Haut-commissariat au plan : quel bilan et quelle influence sur les politiques publiques depuis 2020 ?
M. le président. - L'ordre du jour appelle le débat sur le thème : « Haut-commissariat au plan : quel bilan et quelle influence sur les politiques publiques depuis 2020 ? » à la demande du GEST.
M. Daniel Salmon, pour le GEST . - La réflexion prospective est plus que jamais indispensable. Analyser, anticiper, imaginer les futurs possibles, prendre en compte les incertitudes est essentiel. La planification est une tradition bien française. Déjà en 1944, le Conseil national de la Résistance s'inspire des politiques du plan pour définir des politiques sociales : sécurité sociale, système éducatif, nationalisation de certains secteurs clés de l'économie, entre autres.
En 1946, le haut-commissariat au plan imaginé par Jean Monnet sur le modèle américain du New Deal est lancé pour reconstruire après la guerre.
Dès la fin des années 1970, la planification s'épuise et a moins de sens dans le contexte de mondialisation et de libéralisation croissante. Sous le gouvernement de Dominique de Villepin, le sort du commissariat au plan est scellé. À cette époque, rares sont ceux qui cherchent à s'extraire de la mainmise du marché piloté par des politiques ultralibérales.
En 2020, la planification est remise au goût du jour par Jean Castex, à la suite de la crise du covid. François Bayrou a été nommé haut-commissaire au plan et à la prospective afin « d'éclairer les choix collectifs » de la nation « pour maintenir ou reconstruire sa souveraineté et une autonomie européenne face à l'impact des évolutions démographiques, à la grande transition écologique, aux bouleversements du numérique et à la recomposition des chaînes de valeur mondiales ». Joli programme !
Présentée comme « tout sauf un lot de consolation », cette réanimation, en fin de quinquennat, d'un commissariat au plan a laissé certains perplexes. Il nous a semblé intéressant d'en dresser le bilan, trois ans après. De nombreux sujets sont traités, mais de manière cloisonnée. D'un point de vue quantitatif, seize rapports ont été remis. D'un point de vue qualitatif, les sujets sont certes intéressants, mais traités en silo, sans transversalité ni prise en compte des défis actuels.
C'est là que le bât blesse : toute prospective reste vaine si elle se maintient dans des réponses techno-solutionnistes, sans imaginer les risques de chocs.
Notre avenir dépend des actions entreprises aujourd'hui pour préserver les ressources et les écosystèmes. L'innovation technologique, les changements sociaux et économiques doivent s'envisager sous le prisme de la finitude de la planète. « Celui qui croit que la croissance peut être infinie dans un monde fini est soit un fou, soit un économiste », écrivait Kenneth Boulding. Il faudrait 2,7 planètes si chacun disposait du niveau de vie par tête des Français ! Le 2 août 2023, nous avions consommé toutes les ressources que la planète peut régénérer en une année. Le jour du dépassement arrivera quelques jours plus tôt cette année. Tout cela, le haut-commissariat au plan ne le prend pas en compte, bloqué dans le logiciel de consommation de masse des Trente Glorieuses.
La note sur le déficit du commerce extérieur est éclairante : le seul angle choisi est la balance commerciale, non contrebalancée par l'impact négatif des productions sur l'environnement : perte de biodiversité, usage des sols, ici et ailleurs. Ainsi, si 60 % de l'excédent agricole dépend des céréales, la France reste dépendante du soja brésilien et des engrais importés, sans que cette spécialisation agricole soit interrogée.
Une planification écologique digne de ce nom est indispensable. Il faut répondre aux enjeux d'indépendance stratégique et aligner la stratégie nationale sur les enjeux climatiques et sociaux. Il ne s'agit pas seulement de décarboner, mais de produire utile et durable.
Une véritable planification doit aussi concerner l'aménagement du territoire, avec les mobilités, notamment ferrées. Laisser faire le marché amène à toujours plus de concentration. Il faut des politiques qui restaurent les services publics, et n'abandonnent pas les territoires.
Il faut aussi une articulation avec France Stratégie, France 2030, le commissariat général à l'investissement et les lois de programmation qui se multiplient... Plutôt qu'une planification qui n'en porte que le nom, nous proposons une véritable feuille de route, tournée notamment vers la santé mentale et physique de nos concitoyens et associant l'ensemble de la société, sur le modèle des conventions citoyennes. Pour réussir, la planification doit aussi être ascendante, non seulement descendante.
Réapproprions-nous le temps long pour construire la résilience, investir dans l'adaptation et l'atténuation du changement climatique.
Le travail du haut-commissariat, trop imprégné de vieux paradigmes, n'imagine pas de croissance sans prédation des ressources de la planète. Nous restons sur notre faim ! Car la planification est essentielle pour sortir des impasses du court-termisme et ne pas courir après l'actualité et d'aller de surprise en surprise, comme notre Président de la République. (Applaudissements sur les travées du GEST ; Mme Nicole Bonnefoy applaudit également.)
Mme Evelyne Corbière Naminzo . - Le plan est né à la Libération pour refonder l'économie française sur des bases nouvelles, et reconstruire le pays au sortir de la guerre.
L'enjeu était de penser les orientations économiques et industrielles selon les besoins, les ressources et les ambitions du pays.
Cela s'est exprimé par le lancement de grands projets industriels : TGV, aéronautique, énergie...
