le civil et le pénal, pour un délai de six mois maximum. Le non-respect de ces mesures peut être puni de deux ans de prison et de 15 000 euros d'amende.

Le nombre de demandes d'ordonnance de protection n'a cessé d'augmenter, passant d'un peu plus de 1 600 en 2011 à 6 000 en 2021. C'est encourageant, mais le nombre d'ordonnances délivrées reste trop faible par rapport au nombre de victimes.

Le danger n'est pas toujours évalué à sa juste valeur : les violences relèvent d'un système qui ne s'arrête ni à la porte de la maison ni après une séparation - d'où le débat que nous aurons sur l'article 515-11 du code civil. La députée Émilie Chandler et moi-même avons remis, voilà un an, le Plan rouge VIF, dont plusieurs des 59 recommandations portent précisément sur les ordonnances de protection.

Plusieurs mesures réglementaires sont en cours d'application. Pour le législatif, je remercie le Gouvernement d'avoir inscrit ce texte à l'ordre du jour.

La proposition de loi, adoptée à l'unanimité par l'Assemblée nationale le 5 mars, compte deux mesures phares, en amont avec l'ordonnance provisoire et en aval avec l'allongement de la durée de l'ordonnance de protection.

Grâce à ce dernier, les personnes non mariées ou n'ayant pas d'enfants auront ainsi un temps plus long pour organiser leur séparation ; aujourd'hui, l'allongement n'est possible que si une demande de changement de l'exercice de l'autorité parentale, de séparation de corps ou de divorce est faite avant la fin de l'ordonnance.

La création de l'OPPI est la mesure la plus novatrice du texte. Telle qu'elle est remaniée par la commission des lois, elle pourrait être demandée soit par la personne concernée avec avis conforme d'un procureur de la République, soit directement par le ministère public avec l'accord de la personne. Elle serait ensuite délivrée par le JAF dans un délai de 24 heures et sans avoir entendu la partie défenderesse.

J'ai bien compris que l'avis conforme constituerait un blocage dans une procédure civile. J'y vois deux solutions : prévoir un avis simple du procureur ou - comme le préconise un amendement de Thani Mohamed Soilihi - ne pas permettre à la victime de solliciter la procédure d'urgence.

Le texte initial prévoyait que le juge pourrait alors interdire à la partie défenderesse de recevoir certaines personnes, de se rendre dans certains lieux désignés par le juge, de détenir ou de porter une arme et lui ordonner de remettre les armes dont elle serait détentrice. La commission a jugé opportun d'y ajouter la suspension du droit de visite et d'hébergement et la possibilité de dissimiler l'adresse de la partie demanderesse.

Ces mesures seraient valables jusqu'à la décision du JAF sur la demande d'ordonnance de protection, soit pendant environ six jours.

La commission a aussi complété le texte : nous avons modifié le code électoral pour mieux dissimuler l'adresse de la victime ; nous avons aligné les peines encourues sur une peine unique de trois ans de prison et de 45 000 euros d'amende, ce qui permet au juge de décider, en cas de nécessité, du port d'un bracelet anti-rapprochement ; nous avons étendu aux OPPI la possibilité offerte au procureur de la République d'attribuer à la victime un téléphone grave danger.

L'atteinte d'une ligne de crête constitutionnelle nécessite des débats que nous avons réservés à la séance publique ; je me réjouis donc que de nombreux amendements sur le sujet aient été déposés. Nous ne pourrons pas entendre d'engagements du garde des sceaux, mais nous avons jusqu'à la CMP pour trouver des solutions qui conviennent à tous. (Mme Sarah El Haïry le confirme.)

Les ordonnances de protection sont un dispositif équilibré, qui concilie efficacité et préservation des libertés publiques, même s'il peut être encore perfectionné. Cette sixième réforme marquera un pas important dans l'amélioration de la protection des victimes. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC)

Mme Olivia Richard .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; Mme Elsa Schalck applaudit également.) Madame la rapporteure, je rends hommage à votre engagement dans la lutte contre les violences intrafamiliales, dont témoigne votre Plan rouge VIF et ses 59 recommandations. L'accompagnement des victimes et la prévention des violences doivent être envisagés sous tous les angles. Sans réponse claire de la société, la perpétuation des comportements violents ne pourra être endiguée.

La proposition de loi, issue de ce rapport, comporte plusieurs avancées importantes, lesquelles prennent en compte les évolutions sociétales : le statut marital de la victime ou l'absence d'enfants au sein du couple ne seront plus des freins.

La création de l'OPPI, une préconisation du Plan rouge VIF, est heureuse. Nul besoin de rappeler les chiffres effrayants des femmes tombées sous les coups de leurs conjoints...

Le texte de la commission prévoit une demande directe d'OPPI par la victime. Il n'est pas envisageable que les victimes ne soient pas actrices de leur protection. On nous dit que l'avis conforme du procureur ajoute une étape et qu'il existe un risque constitutionnel. Cela ne devrait néanmoins pas conduire à l'éviction des victimes du processus. Un équilibre doit être trouvé entre le respect de l'office du JAF et la possibilité pour les victimes de violences graves de demander une protection en urgence. C'est du bon sens ; nous aurons ce débat.

Pour bénéficier d'une ordonnance de protection, la victime doit avoir été victime de violences vraisemblables et encourir un grave danger actuel. Ces deux critères cumulatifs sont essentiels pour que le juge prenne des mesures civiles - et non pénales - de protection. La charge de la preuve incombe à la personne qui bénéficie du dispositif.

Vu le faible taux de demandes voire leur absence dans certains départements, une réflexion est requise. Trop de magistrats pensent que le danger cesse avec l'absence de communauté de vie. Or l'absence de cohabitation ne signifie pas l'absence de danger ! Je partage le diagnostic de Dominique Vérien sur la nécessité de faciliter le recours à l'ordonnance de protection. Je partage également sur ce point les vues d'Elsa Schalck et de Laurence Harribey. Nous présenterons à ce sujet un amendement transpartisan.

Plus d'un million de Françaises - peut-être 2 millions - résident à l'étranger ; mais le ministère de l'Europe et des affaires étrangères a annoncé avoir secouru 120 femmes en 2023, 120 !

Des numéros d'appel et des plateformes ont été mis en place en France, mais ils sont inaccessibles à l'étranger. Le numéro 3919 ne peut être joint, et la plateforme nationale Arrêtons les violences exige un code postal français ou une ville située en France ; il suffirait d'ajouter la possibilité d'indiquer une ville située hors de France.

Les vidéos de sensibilisation visent tous les milieux, y compris en outre-mer, mais il n'y a rien pour les Françaises établies à l'étranger. Les violences intrafamiliales ne s'arrêtent pourtant pas aux frontières, bien au contraire. Il est plus ardu d'identifier les victimes et de les aider, en raison des conflits de juridiction. Oui, le déplacement des enfants peut être illicite. Néanmoins, il faut les aider !

Les associations comme France Victimes, Sorority, Mots et maux de femmes, ou les actions de Chloé Vialard à Singapour, méritent d'être liées aux systèmes nationaux existants. Considérons toutes les victimes, qu'elles soient en France ou à l'étranger.

Le groupe UC votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. Michel Masset et Mme Elsa Schalck applaudissent également.)

Mme Mélanie Vogel .  - En 2017, le mouvement #MeToo a mis les violences fondées sur le genre au coeur du débat public. Depuis, on nous a dit qu'il s'agissait de la grande cause du quinquennat, que la parole des femmes était libérée - alors que les femmes ont toujours parlé... Or le ministre de l'intérieur estime que seules 6 % des victimes de violences sexuelles physiques portent plainte. La lutte contre les violences sexuelles est en réalité loin d'être gagnée. Le renforcement des ordonnances de protection prévu par cette proposition de loi est une brique à l'édifice.

En Espagne, un dispositif permet d'éloigner immédiatement le conjoint violent. On le sait, c'est souvent dans les 48 heures après la dénonciation que le féminicide survient.

Dominique Vérien est exemplaire dans le combat qu'elle mène contre les violences sexuelles.

Je salue l'amendement adopté en commission permettant aux victimes de demander elles-mêmes une OPPI. Près de 400 000 enfants vivent dans un foyer où surviennent des violences intrafamiliales.

Demeurait toutefois un angle mort. Les ordonnances de protection ne sont octroyées qu'à la double condition que la personne ait été vraisemblablement victime de violences et soit exposée à un danger. Or chaque heure qui passe compte. Quand on a vraisemblablement été victime de violences, on est exposé à un danger. Le seul premier critère devrait donc suffire.

Pour de nombreuses victimes, l'ordonnance arrive trop tard : Hadjira, à Franconville, avait demandé une ordonnance de protection ; or le juge la lui a refusée, le 2 mai. Le 21 juillet, son ex-conjoint l'a poignardée à mort dans son appartement en présence de ses deux enfants de 2 et 4 ans. Sandra, à Bordeaux, avait, elle aussi, demandé une ordonnance de protection contre son ex-conjoint violent, qui campait devant son domicile et devant la maternelle de leur fille. Elle avait écrit « je ne tiendrai pas longtemps » ; elle a été tuée par son ex-conjoint le 1er juillet 2021.

