SÉANCE
du mercredi 10 avril 2024
81e séance de la session ordinaire 2023-2024
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires : Mme Alexandra Borchio Fontimp, M. Guy Benarroche.
La séance est ouverte à 15 heures.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.
Questions d'actualité
M. le président. - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.
Je vous prie d'excuser l'absence du Premier ministre, en voyage officiel au Canada.
Je vous rappelle que cette séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.
Chacun sera attentif au respect des uns et des autres et du temps de parole.
Filière photovoltaïque
M. Ronan Dantec . - (Applaudissements sur les travées du GEST) Dans quelques jours, l'entreprise Systovi, à Carquefou, fermera peut-être ses portes, faute de repreneur. Il aura suffi de quelques semaines et d'un dumping extrême des fabricants chinois de panneaux photovoltaïques pour mettre à bas un modèle économique pourtant solide.
Alors que le réarmement industriel sature les discours gouvernementaux, l'État reste muet. On nous parle, certes, de futures megafactories ; mais elles ne se feront que si l'Europe se met en ordre de bataille douanière contre le dumping chinois. En attendant, nos entreprises innovantes meurent faute de soutien.
Systovi devait aussi son succès à des collectivités territoriales tournées vers l'innovation et soucieuses d'acheter local et national. La transition territoriale est au coeur de la planification écologique - Christophe Béchu le martèle à longueur de COP régionales. Or la loi Accélération des énergies renouvelables prévoit un partage de la valeur au profit notamment du bloc communal, mais les décrets d'application tardent, privant les collectivités de ressources précieuses.
Oui ou non, ces décrets, qu'on dit bloqués à Bercy, vont-ils être publiés ? Et allez-vous préserver la filière photovoltaïque française ? Il y a urgence climatique : ne seriez-vous pas en train de l'oublier ? (Applaudissements sur les travées du GEST et sur certaines travées du groupe SER ; M. Michel Savin applaudit également.)
M. Thomas Cazenave, ministre délégué chargé des comptes publics . - Je vous prie d'excuser l'absence de Roland Lescure, en déplacement au Canada avec le Premier ministre.
Comme vous, nous voulons faire de la France la première grande nation verte. C'est pourquoi nous investissons comme jamais dans les énergies renouvelables. Les autres leviers, nucléaire et sobriété, doivent être aussi activés.
Résultat : nous avons battu l'année dernière un record d'installation de nouvelles capacités photovoltaïques, à 3,1 gigawatts.
M. Yannick Jadot. - Qui produit ?
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. - La production électrique de toutes les filières décarbonées progresse. Il y a quelques jours, à Manosque, Bruno Le Maire et Roland Lescure ont annoncé le rehaussement à 6 gigawattheures de notre objectif annuel de déploiement du solaire.
M. Yannick Jadot. - Et l'industrie ?
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. - La publication du décret sur l'agrivoltaïsme accélérera le mouvement par la libération du foncier ; les communes ont déjà identifié 180 000 zones.
Le déploiement des énergies renouvelables est une opportunité pour réindustrialiser notre pays. C'est le sens du crédit d'impôt industrie verte ou de l'accompagnement de l'installation des gigafactories...
S'agissant de Systovi, nous suivons le dossier avec une grande attention. Nous accompagnons l'entreprise et sommes prêts à travailler avec vous. (M. François Patriat applaudit.)
M. Ronan Dantec. - Nous avons tous, au Sénat, voté le partage de la valeur. Il est très inquiétant que vous n'ayez pris aucun engagement sur le sujet ! (Applaudissements sur les travées du GEST et sur quelques travées du groupe SER)
Drame de Viry-Châtillon (I)
M. Jean-Raymond Hugonet . - (Applaudissements nourris sur les travées du groupe Les Républicains) Nonobstant son déplacement au Canada, ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
La classe politique dans son ensemble a exprimé son indignation et sa compassion après la mort tragique de Shemseddine, le 5 avril, à Viry-Châtillon. Le massacre sauvage de cet adolescent de 15 ans par cinq individus, dont quatre mineurs, s'ajoute à une liste déjà bien trop longue.
Au-delà des éternelles déclarations médiatiques et d'une fermeté de façade qui ne trompe plus personne, au-delà du déni idéologique qui paralyse l'action publique, au-delà des sempiternelles déclarations solennelles du Président de la République jurant que la main de l'État ne tremblera pas ou que l'école doit rester un sanctuaire - alors qu'elle est devenue un coupe-gorge (murmures désapprobateurs à gauche et sur certaines travées au centre) -, comment le Gouvernement compte-t-il enfin agir en profondeur face à une situation qui n'a rien à voir avec la fatalité ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC ; M. Joshua Hochart applaudit également.)
Mme Nicole Belloubet, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse . - Non, l'école n'est pas un coupe-gorge, et je trouve gravissime que vous parliez de la sorte. (Applaudissements à gauche et sur les travées du RDPI, du RDSE et du groupe INDEP ; M. Jean-Marie Vanlerenberghe et Mme Isabelle Florennes applaudissent également.) Tout le personnel est arc-bouté pour que l'école reste un lieu de sécurité et de sérénité. Nous nous employons pour qu'il en soit ainsi.
À Viry-Châtillon, aux côtés de la communauté éducative, j'ai partagé l'infinie douleur qui a saisi le collège à l'annonce de la mort de Shemseddine. Ce ne sont pas que des mots. Quand on appartient à une famille, on vibre de ses sentiments et on n'a qu'un désir : la protéger.
C'est ce que nous faisons, en mettant en place un véritable bouclier de sécurité autour des établissements scolaires (marques d'ironie sur certaines travées à droite ; M. Bruno Retailleau soupire), fondé sur les forces de l'ordre, le travail pédagogique, le respect des valeurs républicaines et les dispositifs de prévention et de protection destinés aux agents, sans oublier un enseignement fondé sur la science. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; M. Bernard Fialaire et Mme Isabelle Florennes applaudissent également.)
Une voix à droite. - Encore du bla-bla !