Après sa mise en sommeil en 2005, l'urgence écologique et la désindustrialisation ont de nouveau rendu la planification nécessaire. D'où le réveil du haut-commissariat au plan en 2020. Mais comme se le demande Le Monde, à quoi sert-il ? Cette fonction résulte d'une prise en compte de l'expérience de la planification. Mais est-ce vraiment le retour de l'État stratège, au service d'une France présente sur tous les océans avec ses territoires ultramarins, ou un élément de communication politique ? Nous n'aurons sans doute pas la réponse à cette question ce soir...
Renouons avec une véritable planification, loin des enjeux purement électoraux. Nous devons dégager des objectifs de moyen terme cohérents, pour agir dans le temps long. Il faut une planification écologique calibrée sur l'urgence climatique.
Agissons pour une souveraineté alimentaire et énergétique, le renforcement du capital humain et la planification des savoirs, en associant toutes les parties prenantes.
La planification doit faire société en associant les représentants des salariés, des chefs d'entreprise, les experts, les cadres, les associations, les élus locaux. L'enjeu est de se réapproprier le temps long.
Notre pays fait face à des défis majeurs, tant la casse de l'outil de production est forte. L'école et l'université sont réduites à peau de chagrin, à la merci de Parcoursup. La coopération bienveillante des entreprises ne saurait suffire, car les grandes entreprises privées sont mues par le souci d'optimiser leurs profits. Mais, comme le dit François Bayrou, la planification est un projet de justice sociale, au service de l'éducation et de la santé par l'aménagement des régions, pour réduire les inégalités.
Il faut renouer avec l'interventionnisme de l'État, à rebours des politiques actuelles, au service du capitalisme prédateur. (M. Philippe Grosvalet applaudit.)
M. Christian Bilhac . - (Applaudissements sur les travées du RDSE ; M. Guy Benarroche applaudit également.) Gouverner, c'est prévoir. C'était vrai hier, cela l'est encore aujourd'hui.
Ce débat a le mérite d'attirer l'attention sur une structure passée, c'est le cas de le dire, au second plan... D'où la question posée par ce débat.
Il devait accompagner le plan de relance du Gouvernement après la crise sanitaire, avec une visibilité publique grâce à la présidence de François Bayrou. Mais il s'agissait en vérité d'une renaissance, le premier commissariat au plan ayant été créé après la Seconde Guerre mondiale sous l'égide de Jean Monnet et de Félix Gouin.
Les objectifs, définis en commun avec les partenaires sociaux, visaient à orienter les investissements vers les secteurs prioritaires pour reconstruire la France. Pour illustrer le succès des Trente Glorieuses, je prendrai l'exemple de la mission Racine, créée en 1963. Elle visait à aménager le littoral du Languedoc-Roussillon, par l'assainissement, la démoustication, la construction de stations balnéaires pour les classes moyennes et populaires. Elle a équipé un territoire alors en crise.
Depuis, le contexte a changé. En 1981, sortant du bureau du président Mitterrand, Michel Rocard qualifiait sa nomination comme ministre du plan de « mise au placard ». (Sourires)
Aujourd'hui, le vrai ministre du plan, c'est Emmanuel Macron !
Une voix sur les travées du groupe Les Républicains. - Eh oui !
M. Christian Bilhac. - Tous les grands projets stratégiques sont annoncés depuis l'Élysée, sans aucune référence aux travaux du haut-commissariat au plan. Quels sont ses liens avec les contrats de plan État-région (CPER) ? Aucun, alors que l'aménagement du territoire est un axe essentiel.
Le mot planification est redevenu porteur, après plusieurs années de ringardisation sémantique. On évoquait depuis 2017 la start-up nation... On avait créé le Centre d'analyse stratégique, devenu en 2013 France Stratégie.
Pourquoi donc créer une nouvelle structure ? C'est une spécificité française d'ajouter des étages au millefeuille administratif, mais je crains que ces structures perdent en efficacité.
Doté d'un budget annuel de 15 millions d'euros, sur les crédits du Premier ministre, le haut-commissariat au plan est chargé d'orienter les politiques publiques en matière de souveraineté économique, de démographie, d'environnement, de santé... Vaste programme, aurait dit le Général ! Le haut-commissariat au plan a rendu une douzaine de rapports, mais il n'a pas le monopole du conseil et de la prospective ; la liste est longue : France Stratégie, Secrétariat général à la planification écologique, Bpifrance, Conseil d'analyse économique, Conservatoire national des arts et musées (Cnam), Conseil national de la refondation... J'en oublie peut-être, vous me pardonnerez. Toujours est-il que le rapport d'activité de France Stratégie est deux fois plus long que celui du haut-commissariat au plan, de 24 pages.
L'existence de ces multiples comités Théodule devrait nous interroger sur un besoin de simplification, source d'économies - c'est important par les temps qui courent !
Le bilan du haut-commissariat est donc inexistant, alors que les enjeux sont considérables. (M. Laurent Somon fait mine d'applaudir.) Un constat s'impose : nous n'avons plus de plan. Ni de plan B, ni de bons plans, mais plutôt un comité Théodule plan-plan. (Sourires et applaudissements)
Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée chargée du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement. - Par les temps qui courent, il faut aussi de la vérité dans les chiffres. Vous évoquiez 15 millions d'euros de budget pour le haut-commissariat au plan, alors qu'il est en réalité de 500 000 euros : 350 000 euros au titre du plan, 150 000 pour les conseils nationaux de la refondation.
