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Table des matières
Journée internationale de la francophonie
Accueil d'une nouvelle sénatrice
Budget de l'enseignement supérieur et de la recherche
Mme Sylvie Retailleau, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche
Prétendue gratuité des services publics
Antisémitisme dans l'enseignement supérieur
Mme Sylvie Retailleau, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche
M. Gabriel Attal, Premier ministre
Programmation pluriannuelle de l'énergie
M. Roland Lescure, ministre délégué chargé de l'industrie et de l'énergie
M. Frédéric Valletoux, ministre délégué chargé de la santé et de la prévention
Mme Marina Ferrari, secrétaire d'État chargée du numérique
Conditions de travail des enseignants
Mme Nicole Belloubet, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse
M. Frédéric Valletoux, ministre délégué chargé de la santé et de la prévention
Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé et des solidarités
M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer
Maîtrise du français dans le secondaire
Mme Nicole Belloubet, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse
M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires
M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer
Sécheresse dans les Pyrénées-Orientales
M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires
France Ruralités Revitalisation
M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires
Justice patrimoniale au sein de la famille (Procédure accélérée)
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice
M. Thomas Cazenave, ministre délégué chargé des comptes publics
Mme Isabelle Florennes, rapporteure de la commission des lois
Mme Françoise Gatel, auteur de la proposition de loi
M. François Bonhomme, rapporteur de la commission des lois
Mme Nicole Belloubet, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse
M. François Bonhomme, rapporteur
Ordre du jour du jeudi 21 mars 2024
SÉANCE
du mercredi 20 mars 2024
74e séance de la session ordinaire 2023-2024
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires : M. Jean-Michel Arnaud, Mme Catherine Conconne.
La séance est ouverte à 15 heures.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.
Journée internationale de la francophonie
M. le président. - Nous célébrons aujourd'hui la journée internationale de la francophonie.
La francophonie, c'est ce trait d'union entre des cultures et des sociétés extrêmement diverses. C'est le partage d'une langue, mais aussi des valeurs et des idéaux qu'elle porte : le dialogue, la tolérance, le respect des droits humains et de l'État de droit, qui unissent près de 90 États et plus de 300 millions de locuteurs dans le monde.
En cette année 2024, la France accueillera le XIXe Sommet de la francophonie. Elle fêtera également les 30 ans de la loi Toubon relative à l'emploi de la langue française et dont je veux rappeler l'article premier : « Langue de la République en vertu de la Constitution, la langue française est un élément fondamental de la personnalité et du patrimoine de la France. Elle est la langue de l'enseignement, du travail, des échanges et des services publics. Elle est le lien privilégié des États constituant la communauté de la francophonie. »
C'est pourquoi, monsieur le Premier ministre, nous devons ensemble, exécutif et Parlement, veiller à protéger et à promouvoir le français, ainsi qu'à maintenir une communauté francophone forte et unie, en dépit des attaques contre ses valeurs. (Applaudissements)
M. Loïc Hervé. - Très bien !
Accueil d'une nouvelle sénatrice
M. le président. - (Mme Marie-Jeanne Bellamy se lève.) Au nom du Sénat tout entier, je tenais à souhaiter la bienvenue à notre nouvelle collègue de la Vienne, Mme Marie-Jeanne Bellamy, dont le mandat a débuté ce lundi 18 mars. (Applaudissements) J'ai une pensée pour son prédécesseur, Yves Bouloux. (Applaudissements)
Questions d'actualité
M. le président. - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement. Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet. Chacun sera attentif au respect des uns et des autres et au temps de parole.
Budget de l'enseignement supérieur et de la recherche
M. David Ros . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. Ian Brossat applaudit également.) Le 21 février, le ministre de l'économie annonçait l'annulation de 10 milliards d'euros de crédits. Je ne reviendrai pas sur le déni de démocratie, ni sur la mauvaise prise en compte de la situation économique de la France. Depuis, monsieur le ministre, vous faites le tour des médias pour justifier ce choix violent et dire qu'il faut changer de braquet.
Vous ne cessez de revendiquer le leadership de la France, notamment sur l'IA : la France aurait un temps d'avance et devrait guider l'Europe sur un projet ambitieux.
Si j'ai 10 milliards de questions (sourires), je me limiterai à deux : avez-vous eu recours à l'IA pour simuler l'impact de ces coupes sur le budget de l'enseignement supérieur et de la recherche ? Avez-vous prévu de nouvelles coupes en 2024, notamment sur la recherche ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur quelques travées du groupe CRCE-K et du GEST)
Mme Sylvie Retailleau, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche . - Sur les 900 millions d'euros de crédits annulés sur la mission interministérielle « Recherche et enseignement supérieur », mon ministère est concerné par 588 millions d'euros.
Il s'agit, pour les trois quarts, de l'annulation des réserves de précaution du ministère, le plus souvent gelées et indisponibles.
Pour le quart restant, il s'agit du report de projets pluriannuels immobiliers - à l'exception des logements étudiants - et de projets d'équipements de recherche, ainsi que d'ajustements sur les appels à projets de l'Agence nationale de la recherche (ANR), tout en sauvegardant le taux de succès.
Le budget du ministère reste en hausse. (M. Yannick Jadot ironise.) Les moyens de fonctionnement des établissements sont préservés. Toutes les mesures RH sur la recherche sont maintenues, de même que tout ce qui concerne la vie étudiante - bourses, restauration... Je ne vous cache pas que ces économies sont difficiles (on ironise à gauche), même si leur impact à court terme est contenu.
Nous ne prévoyons pas d'autres annulations de crédits cette année. (Exclamations à gauche ; applaudissements sur les travées du RDPI)
Mme Émilienne Poumirol. - Merci !
M. David Ros. - À défaut du ministre de l'économie et des finances, merci, madame la ministre. On vous a retiré 1 milliard d'euros. Il avait déjà été demandé aux universités de puiser dans leurs fonds propres. Désormais, Bercy s'attaque aux réserves, au détriment des étudiants et de la recherche, loin de l'objectif des 3 % du PIB consacrés à la recherche en 2030.
Monsieur le ministre, changez d'IA, passez de l'ingérence administrative à l'intelligence augmentée et réarmez les sciences et la connaissance. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE-K)
Prétendue gratuité des services publics
Mme Céline Brulin . - (Applaudissements sur quelques travées du groupe CRCE-K) « La gratuité de tout, pour tous, tout le temps : c'est intenable ! » Mais de quoi parlez-vous, monsieur le ministre ?
Chaque Français paie la TVA sur les produits de la consommation - cela rapporte plus de 100 milliards d'euros à l'État. Qu'en faites-vous ?
Chaque contribuable paie les impôts pour financer les services publics, alors que la part payée par les grandes entreprises chute depuis 2016. Voilà ce qui est intenable pour nos concitoyens !
Chaque salarié cotise pour sa protection sociale et sa retraite quand les entreprises sont exonérées à hauteur de 80 milliards d'euros chaque année et que vous avez décidé de faire travailler les salariés deux ans de plus : la note est salée !
Chaque famille voit ses factures d'énergie exploser avec la libéralisation du marché, faute de tarifs réglementés.
Chaque malade subit des dépassements d'honoraires, des franchises médicales, des déremboursements, alors que les pénuries de médicaments se multiplient et que le renoncement aux soins progresse.
Monsieur le ministre, ne vous reste-t-il que le mensonge et le cynisme pour justifier votre politique ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K et sur quelques travées du groupe SER)
M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique . - (Quelques exclamations) Je salue la constance et la cohérence du groupe communiste, même si je ne partage pas ses convictions.
Nous avons protégé les consommateurs d'électricité et de gaz comme aucune autre nation européenne. Le reste à charge de nos dépenses de santé est l'un des plus faibles au monde. Si je propose des économies ailleurs que sur notre système de protection sociale, c'est pour nous permettre de faire face au vieillissement.
C'est un principe de responsabilité.
Votre groupe fustige la politique du Gouvernement, mais au moins je sais où vous habitez, contrairement à d'autres oppositions (M. Bruno Le Maire se tourne vers la droite de l'hémicycle), qui font preuve d'une démagogie sans limites. (Protestations sur quelques travées du groupe Les Républicains)
M. Olivier Paccaud. - C'est vous qui dites cela ?
M. Bruno Le Maire, ministre. - Ceux-là nous demandent de réduire la dépense publique, mais ils ont déposé 1 847 amendements, pour 124 milliards d'euros de dépenses supplémentaires. (Applaudissements sur les travées du RDPI) Ils ont refusé de supprimer le bouclier tarifaire sur le gaz et l'électricité, qui représente 16 milliards d'euros en 2024. Ils n'ont de courage que dans les médias, pas devant les Français. Ils nous demandent des réformes de structure, mais leur groupe n'est même pas capable de s'accorder sur la réforme des retraites !
Je salue la constance du groupe communiste et dénonce l'inconstance, la démagogie et le mensonge des autres oppositions, qui n'ont que le mot réforme à la bouche sans avoir le courage de les porter ! (Protestations amusées sur les travées du groupe CRCE-K ; on s'en offusque à droite.)
Mme Céline Brulin. - La responsabilité, ce n'est pas des coups de rabot à l'aveugle - moins 700 millions d'euros dans l'éducation !
Plus que de politique politicienne, nous avons besoin d'un débat de haut niveau, que nous n'avons pas aujourd'hui ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K)
Antisémitisme dans l'enseignement supérieur
M. Jean Hingray . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Cher conclave de décideurs, chers champions du statu quo et gardiens du temple éducatif, chère flamboyante ministre de l'alma mater, que se trame-t-il dans les couloirs étouffants de Sciences Po ? (« Ah ! » sur les travées du groupe Les Républicains) Où est passée l'auguste sagesse de la rue Saint-Guillaume ?
Vague wokiste (murmures désapprobateurs sur les travées du GEST), capitaine abandonnant le navire, rumeurs d'antisémitisme : on se croirait dans une mauvaise série B... Une étudiante s'est vu refuser l'entrée à une fête intellectuelle propalestinienne sous prétexte qu'elle était juive. La tache d'huile se répand, jusqu'à l'université de Toulouse-Le Mirail. Et que fait-on ?
Monsieur le Premier ministre, madame la ministre, vous avez opéré un petit remontage de bretelles bien mérité, mais voilà que les dignitaires académiques crient à l'attentat contre leur sacro-sainte indépendance.
Le citoyen-roi ne veut plus financer la diffusion de cet évangile woke. (Protestations à gauche) Avec 35 % de fonds publics, Sciences Po peut-elle jouer les divas intouchables ? Le totem de l'autonomie pédagogique ne mérite-t-il pas une petite retouche créative ? (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains et INDEP)
Mme Sylvie Retailleau, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche . - Oui, l'antisémitisme est un fléau. Notre ligne, c'est la tolérance zéro.
L'école et l'université doivent partager les lumières de la société, mais aussi affronter les sombres maux qui la parcourent.
Nous objectivons les faits : nous avons transmis un signalement à la procureure au titre de l'article 40 et nous sommes rendus sur place. Il y a eu un envahissement sauvage de l'amphithéâtre et une absence manifeste de respect du cadre pour un débat serein.
Les témoignages sont clairs : une étudiante de l'Union des étudiants juifs de France a été empêchée d'accéder à la conférence. Les propos antisémites gravissimes qui auraient été tenus ont été transmis à la justice, car nous sommes dans un État de droit.
Mon ministère est pleinement mobilisé contre toute forme de discrimination. Dès les attaques terroristes du 7 octobre, j'ai demandé aux chefs d'établissement de prévenir les actes, de les repérer et d'accompagner les victimes, de les signaler pour apporter une réponse disciplinaire ou judiciaire, de réparer et d'effacer les traces de haine.
Nous ne baisserons jamais la garde face à ce poison. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; M. Bernard Fialaire applaudit également.)
Situation à Gaza
M. Guillaume Gontard . - (Applaudissements sur les travées du GEST) En 2040, dans les livres d'histoire du Moyen-Orient, on lit ceci : après des années d'oubli de la cause palestinienne, les attaques terroristes du Hamas et les prises d'otages conduisent à un déchaînement de violence d'Israël contre la bande de Gaza. Benjamin Netanyahou utilise cette guerre pour se maintenir au pouvoir. Avec ses alliés d'extrême droite, il bombarde la bande de Gaza nuit et jour, empêche l'aide humanitaire d'arriver et utilise la faim comme arme de guerre.
Dès janvier 2024, la Cour internationale de justice alerte sur le risque de génocide. Dès mars 2024, Josep Borrell, haut représentant de l'Union européenne, évoque un cimetière à ciel ouvert. La situation est apocalyptique. L'ONU parle de siège médiéval et de guerre contre les enfants. Entre la famine et les bombes, la mort est certaine.
Tandis que les pays du Sud rompent leurs relations avec Israël, les États-Unis et l'Union européenne continuent à soutenir Netanyahou et à lui fournir des armes.
Notre responsabilité est immense. Monsieur le Premier ministre, il est déjà trop tard, mais vous pouvez encore écrire l'histoire. La France ne peut rester spectatrice et complice du pire carnage du XXIe siècle. L'heure est aux sanctions.
Allez-vous demander la suspension de l'accord d'association avec Israël, arrêter les exportations d'armes, interdire le commerce avec les colonies, rappeler notre ambassadeur et reconnaître l'État palestinien comme l'a voté le Parlement ? (Applaudissements sur les travées du GEST et du CRCE-K et sur quelques travées du groupe SER)
Une voix à droite. - Non !
M. Gabriel Attal, Premier ministre . - Merci pour une chose : tous les responsables politiques - je pense notamment à ceux de la Nupes à l'Assemblée nationale - ne rappellent pas que l'origine de ce drame est bien l'attaque terroriste du Hamas contre des civils israéliens. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP et sur quelques travées du RDPI) Quarante-deux de nos concitoyens ont été tués, trois sont encore otages et il y en a d'autres. Nous devons tous appeler, sans ambiguïté, à la libération de ces otages. (Applaudissements sur plusieurs travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP)
Nous l'avons dit à plusieurs reprises : ce qui se passe dans la bande de Gaza est un drame humanitaire. Mais je ne puis laisser dire que la France est spectatrice. (M. Guillaume Gontard proteste.) Elle est l'un des premiers pays occidentaux à avoir appelé à un cessez-le-feu. Le Président de la République est l'un des premiers à s'être rendu sur place. Le premier pays à avoir largué une aide humanitaire, c'est la France - avec la Jordanie. C'est aussi la France qui a envoyé le Dixmude au large des côtes et évacué des enfants palestiniens. (M. Hussein Bourgi proteste.) C'est la France qui mobilise l'Union européenne pour obtenir des résultats lors du prochain Conseil européen. C'est toujours la France qui oeuvre au Conseil de sécurité pour sortir du blocage. (M. Yannick Jadot marque des signes d'impatience.) C'est la France encore qui s'engage au Liban pour éviter l'embrasement.
Oui, monsieur Gontard, la situation à Gaza est catastrophique. Nous appelons à un cessez-le-feu durable et immédiat et à l'ouverture de tous les corridors humanitaires. Les civils palestiniens n'ont pas à être les nouvelles victimes du Hamas, et Israël doit permettre à l'aide humanitaire d'arriver en quantité suffisante - nous en sommes encore loin. La France y travaille sans compter. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées du groupe UC)
M. Guillaume Gontard. - Vous n'avez répondu à aucune de mes questions. Le temps des paroles est terminé, nous demandons du courage politique ! (Applaudissements sur les travées du GEST ; M. Fabien Gay applaudit également.)
Programmation pluriannuelle de l'énergie
Mme Dominique Estrosi Sassone . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Monsieur le Premier ministre, votre annonce récente d'une consultation publique sur la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) et la stratégie nationale bas-carbone (SNBC) est bien curieuse.
Tout d'abord, elle renie le travail réalisé : depuis 2021, le Gouvernement a organisé des ateliers, une concertation nationale, des groupes de travail, et 3 000 contributions ont été reçues. Un projet de loi a même été transmis au Conseil d'État, au Conseil supérieur de l'énergie et au Conseil national de la transition écologique.
Ensuite, la loi Énergie et climat de 2019 prévoit, grâce à un amendement de Daniel Gremillet, une loi quinquennale sur l'énergie pour définir nos objectifs. Elle aurait dû être adoptée le 1er juillet 2023, mais elle est portée disparue...
Pour relancer le nucléaire et développer les énergies renouvelables, il faut un cap clair. Or vous n'avez ni stratégie ni objectifs. Le temps presse.
Envisagez-vous de présenter une loi quinquennale de l'énergie d'ici à la fin de l'année, ainsi que des textes dédiés aux réformes de l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (Arenh), des concessions hydroélectriques et du marché de l'électricité ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC ; M. Henri Cabanel applaudit également.)
M. Roland Lescure, ministre délégué chargé de l'industrie et de l'énergie . - Les annonces du Premier ministre respectent la loi que vous avez votée (Mme Dominique Estrosi Sassone le conteste), avec le lancement d'une consultation publique.
Quelque 35 millions de Français se sont prononcés sans ambiguïté sur l'avenir énergétique de la France. Plusieurs candidats à l'élection présidentielle de 2022, dont l'un est présent ici (M. Yannick Jadot le confirme), prônaient la sortie du nucléaire. (On s'en émeut à droite.) Un autre, élu, a prononcé un discours à Belfort en janvier 2022, très clair, sur les quatre piliers de la politique énergétique : sobriété, efficacité, accélération des énergies renouvelables et relance du nucléaire.
Oui, nous aurons un débat public, même si les principes ont été tranchés par les Français. (M. Yannick Jadot proteste.) Hier, l'Assemblée nationale a voté la réforme de la gouvernance du nucléaire. Nous devons aussi débattre de l'avenir de l'hydraulique, des tarifs et du mix énergétique ! (Applaudissements sur quelques travées du RDPI)
Mme Dominique Estrosi Sassone. - Vous ne m'avez pas convaincue. Vous porterez la responsabilité de cette impréparation, qui pèsera sur les générations futures. (« Bravo ! » et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Situation sanitaire à Mayotte
M. Thani Mohamed Soilihi . - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Un premier cas de choléra a été détecté à Mayotte, sur une jeune femme en provenance d'Anjouan. Le lendemain de son arrivée, elle a été prise en charge par le Samu, puis isolée et soignée.
L'agence régionale de santé (ARS) a présenté il y a un mois un plan de riposte, aucune campagne de vaccination n'étant possible en raison de la pénurie mondiale de vaccins. Ce plan prévoit des contrôles aux frontières et des équipes d'action pour éviter la propagation de l'infection.