M. Jean-Raymond Hugonet. - Les territoires perdus de la République ; antisémitisme, racisme et sexisme en milieu scolaire : cet ouvrage collectif est paru il y a douze ans ! Les diagnostics sont posés depuis longtemps. L'ultraviolence juvénile n'est pas le fruit du hasard. Partout, l'autorité est bafouée et l'anomie nous guette. À l'heure où les piliers de notre société sont consciencieusement dynamités, l'urgence commande d'agir. Quand ouvrirez-vous enfin les yeux ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC)
Recul du trait de côte
M. Dominique Théophile . - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Le 8 mars dernier, l'inspection générale de l'environnement et du développement durable a rendu public un rapport alarmant sur les conséquences du recul du trait de côte. Il vient d'être complété par un rapport du Cerema (Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement).
Les chiffres font froid dans le dos. En 2028, environ mille bâtiments pourraient être touchés. En 2050, le niveau de la mer aura monté d'un mètre, selon le Giec : 5 200 logements et 1 400 locaux d'activité seraient alors affectés, pour une valeur de 1,2 milliard d'euros.
Ces scénarios illustrent les possibles conséquences de l'inaction face au changement climatique. Nombre de nos compatriotes, dans l'Hexagone comme en outre-mer, seraient contraints de déménager ou d'adapter leur logement. La Guadeloupe figure parmi les départements les plus exposés, avec 500 foyers menacés.
Le bail réel d'adaptation à l'érosion côtière instauré par la loi Climat et résilience concerne avant tout les propriétaires, or en Guadeloupe, la majorité des victimes de l'érosion ne le sont pas. Il faut anticiper et aider les acteurs locaux, déjà engagés. Comment comptez-vous les accompagner, rendre le relogement des familles concernées le moins pénible possible et renforcer l'information des acquéreurs et des locataires ? (Applaudissements sur les travées du RDPI)
M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires . - Connaissant votre engagement pour les récifs coralliens et les Drom en général, je ne suis pas surpris de votre question - d'actualité, car le Cerema vient de faire paraître ses cartes aux horizons 2030, 2050 et 2100.
Mon ministère a commandé ces cartes pour favoriser une prise de conscience. Car 2050, ce n'est pas si loin. À cet horizon, plus de 5 000 logements sont menacés, dont 10 % en Guadeloupe. C'est dire s'il faut se pencher précisément sur la situation de votre territoire.
Une mission d'inspection spécifique sur les outre-mer est en cours pour affiner la typologie des habitats, qui est particulière dans ces territoires. Le plan d'adaptation qui sera prochainement présenté traitera de la montée des océans. Le projet de loi de finances pour 2025 prévoira les accompagnements budgétaires nécessaires.
Par ailleurs, une mission confiée à des élus locaux et à la députée Sophie Panonacle étudie, en liaison avec l'Association nationale des élus du littoral, notamment le maire des Sables-d'Olonne, le panier de financements possibles. Quelle part pour l'information, l'indemnisation, la construction en rétro-littoral ?
Un impératif : ne pas rester inactif. Ici, il faudra construire des digues ; là, planter des mangroves ; ailleurs, ne pas mener un combat perdu contre la mer. Vous aurez l'occasion de débattre rapidement de ces questions. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur quelques travées du RDPI)
Drame de Viry-Châtillon (II)
Mme Laure Darcos . - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Shemseddine avait 15 ans et sortait de son cours de musique : il a été tabassé à mort par plusieurs jeunes encapuchonnés pour la simple raison qu'il fréquentait une jeune fille et que cela déplaisait à ses frères. Présente comme vous, vendredi dernier, sur les lieux de ce meurtre barbare, au côté du maire de Viry-Châtillon, mon ami Jean-Marie Vilain, j'ai croisé ses camarades en pleurs, terrorisés et se demandant : à qui le tour ?
Au coeur d'une société déboussolée, l'école a vocation à être un sanctuaire de la République, formant nos enfants au respect mutuel et aux droits humains. Élèves et professeurs doivent s'y sentir en sécurité.
Les communes ne cessent d'investir dans les quartiers populaires pour que chacun, dans sa différence, vive en harmonie avec les autres. À Viry-Châtillon, les efforts consentis sont considérables. Que faire de plus, de mieux ?
Je me sens découragée devant l'ultraviolence de mineurs de plus en plus jeunes, qui perdent le sens du bien et du mal, influencés par les réseaux sociaux. Pouvons-nous accepter leur haine de la police, des pompiers, des élus, des enseignants ? (La voix de l'oratrice tremble sous le coup de l'émotion.) Pouvons-nous nous habituer à un ensauvagement qui vire à la barbarie ordinaire ?
Il faudra punir très sévèrement les meurtriers et rappeler qu'en France, le respect de la vie d'autrui est un devoir fondamental. Par ailleurs, l'infantilisation des femmes par un patriarcat moyenâgeux n'a pas sa place dans la République.
Une voix féminine à droite. - Très bien !
Mme Laure Darcos. - L'éducation à la sexualité doit pouvoir être dispensée en toute sérénité.
Notre indignation ne ramènera pas Shemseddine à la vie. (La voix de l'oratrice se charge d'émotion.) Mais pouvons-nous espérer que ce drame serve une véritable prise de conscience et un sursaut collectif ? (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, sur de nombreuses travées du groupe UC et sur certaines travées du groupe Les Républicains ; M. Mickaël Vallet applaudit également.)
Mme Nicole Belloubet, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse . - Nous sommes tous anéantis. Mais nous devons tout faire pour que le bouclier dont j'ai parlé il y a quelques instants se mette effectivement en place.
Nous ne devons pas nous décourager, en aucune manière. Continuons à nous arc-bouter pour que l'école demeure un sanctuaire, non pas entièrement clos, mais protecteur et capable de construire des ponts vers l'extérieur.
Je salue le maire de Viry-Châtillon pour ses propos mesurés et l'action qu'il mène. En particulier, il a mis en place des cellules de soutien psychologique à la MJC pour la prise en charge des jeunes choqués.
