Modifications du code général de la propriété des personnes publiques relatives à la Polynésie française (Procédure accélérée)
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi ratifiant l'ordonnance du 24 mai 2023 modifiant les dispositions du code général de la propriété des personnes publiques relatives à la Polynésie française. La procédure accélérée a été engagée sur ce texte.
Discussion générale
M. Thomas Cazenave, ministre délégué chargé des comptes publics . - Ce projet de loi de ratification de l'ordonnance du 24 mai 2023 vise à rendre le droit plus lisible et mieux applicable en Polynésie. Je remercie Thani Mohamed Soilihi et Teva Rohfritsch.
Depuis 1977, la Polynésie française est propriétaire de son domaine à la suite du transfert du domaine maritime par l'État - à l'exception des zones nécessaires à l'exercice de sa souveraineté. L'État et ses établissements publics détiennent un important patrimoine public - tribunaux, aéroports, écoles... -, ainsi qu'un domaine privé.
La loi organique du 5 juillet 2019 a donné à l'État compétence en matière d'établissement des règles relatives à son domaine privé et au domaine privé et public de ses établissements publics en Polynésie française, sur le modèle de ce qui se pratiquait dans les autres collectivités d'outre-mer.
Cette évolution positive méritait d'être suivie de la mise en cohérence du code général de la propriété des personnes publiques (CG3P). Nous devons à la Polynésie un droit applicable et de qualité.
C'est l'objet de cette ordonnance du 24 mai 2023, qui s'inscrit dans le prolongement de la démarche de codification du droit domanial applicable outre-mer, entreprise par l'ordonnance du 28 septembre 2016.
Cependant, les règles relatives au domaine privé de l'État en Polynésie française n'avaient pu être codifiées, en raison d'un avis du Conseil d'État de 2016 interprétant strictement la compétence de l'État sur son seul domaine public et celui de ses établissements publics.
Une nouvelle répartition des compétences opérée par la loi organique du 5 juillet 2019 a ainsi été consacrée. La cohérence et la lisibilité du droit domanial applicable en Polynésie s'en sont trouvées renforcées.
L'article 74-1 de la Constitution habilite le Gouvernement à étendre par ordonnance aux collectivités territoriales régies par l'article 74 et en Nouvelle-Calédonie les mesures prévues pour l'Hexagone.
Cette ordonnance ne remet absolument pas en cause les compétences de la collectivité. Elle a pu susciter les questions des Polynésiens, mais le travail de concertation et de dialogue mené par Teva Rohfritsch et Lana Tetuanui a levé les doutes.
L'assemblée de Polynésie avait émis un avis favorable sur l'ordonnance de 2019. Le dialogue va se poursuivre, sous l'égide de la ministre des outre-mer, actuellement en Guyane.
Ce texte, qui finalise la mise à jour du CG3P, est le fruit d'un important travail de la direction interministérielle de l'immobilier de l'État et notamment de Pierre Brun, administrateur des finances publiques.
Cette ordonnance harmonise les règles domaniales de l'État en Polynésie française, en conformité avec le droit polynésien. Je vous invite donc à adopter ce projet de loi de ratification.
M. Thani Mohamed Soilihi, rapporteur de la commission des lois . - Prise sur le fondement de l'article 74-1 de la Constitution, l'ordonnance du 24 mai 2023 modifie le livre du CG3P consacré à la Polynésie française. La commission des lois a approuvé ce projet de loi de ratification, sans modification.
La multiplicité des régimes et des catégories de domaines rendait le droit domanial en Polynésie peu lisible. La collectivité dispose d'une compétence normative de principe, tandis que l'État ne peut agir que dans un périmètre de compétences défini par la loi statutaire de 2004.
Depuis 1977, la Polynésie est propriétaire de son propre domaine. L'État lui a transféré l'entièreté du domaine maritime, sauf ce qui a trait à la marine nationale. L'État et ses établissements publics conservent la propriété d'un vaste domaine public et d'un domaine privé.
Jusqu'en 2019, seul le domaine public figurait dans les compétences de l'État, qui n'était a contrario pas compétent pour établir les règles relatives à son domaine privé. Cette singulière répartition des compétences relevait davantage d'une omission que d'un choix délibéré. La Polynésie n'a jamais légiféré sur le domaine privé de l'État. En pratique, celui-ci demeurait donc régi par l'ancien code du domaine de l'État, maintenu en vigueur à titre dérogatoire, le législateur ordinaire étant incompétent pour légiférer sur le domaine privé de l'État en Polynésie française.