Alors que l'épidémie s'intensifie aux Comores notamment, et compte tenu de l'immigration massive, quelles mesures compte prendre le Gouvernement pour protéger les Mahorais, qui se demandent ce que sont devenus les autres passagers du kwassa ? (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées du groupe INDEP)
M. Frédéric Valletoux, ministre délégué chargé de la santé et de la prévention . - Le choléra est une maladie digestive très contagieuse. Le cas que vous évoquez a été détecté lundi sur une femme arrivée à Mayotte la veille. Elle a été rapidement prise en charge par la cellule choléra, préparée préventivement depuis plusieurs mois à l'hôpital de Mamoudzou.
Dès lundi soir, une équipe de l'ARS a identifié les cas contacts. Hier matin, une deuxième équipe a désinfecté les lieux.
Lors d'une conférence de presse, le préfet et le directeur de l'ARS ont rappelé les mesures de vigilance renforcée qui ont été prises. Dès février, un plan de riposte, qui a montré son efficacité, avait été préparé : renforcement de la vigilance, mesures de prévention, prise en charge aussi rapide que possible, rappel des gestes de prévention, renforcement des contrôles aux frontières, traçabilité des passagers en provenance des Comores et de l'Afrique des Grands Lacs, équipes mobiles de l'ARS pour vacciner les personnes à risque, entre autres.
Les services de l'État sont pleinement mobilisés. (MM. François Patriat et Olivier Bitz applaudissent.)
M. Thani Mohamed Soilihi. - Voilà une nouvelle conséquence de la non-maîtrise des flux migratoires en provenance des Comores, dont le président ne respecte pas son engagement de lutter contre les trafics d'êtres humains en contrepartie d'une importante aide financière de la France. Bien au contraire, il utilise des méthodes migratoires poutiniennes. Pas étonnant, sachant que Poutine lui a promis de l'aider à déstabiliser la France et qu'il félicite ce dernier pour sa brillante réélection... Il est temps d'agir ! (Applaudissements sur les travées du RDPI)
TikTok
M. Emmanuel Capus . - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Jeudi dernier, la chambre des représentants des États-Unis a voté à une très large majorité un texte contraignant TikTok à couper définitivement ses liens avec le Parti communiste chinois. À défaut, la plateforme pourrait être interdite sur le territoire national américain. Nos collègues soupçonnent l'entreprise d'espionnage et de manipulation massive des données des utilisateurs.
Le 14 mars, le Canada, qui compte pour la France - nous en parlerons demain -...
M. Jean-Baptiste Lemoyne. - C'est vrai !
M. Emmanuel Capus. - ... a engagé un processus similaire. L'Indonésie, l'Inde, le Pakistan également.
Le général Burckhard, chef d'état-major des armées, a alerté les députés sur la menace que faisait peser TikTok, arme informationnelle au service de la Chine.
La commission d'enquête créée à l'initiative du groupe Les Indépendants a conclu que si TikTok ne respectait pas les normes françaises, il devait être suspendu.
Que fera le Gouvernement pour que TikTok respecte la législation française et européenne...
M. Bruno Sido. - Rien !
M. Emmanuel Capus. - ... et dans quel délai ? (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP ; MM. Jacques Fernique et Martin Lévrier applaudissent également.)
Mme Marina Ferrari, secrétaire d'État chargée du numérique . - Votre question soulève un sujet majeur : la sécurité nationale et la préservation de notre modèle démocratique face aux ingérences étrangères. Je salue les travaux de la commission d'enquête sénatoriale...
M. Emmanuel Capus. - Excellent !
Mme Marina Ferrari, secrétaire d'État. - ... qui a tiré la sonnette d'alarme sur TikTok et sur ses liens avec les autorités politiques chinoises.
Le Gouvernement est conscient de ces risques. Nous avons renforcé le dispositif avec la mise en place de Viginum. Il y a un an, le Gouvernement a interdit le téléchargement et l'installation des applications récréatives, notamment TikTok, sur les téléphones professionnels fournis aux agents publics.
Au niveau européen, la France a été fer de lance dans l'adoption de plusieurs règlements, dont le DSA (Digital Services Act) qui contraint les réseaux sociaux à une plus grande transparence sur l'utilisation des algorithmes.
La Commission européenne a lancé une enquête le 19 février dernier. Si elle constate des manquements, TikTok devra les corriger ou risquer une amende importante, voire la restriction temporaire du service.
Vous le voyez, le rapport de force a bien changé s'agissant des plateformes. Nous avons les moyens d'agir au niveau européen. Comptez sur notre engagement. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
Conditions de travail des enseignants
Mme Guylène Pantel . - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Hier, les syndicats appelaient à une grève de la fonction publique, en particulier les enseignants, déjà mobilisés le 1er février dernier.
L'école est le commencement de tout : de l'accès aux savoirs, à la sociabilité, au sens critique, aux valeurs républicaines, donc à la citoyenneté. Les enseignants jouent un rôle central. Nous mettons entre leurs mains ce que nous avons de plus cher. Ils redeviennent de plus en plus les hussards noirs de la République, car nous leur demandons de ne rien lâcher sur la laïcité. Cela devient une mission dangereuse, avec des parents d'élèves ou des élèves parfois agressifs.
Le minimum serait de leur garantir un salaire à la hauteur. Malgré le pacte enseignant et la hausse du point d'indice, les enseignants sont les grands perdants sur la durée : alors que le budget de l'éducation nationale est plus important en France, les professeurs sont deux fois moins payés qu'en Allemagne ; leur salaire était de 2,3 Smic dans les années 1980, il n'est plus que de 1,2 Smic en 2021.
Comment réorienter les moyens de l'éducation nationale vers les professeurs ? (Applaudissements sur les travées du RDSE)
Mme Nicole Belloubet, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse . - Nous sommes aux côtés des enseignants. Un effort de 4,8 milliards d'euros a été fourni pour revaloriser leurs salaires entre 2023 et 2024, trois fois plus qu'entre 2013 et 2017. Les professeurs titulaires, psychologues et conseillers principaux d'éducation touchent donc 2 100 euros nets par mois en début de carrière, ce qui les situe dans la moyenne européenne. Le pacte enseignant leur permet également de prendre en charge des missions complémentaires et d'être rémunérés à hauteur de leur engagement ; beaucoup s'y sont engagés.
Nous travaillons également sur le bâti scolaire avec les collectivités. Nous avons recruté des assistants d'éducation. Nous tiendrons demain une réunion interministérielle sur la sécurité des bâtiments, en présence du Premier ministre.
Nous travaillons enfin sur la prise en charge de l'hétérogénéité des élèves : nous accueillons tous les jeunes, et c'est très bien, mais nous devons faire des efforts pour les accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH) qui sont les fers de lance de l'école inclusive. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
Dispositif Asalée
M. Philippe Mouiller . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Loïc Hervé applaudit également.) L'association Asalée, née dans les Deux-Sèvres il y a une vingtaine d'années, rassemble environ 2 000 infirmières, qui agissent en partenariat avec 9 000 médecins.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. - Dans l'Yonne aussi !
M. Philippe Mouiller. - Son but est d'accompagner les patients atteints de maladies chroniques et d'affections de longue durée et de faire de la prévention. Ces professionnels sont présents notamment dans les zones rurales qui manquent de médecins.
Depuis plusieurs mois, les relations avec la Caisse nationale de l'assurance maladie (Cnam) sont difficiles. Depuis 2023, il n'y a plus de cadre juridique entre Asalée et la Cnam - la renégociation est en cours - ce qui occasionne des retards de versements. L'association risque de se retrouver en cessation de paiements. Alors que nous souffrons d'une pénurie de personnel de santé, monsieur le ministre, souhaitez-vous prendre le risque de voir Asalée disparaître ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur plusieurs travées des groupes UC, SER, CRCE-K et du RDSE)
M. Frédéric Valletoux, ministre délégué chargé de la santé et de la prévention . - Le Gouvernement est convaincu de l'intérêt d'Asalée, qui mobilise de nombreux professionnels de santé, principalement des infirmiers, qui accompagnent les patients dans leur parcours de soins. Il n'est pas question de remettre en cause ce dispositif, qui a toute sa place dans la délégation de tâches souhaitée par le Gouvernement. C'est pourquoi l'État a accompagné sa croissance : il rémunère plus de 2 000 infirmiers - c'était 700 à l'origine -, pour 80 millions d'euros, financés par l'assurance maladie.
La convention actuelle entre l'association et la Cnam ne prévoit pas la prise en charge de loyers, comme l'association le souhaite. Les négociations n'ont pas encore abouti. Il est normal que les financements aillent d'abord aux soins. L'association continue à recevoir 6 millions d'euros par mois, notamment pour financer les salaires.
L'association Asalée a été reçue le 8 mars au ministère de la santé. Une nouvelle convention doit être signée très vite. (M. François Patriat applaudit.)
M. Philippe Mouiller. - J'entends les difficultés, mais la question des loyers a, me semble-t-il, été tranchée par l'assurance maladie.
Venez sur le terrain ! Il y a 48 heures, Asalée était au bord de la cessation de paiements. Les infirmières non payées devaient prendre sur leurs propres deniers.
Nous avons enfin une solution contre la désertification médicale. Soutenez-la, non en mots, mais en actes ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et sur quelques travées des groupes UC, SER et CRCE-K ; M. Bernard Fialaire applaudit également.)
Climat social
Mme Corinne Féret . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) La France se paupérise, notre modèle social s'affaiblit. Les trois versants de la fonction publique se mobilisaient hier pour réclamer une hausse urgente de leur rémunération. Les augmentations consenties en 2022 et 2023 étaient très inférieures à l'inflation. En dix ans, les salaires du privé ont grimpé deux fois plus vite que ceux du public ; 2024 ne doit pas être une année blanche pour les fonctionnaires.
Vous demandez toujours plus à ceux qui ont le moins. Vous cherchez à mettre la main sur les excédents de l'Unédic, alors que l'argent devrait être destiné aux chômeurs, et non à combler les déficits. Vous voulez réduire la durée d'indemnisation à douze mois, et prétendez gérer seuls l'assurance chômage. Quel mépris pour les partenaires sociaux !
À rebours de vos engagements, vous vous en prenez aux demandeurs d'emploi alors que le chômage repart à la hausse. Avec vous, ce sont des droits pour les nantis, des devoirs pour les plus petits !
Quand arrêterez-vous de faire peser les efforts sur les plus modestes ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur quelques travées du groupe CRCE-K)
Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé et des solidarités . - Rétablissons les faits. Ces deux dernières années, face à une inflation importante, le Gouvernement a procédé aux augmentations salariales les plus importantes depuis trente-sept ans dans la fonction publique. (Protestations sur les travées du groupe SER)
M. Rachid Temal. - Vous oubliez l'inflation !
Mme Catherine Vautrin, ministre. - C'était lors du premier septennat du président Mitterrand.
M. Rachid Temal. - Alors là !
Mme Catherine Vautrin, ministre. - Les mesures salariales pour l'ensemble des agents de la fonction publique s'élèvent à 14 milliards d'euros.
M. Pierre Barros. - Elle n'arrive plus à embaucher !
Mme Catherine Vautrin, ministre. - On peut toujours dire que ce n'est pas assez, mais en trente-sept ans, qu'avez-vous fait ?
Un agent d'accueil en début de carrière gagne 230 euros nets de plus qu'en 2022 ; un gardien de la paix, 240 euros ; un professeur des écoles, 320 euros. Voilà des exemples concrets.
Le meilleur moyen d'accompagner nos concitoyens est de les ramener vers l'emploi, d'où l'investissement réalisé avec France Travail. (Exclamations à gauche) La meilleure émancipation, c'est la formation, c'est lever les freins à l'emploi. Ce que nous avons fait, en augmentant le budget de France Travail pour l'accompagnement. Cette année, plus de 150 000 personnes devraient revenir vers l'emploi.
Il y a ceux qui réclament toujours plus d'aides, et ceux, comme nous, qui souhaitent toujours plus d'émancipation. (Protestations à gauche ; applaudissements sur les travées du RDPI)
Mme Corinne Féret. - Je conteste vos chiffres. La réalité quotidienne des fonctionnaires est tout autre. Vous avez oublié de parler de l'inflation... (Applaudissements sur les travées du groupe SER)
Le Gouvernement avait assuré que sa réforme de l'assurance chômage tiendrait compte de l'évolution du chômage ; il n'en est rien, alors que le chômage remonte.
M. Rachid Temal. - Où est l'argent ?
Mme Corinne Féret. - Combien de millions sont pris sur France Travail dans le cadre des 10 milliards d'euros d'économies annoncées ? Combien ? Dites-le ! (Applaudissements à gauche)
Narcotrafic à Rennes
M. Dominique de Legge . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Il y a dix jours, une heure de fusillade en plein coeur de Rennes, opposant deux bandes rivales de trafiquants de drogue. Cinq jours plus tard, près du paisible village de Coglès, une fusillade à l'arme lourde sur l'A84 : trois passagers, ensanglantés et armés, demandent secours dans le bourg.
Monsieur le ministre, je vous pose la question qui m'a été posée ce week-end par les habitants d'Ille-et-Vilaine : dans quel pays vivons-nous ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer . - Nous vivons dans un pays qui, depuis plus de quarante ans, a laissé la drogue investir les lieux publics, mais aussi les consciences, avec des débats irresponsables sur la légalisation. (M. Yannick Jadot lève les bras au ciel, M. Thomas Dossus se gausse.)
Nous vivons dans un pays où la drogue tue, faute d'avoir été contrecarrée par l'ordre républicain. Il y a des narco-États au sein même de l'Europe : avocats, hommes politiques, policiers sont menacés, parfois assassinés. Nous vivons dans un monde d'argent sale, où les drogues de synthèse ont explosé, au point que le fentanyl est la première cause de mortalité aux États-Unis. Si nous n'en sommes pas là en France, c'est grâce à notre police et à notre justice, qui se battent courageusement contre cette pieuvre qui sans cesse renaît.
L'Ille-et-Vilaine a gagné 150 agents des forces de l'ordre en six ans, 21 points de deal ont été supprimés à Rennes, avec 150 interpellations de plus que l'année précédente, les saisies ont quintuplé.
Les personnes blessées étaient connues, avec de multiples inscriptions au casier judiciaire pour trafic de stupéfiants.
Le travail inlassable de la police et de la gendarmerie dans votre département a obtenu des résultats, mais les trafics se poursuivent, depuis l'étranger - au Maroc, où nous avons récemment arrêté un très gros trafiquant, aux Émirats arabes unis - mais aussi depuis nos prisons.
Nous oeuvrons pour tâcher de laisser un autre pays à nos enfants, y compris en Ille-et-Vilaine. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; Mme Véronique Guillotin et M. Bernard Fialaire applaudissent également.)
M. Dominique de Legge. - Vous dites que le trafic de drogue remonte à quarante ans, mais depuis sept ans, qu'avez-vous fait ?
M. Gérald Darmanin, ministre. - Démagogique ! Combien de policiers supplémentaires ?
M. Dominique de Legge. - À force de tenir un discours dont on ne voit pas les résultats sur le terrain, la population n'a plus confiance en la parole publique. Le plus sûr moyen pour que les citoyens ne se désintéressent pas de la République, c'est de faire en sorte que la République les protège ! (« Bravo ! » et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Maîtrise du français dans le secondaire
M. Stéphane Demilly . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Nous célébrons la journée internationale de la francophonie. Le français, parlé sur les cinq continents, dans 112 pays, par 320 millions de personnes, est la cinquième langue mondiale, et la langue officielle des jeux Olympiques, avec l'anglais, depuis 1896.
Voilà pour le cocorico. Mais les cordonniers ne sont pas les mieux chaussés. Selon une étude du ministère de l'éducation nationale, 10 % des élèves du secondaire sont en grande difficulté de lecture, dont la moitié est en situation d'illettrisme.
Les 2,5 millions de Français illettrés connaissent de grandes difficultés d'insertion. Comment rédiger un chèque, lire un mode d'emploi, remplir un formulaire administratif, naviguer sur internet ? Ce handicap souvent invisible les rend dépendants et les exclut socialement.
Il est irresponsable de laisser entrer au collège ou au lycée un élève qui ne maîtrise ni la lecture ni l'écriture du français. Quelles mesures envisagez-vous pour endiguer cette réalité qui creuse les inégalités ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC)
Mme Nicole Belloubet, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse . - Je partage nombre de vos observations. La francophonie n'est pas qu'une organisation : le français est une langue vivante qui ne cesse de s'enrichir, partagée par tous. Pour cela, nous, Français, devons la maîtriser correctement. Cela suppose de renforcer les acquis à l'école et au collège. C'est l'objet du récent rapport des députés Genevard et Le Vigoureux.
À l'école, nous répondons à cet enjeu, dans sa diversité, par un travail quotidien sur l'écrit, l'oral, la syntaxe. Dès l'année prochaine sera instauré le quart d'heure de lecture. Des dispositifs d'accompagnement existent, comme « devoirs faits » ou les heures de soutien en français. La labellisation des manuels est à l'ordre du jour, tout comme la création des groupes en sixième et en cinquième, dans le cadre du choc des savoirs. Des évaluations nationales mesureront l'avancée de nos élèves.
La réécriture des programmes est en cours, pour la maîtrise complète de la langue, à l'oral, en lecture et en écriture. Les attendus de fin d'année seront précisés, avec le nombre et la longueur des textes à maîtriser. Le fonctionnement de la langue sera rappelé. Nous fixons un niveau d'exigence pour une maîtrise complète de la langue, qui offre une extraordinaire liberté, à condition d'en maîtriser les bases. (Applaudissements sur quelques travées du RDPI)
Zones à faibles émissions
M. Philippe Tabarot . - (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; MM. Jean-François Longeot et Alain Duffourg applaudissent également.) L'État ayant été condamné trois fois pour la pollution de l'air, Mme Pompili avait voulu généraliser à la hâte les zones à faibles émissions (ZFE), restreignant la circulation dans 43 agglomérations dès le 31 décembre 2024.
Si l'objectif était louable, le Sénat préconisait de desserrer l'étau.
Hier, en conférence de presse, monsieur le ministre, vous avez résolu la menace : plus de pollution venant du port de Marseille ou des industries rouennaises. Comment passe-t-on comme par magie à un air frais et pur, en quelques mois ? D'une interdiction massive à une liberté de circulation sur tout le territoire, en un claquement de doigts ?
Votre décision ne s'explique-t-elle pas surtout par l'asphyxie financière du pays ? Leasing social avorté, bonus écologique raboté, financement des transports en commun non pérenne, rabot de 2 milliards sur la mission « Écologie »... Le Gouvernement manque de moyens pour accompagner les Français dans la transition que vous leur imposiez.