Nous sommes plusieurs à avoir déposé des amendements pour revenir sur ces conditions de recevabilité restrictives, qui expliquent aussi le faible nombre de demandes d'ordonnances de protection recensé en France ; là où l'Espagne s'est dotée d'une juridiction spécialisée, il faut en France multiplier les démarches, faute d'une loi globale, comme celle qui est demandée par 147 femmes dans un appel paru aujourd'hui dans Le Monde, auquel je m'associe.

En attendant cette évolution, et sans réserve, les écologistes voteront ce texte.

Mme Evelyne Corbière Naminzo .  - Le rapport annuel 2023 du Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes (HCE) sur l'état des lieux du sexisme en France l'a démontré : les violences sexistes et sexuelles ne reculent pas. En 2022, elles ont fait 244 000 victimes, dont 86 % de femmes. À La Réunion, 66 % des violences intrafamiliales sont des violences conjugales, dont 85 % des victimes sont des femmes. En moyenne, chaque jour, chez nous, douze femmes dénoncent des violences conjugales. On constate une hausse de 17 % des violences intrafamiliales, avec dix-sept interventions des forces de l'ordre chaque jour pour des faits de violences intrafamiliales.

Pourtant, seule une victime sur quatre porte plainte. Il est donc urgent d'agir.

Le dispositif d'ordonnance de protection mis en place en 2010 et amélioré par cinq réformes permet au JAF de prendre des mesures à l'encontre d'un conjoint violent pour protéger les victimes de violences. Sous six jours après la saisine, le juge peut interdire au conjoint violent d'entrer en contact avec la victime, de se rendre dans certains lieux, de porter une arme, ou encore statuer sur la résidence séparée et sur l'autorité parentale.

Le dispositif permet de lutter contre les violences intrafamiliales, mais il reste perfectible.

Il est demandé d'allonger le mécanisme d'ordonnance de protection de six à douze mois. Nous ne pouvons qu'y être favorables d'autant que, dans la plupart des cas, au bout de six mois, l'accusé n'a toujours pas été jugé.

L'OPPI est aussi bienvenue : alors qu'au moins 103 féminicides par compagnon ou ex-compagnon ont été commis en France en 2023, chaque jour compte. Le délai de six jours peut avoir des conséquences dramatiques. Avec ce mécanisme, ce texte se donne l'ambition de sauver des vies.

Nous regrettons que cette ordonnance ne puisse être prononcée par le parquet : à l'inverse de ce dernier, les services du JAF ne disposent pas d'une permanence, et ce texte n'en prévoit pas. Nous souhaitons modifier ce point sur le modèle des ordonnances de protection de l'enfance, par souci de cohérence avec la réalité des moyens de la justice.

Nous invitons le garde des sceaux à mettre en avant ces évolutions auprès des magistrats. En 2022, le ministère public n'était à l'origine que de 2 % des demandes d'ordonnances de protection. Le besoin de formation est donc criant.

Nous voterons naturellement ce texte, pour la protection des victimes de violences conjugales. Mais, alors que le sexisme progresse dans la société française, le rôle du Gouvernement est de lutter contre lui à la racine, car il est la cause de ces violences immondes. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K ; Mme Laurence Rossignol applaudit également.)

M. Michel Masset .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Le constat reste dramatique : en 2023, on recense près de 110 féminicides par compagnon ou ex-conjoint. Chaque année, des centaines de milliers de faits de violences conjugales ou intrafamiliales sont recensés. L'ordonnance de protection est donc un dispositif absolument nécessaire.

Dans un contexte de libération de la parole des femmes et d'amélioration du travail des forces de l'ordre, le nombre de victimes enregistrées augmente significativement. Le dispositif d'ordonnance de protection doit être réformé en fonction de la réalité du terrain.

Dans le rapport Améliorer le traitement judiciaire des violences intrafamiliales, rendu en 2023, Émilie Chandler et Dominique Vérien ont observé qu'entre 2011 et 2021 le nombre d'ordonnances de protection délivrées en urgence a été multiplié par 3,6. Tant mieux si ce dispositif fonctionne, même si nous pouvons regretter qu'il soit nécessaire d'y recourir...

L'exemple espagnol montre cependant la perfectibilité du modèle français. Saluons donc le présent texte.

L'article 1er double la durée maximale des mesures prises dans le cadre d'une ordonnance de protection, de six à douze mois - c'est une bonne chose - et institue une OPPI par laquelle le JAF devra se prononcer dans un délai de 24 heures sur des mesures d'urgence, dispositif cohérent qui permettra à la justice de mieux répondre à la détresse des victimes.

L'article 2 bis ajouté par la commission permet l'octroi d'un téléphone grave danger dans le cadre des ordonnances de protection, ce qui va dans le bon sens.

Nous franchissons une étape supplémentaire dans un parcours malheureusement loin d'être achevé : lutte pour l'égalité entre les femmes et les hommes, lutte contre les violences intrafamiliales, protection des enfants. Dans son rapport rendu en 2023 La politique d'égalité entre les femmes et les hommes menée par l'État, la Cour des comptes souligne les lacunes du pilotage global de cette politique publique. Si l'égalité entre les femmes et les hommes a été érigée en grande cause nationale, nous manquons d'une vision de long terme dans ce domaine.

Nous saluons néanmoins les démarches engagées, à l'image de ce texte. Mais d'autres mesures peuvent être prises pour agir dans la durée. Les jeunes générations doivent être sensibilisées le plus tôt possible.

Poursuivons aussi nos efforts pour la protection des enfants, qu'ils soient victimes ou témoins traumatisés des violences commises.

Nous devons mobiliser des moyens financiers conséquents. Il reste donc beaucoup à faire. Notre groupe votera unanimement ce texte. (Applaudissements sur les travées du RDSE)

M. Thani Mohamed Soilihi .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Je salue la qualité du travail et l'engagement de la rapporteure sur le sujet qui nous réunit. Les ordonnances de protection permettent au JAF de prononcer des mesures temporaires en droit pénal et civil. Le nombre de recours comme leur taux d'acceptation n'ont cessé d'augmenter depuis 2011. Son efficacité ne fait donc guère de doutes, d'autant que le dispositif a été perfectionné en 2014, 2019, 2020 et 2022.

Toutefois, la protection demeure plus faible qu'en Espagne, pays précurseur en la matière : 6 435 demandes formulées en 2023, contre 321 000 femmes déclarées victimes de violences conjugales. En cause : des délais de délivrance trop longs, de six jours en moyenne, dans un domaine où l'urgence prime.

Cette sixième réforme des ordonnances de protection en quatorze ans vise à augmenter le nombre de recours en portant de six à douze mois la durée initiale des mesures prononcées au titre des ordonnances de protection. Les bénéficiaires auront ainsi le temps de s'organiser, notamment ceux qui ne sont pas mariés et n'ont pas d'enfants.

Le texte prévoit également la délivrance par le JAF, sur demande du procureur de la République, d'une OPPI dans un délai de 24 heures dans l'attente de la décision au fond sur une ordonnance de protection. Cela va dans le bon sens.

Je salue le fait que les dispositions du texte s'appliqueront également en Polynésie française et à Wallis-et-Futuna. À ce propos, combien d'ordonnances de protection sont-elles demandées et accordées chaque année en outre-mer, madame la ministre ? Nous savons que les violences y sont en moyenne plus nombreuses et plus graves que dans l'Hexagone.

En tant que praticien, je précise qu'il faudra veiller à concilier l'impératif de protection de victime - alors que la charge de la preuve incombe au demandeur - le respect des droits fondamentaux, et la réalité pratique des juridictions. Le ministère public a accès aux antécédents judiciaires, ce qui facilite la décision du JAF.

Le RDPI votera en faveur de la présente proposition de loi, de préférence enrichie des deux amendements que nous avons déposés. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Mme Laurence Harribey .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Les demandes d'ordonnance de protection sont passées de 1 600 en 2011 à 6 000 en 2021. Entre 2019 et 2021, 66 % d'entre elles ont été acceptées. Au 17 avril dernier, nous déplorions déjà 35 féminicides depuis le début de l'année.

Ces chiffres prouvent que cette proposition de loi, qui fait suite au Plan rouge VIF, est nécessaire. Son adoption marquera un pas supplémentaire pour la protection des victimes.

En premier lieu, elle allonge la protection de six à douze mois, mesure que le groupe SER défend depuis longtemps. Hélas, les amendements de Mmes Meunier et Rossignol à la loi Taquet ou les miens à la loi Santiago ont tous été rejetés.

En second lieu, ce texte crée une OPPI, un dispositif d'urgence indispensable. Je salue les assouplissements apportés en commission sur l'initiative de la rapporteure, notamment pour ouvrir la saisine du JAF à toute personne ayant demandé l'octroi d'une ordonnance de protection.

