Jardins d'enfants
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à pérenniser les jardins d'enfants gérés par une collectivité publique ou bénéficiant de financements publics.
Discussion générale
Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée chargée de l'enfance, de la jeunesse et des familles . - Je suis touchée de débattre des jardins d'enfants. J'en profite pour saluer les travaux de Michèle Tabarot à l'Assemblée nationale, prolongés ici par Agnès Evren.
La loi de 2019 pour l'école de la confiance a instauré la scolarisation obligatoire dès 3 ans afin de réduire les inégalités scolaires - posant la question du devenir des jardins d'enfants, qui avait suscité de vifs débats notamment au Sénat, car il s'agit parfois d'une tradition locale. À l'écoute des familles et des structures, nous avions prévu un moratoire de cinq ans qui expire à la fin de l'année scolaire 2023-2024. Cette proposition de loi le prolonge indéfiniment.
L'académie de Paris comptait vingt-cinq jardins d'enfants fin 2023, dont vingt relevant de la municipalité, pour 1 200 enfants. Il en existe aussi treize en Alsace, dont la moitié sont municipaux. La fin du moratoire concerne donc un nombre réduit d'établissements.
Il faut mieux coordonner petite enfance et éducation, ce que reflète le placement du ministère de l'enfance, de la jeunesse et des familles auprès des ministères du travail et de l'éducation nationale. Il s'agit de toujours mieux accueillir les enfants en situation de handicap ou avec des particularités.
L'essentiel est d'accompagner les familles. La question des jardins d'enfants touche les régions de Paris et de l'Alsace plus particulièrement. Je m'en remets à la sagesse du Sénat et resterai à l'écoute des familles et des structures. (Mme Béatrice Gosselin applaudit.)
Mme Agnès Evren, rapporteure de la commission de la culture, de l'éducation, de la communication et du sport . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC) Sénatrice de Paris, c'est un soulagement pour moi d'examiner cette proposition de loi de Michèle Tabarot, adoptée à l'Assemblée nationale le 1er février, pour sauver les jardins d'enfants en sursis depuis cinq ans. C'est la fin d'un combat transpartisan, et je remercie Bruno Retailleau, Max Brisson, Laurent Lafon, Catherine Morin-Desailly, Elsa Schalck, Marie-Pierre Monier, Annick Billon et Colombe Brossel, pour leur mobilisation.
Il y a urgence : c'est notre dernière chance de garantir un avenir aux jardins d'enfants, qui existent depuis cent ans et sont condamnés à disparaître sans de nouvelles dispositions.
Les jardins d'enfants ont été les victimes collatérales de loi Blanquer de 2019, muette sur ce point. (M. Laurent Lafon le confirme.) C'est un amendement du député du Bas-Rhin Bruno Studer qui y a introduit les jardins d'enfants, la rue de Grenelle donnant l'impression de découvrir leur existence à cette occasion...
Encore aujourd'hui, les jardins d'enfants demeurent incompris, comme l'ont révélé mes auditions.
M. Max Brisson. - Et l'intervention de la ministre !
Mme Agnès Evren. - Le ministère s'était engagé à accompagner les jardins d'enfants, mais les trois scénarios du rapport des inspections étaient en réalité de fausses solutions. En outre, ce rapport a marqué la fin de l'accompagnement des jardins d'enfants par le ministère, les considérant sans doute comme des anomalies à supprimer - à rebours de la proposition de loi d'Elsa Schalck de juin 2023.
Les jardins d'enfants s'adaptent au rythme et aux besoins pédagogiques des enfants, une chance pour les enfants à besoins particuliers - 105 enfants sur les 588 accueillis à Paris -, souffrant de phobies scolaires ou en situation de handicap - 75 enfants. Leur transformation en crèche ou halte-garderie aurait des conséquences graves pour eux, qui ne pourraient être accueillis dans une école.
Alors que l'école inclusive craque, pourquoi supprimer une structure inclusive qui fonctionne ? Les jardins d'enfants offrent un accompagnement à la parentalité. Ils ont une forte dimension sociale et d'intégration, car ils sont liés aux cités ouvrières - à Paris, treize d'entre eux sont dans un quartier prioritaire de la politique de la ville (QPV).
Avec un recul de près d'un siècle, on ne constate aucun retard scolaire pour les enfants venant de ces structures. En outre, depuis 2019, les inspecteurs, le département et la protection maternelle et infantile (PMI) effectuent des contrôles.
