Justice patrimoniale au sein de la famille (Procédure accélérée)
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à assurer une justice patrimoniale au sein de la famille, à la demande du groupe UC.
Discussion générale
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice . - Je suis heureux que le Sénat examine cette proposition de loi, adoptée à l'unanimité par l'Assemblée nationale en janvier dernier. Son inscription à votre ordre du jour démontre notre engagement commun contre les violences conjugales. J'en remercie chaleureusement Hervé Marseille, Isabelle Florennes et l'ensemble des sénateurs du groupe UC.
La lutte doit être menée non seulement sur le plan du droit pénal, mais aussi patrimonial et fiscal, qui semblent a priori éloignés. Il faut effectivement combler une grave carence des régimes matrimoniaux. Je veux dire à tous les pseudo-sachants, juristes de pacotille, qui disaient, avec l'arrogance qui sied aux ignorants, que cette proposition de loi était inutile, qu'ils se trompent lourdement.
Il fallait combler une lacune : un époux meurtrier peut bénéficier de la clause d'attribution intégrale de la communauté qui lui octroie l'ensemble des biens communs. C'est un comble - avec trois points d'exclamation !
C'est insupportable et injuste. Un époux meurtrier ne doit jamais tirer bénéfice de son crime. Je salue donc l'initiative du député Hubert Ott, coconstruite entre l'Assemblée nationale, le Sénat et la chancellerie.
L'article 1er crée le nouveau régime juridique de la déchéance matrimoniale, parfaitement distinct de celui de l'indignité successorale et de l'ingratitude. En effet, les problématiques du couple sont différentes de celles de la succession et du droit des libéralités. La navette a renforcé la protection des victimes.
En France, ces dernières années, et particulièrement ces derniers mois, nous avons bel et bien été au rendez-vous des violences intrafamiliales (VIF). Aujourd'hui, vous mettrez un terme, je l'espère, à une aberration de notre droit, pour qu'il n'y ait plus jamais de prime au crime. (Applaudissements)
M. Thomas Cazenave, ministre délégué chargé des comptes publics . - Lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2024, nous avions examiné des amendements sur la décharge de responsabilité solidaire (DRS) : à cette occasion, je m'étais engagé à y travailler. C'est chose faite, et je salue le travail collectif des députés Perrine Goulet, Hubert Ott et de la sénatrice Isabelle Florennes.
En l'état actuel du droit, 200 demandes de DRS ont lieu chaque année, dont la moitié est refusée dès lors qu'il n'y a pas de disproportion marquée entre le patrimoine et la dette fiscale. Un conjoint doit donc parfois rembourser une dette fiscale contractée à son insu - souvent l'épouse, même si elle n'y est pour rien. C'est une double peine.
L'Assemblée nationale a prévu une décharge gracieuse de la dette fiscale pour la victime. Je prends trois engagements. D'abord, cette procédure complémentaire sera appréciée indépendamment de toute disproportion marquée entre patrimoine et dette fiscale.
Deuxièmement, l'administration fiscale tiendra compte de l'origine des revenus frauduleux, souvent découverts par la victime. Il est injuste que le conjoint rembourse des dettes dont il n'avait pas connaissance.
Troisièmement, la situation individuelle sera prise en compte, dont les violences, la séparation, le non-versement de la prestation compensatoire.
Je prends ces engagements devant vous avec solennité, pour faire avancer la cause des femmes. (Mme Laure Darcos applaudit.)
Je m'engage à ce que les biens acquis avant le mariage ou par héritage ne soient pas recherchés pour la DRS et la décharge gracieuse de la dette fiscale. Je travaillerai à traduire ces engagements dans la doctrine fiscale opposable à l'administration.
De plus, la nouvelle procédure de décharge gracieuse sera applicable rétroactivement, afin de répondre aux victimes actuelles pour lesquelles la DRS n'est pas une solution. Le Gouvernement présentera un amendement.
D'ici au prochain projet de loi de finances, nous pourrons apprécier la conformité du texte à notre intention exprimée aujourd'hui.
La lutte contre les violences faites aux femmes et une priorité depuis sept ans.
Depuis sept ans, les avancées se sont multipliées, dont l'inscription de l'IVG dans la Constitution. Mais il reste du chemin : la solidarité fiscale ne doit plus être un fardeau pour les femmes.
Cette proposition de loi conjugue fiscalité et égalité. Mettons fin à un monde dans lequel un homme qui tue sa femme peut récupérer l'ensemble de ses biens. C'est une avancée majeure au service des droits des femmes. (Applaudissements sur les travées du RDPI et du groupe UC, ainsi que sur plusieurs travées du RDSE et des groupes INDEP et Les Républicains)
Mme Isabelle Florennes, rapporteure de la commission des lois . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur plusieurs travées du groupe Les Républicains ; Mme Laure Darcos et M. Hussein Bourgi applaudissent également.) N'usurpant pas son intitulé, cette proposition de loi fait oeuvre de justice.
La commission des lois s'est attachée à sécuriser juridiquement le texte, élargissant et pérennisant l'irrévocabilité de la clause d'exclusion des biens professionnels à l'article 1er bis. Notre rédaction robuste répondra ainsi à l'attente des justiciables et des professionnels du droit.
La commission a aussi supprimé des dispositifs excédant l'intention poursuivie par le texte, comme la précision, adoptée par l'Assemblée nationale, selon laquelle, en cas de déchéance des avantages matrimoniaux, toute clause stipulant l'apport à la communauté de biens propres de l'époux défunt est réputée non écrite. Remettant en cause le droit de propriété de l'époux déchu sur des biens dont il jouit déjà, une telle disposition serait complexe et sa constitutionnalité incertaine.
La commission a complété le dispositif sur l'emprise, supprimant la disposition de « pardon » et étendant à tous les cas de déchéance l'obligation pour l'époux déchu de rendre les fruits de l'avantage matrimonial dont il a eu la jouissance depuis la dissolution du régime.
Elle a assoupli les conditions d'octroi de la DRS et supprimé des exceptions au principe d'une décharge totale.
Une avancée notable issue des travaux de la commission est la décharge à titre gracieux, qui doit permettre à l'administration fiscale de tenir compte du cas de femmes qui, bien que solvables, ne peuvent se voir demander de rembourser la dette fiscale contractée par leur conjoint, du fait de violences ou de la fraude de celui-ci.
J'ai écouté, monsieur Cazenave, vos engagements, notamment en matière de doctrine administrative. Vos réponses étaient très attendues pour rassurer les victimes. Je vous en remercie.
Ne nous exposons pas au risque d'inconstitutionnalité, ni à celui de créer des attentes déçues. Le sujet est trop grave pour faire preuve de légèreté.
Si des ajustements législatifs sont envisageables, je souligne le rôle de l'administration fiscale dans l'appréciation au cas par cas de la situation de chacun des demandeurs. Je fais confiance à ses agents et à notre assemblée pour contrôler la mise en oeuvre future. La confiance n'exclut pas le contrôle. (M. Thomas Cazenave sourit.)
Chers collègues je vous demande d'adopter cette proposition de loi de Hubert Ott et Perrine Goulet, que je salue. Je remercie le groupe UC d'avoir inscrit ce texte à l'ordre du jour. (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; Mme Elsa Schalck applaudit également.)
M. Michel Masset . - Cette proposition de loi est très attendue par les associations et les syndicats de notaires.
Il est bien question de justice avec ce texte, qui améliore sensiblement la situation des personnes liées par un mariage ou un Pacs. Je félicite les députés, qui ont adopté cette proposition de loi à l'unanimité, et je remercie la rapporteure.
Nous ne contestons pas l'article 1er sur le fond, car le droit positif conduit à une situation intolérable et ubuesque. Nous avons renforcé cette disposition urgente et nécessaire pour prémunir les victimes d'une situation d'emprise. La fin de la prime au crime était impérative.
La suppression de l'article 1er bis A a été expliquée par la rapporteure : il est satisfait et il créerait une charge disproportionnée sur l'époux survivant.