Nous avons déposé plusieurs amendements pour améliorer encore le texte. Nous proposons ainsi d'inciter le JAF à confier l'autorité parentale au parent victime pendant la durée de l'ordonnance ; la non-suspension de l'autorité du parent violent devra être spécialement motivée. Il s'agit aussi de dissimuler l'adresse de l'école des enfants au parent auteur de violences, afin d'éviter qu'il ne retrouve la victime par ce biais.

L'article 515-11 du code civil conditionne l'attribution d'une ordonnance de protection à des faits de violence et à l'existence d'un danger. Dans un arrêt de 2020, la Cour de cassation a donné une interprétation stricte de ce cumul des conditions, ce qui alourdit la charge de la preuve pour les victimes et fait perdre le dispositif en efficacité. Sans supprimer la notion de danger, pour éviter un prétendu problème constitutionnel, nous proposons de rendre ces deux conditions alternatives en remplaçant « et » par « ou ».

Quelle que soit l'issue des débats, nous voterons ce texte nécessaire pour une meilleure protection des victimes de violences intrafamiliales. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

Mme Elsa Schalck .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur de nombreuses travées du groupe UC) Cette proposition de loi s'inscrit dans la continuité de notre combat commun contre les violences conjugales et intrafamiliales.

De nombreuses initiatives parlementaires ont été prises contre ce fléau - dernièrement, un texte relatif à la justice patrimoniale au sein des familles. Cette proposition de loi renforce l'ordonnance de protection en allongeant la durée de ses effets et créé un dispositif nouveau, l'ordonnance provisoire de protection immédiate.

Je salue notre rapporteur, dont nous connaissons l'engagement, notamment dans le cadre des travaux ayant conduit au Plan rouge VIF.

L'ordonnance de protection a été créée en 2010, puis améliorée à plusieurs reprises. Les demandes, en forte hausse, se chiffrent à 6 000 en 2021. Preuve que ce dispositif répond à un vrai besoin.

En 2019, sur l'initiative de notre famille politique, le délai de délivrance a été réduit à six jours. Mais ce délai, même raccourci, laisse encore un intervalle au cours duquel la victime est exposée. D'où l'OPPI instaurée par le présent texte, que nous saluons - même si certains aspects restent en suspens, s'agissant notamment de la saisine du juge.

Je salue aussi l'allongement de la durée de l'ordonnance de protection de six à douze mois : dans les cas conflictuels, le délai actuel est trop court.

Je me félicite enfin de l'harmonisation, en commission, des sanctions entre l'ordonnance de protection et l'OPPI, car nous avons besoin de cohérence. Madame la ministre, combien de sanctions sont effectivement prononcées à l'encontre de ceux qui violent des ordonnances de protection ?

Deux questions restent à trancher. La saisine du JAF, en premier lieu, que le texte initial réservait au procureur. Des garanties sont nécessaires s'agissant d'une procédure sans contradictoire ni recours, et l'amendement adopté en commission fera débat. Mais l'OPPI étant accessoire à l'ordonnance de protection, il me paraît incohérent de permettre à la victime de saisir le JAF pour l'une et non pour l'autre.

En second lieu, la notion de danger. L'ordonnance de protection est accordée à deux conditions cumulatives, dont l'existence d'un danger. Or les professionnels nous alertent sur la non-délivrance d'une ordonnance de protection dans certaines situations, notamment lorsque l'auteur des violences a quitté le domicile.

Nous voterons ce texte, car la lutte contre les violences conjugales doit être un combat de tous les instants. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur de nombreuses travées du groupe UC)

M. Dany Wattebled .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) En 2022, 321 000 femmes se sont déclarées victimes de violences conjugales, mais seules 62 % des ordonnances de protection demandées ont été accordées. Le chemin à parcourir reste long pour garantir la protection des victimes et prévenir la récidive. Nous resterons mobilisés tant que des femmes et des enfants seront en danger au sein de la cellule familiale.

Bienvenue, cette proposition de loi met en oeuvre une recommandation du Plan rouge VIF. C'est la sixième réforme de la protection des victimes de violences intrafamiliales en quatorze ans.

Plus précisément, elle allonge opportunément de six à douze mois la durée de l'ordonnance de protection et instaure une ordonnance provisoire de protection immédiate, pour une protection plus rapide.

Je me félicite des avancées réalisées en commission, en particulier la possibilité d'attribuer un téléphone grave danger en cas d'OPPI, la saisine du JAF par la personne en danger et à la suspension du droit de visite du parent violent pendant la durée de l'OPPI. Je salue l'implication de Mme Vérien et la qualité de son travail.

Les violences au sein des foyers sont un fléau que nous devons combattre sans répit. Nous voterons à l'unanimité ce texte, qui renforce la protection des femmes contre les violences commises par leur conjoint ou ex-conjoint. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP)

Mme Laurence Rossignol .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Dans une tribune parue dans Le Monde, 147 femmes et quelques hommes demandent une « loi intégrale » - nous dirions plutôt une loi d'orientation, une loi-cadre ou une grande loi - couvrant l'ensemble des violences patriarcales : viols et agressions sexuelles, violences physiques, violences psychologiques, bref, toutes les violences ayant en commun d'être commises par des hommes qui considèrent qu'ils peuvent exercer un droit de propriété ou de cuissage sur les femmes chaque fois que l'occasion s'en présente.

Ce ne sont ni des pervers ni des malades psychiatriques, mais des hommes convaincus que, parce qu'ils sont des hommes, ils y sont autorisés. Je soutiens la démarche des auteurs de la tribune.

Nous légiférons très mal. Entre 2019 et 2023, j'ai proposé à cinq reprises, avec le groupe SER et d'autres groupes de gauche, d'allonger la durée de l'ordonnance de protection ; à chaque fois, le Gouvernement a émis un avis défavorable et la majorité sénatoriale a repoussé nos amendements. Voilà que nous y venons...

Il en va de même pour la suppression des conditions cumulatives de violence et de danger : ce que vous n'adoptez pas aujourd'hui, vous l'adopterez dans six mois ou dans un an ! Pourquoi donc attendre ?

Pendant ce temps, des femmes meurent : ce propos en a offusqué certains, lorsque je l'ai tenu. Je ne juge personne, mais le temps perdu au Parlement est un temps gagné par les prédateurs contre les femmes. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST)

Mme Marie-Do Aeschlimann .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Inspirées du modèle espagnol, les ordonnances de protection, instaurées en 2010, permettent de protéger les victimes, mais demeurent sous-utilisées. En 2022, 321 000 femmes ont déclaré avoir subi des violences de la part de leur conjoint ou ex-conjoint, mais moins de 6 000 ont demandé une ordonnance de protection et seulement 3 600 l'ont obtenue. Le dispositif gagnerait à être mieux connu, mais aussi amélioré.

Cette proposition de loi y contribue judicieusement en allongeant la durée des ordonnances de protection de six à douze mois, laissant ainsi à la victime le temps de sécuriser son nouvel environnement, et en instaurant une OPPI pour une protection quasi instantanée. Le durcissement des sanctions est également un bon signal.

Je salue l'excellent travail mené par la rapporteure sur ce texte qui marque une étape importante, même s'il n'épuise pas le sujet.

Comme élue locale, avocate et femme, je tiens à vous livrer quelques réflexions sur la lutte contre ce fléau.

Il est impératif d'accentuer l'information et la prévention ; le respect de l'autre doit être intégré par chacun. Les associations et collectivités territoriales prennent toute leur part de ce combat. Je pense notamment au Centre francilien pour l'égalité Hubertine Auclert, devenu une référence. À Asnières, nous avons créé un dispositif d'hébergement d'urgence pour les femmes au moment où elles dénoncent les violences qu'elles ont subies. Il faut plus de moyens et de structures d'appui aux victimes.

Nous ne devons pas tolérer la moindre violence, surtout pas la première. N'oublions pas non plus que la vulnérabilité favorise les violences : près de 38 % des femmes victimes de féminicides sont retraitées !

Les violences intrafamiliales sont d'autant plus dangereuses qu'elles sont protéiformes et sournoises ; quand elles prennent en otage les enfants, elles sont encore plus inacceptables, car les conséquences pour eux sont souvent dramatiques jusqu'à l'âge adulte.

Nous voterons naturellement ce texte qui va dans le bon sens, mais beaucoup reste à faire pour mieux détecter, sanctionner et réparer. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur plusieurs travées du groupe UC)

Mme Alexandra Borchio Fontimp .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) « La vérité blesse, le silence tue », a dit Mark Twain.

Malgré cinq réformes, l'ordonnance de protection n'est pas pleinement efficace. Et si 321 000 femmes ont eu le courage de dénoncer les violences conjugales qu'elles avaient subies, seules 6 435 ont demandé une ordonnance de protection en 2023.

Dans un monde idéal, le caractère protecteur de notre droit convaincrait les femmes victimes de violences intrafamiliales d'oser dénoncer leur conjoint violent. Mais nos efforts sont insuffisants pour les rassurer et les conduire à s'extirper du danger.