Si vous avez effacé l'ardoise pour la plupart des territoires, quel soutien apportez-vous aux 900 000 automobilistes de Paris et de Lyon qui devront envoyer leur voiture à la casse, en Afrique ou en Europe de l'Est ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires . - Vous nous aviez expliqué que 43 ZFE, c'était trop, qu'il fallait tenir compte de l'amélioration tendancielle de la qualité de l'air. J'ai le sentiment que vous me reprochez presque d'être passé à seulement deux ZFE ! Nous avons écouté, entendu, sans nous braquer sur les modalités.
Lors de cette conférence de presse, j'ai révélé les chiffres de 2023 qui montrent une amélioration de 46 % de la qualité de l'air sur cinq ans, au point que seuls deux territoires dépassent encore les seuils.
Réjouissons-nous de cette amélioration tendancielle, qui tient aussi à l'électrification d'une partie du parc et à la pratique du vélo. (M. Jean-François Husson indique que cette part est faible.)
En 2023, un million de véhicules Crit'Air 3, 4, 5 et non classés sont sortis du parc. Les 1,5 milliard d'euros que nous y avons dédiés ont joué.
Vous redoutiez que le leasing ne favorise les importations chinoises : nous avons restreint le dispositif aux véhicules français et européens et capé les aides aux 50 000 premiers véhicules. (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains) Je m'attendais à ce que vous vous réjouissiez que j'aie résolu quatre des sept articles de votre proposition de loi du 7 juillet ! Je repasserai pour les remerciements : l'essentiel est que nous avancions dans la même direction. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées du groupe INDEP)
M. Emmanuel Capus. - Excellent !
M. Philippe Tabarot. - Vous étiez un roi de la communication, monsieur le ministre : vous êtes désormais un as de la magie ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Moyens pour les CRA
M. Christophe Chaillou . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Après l'ouverture d'un nouveau centre de rétention administrative (CRA) à Olivet, un sentiment d'impréparation domine, le Loiret étant sous-doté en policiers, magistrats, greffiers et médecins. Dans ce contexte difficile, la montée en puissance rapide du centre inquiète.
Il faut pourvoir rapidement tous les postes et accompagner les personnels, souvent de jeunes policiers sortis d'école, alors que les personnes retenues présentent des profils de plus en plus difficiles.
Au-delà d'Olivet, ces structures mobilisent des moyens humains et financiers considérables au regard de l'effectivité des mesures d'éloignement. La Contrôleure générale des lieux de privation de liberté a alerté l'an dernier à ce sujet. Il faut s'interroger sur le fonctionnement de ces centres et le sens que nous leur donnons, dans le respect des principes fondamentaux de notre République.
La trajectoire établie par la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (Lopmi), plus de mille places supplémentaires en CRA, est-elle réaliste ? Améliorera-t-elle les conditions d'exercice des policiers et magistrats et la prise en charge des personnes retenues dans le respect de leurs droits fondamentaux ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER)
M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer . - Je remercie le groupe socialiste pour son soutien à la Lopmi. (Murmures sur les travées du groupe SER) Le vote par le groupe socialiste d'un texte du ministère de l'intérieur est assez rare pour que je m'en souvienne...
M. Rachid Temal. - On est exigeant !
M. Gérald Darmanin, ministre. - Ce texte prévoit de doubler d'ici 2027 les places en CRA, structures créées par un gouvernement socialiste. J'ai annoncé en octobre dernier les sites retenus, dont Olivet. Certaines constructions sont déjà terminées. J'inaugurerai dans quelques jours le centre d'Olivet.
Pourquoi la rétention est-elle importante ?
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Ce n'est pas la question !
M. Gérald Darmanin, ministre. - Nous avons changé de stratégie : nous n'y plaçons que des personnes posant un problème d'ordre public. Depuis la récente loi Immigration - que, pour le coup, vous n'avez pas votée... -, les mineurs ne peuvent plus y être placés.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Nous avons voté cette mesure.
M. Gérald Darmanin, ministre. - Pour les magistrats comme pour les policiers, le travail est rendu plus difficile par la dangerosité des personnes retenues, qui attendent leur éloignement sous l'autorité du juge de la liberté et de la détention. Nous expulsons trois fois plus les personnes placées en CRA que celles qui ne le sont pas.
C'est pourquoi je vous remercie d'avoir voté le texte qui prévoit 3 000 places dans ces centres. (Applaudissements sur des travées du RDPI)
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Et la question ?
M. Christophe Chaillou. - Vous n'avez pas répondu à ma question sur les moyens pour le fonctionnement de ces centres.
Vous serez le bienvenu dans le Loiret, où vous avez annoncé, le 1er janvier dernier, dix policiers supplémentaires à Montargis - que nous attendons toujours.
On peut communiquer, inaugurer, mais il faut des moyens pour que les choses fonctionnent ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. Martin Lévrier applaudit également.)
Sécheresse dans les Pyrénées-Orientales
Mme Lauriane Josende . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Monsieur le ministre de la cohésion des territoires, la sécheresse historique dans les Pyrénées-Orientales est un véritable drame. Élus, habitants et acteurs économiques disent leur colère, proposent des solutions, innovent, se battent pour surmonter cette crise climatique. Mais rien ne bouge.
Samedi dernier, 4 000 personnes ont manifesté contre un projet de golf à Villeneuve-de-la-Raho, largement approuvé par les autorités ; certains manifestants menacent de « zadiser » notre territoire.
Depuis des mois, nous attendons de l'État un message d'espoir, notamment la nomination d'un préfet de l'eau en Occitanie. Or ce futur préfet sera chargé de la gestion de l'eau sur le bassin Adour-Garonne. Quelle déception ! On nous explique que nos départements littoraux dépendent du préfet d'Auvergne-Rhône-Alpes, une autre région que la nôtre... Est-ce à dire que nous allons enfin bénéficier de l'eau du Rhône, alors que le tuyau s'arrête aujourd'hui à Narbonne ?
Cette sécheresse est inédite : à situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles. Vous engagerez-vous personnellement pour que l'eau du Rhône soit acheminée jusque dans les Pyrénées-Orientales ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Vincent Capo-Canellas applaudit également.)
M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires . - Comme chaque année au début du printemps, nous avons présenté l'état des nappes phréatiques. Il y a un an, les trois-quarts des nappes étaient sous les normales de saison ; cette année, un tiers seulement.
Mais certaines situations sont préoccupantes, dont celle de votre département : 90 % de déficit d'humidité des sols, presque pas une goutte depuis juin 2022. Je rends hommage à tous les élus et responsables des Pyrénées-Orientales, qui font front. La consommation d'eau potable a diminué de 30 % l'été dernier dans la communauté urbaine de Perpignan. Quand on sait que ce territoire vit du tourisme et de l'agriculture, on mesure l'effort.
Je serai demain dans votre département pour le salon des maires. Lors d'une séance de travail sur l'eau, je reviendrai sur les nombreux sujets soulevés par les élus et la chambre d'agriculture : canaux, fuites, réutilisation des eaux usées et votre question structurante, à un demi-milliard d'euros - vous comprendrez que l'hémicycle du Sénat ne se prête pas à une annonce de ce type.
Je viens sur place dans l'intention de dialoguer avec les élus et de valoriser les six projets de retenue et de réutilisation autorisés ces derniers mois à leur demande. Je viens pour tracer un chemin et apporter des réponses exceptionnelles. (MM. François Patriat et Thani Mohamed Soilihi applaudissent.)
Mme Lauriane Josende. - Nous échangerons avec les élus demain, et vous prendrez la température. Nous n'avons pas besoin de mesurettes ni d'effets d'annonce, mais d'un engagement fort. Commençons par le commencement : nul n'imagine que le tuyau se fera en un jour, mais engagez-vous à ce que l'acheminement des eaux du Rhône soit au moins mis à l'étude. Montrons que l'action publique sert encore à quelque chose ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Émilienne Poumirol et M. Jean-Marc Vayssouze-Faure applaudissent également.)
France Ruralités Revitalisation
Mme Françoise Dumont . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le 1er juillet prochain, les zones de revitalisation rurale seront remplacées par un nouveau dispositif, France Ruralités Revitalisation (FRR). Mais ce passage de relais pose de nombreuses difficultés. Ainsi, dans le Var, si trente communes seront incluses dans FRR, treize petites communes seront en sortie sèche, donc sans solution. De tels cas existent partout en France.
Il y a quelques jours, l'Association des maires de France (AMF) a proposé un moratoire ouvert à toutes les communes, à l'image de celui admis par l'État en Saône-et-Loire. Comment le Gouvernement accompagnera-t-il les communes sortantes ? Est-il prêt à donner suite à la proposition de l'AMF ? Nos maires attendent des réponses ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires . - Je vous prie d'excuser l'absence de Dominique Faure, en déplacement outre-mer. (On feint la déception à droite.)
Il y a eu plusieurs épisodes. D'abord, sur l'initiative de sénateurs de tous bords, il a été décidé que le nouveau dispositif conserverait 17 700 communes. Je salue l'engagement du Sénat sur ce sujet.
Dans le Var comme ailleurs, il y a des communes entrantes et quelques sortantes. Comme chaque fois qu'il y a des effets de seuil, nous avons prévu un suivi individualisé et des possibilités de rattrapage. Je pense à Vinon-sur-Verdon, commune isolée au sein d'un EPCI zoné mais à cheval sur deux départements. Nous nous efforçons de répondre aux situations de ce type.
Un département, la Saône-et-Loire, a fait l'objet d'un moratoire, compte tenu des dizaines de communes concernées. La décision a été prise par le Premier ministre, qui suit personnellement cette question. Dans le Var, une dizaine de communes sont concernées : nous examinons leur situation de très près.
La discussion avec l'AMF se poursuit, et Dominique Faure sera ravie de redevenir votre interlocutrice sur ce sujet.
Mme Françoise Dumont. - Comme souvent, le Sénat a eu raison trop tôt. Notre collège Rémy Pointereau avait proposé un zonage par commune, mais vous avez choisi un zonage par intercommunalité et bassin de vie, inadapté car il suffit d'une commune riche pour sortir tout un ensemble du dispositif. Il faut repêcher l'ensemble des communes laissées sur le bord du chemin. N'inventez pas le zonage rural sans les communes rurales ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Pierre-Alain Roiron et Mme Marie-Claude Varaillas applaudissent également.)
La séance est suspendue à 16 h 20.
Présidence de M. Alain Marc, vice-président
La séance reprend à 16 h 30.
CMP (Nominations)
M. le président. - Des candidatures pour siéger au sein des commissions mixtes paritaires chargées d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à adapter le droit de la responsabilité civile aux enjeux actuels et de la proposition de loi visant à soutenir l'engagement bénévole et simplifier la vie associative ont été publiées.
Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n'a pas reçu d'opposition dans le délai d'une heure prévu par notre Règlement.
Justice patrimoniale au sein de la famille (Procédure accélérée)
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à assurer une justice patrimoniale au sein de la famille, à la demande du groupe UC.
Discussion générale
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice . - Je suis heureux que le Sénat examine cette proposition de loi, adoptée à l'unanimité par l'Assemblée nationale en janvier dernier. Son inscription à votre ordre du jour démontre notre engagement commun contre les violences conjugales. J'en remercie chaleureusement Hervé Marseille, Isabelle Florennes et l'ensemble des sénateurs du groupe UC.
La lutte doit être menée non seulement sur le plan du droit pénal, mais aussi patrimonial et fiscal, qui semblent a priori éloignés. Il faut effectivement combler une grave carence des régimes matrimoniaux. Je veux dire à tous les pseudo-sachants, juristes de pacotille, qui disaient, avec l'arrogance qui sied aux ignorants, que cette proposition de loi était inutile, qu'ils se trompent lourdement.
Il fallait combler une lacune : un époux meurtrier peut bénéficier de la clause d'attribution intégrale de la communauté qui lui octroie l'ensemble des biens communs. C'est un comble - avec trois points d'exclamation !
C'est insupportable et injuste. Un époux meurtrier ne doit jamais tirer bénéfice de son crime. Je salue donc l'initiative du député Hubert Ott, coconstruite entre l'Assemblée nationale, le Sénat et la chancellerie.
L'article 1er crée le nouveau régime juridique de la déchéance matrimoniale, parfaitement distinct de celui de l'indignité successorale et de l'ingratitude. En effet, les problématiques du couple sont différentes de celles de la succession et du droit des libéralités. La navette a renforcé la protection des victimes.
En France, ces dernières années, et particulièrement ces derniers mois, nous avons bel et bien été au rendez-vous des violences intrafamiliales (VIF). Aujourd'hui, vous mettrez un terme, je l'espère, à une aberration de notre droit, pour qu'il n'y ait plus jamais de prime au crime. (Applaudissements)
M. Thomas Cazenave, ministre délégué chargé des comptes publics . - Lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2024, nous avions examiné des amendements sur la décharge de responsabilité solidaire (DRS) : à cette occasion, je m'étais engagé à y travailler. C'est chose faite, et je salue le travail collectif des députés Perrine Goulet, Hubert Ott et de la sénatrice Isabelle Florennes.
En l'état actuel du droit, 200 demandes de DRS ont lieu chaque année, dont la moitié est refusée dès lors qu'il n'y a pas de disproportion marquée entre le patrimoine et la dette fiscale. Un conjoint doit donc parfois rembourser une dette fiscale contractée à son insu - souvent l'épouse, même si elle n'y est pour rien. C'est une double peine.
L'Assemblée nationale a prévu une décharge gracieuse de la dette fiscale pour la victime. Je prends trois engagements. D'abord, cette procédure complémentaire sera appréciée indépendamment de toute disproportion marquée entre patrimoine et dette fiscale.
Deuxièmement, l'administration fiscale tiendra compte de l'origine des revenus frauduleux, souvent découverts par la victime. Il est injuste que le conjoint rembourse des dettes dont il n'avait pas connaissance.
Troisièmement, la situation individuelle sera prise en compte, dont les violences, la séparation, le non-versement de la prestation compensatoire.
Je prends ces engagements devant vous avec solennité, pour faire avancer la cause des femmes. (Mme Laure Darcos applaudit.)
Je m'engage à ce que les biens acquis avant le mariage ou par héritage ne soient pas recherchés pour la DRS et la décharge gracieuse de la dette fiscale. Je travaillerai à traduire ces engagements dans la doctrine fiscale opposable à l'administration.
De plus, la nouvelle procédure de décharge gracieuse sera applicable rétroactivement, afin de répondre aux victimes actuelles pour lesquelles la DRS n'est pas une solution. Le Gouvernement présentera un amendement.
D'ici au prochain projet de loi de finances, nous pourrons apprécier la conformité du texte à notre intention exprimée aujourd'hui.
La lutte contre les violences faites aux femmes et une priorité depuis sept ans.
Depuis sept ans, les avancées se sont multipliées, dont l'inscription de l'IVG dans la Constitution. Mais il reste du chemin : la solidarité fiscale ne doit plus être un fardeau pour les femmes.
Cette proposition de loi conjugue fiscalité et égalité. Mettons fin à un monde dans lequel un homme qui tue sa femme peut récupérer l'ensemble de ses biens. C'est une avancée majeure au service des droits des femmes. (Applaudissements sur les travées du RDPI et du groupe UC, ainsi que sur plusieurs travées du RDSE et des groupes INDEP et Les Républicains)
Mme Isabelle Florennes, rapporteure de la commission des lois . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur plusieurs travées du groupe Les Républicains ; Mme Laure Darcos et M. Hussein Bourgi applaudissent également.) N'usurpant pas son intitulé, cette proposition de loi fait oeuvre de justice.
La commission des lois s'est attachée à sécuriser juridiquement le texte, élargissant et pérennisant l'irrévocabilité de la clause d'exclusion des biens professionnels à l'article 1er bis. Notre rédaction robuste répondra ainsi à l'attente des justiciables et des professionnels du droit.
La commission a aussi supprimé des dispositifs excédant l'intention poursuivie par le texte, comme la précision, adoptée par l'Assemblée nationale, selon laquelle, en cas de déchéance des avantages matrimoniaux, toute clause stipulant l'apport à la communauté de biens propres de l'époux défunt est réputée non écrite. Remettant en cause le droit de propriété de l'époux déchu sur des biens dont il jouit déjà, une telle disposition serait complexe et sa constitutionnalité incertaine.
La commission a complété le dispositif sur l'emprise, supprimant la disposition de « pardon » et étendant à tous les cas de déchéance l'obligation pour l'époux déchu de rendre les fruits de l'avantage matrimonial dont il a eu la jouissance depuis la dissolution du régime.
Elle a assoupli les conditions d'octroi de la DRS et supprimé des exceptions au principe d'une décharge totale.
Une avancée notable issue des travaux de la commission est la décharge à titre gracieux, qui doit permettre à l'administration fiscale de tenir compte du cas de femmes qui, bien que solvables, ne peuvent se voir demander de rembourser la dette fiscale contractée par leur conjoint, du fait de violences ou de la fraude de celui-ci.
J'ai écouté, monsieur Cazenave, vos engagements, notamment en matière de doctrine administrative. Vos réponses étaient très attendues pour rassurer les victimes. Je vous en remercie.
Ne nous exposons pas au risque d'inconstitutionnalité, ni à celui de créer des attentes déçues. Le sujet est trop grave pour faire preuve de légèreté.
Si des ajustements législatifs sont envisageables, je souligne le rôle de l'administration fiscale dans l'appréciation au cas par cas de la situation de chacun des demandeurs. Je fais confiance à ses agents et à notre assemblée pour contrôler la mise en oeuvre future. La confiance n'exclut pas le contrôle. (M. Thomas Cazenave sourit.)
Chers collègues je vous demande d'adopter cette proposition de loi de Hubert Ott et Perrine Goulet, que je salue. Je remercie le groupe UC d'avoir inscrit ce texte à l'ordre du jour. (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; Mme Elsa Schalck applaudit également.)
M. Michel Masset . - Cette proposition de loi est très attendue par les associations et les syndicats de notaires.
Il est bien question de justice avec ce texte, qui améliore sensiblement la situation des personnes liées par un mariage ou un Pacs. Je félicite les députés, qui ont adopté cette proposition de loi à l'unanimité, et je remercie la rapporteure.
Nous ne contestons pas l'article 1er sur le fond, car le droit positif conduit à une situation intolérable et ubuesque. Nous avons renforcé cette disposition urgente et nécessaire pour prémunir les victimes d'une situation d'emprise. La fin de la prime au crime était impérative.
La suppression de l'article 1er bis A a été expliquée par la rapporteure : il est satisfait et il créerait une charge disproportionnée sur l'époux survivant.
L'article 1er bis, ajouté par les députés, a fait l'objet d'un consensus au sein de la commission des lois. Cet article, attendu par la Cour de cassation, va dans le bon sens, mais il aurait été possible d'aller plus loin. Multiplier les exceptions à la révocabilité des clauses matrimoniales ne nous exonérera pas de revoir l'article 265 du code civil.