L'enseignement fondé sur la science, l'égalité entre les filles et les garçons, le respect des valeurs de la République, le respect des jeunes entre eux et l'éducation affective et sexuelle sont des incontournables au sein de notre communauté éducative. C'est par eux que nous l'emporterons. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur plusieurs travées du RDSE et du groupe INDEP ; Mme Laurence Rossignol applaudit également.)
Jeux en ligne illégaux
Mme Nathalie Delattre . - (Applaudissements sur les travées du RDSE) L'année dernière, plus de 4,5 millions de Français ont utilisé, souvent à leur insu, des sites et applications illégaux de jeux de casino en ligne. Basées à l'étranger, ces entreprises profitent de notre défaut de régulation pour cibler les jeunes, avec à la clé d'importants profits.
L'absence de règles surexpose nos concitoyens, notamment à la captation de données personnelles, à la fraude ou à l'installation de programmes malveillants. Elle nourrit la cybercriminalité qui participe au financement d'activités terroristes.
Ces sites frauduleux posent aussi de sérieuses questions de santé publique. Ils réalisent près de 80 % de leurs bénéfices sur des joueurs ayant une pratique à risque, dont le quart sont âgés de 18 à 24 ans. Pendant que nos établissements de jeux physiques ou de paris en ligne sont, heureusement, soumis à une obligation de surveillance et de traitement en matière d'addiction, c'est le jackpot pour les sites illégaux.
La loi Pacte a confié des pouvoirs étendus à l'Autorité nationale des jeux pour lutter contre cette offre illégale, en vain. L'inspection générale des finances souligne la nécessité de lutter contre ces pratiques illicites.
La légalisation des casinos en ligne serait un moyen efficace d'assécher l'offre illégale, comme le montre l'exemple néerlandais. En outre, elle pourrait rapporter près d'1 milliard d'euros de recettes à l'État.
Comptez-vous, comme le Royaume-Uni, l'Italie, l'Espagne, l'Allemagne, la Belgique et tant d'autres pays, légaliser les casinos en ligne ? (Applaudissements sur les travées du RDSE)
M. Thomas Cazenave, ministre délégué chargé des comptes publics . - (M. Mickaël Vallet : « Rien ne va plus ! ») Les jeux illégaux en ligne posent de nombreux problèmes. Vous dites qu'il n'y a pas de règles, mais il y en a une : les casinos en ligne sont interdits.
Ils posent problème à ceux qui respectent les règles, établissements physiques ou jeux en ligne, mais surtout en matière de santé publique. Le taux de prévalence des jeux excessifs atteint 46 % pour les casinos en ligne, contre 11 % pour les paris sportifs.
Dans les pays qui ont opté pour la libéralisation, il y a toujours une offre illégale. Notre objectif, c'est de bloquer ces sites.
Depuis 2022, l'Autorité nationale des jeux peut décider un tel blocage. Et ça marche ! (Mme Nathalie Delattre se montre dubitative.) En un an et demi, 946 procès-verbaux ont été dressés, 355 ordres administratifs émis et 1 500 sites bloqués. Continuons à resserrer l'étau contre ceux qui ne respectent pas la réglementation. (Applaudissements sur plusieurs travées du RDPI)
Politique sanitaire de l'eau
M. Alexandre Ouizille . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) J'ai une pénible impression de déjà-vu. Le 7 février dernier, Hervé Gillé et Élisabeth Doineau interrogeaient le Gouvernement sur les pratiques illégales des fabricants et industriels de l'eau minérale. Bruno Le Maire leur a répondu qu'il s'agissait d'un scandale, d'une tromperie commerciale, dont l'autorité judiciaire était saisie et que le Gouvernement s'en donnait quitus.
Or il y a du nouveau, y compris d'un point de vue sanitaire. Voyez les révélations du Monde et de France Info : depuis octobre 2023, vous disposez d'une étude de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses), qui met gravement en cause l'industriel Nestlé, dont la qualité des eaux minérales n'est pas garantie. On a retrouvé de la matière fécale dans certains prélèvements ! (Murmures consternés sur plusieurs travées)
Ce n'est pas qu'une question pour l'autorité judiciaire : nous sommes ici au coeur des prérogatives du Gouvernement.
L'étude sera-t-elle publiée ?
Pourquoi ne l'avez-vous pas évoquée le 7 février ?
Le plan de vigilance renforcé qu'elle juge nécessaire sera-t-il mis en oeuvre ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER, du GEST et sur quelques travées du groupe CRCE-K)
M. Frédéric Valletoux, ministre délégué chargé de la santé et de la prévention . - L'eau est le produit alimentaire le plus contrôlé en France. Les agences de l'eau et les agences régionales de santé (ARS) assurent chaque jour des dizaines de contrôles. (Marques d'ironie sur les travées du groupe SER)
M. Hussein Bourgi. - C'est inquiétant, alors !
M. Frédéric Valletoux, ministre délégué. - Des révélations récentes auraient montré que Nestlé Waters n'aurait pas respecté les règles sur l'utilisation de certains produits.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Exact !
M. Frédéric Valletoux, ministre délégué. - Une enquête préliminaire pour tromperie a été ouverte contre cette entreprise par le parquet d'Épinal.
Toutefois, le contrôle sanitaire réalisé par les ARS sur les sites qui auraient utilisé des produits interdits a toujours montré que les eaux respectaient les normes sanitaires. Je tiens à rassurer nos concitoyens : les eaux mises en vente respectaient et respectent les normes.
Les ARS Grand Est et Occitanie ont demandé la mise en oeuvre d'un plan de surveillance renforcée de la sécurité sanitaire des filières d'eau conditionnée. Ce plan est bien engagé, sur les deux sites concernés.
Selon l'Anses, certaines sources seraient sujettes à des contaminations saisonnières, du fait des intempéries. Il faut donc des contrôles réguliers, dont se chargent les ARS.