Les coups tuent, les silences aussi. Comprendre les causes de ces silences est indispensable. Lorsqu'on n'a jamais été confronté à leur situation, il est facile de demander : pourquoi se taisent-elles ? En apparence anodine, cette question est une violence supplémentaire pour des victimes qui se murent dans le silence par honte ou crainte de représailles. D'autres facteurs jouent aussi, comme le manque de moyens de l'institution judiciaire, malgré les progrès récents.

Il faut attendre six jours pour se voir délivrer une ordonnance de protection : 144 heures au cours desquelles les femmes risquent de payer le prix fort. Avec l'OPPI, elles pourront bénéficier d'une protection instantanée et le juge pourra soumettre leur bourreau à de nouvelles obligations.

Nous ne pouvons que souscrire à ces mesures, mais il faudra des moyens humains pour les appliquer. Nous voterons naturellement ce texte qui s'inscrit dans une démarche transpartisane. Je rappelle que la création de l'ordonnance de protection est issue des travaux de notre famille politique.

Une femme sur trois est victime de violences conjugales au cours de sa vie, selon l'OMS. Maintenant qu'un sursaut salutaire est intervenu, il faut donner à la justice des moyens à la hauteur du défi.

Depuis le début de l'année, 38 femmes sont mortes sous les coups d'un homme. Tout récemment, à Antibes Juan-les-Pins, c'est une maman de 33 ans qui a été tuée par un récidiviste. Restons donc humbles et mobilisés, car la tâche ne fait que commencer. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Discussion des articles

Article 1er

Mme la présidente.  - Amendement n°2 rectifié, présenté par Mme O. Richard.

Après l'alinéa 1

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

...° À la première phrase du premier alinéa de l'article 515-11 du code civil, les mots : « comme vraisemblables la commission des faits de violence allégués et le danger auquel la victime ou un ou plusieurs enfants sont exposés » sont remplacés par les mots : « que la victime ou un ou plusieurs enfants sont exposés à la situation de danger mentionnée à l'article 515-9, au regard de la vraisemblance de la commission des faits de violence allégués » 

Mme Olivia Richard.  - Nous clarifions l'article 515-11 du code civil pour permettre au juge d'apprécier la notion de danger au regard de la vraisemblance des violences alléguées.

La Cour de cassation considère qu'une ordonnance de protection peut être accordée si deux conditions sont réunies : la vraisemblance des violences et le danger actuel. Or bien souvent les juges considèrent que le départ du conjoint violent du domicile conjugal met fin au danger.

Nous souhaitons revenir sur cette interprétation, afin d'augmenter le nombre d'ordonnances délivrées, qui reste trop faible. Je partage la colère de Mme Rossignol sur ce point.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°3 rectifié quater, présenté par Mme Schalck, MM. Anglars et Bazin, Mmes Bellurot et Belrhiti, MM. Brisson et Bruyen, Mme Borchio Fontimp, M. Belin, Mme Dumont, M. Darnaud, Mme Evren, MM. Frassa et Genet, Mmes Gosselin, Goy-Chavent, Gruny, Garnier et Estrosi Sassone, MM. C. Vial et Khalifé, Mme Josende, MM. Sol et Reynaud, Mme Valente Le Hir, MM. H. Leroy et Savin, Mme Micouleau, M. Somon, Mme Ventalon, M. Reichardt, Mme Imbert, MM. Lefèvre et Laménie, Mmes M. Mercier et Jacques, MM. Sautarel, Rapin, Sido, Naturel et Gremillet et Mme Aeschlimann.

Mme Elsa Schalck.  - Cet amendement vise à lever des freins à la délivrance d'une ordonnance de protection. Une femme peut être en danger même lorsqu'elle ne cohabite plus avec son conjoint violent. Des garanties juridiques sont nécessaires, aussi conservons-nous la notion de danger. Ce dispositif est donc un équilibre entre garanties et levée des freins.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°11 rectifié bis, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.

Mme Mélanie Vogel.  - La double conditionnalité actuelle limite l'octroi d'ordonnances de protection aux femmes victimes de violences et exposées à un danger. Or toute victime de violences est exposée à un danger, y compris de mort.

Oui, les mesures adoptées en Espagne posent question par rapport à la présomption d'innocence ou la proportionnalité. On peut discuter de l'équilibre, mais pas des conséquences de cette politique : la proportion de femmes tuées après avoir porté plainte est passée de 75 à 20 %, et les féminicides sont deux fois moins nombreux en Espagne qu'en France par rapport à la population.

Bref, il y a un choix à faire entre des considérations juridiques, respectables, et la protection des vies.

Mme la présidente.  - Amendement n°15 rectifié bis, présenté par Mme Aeschlimann, MM. Rapin, Bruyen et Brisson, Mme Joseph, MM. Cadec, Milon, Panunzi, Pellevat et Anglars, Mmes Gosselin et Belrhiti, M. J.P. Vogel, Mme Jacques, MM. Karoutchi, Khalifé, Laugier, Klinger et Savin, Mmes Borchio Fontimp, Ciuntu et Evren et M. Genet.

Après l'alinéa 1

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

...° À la première phrase du premier alinéa de l'article 515-11, les mots : « et le danger » sont remplacés par les mots : « caractérisant le danger » ;

Mme Marie-Do Aeschlimann.  - Nous allons toutes dans le même sens, preuve que l'article 515-11 du code civil pose une difficulté, qu'elle tienne à sa rédaction ou à son interprétation. De fait, il est difficile de caractériser la notion de danger.

La France a pris du retard, notamment par rapport à l'Espagne : pour une population moins importante, 30 fois plus d'ordonnances de protection sont demandées et accordées.

Le guide de l'ordonnance de protection diffusé par la Chancellerie explique que la vraisemblance des violences alléguées établit le danger. Il faut clarifier ce point pour renforcer la protection des femmes. Je me réjouirai donc de l'adoption de tout amendement de cette discussion commune, quel qu'il soit.

Mme la présidente.  - Amendement n°6, présenté par Mme Rossignol et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Après l'alinéa 1

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

...° À la première phrase du premier alinéa de l'article 515-11, la deuxième occurrence du mot : « et » est remplacée par le mot : « ou » ;

Mme Laurence Rossignol.  - Cet amendement remplace la conjonction « et » par la conjonction « ou ». Il procède d'un examen attentif de la jurisprudence.

La Cour de cassation applique de manière très stricte le caractère cumulatif des conditions. Or certains juges estiment qu'il n'y a plus de danger lorsque le conjoint violent a quitté le domicile ou n'accordent pas la protection malgré une multitude de SMS menaçants parce que, jusqu'alors, le conjoint n'a pas frappé.

L'ordre d'examen des amendements ne convient pas. Celui-ci aurait dû être examiné au début de la discussion commune, parce qu'il est le plus protecteur. Les trois amendements identiques en constituent un repli - plus exactement, ils sont une arnaque, car ils ne changent rien !

Mme Dominique Vérien, rapporteure.  - Ce point est le noeud du débat. L'ordonnance de protection est un dispositif auquel nous sommes toutes et tous attachés, mais il est perfectible - chacun en est convenu.

L'un des freins identifiés par les associations tient à la rédaction de l'article 515-11 du code civil, qui prévoit deux critères cumulatifs : la vraisemblance des faits de violence allégués et l'existence d'un danger. Certains juges considèrent qu'il n'y a pas lieu d'accorder la protection quand les conjoints ne cohabitent plus, même si cette interprétation ne paraît pas cohérente avec l'article 515-9.

Je suis donc sensible aux amendements déposés, visant à répondre à ces difficultés de terrain. Nous avons travaillé dans un esprit transpartisan pour trouver la bonne solution.

Une ordonnance de protection ne peut être délivrée, réduisant les droits de la personne visée, mais non déclarée coupable, que si elle est considérée comme dangereuse. Il faut donc lier les violences au danger. C'est le sens des trois amendements identiques, auxquels la commission est favorable. Avis défavorable sur les autres.

Mme Laurence Rossignol.  - Ce n'est pas sérieux...

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée.  - Quand il y a violences, évidemment, il y a danger. Mais supprimer la condition autonome de danger mettrait en péril la constitutionnalité du dispositif.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Ce n'est pas vrai !

Mme Laurence Rossignol.  - On nous dit ça à chaque fois...

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée.  - Les juges et les procureurs manient de mieux en mieux cette notion de danger. Le nombre d'ordonnances de protection accordées est passé de 1 000 à 4 000, grâce à la prise de conscience des acteurs. Avis défavorable aux amendements.

Demande de priorité

Mme Laurence Rossignol .  - Pour la bonne tenue de nos débats, je demande la priorité de vote sur l'amendement n°6.

Je comprends les arguments des uns et des autres, même si ceux relatifs à la constitutionnalité me semblent quelque peu tirés par les cheveux... Le Sénat doit pouvoir se prononcer sur toutes les propositions présentées, qui toutes sont sérieuses.

La nôtre est plus simple. Si elle n'est pas adoptée, les autres amendements pourront être mis aux voix comme des replis. L'ordre de discussion actuel nous met dans l'obligation de voter contre ces amendements, dans l'espoir que le nôtre soit soumis au vote.