L'article 1er bis, ajouté par les députés, a fait l'objet d'un consensus au sein de la commission des lois. Cet article, attendu par la Cour de cassation, va dans le bon sens, mais il aurait été possible d'aller plus loin. Multiplier les exceptions à la révocabilité des clauses matrimoniales ne nous exonérera pas de revoir l'article 265 du code civil.
La DRS, mentionnée aux articles 2 et 2 bis, est encore une fois une exigence de justice. La solidarité fiscale des époux ou des personnes liées par un Pacs peut faire des victimes, principalement les femmes. Elles seront en théorie mieux protégées. L'ajout de la commission vise à renforcer la protection des époux, lorsque l'un d'eux a eu un comportement répréhensible envers l'administration fiscale, en supprimant des exemptions à la décharge de paiement. Cette mesure est juste, d'autant que la victime se retrouve souvent seule à devoir assumer les charges parentales.
Eu égard aux avancées importantes de ce texte, le RDSE votera ce texte à l'unanimité. (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe INDEP, Mmes Isabelle Florennes et Nadia Sollogoub applaudissent également.)
Mme Patricia Schillinger . - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Alors que la lutte pour l'égalité entre les femmes et les hommes et contre les violences conjugales fait partie de nos priorités, il demeure certains archaïsmes particulièrement préjudiciables aux victimes de violences conjugales, très majoritairement des femmes pour 81 %, alors que 84 % des auteurs sont des hommes.
Les décès de ces femmes sont une réalité insupportable, mais le régime matrimonial y reste étonnamment indifférent. Le conjoint meurtrier peut bénéficier des biens de son épouse décédée. Le crime ne paie pas, dit-on : il était plus que temps. Je salue l'action de Hubert Ott.
Cette proposition de loi prévoit la déchéance des avantages patrimoniaux, largement inspirée de l'indignité successorale. L'Assemblée nationale a créé l'article 1er bis, avec la clause d'exclusion des biens professionnels.
L'article 2 traite du cas des contribuables obligés de rembourser des dettes fiscales. La mise en oeuvre du principe de solidarité fiscale fragilise la situation de la personne injustement redevable. Aussi, le texte assouplit les conditions dans lesquelles le conjoint victime peut bénéficier d'une DRS ou d'une décharge gracieuse.
En commission des lois, Isabelle Florennes, dont je salue le travail, a sécurisé le texte. Les modifications au dispositif de déchéance des avantages matrimoniaux vont dans le bon sens, comme l'élargissement de la DRS et les exceptions au principe d'une décharge totale. Toutefois, nous émettons des doutes quant à l'efficacité de ce dernier dispositif.
Ce texte dépasse les appartenances partisanes. Il vise au respect des valeurs de liberté et d'égalité, au coeur du pacte républicain. Il est aussi l'occasion de réaffirmer notre condamnation des violences intrafamiliales (VIF). Le RDPI le votera. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées des groupes UC et Les Républicains ; M. Michel Masset applaudit également.)
M. Hussein Bourgi . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) La solidarité fiscale est fondamentale. Cependant, lors d'un divorce, de la dissolution d'un Pacs ou du décès d'un conjoint, elle peut accentuer les inégalités. La dette fiscale peut alors peser injustement sur l'ex-conjoint, des femmes dans 80 % des cas, ce qui suscite alors une violence inouïe. Chaque année, des femmes sont surendettées, voire spoliées. Hélas, notre arsenal juridique est incomplet.
Alors que notre droit a progressivement été complété contre les VIF, il est insatisfaisant pour les régimes matrimoniaux. Une personne ayant tué son conjoint peut ainsi bénéficier d'un avantage matrimonial. Quelle ineptie, quel scandale, quelle immoralité ! L'assassin peut ainsi vider la succession. C'est là un angle mort de notre législation.
Face à ces injustices, notre droit a évolué, trop lentement. La loi de finances pour 2008 a ainsi créé la DRS, mais elle est difficile à obtenir, en raison d'une interprétation restrictive de l'administration fiscale. Les ex-époux se heurtent à la citadelle déshumanisée de Bercy. (Mme Françoise Gatel s'en amuse ; M. Thomas Cazenave proteste.)
Monsieur le ministre des comptes publics, je veux croire que vos propos valent engagement.
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. - Oui.
M. Hussein Bourgi. - Les pénalités et les majorations relèvent parfois de l'usure.
Cette proposition de loi a pour objet d'y remédier.
L'article 1er révoque l'avantage matrimonial dans certains cas précis, notamment lorsqu'un époux attente à la vie de son conjoint ou lui fait subir des sévices. Notre groupe soutient cette mesure.
Je tiens à saluer le travail d'Isabelle Florennes, qui a supprimé la notion de pardon. En effet, la société ne saurait pardonner au bourreau, lequel, au nom de la morale, ne doit pas bénéficier de certains avantages matrimoniaux.
Nous approuvons la suppression de l'article 1er bis A, dont la rapporteure a démontré les difficultés constitutionnelles et les conséquences coûteuses.
Nous saluons l'article 2, qui modifie l'encadrement de la DRS.
Cette proposition de loi répond concrètement aux injustices dont sont victimes les femmes. Je forme le voeu qu'elle soit adoptée à une large majorité. Le groupe SER votera cette initiative parlementaire.
Je salue les femmes et les hommes, victimes des insuffisances de notre droit, qui ont su se reposer sur leur expérience et sur leurs avocats : ils ont éclairé le législateur. J'espère que nous serons dignes et à la hauteur de leurs attentes. (Applaudissements)
Mme Elsa Schalck . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Cette proposition de loi s'inscrit dans la lignée de notre combat commun pour faire de l'égalité entre les femmes et les hommes une réalité. Elle rectifie des situations aussi incompréhensibles qu'intolérables.
Est-il concevable qu'une personne qui tue son conjoint bénéficie des avantages du contrat de mariage ? Non, évidemment. Pourtant, la législation ne l'empêchait pas. Le crime ne saurait payer. Ce texte comble donc un vide juridique. Je salue le travail du député alsacien Hubert Ott, et celui d'Isabelle Florennes, qui ont renforcé la portée du texte.
Ainsi, avec l'article 1er, la déchéance matrimoniale serait automatique pour un l'époux ayant donné la mort à son conjoint et facultative dans certains cas - torture, viol par exemple.
L'article 1er bis règle une difficulté d'application sur l'irrévocabilité des clauses d'exclusion des biens professionnels.
L'article 2 répond aux difficultés du paiement de la dette d'impôt sur le revenu. La DRS existe depuis 2008, mais, malheureusement, les conditions pour faire jouer ce mécanisme rendent sa mise en oeuvre difficile : 75 % des demandes - formulées à 90 % par des femmes - ont été rejetées entre 2014 et 2022. Même après la loi de finances pour 2022, qui l'assouplit, on reste à 59 % de demandes rejetées. Il nous faut y répondre, surtout lorsque les conjoints doivent vendre leur patrimoine pour régler une dette dont ils ne sont pas responsables.
Je salue les engagements pris par le ministre. Nos amendements au projet de loi de finances pour 2024 n'avaient pas été retenus après le 49.3. J'espère qu'ils recevront aujourd'hui un avis favorable du Gouvernement.
Je salue l'engagement des associations qui oeuvrent contre cette violence tant économique que psychologique.
Le groupe Les Républicains votera le texte ainsi modifié, qui met fin à des injustices insupportables. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)
Mme Laure Darcos . - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, ainsi que sur quelques travées du groupe UC) Cette proposition de loi, technique, tend à remédier à une anomalie et à une injustice non traitée par le droit actuel.
Elle concerne des situations difficiles et intolérables qui ne sont pas isolées. Au-delà de l'indignité successorale et de l'ingratitude, notre droit reste silencieux sur la déchéance d'un avantage matrimonial en cas de meurtre de l'un des époux.
Aussi, je me réjouis que l'article 1er crée un dispositif de déchéance des avantages matrimoniaux, tout comme de l'apport de l'article 2, qui porte sur l'endettement de l'ancien conjoint. On ne fera plus peser une charge financière inique sur l'ex-conjoint, surtout des femmes.