Il y a urgence. Sans vote conforme, les jardins d'enfants fermeront à la rentrée 2024. Nous n'avons plus de temps de la navette, car les inscriptions commencent. Nous appelons donc solennellement à un vote conforme de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes UC et SER ; M. Michel Masset applaudit également.)
M. Claude Kern . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains) L'instruction obligatoire à 3 ans instaurée par la loi du 26 juillet 2019 a pénalisé les jardins d'enfants. Élu d'Alsace, je connais bien ces structures, particularité régionale inspirée des Kindergarten allemands. Ce modèle à la performance reconnue est souvent plus inclusif que l'école. Le taux d'encadrement permet l'accueil personnalisé de chaque enfant, avec une grande ouverture culturelle. Ils soutiennent le multilinguisme, pour les enfants étrangers comme strasbourgeois - qui ont ensuite accès à un cursus bilingue en Alsace.
Reconnaissant les résultats et la conformité de ces structures aux objectifs de l'éducation nationale, le Sénat s'est investi pour remédier aux conséquences de la loi de 2019. On peut citer l'amendement d'Hervé Marseille au texte de Max Brisson.
Sans évolution législative, à partir de la rentrée 2024, les jardins d'enfants ne pourront plus accueillir d'enfants de 3 à 6 ans sans s'inscrire dans un des trois scénarios d'évolution - insatisfaisants - ce qui serait une perte de chances, notamment pour les enfants en situation de handicap. Il faut les pérenniser. En juillet 2022, le ministre de l'éducation nationale reconnaissait qu'il fallait une solution juridique pour ce faire.
Pour remédier au mal français de détruire ce qui fonctionne et prenant acte du consensus existant, le groupe UC votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées des groupes SER et Les Républicains)
Mme Mathilde Ollivier . - (Applaudissements sur les travées du GEST) La loi de 2019 a privé les jardins d'enfants de financements publics et les a condamnés à une disparition progressive : plus de quinze d'entre eux ont déjà fermé. La députée écologiste de Paris Eva Sas et d'autres parlementaires se sont saisis de la question. Il faut légiférer rapidement, afin que ces structures ne se retrouvent pas sans solution dans quelques mois. Leur disparition mettrait nombre de familles en difficulté.
Leur point fort est d'accueillir tous les enfants, sans distinction. En 2024, 20 % des enfants accueillis étaient issus de familles défavorisées, 15 % avaient des besoins particuliers. L'éducation nationale manque d'accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH) pour les 430 000 élèves en situation de handicap, aussi ne peut-on que s'inquiéter de la disparition de ces jardins qui, avec une pédagogie unique basée sur le jeu et l'observation, offrent aux enfants un continuum éducatif rassurant.
Ces structures n'ont pas vocation à se substituer à l'école, mais proposent une alternative, en conformité avec l'instruction obligatoire.
Dans la continuité de l'engagement d'Eva Sas, le GEST votera cette proposition de loi et espère une promulgation avant la rentrée de septembre. (Applaudissements sur les travées du GEST et sur quelques travées du groupe SER ; M. Michel Masset et Mme Elsa Schalck applaudissent également.)
M. Gérard Lahellec . - Les jardins d'enfants sont un héritage de l'histoire, nés d'une nécessité d'organiser l'accueil des jeunes enfants quels que soient leur origine sociale ou leur handicap.
Je ne résiste pas au parallèle avec l'enseignement des langues régionales : c'est parce que l'éducation nationale l'a négligé que des écoles - certains les appelleront privées, je préfère le terme d'associatives - se sont constituées, même si l'enseignement immersif n'est pas complètement conforme à la Constitution...
Les jardins d'enfants s'étant développés selon un modèle pluriel, il n'est pas anormal que la question d'une offre unifiée, publique et laïque, se pose. Les jardins d'enfants ne peuvent en aucun cas constituer le modèle de référence de l'école publique nationale. Cela dit, faut-il les interdire, au nom de l'unification républicaine ?
On ne peut répondre à cette question sans évoquer le contexte actuel de tension autour de la carte scolaire. Nous sommes tous concernés par les tensions suscitées par les fermetures de classes. L'éducation nationale ne comptabilise toujours pas les effectifs des toutes petites sections (TPS) dans les effectifs globaux. Or dans nos territoires ruraux, les enfants de 3 ans et moins passent la journée entière à l'école. Quand on ferme une classe, les familles cherchent des solutions de substitution, qui parfois ressemblent aux jardins d'enfants...