La DRS, mentionnée aux articles 2 et 2 bis, est encore une fois une exigence de justice. La solidarité fiscale des époux ou des personnes liées par un Pacs peut faire des victimes, principalement les femmes. Elles seront en théorie mieux protégées. L'ajout de la commission vise à renforcer la protection des époux, lorsque l'un d'eux a eu un comportement répréhensible envers l'administration fiscale, en supprimant des exemptions à la décharge de paiement. Cette mesure est juste, d'autant que la victime se retrouve souvent seule à devoir assumer les charges parentales.
Eu égard aux avancées importantes de ce texte, le RDSE votera ce texte à l'unanimité. (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe INDEP, Mmes Isabelle Florennes et Nadia Sollogoub applaudissent également.)
Mme Patricia Schillinger . - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Alors que la lutte pour l'égalité entre les femmes et les hommes et contre les violences conjugales fait partie de nos priorités, il demeure certains archaïsmes particulièrement préjudiciables aux victimes de violences conjugales, très majoritairement des femmes pour 81 %, alors que 84 % des auteurs sont des hommes.
Les décès de ces femmes sont une réalité insupportable, mais le régime matrimonial y reste étonnamment indifférent. Le conjoint meurtrier peut bénéficier des biens de son épouse décédée. Le crime ne paie pas, dit-on : il était plus que temps. Je salue l'action de Hubert Ott.
Cette proposition de loi prévoit la déchéance des avantages patrimoniaux, largement inspirée de l'indignité successorale. L'Assemblée nationale a créé l'article 1er bis, avec la clause d'exclusion des biens professionnels.
L'article 2 traite du cas des contribuables obligés de rembourser des dettes fiscales. La mise en oeuvre du principe de solidarité fiscale fragilise la situation de la personne injustement redevable. Aussi, le texte assouplit les conditions dans lesquelles le conjoint victime peut bénéficier d'une DRS ou d'une décharge gracieuse.
En commission des lois, Isabelle Florennes, dont je salue le travail, a sécurisé le texte. Les modifications au dispositif de déchéance des avantages matrimoniaux vont dans le bon sens, comme l'élargissement de la DRS et les exceptions au principe d'une décharge totale. Toutefois, nous émettons des doutes quant à l'efficacité de ce dernier dispositif.
Ce texte dépasse les appartenances partisanes. Il vise au respect des valeurs de liberté et d'égalité, au coeur du pacte républicain. Il est aussi l'occasion de réaffirmer notre condamnation des violences intrafamiliales (VIF). Le RDPI le votera. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées des groupes UC et Les Républicains ; M. Michel Masset applaudit également.)
M. Hussein Bourgi . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) La solidarité fiscale est fondamentale. Cependant, lors d'un divorce, de la dissolution d'un Pacs ou du décès d'un conjoint, elle peut accentuer les inégalités. La dette fiscale peut alors peser injustement sur l'ex-conjoint, des femmes dans 80 % des cas, ce qui suscite alors une violence inouïe. Chaque année, des femmes sont surendettées, voire spoliées. Hélas, notre arsenal juridique est incomplet.
Alors que notre droit a progressivement été complété contre les VIF, il est insatisfaisant pour les régimes matrimoniaux. Une personne ayant tué son conjoint peut ainsi bénéficier d'un avantage matrimonial. Quelle ineptie, quel scandale, quelle immoralité ! L'assassin peut ainsi vider la succession. C'est là un angle mort de notre législation.
Face à ces injustices, notre droit a évolué, trop lentement. La loi de finances pour 2008 a ainsi créé la DRS, mais elle est difficile à obtenir, en raison d'une interprétation restrictive de l'administration fiscale. Les ex-époux se heurtent à la citadelle déshumanisée de Bercy. (Mme Françoise Gatel s'en amuse ; M. Thomas Cazenave proteste.)
Monsieur le ministre des comptes publics, je veux croire que vos propos valent engagement.
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. - Oui.
M. Hussein Bourgi. - Les pénalités et les majorations relèvent parfois de l'usure.
Cette proposition de loi a pour objet d'y remédier.
L'article 1er révoque l'avantage matrimonial dans certains cas précis, notamment lorsqu'un époux attente à la vie de son conjoint ou lui fait subir des sévices. Notre groupe soutient cette mesure.
Je tiens à saluer le travail d'Isabelle Florennes, qui a supprimé la notion de pardon. En effet, la société ne saurait pardonner au bourreau, lequel, au nom de la morale, ne doit pas bénéficier de certains avantages matrimoniaux.
Nous approuvons la suppression de l'article 1er bis A, dont la rapporteure a démontré les difficultés constitutionnelles et les conséquences coûteuses.
Nous saluons l'article 2, qui modifie l'encadrement de la DRS.
Cette proposition de loi répond concrètement aux injustices dont sont victimes les femmes. Je forme le voeu qu'elle soit adoptée à une large majorité. Le groupe SER votera cette initiative parlementaire.
Je salue les femmes et les hommes, victimes des insuffisances de notre droit, qui ont su se reposer sur leur expérience et sur leurs avocats : ils ont éclairé le législateur. J'espère que nous serons dignes et à la hauteur de leurs attentes. (Applaudissements)
Mme Elsa Schalck . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Cette proposition de loi s'inscrit dans la lignée de notre combat commun pour faire de l'égalité entre les femmes et les hommes une réalité. Elle rectifie des situations aussi incompréhensibles qu'intolérables.
Est-il concevable qu'une personne qui tue son conjoint bénéficie des avantages du contrat de mariage ? Non, évidemment. Pourtant, la législation ne l'empêchait pas. Le crime ne saurait payer. Ce texte comble donc un vide juridique. Je salue le travail du député alsacien Hubert Ott, et celui d'Isabelle Florennes, qui ont renforcé la portée du texte.
Ainsi, avec l'article 1er, la déchéance matrimoniale serait automatique pour un l'époux ayant donné la mort à son conjoint et facultative dans certains cas - torture, viol par exemple.
L'article 1er bis règle une difficulté d'application sur l'irrévocabilité des clauses d'exclusion des biens professionnels.
L'article 2 répond aux difficultés du paiement de la dette d'impôt sur le revenu. La DRS existe depuis 2008, mais, malheureusement, les conditions pour faire jouer ce mécanisme rendent sa mise en oeuvre difficile : 75 % des demandes - formulées à 90 % par des femmes - ont été rejetées entre 2014 et 2022. Même après la loi de finances pour 2022, qui l'assouplit, on reste à 59 % de demandes rejetées. Il nous faut y répondre, surtout lorsque les conjoints doivent vendre leur patrimoine pour régler une dette dont ils ne sont pas responsables.
Je salue les engagements pris par le ministre. Nos amendements au projet de loi de finances pour 2024 n'avaient pas été retenus après le 49.3. J'espère qu'ils recevront aujourd'hui un avis favorable du Gouvernement.
Je salue l'engagement des associations qui oeuvrent contre cette violence tant économique que psychologique.
Le groupe Les Républicains votera le texte ainsi modifié, qui met fin à des injustices insupportables. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)
Mme Laure Darcos . - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, ainsi que sur quelques travées du groupe UC) Cette proposition de loi, technique, tend à remédier à une anomalie et à une injustice non traitée par le droit actuel.
Elle concerne des situations difficiles et intolérables qui ne sont pas isolées. Au-delà de l'indignité successorale et de l'ingratitude, notre droit reste silencieux sur la déchéance d'un avantage matrimonial en cas de meurtre de l'un des époux.
Aussi, je me réjouis que l'article 1er crée un dispositif de déchéance des avantages matrimoniaux, tout comme de l'apport de l'article 2, qui porte sur l'endettement de l'ancien conjoint. On ne fera plus peser une charge financière inique sur l'ex-conjoint, surtout des femmes.
Il faut encadrer l'appréciation par l'administration fiscale de la situation patrimoniale lorsque l'ex-époux sollicite la DRS. Malgré un assouplissement en 2022, le nombre de refus reste élevé. Je proposerai un amendement visant à ce que le patrimoine acquis avant la date du mariage, ou par succession ou donation, ne soit pas concerné.
J'entends les réserves de la commission des lois, mais gardons à l'esprit le contexte de la DRS, avec, souvent, des disproportions de revenus entre les époux. Il est injuste de demander à des femmes dans une grande précarité d'apurer les dettes. Le droit fiscal doit se rapprocher du droit matrimonial. J'espère que nos amendements recevront un avis favorable du Gouvernement.
Cette proposition de loi tend à remédier à des situations choquantes. Très sensible à l'égalité, à la lutte contre les violences faites aux femmes, mais aussi à la justice fiscale, le groupe Les Indépendants votera ce texte à l'unanimité. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme Dominique Vérien . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains) Cela peut paraître surprenant, mais on peut tuer son conjoint et en hériter : l'avantage matrimonial permet au conjoint survivant d'obtenir une partie du patrimoine du conjoint décédé, l'intégralité en cas de régime de communauté universelle.
L'article 1er corrige cette situation en créant une déchéance matrimoniale sous certaines conditions. (M. Éric Dupond-Moretti acquiesce.) Ce dispositif, pleinement justifié, a été amélioré par notre rapporteure, pour tenir compte des situations d'emprise - une avancée supplémentaire contre les VIF.
Le texte encadre mieux les conséquences d'une séparation. Les époux et partenaires de PACS sont soumis au principe de solidarité fiscale, selon lequel chacun peut être tenu responsable des dettes fiscales de son partenaire ce qui, en cas de séparation, est souvent générateur d'injustices, surtout pour les femmes - celles qui élèvent seules leurs enfants subissent une réduction de 25 % de leur niveau de vie contre 3 % pour les hommes, souvent propriétaires de leur logement.
La dépendance financière aggrave encore la situation, poussant les femmes à rester au domicile conjugal malgré les VIF. Mais j'ai bien noté les propos du ministre des comptes publics. Je l'en remercie.
L'article 1er bis sécurise les causes d'exclusion des biens professionnels - dispositions caduques au moment du divorce, selon la jurisprudence de la Cour de cassation.
L'article 2 améliore l'applicabilité de la DRS : c'était absolument nécessaire, car les décharges sont encore trop peu nombreuses. Or les refus sont très mal vécus, notamment lorsque le trésor public réclame des dettes à l'issue de manoeuvres frauduleuses. Là encore, j'ai entendu les engagements du ministre des comptes publics. Dès lors, je n'ose imaginer d'avis autres que favorables à mes amendements à ce sujet... (M. Éric Dupond-Moretti s'en amuse.)
Le groupe UC, fier d'avoir repris ce texte dans son espace réservé, le votera. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP)
Mme Mélanie Vogel . - (Applaudissements sur les travées du GEST) Le couple, en particulier le couple hétérosexuel, est pour les femmes un lieu rempli de risques. (Mouvements sur les travées du groupe UC)
Mme Évelyne Perrot. - Ils ne sont pas tous désagréables !
Mme Mélanie Vogel. - Je sais que cela vous perturbe... (On le réfute sur les mêmes travées.) Mais c'est un fait.
Risques de violences, d'abord. Les femmes représentent 80 % des victimes de violences sexuelles au sein des couples hétérosexuels. Neuf victimes sur dix connaissent leur agresseur - conjoint ou ex-conjoint dans 45 % des cas.
Violence économique, ensuite. Les femmes sont les grandes perdantes du couple hétérosexuel : les écarts de revenu passent de 9 % entre célibataires à 42 % entre époux hétérosexuels.
Le divorce entraîne une perte de niveau de vie de 27 % pour les femmes, 2 % pour les hommes. Pire encore : les hommes peuvent bénéficier des crimes machistes qu'ils commettent. (Marques d'agacement sur les travées du groupe UC)
M. Jean-Michel Arnaud. - Justement !
Mme Mélanie Vogel. - La proposition de loi du député Ott, que je remercie, apporte sa pierre à l'édifice.
Nous soutenons la proposition sur l'héritage, que nous défendons avec les associations féministes depuis longtemps.
Sans malice, je rappelle que nous avons adopté des amendements sur la DRS dans la loi de finances pour 2024. J'espère de la cohérence.
L'article 1er bis reste problématique. Le mariage précarisant les femmes et enrichissant les hommes, il faut que les femmes conservent le plus de choix au moment du divorce. C'est ce que Titiou Lecoq appelle la théorie du pot de yaourt vide : l'homme achète la voiture, pendant ce temps la femme fait les courses. À la fin, il reste à l'homme une voiture et à la femme, des pots de yaourt vides.
Naturellement, notre groupe votera ce texte. J'espère comprendre pourquoi mes propos ont perturbé certains d'entre vous... (Applaudissements sur les travées du GEST)
M. le président. - Nous ne sommes jamais perturbés, au Sénat ! (Sourires)
M. Pascal Savoldelli . - « À la Mairie, quand vous vous mariez, il n'y a personne qui se lève pour vous informer que vous serez solidaire fiscalement des dérapages de l'autre, et cela même après votre divorce. » Ces lignes sont celles du collectif des femmes divorcées victimes de la solidarité fiscale, dont je salue la présence à la tribune : elle nous honore et nous oblige. (Applaudissements)
La solidarité fiscale est pertinente pendant le mariage ou le Pacs, mais à la séparation, elle crée des injustices. En cas de séparation, l'ex-conjoint doit la rembourser jusqu'au dernier euro - pénalités et indemnités de retard comprises ! Les femmes, souvent, se retrouvent alors dans l'angoisse.
La DRS, longue, coûteuse et incertaine, vous laisse en proie à une administration compétente, mais qui statue dans le silence de la loi. Que dire de la situation d'une femme sommée de rembourser 800 000 euros alors qu'elle est boursière ? Ou de Mme A, dans le Val-de-Marne, trois enfants, dont les seuls revenus sont l'allocation aux adultes handicapés (AAH) et l'aide personnelle au logement (APL), mais dont le tort est de ne pas réclamer la pension alimentaire qui ne lui est pas versée ? Résultat : elle doit payer 8 303 euros et 20 centimes !
Le groupe CRCE-K n'a jamais caché son ambition d'accroître l'imposition du capital, car l'impôt est consenti lorsqu'il est juste et légitime. Mais, monsieur le ministre, les ex-conjointes devant s'acquitter des dettes frauduleuses ne sauveront pas les finances publiques.
Nous débattrons des articles 2 et 2 bis, que nous voterons. Le Sénat doit réitérer son vote lors du projet de loi de finances pour 2024.
L'article 1er bis, présenté comme consensuel, exclurait les biens professionnels du calcul de la créance de la participation due par le conjoint qui s'est le plus enrichi pendant le mariage. Non seulement il revient sur un arrêt de la Cour de cassation, mais il est défavorable aux intérêts des femmes et favorable à ceux des entreprises.
Or le patrimoine professionnel est le plus discriminant : les 1 % les plus riches en détiennent 66 % - on ne parle pas des petits commerçants... L'accumulation du patrimoine est genrée, et l'union matrimoniale accroît les inégalités entre les sexes. Nous demanderons donc la suppression de cet article.
Nonobstant ces réserves, nous voterons cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K)
M. Guillaume Chevrollier . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Cette proposition de loi votée à l'unanimité de l'Assemblée nationale modifie notamment l'article 1527 du code civil pour exclure du bénéfice des avantages matrimoniaux un époux ayant commis des violences à l'encontre de son conjoint, voire s'étant rendu responsable de sa mort.
Par ailleurs, elle adapte l'article 1691 bis du code des impôts, seul levier d'action des victimes de la solidarité fiscales - le plus souvent des femmes - mais difficile à actionner, car il faut être en règle fiscalement, être effectivement séparé de son ex-conjoint et ne pas pouvoir payer la dette fiscale de celui-ci. Résultat : seules 25 à 40 % des demandes de DRS sont acceptées.
Ces dispositions sont bienvenues. Chaque année, 321 000 femmes seraient victimes de violences physiques, sexuelles et psychologiques commises par leur conjoint ou ex-conjoint. Ancien membre de la délégation sénatoriale aux droits des femmes, j'y suis particulièrement sensible.
En France, il y a en moyenne, depuis 2010, 425 000 séparations chaque année. Il faut en tenir compte.
La commission des lois a pris en compte le phénomène d'emprise.
L'arsenal juridique contre les violences conjugales est ainsi consolidé, même s'il reste beaucoup à faire. Le groupe Les Républicains votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC ; M. Éric Jeansannetas applaudit également.)
Discussion des articles
Article 1er
M. le président. - Amendement n°15, présenté par M. Savoldelli et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky.
Alinéa 12
Rétablir cet alinéa dans la rédaction suivante :
« Art. 1399-6. - Lorsqu'un époux est déchu du bénéfice des clauses de la convention matrimoniale dans les conditions précisées à l'article 1399-1, est réputée non écrite toute clause de la convention matrimoniale stipulant l'apport à la communauté de biens propres de l'époux défunt. »
M. Pascal Savoldelli. - Nous proposons de rétablir la disposition supprimée en commission prévoyant de déchoir de ses droits toute personne ayant commis des violences sur son conjoint.
Une femme meurt sous les coups de son conjoint tous les trois jours. Chaque heure, les forces de l'ordre interviennent 38 fois pour violences conjugales. Un quart des femmes victimes avaient porté plainte ou déposé une main courante. D'après l'historienne Christelle Taraud, « les violences faites aux femmes font partie d'un continuum. Dans la société, le meurtre physique est préparé par toute une série de discours, de dispositifs et d'institutions. »
Il faut traiter le phénomène de l'emprise : la femme apporte un bien immobilier parce qu'elle pense que c'est normal, que la situation va changer... Mais quand elle est tuée par son conjoint, il est trop tard ! Les arguments juridiques ne doivent pas nous empêcher de voter cet amendement.
Mme Isabelle Florennes, rapporteure. - Nous avons sécurisé le dispositif. Un tel rétablissement serait problématique : la déchéance serait appliquée à des biens sur lesquels le mis en cause a des droits de propriété, ce qui constituerait une atteinte moins proportionnée. Cela remettrait en cause la chaîne de propriété en invalidant a posteriori des contrats formés entre les époux et des tiers. Il paraît hasardeux de légiférer ainsi, compte tenu des risques de censure du Conseil constitutionnel. Il faudrait un travail législatif à part entière, en lien avec la chancellerie, dans un véhicule dédié. Avis défavorable.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. - Pour les mêmes raisons, avis défavorable. Je comprends l'intention, louable, mais vous apportez de l'insécurité, ce qui est l'inverse de notre objectif commun.
L'amendement n°15 n'est pas adopté.
L'article 1er est adopté.