M. Bernard Buis . - Abandonnée depuis près de vingt ans, l'idée de planification a été réhabilitée par Emmanuel Macron en septembre 2020, date de la naissance du haut-commissariat au plan, avec pour chef d'orchestre François Bayrou.
Au risque de vous décevoir, chers collègues, vous ne m'entendrez pas dire que son bilan est remarquable, que son organisation doit rester inchangée et que ses résultats sont sans pareil. Mais je vais tenter de vous convaincre que cette instance a tout son sens, (M. Thomas Dossus ironise) à condition d'avoir les moyens de ses ambitions.
Avec la crise sanitaire, le dérèglement climatique et le retour de la guerre en Europe, l'idée que nous pourrions vivre paisiblement sans nous préoccuper de l'avenir a été réduite à peau de chagrin. À l'image de l'abondance rêvée d'une oasis dans le désert mondialisé, le mirage de la profusion s'est peu à peu dissipé, laissant ainsi s'ancrer la notion de souveraineté à tous les niveaux. Mais, paralysés par l'urgence et soumis aux notifications instantanées de l'actualité, peut-être avions-nous oublié la nécessité d'anticiper, de réfléchir à long terme et de préparer l'avenir. Or c'est le rôle justement du haut-commissariat au plan !
Est-ce une idée nouvelle ? Non, Jean Monnet est devenu commissaire général au plan le 3 janvier 1946, un poste qui a fait l'unanimité jusque dans les années 1980. Aujourd'hui, 78 ans plus tard, son existence a tout son sens. Il peut être encore plus utile.
Comment la France peut-elle être souveraine sans données objectives, sans être éclairée par des travaux indépendants et des services compétents ? Même avec les services du Sénat, nous n'avons pas l'apanage des rapports prospectifs...
J'ai pris le temps de lire le dernier rapport de 24 pages de l'instance. Certes, certaines pages laissent perplexes, mais elle a travaillé sur des sujets effectivement stratégiques : de la démographie à la géothermie, en passant par l'aquaculture, « tout saute, tourbillonne, voltige sous nos yeux, pour finir par atterrir miraculeusement » dans ce rapport. Je n'ai pas le talent d'interprétation de Louis de Funès dans L'Aile ou la cuisse, mais le développement de l'aquaculture est un sujet de souveraineté alimentaire, alors que 83 % des poissons d'élevage consommés en France sont importés !
Quelle est l'influence du haut-commissariat au plan ? De nombreux points soulevés par lui sur le vieillissement de la population ont été repris dans la récente proposition de loi Bien vieillir. Le 22 février 2023, Agnès Pannier-Runacher a présenté en compagnie du haut-commissaire un plan d'action sur la géothermie, sujet majeur pour la souveraineté énergétique.
N'oublions pas les partenariats avec les autres instances, ou encore la réunion des sherpas avec les représentants des forces sociales et économiques du pays.
Le haut-commissariat au plan a donc une influence sur les politiques publiques, qui doit être renforcée.
Cependant, il pourrait avoir une utilité tout autre si son organisation était réformée. Avec une équipe de dix personnes, a-t-il les moyens de ses ambitions ? Pourquoi ne pas s'inspirer davantage des 160 agents du commissariat général au plan du général de Gaulle ? Ne faudrait-il pas renforcer l'articulation avec les autres instances prospectives, évoquées précédemment, et mutualiser des moyens ? Ne faudrait-il pas aussi renforcer les liens du haut-commissariat avec la société civile, et faire du Cese son véritable commanditaire ?
Les pistes envisagées sont donc multiples pour améliorer l'efficacité de cette instance. Elle n'a que quatre ans, aidons-la à grandir et à s'épanouir. (Applaudissements sur les travées du RDSE)
Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée. - Vous avez raison, il faut une meilleure communication autour des travaux du haut-commissariat au plan. Ils sont bien transmis au Président de la République et au Secrétaire général de l'Élysée, au Premier ministre et à son directeur de cabinet, ainsi qu'aux membres du Gouvernement concernés, aux opérateurs de l'État, aux présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat et aux présidents de commissions, aux députés européens concernés, au président du Cese.
Le haut-commissaire au plan doit rester autonome, pour prendre de la hauteur sur les sujets. Il a ainsi traité du sujet des médicaments, et de celui des retraites - je puis en témoigner, puisque j'étais parlementaire à l'époque.
Les budgets doivent être stables. Ils l'ont été, et ont même augmenté, pour faire face à l'importance des défis sociaux et environnementaux.
Mme Nicole Bonnefoy . - En septembre 2020, en pleine crise sanitaire, le Président de la République nommait François Bayrou haut-commissaire au plan, à défaut d'un maroquin... avec une lettre de mission floue, pour un titre pompeux et symbolique, dans une France sonnée par le covid et la crise des gilets jaunes.
Selon sa lettre de mission, il doit « éclairer les choix des pouvoirs publics au regard des enjeux démographiques, économiques, sociaux, environnementaux, sanitaires, technologiques et culturels » ; qui trop embrasse mal étreint, madame la ministre ! Vaste programme pour un haut-commissaire assisté de dix collaborateurs, alors que les enjeux de long terme ne manquent pas.