La sécurité sanitaire est une priorité absolue, je veux le dire aux Français. Le Gouvernement est intransigeant sur ce point.
M. Mickaël Vallet et M. Hervé Gillé. - Et le rapport ?
M. Frédéric Valletoux, ministre délégué. - Par ailleurs, ayant été nommé ministre le 8 février, je ne peux vous répondre sur le 7... (Applaudissements sur quelques travées du RDPI)
M. Alexandre Ouizille. - Cela fait trois à zéro, monsieur le ministre. Trois questions, zéro réponse !
Vous avez été nommé le 8, mais il y avait bien un gouvernement dans ce pays, le 7 !
Le sujet est majeur, il nous faut des éclaircissements. (Applaudissements sur les travées du groupe SER, du GEST et sur plusieurs travées du groupe CRCE-K)
Situation à Gaza
Mme Michelle Gréaume . - Dans une tribune signée conjointement avec le président égyptien Al-Sissi et le roi Abdallah II de Jordanie, le Président de la République a appelé à un cessez-le-feu et a affirmé sa volonté d'aboutir à une solution à deux États. À Gaza, plus d'enfants ont été tués en quatre mois qu'en quatre ans à travers le monde.
Mais les déclarations restent sans portée si les décisions ne suivent pas. Depuis six mois, aucune résolution, aucune injonction de la Cour internationale de justice (CIJ) n'ont fait fléchir Benyamin Netanyahu.
Cette guerre dépasse très largement la seule volonté de punir le Hamas des atrocités perpétrées le 7 octobre dernier, que nous condamnons de nouveau sans hésitation. Monsieur le ministre, agissez immédiatement et fermement.
Faites pression pour qu'Israël applique les mesures conservatoires décidées par la CIJ. Faites pression sur les États-Unis pour qu'ils cessent leurs livraisons d'équipements et appliquons aussi cette exigence à nous-mêmes. Cessez de prêcher la paix en alimentant la guerre.
Faites pression au sein de l'Union européenne pour abroger l'accord d'association avec Israël et pour imposer des sanctions. (Protestations à droite)
Allons-nous nous associer à l'Espagne, à la Belgique, à l'Irlande, à Malte et à la Slovénie pour reconnaître l'État palestinien, en vue d'assurer la coexistence pacifique des deux peuples au sein de deux États ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K et du GEST ; M. Philippe Grosvalet applaudit également ; plusieurs exclamations à droite.)
M. Stéphane Séjourné, ministre de l'Europe et des affaires étrangères . - La position française sur ce conflit est claire.
La guerre que le Hamas a déclenchée contre Israël le 7 octobre - le plus grand massacre antisémite du XXIe siècle - engendre une tragédie : 42 Français ont été tués, trois sont encore otages à Gaza et nous faisons tout pour les libérer.
Cette tragédie est aussi celle du peuple palestinien, qui manque de tout. Celui-ci ne doit pas payer pour les crimes du Hamas. Israël doit faire en sorte que l'aide alimentaire arrive en quantité suffisante. La France a lancé une initiative au Conseil de sécurité : notre résolution appelle à un cessez-le-feu immédiat et à la libération de tous les otages ; elle rappelle les grands paramètres de la solution à deux États.
Nous négocions aussi sur le volet humanitaire : la France a été un des premiers pays à y contribuer ; hier encore, un largage a eu lieu avec les Jordaniens.
Il n'existe pas de projet de sanction globale à ce stade contre Israël. La France a déjà pris des sanctions contre les colons responsables de violences en Cisjordanie. (Murmures à gauche ; applaudissements sur les travées du RDPI)
Surpopulation carcérale
M. Michel Canévet . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe INDEP) « La prison au bord de l'implosion », titrait hier Le Télégramme.
De fait, la contrôleure générale des lieux de privation de liberté (CGLPL) a rappelé ce week-end que nos prisons comptent 76 000 détenus pour 61 600 places.
Emmanuel Capus me parlait de la surpopulation dans la prison d'Angers. (M. Emmanuel Capus le confirme.) La prison de Brest aussi est un bon exemple : 484 détenus, cent de plus qu'il y a un an, pour 253 places. La cour d'assises du Finistère jugera cette semaine un détenu qui a assassiné un codétenu en août 2021. Aujourd'hui, par-dessus les murs de la prison, des barrettes de shit sont lancées, avec des lames. Trois détenus s'entassent dans des cellules de neuf mètres carrés, et des agents, dont la médecin et l'infirmière, ont été agressés physiquement.
Que compte faire le Gouvernement, au-delà des 4 100 places construites sur les 15 000 prévues ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées des groupes INDEP et Les Républicains)
Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée chargée de l'enfance, de la jeunesse et des familles . - Les conditions de détention sont au coeur des préoccupations du garde des sceaux, dont je vous prie d'excuser l'absence ; il est en déplacement au Québec avec le Premier ministre.
La prison est nécessaire pour punir les condamnés et protéger nos concitoyens. Mais elle doit offrir des conditions dignes.
La livraison de 15 000 places nouvelles est un programme ambitieux. Au 1er janvier dernier, 19 établissements avaient déjà été livrés, et la moitié des établissements prévus seront opérationnels cette année.
L'administration pénitentiaire poursuit les transferts accélérés de condamnés vers les établissements pour que leur peine soit effectuée ; de fait, cela limitera la surpopulation carcérale.
Oui, le taux d'occupation de la maison d'arrêt de Brest est particulièrement élevé. Le futur centre pénitentiaire de Vannes devrait y remédier quelque peu. Des signalements spécifiques ont été opérés auprès de la directrice interrégionale.
Les taux d'octroi de libérations sous contrainte prononcées par l'autorité judiciaire sont plus élevés à Brest qu'ailleurs - 69 % -, car c'est une mesure pour lutter contre la surpopulation carcérale. Nous avons aussi investi 11 millions d'euros pour sécuriser le site. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
M. Michel Canévet. - La situation est préoccupante et appelle des actions immédiates, sans quoi nous ferons face à une multiplication des faits divers dans les établissements. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe INDEP ; Mme Sylvie Goy-Chavent applaudit également.)