La défaillance actuelle de la politique éducative nationale nous oblige à pérenniser les jardins d'enfants au-delà de 2024. Je ne prendrai donc pas le risque de les faire disparaître. Nous voterons ce texte conforme pour qu'il soit en vigueur à la rentrée prochaine. Cela dit, nous continuerons de défendre l'école publique et ses besoins. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K ; Mme Colombe Brossel et M. Pierre-Alain Roiron applaudissent également.)
M. Ahmed Laouedj . - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Les jardins d'enfants ont une dimension sociale et familiale essentielle. Ils sont connus pour offrir un accompagnement spécialisé aux enfants en situation de handicap. Or ils sont menacés de disparition à moins de se transformer en crèche ou en école, changement radical et couteux. L'Association des Maires de France (AMF) a rappelé leur importance, identifiant des difficultés concrètes telles que l'adaptation des locaux, la formation des professionnels et l'enseignement.
Il y a une véritable problématique de garde pour les parents actifs. Il faut donc légiférer pour remédier aux effets négatifs de la loi Blanquer.
Je salue cette proposition de loi, qui répond aux inquiétudes des parents, des communes et des professionnels. Je m'interroge néanmoins sur son périmètre : quid des futures créations de jardins d'enfants ? Leur caractère essentiel a été clairement établi. Les enfants doivent pouvoir y accéder, quel que soit leur lieu de résidence.
Le RDSE est partagé. Certains de ses membres voteront contre le texte. (Applaudissements sur les travées du RDSE ; Mme Colombe Brossel et M. Rémi Féraud applaudissent également.)
M. Martin Lévrier . - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Particulièrement implantés dans l'Europe du Nord, les jardins d'enfants ont trouvé leur place en France il y a plus d'un siècle : on en trouve dans 53 départements, notamment à Paris, dans le Nord, en Alsace ou encore à La Réunion. Paris et l'Alsace concentrent 40 % des 8 200 places.
Cette proposition de loi pérennise les jardins d'enfants gérés par une collectivité publique ou bénéficiant de financements publics. Elle a été déposée par Michèle Tabarot. (M. Philippe Tabarot le confirme énergiquement.)
La loi du 26 juillet 2019 a instauré l'instruction obligatoire à 3 ans, afin de favoriser l'égalité des chances et l'inclusion. L'école maternelle offre un environnement pédagogique et social stimulant pour les enfants ; elle prévient les difficultés scolaires, favorise l'acquisition du langage et des compétences sociales essentielles. Cette loi a donc rendu le concept de jardins d'enfants inutile. Elle a prévu que les enfants qui y étaient accueillis puissent terminer leur parcours avant d'entrer à l'école primaire. Je le concède, la transition n'a pas été gérée de façon parfaite.
M. Max Brisson. - Ce n'est rien de le dire !
M. Martin Lévrier. - Cette proposition de loi tend à pérenniser ces structures. Le premier argument de ses défenseurs est culturel : la sauvegarde d'une méthode éducative, héritière des Kindergarten allemands, ancrée dans les comportements. Que dire de l'approche pédagogique différenciée de tous les établissements, qu'ils soient publics ou privés ? La transition aurait dû permettre cette évolution.
Deuxième argument, la suppression des jardins d'enfants créerait un incident diplomatique par rapport au soft power allemand. Mais nous sommes le législateur français ! L'argument n'est pas pertinent. (M. Max Brisson s'exclame.)
Troisième argument, celui de la cohérence dans la formation pour encadrer les enfants. Les jardins d'enfants ont un programme centré sur les valeurs, les écoles maternelles sur l'apprentissage - avec des disparités à l'entrée en CP.
M. Claude Kern. - Justement, non !
M. Max Brisson. - Pas une tête ne doit dépasser !
M. Martin Lévrier. - Que dire d'une école qui promeut l'égalité et dans laquelle tous les enseignants n'ont pas le même niveau d'études ou de rémunération ? Le tollé ne serait-il pas général sur nos bancs ?
Le Parlement a tendance à trop légiférer. De cette inflation résulte un amalgame de lois qui prennent le pas sur de véritables réformes. Mieux vaudrait renforcer le contrôle, alors qu'une analyse fine de l'existant aboutirait aux ajustements nécessaires.
Cessons de vouloir répondre aux opinions publiques de niche.