Première amélioration, la loi organique de 2019 a étendu la compétence de l'État en Polynésie à son domaine privé et au domaine public et privé de ses établissements publics. Mais le CG3P devait être mis en cohérence. D'où, quatre ans plus tard, cette ordonnance.
La commission des lois déplore la lenteur de cette réforme. Pendant vingt ans, près de 15 km2 ont été régis par des dispositions obsolètes depuis 2006. C'est emblématique des difficultés juridiques des collectivités ultramarines : le droit y est peu lisible, peu accessible et doit prendre en compte les spécificités locales, dont on ne saurait faire fi.
Il a ainsi fallu identifier les dispositions relevant spécifiquement de la Polynésie française. Le statut de 2004 prévoit en effet que celle-ci dispose d'un droit de préemption immobilière et est compétente sur les biens vacants et sans maître, par exemple. L'ordonnance exclut donc l'application par l'État de ces procédures qui risqueraient d'empiéter sur les compétences propres du pays. La commission des lois a veillé scrupuleusement au respect des compétences de la Polynésie française.
La commission regrette que l'assemblée de Polynésie n'ait pu émettre un avis sur l'ordonnance, ayant été saisie par le Gouvernement en avril 2023, en pleine période électorale - mais son avis est réputé favorable.
Je me suis attaché à recueillir les observations des représentants polynésiens et ai accordé la plus grande considération à leurs réserves. La commission des lois a conclu que cette ordonnance n'empiétait pas sur les compétences de la Polynésie française.
Ainsi, en matière d'acquisition de biens culturels maritimes, l'ordonnance se contente de mettre en cohérence le CG3P avec le code du patrimoine métropolitain et celui de la Polynésie française.
Je regrette que l'amendement d'Agnès Canayer sur l'entretien des chemins privés ruraux en Polynésie ait été déclaré irrecevable. J'espère qu'un prochain véhicule législatif nous permettra d'avancer.
La commission des lois vous invite à adopter ce projet de loi de ratification, sans modification. (Applaudissements sur les travées du RDPI, du GEST et des groupes Les Républicains, UC et INDEP)
Mme Maryse Carrère . - Je salue le riche travail du Parlement qui a scellé, avec la loi organique de 2019, un pacte de confiance entre l'Hexagone et les collectivités d'outre-mer, sous l'égide d'Annick Girardin, alors ministre des outre-mer.
Cette ordonnance, très attendue des Polynésiens, clarifie le régime de droit domanial applicable dans les 118 îles volcaniques et coralliennes de ce magnifique territoire français.
Cette ordonnance met fin au régime de spécificité législative applicable jusqu'ici, une clarification nécessaire pour un territoire dont la superficie est comparable à celle de l'Europe. La multiplicité des régimes applicables rendait le droit patrimonial illisible.
Le RDSE appelle à la prudence afin de ne pas dénaturer le rapport culturel et sacré des Polynésiens avec leur terre.
Nous appelons le Gouvernement à se saisir à nouveau du projet de codification du régime de la propriété publique en Polynésie, abandonné en 2011.
Souvenons-nous du rapport de Nathalie Delattre tendant à améliorer la lisibilité du droit applicable aux collectivités territoriales : ce projet de loi poursuit la même exigence. Nous le voterons unanimement.
Mme Nicole Duranton . - (M. Thani Mohamed Soilihi applaudit.) Ce projet de loi de ratification est marqué du sceau de la clarification et de la cohérence. Je salue l'excellent travail du rapporteur Thani Mohamed Soilihi.
Avant 2019, le droit domanial applicable en Polynésie française était illisible. La loi organique de 2019 visait à y remédier. Cette évolution positive restait cependant incomplète, en l'absence de mise en cohérence du CG3P. Ce sera chose faite avec la ratification de cette ordonnance, qui améliore la lisibilité du droit domanial sans empiéter sur les compétences de la collectivité.
Je sais que les élus polynésiens se sont interrogés, notamment sur la notion de bien culturel maritime situé dans le domaine public maritime. Je remercie Teva Rohfritsch pour son travail de clarification, mais aussi Lana Tetuanui. Tous deux font un travail remarquable. La notion de gisement ne concerne pas les ressources naturelles présentes dans les fonds marins polynésiens, qui relèvent quasi exclusivement de la Polynésie française.
L'assemblée de la Polynésie française avait émis un avis favorable à la loi organique de 2019. Son avis sur cette ordonnance est également réputé favorable. Néanmoins, son président a été auditionné.
Un comité interministériel des outre-mer (Ciom) dédié aux collectivités du Pacifique devait se tenir avant le remaniement. MM. Teva Rohfritsch et Mikaele Kulimoetoke attendent qu'un nouveau rendez-vous soit fixé par Mme Guévenoux.