Paradoxalement, nous avons un haut-commissariat au plan sans planification - comme le secrétaire général à la planification écologique rattaché au Premier ministre : en d'autres termes, des Powerpoint, mais pas de quoi passer à l'action. Pis, la transition écologique perd 1,2 milliard d'euros de crédits !
Le rapport d'activité du haut-commissariat au plan est éclairant pour noter la faiblesse du travail effectué, dont la plus-value est peu compréhensible par rapport à France Stratégie, qui a succédé en 2006 au commissariat général au plan...
Depuis septembre 2022, le haut-commissaire au plan est en outre secrétaire général du Conseil national de la refondation.
Les rapports eux-mêmes ne sont pas inintéressants, mais ils accompagnent l'action du Gouvernement a posteriori, comme un exercice d'autosatisfaction.
Sur la question agricole, dans une note de juillet 2021 intitulée « Agriculture : enjeu de reconquête », pas un mot sur la transition agroécologique, pourtant étayée scientifiquement. Certes, l'Espagne et l'Allemagne consomment davantage de pesticides, rapporté à leur surface agricole utile. Quand on se compare, on se rassure, mais il s'agit, surtout, de ne pas avancer. La culture du maïs est même encensée pour sa capture de carbone, sans évoquer ses besoins hydriques.
À l'inverse, le 2 avril dernier, le Haut Conseil pour le climat (HCC) a rempli son rôle en dénonçant le risque de recul de l'ambition climatique de l'État. Nous devrions rattraper notre retard !
M. Daniel Salmon. - Absolument !
Mme Nicole Bonnefoy. - Plusieurs textes majeurs de planification se font toujours attendre : la loi de programmation énergie climat (LPEC), la stratégie française énergie climat, la stratégie nationale bas-carbone (SNBC), le troisième plan national d'adaptation au changement climatique (Pnacc) et la troisième programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE). Qu'attendons-nous pour avancer, madame la ministre ?
Le haut-commissaire est régulièrement auditionné par notre assemblée, mais le haut-commissariat au plan a des difficultés pour s'imposer comme interlocuteur stratégique des politiques publiques. Ni l'État ni le Parlement n'en ont besoin pour prévoir le temps long. Alors que le Gouvernement cherche des économies, qu'il repère ses erreurs plutôt que de faucher des crédits nécessaires à la transition écologique.
Madame la ministre, quelle sera la date de publication des documents de planification économique pour qu'ils soient débattus au Sénat ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER)
Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée. - Le HCC reconnaît en effet nos bons résultats : une réduction de 4 % des gaz à effet de serre en un an. (Protestations sur les travées du GEST)
M. Ronan Dantec. - C'est moins 6 % au niveau européen !
Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée. - Continuons, toutefois, à améliorer nos efforts - c'est une ambition nationale, non une querelle partisane.
Le Président de la République et le Gouvernement ont présenté l'ensemble des trajectoires climatiques et énergétiques en septembre 2023, dans le cadre de la planification écologique. Nous sommes le premier pays au monde à avoir un plan aussi précis, déjà financé de manière historique - 8 milliards d'euros de plus en 2024.
La programmation pluriannuelle de l'énergie, finalisée, est déjà en consultation. La SNBC sera mise en consultation avant la fin de ce mois, comme le Pnacc.
M. Jean-Baptiste Blanc . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Comme l'observe le haut-commissaire lui-même, le plan a toujours eu des relations difficiles avec les gouvernements. Cette remarque incisive de M. Bayrou nous invite à en analyser le rôle.
Ce haut-commissaire se heurte donc à des défis évidents, et son influence demeure relative. Ainsi, ce pivot de l'après-guerre a vu son influence s'étioler, jusqu'à sa dissolution en 2006.
Recréé en 2020, avec quelle fidélité s'acquitte-t-il de sa mission ? Est-il à la hauteur des espérances contenues dans le décret du 1er septembre 2020 ? Malgré seize notes analytiques, sa pertinence demeure questionnable. La place qu'il revendique dans le renouveau nucléaire français contraste avec sa place dans l'opinion publique, et la question de sa coopération avec les autres instances se pose.
Quelle coordination avec les autres institutions : Cese, France Stratégie, France 2030, le Centre de recherches politiques de Sciences Po (Cevipof), le secrétariat général à la planification écologique, le Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) et tant d'autres ?
Séminaires, calendriers : autant d'éléments rationnels qui devraient être divulgués au Parlement.
Quels projets de loi et décrets font-ils référence aux notes du haut-commissariat au plan ? Lesquelles de ses notes ont-elles été citées ? Serait-il un outil d'influence de pouvoir plutôt que de politiques publiques ? Quel est son rôle sur les réseaux sociaux ? Quels sont ses taux d'engagement ?
Son implication dans le plan sur la géothermie illustre sa capacité à illustrer un dialogue productif. Cela démontre la nécessité de clarifier son action. Mais le rôle du haut-commissaire est ambigu, car il est président d'un parti politique, élu local. Son influence est-elle liée à ce cumul ?
Transition écologique, santé, retraite... Il faut passer de la réflexion à une coordination efficace des outils. Il est impérieux de rationaliser, alors que le rapport Pisani-Ferry estime que la transition écologique devrait coûter 66 milliards d'euros par an d'ici à 2030. Qui les financera ?
On ne dira rien du zéro artificialisation nette (ZAN) dont le modèle économique est un impensé public, et qui appelle rapidement des solutions financières et fiscales. On parle de 40 milliards d'euros pour la reconquête des friches, mais il n'y a toujours pas de modèle économique.