Après l'article 1er
M. le président. - Amendement n°25, présenté par Mme Rossignol et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Après l'article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai d'un an après la promulgation de la présente loi, un rapport relatif à la lutte contre les inégalités matrimoniales tant dans le cadre du mariage que dans le cadre de la rupture de celui-ci. Ce rapport examine notamment l'instauration d'un barème unifié pour le calcul des prestations compensatoires en y intégrant la notion d'indemnisation du préjudice économique lié aux aménagements de carrière et aux déséquilibres dans la charge éducative des enfants ; et l'instauration d'un barème unifié pour le calcul de la contribution financière à l'entretien et à l'éducation des enfants, tenant compte des besoins de l'enfant. Ce rapport examine enfin les conséquences de la fiscalité des prestations compensatoires et de la contribution financière à l'entretien et à l'éducation des enfants sur la persistance des inégalités économiques suite au divorce ou à la séparation et l'opportunité de la déconjugalisation des prestations sociales liées à l'éducation des enfants.
Mme Laurence Rossignol. - Difficile, en tant que parlementaire, de faire des propositions : les deux tiers des amendements sont déclarés irrecevables en raison de l'article 45 de la Constitution et les autres, pour éviter cet écueil, prennent la forme d'une demande de rapport - ce qui appelle immanquablement un avis défavorable... Enfin, c'est une occasion d'interpeller le ministre et de sensibiliser les collègues...
Petit à petit, nous identifions les mécanismes des inégalités économiques entre les femmes et les hommes, particulièrement ceux qui sont liés au patrimoine des époux. La Fondation des femmes et l'Institut national d'études démographiques (Ined) ont publié des rapports, mais nous aimerions une approche globale.
La prestation compensatoire ou les pensions alimentaires devraient tenir compte du fait que les femmes ont cessé de travailler pour laver les chemises, faire les courses, élever les enfants...
Mme Isabelle Florennes, rapporteure. - Vous connaissez l'avis défavorable réservé aux rapports...
Mme Laurence Rossignol. - Surprenez-nous !
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. - Ce sujet est important. Avis défavorable sur l'efficacité de cet amendement...
Si j'étais impertinent, je vous poserais une question : lorsque vous étiez ministre, acceptiez-vous les rapports ?
Mme Laurence Rossignol. - Tous !
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. - Ce sera vérifié : je vais envoyer des SMS !
M. Yannick Jadot. - Oh non, pas par SMS ! Il y en a déjà trop qui paraissent dans la presse - et cela pollue... (Sourires)
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. - Je n'ai pas de pigeon voyageur... (Sourires) Ces éléments méritent notre réflexion, mais avis défavorable.
M. Hussein Bourgi. - Nous travaillons sur cette proposition de loi parce que des personnes concernées nous ont interpellés et nous ont convaincus. Pourtant, sur de tels sujets, il nous est souvent opposé que le phénomène n'est pas assez documenté, que les militants ou les militantes - comme si c'était un gros mot - ne sont pas objectifs. Ce sont pourtant souvent eux qui enrichissent la réflexion du législateur.
Nous réclamons alors des rapports par le Gouvernement, qui seraient plus complets, mais on nous les refuse...
Le Président de la République a appelé au réarmement démographique. Mais comment y croire, alors que le Gouvernement demande aux parents séparés de renoncer à leur allocation lorsqu'ils refont leur vie, comme si c'était à leur nouveau compagnon ou à leur nouvelle compagne de les aider à élever leur enfant ?
Mme Annick Billon. - Je partage l'intention de l'auteur. Ayant présidé la délégation aux droits des femmes pendant six ans, je mesure la difficulté d'avoir des connaissances consolidées sur les inégalités entre les femmes et les hommes. Cela nous gêne pour définir les politiques publiques adaptées. Sans les associations et les collectifs, nous serions bien dépourvus. Pour prendre l'exemple de la pornographie, sur laquelle nous avons travaillé, si deux affaires sont devant la justice, c'est bien grâce à un collectif d'associations.
Je comprends cette demande de rapport, car les violences faites aux femmes manquent de données. (Mme Laurence Rossignol applaudit.)
Mme Dominique Vérien. - Nous connaissons le sort réservé à ce type d'amendements. Mais la délégation aux droits des femmes va publier prochainement un rapport sur les familles monoparentales et l'allocation de solidarité familiale, ce qui permettra d'interpeller le Gouvernement. La pension alimentaire est en moyenne de 170 euros par mois par enfant alors que le coût d'un enfant est de 750 euros par mois. Puisque 82 % des chefs de familles monoparentales sont des femmes, on est en droit de se demander : si monsieur n'a pas les moyens de payer les 580 euros restants, comment madame les aurait-elle ?
Nous allons interpeller le Gouvernement. Il a missionné des parlementaires pour travailler sur les familles monoparentales et nous espérons que cela permettra d'aller plus loin que notre mission flash.
L'amendement n°25 n'est pas adopté.
Article 1er bis
M. le président. - Amendement n°10, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.
Supprimer cet article.
Mme Mélanie Vogel. - Nous refusons que les conventions matrimoniales puissent préciser que les avantages matrimoniaux seraient maintenus lors d'une séparation éventuelle.
M. le président. - Amendement identique n°12, présenté par M. Mohamed Soilihi.
M. Thani Mohamed Soilihi. - Il a été excellemment défendu par notre collègue.
M. le président. - Amendement identique n°16, présenté par M. Savoldelli et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky.
M. Pascal Savoldelli. - Cet article renforcerait gravement les inégalités entre les femmes et les hommes pendant et après le mariage.
Il permet à un époux d'exclure son patrimoine professionnel afin d'avoir moins à donner à son ex-femme au moment du divorce. Les écarts moyens de patrimoine entre l'homme et la femme sont passés de 7 000 euros en 1998 à 24 500 euros en 2015. L'écart relatif, lui, a quasiment doublé, passant de 9 % à 16 %, et même de 20 % à 60 % pour les personnes mariées ou pacsées en séparation de biens. Nous préférons nous en tenir à l'interprétation de la Cour de cassation de l'article 265 du code civil.
Mme Isabelle Florennes, rapporteure. - Avis défavorable. Les époux prévoient déjà de telles clauses, qui sont révoquées à rebours de leur volonté par l'application littérale de la loi. Pourquoi vouloir protéger les époux contre eux-mêmes ?
Disposer de biens professionnels n'est pas le seul fait des hommes. Les notaires et les magistrats sont favorables à cette disposition.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. - Cet article répond effectivement à une demande de longue date des praticiens. Il faut apporter une sécurité juridique à tous les époux, qui peuvent déjà prévoir que les clauses contributrices d'avantage matrimonial ne seront pas révoquées en cas de divorce. Le contrat de mariage, entre autres, anticipe les effets de la dissolution du mariage. Avis défavorable.
L'amendement n°12 est retiré.
Les amendements identiques nos10 et 16 ne sont pas adoptés.
L'article 1er bis est adopté.
Article 2
M. le président. - Amendement n°19, présenté par M. Savoldelli et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky.
I. - Alinéa 1
Remplacer les mots :
Peut être
par le mot :
Est
II. - Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
.... - La perte de recettes résultant pour l'État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
M. Pascal Savoldelli. - L'article 2, introduit à l'Assemblée nationale, est inspiré par Bercy, à la différence de l'amendement que nous avions adopté dans la loi de finances. La remise gracieuse est laissée à la seule appréciation de l'administration.
Cette procédure ne fera qu'allonger le parcours des personnes concernées. Il est de bon aloi que le juge se prononce - n'est-ce pas, monsieur le garde des sceaux ?
Notre amendement vise à permettre aux ex-conjoints d'être bénéficiaires des remises gracieuses totales ou partielles lorsqu'ils remplissent les conditions nécessaires.
Mme Isabelle Florennes, rapporteure. - Cet amendement fait d'une faculté gracieuse une obligation. C'est contraire à l'objectif de laisser à l'administration une certaine liberté de manoeuvre. Cela priverait d'effet l'article 1691 bis du code général des impôts, dès lors que deux critères sur trois seraient remplis. Pour sauvegarder l'avancée de l'Assemblée nationale sur le recours à titre gracieux, avis défavorable.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. - L'administration fiscale doit bien contrôler de temps en temps... C'est même sa raison d'être ! L'automaticité nous choque. Il faut évidemment un contrôle. Le ministre Thomas Cazenave s'est engagé devant vous, à la tribune.
Votre amendement rendrait automatique la décharge gracieuse. Cela l'ouvrirait à tous les demandeurs ! Il faut au moins une instruction de la demande.
L'amendement n°19 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°28, présenté par le Gouvernement.
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
.... - Le I s'applique aux personnes pour lesquelles la demande de décharge de l'obligation de paiement mentionnée au II de l'article 1691 bis du code général des impôts n'a pas donné lieu, à la date d'entrée en vigueur de la présente loi, soit à une décision définitive de la part de l'administration fiscale, soit à une décision de justice passée en force de chose jugée.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. - Cet amendement renforce la portée du nouveau dispositif, en précisant qu'il s'applique à toutes les personnes pour lesquelles une demande de DRS est en cours d'examen par l'administration fiscale ou n'a pas donné lieu à une décision de justice passée en force de chose jugée.
Mme Isabelle Florennes, rapporteure. - Je remercie le ministre des comptes publics pour son écoute, en lien avec l'association, que je salue.
Cet amendement offre un recours gracieux, bienvenu, aux personnes dont l'affaire a déjà été jugée. Avis favorable à titre personnel, faute d'avoir eu le temps de l'examiner en commission.
M. Pascal Savoldelli. - Monsieur le ministre, votre amendement ne précise pas, mais restreint l'application ! Toutes les femmes doivent pouvoir bénéficier de cette demande de décharge gracieuse ; or vous supprimez la rétroactivité...
Mme Isabelle Florennes, rapporteure. - Non !
M. Pascal Savoldelli. - ... pourtant nécessaire pour réparer l'injustice.
M. Hussein Bourgi. - Je salue le travail d'Isabelle Florennes. Elle nous avait demandé de lui faire confiance dans ses négociations avec Bercy. Je salue ce dialogue fructueux. Mais la décharge existe déjà depuis plusieurs années. Il y a la loi, l'esprit de la loi, et la culture des fonctionnaires qui l'appliquent. Je n'ai rien contre ces derniers, mais entre 60 et 80 % des demandes de décharges sont rejetées. Il y a un travail de pédagogie à faire... Cela m'interpelle et me chagrine.
L'amendement n°28 est adopté.
L'amendement n°2, modifié, est adopté.
Après l'article 2
M. le président. - Amendement n°3 rectifié bis, présenté par Mmes Schalck et Noël, MM. Savin, Burgoa et Reichardt, Mmes Di Folco, M. Mercier et Gosselin, M. Pointereau, Mmes Petrus et Carrère-Gée, MM. Brisson et Bacci, Mmes Aeschlimann et Belrhiti, MM. Gremillet et Saury, Mmes Canayer et Micouleau, M. Grosperrin, Mme Drexler, MM. Sido et Belin, Mme Borchio Fontimp, MM. Tabarot et Genet, Mme de Cidrac, MM. Reynaud et Meignen, Mmes Nédélec et Estrosi Sassone, MM. Frassa, Bouchet, D. Laurent, Lefèvre, Pellevat, Cadec, Sautarel et H. Leroy, Mmes Josende, Lassarade, Deseyne, Richer et Joseph et M. Rojouan.
Après l'article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Le 2 du II de l'article 1691 bis du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, les mots : « en cas de disproportion marquée entre le montant de la dette fiscale et, à la date de la demande, la situation financière et patrimoniale, nette de charges, du demandeur. La situation financière nette du demandeur est appréciée sur une période n'excédant pas trois années. La décharge de l'obligation de paiement est alors prononcée selon les modalités suivantes » sont supprimés ;
2° Après le premier alinéa, sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :
« 1° Dans le cas de disproportion marquée entre le montant de la dette fiscale et, à la date de la demande, la situation financière et patrimoniale, nette de charges, du demandeur. La situation financière nette du demandeur est appréciée sur une période n'excédant pas trois années ;
« 2° Dans le cas où le montant de la dette fiscale résulte d'un contrôle fiscal personnel de son ancien conjoint ou partenaire de pacte civil de solidarité ayant donné lieu, par suite d'un manquement aux obligations déclaratives, d'une soustraction frauduleuse ou d'une tentative de soustraction frauduleuse au paiement des impositions mentionnées aux 1° et 2° du I ainsi qu'à l'article 1723 ter-00 B, à une rectification d'un bénéfice ou revenu propre au conjoint ou au partenaire de pacte civil de solidarité du demandeur. La décharge de l'obligation de paiement n'est alors accordée que si le demandeur ne s'est pas enrichi à la faveur de cette fraude fiscale commise par son ancien conjoint ou partenaire de pacte civil de solidarité et n'a pas participé directement ou indirectement à celle-ci ;
« 3° La décharge de l'obligation de paiement est alors prononcée selon les modalités suivantes : »
II. - Le I est applicable aux demandes en décharge de l'obligation de paiement déposées à compter du 1er janvier 2024.
III. - La perte de recettes résultant pour l'État du I est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
Mme Elsa Schalck. - Cet amendement, adopté par le Sénat dans la loi de finances pour 2024, a été écarté par l'usage de l'article 49.3. Je salue le travail de l'association Femmes divorcées. Il s'agit de prendre en compte l'origine frauduleuse de la dette pour obtenir la décharge, lorsque le demandeur n'a pas profité de la fraude et ne la connaissait pas. Il s'inscrit pleinement dans les engagements du ministre des comptes publics, afin d'aller un peu plus loin que l'article 2. Cet assouplissement met fin à de profondes injustices.
M. André Reichardt. - Parfait !
M. le président. - Amendement identique n°7, présenté par M. Savoldelli et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky.
M. Pascal Savoldelli. - Mme Schalck l'a dit : 54 sénatrices et sénateurs de tous les groupes politiques avaient obtenu l'adoption de cet amendement, balayé par le 49.3.
Je ne remets pas en cause la sincérité personnelle du ministre, mais le Sénat travaille entre deux 49.3. Nous votons le budget, et ensuite le Gouvernement décrète 10 milliards d'euros d'économies. Comment le croire sur parole, lorsque notre vote est détourné ?
La moitié des demandes sont rejetées par l'administration fiscale. Sans remettre celle-ci en cause, il faut changer la loi.
Voyez la diversité politique qui nous rassemble pour obtenir gain de cause. Faisons respecter notre vote lors du projet de loi de finances.
M. le président. - Amendement identique n°11, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.
Mme Mélanie Vogel. - Amendement brillamment défendu par mes collègues.
M. le président. - Amendement n°1 rectifié, présenté par M. Bourgi et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Après l'article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Le 2 du II de l'article 1691 bis du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, les mots : « en cas de disproportion marquée entre le montant de la dette fiscale et, à la date de la demande, la situation financière et patrimoniale, nette de charges, du demandeur. La situation financière nette du demandeur est appréciée sur une période n'excédant pas trois années. La décharge de l'obligation de paiement est alors prononcée selon les modalités suivantes » sont supprimés ;
2° Après le premier alinéa, sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :
« 1° Dans le cas de disproportion marquée entre le montant de la dette fiscale et, à la date de la demande, la situation financière et patrimoniale, nette de charges, du demandeur. La situation financière nette du demandeur est appréciée sur une période n'excédant pas trois années ;
« 2° Dans le cas où le montant de la dette fiscale résulte d'un contrôle fiscal personnel de son ancien conjoint ou partenaire de pacte civil de solidarité ayant donné lieu, par suite d'un manquement aux obligations déclaratives, d'une soustraction frauduleuse ou d'une tentative de soustraction frauduleuse au paiement des impositions mentionnées aux 1° et 2° du I ainsi qu'à l'article 1723 ter-00 B, à une rectification d'un bénéfice ou revenu propre au conjoint ou au partenaire de pacte civil de solidarité du demandeur. La décharge de l'obligation de paiement n'est alors accordée que si le demandeur ne s'est pas enrichi à la faveur de cette fraude fiscale commise par son ancien conjoint ou partenaire de pacte civil de solidarité et n'a pas participé directement ou indirectement à celle-ci ;
« 3° La décharge de l'obligation de paiement est alors prononcée selon les modalités suivantes : ».
II. - Le I est applicable aux demandes en décharge de l'obligation de paiement déposées à compter du 1er janvier 2025.
III. - La perte de recettes résultant pour l'État du I est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
M. Hussein Bourgi. - Nous faisons démarrer le dispositif au 1er janvier 2025 au lieu du 1er janvier 2024.
M. le président. - Amendement identique n°8 rectifié bis, présenté par Mme Billon, MM. Bonneau, Longeot et Courtial, Mmes Sollogoub et Romagny, M. Laugier, Mme Saint-Pé, M. Menonville, Mmes Antoine, Morin-Desailly et Vermeillet, MM. Lafon et J.M. Arnaud, Mme Jacquemet, MM. Cambier et Parigi et Mme Perrot.
Mme Annick Billon. - Cet amendement pragmatique, transpartisan, a été adopté par le Sénat. Rappelons que 300 000 couples se séparent ; un mariage sur deux finit par un divorce. Il n'est pas normal qu'un ex-conjoint doive payer pour des revenus frauduleux dissimulés.
M. le président. - Amendement n°17, présenté par M. Savoldelli et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky.
Après l'article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Le 2 du II de l'article 1691 bis du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, les mots : « en cas de disproportion marquée entre le montant de la dette fiscale et, à la date de la demande, la situation financière et patrimoniale, nette de charges, du demandeur. La situation financière nette du demandeur est appréciée sur une période n'excédant pas trois années. La décharge de l'obligation de paiement est alors prononcée selon les modalités suivantes » sont supprimés ;
2° Après le premier alinéa, sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :
« 1° Dans le cas de disproportion marquée entre le montant de la dette fiscale et, à la date de la demande, la situation financière et patrimoniale, nette de charges, du demandeur. La situation financière nette du demandeur est appréciée sur une période n'excédant pas trois années ;
« 2° Dans le cas de responsabilité personnelle établie de l'ex-partenaire ou de l'ex-conjoint ;
« 3° La décharge de l'obligation de paiement est alors prononcée selon les modalités suivantes : ».
II. - Le I est applicable aux demandes en décharge de l'obligation de paiement déposées à compter du 1er janvier 2024.
III. - La perte de recettes résultant pour l'État du I est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
M. Pascal Savoldelli. - Défendu.
M. le président. - Amendement n°2 rectifié bis, présenté par Mme Noël, M. Rapin, Mme Muller-Bronn, MM. J.B. Blanc, Chatillon, Brisson, Anglars et D. Laurent et Mme Nédélec.