Liberté d'enseignement
M. Max Brisson . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Détournements de fonds publics, caisse noire, fraudes, systèmes hors de contrôle, ségrégation scolaire, omerta politique : voilà le bilan du rapport sur le financement public de l'enseignement privé sous contrat de Paul Vannier, député LFI, et Christopher Weissberg, député Renaissance.
Ce rapport jette l'opprobre sur l'ensemble du privé sous contrat et les services de votre ministère, sans susciter le trouble des députés Renaissance. Pour le Gouvernement, l'enseignement privé sous contrat concourt-il encore au service public de l'éducation ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC ; M. Alain Marc applaudit également ; Mme Raymonde Poncet Monge ironise.)
Mme Nicole Belloubet, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse . - Les choses sont claires : nous avons une Constitution, qui pose des règles interprétées par le Conseil constitutionnel, parmi lesquelles la liberté d'enseignement, qui, depuis 1977, est un principe fondamental reconnu par les lois de la République (PFRLR). Les établissements privés sous contrat participent donc de l'enseignement aux côtés des établissements publics. Je suis attachée au respect de ces textes, notamment la loi de 1959.
Des établissements privés accueillent des enfants divers, à l'image de nos territoires, comme le font les établissements publics. Dans d'autres, il y a moins de mixité sociale et scolaire : c'est un constat que nous pouvons partager. Cela étant, les établissements privés sous contrat doivent respecter les règles et les programmes. (M. Pierre Ouzoulias renchérit.) Nous nous en assurons.
Nous souhaitons accentuer le contrôle administratif, pédagogique et financier de ces établissements, en lien avec les directions régionales des finances publiques. Le secrétariat général de l'enseignement catholique (Sgec) en est d'accord, et je présenterai un plan pluriannuel en ce sens.
L'article 1er du code de l'éducation indique que la mixité est assurée par les établissements publics et privés sous contrat. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; Mme Laurence Rossignol applaudit également.)
M. Max Brisson. - J'aurais pu vous répondre diversité, souplesse, réussite du privé dans bien des territoires et difficultés rencontrées dans d'autres. J'aurais pu inviter à sortir de la caricature et à trouver dans le privé quelques clés de réussite pour redonner ses lettres de noblesse au public. (M. Mickaël Vallet proteste.)
Mais ceux qui, au nom de leur dogme, malmènent le public, ne constatent-ils pas, impuissants, la réussite de ceux qui sont restés à l'écart de certaines folies destructrices ? Est-ce la faute de l'enseignement privé de ne pas avoir passé par-dessus bord les principes d'autorité, de mérite, de respect, d'assiduité et d'excellence, qui ont longtemps fait les beaux jours de l'école publique ? Si celle-ci se portait mieux, le privé serait-il un problème ?
M. Mickaël Vallet. - Et l'éducation à la sexualité ?
M. Max Brisson. - Pour plaire à quelques enragés, devons-nous piétiner la liberté de choix des parents et détruire l'école qui fonctionne encore ? Les laisserons-nous faire ? (Acclamations sur les travées du groupe Les Républicains ; protestations à gauche ; M. Yannick Jadot lève les bras au ciel.)
Avenir de la PAC
M. Jean-Claude Tissot . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Le 26 mars dernier, une révision de la PAC a été validée et les ennemies de la PAC identifiées : la conditionnalité et les mesures environnementales - pourtant bien timides.
Ce détricotage environnemental, auquel la France a participé, oublie que les agriculteurs sont les premières victimes du dérèglement climatique et qu'ils demandent à être correctement rémunérés pour leur travail.
Cette PAC à bout de souffle ne protège ni les agriculteurs ni les consommateurs contre la volatilité des prix et n'incite pas à l'indispensable transition agroécologique.
Alors, changeons de logiciel : sortons des aides à la superficie et aux volumes pour aller vers des aides sur l'actif agricole (M. Laurent Duplomb s'exclame) ; plafonnons-les, comme en Espagne (quelques protestations sur les travées du groupe Les Républicains) ; mettons en place un système d'aides contracycliques ; renforçons les mesures agroécologiques avec des critères ambitieux ; valorisons les services environnementaux rendus par les paysans.
Alors que le Conseil d'État a sévèrement jugé votre projet de loi d'orientation agricole, il est temps de changer de méthode. La France va devoir revoir son plan stratégique national. Comptez-vous profiter de cette occasion pour y inclure des mesures permettant de remettre du revenu dans les fermes ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST ; M. Jean-Marc Boyer s'exclame.)
M. Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire . - La PAC est dans sa première année d'exécution : n'en changeons pas en cours de route, car les agriculteurs ont besoin de stabilité. Ils ont aussi besoin de simplification : j'assume les mesures prises, avec l'appui de 26 des 27 pays de l'Union. (On ironise sur les travées du GEST et du groupe SER.)
Nous n'avons pas réduit nos objectifs environnementaux. (Marques d'indignation sur quelques travées du groupe SER et du GEST) Voyez ce que nous avons prévu sur les jachères. Les agriculteurs ont besoin d'être accompagnés dans les transitions, car les défis sont immenses.
Ensuite, nous avons lancé, au niveau européen, un débat sur la rémunération : la Commission européenne s'est engagée à travailler sur une sorte d'Égalim européen, ainsi que sur la commande publique.
Enfin, nous devons préparer la PAC 2027, pour faire face aux chocs économiques, géopolitiques et climatiques.
S'agissant de la loi d'orientation,...
M. Hervé Gillé. - Quand ?
M. Marc Fesneau, ministre. - ... certaines de ses dispositions tiennent compte de la transition. (Applaudissements sur quelques travées du RDPI)
Finances publiques
M. Stéphane Sautarel . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Je n'imaginais pas venir au secours du ministre de l'économie et des finances (exclamations ironiques à droite), tant sa responsabilité est grande dans la situation catastrophique de nos finances publiques depuis sept ans.