Il faut encadrer l'appréciation par l'administration fiscale de la situation patrimoniale lorsque l'ex-époux sollicite la DRS. Malgré un assouplissement en 2022, le nombre de refus reste élevé. Je proposerai un amendement visant à ce que le patrimoine acquis avant la date du mariage, ou par succession ou donation, ne soit pas concerné.
J'entends les réserves de la commission des lois, mais gardons à l'esprit le contexte de la DRS, avec, souvent, des disproportions de revenus entre les époux. Il est injuste de demander à des femmes dans une grande précarité d'apurer les dettes. Le droit fiscal doit se rapprocher du droit matrimonial. J'espère que nos amendements recevront un avis favorable du Gouvernement.
Cette proposition de loi tend à remédier à des situations choquantes. Très sensible à l'égalité, à la lutte contre les violences faites aux femmes, mais aussi à la justice fiscale, le groupe Les Indépendants votera ce texte à l'unanimité. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme Dominique Vérien . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains) Cela peut paraître surprenant, mais on peut tuer son conjoint et en hériter : l'avantage matrimonial permet au conjoint survivant d'obtenir une partie du patrimoine du conjoint décédé, l'intégralité en cas de régime de communauté universelle.
L'article 1er corrige cette situation en créant une déchéance matrimoniale sous certaines conditions. (M. Éric Dupond-Moretti acquiesce.) Ce dispositif, pleinement justifié, a été amélioré par notre rapporteure, pour tenir compte des situations d'emprise - une avancée supplémentaire contre les VIF.
Le texte encadre mieux les conséquences d'une séparation. Les époux et partenaires de PACS sont soumis au principe de solidarité fiscale, selon lequel chacun peut être tenu responsable des dettes fiscales de son partenaire ce qui, en cas de séparation, est souvent générateur d'injustices, surtout pour les femmes - celles qui élèvent seules leurs enfants subissent une réduction de 25 % de leur niveau de vie contre 3 % pour les hommes, souvent propriétaires de leur logement.
La dépendance financière aggrave encore la situation, poussant les femmes à rester au domicile conjugal malgré les VIF. Mais j'ai bien noté les propos du ministre des comptes publics. Je l'en remercie.
L'article 1er bis sécurise les causes d'exclusion des biens professionnels - dispositions caduques au moment du divorce, selon la jurisprudence de la Cour de cassation.
L'article 2 améliore l'applicabilité de la DRS : c'était absolument nécessaire, car les décharges sont encore trop peu nombreuses. Or les refus sont très mal vécus, notamment lorsque le trésor public réclame des dettes à l'issue de manoeuvres frauduleuses. Là encore, j'ai entendu les engagements du ministre des comptes publics. Dès lors, je n'ose imaginer d'avis autres que favorables à mes amendements à ce sujet... (M. Éric Dupond-Moretti s'en amuse.)
Le groupe UC, fier d'avoir repris ce texte dans son espace réservé, le votera. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP)
Mme Mélanie Vogel . - (Applaudissements sur les travées du GEST) Le couple, en particulier le couple hétérosexuel, est pour les femmes un lieu rempli de risques. (Mouvements sur les travées du groupe UC)
Mme Évelyne Perrot. - Ils ne sont pas tous désagréables !
Mme Mélanie Vogel. - Je sais que cela vous perturbe... (On le réfute sur les mêmes travées.) Mais c'est un fait.
Risques de violences, d'abord. Les femmes représentent 80 % des victimes de violences sexuelles au sein des couples hétérosexuels. Neuf victimes sur dix connaissent leur agresseur - conjoint ou ex-conjoint dans 45 % des cas.
Violence économique, ensuite. Les femmes sont les grandes perdantes du couple hétérosexuel : les écarts de revenu passent de 9 % entre célibataires à 42 % entre époux hétérosexuels.
Le divorce entraîne une perte de niveau de vie de 27 % pour les femmes, 2 % pour les hommes. Pire encore : les hommes peuvent bénéficier des crimes machistes qu'ils commettent. (Marques d'agacement sur les travées du groupe UC)
M. Jean-Michel Arnaud. - Justement !
Mme Mélanie Vogel. - La proposition de loi du député Ott, que je remercie, apporte sa pierre à l'édifice.
Nous soutenons la proposition sur l'héritage, que nous défendons avec les associations féministes depuis longtemps.
Sans malice, je rappelle que nous avons adopté des amendements sur la DRS dans la loi de finances pour 2024. J'espère de la cohérence.
L'article 1er bis reste problématique. Le mariage précarisant les femmes et enrichissant les hommes, il faut que les femmes conservent le plus de choix au moment du divorce. C'est ce que Titiou Lecoq appelle la théorie du pot de yaourt vide : l'homme achète la voiture, pendant ce temps la femme fait les courses. À la fin, il reste à l'homme une voiture et à la femme, des pots de yaourt vides.
Naturellement, notre groupe votera ce texte. J'espère comprendre pourquoi mes propos ont perturbé certains d'entre vous... (Applaudissements sur les travées du GEST)
M. le président. - Nous ne sommes jamais perturbés, au Sénat ! (Sourires)
M. Pascal Savoldelli . - « À la Mairie, quand vous vous mariez, il n'y a personne qui se lève pour vous informer que vous serez solidaire fiscalement des dérapages de l'autre, et cela même après votre divorce. » Ces lignes sont celles du collectif des femmes divorcées victimes de la solidarité fiscale, dont je salue la présence à la tribune : elle nous honore et nous oblige. (Applaudissements)
La solidarité fiscale est pertinente pendant le mariage ou le Pacs, mais à la séparation, elle crée des injustices. En cas de séparation, l'ex-conjoint doit la rembourser jusqu'au dernier euro - pénalités et indemnités de retard comprises ! Les femmes, souvent, se retrouvent alors dans l'angoisse.
La DRS, longue, coûteuse et incertaine, vous laisse en proie à une administration compétente, mais qui statue dans le silence de la loi. Que dire de la situation d'une femme sommée de rembourser 800 000 euros alors qu'elle est boursière ? Ou de Mme A, dans le Val-de-Marne, trois enfants, dont les seuls revenus sont l'allocation aux adultes handicapés (AAH) et l'aide personnelle au logement (APL), mais dont le tort est de ne pas réclamer la pension alimentaire qui ne lui est pas versée ? Résultat : elle doit payer 8 303 euros et 20 centimes !
Le groupe CRCE-K n'a jamais caché son ambition d'accroître l'imposition du capital, car l'impôt est consenti lorsqu'il est juste et légitime. Mais, monsieur le ministre, les ex-conjointes devant s'acquitter des dettes frauduleuses ne sauveront pas les finances publiques.
Nous débattrons des articles 2 et 2 bis, que nous voterons. Le Sénat doit réitérer son vote lors du projet de loi de finances pour 2024.
L'article 1er bis, présenté comme consensuel, exclurait les biens professionnels du calcul de la créance de la participation due par le conjoint qui s'est le plus enrichi pendant le mariage. Non seulement il revient sur un arrêt de la Cour de cassation, mais il est défavorable aux intérêts des femmes et favorable à ceux des entreprises.
Or le patrimoine professionnel est le plus discriminant : les 1 % les plus riches en détiennent 66 % - on ne parle pas des petits commerçants... L'accumulation du patrimoine est genrée, et l'union matrimoniale accroît les inégalités entre les sexes. Nous demanderons donc la suppression de cet article.
Nonobstant ces réserves, nous voterons cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K)
M. Guillaume Chevrollier . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Cette proposition de loi votée à l'unanimité de l'Assemblée nationale modifie notamment l'article 1527 du code civil pour exclure du bénéfice des avantages matrimoniaux un époux ayant commis des violences à l'encontre de son conjoint, voire s'étant rendu responsable de sa mort.
Par ailleurs, elle adapte l'article 1691 bis du code des impôts, seul levier d'action des victimes de la solidarité fiscales - le plus souvent des femmes - mais difficile à actionner, car il faut être en règle fiscalement, être effectivement séparé de son ex-conjoint et ne pas pouvoir payer la dette fiscale de celui-ci. Résultat : seules 25 à 40 % des demandes de DRS sont acceptées.