Après l'article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Le 2 du II de l'article 1691 bis du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, les mots : « en cas de disproportion marquée entre le montant de la dette fiscale et, à la date de la demande, la situation financière et patrimoniale, nette de charges, du demandeur. La situation financière nette du demandeur est appréciée sur une période n'excédant pas trois années. La décharge de l'obligation de paiement est alors prononcée selon les modalités suivantes » sont supprimés ;
2° Après le premier alinéa, sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :
« 1° Dans le cas de disproportion marquée entre le montant de la dette fiscale et, à la date de la demande, la situation financière et patrimoniale, nette de charges, du demandeur. La situation financière nette du demandeur est appréciée sur une période n'excédant pas trois années ;
« 2° Dans le cas de responsabilité personnelle établie de l'ex-partenaire ou de l'ex-conjoint ;
« 3° La décharge de l'obligation de paiement est alors prononcée selon les modalités suivantes : ».
II. - Le I est applicable aux demandes en décharge de l'obligation de paiement déposées à compter du 1er janvier 2025.
III. - La perte de recettes résultant pour l'État du I est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
Mme Sylviane Noël. - La DRS introduite par le projet de loi de finances pour 2008 n'a pas eu l'effet escompté. Actuellement, 90 % des demandes de décharge sont déposées par des femmes : 59 % sont rejetées, malgré l'assouplissement de la loi de finances pour 2022.
Nous proposons d'inclure dans les conditions d'examen de la DRS l'appréciation de l'origine du montant de la dette fiscale.
M. le président. - Amendement identique n°5 rectifié quinquies, présenté par Mme Schalck, M. Lefèvre, Mmes de Cidrac, Di Folco et M. Mercier, M. Meignen, Mme Joseph, MM. Daubresse et Pellevat, Mmes Deseyne, Belrhiti, Josende, Lassarade et Richer, MM. Savin, Genet, Belin, Reichardt et Sido, Mmes Estrosi Sassone et Borchio Fontimp, M. Gremillet, Mmes Aeschlimann et Carrère-Gée et M. Rojouan.
Mme Elsa Schalck. - C'est un amendement de repli par rapport à l'amendement n°3 rectifié bis.
M. le président. - Amendement identique n°9 rectifié bis, présenté par Mme Billon, MM. Bonneau, Longeot et Courtial, Mmes Sollogoub et Romagny, M. Laugier, Mme Saint-Pé, MM. Canévet et Menonville, Mmes Antoine, Morin-Desailly et Vermeillet, MM. Lafon et J.M. Arnaud, Mme Jacquemet, MM. Cambier et Parigi et Mme Perrot.
Mme Annick Billon. - C'est aussi un amendement de repli, pragmatique et transpartisan.
M. le président. - Amendement identique n°21 rectifié ter, présenté par Mme Vérien, MM. Levi, Henno et Maurey, Mmes O. Richard et Gatel, M. Kern, Mmes Herzog et Doineau et MM. Capo-Canellas et Bonnecarrère.
Mme Dominique Vérien. - Cet amendement a été négocié avec Bercy. Nous espérons bien un avis favorable du Gouvernement.
Mme Isabelle Florennes, rapporteure. - Les discussions avec Bercy ont permis, depuis quinze jours, d'obtenir l'engagement du ministre de faire examiner les situations actuelles et de revenir sur les précédents cas n'ayant pas bénéficié de la DRS - car c'est bien le cas, monsieur Savoldelli. Cette année, l'administration va réexaminer les situations et nous ferons un premier bilan durant l'été.
Si ce premier dispositif ne permet pas de remédier à des situations d'injustice flagrante, le projet de loi de finances pour 2025 le fera. Je fais confiance à l'administration fiscale, qui a fait preuve d'humanité sur ces situations particulièrement pénibles. Avis défavorable.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. - Je vais décevoir plusieurs d'entre vous... Cela me navre !
Nous avons mené un travail approfondi de coconstruction et de compromis, pour apporter une réponse aux personnes victimes de la solidarité fiscale à travers la nouvelle procédure de décharge gracieuse.
Selon Thomas Cazenave, la doctrine fiscale évoluera également pour les cas en cours de recouvrement après un refus de DRS : pour ces cas marginaux, l'administration ne mobilisera pas les biens acquis avant mariage ou par héritage.
Je demande le retrait des amendements nos3 rectifié bis, 7, 11, 1 rectifié et 8 rectifié bis, qui procèdent de la même logique.
Même avis pour les amendements nos17, 2 rectifié bis, 5 rectifié quinquies, 9 rectifié bis et 21 rectifié ter. J'appelle leurs auteurs à se rallier à la rédaction de l'Assemblée nationale.
Mme Laure Darcos. - Nous ne pouvons pas entendre cela ! Lors de l'examen du projet de loi de finances, il nous a été répondu que ce n'était pas le bon véhicule législatif. Et désormais, on nous annonce encore des freins ! Nous ne pouvons pas nous contenter de la rétroactivité sur les derniers dossiers de décharge. De nombreux amendements ont été cosignés par tous les groupes. Si nous ne les adoptons pas maintenant, nous ne le ferons jamais. La DGFiP pourra toujours trouver le dispositif pour l'appliquer. Nous avons tous édulcoré nos discours, et là, c'est la douche froide ! (M. Éric Dupond-Moretti s'en désole.)
Mme Annick Billon. - Lorsqu'on nous demande de faire confiance à l'administration fiscale, je pense à ces situations de détresse. Ce sont des cas marginaux, mais chaque situation est difficile.
Je ne peux m'en remettre à un changement possible de doctrine. À regret, je maintiens mes amendements.
Mme Elsa Schalck. - Je m'inscris pleinement dans les propos précédents. Je ne retire pas mes amendements. Nous avions voté un amendement similaire lors du projet de loi de finances. Mettez en adéquation les paroles du ministre des comptes publics avec des actes attendus majoritairement par les membres de cette assemblée. (M. André Reichardt acquiesce.)
M. Laurent Burgoa. - Très bien.
M. Pascal Savoldelli. - Je m'associe à ce qui a été dit. Lorsqu'un ministre prend un engagement, nous ne le remettons pas en cause. Le ministre Cazenave s'est engagé à donner une instruction. Il a donné sa parole en décembre. Si l'instruction avait été publiée, nous n'aurions pas à revenir, en colère, devant vous !
Les promesses doivent être respectées. Il y va de la parole de la République, pour respecter l'engagement des citoyens et des parlementaires. Bougez, et adoptez ces amendements.
Je pensais inutile de défendre mon amendement n°17 de repli : votons les premiers amendements identiques.
M. Jean-Michel Arnaud. - Très bien !
Mme Dominique Vérien. - Monsieur le ministre, vous vous engagez, et nous savons que vous tenez votre parole. Mais là, vous vous engagez pour un autre ministère. Or nous savons que Bercy est parfois difficile à convaincre... (Sourires à droite)
M. Laurent Burgoa. - Très bien !
Mme Dominique Vérien. - Nous ne faisons que vous aider à tenir votre promesse. (M. Éric Dupond-Moretti fait mine de la remercier.)
Mme Marie-Do Aeschlimann. - Tenez bon, chers collègues. Le 24 novembre, cet amendement a été adopté contre l'avis de la commission et du Gouvernement. Comme Pascal Savoldelli, j'ai lu le compte rendu des débats. Effectivement, le ministre des comptes publics s'était engagé à donner une instruction pour traiter ces cas avec clémence. Cette instruction a-t-elle été effectivement envoyée, et sur quoi a-t-elle débouché ?
M. Marc Laménie. - Habituellement, je soutiens les rapporteurs, en particulier de la commission des lois, même si, en l'occurrence, ces dispositions ont aussi un caractère financier. Mais le volet humain est prioritaire. Pensez au nombre de divorces.
Nous avons passé du temps sur cet amendement lors de l'examen du projet de loi de finances. Je voterai ces amendements. (On s'en réjouit sur plusieurs travées.)
Les amendements identiques nos3 rectifié bis, 7 et 11 sont adoptés et deviennent un article additionnel.
(Applaudissements sur toutes les travées, à l'exception de celles du RDPI)
Les amendements nos1 rectifié, 8 rectifié bis, 17, 2 rectifié bis, 5 rectifié quinquies, 9 rectifié bis et 21 rectifié ter n'ont plus d'objet.
M. le président. - Amendement n°6 rectifié, présenté par Mme L. Darcos et MM. Verzelen, Chasseing, A. Marc, Wattebled et Chevalier.
Après l'article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Après la première phrase du 2 du II de l'article 1691 bis du code général des impôts, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Les biens et droits réels immobiliers détenus par le détenteur antérieurement à la date du mariage ou du pacte civil de solidarité et le patrimoine du demandeur reçu par donation ou succession ne sont pas pris en compte pour l'appréciation de sa situation patrimoniale. »
II. - Le I est applicable aux demandes en décharge de l'obligation de paiement déposées à compter du 30 juin 2024.
III. - La perte de recettes résultant pour l'État du I est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
Mme Laure Darcos. - Cet amendement exclut de l'appréciation de la situation patrimoniale du demandeur les biens et droits immobiliers détenus antérieurement à la date du mariage ou du Pacs, ainsi que le patrimoine reçu par donation ou succession.
M. le président. - Amendement n°13 rectifié, présenté par Mme L. Darcos et MM. A. Marc, Verzelen, Chevalier, Chasseing et Malhuret.
Après l'article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Après la première phrase du 2 du II de l'article 1691 bis du code général des impôts, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Les biens et droits réels immobiliers détenus par le détenteur antérieurement à la date du mariage ou du pacte civil de solidarité ne sont pas pris en compte pour l'appréciation de sa situation patrimoniale. »
II. - Le I est applicable aux demandes en décharge de l'obligation de paiement déposées à compter du 30 juin 2024.
III. - La perte de recettes résultant pour l'État du I est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
Mme Laure Darcos. - Cet amendement de repli exclut les seuls biens détenus antérieurement au mariage ou au Pacs.
M. le président. - Amendement identique n°14 rectifié bis, présenté par Mme Billon, MM. Bonneau, Longeot et Courtial, Mmes Sollogoub et Romagny, M. Laugier, Mme Saint-Pé, MM. Canévet et Menonville, Mmes Antoine, Morin-Desailly et Vermeillet, MM. Lafon et J.M. Arnaud, Mme Jacquemet, MM. Cambier et Parigi et Mme Perrot.
Mme Annick Billon. - Nous venons d'adopter largement une disposition en faveur de ces femmes. Cet amendement transpartisan va plus loin. Il mérite un avis favorable !
M. le président. - Amendement identique n°26 rectifié ter, présenté par Mme Schalck, M. Lefèvre, Mme de Cidrac, M. Brisson, Mmes Di Folco et M. Mercier, M. Meignen, Mme Joseph, MM. Daubresse et Pellevat, Mme Deseyne, M. Rapin, Mmes Belrhiti, Josende, Lassarade et Richer, MM. Savin, Genet, Belin, Reichardt et Sido, Mmes Estrosi Sassone et Borchio Fontimp, M. Gremillet, Mme Aeschlimann et M. Rojouan.
Mme Elsa Schalck. - C'est le même.
Mme Isabelle Florennes, rapporteure. - Ces amendements modifient les conditions d'appréciation de la situation patrimoniale et financière des demandeurs. Avis défavorable.
L'amendement n°6 rectifié créerait une voie de contournement de l'impôt, et pourrait bénéficier à des hommes y compris responsables de la dette fiscale du foyer. Il faut se fonder sur les capacités contributives du demandeur.
Le commentaire vaut également pour les amendements nos13 rectifié, 14 rectifié bis et 26 rectifié ter, de portée moindre. Avis défavorable.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. - Sans surprise et par cohérence, avis défavorable, même si j'ai pris la mesure du vote précédent.
L'amendement n°6 rectifié n'est pas adopté.
Les amendements identiques nos13 rectifié, 14 rectifié bis et 26 rectifié ter sont adoptés et deviennent un article additionnel.
M. le président. - Amendement n°20, présenté par M. Savoldelli et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky.
Après l'article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Après la deuxième phrase du 2 du II de l'article 1691 bis du code général des impôts, est insérée une phrase ainsi rédigée : « L'appréciation de la situation financière et patrimoniale du demandeur exclut les revenus issus des prestations familiales définies à l'article L. 511-1 du code de la sécurité sociale, l'allocation aux adultes handicapés définie à l'article 821-5 du même code, l'aide personnalisée au logement mentionnée au 1 de l'article L. 821-1 du code de la construction et de l'habitation et la pension alimentaire prévue à l'article 373-2-2 du code civil. »
II. - La perte de recettes résultant pour l'État du I est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
M. Pascal Savoldelli. - Nous souhaitons exclure du calcul les prestations de nature à garantir un niveau de vie minimal au demandeur, qui sont intrinsèques à une situation personnelle souvent liée à une séparation récente.
Mme Isabelle Florennes, rapporteure. - L'appréciation de la situation du demandeur prend en compte l'ensemble de ses ressources : l'administration fiscale ne peut procéder à un tel tri.
Lorsque la situation financière du demandeur justifie le versement de telles prestations sociales, il y a de grandes chances qu'elle ne permette pas le remboursement de la dette fiscale. L'amendement est donc satisfait dans les faits, d'autant qu'il y a aussi la décharge gracieuse.
Ouvrir une telle liste de ressources, vouée à s'allonger, pourrait compliquer les choses. Avis défavorable.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. - L'appréciation de la situation financière et patrimoniale du demandeur retient une approche large des revenus. Ce n'est pas spécifique à l'administration fiscale : les commissions de surendettement font de même. La décharge gracieuse surmonte la difficulté. Retrait ou avis défavorable.
M. Pascal Savoldelli. - Pourquoi cet amendement ? Pour s'assurer que les prestations familiales, l'AAH, l'APL et la pension alimentaire ne soient pas incluses dans le calcul des revenus, car ces prestations répondent à des besoins primaires. Une collègue a évoqué la situation des 30 % de familles monoparentales, soit 500 000 personnes, majoritairement des femmes, confrontées à des impayés de pension alimentaire, alors que celle-ci représente 18 % des revenus du foyer.
L'amendement n°20 n'est pas adopté.
Article 2 bis
M. le président. - Amendement n°27, présenté par le Gouvernement.
Supprimer cet article.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. - Cet article élargit le champ des pénalités dont peuvent être déchargées les victimes d'un conjoint ayant eu un comportement frauduleux. Toutefois, sa rédaction pourrait aggraver la situation des demandeurs en les privant d'une décharge des intérêts de retard et pénalités appliquées à des revenus communs aux deux conjoints. C'est pourquoi nous le supprimons.
Mme Isabelle Florennes, rapporteure. - Vous supprimez une souplesse qui nous a paru utile. Si notre dispositif comporte des effets de bord, nous pourrons les corriger au cours de la navette ou en CMP : donnons-nous le temps d'y travailler. Avis défavorable.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. - Soit, nous allons continuer à y travailler ensemble.
L'amendement n°27 n'est pas adopté.
L'article 2 bis est adopté.
Après l'article 2 bis
M. le président. - Amendement n°18, présenté par M. Savoldelli et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky.
Après l'article 2 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Au IV de l'article 1691 bis du code général des impôts le mot : « ne » est supprimé.
II. - La perte de recettes résultant pour l'État du I est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
M. Pascal Savoldelli. - Après un parcours du combattant pour faire valoir leur bonne foi et se délier de la dette frauduleuse de leur ex-conjoint, ces femmes ne peuvent pas récupérer les sommes recouvrées, qui ne sont pas restituables. Si la victime obtient gain de cause, il est inadmissible qu'elle ne récupère pas son dû. « Il ne peut être accordé aucune restitution des sommes encaissées avant la date de la demande », lit-on sur le site des impôts. La phrase est froide, cinglante ; elle emporte des conséquences lourdes pour ces femmes qui se sont battues contre un principe fiscal parfois aveugle.
Mme Isabelle Florennes, rapporteure. - Cet amendement prévoit qu'une DRS donne lieu à la restitution de sommes déjà payées par le demandeur. Cela semblerait ouvrir la voie à un nouveau recours. Néanmoins, le dispositif paraît de nature à restaurer a posteriori les droits des demandeurs tout en ménageant une capacité d'appréciation à l'administration. Sagesse. (« Ah ! » sur les travées du groupe CRCE-K)
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. - Votre amendement permettrait la restitution des sommes recouvrées par l'administration fiscale entre la mise en recouvrement et le dépôt de la demande de décharge. Mais la rédaction est bien trop large : elle pourrait conduire à restituer des sommes payées par le couple pendant la vie commune avant la découverte des pratiques frauduleuses, ce qui excède à l'évidence l'objectif de protection de la victime. Retrait.
La procédure de décharge gracieuse apporte une réponse adaptée.
Je comprends le sens de votre amendement, mais sa rédaction entraînerait des effets de bords indésirables.
Enfin, vous reprochez à Bercy de ne pas être romantique... Que dire, sinon qu'on ne s'attend pas à des mots doux dans une réclamation de Bercy. Vous allez trop loin, monsieur le sénateur ! (M. Pascal Savoldelli sourit.)
M. Pascal Savoldelli. - Faisons-nous confiance !
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. - Il serait temps !
M. Pascal Savoldelli. - Vous nous dites qu'il y a des effets de bord. Mme la rapporteure a dit : sagesse. Si vous voulez que l'on travaille ensemble, adoptons cet amendement, puis vous proposerez une rédaction plus rigoureuse dans la navette ! Concluons ce débat dans un esprit de responsabilité partagée.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. - On peut y travailler à l'occasion de la CMP afin d'éviter les effets de bord.
L'amendement n°18 est adopté et devient un article additionnel.
Vote sur l'ensemble
Mme Annick Billon . - Merci à Isabelle Florennes pour son écoute. Je connais son engagement sur ces sujets, ainsi que celui du garde des sceaux. Le Sénat s'est attaché à améliorer le texte de l'Assemblée nationale et surtout à réparer de profondes injustices. Je remercie le président du groupe UC de l'avoir inscrit à l'ordre du jour. C'est un petit pas, mais un pas pour plus de justice patrimoniale au sein de la famille, pour réparer les inégalités hommes-femmes. Je voterai bien entendu cette proposition de loi. (M. Jean-Michel Arnaud et Mme Dominique Vérien applaudissent.)
La proposition de loi est adoptée.
M. le président. - À l'unanimité !
La séance, suspendue à 18 h 50, reprend à 18 h 55.
Médecine scolaire
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi visant à expérimenter le transfert de la compétence « médecine scolaire » aux départements volontaires, présentée par Mme Françoise Gatel et plusieurs de ses collègues, à la demande du groupe UC.
Discussion générale
Mme Françoise Gatel, auteur de la proposition de loi . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. Olivier Bitz et Mme Sabine Drexler applaudissent également.) Il y a plus de 80 ans, l'État affirmait une ambition forte en matière de prévention en instituant un service national d'hygiène scolaire, déployé sur tout le territoire. Depuis, l'ambition reste forte, mais souffre de difficultés endémiques, comme en témoignent plusieurs rapports, notamment celui de la Cour des comptes en 2020 et celui demandé par le Sénat dans la loi 3DS.