Pourtant, le voici l'allié du Parlement, plaidant pour un collectif budgétaire, car la digue du déficit et de la dette a lâché. Ce tsunami menace l'archipel français.
Mais voilà que le Président de la République déclare qu'il ne voit pas l'intérêt d'un projet de loi de finances rectificative et que le problème ce ne sont pas les dépenses excessives, mais les moindres recettes... Bref, c'est pas nous, c'est la conjoncture - voire les Français qui ne contribuent pas suffisamment.
Eh bien non : c'est vous qui avez fait 1 000 milliards d'euros de dépenses publiques supplémentaires et porté notre dette à bientôt 3 000 milliards d'euros !
Le passage devant le Parlement ne dépend pas d'un fait du prince ; c'est une obligation constitutionnelle. (M. Jean-François Husson approuve.)
Le Président de la République accable les partenaires sociaux, les collectivités territoriales et, surtout, les Français, coupables de ne pas payer assez d'impôts. Voilà peut-être la préfiguration de votre plan caché post-élections européennes. Recevoir des leçons du mauvais élève de la classe est humiliant pour nous, élus locaux. (« Très bien ! » à droite)
Confirmez-vous que vous n'augmenterez pas les impôts ni ne réduirez les dépenses au-delà des 10 milliards d'euros annoncés ? Est-ce à dire que le déficit en 2024 sera bien supérieur à 5 % ? (« Bravo ! » et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Thomas Cazenave, ministre délégué chargé des comptes publics . - Le contexte économique a changé. (Exclamations et marques d'ironie sur les travées du groupe Les Républicains) Nos chiffres s'en ressentent.
Nous avons perdu 20 milliards d'euros de recettes en 2023, et le ralentissement économique pèsera en 2024 - nous revoyons nos prévisions. Et oui, les dépenses de l'État ont été maîtrisées. (Vives protestations sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Jean-François Husson. - C'est une plaisanterie !
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. - Elles ont baissé de 8 milliards d'euros en 2023. Le programme de stabilité, présenté en conseil des ministres la semaine prochaine, prévoit 5,1 % de déficit pour 2024, ce qui suppose de nouveaux efforts.
M. Patrick Kanner. - Qui va les faire ?
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. - Nous avons annulé 10 milliards d'euros de crédits, dans le respect de la LOLF et du Parlement.
M. Patrick Kanner. - Déposez un PLFR !
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. - Comment faire ces économies sans texte financier ? D'abord, grâce aux 7 milliards d'euros de réserves de précaution dans les budgets ministériels. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Jean-François Husson. - Et les crédits reportés ?
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. - Nous avons aussi engagé un dialogue avec les collectivités territoriales, qui doivent participer au redressement des comptes publics. (Vives protestations à droite ; un brouhaha désapprobateur s'installe et couvre progressivement la voix de l'orateur.)
Nul plan caché : nous n'augmenterons pas les impôts des Français. Mais nous n'excluons pas d'agir sur les rentes - contribution des énergéticiens ou rachats d'actions. Je regrette que le groupe Les Républicains n'ait pas répondu à l'invitation de Bruno Le Maire pour travailler sur les pistes d'économies : vous étiez absents ! (Applaudissements sur les travées du RDPI ; bronca à droite)
M. Stéphane Sautarel. - Notre rapporteur général y était ; mais le ministre des finances n'est pas là aujourd'hui. Alors, voici un message pour lui et le Président de la République : la confiance, elle est déjà « pétée », pour reprendre son terme. Votre déni de réalité ne fera qu'amplifier le fossé entre vous, les Français et leurs représentants. Méditez cette phrase d'un grand Auvergnat : « il vaut mieux partir quand on peut rester que rester quand on doit partir. » (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur plusieurs travées du groupe UC)
Indemnisation chômage des travailleurs frontaliers
M. Loïc Hervé . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) À l'heure des économies tous azimuts, le régime d'indemnisation chômage des travailleurs frontaliers interroge plus que jamais. Actuellement, un Français domicilié en France qui perd son emploi dans un État membre de l'Espace économique européen (EEE) ou en Suisse est indemnisé par l'Unédic.
La Suisse emploie 43 % des transfrontaliers français, avec des rémunérations bien supérieures aux nôtres : le salaire minimum y est de 4 400 euros bruts, contre 1 767 euros en France. Entre 2012 et 2020, ces dépenses de l'Unédic ont explosé de 540 à 920 millions par an - 70 % de cette augmentation concerne la Suisse.
Cette règle internationale dessert la France. Rééquilibrerez-vous les choses ? (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP et sur quelques travées du groupe Les Républicains)
Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé et des solidarités . - Vous avez tout à fait raison : les règles d'indemnisation du chômage des frontaliers sont régies par un règlement européen de 2004. Ces règles sont particulièrement défavorables à la France, car c'est le pays de résidence du chômeur qui verse les prestations, non le pays de cotisation. Le règlement prévoit une compensation, mais très insuffisante.
Malheureusement, ce problème ne relève pas du droit interne ni de la réforme de l'assurance chômage, mais du droit européen. Il nécessite un consensus avec les autres États membres. La France porte un projet de révision de ce règlement pour que l'État de l'emploi prenne en charge cette indemnisation, mais d'autres États s'y opposent. Ces négociations durent depuis 2016.
Nous sommes déterminés, et j'espère, avec les trois autres ministres concernés, faire avancer ce dossier. (Applaudissements sur les travées du RDPI et du groupe INDEP ; Mme Véronique Guillotin applaudit également.)
M. Loïc Hervé. - Cela représente 9 milliards depuis 2016 !
Mme Catherine Vautrin, ministre. - Je ne suis là que depuis trois mois...
M. Loïc Hervé. - Ce n'est pas faute d'avoir alerté vos prédécesseurs.
M. Jean-François Husson. - Eh oui !
M. Loïc Hervé. - J'entends votre volontarisme, mais agissez, par respect pour les salariés et les entreprises françaises qui assument la charge de ces indemnisations. Les élections européennes sont peut-être le moment opportun pour avancer. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP, ainsi que sur plusieurs travées du groupe Les Républicains ; Mme Raymonde Poncet Monge applaudit également.)