Ces dispositions sont bienvenues. Chaque année, 321 000 femmes seraient victimes de violences physiques, sexuelles et psychologiques commises par leur conjoint ou ex-conjoint. Ancien membre de la délégation sénatoriale aux droits des femmes, j'y suis particulièrement sensible.
En France, il y a en moyenne, depuis 2010, 425 000 séparations chaque année. Il faut en tenir compte.
La commission des lois a pris en compte le phénomène d'emprise.
L'arsenal juridique contre les violences conjugales est ainsi consolidé, même s'il reste beaucoup à faire. Le groupe Les Républicains votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC ; M. Éric Jeansannetas applaudit également.)
Discussion des articles
Article 1er
M. le président. - Amendement n°15, présenté par M. Savoldelli et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky.
Alinéa 12
Rétablir cet alinéa dans la rédaction suivante :
« Art. 1399-6. - Lorsqu'un époux est déchu du bénéfice des clauses de la convention matrimoniale dans les conditions précisées à l'article 1399-1, est réputée non écrite toute clause de la convention matrimoniale stipulant l'apport à la communauté de biens propres de l'époux défunt. »
M. Pascal Savoldelli. - Nous proposons de rétablir la disposition supprimée en commission prévoyant de déchoir de ses droits toute personne ayant commis des violences sur son conjoint.
Une femme meurt sous les coups de son conjoint tous les trois jours. Chaque heure, les forces de l'ordre interviennent 38 fois pour violences conjugales. Un quart des femmes victimes avaient porté plainte ou déposé une main courante. D'après l'historienne Christelle Taraud, « les violences faites aux femmes font partie d'un continuum. Dans la société, le meurtre physique est préparé par toute une série de discours, de dispositifs et d'institutions. »
Il faut traiter le phénomène de l'emprise : la femme apporte un bien immobilier parce qu'elle pense que c'est normal, que la situation va changer... Mais quand elle est tuée par son conjoint, il est trop tard ! Les arguments juridiques ne doivent pas nous empêcher de voter cet amendement.
Mme Isabelle Florennes, rapporteure. - Nous avons sécurisé le dispositif. Un tel rétablissement serait problématique : la déchéance serait appliquée à des biens sur lesquels le mis en cause a des droits de propriété, ce qui constituerait une atteinte moins proportionnée. Cela remettrait en cause la chaîne de propriété en invalidant a posteriori des contrats formés entre les époux et des tiers. Il paraît hasardeux de légiférer ainsi, compte tenu des risques de censure du Conseil constitutionnel. Il faudrait un travail législatif à part entière, en lien avec la chancellerie, dans un véhicule dédié. Avis défavorable.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. - Pour les mêmes raisons, avis défavorable. Je comprends l'intention, louable, mais vous apportez de l'insécurité, ce qui est l'inverse de notre objectif commun.
L'amendement n°15 n'est pas adopté.
L'article 1er est adopté.
Après l'article 1er
M. le président. - Amendement n°25, présenté par Mme Rossignol et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Après l'article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai d'un an après la promulgation de la présente loi, un rapport relatif à la lutte contre les inégalités matrimoniales tant dans le cadre du mariage que dans le cadre de la rupture de celui-ci. Ce rapport examine notamment l'instauration d'un barème unifié pour le calcul des prestations compensatoires en y intégrant la notion d'indemnisation du préjudice économique lié aux aménagements de carrière et aux déséquilibres dans la charge éducative des enfants ; et l'instauration d'un barème unifié pour le calcul de la contribution financière à l'entretien et à l'éducation des enfants, tenant compte des besoins de l'enfant. Ce rapport examine enfin les conséquences de la fiscalité des prestations compensatoires et de la contribution financière à l'entretien et à l'éducation des enfants sur la persistance des inégalités économiques suite au divorce ou à la séparation et l'opportunité de la déconjugalisation des prestations sociales liées à l'éducation des enfants.
Mme Laurence Rossignol. - Difficile, en tant que parlementaire, de faire des propositions : les deux tiers des amendements sont déclarés irrecevables en raison de l'article 45 de la Constitution et les autres, pour éviter cet écueil, prennent la forme d'une demande de rapport - ce qui appelle immanquablement un avis défavorable... Enfin, c'est une occasion d'interpeller le ministre et de sensibiliser les collègues...
Petit à petit, nous identifions les mécanismes des inégalités économiques entre les femmes et les hommes, particulièrement ceux qui sont liés au patrimoine des époux. La Fondation des femmes et l'Institut national d'études démographiques (Ined) ont publié des rapports, mais nous aimerions une approche globale.
La prestation compensatoire ou les pensions alimentaires devraient tenir compte du fait que les femmes ont cessé de travailler pour laver les chemises, faire les courses, élever les enfants...
Mme Isabelle Florennes, rapporteure. - Vous connaissez l'avis défavorable réservé aux rapports...
Mme Laurence Rossignol. - Surprenez-nous !
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. - Ce sujet est important. Avis défavorable sur l'efficacité de cet amendement...
Si j'étais impertinent, je vous poserais une question : lorsque vous étiez ministre, acceptiez-vous les rapports ?
Mme Laurence Rossignol. - Tous !
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. - Ce sera vérifié : je vais envoyer des SMS !
M. Yannick Jadot. - Oh non, pas par SMS ! Il y en a déjà trop qui paraissent dans la presse - et cela pollue... (Sourires)
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. - Je n'ai pas de pigeon voyageur... (Sourires) Ces éléments méritent notre réflexion, mais avis défavorable.
M. Hussein Bourgi. - Nous travaillons sur cette proposition de loi parce que des personnes concernées nous ont interpellés et nous ont convaincus. Pourtant, sur de tels sujets, il nous est souvent opposé que le phénomène n'est pas assez documenté, que les militants ou les militantes - comme si c'était un gros mot - ne sont pas objectifs. Ce sont pourtant souvent eux qui enrichissent la réflexion du législateur.
Nous réclamons alors des rapports par le Gouvernement, qui seraient plus complets, mais on nous les refuse...
Le Président de la République a appelé au réarmement démographique. Mais comment y croire, alors que le Gouvernement demande aux parents séparés de renoncer à leur allocation lorsqu'ils refont leur vie, comme si c'était à leur nouveau compagnon ou à leur nouvelle compagne de les aider à élever leur enfant ?
Mme Annick Billon. - Je partage l'intention de l'auteur. Ayant présidé la délégation aux droits des femmes pendant six ans, je mesure la difficulté d'avoir des connaissances consolidées sur les inégalités entre les femmes et les hommes. Cela nous gêne pour définir les politiques publiques adaptées. Sans les associations et les collectifs, nous serions bien dépourvus. Pour prendre l'exemple de la pornographie, sur laquelle nous avons travaillé, si deux affaires sont devant la justice, c'est bien grâce à un collectif d'associations.
Je comprends cette demande de rapport, car les violences faites aux femmes manquent de données. (Mme Laurence Rossignol applaudit.)
Mme Dominique Vérien. - Nous connaissons le sort réservé à ce type d'amendements. Mais la délégation aux droits des femmes va publier prochainement un rapport sur les familles monoparentales et l'allocation de solidarité familiale, ce qui permettra d'interpeller le Gouvernement. La pension alimentaire est en moyenne de 170 euros par mois par enfant alors que le coût d'un enfant est de 750 euros par mois. Puisque 82 % des chefs de familles monoparentales sont des femmes, on est en droit de se demander : si monsieur n'a pas les moyens de payer les 580 euros restants, comment madame les aurait-elle ?
Nous allons interpeller le Gouvernement. Il a missionné des parlementaires pour travailler sur les familles monoparentales et nous espérons que cela permettra d'aller plus loin que notre mission flash.
L'amendement n°25 n'est pas adopté.
Article 1er bis
M. le président. - Amendement n°10, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.
Supprimer cet article.
Mme Mélanie Vogel. - Nous refusons que les conventions matrimoniales puissent préciser que les avantages matrimoniaux seraient maintenus lors d'une séparation éventuelle.
M. le président. - Amendement identique n°12, présenté par M. Mohamed Soilihi.
M. Thani Mohamed Soilihi. - Il a été excellemment défendu par notre collègue.
M. le président. - Amendement identique n°16, présenté par M. Savoldelli et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky.