L'heure n'est plus aux discours. La planification ne peut plus attendre, comme la territorialisation. Il faut donc adapter nos outils et associer le Parlement et les élus locaux.
Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée. - Au-delà des prospectives, il faut faire le bilan de l'action du haut-commissariat au plan.
Ainsi, à l'aune du covid, nous avons oeuvré pour industrialiser et gagner en souveraineté sur les médicaments les plus consommés par les Français, à partir des travaux du haut-commissaire.
De même, ses travaux actuels sur la santé mentale éclaireront nos politiques.
La fonction première du haut-commissaire n'est pas de générer des likes sur les réseaux sociaux, mais d'agir concrètement pour les Français.
Mme Vanina Paoli-Gagin . - Pendant 60 ans, le haut-commissariat au plan a structuré nos politiques publiques. Nous en bénéficions encore aujourd'hui : centrales nucléaires, TGV... Il a ainsi garanti la continuité de projets structurants, au-delà des alternances politiques. Le parc nucléaire est une réalisation unique sous la Ve République : voulu par le général de Gaulle, pensé sous Pompidou, poursuivi sous Valéry Giscard d'Estaing, maintenu par Mitterrand, entretenu par Chirac et défendu par Sarkozy, il aura finalement été sabordé sous Hollande. Heureusement, les réalisations du plan Messmer ont résisté à l'accord entre les socialistes et les écologistes.
Après vingt ans de travaux et douze ans de retard pour l'EPR de Flamanville, où est l'efficacité de la planification ? Dans les années 1980, nous mettions en service jusqu'à six réacteurs nucléaires par an ! (Marques d'ironie sur les travées du GEST)
De telles performances nous paraissent aujourd'hui hors de portée. Que s'est-il donc passé ?
En 2006, on a voulu relancer ce vieux commissariat en le renommant, son vieux nom paraissant suranné, trop « Trente Glorieuses », mais, ce faisant, on a changé sa fonction. Pendant des années, de nombreux dirigeants se sont fourvoyés en poursuivant l'idée d'un pays sans usines. Il aura fallu une succession de crises sans précédent pour revenir à la raison et retrouver l'urgence du temps long.
Pour réindustrialiser le pays, relancer le nucléaire, garantir notre souveraineté sanitaire et alimentaire, nous devons définir des objectifs stratégiques. Tout ce qui place le débat politique dans le temps long sert les intérêts de la France. C'est l'objet de ce débat - je n'imagine pas une seconde nos collègues écologistes céder à quelque tentation politicienne... (On le confirme sur les travées du GEST.)
En visant le Gouvernement et sa majorité, vous critiquez ce que vous défendez depuis des années. Attaquer le haut-commissariat au plan pour défendre la planification écologique, c'est comme critiquer les chasseurs pour mieux défendre la chasse. Cela ne fonctionne pas !
Le problème du haut-commissariat au plan n'est pas la qualité de ses travaux, mais le fait que personne ne les applique. C'est un laboratoire d'idées, par un démonstrateur - tout est dans le langage : le commissariat général du plan est devenu commissariat général au plan, comme s'il perdait toute prise et voyait la planification de manière lointaine...
Les Chinois sont devenus les champions de la planification. Ils ont industrialisé une idée française. Quand l'objectif est fixé, tout l'appareil d'État se mobilise.
M. Daniel Salmon. - Le génie chinois...
Mme Vanina Paoli-Gagin. - Il faut non pas rejouer les Trente Glorieuses, mais répondre au défi du XXIe siècle. Depuis 2020, le haut-commissariat au plan a publié d'excellents rapports, mais, s'ils ne font que garnir les bibliothèques, la France se condamne au déclassement.
Il faut entrer dans l'âge du faire en mettant notre appareil productif au service de la planification. En France, on n'a pas de pétrole, mais on a des idées (Mme Prisca Thevenot apprécie) : reste à les mettre en oeuvre !
Mme Denise Saint-Pé . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Je remercie le GEST d'avoir demandé ce débat. Le Parlement doit dresser le bilan du haut-commissariat au plan. En 2020, la pandémie venait de nous rappeler les risques de la dépendance à l'étranger, en matière de médicaments et de vaccins, notamment.
Il fallait donc prendre du recul et dépasser le diagnostic pour anticiper et proposer. C'est ce que le haut-commissariat au plan a fait, à travers plus d'une quinzaine de notes didactiques et synthétiques, souvent suivies d'effets. Ainsi, notre politique énergétique actuelle repose sur le triptyque énoncé par Emmanuel Macron au discours de Belfort : renouvelables, nucléaire, sobriété. Comment ne pas y voir l'influence du haut-commissariat au plan, (« Ah ! » sur les travées du GEST) qui publiait en mars 2021 une note sur l'électricité invitant à un nouveau mix énergétique fondé sur les énergies renouvelables, intermittentes, l'électricité pilotable et décarbonée, essentiellement nucléaire, et les économies d'énergie ? Cette note alertait en outre le Gouvernement sur le risque de black-out, devenu concret un an plus tard du fait de la guerre en Ukraine et des problèmes de corrosion sous contrainte de nos centrales nucléaires.
De même, la note d'octobre 2022 a été reprise dans le plan Géothermie du Gouvernement.