M. Max Brisson. - C'est honteux !
M. Martin Lévrier. - La loi de 2019 rend l'école obligatoire dès 3 ans.
M. Max Brisson. - L'instruction, pas l'école !
M. Martin Lévrier. - Ne pouvant me résoudre à cette juxtaposition incohérente, j'avais déposé un amendement prolongeant la transition. Si j'avais la certitude que ce texte ainsi amendé pouvait être adopté avant la mi-juin, je prônerais son adoption, mais le temps de la navette risque d'empêcher une rentrée sereine. Une fois n'est pas coutume, notre groupe s'inscrira dans la lignée du RDSE, avec des votes divers ! (Applaudissements sur les travées du RDPI ; sourires)
Mme Maryse Carrère. - Merci pour cet hommage !
Mme Colombe Brossel . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Il était urgent d'agir, pour les familles, pour les enfants accueillis en jardins d'enfants et pour les professionnels. En effet, depuis 2019, les jardins d'enfants sont menacés par l'obligation de l'instruction à 3 ans, un angle mort, voire une découverte pour les artisans de la loi de 2019. (M. Max Brisson renchérit.)
Nous sommes face à un choix : acter ou non la légitimité de ces structures à proposer un modèle complémentaire pour les enfants jusqu'à 6 ans. Je me réjouis de pérenniser les jardins d'enfants, qui existent de Paris à l'Alsace, en passant par la Loire, les Bouches-du-Rhône et La Réunion, accueillant des enfants dès 18 mois sur le modèle des Kindergarten cités par Claude Kern. Ils sont complémentaires, non concurrents, des écoles maternelles. Ils contribuent ensemble à l'inclusion et à la mixité.
À Paris, les jardins d'enfants sont situés très majoritairement dans les quartiers populaires. Centenaires, ils ont été créés pour accueillir les enfants des habitations à bon marché (HBM). Le rapport des inspections générales l'a montré : ils accueillent beaucoup d'enfants de familles populaires. Plus de 600 enfants parisiens sont accueillis. Aux portes de Paris, les familles aux revenus inférieurs à 1 000 euros représentent deux tiers des enfants accueillis.
Partout, les jardins d'enfants sont des modèles d'inclusion. Les enfants à besoins particuliers ou en situation de handicap représentent 10 % des enfants accueillis. À Paris, ils sont 15 %, dont 5 % reconnus par la maison départementale des personnes handicapées (MDPH). C'est plus du double des écoles maternelles.
Le taux d'encadrement est d'un professionnel pour huit enfants de moins de 3 ans, trois pour quinze au-delà. Les jardins d'enfants sont régulièrement contrôlés par la PMI et l'éducation nationale. Les professionnels entretiennent un lien renforcé avec les familles.
Les jardins d'enfants ont dénoncé la loi Blanquer, qui les obligeait à se transformer en crèche ou en école. Nous n'avons cessé de défendre leur existence, au nom d'un principe très simple : pourquoi détruire ce qui fonctionne ? Avec cette proposition de loi, nous sommes proches de la solution.
Je remercie tous ceux qui se sont mobilisés pour les jardins d'enfants. Je salue l'engagement sans faille de David Assouline, Rémi Féraud, Marie-Pierre Monier, mais aussi des députées Fatiha Keloua Hachi, Eva Sas, Michèle Tabarot...
M. Philippe Tabarot. - Excellent !
Mme Colombe Brossel. - ... ainsi que la rapporteure Agnès Evren, Elsa Schalck, Max Brisson, Annick Billon et Laurent Lafon. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST, ainsi que sur des travées du RDSE et des groupes INDEP, UC et Les Républicains)
Je remercie surtout les familles et les professionnels qui n'ont jamais renoncé. (On renchérit sur plusieurs travées.) Si nous sommes ici aujourd'hui, c'est grâce à leur mobilisation. (Mêmes applaudissements)
Le groupe SER votera bien sûr cette proposition de loi. Alors que la dérogation prend fin en août 2024, nous souhaitons qu'aucun amendement ne soit adopté, car nous n'avons pas le temps d'attendre. Il faut sauver un modèle qui fonctionne ! (Mêmes applaudissements)
Mme Elsa Schalck . - (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC ; MM. Cédric Chevalier et Adel Ziane applaudissent également.) Cette proposition de loi est la dernière chance de sauver les jardins d'enfants, complémentaires de l'école maternelle. Ils existent depuis plus d'un siècle et ont fait leurs preuves. Très appréciés des parents, ils jouent un rôle important dans l'intégration des enfants en situation de handicap ou porteurs d'une maladie chronique et soutiennent la parentalité tout en appliquant le programme de l'éducation nationale. Pourtant, ils sont les victimes collatérales de la loi École de la confiance, dont le moratoire prend fin en septembre prochain.