M. Pascal Savoldelli. - Cet article renforcerait gravement les inégalités entre les femmes et les hommes pendant et après le mariage.
Il permet à un époux d'exclure son patrimoine professionnel afin d'avoir moins à donner à son ex-femme au moment du divorce. Les écarts moyens de patrimoine entre l'homme et la femme sont passés de 7 000 euros en 1998 à 24 500 euros en 2015. L'écart relatif, lui, a quasiment doublé, passant de 9 % à 16 %, et même de 20 % à 60 % pour les personnes mariées ou pacsées en séparation de biens. Nous préférons nous en tenir à l'interprétation de la Cour de cassation de l'article 265 du code civil.
Mme Isabelle Florennes, rapporteure. - Avis défavorable. Les époux prévoient déjà de telles clauses, qui sont révoquées à rebours de leur volonté par l'application littérale de la loi. Pourquoi vouloir protéger les époux contre eux-mêmes ?
Disposer de biens professionnels n'est pas le seul fait des hommes. Les notaires et les magistrats sont favorables à cette disposition.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. - Cet article répond effectivement à une demande de longue date des praticiens. Il faut apporter une sécurité juridique à tous les époux, qui peuvent déjà prévoir que les clauses contributrices d'avantage matrimonial ne seront pas révoquées en cas de divorce. Le contrat de mariage, entre autres, anticipe les effets de la dissolution du mariage. Avis défavorable.
L'amendement n°12 est retiré.
Les amendements identiques nos10 et 16 ne sont pas adoptés.
L'article 1er bis est adopté.
Article 2
M. le président. - Amendement n°19, présenté par M. Savoldelli et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky.
I. - Alinéa 1
Remplacer les mots :
Peut être
par le mot :
Est
II. - Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
.... - La perte de recettes résultant pour l'État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
M. Pascal Savoldelli. - L'article 2, introduit à l'Assemblée nationale, est inspiré par Bercy, à la différence de l'amendement que nous avions adopté dans la loi de finances. La remise gracieuse est laissée à la seule appréciation de l'administration.
Cette procédure ne fera qu'allonger le parcours des personnes concernées. Il est de bon aloi que le juge se prononce - n'est-ce pas, monsieur le garde des sceaux ?
Notre amendement vise à permettre aux ex-conjoints d'être bénéficiaires des remises gracieuses totales ou partielles lorsqu'ils remplissent les conditions nécessaires.
Mme Isabelle Florennes, rapporteure. - Cet amendement fait d'une faculté gracieuse une obligation. C'est contraire à l'objectif de laisser à l'administration une certaine liberté de manoeuvre. Cela priverait d'effet l'article 1691 bis du code général des impôts, dès lors que deux critères sur trois seraient remplis. Pour sauvegarder l'avancée de l'Assemblée nationale sur le recours à titre gracieux, avis défavorable.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. - L'administration fiscale doit bien contrôler de temps en temps... C'est même sa raison d'être ! L'automaticité nous choque. Il faut évidemment un contrôle. Le ministre Thomas Cazenave s'est engagé devant vous, à la tribune.
Votre amendement rendrait automatique la décharge gracieuse. Cela l'ouvrirait à tous les demandeurs ! Il faut au moins une instruction de la demande.
L'amendement n°19 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°28, présenté par le Gouvernement.
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
.... - Le I s'applique aux personnes pour lesquelles la demande de décharge de l'obligation de paiement mentionnée au II de l'article 1691 bis du code général des impôts n'a pas donné lieu, à la date d'entrée en vigueur de la présente loi, soit à une décision définitive de la part de l'administration fiscale, soit à une décision de justice passée en force de chose jugée.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. - Cet amendement renforce la portée du nouveau dispositif, en précisant qu'il s'applique à toutes les personnes pour lesquelles une demande de DRS est en cours d'examen par l'administration fiscale ou n'a pas donné lieu à une décision de justice passée en force de chose jugée.
Mme Isabelle Florennes, rapporteure. - Je remercie le ministre des comptes publics pour son écoute, en lien avec l'association, que je salue.
Cet amendement offre un recours gracieux, bienvenu, aux personnes dont l'affaire a déjà été jugée. Avis favorable à titre personnel, faute d'avoir eu le temps de l'examiner en commission.
M. Pascal Savoldelli. - Monsieur le ministre, votre amendement ne précise pas, mais restreint l'application ! Toutes les femmes doivent pouvoir bénéficier de cette demande de décharge gracieuse ; or vous supprimez la rétroactivité...
Mme Isabelle Florennes, rapporteure. - Non !
M. Pascal Savoldelli. - ... pourtant nécessaire pour réparer l'injustice.
M. Hussein Bourgi. - Je salue le travail d'Isabelle Florennes. Elle nous avait demandé de lui faire confiance dans ses négociations avec Bercy. Je salue ce dialogue fructueux. Mais la décharge existe déjà depuis plusieurs années. Il y a la loi, l'esprit de la loi, et la culture des fonctionnaires qui l'appliquent. Je n'ai rien contre ces derniers, mais entre 60 et 80 % des demandes de décharges sont rejetées. Il y a un travail de pédagogie à faire... Cela m'interpelle et me chagrine.
L'amendement n°28 est adopté.
L'amendement n°2, modifié, est adopté.
Après l'article 2
M. le président. - Amendement n°3 rectifié bis, présenté par Mmes Schalck et Noël, MM. Savin, Burgoa et Reichardt, Mmes Di Folco, M. Mercier et Gosselin, M. Pointereau, Mmes Petrus et Carrère-Gée, MM. Brisson et Bacci, Mmes Aeschlimann et Belrhiti, MM. Gremillet et Saury, Mmes Canayer et Micouleau, M. Grosperrin, Mme Drexler, MM. Sido et Belin, Mme Borchio Fontimp, MM. Tabarot et Genet, Mme de Cidrac, MM. Reynaud et Meignen, Mmes Nédélec et Estrosi Sassone, MM. Frassa, Bouchet, D. Laurent, Lefèvre, Pellevat, Cadec, Sautarel et H. Leroy, Mmes Josende, Lassarade, Deseyne, Richer et Joseph et M. Rojouan.
Après l'article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Le 2 du II de l'article 1691 bis du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, les mots : « en cas de disproportion marquée entre le montant de la dette fiscale et, à la date de la demande, la situation financière et patrimoniale, nette de charges, du demandeur. La situation financière nette du demandeur est appréciée sur une période n'excédant pas trois années. La décharge de l'obligation de paiement est alors prononcée selon les modalités suivantes » sont supprimés ;
2° Après le premier alinéa, sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :
« 1° Dans le cas de disproportion marquée entre le montant de la dette fiscale et, à la date de la demande, la situation financière et patrimoniale, nette de charges, du demandeur. La situation financière nette du demandeur est appréciée sur une période n'excédant pas trois années ;
« 2° Dans le cas où le montant de la dette fiscale résulte d'un contrôle fiscal personnel de son ancien conjoint ou partenaire de pacte civil de solidarité ayant donné lieu, par suite d'un manquement aux obligations déclaratives, d'une soustraction frauduleuse ou d'une tentative de soustraction frauduleuse au paiement des impositions mentionnées aux 1° et 2° du I ainsi qu'à l'article 1723 ter-00 B, à une rectification d'un bénéfice ou revenu propre au conjoint ou au partenaire de pacte civil de solidarité du demandeur. La décharge de l'obligation de paiement n'est alors accordée que si le demandeur ne s'est pas enrichi à la faveur de cette fraude fiscale commise par son ancien conjoint ou partenaire de pacte civil de solidarité et n'a pas participé directement ou indirectement à celle-ci ;
« 3° La décharge de l'obligation de paiement est alors prononcée selon les modalités suivantes : »
II. - Le I est applicable aux demandes en décharge de l'obligation de paiement déposées à compter du 1er janvier 2024.
III. - La perte de recettes résultant pour l'État du I est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
Mme Elsa Schalck. - Cet amendement, adopté par le Sénat dans la loi de finances pour 2024, a été écarté par l'usage de l'article 49.3. Je salue le travail de l'association Femmes divorcées. Il s'agit de prendre en compte l'origine frauduleuse de la dette pour obtenir la décharge, lorsque le demandeur n'a pas profité de la fraude et ne la connaissait pas. Il s'inscrit pleinement dans les engagements du ministre des comptes publics, afin d'aller un peu plus loin que l'article 2. Cet assouplissement met fin à de profondes injustices.