En revanche, le haut-commissariat ne peut susciter de réponse à court terme sur d'autres sujets, tant ils s'inscrivent dans le temps long, comme la note de décembre 2020 sur les produits vitaux et secteurs stratégiques, qui invite le Gouvernement à adopter des politiques ciblant par exemple l'aquaculture. Il serait injuste de le lui reprocher, alors que ces politiques requièrent du temps et de l'argent.
Pour une institution qui n'a pas 4 ans, qui dispose de seulement 8 ETP et d'un budget de 500 000 euros, il a déjà un bilan dont il peut être fier. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et du RDPI)
Mme Anne Souyris . - (Applaudissements sur les travées du GEST) Ce débat pourrait se résumer ainsi : quelle est l'utilité du haut-commissariat au plan ?
Prenons l'accès au médicament : en 2023, 37 % des Français déclaraient subir une pénurie de médicaments. Ces pénuries sont de plus en plus fréquentes - je renvoie aux travaux de la commission d'enquête animée par Sonia de La Provôté et Laurence Cohen. Heureusement, le haut-commissariat au plan avait publié une note en février 2022 sur ce sujet ; il avait demandé à l'Igas de l'assister.
Mais je relève à quel point cette note se fondait sur le seul rapport de l'Igas, avec les mêmes propos - moins précis, toutefois, dans la note du haut-commissariat... En outre, ses recommandations n'ont jamais été suivies. Si l'Igas a ainsi établi un indice pour croiser criticité thérapeutique et industrie des médicaments, il n'a été appliqué qu'à la cardiologie et à l'anesthésie-réanimation. Rien pour identifier la vulnérabilité aux pénuries pour les 454 médicaments considérés comme essentiels.
Pourtant, des solutions existent, comme la relocalisation de la production des principes actifs. Ainsi, 80 % de la consommation européenne est encore produite en Inde et en Chine. Le haut-commissariat n'a pas abordé la production publique des produits les plus critiques, comme le recommandait pourtant un rapport d'information de Pascale Gruny et Laurence Harribey. Aucun signe non plus de l'agence de l'innovation et de la souveraineté sanitaire, pourtant préconisée.
Des rapports qui ne sont suivis d'aucune action ne servent à rien. Or les pénuries accroissent les inégalités. Ainsi, selon l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), lorsque l'amoxicilline pour les enfants faisait l'objet de pénuries, il était recommandé de broyer les comprimés pour adultes et de doser avec une seringue, procédure peu familière et risquant de favoriser l'antibiorésistance.
Autre exemple signifiant : une étude a montré que le risque de récidive de cancer de la vessie était passé à de 16 % à 46 % pour les patients soignés pendant la période de pénurie.
Enfin, les pénuries ont un coût.
Le rejet d'une greffe du rein faute de médicament antirejet entraîne un traitement dont le coût revient à 80 000 euros par an.
Quelle est la plus-value du haut-commissariat au plan comparée aux inspections générales, dont les travaux sont les mêmes et les recommandations ne sont pas plus suivies ? Pour les médicaments, il n'y en a pas... (Applaudissements sur les travées du GEST ; M. Michaël Weber applaudit également.)
Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée. - Peut-être ne l'avez-vous pas vu, madame Souyris, mais il y a bien un plan de relocalisation de 450 molécules. (Mme Anne Souyris en doute.) Si ! Convenez avec moi que cela ne se fait pas en un claquement de doigts, après des années d'abandon.
Nous devons trouver des solutions ensemble, nationales et européennes, comme nous l'avons fait pendant la crise covid, avec par exemple l'initiative Covax.
Mme Anne Souyris. - Je remarque tout de même qu'aucune production publique n'est pensée en France.
Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée. - Si !
Mme Anne Souyris. - Non, aucune. Il y a eu quelques sauvetages d'industries in extremis, et, au niveau européen, c'est le grand néant ! (Mme Prisca Thevenot manifeste son désaccord.)
M. Michaël Weber . - À quoi le haut-commissariat au plan sert-il vraiment ?
Nous connaissons l'attrait du Gouvernement pour les effets d'annonce, mais les concepts éloquents ne sont souvent que des idées creuses. Le discours est ponctué de références gaullistes bien senties : refondation, grand débat, réarmement - autant de mots à portée symbolique, prononcés avec verve, mais vidés de sens. Le président Macron, qui souhaitait incarner le renouveau, excelle en sophistique - l'apparente sagesse.
S'ensuivent d'autres avatars de cette stratégie de communication : Conseil national de la refondation, grand débat national, secrétariat général à la planification écologique ... Soit ces instances n'ont pas de leviers et de moyens pour agir, soit elles ne sont pas décisives dans les arbitrages. Ainsi, quelle place le haut-commissariat au plan occupe-t-il dans l'organigramme du Gouvernement ? Il est, au mieux, un groupe de réflexion gouvernementale. Il n'a de gaulliste que le nom.
La lettre de mission mentionne l'objectif d'éclairer les choix de la nation pour restaurer sa souveraineté. Il traite de sujets divers, sans cohérence ni modernité ou espoir. Ce haut-commissariat est déjà suranné, à l'image de son président - un commissariat au plan sans plan, le Don Quichotte d'une planification imaginaire, comme le résumait un journaliste.