Enjeu majeur d'égalité, la médecine scolaire pallie la précarité des familles, détecte des fragilités, accompagne vers les soins et participe à la surveillance épidémiologique ; elle soutient aussi les équipes éducatives face aux difficultés des élèves.
Depuis sa création, ce service a changé plusieurs fois de tutelle. Il relève d'au moins cinq codes. Surtout, il n'est plus que très partiellement assuré.
Je veux dire mon soutien et ma gratitude aux personnels de la médecine scolaire, qui font de leur mieux, mais qui subissent les dysfonctionnements. Sans doute les expliquerez-vous par le manque de médecins et d'infirmiers, mais la pénurie remonte à vingt ans et n'a pas conduit à réduire ses missions, au contraire.
La médecine scolaire, pilotée par l'éducation nationale, devrait couvrir tous les territoires. Parmi ses missions : visite médicale de la sixième année, à l'entrée du secondaire, visite d'aptitude à l'entrée des formations professionnelles et agricoles. Or, en 2022, deux départements sont sans médecin : Mayotte et l'Indre. Seules 18 % des visites obligatoires de la sixième année sont accomplies, et 93 % des élèves des établissements privés sous contrat n'ont pas bénéficié de visite médicale.
Je déplore l'absence de système de données partagées : on fonctionne en silo, au lieu d'organiser le système autour de l'enfant.
L'administration ne manque pas d'imagination créative : dans une situation extravagante, alors qu'on manque de personnel, les missions de la médecine scolaire n'ont cessé d'augmenter - d'où une incapacité à faire, bien compréhensible.
Qu'à cela ne tienne ! Un tour de magie a supprimé le malaise : les indicateurs de terrain ne s'intéressent plus qu'aux zones d'éducation prioritaire. On ne parle plus du reste de l'enseignement public, ni du privé hors contrat. Ainsi, depuis 2018, le champ de l'indicateur ne recouvre qu'une fraction de l'obligation réglementaire.
Les moyens alloués sont confusément dispersés entre différents programmes. Une circulaire de 2017 précise que la couverture exhaustive du territoire n'est pas forcément à rechercher... Les infirmières scolaires, domiciliées dans les collèges, doivent intervenir aussi dans le premier degré.
Le pilotage national de ce personnel, qui représente 1 % des agents de l'éducation nationale, est un peu lâche. La déclinaison territoriale dans les rectorats et les directions académiques des services de l'éducation nationale (Dasen) est inégale. Je salue l'initiative, à Grenoble et en Bretagne, d'élaborer un projet sanitaire académique.
Faute d'articulation entre les catégories d'intervenants, l'enfant passe de silo en silo - infirmière, psychologue, médecin. Tous les rapports convergent : quelle que soit votre réponse ce soir, madame la ministre, à notre pertinente suggestion, il faut clarifier le dispositif, avoir un vrai pilotage national et déconcentrer à l'échelle départementale.
Cette proposition de loi n'est pas un ovni, mais l'expression d'une conviction constante du Sénat, déjà exprimée en 1982, mais aussi dans la loi 3DS de 2022.
Sans trahir de secret, je crois le Gouvernement convaincu de la justesse de notre propos, même s'il craint d'inquiéter les personnels...
Chacun reconnaît les compétences sociales des départements, auxquels on a même confié la protection maternelle et infantile (PMI), qui intervient désormais dans les écoles. En plus d'un savoir-faire, les départements disposent des solutions. En cas de fragilité familiale et sociale, ce sont eux qui interviennent.
On me répond que le transfert nécessite des moyens. Nous y avons pensé. On me dit aussi que le transfert créerait des inégalités. Argument fallacieux, au vu des inégalités actuelles ! Au demeurant, les obligations resteraient fixées au niveau national.
Nous proposons une expérimentation pour les départements volontaires - selon l'Assemblée des départements de France (ADF), il y en aurait dix-neuf. Je pense à la Creuse, au Loir-et-Cher. Nous donnons au département une année de discussions avec l'État pour arrêter les obligations et les moyens. S'il en est satisfait, il expérimente durant cinq ans, avec deux évaluations, avant une éventuelle pérennisation.
Le sujet est sérieux. Nathalie Delattre a beaucoup travaillé sur la santé psychologique des enfants. Plus tôt nous décèlerons des failles, plus tôt nous soignerons les troubles, plus nous remplirons notre devoir. Madame la ministre, je ne doute pas que vous partagiez notre volonté. Il ne peut y avoir d'épanouissement à l'école sans confort mental et sans l'égalité des chances qu'assure un accompagnement médical, car les enfants les plus fragiles sont souvent ceux qui passent sous les radars. Nos enfants, notre école valent bien une proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains, et RDSE ; M. Olivier Bitz applaudit également.)
M. François Bonhomme, rapporteur de la commission des lois . - La médecine scolaire, qui relève du ministère de l'éducation nationale, est confrontée à de graves difficultés. En témoigne le très faible nombre d'enfants qui bénéficient de la visite médicale obligatoire à 6 ans, moins d'un enfant sur cinq.
Ces difficultés tiennent à la forte pénurie de médecins scolaires. Sans surprise, les vacances de poste s'expliquent par des rémunérations peu attractives et des conditions de travail dégradées. Les effectifs ont chuté de 15 % depuis 2013 : sur 1 500 postes, seuls 800 sont pourvus. La France compte un médecin pour 12 000 élèves, quand l'OMS recommande un ratio d'un pour 5 000.
Cette pénurie se double de fortes disparités territoriales : la Nouvelle-Calédonie ne compte qu'un seul médecin scolaire pour 47 000 élèves ! Elle a des conséquences sur la santé des élèves, qui ne bénéficient pas des visites et dépistages prévus par la loi. La Cour des comptes le pointait dans un rapport de 2020 : le taux de réalisation de la visite médicale obligatoire à 6 ans est passé de 26 % en 2013 à 18 % en 2018. Dans les établissements privés sous contrat, seuls 4 % des élèves en bénéficient. Dès lors, où est l'universalité de la santé scolaire ?
La médecine scolaire est pourtant essentielle, pour réduire les inégalités de santé ; pour détecter le plus tôt possible les troubles ou handicaps ; pour éduquer, notamment en matière de contraception ou d'équilibre alimentaire, alors que l'obésité infantile progresse.
La santé mentale des jeunes ne cesse de se dégrader, or l'accès au médecin traitant est de plus en difficile. Le Sénat a tenté d'agir dans les lois de décentralisation ou dans la loi de 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, avec un amendement visant à transférer la médecine scolaire aux départements. Nous défendions encore cette idée dans la loi 3DS - sans plus de succès, article 40 oblige.
La proposition de loi de Françoise Gatel, que je salue, vise à répondre à ce problème. En proposant une expérimentation de cinq ans pour les départements volontaires, elle s'inscrit dans la lignée des positions défendues précédemment par le Sénat.
Il ne s'agit nullement d'imposer un transfert aux départements, mais bien de confier cette compétence, à titre expérimental, aux seuls départements volontaires. L'ADF en recense dix-neuf. Les départements volontaires devront manifester leur volonté durant un an à compter de la promulgation de la loi. Une convention sera ensuite conclue entre l'État et le département, qui restera libre ou non de participer à l'expérimentation, en fonction de la compensation prévue. L'expérimentation sera évaluée à mi-parcours, puis six mois avant son terme. Elle pourra alors être prolongée pour trois ans, abandonnée, pérennisée ou étendue à d'autres départements.
La commission des lois a adopté ce texte sans modification. L'expérimentation rationalisera le pilotage de la médecine scolaire, tout en l'adaptant aux enjeux locaux. Le suivi sanitaire sera renforcé, puisque le département, compétent en matière de PMI, assurera un suivi dès le plus jeune âge ; moyens et effectifs pourront être mutualisés.
Je suis favorable à cette expérimentation, qui consacrerait une réforme attendue depuis des années par notre assemblée. Il y va de l'intérêt de nos enfants, qui doivent disposer d'un suivi sanitaire de qualité. N'oublions pas que la prévention de la médecine scolaire est pour certains le dernier rempart contre les violences intrafamiliales.
La commission des lois vous propose d'adopter ce texte sans modification. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et du RDSE ; M. Olivier Bitz applaudit également.)
Mme Françoise Gatel. - Très bien !
Mme Nicole Belloubet, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse . - L'éducation nationale ne serait pas totalement l'éducation nationale sans les personnels de santé scolaire. Appui essentiel pour la réussite des élèves, la santé scolaire est assurée par près de 800 médecins, 7 000 infirmiers scolaires et 3 000 assistants et conseillers techniques de service social.
Cette présence est particulièrement importante en temps de crise, on l'a vu durant le covid. Je salue la qualité du travail de ces agents et les remercie pour leur engagement.
Merci à Mme Gatel de s'être saisie du sujet. Je reconnais que la médecine scolaire connaît des difficultés importantes. C'est pourquoi le ministre travaille à l'élaboration de réponses concrètes.
Vous proposez une expérimentation permettant aux départements volontaires de se saisir de cette compétence. Au vu des enjeux, ce transfert n'apporterait pas nécessairement les réponses souhaitées aux problèmes que nous connaissons.
Un tel transfert risquerait tout d'abord de complexifier la répartition des compétences, non seulement entre l'État et les collectivités territoriales, mais aussi entre échelons de collectivités, puisque les départements devraient gérer des agents affectés dans les écoles et les lycées, qui relèvent des communes et des régions.
La médecine scolaire doit rester une politique nationale, afin de garantir une égalité partout sur le territoire. L'État doit définir une stratégie d'ensemble en matière de santé et de prévention pour les jeunes, notamment en santé mentale. La pénurie de médecins étant généralisée, le rattachement au ministère de l'éducation nationale facilite une péréquation, certes imparfaite, qu'un transfert aux collectivités garantirait moins encore.
Nous craignons aussi que le transfert proposé ne provoque le départ de certains médecins scolaires en exercice, qui verraient dans l'éloignement de l'école une atteinte à leur identité professionnelle.
Les départements ont déjà des compétences étendues en matière sociale. Celles-ci sont lourdes et coûteuses, avec à la clé des difficultés budgétaires, de mise en oeuvre et de ressources humaines.
Une réflexion de fond est en cours sur l'articulation des compétences entre l'État et les collectivités et sur la décentralisation. N'anticipons pas sur les conclusions de la mission confiée à Éric Woerth sans bénéficier de sa vision globale. (On ironise sur les travées des groupes UC et Les Républicains)
Le Gouvernement ne saurait à ce stade être favorable à cette proposition de loi. N'y voyez aucun réflexe centralisateur (rires sur les travées des groupes UC et Les Républicains) ni remise en cause des capacités des départements, mais plutôt un souci de cohérence.
Nous souhaitons avancer sur l'efficience de la santé scolaire, pour une politique de prévention efficace au bénéfice des élèves. Cela suppose une vraie coopération entre ses quatre composantes essentielles : les médecins, les infirmiers, les assistants sociaux et les psychologues scolaires. Nous travaillons à améliorer la situation, en suivant les recommandations des récents rapports.
Alors que les professionnels de santé se raréfient, mon ministère a fait de leur revalorisation une priorité. Dans le cadre du Grenelle de l'éducation, les mesures catégorielles pour 2021 ont permis une revalorisation indemnitaire pour les médecins de l'éducation nationale de 1 700 euros, de 2 700 euros pour les médecins conseillers techniques - soit une revalorisation indemnitaire moyenne de 7 700 et de 8 700 euros respectivement entre 2021 et 2023. Les infirmiers ont bénéficié d'une augmentation indemnitaire moyenne de 400 euros et d'une amélioration de leur déroulement de carrière, dans la lignée du Ségur. Dans sa déclaration de politique générale, le Premier ministre a par ailleurs annoncé qu'ils recevraient une prime de 800 euros en mai, et seraient revalorisés de 200 euros nets par mois.
Nous devons aussi améliorer les conditions d'exercice pour renforcer l'attractivité du métier. Le ministère a engagé une revue des missions, qui doit permettre aux médecins scolaires de se concentrer sur la prévention et la protection de la santé des élèves.
Je souhaite que nos échanges se poursuivent sur les pistes d'amélioration de la santé scolaire. Notre préoccupation unique, partagée, demeure la bonne santé physique et psychique de nos élèves. Je reste pleinement mobilisée pour parvenir à cette fin.
M. Olivier Bitz . - Nous connaissons tous l'état de la médecine scolaire. Le nombre de postes de médecins a chuté de 30 % en dix ans, 45 % des postes sont vacants. Cette pénurie n'est pas homogène, et certaines académies sont plus en difficulté que d'autres : 79 % de postes vacants dans celle de Créteil !
Résultat, la médecine scolaire ne remplit plus ses missions, malgré l'engagement sans faille des personnels, dans des conditions difficiles. Moins de 20 % des élèves de sixième bénéficient d'une visite médicale, pourtant obligatoire. Dans 34 départements, ce taux est inférieur à 10 %.
Or les missions de la médecine scolaire sont essentielles pour les élèves, surtout les plus fragiles. C'est une médecine de prévention, qui permet le dépistage et la prise en charge précoce de certains troubles ; c'est aussi un moyen de détecter les violences intrafamiliales.
Dès lors, que faire ? Dans un contexte de pénurie de personnel médical, il nous faut imaginer des pistes. Nous le devons aux élèves.
Nous avons du recul sur les transferts de compétences par l'État aux collectivités territoriales, et savons qu'une compétence transférée est en général mieux exercée. Qu'avons-nous à perdre à expérimenter un transfert de la médecine scolaire ? Cela ne pourra pas être pire que la situation actuelle.
M. Max Brisson. - Ce sera même meilleur !
M. Olivier Bitz. - Cela pourrait même l'améliorer, grâce aux synergies avec la PMI. En élargissant la focale à la médecine scolaire, la proposition de loi propose un continuum de santé, du berceau au lycée. Cet alignement vaut le coup d'être expérimenté. (Mme Françoise Gatel et M. Jean-Michel Arnaud s'en félicitent.)
Regardons ce qui se passe en Alsace, où la ville de Strasbourg s'est vu déléguer la compétence de la médecine scolaire par l'État et la compétence PMI par le département. Cela se passe-t-il moins bien qu'ailleurs ? Non, plutôt mieux !
M. Max Brisson. - Très bien !
M. Olivier Bitz. - Nous voulons innover pour débloquer les difficultés actuelles. Nous soutenons cette démarche pragmatique, fondée sur l'expérimentation et le volontariat : c'est une marque de confiance et d'encouragement envers nos territoires.
La majorité du RDPI accueille favorablement cette proposition de loi, car l'importance de l'enjeu justifie d'innover. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, INDEP et Les Républicains ; MM. Henri Cabanel et Bernard Jomier applaudissent également.)
M. Max Brisson. - Bravo !
Mme Audrey Linkenheld . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Depuis de nombreuses années, la question se pose du rattachement de la médecine scolaire aux départements. Lors de l'examen de la loi 3DS, plusieurs sénateurs du groupe SER avaient fait adopter une demande de rapport envisageant ce transfert.
Nous remercions Mme Gatel pour sa mansuétude à l'époque et le dépôt de sa proposition de loi aujourd'hui. Sans ce texte, nous aurions sans doute ignoré que le rapport demandé a bien été réalisé - en juin dernier, par une mission commune de l'Igas et de l'Igen...
Ce rapport confirme ce que nous savons tous : la médecine scolaire ne va pas bien. Du fait d'effectifs insuffisants et de disparités territoriales importantes, les missions ne sont pas correctement remplies, malgré l'implication des personnels. Huit enfants sur dix n'ont jamais vu de médecin scolaire !
Le pilotage de la médecine scolaire est ténu. Représentant 1 % des effectifs de l'éducation nationale, elle se fait difficilement entendre. Le rapport préconise de l'inclure à des services santé-social positionnés au niveau départemental, même s'ils devaient rester gérés par l'État. Il confirme notre intuition d'il y a deux ans : transfert ou pas, il faut des évolutions majeures pour la politique publique de santé scolaire.
Le groupe SER se satisfait que Mme Gatel rouvre le débat en proposant une expérimentation fondée sur le volontariat. Reste que nous sommes réservés sur les conditions actuelles de ce transfert. Le Gouvernement place les collectivités territoriales dans une impasse financière et ne prévoit pas de nouvelle étape de décentralisation - il n'avance même pas dans le sens d'une plus grande déconcentration.
Nous serions prêts à envisager que les départements assument la politique de santé scolaire du berceau au lycée. (Mme Françoise Gatel s'en félicite.) En revanche, nous ne voulons pas d'une décentralisation à géométrie variable : elle doit être homogène pour assurer l'égalité.
Les moyens alloués par l'État à la médecine scolaire sont très inférieurs aux besoins. La proposition de loi tente de forcer le diagnostic en laissant un an aux départements pour négocier : c'est astucieux, mais vain, car les choix budgétaires tournés vers le social et la fonction publique ne sont guère dans la tendance du moment...
Pour ces raisons, nous nous abstiendrons. Soutenir ce texte dans les conditions actuelles serait illusoire et source de frustrations. Nous regrettons que, une fois de plus, le Gouvernement ne soit pas au rendez-vous d'un enjeu d'avenir. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées du GEST)
M. Max Brisson . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Tout va mal, mais surtout ne changeons rien ! Voilà, en substance, ce que dit Mme la ministre.
M. Laurent Burgoa. - Tout à fait !
M. Max Brisson. - Au moment de la loi 3DS, nous étions pleins d'espoir. Mais quelle ne fut pas notre déception en constatant que le Gouvernement avait reculé, peut-être devant les grognements des syndicats, en retirant la possibilité de transfert aux départements de la médecine scolaire. Nous avons fait contre mauvaise fortune bon coeur en acceptant une demande de rapport sur ce sujet. Le travail en profondeur mené au Sénat a abouti à cette excellente proposition de loi de Mme Gatel.
D'aucuns ont des réserves, mais l'expérimentation devrait les rassurer. Elle préparera une réponse globale à l'effondrement de la médecine scolaire, fondée sur le rapprochement de la PMI et de la santé scolaire. Qui mieux que les départements pourrait réaliser cette synergie ? Madame la ministre, comprenez qu'ils sont les mieux placés et qu'on ne peut reporter plus longtemps cette bonne décision. (Mme Françoise Gatel renchérit.)
Le groupe Les Républicains, comme le RDPI, votera avec enthousiasme cette proposition de loi. (M. Olivier Bitz tempère en souriant le propos de l'orateur ; applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)
M. Joshua Hochart . - De prime abord, cette proposition de loi peut séduire, allant vers plus de décentralisation. Mais chaque département pourrait mener sa propre politique, selon sa vision propre. Or les inégalités territoriales sont grandissantes et, ici ou là, le dogmatisme prévaut.