Financement des hôpitaux privés
Mme Florence Lassarade . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) L'hôpital public et l'hôpital privé font face à une crise majeure, financière et de ressources humaines. Le Gouvernement a annoncé sans concertation une hausse des tarifs publics de plus de 4,3 %, alors que le privé devra se contenter d'une hausse indigente de 0,3 %. Ce traitement inique est justifié par le dynamisme de l'activité du privé. Mais c'était pour compenser la faiblesse de celle du public ! Contrairement aux idées reçues, le privé contribue aussi à la prise en charge des populations précaires et il est parfois le dernier recours dans les déserts médicaux.
Votre mesure va aggraver la situation. Cette année, la moitié des établissements privés seront en déficit.
La séance du psychologue en accès direct va être revalorisée à 50 euros, quand celle du médecin généraliste - bac+10 - pourrait passer à 30 euros et celle du psychiatre - bac+12 - à 57 euros. On appréciera...
Les médecins libéraux et les hôpitaux privés seront en grève à compter du 3 juin. Les Français ne peuvent être soignés sans eux.
Quels moyens pour le secteur privé lucratif ? Quelles mesures concrètes pour les médecins libéraux ? (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains ; Mme Solanges Nadille applaudit également.)
M. Frédéric Valletoux, ministre délégué chargé de la santé et de la prévention . - Le public et le privé ont toute leur place dans le système de santé, chacun dans son rôle. Je suis attentif à la complémentarité des offres et à l'équité de traitement. Notre politique de territorialisation fait coopérer les professionnels publics et privés.
M. Fabien Genet. - Tant qu'il en reste !
M. Frédéric Valletoux, ministre délégué. - Vous évoquez la répartition des 106 milliards d'euros votés pour les établissements dans l'Ondam de 2024. C'est une enveloppe fermée, avec une régulation prix-volume : la hausse des tarifs dépend du volume d'activité. Cela permet aussi la prise en compte des décisions de l'État employeur.
Mme Sophie Primas. - Dans le privé aussi ! (M. Philippe Mouiller renchérit.)
M. Frédéric Valletoux, ministre délégué. - Nous avons prévu 1 milliard d'euros pour les heures de nuit et de garde, sur un total de 3 milliards d'euros supplémentaires pour 2024.
M. Bruno Retailleau. - Il n'a rien compris !
M. le président. - Veuillez conclure.
M. Frédéric Valletoux, ministre délégué. - Les critères pris en compte sont les mêmes que l'établissement soit public ou privé. (Applaudissements sur plusieurs travées du RDPI ; M. Bruno Retailleau mime quelques mouvements de brasse.)
Réforme de la fonction publique
M. Pierre-Alain Roiron . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) « La justice, c'est sanctionner les agents qui ne font pas suffisamment leur travail », a dit le ministre de la fonction publique. Après l'assurance chômage, les retraites, vous vous attaquez au coeur de notre service public : les fonctionnaires.
Vous préférez une simple concertation, au résultat connu d'avance, à de réelles négociations - toujours la verticalité.
Vous prônez l'individualisation et la part aléatoire des rémunérations, alors que l'attractivité de l'emploi public réside dans l'emploi à vie, qui évite la concurrence salariale avec le privé et la corruption. Vous ne répondez pas aux préoccupations majeures que sont l'égalité femmes-hommes ou la revalorisation des salaires.
Alors que nombre de nos territoires souffrent de l'absence de services publics, qui contribue à la montée de l'extrême droite, jusqu'où irez-vous ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST ; M. Ian Brossat applaudit également.)
M. Stanislas Guerini, ministre de la transformation et de la fonction publiques . - Je veux saluer les agents publics de notre pays (exclamations à gauche), ceux qui, dans nos écoles, dans nos commissariats, dans nos hôpitaux, dans nos collectivités, font vivre le service public. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe SER)
Comme eux, je suis attaché au statut et aux fondamentaux de la fonction publique. C'est un ensemble de droits - égalité d'accès aux emplois, protection contre l'arbitraire - et de devoirs - probité, neutralité, sens du service au public, adaptabilité.
Mais le statut est-il le statu quo ? (Mme Colombe Brossel manifeste son agacement.) Tout va-t-il bien dans la fonction publique, comme vous semblez le penser ?
Mme Laurence Rossignol. - Non, tout ne va pas bien !
M. Stanislas Guerini, ministre. - Je ne le crois pas.
Peut-on tout expliquer ? Vous êtes en contact avec les employeurs territoriaux. Comment expliquer à un maire qu'il ne peut titulariser un apprenti en poste depuis deux ans dans sa commune ? Qu'il ne peut promouvoir des agents méritants parce que les quotas de promotion sont nationaux ? (« Ce n'est pas la question ! » sur les travées du groupe SER) Que, si un agent sur cent ne fait pas son travail, il ne peut être sanctionné ? N'est-ce pas décourageant pour les 99 autres ? (Applaudissements sur les travées du RDPI, du groupe INDEP et sur quelques travées du groupe UC ; protestations à gauche)
Ce sujet est au coeur de la concertation que j'ai ouverte avec les organisations syndicales et les employeurs publics. Ce projet de réforme sera un rendez-vous important. De même, j'ai ouvert des négociations sur les rémunérations et les conditions de travail. C'est ainsi que nous relèverons le défi de l'attractivité et de l'efficacité. (Applaudissements sur les travées du RDPI, du groupe INDEP et sur de nombreuses travées du groupe UC ; M. Yannick Jadot s'exclame.)
M. Pierre-Alain Roiron. - Selon le Premier ministre, « quand tu casses, tu répares ». Or, depuis 2017, vous avez beaucoup cassé. Appliquez à vous-même vos propres méthodes ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER)
Violences islamistes à l'école
Mme Valérie Boyer . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Nul n'ignore le point commun entre Samuel Paty, Dominique Bernard et le proviseur du lycée Maurice-Ravel. Combien se taisent et ont peur ? Après Mila, Shemseddine, tué à coups de pied par deux frères qui « protégeaient l'honneur » de leur soeur ; et Samara, 14 ans, lynchée pour s'être habillée « à l'européenne ».