Acceptée par la commission et le Gouvernement, la demande de priorité est adoptée.

Discussion des articles (Suite)

Mme Laurence Harribey.  - En effet, l'amendement le plus simple est le nôtre : il transforme les conditions cumulatives en conditions alternatives.

Lorsque l'Assemblée nationale a examiné le texte de Cécile Untermaier, le risque d'inconstitutionnalité n'a pas été soulevé. Par ailleurs, le JAF joue déjà un rôle hybride - civil et pénal.

Le document adressé par le ministère de la justice à l'ensemble des acteurs explique bien que toute violence vraisemblable aboutit à un danger. Votons notre dispositif, qui est encore plus clair.

Mme Mélanie Vogel.  - Nous voterons l'amendement n°6. J'ai moi-même été surprise de l'ordre d'examen de ces amendements, déterminé par leur nombre de mots plutôt que par la substance des changements apportés au texte initial...

Mme Annick Billon.  - Je me réjouis que l'amendement n°6 soit voté en priorité. Cette proposition de loi vise à protéger au mieux les victimes, dont le nombre reste élevé. L'argument d'inconstitutionnalité est fréquemment invoqué, mais souvent sans raison. Je voterai cet amendement avec enthousiasme.

Mme Olivia Richard.  - Il faut davantage de protection, mais pas au risque de fragiliser l'ensemble du dispositif. Nous soutenons la position d'équilibre de la rapporteure.

Mme Evelyne Corbière Naminzo.  - Nous voterons l'amendement de Laurence Rossignol pour renforcer la protection des femmes et des enfants victimes de violences intrafamiliales. Trop peu d'ordonnances de protection sont actuellement accordées, et nombre de féminicides sont commis après des refus d'octroi. Cet amendement augmentera le nombre d'ordonnances délivrées, protégeant ainsi mieux les femmes.

Mme Elsa Schalck.  - Je rejoins Olivia Richard. Je comprends l'esprit de cet amendement, mais veillons à ne pas fragiliser le dispositif. On ne peut pas faire fi de la position de la Cour de cassation. Certes, il faut lever des freins, mais veillons à maintenir un équilibre.

Mme Laurence Rossignol.  - Ma chère collègue, la Cour de cassation juge en droit, en fonction de la rédaction actuelle du code. Nous, législateurs, pouvons intervenir pour changer la loi : la Cour de cassation jugera en fonction de la nouvelle rédaction. Nul risque, donc, que la jurisprudence antérieure de la Cour de cassation pose problème.

Quant à l'argument de la constitutionnalité, combien de fois nous a-t-on fait le coup ? Le Conseil constitutionnel, saisi par le biais d'une QPC, estimerait que la notion de danger relève du concept et non du droit. Mais que dire, alors, de celle de violence vraisemblable ? Si le juge constitutionnel écartait la première, il écarterait à plus forte raison la seconde...

Pour allonger la durée de l'ordonnance de protection, je le disais, il aura fallu que nous nous y prenions à six fois. Nous viendrons de même à la suppression du cumul de critères. Gagnons du temps : faisons-le tout de suite !

Mme Dominique Vérien, rapporteure.  - La Cour de cassation s'appuiera, en effet, sur la nouvelle rédaction du code. Mais elle pourrait estimer, cette fois, qu'il y a risque d'inconstitutionnalité, et donc transmettre une QPC au Conseil constitutionnel, lequel ne s'est jamais prononcé sur la constitutionnalité de l'ordonnance de protection. Or cette procédure conduit à faire prononcer par le juge civil des peines relevant normalement du juge pénal, raison pour laquelle il peut y avoir lieu de craindre cette décision.

Gwenola Joly-Coz préconise la création d'un juge VIF, à l'image du juge des enfants. Comme ce n'est pas le cas pour l'heure, nous avons essayé de trouver un équilibre. Les amendements que vous appelez de repli, madame Rossignol, sont des amendements qui nous permettent d'avancer.

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée.  - La position du Gouvernement est constante. Lors des débats antérieurs, le garde des sceaux avait dit que nous devions nous montrer prudents, car le Conseil constitutionnel opère un contrôle rigoureux. Veillons à la proportionnalité du dispositif pour ne pas risquer d'en perdre le bénéfice.

Mme Laurence Rossignol.  - J'attends la décision du Conseil !

L'amendement n°6 n'est pas adopté.

Les amendements identiques nos2 rectifié, 3 rectifié quater et 11 rectifié bis sont adoptés.

L'amendement n°15 n'a plus d'objet.

Mme la présidente.  - Amendement n°10 rectifié ter, présenté par M. Bazin, Mme Eustache-Brinio, M. Karoutchi, Mmes Bellurot et Aeschlimann, MM. Pellevat, Laménie, Mandelli, Daubresse et Chatillon, Mmes M. Mercier, Muller-Bronn et Valente Le Hir, M. Sol, Mme Borchio Fontimp, MM. Bouchet, Khalifé, Savin, Cambon et Lefèvre, Mme Belrhiti, M. Sido, Mmes Gruny et Lassarade, M. Belin, Mme Dumont, M. Saury, Mme Dumas et MM. J.B. Blanc et Genet.

Après l'alinéa 1

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

...° Après le 3° de l'article 515-11, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« ...° Statuer sur le sort des animaux de compagnie détenus au sein du foyer ; »

M. Arnaud Bazin.  - Cet amendement améliore la protection des femmes et des enfants exposés aux violences en offrant la possibilité au juge de se prononcer sur le sort de l'animal de compagnie. Il s'agit de permettre à la victime de quitter le domicile sereinement, de nombreux conjoints violents se servant de l'animal comme objet de chantage.

En effet, près de la moitié des femmes victimes de violences ont retardé leur départ en raison de pressions exercées sur l'animal de compagnie, objet de manipulation et de chantage pour les conjoints violents. Un foyer sur deux possédant un ou plusieurs animaux de compagnie, le sujet est important. Nous proposons que le juge statue sur la garde de l'animal de compagnie.

Mme Dominique Vérien, rapporteure.  - Ce sujet a déjà été évoqué plusieurs fois, c'est un vrai moyen de pression. On m'a parlé de pères obligeant leurs enfants à abandonner leur animal... Lors d'un divorce, les animaux sont considérés comme des biens meubles, mais il n'est pas question de ce type de partage lors d'une ordonnance de protection.

J'ai demandé à un juge civil s'il ne pouvait pas déjà décider de ce type de mesure : il m'a répondu que non. Dès lors, avis favorable.

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée.  - L'emprise peut prendre de multiples formes. Mais si le JAF avait à statuer sur le sort de l'animal de compagnie, il devrait se demander qui en est propriétaire... Cet amendement ne règle pas la question du lien affectif. Avis défavorable.

M. Arnaud Bazin.  - J'ai parlé d'attribuer la garde provisoire, non la propriété. C'est raisonnable et proportionné.

L'amendement n°10 rectifié ter est adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°4, présenté par Mme Harribey et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Après l'alinéa 1

Insérer quatre alinéas ainsi rédigés :

...° Le 5° de l'article 515-11 est ainsi rédigé :

« 5° Examiner la suspension de l'autorité parentale de l'auteur des violences jusqu'à ce que le juge ait statué sur les modalités d'exercice de l'autorité parentale. Le cas échéant, la décision de ne pas suspendre l'autorité parentale de l'auteur des violences doit être spécialement motivée, et le juge doit se prononcer sur les modalités du droit de visite et d'hébergement au sens de l'article 373-2-9 » ;

...° Après le 5° de l'article 515-11, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« ... ° Se prononcer, le cas échéant et y compris si la suspension de l'autorité parentale prévue à l'alinéa précédent est prononcée, sur la contribution aux charges du mariage pour les couples mariés, sur l'aide matérielle au sens de l'article 515-4 pour les partenaires d'un pacte civil de solidarité et sur la contribution à l'entretien et à l'éducation des enfants » ;

Mme Laurence Harribey.  - Il faut jumeler la question de l'ordonnance de protection avec la suspension de l'autorité parentale du parent violent.

Mme Dominique Vérien, rapporteure.  - L'autorité parentale est retirée pour des faits graves - je vous renvoie à la loi Santiago. Ici, il s'agit de mesures civiles. Elles sont certes teintées de pénal, mais il n'est pas souhaitable de se rapprocher davantage du pénal. Avis défavorable.

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée.  - Avis défavorable. L'ordonnance de protection est prononcée par un juge civil qui ne statue que sur la demande des parties. Le JAF ne peut s'autosaisir et n'est pas compétent pour ordonner le retrait ou la suspension de l'autorité parentale, qui relève du tribunal judiciaire, en formation collégiale. Une décision d'une telle gravité ne peut être prise dans le cadre d'une procédure d'urgence.

Mme Laurence Harribey.  - La discussion précédente et celle-ci montrent que notre système bat de l'aile. Nous sommes constamment entre le pénal et le civil. Cela donne raison aux Espagnols, qui ont créé un tribunal spécialisé. L'objectif, c'est la protection des victimes et des enfants, or nous butons sur des éléments de droit. Que de temps perdu !