M. André Reichardt. - Parfait !
M. le président. - Amendement identique n°7, présenté par M. Savoldelli et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky.
M. Pascal Savoldelli. - Mme Schalck l'a dit : 54 sénatrices et sénateurs de tous les groupes politiques avaient obtenu l'adoption de cet amendement, balayé par le 49.3.
Je ne remets pas en cause la sincérité personnelle du ministre, mais le Sénat travaille entre deux 49.3. Nous votons le budget, et ensuite le Gouvernement décrète 10 milliards d'euros d'économies. Comment le croire sur parole, lorsque notre vote est détourné ?
La moitié des demandes sont rejetées par l'administration fiscale. Sans remettre celle-ci en cause, il faut changer la loi.
Voyez la diversité politique qui nous rassemble pour obtenir gain de cause. Faisons respecter notre vote lors du projet de loi de finances.
M. le président. - Amendement identique n°11, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.
Mme Mélanie Vogel. - Amendement brillamment défendu par mes collègues.
M. le président. - Amendement n°1 rectifié, présenté par M. Bourgi et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Après l'article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Le 2 du II de l'article 1691 bis du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, les mots : « en cas de disproportion marquée entre le montant de la dette fiscale et, à la date de la demande, la situation financière et patrimoniale, nette de charges, du demandeur. La situation financière nette du demandeur est appréciée sur une période n'excédant pas trois années. La décharge de l'obligation de paiement est alors prononcée selon les modalités suivantes » sont supprimés ;
2° Après le premier alinéa, sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :
« 1° Dans le cas de disproportion marquée entre le montant de la dette fiscale et, à la date de la demande, la situation financière et patrimoniale, nette de charges, du demandeur. La situation financière nette du demandeur est appréciée sur une période n'excédant pas trois années ;
« 2° Dans le cas où le montant de la dette fiscale résulte d'un contrôle fiscal personnel de son ancien conjoint ou partenaire de pacte civil de solidarité ayant donné lieu, par suite d'un manquement aux obligations déclaratives, d'une soustraction frauduleuse ou d'une tentative de soustraction frauduleuse au paiement des impositions mentionnées aux 1° et 2° du I ainsi qu'à l'article 1723 ter-00 B, à une rectification d'un bénéfice ou revenu propre au conjoint ou au partenaire de pacte civil de solidarité du demandeur. La décharge de l'obligation de paiement n'est alors accordée que si le demandeur ne s'est pas enrichi à la faveur de cette fraude fiscale commise par son ancien conjoint ou partenaire de pacte civil de solidarité et n'a pas participé directement ou indirectement à celle-ci ;
« 3° La décharge de l'obligation de paiement est alors prononcée selon les modalités suivantes : ».
II. - Le I est applicable aux demandes en décharge de l'obligation de paiement déposées à compter du 1er janvier 2025.
III. - La perte de recettes résultant pour l'État du I est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
M. Hussein Bourgi. - Nous faisons démarrer le dispositif au 1er janvier 2025 au lieu du 1er janvier 2024.
M. le président. - Amendement identique n°8 rectifié bis, présenté par Mme Billon, MM. Bonneau, Longeot et Courtial, Mmes Sollogoub et Romagny, M. Laugier, Mme Saint-Pé, M. Menonville, Mmes Antoine, Morin-Desailly et Vermeillet, MM. Lafon et J.M. Arnaud, Mme Jacquemet, MM. Cambier et Parigi et Mme Perrot.
Mme Annick Billon. - Cet amendement pragmatique, transpartisan, a été adopté par le Sénat. Rappelons que 300 000 couples se séparent ; un mariage sur deux finit par un divorce. Il n'est pas normal qu'un ex-conjoint doive payer pour des revenus frauduleux dissimulés.
M. le président. - Amendement n°17, présenté par M. Savoldelli et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky.
Après l'article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Le 2 du II de l'article 1691 bis du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, les mots : « en cas de disproportion marquée entre le montant de la dette fiscale et, à la date de la demande, la situation financière et patrimoniale, nette de charges, du demandeur. La situation financière nette du demandeur est appréciée sur une période n'excédant pas trois années. La décharge de l'obligation de paiement est alors prononcée selon les modalités suivantes » sont supprimés ;
2° Après le premier alinéa, sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :
« 1° Dans le cas de disproportion marquée entre le montant de la dette fiscale et, à la date de la demande, la situation financière et patrimoniale, nette de charges, du demandeur. La situation financière nette du demandeur est appréciée sur une période n'excédant pas trois années ;
« 2° Dans le cas de responsabilité personnelle établie de l'ex-partenaire ou de l'ex-conjoint ;
« 3° La décharge de l'obligation de paiement est alors prononcée selon les modalités suivantes : ».
II. - Le I est applicable aux demandes en décharge de l'obligation de paiement déposées à compter du 1er janvier 2024.
III. - La perte de recettes résultant pour l'État du I est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
M. Pascal Savoldelli. - Défendu.
M. le président. - Amendement n°2 rectifié bis, présenté par Mme Noël, M. Rapin, Mme Muller-Bronn, MM. J.B. Blanc, Chatillon, Brisson, Anglars et D. Laurent et Mme Nédélec.
Après l'article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Le 2 du II de l'article 1691 bis du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, les mots : « en cas de disproportion marquée entre le montant de la dette fiscale et, à la date de la demande, la situation financière et patrimoniale, nette de charges, du demandeur. La situation financière nette du demandeur est appréciée sur une période n'excédant pas trois années. La décharge de l'obligation de paiement est alors prononcée selon les modalités suivantes » sont supprimés ;
2° Après le premier alinéa, sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :
« 1° Dans le cas de disproportion marquée entre le montant de la dette fiscale et, à la date de la demande, la situation financière et patrimoniale, nette de charges, du demandeur. La situation financière nette du demandeur est appréciée sur une période n'excédant pas trois années ;
« 2° Dans le cas de responsabilité personnelle établie de l'ex-partenaire ou de l'ex-conjoint ;
« 3° La décharge de l'obligation de paiement est alors prononcée selon les modalités suivantes : ».
II. - Le I est applicable aux demandes en décharge de l'obligation de paiement déposées à compter du 1er janvier 2025.
III. - La perte de recettes résultant pour l'État du I est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
Mme Sylviane Noël. - La DRS introduite par le projet de loi de finances pour 2008 n'a pas eu l'effet escompté. Actuellement, 90 % des demandes de décharge sont déposées par des femmes : 59 % sont rejetées, malgré l'assouplissement de la loi de finances pour 2022.
Nous proposons d'inclure dans les conditions d'examen de la DRS l'appréciation de l'origine du montant de la dette fiscale.
M. le président. - Amendement identique n°5 rectifié quinquies, présenté par Mme Schalck, M. Lefèvre, Mmes de Cidrac, Di Folco et M. Mercier, M. Meignen, Mme Joseph, MM. Daubresse et Pellevat, Mmes Deseyne, Belrhiti, Josende, Lassarade et Richer, MM. Savin, Genet, Belin, Reichardt et Sido, Mmes Estrosi Sassone et Borchio Fontimp, M. Gremillet, Mmes Aeschlimann et Carrère-Gée et M. Rojouan.
Mme Elsa Schalck. - C'est un amendement de repli par rapport à l'amendement n°3 rectifié bis.
M. le président. - Amendement identique n°9 rectifié bis, présenté par Mme Billon, MM. Bonneau, Longeot et Courtial, Mmes Sollogoub et Romagny, M. Laugier, Mme Saint-Pé, MM. Canévet et Menonville, Mmes Antoine, Morin-Desailly et Vermeillet, MM. Lafon et J.M. Arnaud, Mme Jacquemet, MM. Cambier et Parigi et Mme Perrot.