Nous avons tenté de changer la donne. En juin 2023, j'ai déposé une proposition de loi pour préserver les jardins d'enfants. Je suis donc particulièrement heureuse d'examiner cette proposition de loi de Michèle Tabarot. (M. Philippe Tabarot renchérit.) Je remercie chaleureusement Agnès Evren pour son travail et son implication.
Nous partageons tous la conviction que le maintien des jardins d'enfants est indispensable : je salue cette volonté transpartisane de les sauver.
Il importe aujourd'hui de voter ce texte conforme, parce qu'il arrive en extrême justesse, alors que les inscriptions à l'école maternelle commencent. C'est la dernière chance de garantir un avenir aux jardins d'enfants. Je remercie le groupe Les Républicains de l'avoir inscrit à l'ordre du jour.
Souhaitons-nous pérenniser un modèle qui a fait ses preuves ? Pourquoi, sinon, le supprimer ? L'effet de la loi de 2019 se fait déjà sentir, avec 15 fermetures en 2023 et un nombre d'enfants accueillis en forte diminution. Mais pour ceux qui restent, le personnel et les familles très engagés, il nous faut agir ! Nos territoires sont riches de ces traditions locales, particulièrement à Paris et en Alsace. À Strasbourg, ils accueillent beaucoup d'enfants franco-allemands et de fonctionnaires européens, et pour cause : ils s'inspirent des Kindergarten allemands.
Légiférons pour que ce modèle séculaire demeure. Le groupe Les Républicains votera ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP, SER et du GEST)
Mme Laure Darcos . - (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains) Les jardins d'enfants proposent, dans cinquante départements, une pédagogie alternative depuis une centaine d'années. Ces structures associatives et municipales à échelle humaine proposent un modèle complémentaire de celui de l'éducation nationale.
Ils ont une triple ambition parentale, inclusive et sociale. Les parents, comme le personnel, s'y investissent particulièrement.
Les jardins d'enfants font vivre une vision inclusive de l'école et une pédagogie centrée sur les besoins des enfants, qui permet à tous les profils de s'épanouir. Pas moins de 11 % des enfants qu'ils accueillent sont en situation de handicap, et jusqu'à 13 % à Paris. Leur disparition aggraverait les difficultés des familles concernées.
Historiquement, les jardins d'enfants sont liés aux cités ouvrières et accueillent une plus forte proportion d'enfants défavorisés que les autres structures. Aujourd'hui encore, un quart des jardins d'enfants sont situés dans un quartier prioritaire de la politique de la ville.
Nous devons préserver ces lieux de mixité et d'inclusion. Que de temps a été perdu, entraînant un stress pour les familles comme pour les salariés de ces structures... Je salue donc cette initiative parlementaire et souhaite qu'elle aboutisse rapidement.
Ce que les services du ministère considèrent toujours comme une anomalie est en réalité un modèle éducatif original : dommage qu'il ait fallu attendre aussi longtemps pour le pérenniser. Je remercie Michèle Tabarot et Agnès Evren et vous appelle à un vote conforme qui soulagera parents et éducateurs.
Mon collègue Cédric Chevalier aurait aimé conclure ainsi : voici venu le temps des rires et des chants ; dans les jardins d'enfants, c'est tous les jours le printemps ! (Sourires ; applaudissements sur les travées des groupes Les Indépendants et UC)
M. Martin Lévrier. - Il faut chanter ! (Nouveaux sourires)
M. Max Brisson . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Je salue l'initiative de Michèle Tabarot et l'excellent travail d'Agnès Evren. (On renchérit à droite.) Largement transpartisan, ce texte est le fruit d'un beau travail parlementaire, dans la droite ligne des propositions avancées par le Sénat en 2019, lors de la discussion de la loi pour une école de la confiance.
L'Assemblée nationale avait atténué la suppression des jardins d'enfants, proposée par Jean-Michel Blanquer, en instaurant un délai de deux ans. Rétropédalant, le Gouvernement avait accepté trois ans. Nous avions plaidé pour une dérogation pérenne - j'étais pour une fois d'accord avec David Assouline ! -, hélas sans succès, la CMP tranchant pour cinq ans.