Mme Dominique Vérien, rapporteure.  - Les Espagnols ont bien une séparation entre le civil et le pénal, traité trois ans après le civil. En revanche, leur juge civil a de vraies compétences de juge d'instruction, que n'a pas notre JAF. Il nous faut encore travailler pour aboutir à un système réellement mixte.

L'amendement n°4 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°18 rectifié bis, présenté par Mme Aeschlimann, MM. Rapin, Bruyen et Brisson, Mme Joseph, MM. Cadec, Milon, Panunzi, Pellevat et Anglars, Mmes Gosselin et Belrhiti, M. J.P. Vogel, Mme Jacques, MM. Karoutchi, Khalifé, Laugier, Klinger et Savin, Mmes Borchio Fontimp, Ciuntu et Evren et M. Genet.

I. - Après l'alinéa 2

Insérer trois alinéas ainsi rédigés :

...° Après le 7° de l'article 515-11, il est inséré un 8 ° ainsi rédigé :

« 8° Ordonner une évaluation de la situation socioprofessionnelle de la partie demanderesse et l'orienter, le cas échéant, vers une association agréée ou un service public de l'insertion et de l'emploi. » ;

II. - Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

.... - Les conditions d'application du 8° de l'article 515-11 sont fixées par décret au plus tard six mois à compter de la publication de la loi. 

Mme Marie-Do Aeschlimann.  - Il s'agit de compléter les mesures que le JAF peut prononcer dans le cadre de l'ordonnance de protection, car il y a un impensé : la dépendance économique des femmes victimes de violences. Ainsi 65 victimes de féminicides sur 146 n'exerçaient pas ou plus d'activité professionnelle.

Il faut les accompagner dans leur réinsertion professionnelle. Aussi, je propose que le juge puisse préconiser une orientation vers une association agréée ou un service public de l'insertion et de l'emploi.

Ne laissons pas de telles situations d'emprise économique perdurer !

Mme Dominique Vérien, rapporteure.  - Je partage votre préoccupation, mais ne chargeons pas trop le JAF. Les femmes sont déjà orientées vers des associations d'aide aux victimes ; c'est aussi le rôle des travailleurs sociaux dans les gendarmeries ou les commissariats. Nous demandons au JAF de statuer rapidement : six jours pour l'ordonnance de protection, 24 heures pour l'ordonnance de protection immédiate. Laissons faire les associations. Avis défavorable.

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée.  - Je vous rejoins sur le fond, et rappelle que le parquet oriente aussi vers les associations d'aide aux victimes, qui auront donc un accompagnement. Avis défavorable toutefois, car le JAF se prononce en urgence.

Mme Annick Billon.  - Je partage l'intention de l'amendement, mais n'alourdissons pas l'ordonnance de protection.

À l'initiative de Valérie Létard, nous avions adopté une aide d'urgence, abondée par le Gouvernement, pour ces femmes qui n'ont pas d'autonomie économique.

Nous devons surtout nous battre pour l'égalité salariale des femmes, pour qu'elles aient une retraite convenable, pour qu'elles puissent choisir entre partir et rester. Nous avons voté plusieurs dispositifs en ce sens, dont l'index d'égalité. À travail égal, salaire égal !

Mme Marie-Do Aeschlimann.  - Nous sommes tous d'accord - mais cela ne résout pas le problème ! Il me semble que vous surestimez la surcharge que cela représenterait pour le JAF : il ne s'agit que d'ajouter une ligne pour préconiser une orientation vers une structure adéquate, dans le cas où la victime, sans emploi ni revenus, risque de tomber dans une spirale de précarité économique. Je regrette ces avis défavorables.

Mme Marie Mercier.  - Distinguons dépendance et emprise. La dépendance économique peut être liée à des difficultés inhérentes nécessitant un accompagnement spécifique. Mais l'emprise, c'est la prise de possession du psychisme par l'autre : cela nécessite un traitement thérapeutique.

Mme Anne-Sophie Romagny.  - L'ordonnance de protection sert à sauver des vies, pas à résoudre la dépendance économique. Je partage l'objectif, mais il s'agit ici de sauver des femmes d'un danger grave et imminent.

L'amendement n°18 rectifié bis n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°23, présenté par Mme Vérien, au nom de la commission.

Après l'alinéa 3

Insérer cinq alinéas ainsi rédigés :

...° L'article 515-13 est ainsi modifié :

a) Au début du premier alinéa, est ajoutée la mention : « I.  -  » ;

b) Il est ajouté un paragraphe ainsi rédigé :

« II.  -  Une ordonnance provisoire de protection immédiate peut également être délivrée en urgence par le juge à la personne majeure menacée de mariage forcé, dans les conditions fixées à l'article 515-13-1.

« Le juge est compétent pour prendre les mesures mentionnées au troisième alinéa du même article 515-13-1. Il peut également ordonner, à sa demande, l'interdiction temporaire de sortie du territoire de la personne menacée. Cette interdiction de sortie du territoire est inscrite au fichier des personnes recherchées par le procureur de la République. » ;

Mme Dominique Vérien, rapporteure.  - Les personnes menacées de mariage forcé peuvent demander l'octroi d'une ordonnance de protection. Autorisons-les à demander une OPPI, ce qui permet d'ordonner une interdiction temporaire de sortie du territoire, afin d'éviter qu'elles ne soient conduites de force à l'étranger pour y être mariées.

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée.  - Nous partageons l'objectif. Le mariage forcé est une indignité. Sagesse, car il faudra améliorer la rédaction au cours de la navette.

L'amendement n°23 est adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°1, présenté par Mme Corbière Naminzo et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky.

Alinéas 5 à 8

Remplacer ces alinéas par trois alinéas ainsi rédigés :

« Art. 515-13-1. - En cas d'urgence, lorsqu'il existe des raisons sérieuses de considérer comme vraisemblables la commission des faits de violences allégués et le danger grave et immédiat auquel la victime ou un ou plusieurs enfants sont exposés, le procureur de la République délivre une ordonnance provisoire de protection immédiate aux victimes.

« Le ministère public invite et assiste, avec son accord, la personne en danger à la saisine dans les plus brefs délais du juge aux affaires familiales pour qu'il statut sur la délivrance d'une ordonnance de protection telle que prévue aux articles 515-9 à 515-13.

« Le procureur de la République est compétent pour prononcer, à titre provisoire, les mesures mentionnées aux 1° , 1° bis, 2° et 2° bis de l'article 515-11. Ces mesures prennent fin à compter de la décision statuant sur une demande d'ordonnance de protection et au plus tard dans un délai de six jours. » 

Mme Evelyne Corbière Naminzo.  - L'OPPI doit être rendue non par le JAF mais par le procureur de la République. Le parquet dispose d'une permanence ce qui lui permet de répondre dans les 24 heures. De plus, l'OPPI n'a d'intérêt que si elle est correctement notifiée au conjoint violent - or c'est le procureur de la République non le JAF qui est en contact permanent avec la police. Autant de raisons pratiques qui justifient que le procureur soit l'autorité compétente - comme il l'est pour les ordonnances de placement provisoire des enfants en danger.

Mme la présidente.  - Amendement n°8 rectifié, présenté par M. Mohamed Soilihi et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

I.  -  Alinéa 5

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Art. 515-13-1.  -  Lorsque le juge aux affaires familiales est saisi d'une demande d'ordonnance de protection dans les conditions prévues au premier alinéa de l'article 515-10, le ministère public peut, avec l'accord de la personne en danger, demander également une ordonnance provisoire de protection immédiate. » 

II.  -  Alinéa 6, seconde phrase

Supprimer cette phrase.

M. Thani Mohamed Soilihi.  - Cet amendement a un double objectif : simplifier la procédure de délivrance des OPPI en supprimant l'avis conforme du parquet, et supprimer l'interdiction pour le juge de refuser une OPPI lorsque la requête est accompagnée de pièces en langue étrangère.

Mme la présidente.  - Amendement n°19 rectifié bis, présenté par Mme Aeschlimann, MM. Rapin, Bruyen et Brisson, Mme Joseph, MM. Cadec, Milon, Panunzi, Pellevat et Anglars, Mmes Gosselin et Belrhiti, M. J.P. Vogel, Mme Jacques, MM. Karoutchi, Khalifé, Laugier, Klinger et Savin, Mmes Ciuntu et Evren et M. Genet.

I.  -  Alinéa 5, première phrase

Supprimer les mots :

, sur avis conforme du ministère public qui se prononce dans un délai de vingt-quatre heures,

II.  -  Alinéa 6

Rédiger ainsi cet alinéa :

« L'ordonnance provisoire de protection immédiate est automatiquement délivrée par le juge aux affaires familiales.

III.  -  Après l'alinéa 6

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Vingt-quatre heures après la délivrance de l'ordonnance provisoire de protection immédiate, le juge aux affaires familiales peut, s'il l'estime nécessaire, lever les mesures prévues par l'ordonnance provisoire de protection immédiate.