Mme Annick Billon. - C'est aussi un amendement de repli, pragmatique et transpartisan.
M. le président. - Amendement identique n°21 rectifié ter, présenté par Mme Vérien, MM. Levi, Henno et Maurey, Mmes O. Richard et Gatel, M. Kern, Mmes Herzog et Doineau et MM. Capo-Canellas et Bonnecarrère.
Mme Dominique Vérien. - Cet amendement a été négocié avec Bercy. Nous espérons bien un avis favorable du Gouvernement.
Mme Isabelle Florennes, rapporteure. - Les discussions avec Bercy ont permis, depuis quinze jours, d'obtenir l'engagement du ministre de faire examiner les situations actuelles et de revenir sur les précédents cas n'ayant pas bénéficié de la DRS - car c'est bien le cas, monsieur Savoldelli. Cette année, l'administration va réexaminer les situations et nous ferons un premier bilan durant l'été.
Si ce premier dispositif ne permet pas de remédier à des situations d'injustice flagrante, le projet de loi de finances pour 2025 le fera. Je fais confiance à l'administration fiscale, qui a fait preuve d'humanité sur ces situations particulièrement pénibles. Avis défavorable.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. - Je vais décevoir plusieurs d'entre vous... Cela me navre !
Nous avons mené un travail approfondi de coconstruction et de compromis, pour apporter une réponse aux personnes victimes de la solidarité fiscale à travers la nouvelle procédure de décharge gracieuse.
Selon Thomas Cazenave, la doctrine fiscale évoluera également pour les cas en cours de recouvrement après un refus de DRS : pour ces cas marginaux, l'administration ne mobilisera pas les biens acquis avant mariage ou par héritage.
Je demande le retrait des amendements nos3 rectifié bis, 7, 11, 1 rectifié et 8 rectifié bis, qui procèdent de la même logique.
Même avis pour les amendements nos17, 2 rectifié bis, 5 rectifié quinquies, 9 rectifié bis et 21 rectifié ter. J'appelle leurs auteurs à se rallier à la rédaction de l'Assemblée nationale.
Mme Laure Darcos. - Nous ne pouvons pas entendre cela ! Lors de l'examen du projet de loi de finances, il nous a été répondu que ce n'était pas le bon véhicule législatif. Et désormais, on nous annonce encore des freins ! Nous ne pouvons pas nous contenter de la rétroactivité sur les derniers dossiers de décharge. De nombreux amendements ont été cosignés par tous les groupes. Si nous ne les adoptons pas maintenant, nous ne le ferons jamais. La DGFiP pourra toujours trouver le dispositif pour l'appliquer. Nous avons tous édulcoré nos discours, et là, c'est la douche froide ! (M. Éric Dupond-Moretti s'en désole.)
Mme Annick Billon. - Lorsqu'on nous demande de faire confiance à l'administration fiscale, je pense à ces situations de détresse. Ce sont des cas marginaux, mais chaque situation est difficile.
Je ne peux m'en remettre à un changement possible de doctrine. À regret, je maintiens mes amendements.
Mme Elsa Schalck. - Je m'inscris pleinement dans les propos précédents. Je ne retire pas mes amendements. Nous avions voté un amendement similaire lors du projet de loi de finances. Mettez en adéquation les paroles du ministre des comptes publics avec des actes attendus majoritairement par les membres de cette assemblée. (M. André Reichardt acquiesce.)
M. Laurent Burgoa. - Très bien.
M. Pascal Savoldelli. - Je m'associe à ce qui a été dit. Lorsqu'un ministre prend un engagement, nous ne le remettons pas en cause. Le ministre Cazenave s'est engagé à donner une instruction. Il a donné sa parole en décembre. Si l'instruction avait été publiée, nous n'aurions pas à revenir, en colère, devant vous !
Les promesses doivent être respectées. Il y va de la parole de la République, pour respecter l'engagement des citoyens et des parlementaires. Bougez, et adoptez ces amendements.
Je pensais inutile de défendre mon amendement n°17 de repli : votons les premiers amendements identiques.
M. Jean-Michel Arnaud. - Très bien !
Mme Dominique Vérien. - Monsieur le ministre, vous vous engagez, et nous savons que vous tenez votre parole. Mais là, vous vous engagez pour un autre ministère. Or nous savons que Bercy est parfois difficile à convaincre... (Sourires à droite)
M. Laurent Burgoa. - Très bien !
Mme Dominique Vérien. - Nous ne faisons que vous aider à tenir votre promesse. (M. Éric Dupond-Moretti fait mine de la remercier.)
Mme Marie-Do Aeschlimann. - Tenez bon, chers collègues. Le 24 novembre, cet amendement a été adopté contre l'avis de la commission et du Gouvernement. Comme Pascal Savoldelli, j'ai lu le compte rendu des débats. Effectivement, le ministre des comptes publics s'était engagé à donner une instruction pour traiter ces cas avec clémence. Cette instruction a-t-elle été effectivement envoyée, et sur quoi a-t-elle débouché ?
M. Marc Laménie. - Habituellement, je soutiens les rapporteurs, en particulier de la commission des lois, même si, en l'occurrence, ces dispositions ont aussi un caractère financier. Mais le volet humain est prioritaire. Pensez au nombre de divorces.
Nous avons passé du temps sur cet amendement lors de l'examen du projet de loi de finances. Je voterai ces amendements. (On s'en réjouit sur plusieurs travées.)
Les amendements identiques nos3 rectifié bis, 7 et 11 sont adoptés et deviennent un article additionnel.
(Applaudissements sur toutes les travées, à l'exception de celles du RDPI)
Les amendements nos1 rectifié, 8 rectifié bis, 17, 2 rectifié bis, 5 rectifié quinquies, 9 rectifié bis et 21 rectifié ter n'ont plus d'objet.
M. le président. - Amendement n°6 rectifié, présenté par Mme L. Darcos et MM. Verzelen, Chasseing, A. Marc, Wattebled et Chevalier.
Après l'article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Après la première phrase du 2 du II de l'article 1691 bis du code général des impôts, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Les biens et droits réels immobiliers détenus par le détenteur antérieurement à la date du mariage ou du pacte civil de solidarité et le patrimoine du demandeur reçu par donation ou succession ne sont pas pris en compte pour l'appréciation de sa situation patrimoniale. »
II. - Le I est applicable aux demandes en décharge de l'obligation de paiement déposées à compter du 30 juin 2024.
III. - La perte de recettes résultant pour l'État du I est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
Mme Laure Darcos. - Cet amendement exclut de l'appréciation de la situation patrimoniale du demandeur les biens et droits immobiliers détenus antérieurement à la date du mariage ou du Pacs, ainsi que le patrimoine reçu par donation ou succession.
M. le président. - Amendement n°13 rectifié, présenté par Mme L. Darcos et MM. A. Marc, Verzelen, Chevalier, Chasseing et Malhuret.
Après l'article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Après la première phrase du 2 du II de l'article 1691 bis du code général des impôts, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Les biens et droits réels immobiliers détenus par le détenteur antérieurement à la date du mariage ou du pacte civil de solidarité ne sont pas pris en compte pour l'appréciation de sa situation patrimoniale. »
II. - Le I est applicable aux demandes en décharge de l'obligation de paiement déposées à compter du 30 juin 2024.
III. - La perte de recettes résultant pour l'État du I est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
Mme Laure Darcos. - Cet amendement de repli exclut les seuls biens détenus antérieurement au mariage ou au Pacs.
M. le président. - Amendement identique n°14 rectifié bis, présenté par Mme Billon, MM. Bonneau, Longeot et Courtial, Mmes Sollogoub et Romagny, M. Laugier, Mme Saint-Pé, MM. Canévet et Menonville, Mmes Antoine, Morin-Desailly et Vermeillet, MM. Lafon et J.M. Arnaud, Mme Jacquemet, MM. Cambier et Parigi et Mme Perrot.
Mme Annick Billon. - Nous venons d'adopter largement une disposition en faveur de ces femmes. Cet amendement transpartisan va plus loin. Il mérite un avis favorable !