Comme Colombe Brossel, je remercie les agents de ces structures, qui n'ont jamais cessé d'y croire. Non seulement les jardins d'enfants n'entravent pas l'obligation d'instruction, mais ils participent pleinement de son application ! En réalité, derrière ce débat s'en cache un autre, sur la diversité des approches pour l'éveil aux apprentissages des tout-petits. À cet égard, madame la ministre, monsieur Lévrier, vos propos ne me rassurent guère...
Ces structures que d'aucuns voudraient rayer d'un trait de plume sont nées dans les quartiers populaires et ont toujours présenté une forte dimension sociale. Bien avant la démocratisation de la maternelle et la scolarisation à 3 ans, elles ont permis la familiarisation des enfants à la vie en collectivité. Sans but lucratif, dotées d'un projet pédagogique fort, elles n'ont jamais fait la moindre concurrence à l'école maternelle.
Vecteurs de mixité, de socialisation et d'inclusion, les jardins d'enfants n'auraient jamais dû être remis en cause.
M. Claude Kern. - Tout à fait !
M. Max Brisson. - Cette proposition de loi revient donc à la situation antérieure à 2019. Je regrette qu'un amendement ait été déposé prolongeant de deux ans la dérogation actuelle - avant que la hache ne tombe... - et que la ministre se soit félicitée de la diminution du nombre de jardins d'enfants.
Le groupe Les Républicains votera ce texte avec enthousiasme. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et SER)
Mme Laurence Muller-Bronn . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) L'Alsace est décidément en force sur ce texte, qui fait l'objet d'un accord transpartisan dans les deux assemblées - fait assez rare pour être souligné. Je remercie à mon tour Michèle Tabarot et Agnès Evren.
Il s'agit de pérenniser les jardins d'enfants gérés ou financés par une collectivité publique. Ceux-ci sont le fruit d'un modèle centenaire, complémentaire des écoles maternelles et particulièrement implanté en Alsace, dont les deux départements concentrent 40 % des structures, pour 880 enfants accueillis.
De l'autre côté de la frontière, les Kindergarten ont depuis longtemps démontré leurs avantages. Les quinze structures alsaciennes disposent d'une autorisation de fonctionnement délivrée par la Collectivité européenne d'Alsace et sont suivies par la PMI.
Hélas, les jardins d'enfants ne bénéficient pas de la part de l'État du soutien qui serait nécessaire - c'est le moins que l'on puisse dire. Le Haut Conseil de la famille, dans son rapport de 2019, a pourtant souligné leurs nombreuses qualités et appelé à développer de nouvelles places, rappelant que ces structures sont éligibles aux financements de la branche famille.
Ce modèle répond à des besoins spécifiques des familles et remplit tous les objectifs attendus : mixité, respect des rythmes des enfants, inclusion, souplesse des horaires - certains sont ouverts jusqu'à 19 heures, ce qui offre une facilité non négligeable aux familles, notamment monoparentales.
Pourquoi entraver un modèle qui fait l'unanimité dans un contexte de pénurie de places de crèche ? Mettons fin aux incertitudes en pérennisant ces structures dont les familles ont besoin. Puisse le ministère tenir compte de leurs attentes, ainsi que des recommandations des plus hautes instances. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Claude Kern et Mme Colombe Brossel applaudissent également.)
Discussion des articles
Article 1er
Mme la présidente. - Amendement n°1, présenté par Mme Havet.
Alinéa 2
Rédiger ainsi cet alinéa
1° Les mots : « 2023-2024 » sont remplacés par les mots : « 2026-2027 » ;
Mme Nadège Havet. - La loi pour une école de la confiance a rendu la scolarisation des enfants obligatoire dès 3 ans, consacrant le rôle fondamental de l'école maternelle. Or une différence de diplôme perdure entre les intervenants des jardins d'enfants et les professeurs des écoles. Sans illusion sur le sort qui attend cet amendement prolongeant la dérogation, je le retire. (On s'en félicite sur de très nombreuses travées.) La rentrée approchant, madame la ministre, il faut agir vite.
L'amendement n°1 est retiré.
L'article 1er est adopté, ainsi que les articles 2 et 3.
La proposition de loi est définitivement adoptée.
(Applaudissements sur de très nombreuses travées)
La séance est suspendue quelques instants.