Mme Marie-Do Aeschlimann.  - Cet amendement d'appel vise à inverser la charge de la preuve. On pourrait considérer que le dépôt d'une demande d'ordonnance de protection est automatiquement assorti d'une ordonnance de protection immédiate, afin de mieux protéger la victime. J'entends que l'OPPI préserve mieux les droits de la défense, mais cette proposition est défendue par des avocats.

Mme la présidente.  - Amendement n°17 rectifié bis, présenté par Mme Aeschlimann, MM. Rapin, Bruyen et Brisson, Mme Joseph, MM. Cadec, Milon, Panunzi, Pellevat et Anglars, Mmes Gosselin et Belrhiti, M. J.P. Vogel, Mme Jacques, MM. Karoutchi, Khalifé, Laugier, Klinger et Savin, Mmes Ciuntu et Evren et M. Genet.

Alinéa 6, première phrase

Remplacer les mots :

et le danger

par les mots :

caractérisant le danger

Mme Marie-Do Aeschlimann.  - Le débat a eu lieu.

Mme la présidente.  - Amendement n°7, présenté par Mme Rossignol et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Alinéa 6, première phrase

Remplacer la deuxième occurrence du mot :

et

par le mot :

ou

Mme Laurence Rossignol.  - Il s'agissait d'un amendement de coordination, que je retire.

L'amendement n°7 est retiré.

Mme la présidente.  - Amendement n°14, présenté par Mme Billon.

Alinéa 6, première phrase

Remplacer les mots :

grave et immédiat

par le mot :

caractérisé

Mme Annick Billon.  - La notion de danger n'étant définie par aucun texte, l'ajout des adjectifs « grave et immédiat » compliquerait encore l'interprétation. Je propose de les remplacer par « danger caractérisé ».

Mme la présidente.  - Amendement n°20 rectifié bis, présenté par Mme Aeschlimann, MM. Rapin, Bruyen et Brisson, Mme Joseph, MM. Cadec, Milon, Pellevat et Anglars, Mmes Gosselin et Belrhiti, M. J.P. Vogel, Mme Jacques, MM. Karoutchi, Khalifé, Laugier, Klinger et Savin, Mmes Ciuntu, Borchio Fontimp et Evren et M. Genet.

Après l'alinéa 7

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« L'ordonnance provisoire de protection immédiate est transmise à la force publique sans délai.

Mme Marie-Do Aeschlimann.  - Il faut informer sans délai la force publique de la délivrance d'une OPPI. La victime est d'autant plus vulnérable que la demande de protection a vocation à être signifiée à l'auteur des violences, ce qui risque d'entraîner un regain d'agressivité. Il faut l'anticiper en s'assurant qu'au moindre appel, la victime sera immédiatement identifiée. L'enjeu est d'aboutir à une meilleure coordination et une meilleure circulation de l'information entre le JAF, la police, la gendarmerie et la victime, qui se sentira ainsi plus soutenue.

Mme Dominique Vérien, rapporteure.  - L'amendement n°1 reprend la proposition du Plan rouge VIF. Or le choix a été fait de rendre l'ordonnance de protection immédiate accessoire à l'ordonnance de protection. Avis défavorable, d'autant que l'amendement reviendrait sur certains apports de la commission.

L'amendement n°8 rétablit la rédaction initiale du Gouvernement, or la commission a souhaité ajouter le filtre de l'avis conforme du procureur, solution suggérée par la conférence nationale des procureurs de la République. Je ne pense pas que cela complexifie la procédure, mais j'entends bien que l'avis conforme du procureur nuit au caractère civil de la procédure. La commission a donc émis un avis de sagesse, car nous voulions entendre le Gouvernement.

Avis défavorable à l'amendement d'appel n°19 rectifié bis, car on ne peut lier ainsi le juge.

Avis défavorable aux amendements nos 17 rectifié bis et 14. L'OPPI est une procédure civile, sans contradictoire et sans recours possible : elle ne peut être ordonnée que dans des cas très exceptionnels, d'où la mention d'un danger « grave et immédiat ».

L'amendement n°20 rectifié bis est satisfait par le 17° de l'article 230-19 du code de procédure pénale, qui prévoit l'inscription sur le fichier des personnes recherchées de toute personne soumise à une ordonnance de protection ou une OPPI. Retrait sinon avis défavorable.

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée.  - Les équipes du garde des sceaux ont beaucoup travaillé pour rassurer ceux qui doutent de la capacité des procureurs à exercer leur office. Ces derniers maîtrisent les procédures d'urgence. Vous connaissez l'implication du garde des sceaux contre les violences sexistes et sexuelles. Nous passerons par une circulaire pour clarifier le circuit opérationnel. Les équipes sont pleinement mobilisées.

Plusieurs amendements tendent à modifier les conditions de délivrance de l'OPPI. Le transfert de compétences au parquet poserait des difficultés constitutionnelles, car l'OPPI s'apparente à une sanction pénale. La séparation des autorités de poursuite et de jugement doit être respectée, les actes les plus attentatoires aux libertés doivent rester de la compétence d'un magistrat du siège. La nature accessoire de l'OPPI participe à la constitutionnalité du dispositif.

Avis défavorable à l'amendement n°1, de même qu'aux amendements nos19 rectifié bis, 17 rectifié bis et 14 qui portent atteinte à la liberté d'aller et venir, au droit à la vie privée et familiale et au droit au logement. Évitons tout risque d'instrumentalisation.

Avis favorable à l'amendement n°8 rectifié, en revanche.

En pratique, les forces de sécurité intérieure seront avisées, puisque les interdictions contenues dans l'ordonnance seront inscrites au fichier des personnes recherchées : dès lors, avis défavorable à l'amendement n°20 rectifié bis.

Mme Dominique Vérien, rapporteure.  - Sur l'amendement n°8 rectifié, madame la ministre, vous parlez de circulaire, mais nous manquons de précisions... Si l'avis conforme du procureur doit être bloquant, nous pouvons envisager un avis simple. Mais comment lui signaler que la partie demanderesse souhaite une mise en oeuvre en urgence ? Je ne doute pas de votre bonne volonté. Nous avons encore une semaine avant la CMP. L'objectif est d'ouvrir plus facilement l'ordonnance de protection, mais aussi de mieux protéger : actuellement, l'OPPI ne concerne qu'une dizaine de cas par an, c'est trop peu.

Je propose que nous n'adoptions pas l'amendement n°8 rectifié et que nous nous laissions le temps de la discussion jusqu'à la semaine prochaine.

Mme Evelyne Corbière Naminzo.  - Nos débats ont tourné autour des limites des compétences du JAF, mal dimensionnées par rapport aux ambitions qui sous-tendent les ordonnances de protection. Le procureur de la République est celui qui prononce les ordonnances de placement provisoire pour les enfants en danger, il est compétent pour évaluer le danger. C'est aussi lui qui assure la coordination avec les forces de l'ordre et qui a la prérogative pour agir lorsqu'un téléphone grave danger ou un bracelet anti-rapprochement a été fourni. Le JAF, a contrario, n'est pas assez équipé.

Il faut peut-être revoir la copie à la base.

Mme Laurence Rossignol.  - C'est la raison !

L'amendement n°1 n'est pas adopté.

Mme Olivia Richard.  - Je rejoins la rapporteure sur l'amendement n°8 rectifié. Je ne vois pas en quoi une demande d'ordonnance de protection immédiate, quand la victime peut demander une ordonnance de protection à titre principal, entacherait le dispositif d'inconstitutionnalité.

J'entends la difficulté liée à l'absence de contradictoire, mais le délai est très court. Il est indispensable que les victimes puissent disposer de ce recours.

M. Thani Mohamed Soilihi.  - Il n'a jamais été question de problème de constitutionnalité ! Je suis dans la coconstruction. La logique voudrait que l'on adopte mon amendement, quitte à l'améliorer au cours de la navette.

Mon but est de simplifier la procédure et de réduire les délais. Nous épargnons à la partie demanderesse des mesures procédurales supplémentaires.

Mme Dominique Vérien, rapporteure.  - Ce que vous proposez correspond à la rédaction de l'Assemblée nationale. Le débat aura donc forcément lieu en CMP ! (Mme Laurence Harribey s'en amuse.)

L'amendement n°8 rectifié n'est pas adopté.

Les amendements nos19 rectifié bis, 17 rectifié bis, 14 et 20 rectifié bis sont retirés.

L'article 1er, modifié, est adopté.

Après l'article 1er

Mme la présidente.  - Amendement n°16 rectifié bis, présenté par Mme Aeschlimann, MM. Rapin, Bruyen et Brisson, Mme Joseph, MM. Cadec, Milon, Panunzi, Pellevat et Anglars, Mmes Gosselin et Belrhiti, M. J.P. Vogel, Mme Jacques, MM. Karoutchi, Khalifé, Laugier, Klinger et Savin, Mmes Borchio Fontimp, Ciuntu et Evren et M. Genet.

Après l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À l'article 515-9 du code civil, le mot : « victime, » est remplacé par les mots : « victime ou ».