M. le président. - Amendement identique n°26 rectifié ter, présenté par Mme Schalck, M. Lefèvre, Mme de Cidrac, M. Brisson, Mmes Di Folco et M. Mercier, M. Meignen, Mme Joseph, MM. Daubresse et Pellevat, Mme Deseyne, M. Rapin, Mmes Belrhiti, Josende, Lassarade et Richer, MM. Savin, Genet, Belin, Reichardt et Sido, Mmes Estrosi Sassone et Borchio Fontimp, M. Gremillet, Mme Aeschlimann et M. Rojouan.
Mme Elsa Schalck. - C'est le même.
Mme Isabelle Florennes, rapporteure. - Ces amendements modifient les conditions d'appréciation de la situation patrimoniale et financière des demandeurs. Avis défavorable.
L'amendement n°6 rectifié créerait une voie de contournement de l'impôt, et pourrait bénéficier à des hommes y compris responsables de la dette fiscale du foyer. Il faut se fonder sur les capacités contributives du demandeur.
Le commentaire vaut également pour les amendements nos13 rectifié, 14 rectifié bis et 26 rectifié ter, de portée moindre. Avis défavorable.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. - Sans surprise et par cohérence, avis défavorable, même si j'ai pris la mesure du vote précédent.
L'amendement n°6 rectifié n'est pas adopté.
Les amendements identiques nos13 rectifié, 14 rectifié bis et 26 rectifié ter sont adoptés et deviennent un article additionnel.
M. le président. - Amendement n°20, présenté par M. Savoldelli et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky.
Après l'article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Après la deuxième phrase du 2 du II de l'article 1691 bis du code général des impôts, est insérée une phrase ainsi rédigée : « L'appréciation de la situation financière et patrimoniale du demandeur exclut les revenus issus des prestations familiales définies à l'article L. 511-1 du code de la sécurité sociale, l'allocation aux adultes handicapés définie à l'article 821-5 du même code, l'aide personnalisée au logement mentionnée au 1 de l'article L. 821-1 du code de la construction et de l'habitation et la pension alimentaire prévue à l'article 373-2-2 du code civil. »
II. - La perte de recettes résultant pour l'État du I est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
M. Pascal Savoldelli. - Nous souhaitons exclure du calcul les prestations de nature à garantir un niveau de vie minimal au demandeur, qui sont intrinsèques à une situation personnelle souvent liée à une séparation récente.
Mme Isabelle Florennes, rapporteure. - L'appréciation de la situation du demandeur prend en compte l'ensemble de ses ressources : l'administration fiscale ne peut procéder à un tel tri.
Lorsque la situation financière du demandeur justifie le versement de telles prestations sociales, il y a de grandes chances qu'elle ne permette pas le remboursement de la dette fiscale. L'amendement est donc satisfait dans les faits, d'autant qu'il y a aussi la décharge gracieuse.
Ouvrir une telle liste de ressources, vouée à s'allonger, pourrait compliquer les choses. Avis défavorable.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. - L'appréciation de la situation financière et patrimoniale du demandeur retient une approche large des revenus. Ce n'est pas spécifique à l'administration fiscale : les commissions de surendettement font de même. La décharge gracieuse surmonte la difficulté. Retrait ou avis défavorable.
M. Pascal Savoldelli. - Pourquoi cet amendement ? Pour s'assurer que les prestations familiales, l'AAH, l'APL et la pension alimentaire ne soient pas incluses dans le calcul des revenus, car ces prestations répondent à des besoins primaires. Une collègue a évoqué la situation des 30 % de familles monoparentales, soit 500 000 personnes, majoritairement des femmes, confrontées à des impayés de pension alimentaire, alors que celle-ci représente 18 % des revenus du foyer.
L'amendement n°20 n'est pas adopté.
Article 2 bis
M. le président. - Amendement n°27, présenté par le Gouvernement.
Supprimer cet article.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. - Cet article élargit le champ des pénalités dont peuvent être déchargées les victimes d'un conjoint ayant eu un comportement frauduleux. Toutefois, sa rédaction pourrait aggraver la situation des demandeurs en les privant d'une décharge des intérêts de retard et pénalités appliquées à des revenus communs aux deux conjoints. C'est pourquoi nous le supprimons.
Mme Isabelle Florennes, rapporteure. - Vous supprimez une souplesse qui nous a paru utile. Si notre dispositif comporte des effets de bord, nous pourrons les corriger au cours de la navette ou en CMP : donnons-nous le temps d'y travailler. Avis défavorable.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. - Soit, nous allons continuer à y travailler ensemble.
L'amendement n°27 n'est pas adopté.
L'article 2 bis est adopté.
Après l'article 2 bis
M. le président. - Amendement n°18, présenté par M. Savoldelli et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky.
Après l'article 2 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Au IV de l'article 1691 bis du code général des impôts le mot : « ne » est supprimé.
II. - La perte de recettes résultant pour l'État du I est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
M. Pascal Savoldelli. - Après un parcours du combattant pour faire valoir leur bonne foi et se délier de la dette frauduleuse de leur ex-conjoint, ces femmes ne peuvent pas récupérer les sommes recouvrées, qui ne sont pas restituables. Si la victime obtient gain de cause, il est inadmissible qu'elle ne récupère pas son dû. « Il ne peut être accordé aucune restitution des sommes encaissées avant la date de la demande », lit-on sur le site des impôts. La phrase est froide, cinglante ; elle emporte des conséquences lourdes pour ces femmes qui se sont battues contre un principe fiscal parfois aveugle.
Mme Isabelle Florennes, rapporteure. - Cet amendement prévoit qu'une DRS donne lieu à la restitution de sommes déjà payées par le demandeur. Cela semblerait ouvrir la voie à un nouveau recours. Néanmoins, le dispositif paraît de nature à restaurer a posteriori les droits des demandeurs tout en ménageant une capacité d'appréciation à l'administration. Sagesse. (« Ah ! » sur les travées du groupe CRCE-K)
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. - Votre amendement permettrait la restitution des sommes recouvrées par l'administration fiscale entre la mise en recouvrement et le dépôt de la demande de décharge. Mais la rédaction est bien trop large : elle pourrait conduire à restituer des sommes payées par le couple pendant la vie commune avant la découverte des pratiques frauduleuses, ce qui excède à l'évidence l'objectif de protection de la victime. Retrait.
La procédure de décharge gracieuse apporte une réponse adaptée.
Je comprends le sens de votre amendement, mais sa rédaction entraînerait des effets de bords indésirables.
Enfin, vous reprochez à Bercy de ne pas être romantique... Que dire, sinon qu'on ne s'attend pas à des mots doux dans une réclamation de Bercy. Vous allez trop loin, monsieur le sénateur ! (M. Pascal Savoldelli sourit.)
M. Pascal Savoldelli. - Faisons-nous confiance !
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. - Il serait temps !
M. Pascal Savoldelli. - Vous nous dites qu'il y a des effets de bord. Mme la rapporteure a dit : sagesse. Si vous voulez que l'on travaille ensemble, adoptons cet amendement, puis vous proposerez une rédaction plus rigoureuse dans la navette ! Concluons ce débat dans un esprit de responsabilité partagée.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. - On peut y travailler à l'occasion de la CMP afin d'éviter les effets de bord.
L'amendement n°18 est adopté et devient un article additionnel.
Vote sur l'ensemble
Mme Annick Billon . - Merci à Isabelle Florennes pour son écoute. Je connais son engagement sur ces sujets, ainsi que celui du garde des sceaux. Le Sénat s'est attaché à améliorer le texte de l'Assemblée nationale et surtout à réparer de profondes injustices. Je remercie le président du groupe UC de l'avoir inscrit à l'ordre du jour. C'est un petit pas, mais un pas pour plus de justice patrimoniale au sein de la famille, pour réparer les inégalités hommes-femmes. Je voterai bien entendu cette proposition de loi. (M. Jean-Michel Arnaud et Mme Dominique Vérien applaudissent.)
La proposition de loi est adoptée.
M. le président. - À l'unanimité !
La séance, suspendue à 18 h 50, reprend à 18 h 55.