Tout cela serait anecdotique sans le coût de cette instance. L'institution est séparée entre Paris et Pau... L'imposture est grossière. La déception laisse place à la colère, car il faut répondre aux défis de la transition écologique et énergétique et à de nombreux enjeux sociaux, que l'on ne peut plus laisser aux intérêts particuliers de court terme. Il faut une vision stratégique et politique pour définir des objectifs de long terme et freiner le rechargement climatique. Même en 1967, le plan avait été plus imaginatif, rencontrant les territoires en 4L pour revenir avec des idées, comme les parcs naturels régionaux, qui me sont chers.
Même depuis Pau, sa planification est aujourd'hui vide de sens, de moyens, de résultats.
Ne perdez plus de temps, mettez du contenu ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur plusieurs travées du GEST)
M. Marc Laménie . - Merci aux collègues du GEST d'organiser ce débat.
Quel bilan pour le haut-commissariat au plan ? Quelle influence sur les politiques publiques depuis 2020 ? Vaste sujet...
Daniel Salmon a justement rappelé l'historique : après-guerre, Trente Glorieuses, les grands chantiers d'aménagement du territoire... Souvenons-nous du célèbre Paris et le désert français.
Les problématiques liées au monde agricole ont été évoquées, de même que les grands projets comme le nucléaire. Ainsi, mon département, les Ardennes, abrite une centrale nucléaire. Ce sont d'importants chantiers.
Le général de Gaulle, Jean Monnet : ces personnalités ont marqué notre pays.
Cela nous invite à reconsidérer le budget de l'État, celui de la sécurité sociale, le lien entre le représentant de l'État et les collectivités territoriales : les enjeux sont nombreux.
N'oublions pas les TGV, mais aussi les trains d'équilibre du territoire (TET), les dessertes locales ou les voies navigables, autant de sujets ayant des conséquences sur toute l'activité économique.
Le haut-commissariat au plan existe depuis 2020, avec des moyens humains certes limités. Quelles conséquences pour nos territoires, de métropole et d'outre-mer ?
Quid du rôle des représentants de l'État dans les territoires ?
Quelles perspectives pour l'avenir ? (Applaudissements sur quelques travées du GEST ; M. Christian Bilhac applaudit également.)
Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée. - L'aménagement du territoire est l'un des sujets sur lesquels le haut-commissariat au plan travaillera dans les prochaines semaines, au même titre que la santé mentale. (Applaudissements sur les travées du RDPI et du groupe UC)
M. Jean-Marie Vanlerenberghe . - Si j'ai bien compris votre question, monsieur Salmon, vous doutez de l'utilité et de l'influence du haut-commissariat au plan sur les politiques publiques... (L'intéressé le confirme.)
Je vous rassure, le constat n'est pas nouveau, et François Bayrou nous le rappelle : historiquement, le plan a toujours eu des relations difficiles avec le Gouvernement.
En 1946, l'heure était à la modernisation du pays. Il fallait planifier pour reconstruire l'économie française - une ardente obligation, selon le général de Gaulle. Des objectifs chiffrés ont été définis pour chaque secteur économique jusqu'à la fin des années 1980. Nous en sommes très loin aujourd'hui : ne comparons pas ce qui n'est pas comparable.
Fallait-il supprimer le commissariat général au plan en 2006 pour le remplacer par le Centre d'analyse stratégique, devenu France Stratégie ? Cette dernière mène une politique d'évaluation, non de prospective stratégique. Tout est dit.
La force du plan ne résidait pas dans ses outils de modélisation, mais dans sa démarche prospective à moyen et long termes, dans le fait de poser les bonnes questions au bon moment - c'était l'ADN du plan. La concertation démocratique a été l'un des éléments moteurs de la méthode de Pierre Massé. Elle est, plus que jamais, d'actualité.
Le plan doit éclairer les choix collectifs sur les grands enjeux et sensibiliser l'opinion publique sur ces sujets, ainsi que François Bayrou l'écrit dans son rapport d'activité.
Les comités et conseils en tout genre ne manquent pas au Gouvernement, encore faut-il les coordonner. Le plan doit jouer, disait le regretté Daniel Cohen, un rôle de chef d'orchestre. Et c'est le rôle que s'est donné François Bayrou quand il a été nommé en 2020.
Selon vous, monsieur Salmon, les notes du plan n'auraient eu aucune influence sur l?action gouvernementale. Pourtant, le travail du plan sur la nouvelle stratégie nucléaire a été déterminant pour le discours de Belfort. Sur les retraites, François Bayrou a alerté les pouvoirs publics sur les 30 milliards d'euros nécessaires pour équilibrer notre système de retraite. D'autres travaux sont en cours sur la santé mentale et l'eau.
Peut-être faut-il désormais lui donner plus de moyens - autrefois le plan avait dix fois plus d'effectifs - , pour bâtir une vision ambitieuse pour la France de demain.
Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée chargée du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement . - En 1946, le général de Gaulle crée le commissariat général au plan, avec pour mission de moderniser la France et de la préparer aux enjeux de l'après-guerre.
En septembre 2020, lorsque le Président de la République décide de faire renaître le plan après vingt ans d'abandon, il lui confie la mission d'éclairer la décision publique et le débat démocratique. En somme : penser le souhaitable, réfléchir le faisable et construire le possible.