Vous dites qu'un enfant par classe est harcelé. Mais combien de petits Français comme Samara ou Shemseddine sont-ils menacés, harcelés pour une réputation aux allures de charia ? Ces situations sont-elles recensées dans la liste des atteintes à la laïcité ? Avec quelles conséquences ? Que faites-vous pour écarter les harceleurs, sanctionner leurs parents et empêcher l'islamisme de poursuivre la conquête de nos écoles ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Mme Nicole Belloubet, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse . - Nous sommes arc-boutés sur la laïcité comme sur la lutte contre le harcèlement. La laïcité est le terrain neutre qui permet des enseignements fondés sur la science, non la croyance, d'où notre intransigeance : loi de 2004, interdiction de l'abaya et, aujourd'hui, notre action pour faire respecter la laïcité.
Sur le harcèlement, nous déployons une politique globale, qui passe d'abord par le 100 % détection : c'en est fini du « pas de vagues », tous les faits doivent nous remonter pour être traités au niveau de l'établissement ou de l'académie. Par des actions de formation, d'accompagnement des enseignants. Par des sanctions également : depuis le décret de 2023, un élève harceleur peut être exclu.
Je ne peux faire l'inventaire de toutes les mesures déployées : numéro 3018, conseils de discipline, vie scolaire... Cela ne suffira pas pour vous dire à quel point nous luttons contre le harcèlement. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; Mme Véronique Guillotin applaudit également.)
Mme Valérie Boyer. - Sur Samara et Shemseddine, vous n'avez pas répondu. S'agit-il d'un contrôle social par la police du vêtement, comme en Iran ? Bruno Retailleau, l'a dit : aujourd'hui, la charia s'applique dans certains quartiers, avec des crimes d'honneur et une police des moeurs.
Responsabilisation des parents, suspension des allocations, uniforme, respect de la laïcité dans le sport, interdiction du voile pour les accompagnatrices scolaires (mouvements à gauche) : pourquoi vous y être systématiquement opposés depuis des années ?
Nous voyons apparaître des zones, non pas de « non-droit », mais d'un autre droit, où l'islamisme s'affiche en uniforme et menace nos enfants, nos enseignants, nos proviseurs, où l'impunité l'emporte sur l'autorité. La violence, le communautarisme comblent le vide laissé par le refus de transmettre ce qui nous lie, la culture et l'autorité. Combien de temps et de vies perdus avant que vous n'agissiez ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Transfert des compétences eau et assainissement
M. Jean-Michel Arnaud . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur plusieurs travées du groupe INDEP) Le 30 mars 2023, sur les rives du lac de Serre-Ponçon, le Président de la République, évoquant le transfert des compétences eau et assainissement, a prôné un modèle pluriel, différencié et reposant sur l'intelligence du territoire.
M. Pierre Jean Rochette. - Bravo !
M. Jean-Michel Arnaud. - Il a envisagé de nouveaux syndicats, une intercommunalité choisie, des solutions mutualisées.
Avec plusieurs sénateurs, nous avons proposé la création de syndicats supra-communaux et le transfert des compétences eau et assainissement aux syndicats sans subdélégation.
Monsieur le ministre, nous avons travaillé dans un esprit de confiance. Pouvez-vous indiquer au Sénat quel véhicule législatif vous comptez utiliser pour avancer ? (« Bravo ! » et applaudissements sur les travées du groupe UC et sur plusieurs travées des groupes INDEP et Les Républicains ; M. Jean-Yves Roux applaudit également.)
M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires . - J'ai le souvenir de ce trop court moment partagé avec le président Darnaud, le sénateur Menonville et vous-même (sourires), lorsque nous avons fait le point sur la proposition de loi Roux.
Le Président de la République a pris deux engagements. D'abord, la sécurisation du retour de la compétence des départements pour financer les interconnexions en matière d'eau, qui figure dans le projet de loi orientation agricole. (« Ah ! » sur les travées du groupe Les Républicains) Ensuite, l'assouplissement de l'obligation d'intercommunalisation fixée par la loi NOTRe, dont nous avons déjà reporté l'échéance de 2020 à 2026.
Mme Sophie Primas. - On n'en veut pas !
M. Christophe Béchu, ministre. - Avant la fin de l'année, nous voterons le dispositif alternatif évoqué ; le chemin législatif débutera au Sénat. Il s'agit de permettre une gestion de l'eau à l'échelle infracommunautaire.
M. Olivier Cigolotti. - Très bien !
M. Christophe Béchu, ministre. - Nous ne voulons pas garder la commune isolée, car il y a une corrélation entre la carte de ces communes et celle des problèmes de sécheresse.
Il faut sortir d'un jardin à la française trop rigide, tenir compte des particularités des zones de montagne et sous-denses. (M. Loïc Hervé renchérit.)
Cela vaudra pour l'avenir, car il ne s'agit pas de revenir sur les transferts déjà intervenus. Le préfet pourra être le garant du dispositif, dans le cadre d'un schéma départemental de gestion de l'eau. (Quelques applaudissements sur les travées du groupe INDEP et du RDPI ; M. Loïc Hervé esquisse une moue dubitative.)
Mme Françoise Gatel. - On progresse !
M. Jean-Michel Arnaud. - Pour une fois, vous avez été clair. (Sourires) Il faut tenir le calendrier. Il nous reste 90 semaines avant le 1er janvier 2026. La solution évoquée est globalement satisfaisante ; je vous invite à concrétiser vos engagements. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur plusieurs travées des groupes Les Républicains et INDEP)
M. Michel Savin. - Très bien !
La séance est suspendue à 16 h 20.
Présidence de M. Dominique Théophile, vice-président
La séance reprend à 16 h 35.