Mme Marie-Do Aeschlimann.  - Cohérence rédactionnelle avec la loi du 4 août 2014.

Mme Dominique Vérien, rapporteure.  - C'est pertinent, avis favorable.

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée.  - Avis défavorable.

L'amendement n°16 rectifié bis est adopté et devient un article additionnel.

Mme la présidente.  - Amendement n°5, présenté par Mme Rossignol et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Après l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le 6° bis de l'article 515-11 du code civil, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« ...° Autoriser la partie demanderesse à dissimuler l'adresse de l'école de son ou ses enfants ; ».

Mme Laurence Rossignol.  - Nous permettons au juge d'inclure dans le périmètre de l'ordonnance de protection l'anonymisation de l'adresse de l'école où les enfants sont scolarisés. On sait en effet que les pères harceleurs passent souvent par l'école pour poursuivre la mère de leur obsession vengeresse.

Mme Dominique Vérien, rapporteure.  - Avis favorable. Cela complète utilement les mesures que peut prononcer le juge dans le cadre d'une ordonnance de protection, et va de pair avec la dissimulation de l'adresse de la partie demanderesse.

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée.  - L'interdiction de contact est plus forte encore. Le parent connaît déjà l'adresse de l'école. Avis défavorable.

Mme Dominique Vérien, rapporteure.  - Pas forcément, s'il y a eu un déménagement.

Mme Laurence Rossignol.  - Sagesse, madame la ministre ?

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée.  - Non, défavorable.

L'amendement n°5 est adopté et devient un article additionnel.

Article 1er bis

Mme la présidente.  - Amendement n°24, présenté par Mme Vérien, au nom de la commission.

I. - Alinéa 2

Remplacer les mots :

Lorsque l'électeur mentionné au premier alinéa fait l'objet d'une mesure prononcée au 6° ou au 6° bis de l'article 515-11 du code civil

par les mots :

Lorsqu'une mesure mentionnée au 6° ou au 6° bis de l'article 515-11 du code civil a été prononcée

II. - Alinéa 4

1° Après le mot :

puisse

insérer les mots :

, à titre dérogatoire, 

2° Supprimer les mots :

à la personne contre laquelle l'ordonnance de protection a été octroyée 

Mme Dominique Vérien, rapporteure.  - Anne-Sophie Romagny m'a signalé le cas d'un homme venu demander en préfecture la liste électorale, sur laquelle on peut trouver toutes les adresses, y compris celles dont on a pourtant demandé la dissimulation.

Notre amendement en commission était trop restrictif, car l'auteur des violences peut très bien envoyer un ami à sa place. Nous étendons cette dissimulation à toute personne effectuant ce type de demande.

Mme Laurence Rossignol.  - Très bien.

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée.  - Avis favorable à cet amendement de bon sens.

L'amendement n°24 est adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°9 rectifié, présenté par M. Mohamed Soilihi et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

Alinéa 2

Compléter cet alinéa par les mots :

et précisées par décret en Conseil d'État

M. Thani Mohamed Soilihi.  - Gare à ne pas compromettre la transparence démocratique. Cet amendement encadre strictement la possibilité de masquer l'identité et l'adresse d'un électeur, en renvoyant les modalités d'application à un décret en Conseil d'État.

Mme Dominique Vérien, rapporteure.  - Je comprends cette exigence, mais nous espérons que le Gouvernement prendra ce décret rapidement. Sinon, attendez-vous à ce que plusieurs questions écrites et orales soient posées jusqu'à sa parution ! Avis favorable.

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée.  - Double avis favorable ! Je rassure le Sénat : le décret sera pris rapidement, bien sûr.

L'amendement n°9 rectifié est adopté.

L'article 1er bis, modifié, est adopté.

Article 2

Mme la présidente.  - Amendement n°21 rectifié bis, présenté par Mme Aeschlimann, MM. Rapin, Bruyen et Brisson, Mme Joseph, MM. Cadec, Milon, Panunzi, Pellevat et Anglars, Mmes Gosselin et Belrhiti, M. J.P. Vogel, Mme Jacques, MM. Karoutchi, Khalifé, Laugier, Klinger et Savin, Mmes Ciuntu et Evren et M. Genet.

Après l'alinéa 6

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

...° Après le premier alinéa de l'article 227-4-2, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« En cas de violation des mesures prononcées dans le cadre d'une ordonnance provisoire de protection immédiate ou d'une ordonnance de protection, il n'est pas sursis à l'exécution de l'ordonnance pendant les délais d'appel et durant l'instance d'appel. »

Mme Marie-Do Aeschlimann.  - Pour renforcer l'effet dissuasif de l'OPPI, faisons prévaloir le régime de l'exécution provisoire de droit attachée aux décisions du JAF sur le régime de l'exécution provisoire, qui n'est pas de droit.

Mme Dominique Vérien, rapporteure.  - Votre amendement est satisfait par l'article 1136-7 du code de procédure civile. Sauf exception décidée par le juge, les mesures prononcées dans le cadre d'une ordonnance de protection pourront être exécutées, même en cas d'appel. En outre, cet amendement serait moins-disant par rapport au droit en vigueur. Retrait sinon avis défavorable.

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée.  - Même avis.

L'amendement n°21 rectifié bis est retiré.

L'article 2 est adopté.

L'article 2 bis est adopté.

Article 3

Mme la présidente.  - Amendement n°25, présenté par Mme Vérien, au nom de la commission.

I.  -  Après l'alinéa 2

Insérer deux paragraphes ainsi rédigés :

....  -  Le premier alinéa de l'article 804 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :

« Le présent code est applicable, dans sa rédaction résultant de la loi n° du allongeant la durée de l'ordonnance de protection et créant l'ordonnance provisoire de protection immédiate, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna, sous réserve des adaptations prévues au présent titre et aux seules exceptions : » .

....  -  Le premier alinéa du I de l'article L. 388 du code électoral est ainsi rédigé : 

« I.- Les dispositions du titre Ier du livre Ier du présent code, dans leur rédaction résultant de la loi n° du allongeant la durée de l'ordonnance de protection et créant l'ordonnance provisoire de protection immédiate, à l'exception des articles L. 15, L. 15-1 , L. 46-1 et L. 66, sont applicables à l'élection : » .

II.  -  Alinéa 3

1° Après les mots :

L'article 1er 

insérer les mots :

et le II de l'article 1er bis

2° Remplacer les mots :

est applicable 

par les mots :

sont applicables

Mme Dominique Vérien, rapporteure.  - Coordination afin de rendre les articles 1er bis et 2 bis applicables outre-mer.

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée.  - Avis favorable.

L'amendement n°25 est adopté.

L'article 3, modifié, est adopté.

Vote sur l'ensemble

Mme Annick Billon .  - J'ai été interviewée tout à l'heure au sujet de la tribune sur le #MeToo du cinéma, parue ce jour dans Le Monde, qui appelle à une grande loi contre les violences sexistes et sexuelles. Depuis 2017, nous avons voté plusieurs textes, à l'initiative du Gouvernement et de parlementaires. La loi de 2019 n'allait pas assez loin - elle a été suivie de la proposition de loi de Valérie Létard. Je pense aussi aux travaux de Dominique Vérien sur le Plan rouge VIF.

Ces avancées demeurent toutefois insuffisantes. Derrière les statistiques des féminicides, il y a des enfants privés de leurs mères, des parents qui perdent leurs filles. Le coût pour la société est immense.

Oui, ce texte est bienvenu, mais nous avançons à petits pas : nous nous heurtons systématiquement au manque de moyens, pour la justice, mais aussi pour la médecine légale, notamment.

Merci à la rapporteure d'avoir amélioré le texte. Je le voterai, en attendant des avancées en CMP.

Mme Muriel Jourda .  - Je voterai ce texte, qui marque une avancée dans la lutte contre les violences intrafamiliales.

Cela dit, le terme « féminicide », souvent employé au cours de nos débats, me paraît inapproprié. Ces femmes n'ont pas été tuées parce que femmes. (Mme Annick Billon le réfute.) Il y a eu des « tueurs de femmes », comme Henri Vidal, mais nous parlons ici de femmes tuées parce qu'elles ont des conjoints ou des ex-conjoints. La question n'est pas que sémantique. Au-delà de la prise en charge des victimes, il faut prendre en charge les auteurs. Nous ne le ferons pas correctement si nous les considérons comme mus par un sexisme pathologique. Les violences sont liées à la relation de couple, non à l'existence d'une femme. Appelons les choses par leur nom. Le « féminicide » n'a aucune existence juridique.

M. Michel Savin et Mme Catherine Di Folco.  - Très bien !

Mme Olivia Richard .  - Le groupe UC votera ce texte, et nous poursuivrons le travail en CMP.

Le terme « féminicide » n'est pas une qualification juridique, mais un état de fait. Il permet de visibiliser un phénomène de société contre lequel nous souhaitons tous lutter. (Mme Annick Billon applaudit.)

La proposition de loi, modifiée, est adoptée.

La séance est suspendue quelques instants.