La crise du covid a été l'occasion d'une prise de conscience douloureuse et nous a conduits à réfléchir à notre projet de société. C'est la mission qui a été fixée au haut-commissariat au plan : enraciner les défis de long terme dans le débat public. Il doit aider notre pays à trouver un chemin de souveraineté et de puissance. Il doit s'affranchir de la dictature de l'urgence et de la tyrannie de l'immédiat. C'est une respiration bienvenue.
Ministre chargée du renouveau démocratique, j'ai la conviction que la clé réside dans notre capacité collective à prendre du recul, pour définir notre but et rassembler la communauté nationale.
Ce n'est pas toujours facile. C'est pourquoi le rôle du haut-commissariat au plan est précieux pour notre démocratie, que les enjeux soient démographiques, sociaux, environnementaux ou culturels.
Des épidémies à la pénurie de médicaments, de la désindustrialisation à l'avenir de l'agriculture, de la démographie à la dette, le haut-commissariat au plan s'est emparé de sujets sensibles et essentiels pour notre avenir, par lesquels nous faisons nation. Cela passe par des orientations stratégiques claires et opérationnelles, parfois assorties d'éléments de planification.
Je remercie le haut-commissaire, François Bayrou, et ses équipes pour le travail réalisé ces trois dernières années.
Les prochains travaux du haut-commissariat au plan, sur la santé mentale ou la formation professionnelle, touchent directement au quotidien de nos concitoyens et sont attendus. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; Mme Denise Saint-Pé et M. Jean-Marie Vanlerenberghe applaudissent également.)
M. Thomas Dossus, pour le GEST . - (Applaudissements sur les travées du GEST ; M. Michaël Weber applaudit également.) Merci à toutes et tous pour votre participation à ce débat, qui aura eu le mérite de nous faire consulter les quinze rapports publiés par le haut-commissariat au plan en trois ans - ce qui ne nous a pas pris trop de temps...
Mais des travaux de planification, nous n'en manquons pas ! Lois de programmation, secrétariat général à la planification écologique, stratégie d'innovation France 2030, plan national d'adaptation au changement climatique : notre haut-commissariat au plan ne devrait pas chômer pour éclairer ces travaux... Sans compter l'Insee, la Cour des comptes, le Haut Conseil pour le climat ou encore le Cese : la prospective et l'analyse ne manquent pas dans les services de l'État.
À quoi sert donc encore le haut-commissariat au plan ? Madame la ministre, je suis au regret de vous le dire : vos réponses et vos non-réponses ne nous permettent pas d'y voir plus clair...
Daniel Salmon l'a dit : nous n'avons jamais eu autant besoin de planification. La crise climatique nous oblige.
Mais commencer un chantier avant d'avoir fini les plans, ce n'est pas la bonne façon de procéder, comme l'a dit le président d'EDF à propos du nucléaire. C'est pourtant la méthode du Gouvernement, qui nous a fait examiner les lois Nucléaire, Énergies renouvelables et Industrie verte, sans que nous ayons encore débattu ni de la programmation de l'énergie ni de la stratégie bas-carbone. Quand le Gouvernement renonce à avoir un plan, difficile pour le haut-commissaire au plan de se sentir investi de sa mission !
Le rapport public de la Cour des comptes souligne en 700 pages - deux fois plus que tout ce que le haut-commissariat a produit en trois ans... - l'urgente adaptation au changement climatique : le besoin de plan est évident, vital même.
Au-delà du haut-commissariat au plan, anecdotique, c'est le rôle de l'État stratège qu'il faut redéfinir. En effet, le travail de qualité des opérateurs est souvent ignoré par les politiques gouvernementales.
Et quid de la démocratie ? En France, la planification est verticale. La nomination du haut-commissaire, fait du prince par excellence, peut expliquer la défiance à son égard. Associons davantage la société civile, les citoyens, le monde économique et les collectivités territoriales, pour bâtir une vision de long terme. Tout ne peut pas être décidé à Paris dans un tableur Excel.
La première urgence est de repenser la légitimité démocratique du haut-commissaire au plan, aujourd'hui quasi nulle. Ainsi, il pourrait venir présenter régulièrement ses travaux devant le Parlement, comme le fait le Premier président de la Cour des comptes.
Sans procès d'intention, j'affirme que la fonction de haut-commissaire au plan n'est pas en adéquation avec l'ampleur des enjeux à venir.
Repensons la planification, pour reconstruire un récit commun, optimiste. Il faut penser le temps long, de manière partagée. (Applaudissements sur les travées du GEST et du groupe CRCE-K ; M. Marc Laménie applaudit également.)
Prochaine séance demain, jeudi 11 avril 2024, à 10 h 30.
La séance est levée à 23 h 25.
Pour le Directeur des Comptes rendus du Sénat,
Rosalie Delpech
Chef de publication
Ordre du jour du jeudi 11 avril 2024
Séance publique
De 10 h 30 à 13 heures et de 14 h 30 à 16 heures
Présidence :
Mme Sylvie Vermeillet, vice-présidente, M. Loïc Hervé, vice-président.
Secrétaire : Mme Marie-Pierre Richer.
1. Proposition de loi visant à endiguer la prolifération du frelon asiatique et à préserver la filière apicole, présentée par M. Michel Masset et plusieurs de ses collègues (texte de la commission, n°501, 2023-2024)
2. Proposition de loi tendant à préserver l'accès aux pharmacies dans les communes rurales, présentée par Mmes Maryse Carrère, Guylène Pantel et plusieurs de leurs collègues (texte de la commission, n°503, 2023-2024)