On compte un médecin scolaire pour 13 000 élèves et 7 500 infirmières pour 12 millions d'élèves, bien loin des préconisations. À notre sens, le débat devrait porter surtout sur l'attractivité des métiers, à travers la formation et la rémunération.
L'État doit demeurer la seule autorité compétente, avec comme relais les collectivités territoriales. Le transfert pur et simple de la compétence nous semble inopportun et risquerait de servir de prétexte à un désengagement de l'État. Nos compatriotes ne gagneront rien à ce transfert pour le service assuré à leurs enfants.
La question budgétaire doit aussi être soulevée. Les compensations tendent à reculer, et le risque est que les collectivités territoriales doivent appliquer les mêmes politiques avec moins de moyens.
L'État doit rester la colonne vertébrale de la santé scolaire, au service de la réussite de nos enfants.
Mme Laure Darcos . - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP ; Mme Élisabeth Doineau applaudit également.) La dégradation de l'état de santé psychique des jeunes est incontestable. Pour détecter les troubles, la santé scolaire joue un rôle fondamental.
Or ce service public est en très grande difficulté : les inégalités territoriales s'aggravent, le nombre de médecins scolaires a diminué de 20 % en dix ans. Nous comptons seulement 900 médecins scolaires pour 12 millions d'élèves. Faute de temps et d'équipements, ils ne peuvent pas toujours exercer leurs missions. Parfois, il faut faire appel à des médecins retraités. La moyenne d'âge de ces praticiens est de 55 ans, ce qui inquiète pour l'avenir.
Résultat : les obligations légales ne sont pas respectées. Seuls 20 % des élèves ont accès à la visite médicale prévue à leur sixième année. Les conséquences de ces défaillances peuvent être dramatiques, avec la détection tardive de maladies graves.
Malgré les alertes, la situation ne cesse d'empirer. Les postes existent, mais ne sont pas pourvus. Il est vrai que le manque de médecins est un problème général. Il faut améliorer l'attractivité de la médecine scolaire, notamment à travers les évolutions de carrière et la consolidation des rémunérations.
Cette proposition de loi s'inscrit dans la droite ligne du principe de différenciation territoriale soutenu par le Sénat. Mais les moyens financiers seront-ils au rendez-vous ? L'État propose le maintien de l'existant, alors qu'il faudrait trois fois plus. Dans ces conditions, les départements pourront-ils faire mieux, alors qu'ils peinent déjà à recruter des médecins de PMI ?
En Essonne, nous ne sommes pas totalement convaincus par ce transfert, mais le groupe Les Indépendants considère qu'il faut laisser ce texte prospérer : nous le soutiendrons donc. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et UC)
M. Jean-Michel Arnaud . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Cette proposition de loi est de bon augure. Elle s'inscrit dans la logique de décentralisation et de différenciation de la loi 3DS.
La médecine scolaire, qui relève du ministère de l'éducation nationale, s'est progressivement centralisée avec l'État providence. Elle est aujourd'hui gravement défaillante. Nous comptons un médecin pour 12 000 élèves, alors que l'OMS en recommande un pour 5 000. Seuls 20 % des élèves de 6 ans bénéficient de la visite médicale théoriquement obligatoire !
Cette proposition de loi a plusieurs atouts : une expérimentation de cinq ans, pour laquelle dix-neuf départements ont déjà manifesté leur intérêt ; une évaluation à mi-parcours ; un principe de volontariat. C'est une loi de liberté - au Sénat, nous y tenons.
Une convention entre l'État et les départements intéressés précisera les transferts financiers correspondant au transfert de charges. L'expérimentation ne doit pas être un levier de réduction des concours financiers aux départements. (Mme Françoise Gatel renchérit.)
Si ce transfert, au demeurant réversible, peut favoriser des économies d'échelle, il renforcera surtout la cohérence des politiques, les départements exerçant déjà la compétence de la PMI. Le transfert de cette dernière ne s'est pas traduit, chers collègues socialistes, par un accroissement des inégalités, au contraire ! Les départements assureront désormais le suivi sanitaire des enfants de la naissance jusqu'au lycée.
Le département est une collectivité territoriale d'expérimentation. Il y a quelques jours, nous avons voté le transfert à trois régions de la gestion de réseaux nationaux routiers, notamment pour expérimenter l'écotaxe dans le Grand Est : le Gouvernement ne s'est pas montré hostile au principe de territorialisation. (M. Olivier Bitz opine.) Dans la loi 3DS, nous avons expérimenté le transfert des gestionnaires d'établissement dans les collèges, en dépit des résistances syndicales.
Mme Françoise Gatel. - Très juste !
M. Jean-Michel Arnaud. - En matière de santé scolaire, on ne peut guère faire pire qu'aujourd'hui. Alors, osons ! Madame la ministre, faites confiance aux territoires et à leur savoir-faire. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains ; M. Henri Cabanel applaudit également.)
MM. Max Brisson et Laurent Burgoa. - Très bien !
M. Guy Benarroche . - (Applaudissements sur les travées du GEST) Le parcours scolaire de nos enfants est parfois bien chaotique : bâtiments délabrés, déséquilibre grandissant entre public et privé, médecine scolaire défaillante.
La pénurie de médecins est générale, mais particulièrement marquée en matière scolaire, avec 45 % des postes vacants fin 2022. Dans l'académie de Créteil, le taux de vacance atteint 79 % ! La profession manque de reconnaissance, à l'instar de la médecine du travail.
Cette proposition de loi permettrait de mutualiser les moyens de la médecine scolaire et de la PMI. La médecine scolaire joue un rôle indispensable pour le dépistage des troubles psychiques, des violences intrafamiliales et du harcèlement. Or huit enfants sur dix n'ont jamais vu un médecin scolaire, alors que ce contact est parfois leur seule entrée dans un parcours de prévention ou de prise en charge.
La santé scolaire souffre aussi d'un pilotage en cascade, comme souvent dans notre administration.
Le GEST soutient une gouvernance plus décentralisée et la différentiation, mais s'interroge sur plusieurs points. Quels seront les moyens transférés par l'État ? Qu'adviendra-t-il si les règles changent ? Ce ne serait pas la première fois que l'État élargirait le périmètre de la compétence transférée sans compensation... En outre, cette proposition de loi pourrait être source d'inégalités entre territoires.
Nous avons des retours positifs des initiatives conduites dans certains territoires, dont Paris. Nous serons attentifs aux explications de Mme la ministre et voterons vraisemblablement le texte.
Mme Françoise Gatel. - Vraisemblablement ?
M. Guy Benarroche. - Mais, en cas de pérennisation, il faudra laisser les départements décider s'ils souhaitent ou non ce transfert (Mme Françoise Gatel opine ; applaudissements sur les travées du GEST)
Mme Céline Brulin . - Il pourrait être tentant de soutenir cette expérimentation. La France compte un médecin scolaire pour 12 000 élèves, quand l'OMS préconise un ratio d'un pour 5 000. Les différences entre territoires sont fortes : un seul médecin scolaire pour 47 000 élèves en Nouvelle-Calédonie, une trentaine de médecins pour 200 000 élèves en Seine-Maritime. Les implications sur la santé des enfants sont directes.
La médecine scolaire doit faire partie intégrante de la réussite scolaire, de la maternelle à l'université. Elle doit aussi accompagner tous les élèves, y compris à besoins particuliers. C'est loin d'être le cas aujourd'hui, faute de personnel.
Transférer cette compétence aux départements semble relever du cadeau empoisonné. Beaucoup n'auront pas les moyens de recruter, et ceux qui le pourront trouveront-ils des candidats ? Le taux de réalisation des visites obligatoires en cours de scolarité est de 18 % seulement, mais les départements pourront-ils faire mieux ?
Au reste, si certains départements se montrent favorables à cette expérimentation, ils ne sont pas d'accord sur son périmètre : doit-elle se limiter au collège, inclure le lycée ?
Nous voterons contre ce texte superflu. Il risque de rendre la compétence illisible et fait courir le risque que l'État se départisse d'une responsabilité sans transférer les ressources adéquates. Lorsque j'entends parler de mutualisation et de rationalisation, je ne suis guère rassurée... (Marques d'impatience à droite, l'oratrice ayant épuisé son temps de parole) Les collectivités n'ont pas à assumer les compétences que l'État n'assume pas !
M. Philippe Grosvalet . - (Applaudissements sur les travées du RDSE) J'avais préparé une intervention, comme cela semble être l'usage, pour dire tout le bien que je pense de cette proposition de loi, même si les réserves qui ont été exprimées sont entendables.
Mais je me souviens d'avoir accompagné Dominique Bussereau à l'Élysée en 2017 : le Président de la République nous parlait de continuum, s'agissant d'insertion et d'emploi. Il en a parlé aussi lorsque la France a été chamboulée par les gilets jaunes
Parlons-nous de statistiques, de statut des agents ? Non, de quelque chose de bien plus essentiel : la santé de nos enfants. Quand 80 % des enfants en âge d'apprendre à lire ne bénéficient pas d'une simple visite médicale, l'État est défaillant.
M. Jean-Michel Arnaud. - Absolument !
M. Philippe Grosvalet. - Madame la ministre, vous n'y êtes pour rien : le déclin est en cours depuis vingt ans.
M. François Bonhomme, rapporteur. - Il s'aggrave...
M. Philippe Grosvalet. - A Saint-Flour, il n'y a pas un seul médecin scolaire. Lorsque j'étais président de département, je peinais à recruter pour les PMI. Dans les facultés de médecine, on répète aux étudiants qu'ils finiront médecin de PMI s'ils ne travaillent pas ! Il est temps que l'État prenne ses responsabilités.
La méthode proposée est la bonne : volontariat, expérimentation, évaluation. Prenons des risques dans une logique de progrès, osons le pas de côté ! Sinon, rien n'avancera et, dans vingt ans, d'autres que nous feront ici le même constat.
Madame la ministre, venez dans nos collèges et lycées pour parler aux personnels transférés après 2004.
M. Mathieu Darnaud. - Il n'y en a pas beaucoup qui se plaignent !
M. Philippe Grosvalet. - Osez le pas de côté, osez l'innovation, bref, osez ! (Applaudissements sur les travées du RDSE, du RDPI et des groupes INDEP, UC et Les Républicains)
M. Henri Cabanel. - Excellent !
M. Christian Bruyen . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le constat d'une médecine scolaire en grande difficulté, je l'ai fait en tant que maire, président de département, enseignant et père de famille. Et je ne suis pas le seul ! Dans la ruralité, notamment, on assiste à une dégradation du système, qui n'est pas le fait des personnels.
Il faut donc une approche nouvelle. De ce point de vue, l'expérimentation proposée va dans le bon sens.
En matière de solidarité, les départements savent faire, mais devront bénéficier d'une compensation financière suffisante. Nul ne conteste plus l'exercice en proximité des compétences transférées après 2004.
Mais le cadre de l'expérimentation ne doit pas se transformer en marché de dupes. La nation doit faire un effort pour la santé de sa jeunesse. Je déplore particulièrement la faiblesse des moyens consacrés à la pédopsychiatrie.
Il est impératif de renforcer le lien entre médecine scolaire et PMI. On pourrait ainsi imaginer une meilleure prise en compte des bilans de maternelle lorsque les enfants sont à l'école primaire.
Faisons confiance aux départements, qui ont le sens des responsabilités en matière sociale et éducative. Madame la ministre, vous dites ne pas vouloir complexifier leur équation budgétaire. Pourtant, le Gouvernement était bien moins embarrassé pour transférer aux départements, volontaires ou non, l'allocation spécifique de solidarité, pour 2 milliards d'euros ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)
Nous avons besoin d'une loi 3C : confiance, confiance, confiance ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP)
M. Laurent Burgoa. - Très bien !
M. Hervé Reynaud . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Près de 80 ans après l'institution d'un service national d'hygiène scolaire, force est de constater que la politique de santé scolaire est défaillante. Tous les rapports dressent le même constat : des moyens insuffisants et une offre inadaptée aux besoins. Les difficultés sont surtout liées au manque de personnel : une revalorisation des métiers est absolument nécessaire. Mais le pilotage de cette politique pose aussi question.
Cette proposition de loi prévoit de transférer la compétence de la médecine scolaire aux départements volontaires. La PMI est déjà dévolue aux départements. On assurerait ainsi une meilleure cohérence de la politique de prévention. N'oublions surtout pas les enfants porteurs d'un handicap.
Les difficultés sont bien identifiées et l'expérimentation permettra de surmonter les réserves. Proximité, subsidiarité et expérimentation sont des notions que le Sénat défend avec constance. Le département, échelon de proximité pertinent, est en souffrance : redonnons-lui un sens et une capacité à fédérer. Avançons avec ambition pour la santé de notre jeunesse ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Françoise Gatel applaudit également.)
Mme Nicole Belloubet, ministre. - Merci pour vos interventions.
Monsieur Bitz, je n'ai jamais pensé que l'exercice de la médecine scolaire par les départements se passerait moins bien qu'avec l'État.
Monsieur Grosvalet, le transfert des agents techniques, ouvriers et de service a provoqué des manifestations. J'étais rectrice à l'époque et je faisais partie de ceux qui étaient sûrs que le transfert se passerait bien. Je n'ai pas d'a priori.
Madame Darcos, compte tenu de la raréfaction des médecins, la répartition faite par l'État peut être équitable.
Il faut aussi assurer un périmètre cohérent dans la décentralisation. Madame Gatel, vous proposez de décentraliser les médecins scolaires, mais ce sont les quatre professions de la santé scolaire qu'il faut traiter, car elles sont en cohérence. (Mme Françoise Gatel en convient.)
Il n'est donc pas exact, monsieur Brisson, que cette proposition de loi apporte une réponse globale.
Nous ne rejetons nullement le principe de l'expérimentation. Mais la décentralisation des gestionnaires d'établissement est bien différente de celle de la médecine scolaire, car il n'y a pas d'intrication des compétences.
L'État a déjà fait des efforts en matière de rémunération. (Mme Françoise Gatel et M. Olivier Bitz approuvent.)
Monsieur Grosvalet, vous me demandez de l'audace, encore de l'audace, toujours de l'audace : j'en ai, mais pour l'État aussi !
Vote sur l'ensemble
M. Bernard Jomier . - Je voterai cette proposition de loi. Avant d'être sénateur, j'ai eu la chance, dans le département de Paris, d'exercer la compétence de la médecine scolaire, de la PMI et de la maison départementale des personnes handicapées. J'ai ainsi mesuré la richesse d'une approche globale.
C'est, en effet, toute la santé scolaire qui doit être transférée au département, mais cette proposition de loi marque une première étape fondamentale. Nous devons dépasser nos réticences. M. Grosvalet a raison : osons !
Mme Françoise Gatel . - Pour obtenir votre satisfecit, madame la ministre, nous aurions été prêts à accepter un amendement au demeurant pertinent... (Sourires)
M. Mathieu Darnaud . - Au-delà des arguments de mes collègues, que je fais miens, il est paradoxal que le Gouvernement ait demandé avec empressement au Parlement, il y a trois ans, de légiférer sur la simplification de l'expérimentation et que, depuis lors, aucune expérimentation n'ait été lancée... Loi Engagement de proximité, loi 3DS : le souffle décentralisateur est vite retombé, et la montagne a accouché d'une souris.
Que le Gouvernement se montre cohérent ! Mme Gatel nous offre une occasion concrète d'expérimenter, et il lui tourne le dos. C'est une occasion manquée. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC)
Mme Silvana Silvani . - En Meurthe-et-Moselle, nous nous efforçons d'assurer le lien le plus fort possible entre PMI et santé scolaire. Je partage les constats de défaillance de la santé scolaire, mais le transfert proposé ne règlera pas les problèmes. Dans les conditions actuelles, les départements ne feront pas mieux que l'État.
Les négociations département par département ne garantissent en rien l'équité de traitement. Nous avons besoin d'un véritable service public de santé de 0 à 18 ans. Le rôle des départements n'est pas de compenser les défaillances de l'État. N'abandonnons pas le combat !
M. Mathieu Darnaud. - Nous n'abandonnons rien ! Nous expérimentons.
M. Jean-Gérard Paumier . - Pour ma part, je m'abstiendrai.
Le métier de médecin scolaire manque d'attractivité. Je comprends la logique de la proposition de loi : proposer une expérimentation aux départements qui le souhaitent. Mais la pénurie de médecins touche aussi la PMI, alors que les salaires des médecins de PMI sont supérieurs à ceux des médecins scolaires.
Alors que les finances des départements sont affectées par la chute des droits de mutation, l'État doit garder la compétence de la médecine scolaire. Pourquoi ne pas mobiliser les internes en fin d'études ?
M. François Bonhomme, rapporteur . - Madame la ministre, vous avez fait valoir des craintes qui ne sont pas toujours fondées. La convention fixera ce qui relève du fonctionnel.
Vous avez dit que la médecin scolaire doit rester nationale, mais c'est bien l'État qui définira la stratégie nationale de santé.
Le rapport de l'Igas fait déjà état d'une dégradation continue de l'accès aux bilans médicaux scolaires. Depuis dix ans, tous les indicateurs se dégradent. L'inertie ne peut plus durer. N'ayez pas peur, ne procrastinez pas ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC, du RDPI et du RDSE)
Mme Françoise Gatel. - Bravo !
L'article unique est adopté. En conséquence, la proposition de loi est adoptée.
(Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP, du RDPI, du RDSE et du GEST)
Conférence des présidents
M. le président. - Les conclusions adoptées par la Conférence des présidents réunie ce jour sont consultables sur le site du Sénat.
En l'absence d'observations, je les considère comme adoptées.
Les conclusions de la Conférence des présidents sont adoptées.
Prochaine séance demain, jeudi 21 mars 2024, à 10 h 30.
La séance est levée à 20 h 30.
Pour le Directeur des Comptes rendus du Sénat,
Rosalie Delpech
Chef de publication
Ordre du jour du jeudi 21 mars 2024
Séance publique
De 10 h 30 à 13 heures et de 14 30 à 16 heures
Présidence : M. Dominique Théophile, vice-président, M. Loïc Hervé, vice-président.
Secrétaires : Mme Sonia de La Provôté, M. Mickaël Vallet.
1. Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant la ratification de l'accord économique et commercial global entre l'Union européenne et ses États membres, d'une part, et le Canada, d'autre part, et de l'accord de partenariat stratégique entre l'Union européenne et ses États membres, d'une part, et le Canada, d'autre part (n°694, 2018-2019)
2. Proposition de résolution, en application de l'article 34-1 de la Constitution, invitant le Gouvernement à reconnaître l'État palestinien et à agir pour un cessez-le-feu effectif et durable dans l'attente de négociations, présentée par Mmes Cécile Cukierman, Michelle Gréaume, MM. Fabien Gay, Robert Wienie Xowie et plusieurs de leurs collègues (n°379, 2023-2024)