Le groupe RDPI votera ce texte. (M. Thani Mohamed Soilihi applaudit.)
M. Pierre-Alain Roiron . - (Applaudissements sur les travées du GEST) Nous connaissons tous les atouts et la grandeur du territoire polynésien. L'article 74 de la Constitution lui confère un statut d'autonomie, dans le respect de l'identité polynésienne.
L'ensemble des changements apportés par le CG3P résulte de la loi organique de 2019, mise à jour du statut de 2004. Nous parachevons ce travail. Deux enjeux : la simplification juridique et le respect des spécificités locales.
S'agissant de la simplification, les dispositions visent à améliorer la lisibilité de la répartition des compétences. En effet, l'État n'avait pas de compétence normative dans son propre domaine, ce qui constituait un frein : il ne pouvait pas céder d'immeubles, alors que son domaine privé représente 12,5 km2.
L'ordonnance réforme le CG3P et prévoit que les dispositions du code sont applicables de plein droit au domaine privé et public de l'État et de ses établissements publics. Elle introduit également des articles définissant les règles de droit commun concernant l'acquisition, la gestion et la cession des biens du domaine de l'État.
Cela permettra une meilleure gestion des terrains publics et favorisera la construction de logements sociaux, grâce à la vente de terrains de l'État à des prix réduits.
Nous partageons l'avis du rapporteur qui minimise l'impact des dispositions ayant trait à l'acquisition de biens culturels maritimes.
Nous espérons que le développement économique et social de l'archipel sera favorisé. Nous voterons ce texte. (Applaudissements sur les travées du GEST et du RDSE)
Mme Catherine Di Folco . - Ce texte s'inscrit dans la continuité des travaux parlementaires touchant à la Polynésie française, en particulier des ajustements au statut de cette collectivité opérés par la loi organique de 2019.
Juridiquement complexe, la question du domaine public revêt une acuité particulière dans les collectivités françaises du Pacifique, où s'appliquent des règles souvent dérogatoires au droit commun.
En Polynésie française, l'actuelle répartition résulte du transfert graduel, à partir de 1977, de tronçons du domaine public de l'État à la collectivité. La cohabitation des domaines de l'État, de la collectivité et des communes a été consacrée par la loi organique du 27 février 2004.
Le droit applicable à la domanialité de l'État n'est toutefois pas dénué d'ambiguïtés, faute de définition détaillée. Jusqu'en 2019, la loi organique ne mentionnait pas parmi les compétences de l'État la gestion de son domaine privé. Cette omission revenait à en confier cette gestion à la Polynésie française. Bien qu'elle n'en ait pas fait usage, cet état du droit a entraîné une complexité inutile et nuit à la sécurité juridique du domaine privé de l'État.
Depuis la loi organique de 2019, l'applicabilité de plein droit des dispositions nationales relatives aux domaines public et privé de l'État est la norme. Reste que cette clarification appelait une traduction dans la loi ordinaire, en particulier au livre VI de la cinquième partie du CG3P.
L'ordonnance du 24 mai 2023 tire les conséquences de la loi organique et procède à un certain nombre de clarifications et simplifications du code. Je salue le travail de notre rapporteur, Thani Mohamed Soilihi, s'agissant notamment du domaine public maritime.
Quatre années auront séparé la loi organique de l'ordonnance. Et le délai entre l'ordonnance et le début de l'examen du projet de loi de ratification ne laisse que neuf mois avant la caducité de l'ordonnance...
Le groupe Les Républicains votera ce projet de loi. (Applaudissements sur de nombreuses travées)
M. Vincent Louault . - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP ; M. Pierre-Alain Roiron applaudit également.) La loi organique de 2019 a comblé une lacune en mentionnant explicitement la compétence de l'État sur son domaine privé en Polynésie française. Restait à actualiser les dispositions du CG3P applicables dans ce territoire. C'est l'objet de cette ordonnance, dont nous approuvons la ratification.
Il aura fallu vingt ans pour que le problème soit résolu... Je remercie M. Brun, de la direction de l'immobilier de l'État, d'avoir clos ce dossier avant son départ en retraite. Parce qu'il est urgent d'améliorer la lisibilité du droit applicable en Polynésie française, le groupe INDEP votera le projet de loi. (Applaudissements sur de nombreuses travées ; on apprécie la concision de l'orateur.)
Mme Lana Tetuanui . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Mes chers collèges, ia ora na !
Ce projet de loi ratifiant l'ordonnance du 24 mai 2023 étend à notre territoire des dispositifs en vigueur en métropole au bénéfice de la gestion domaniale de l'État, dans un esprit de meilleure lisibilité du droit.
À l'origine, il appartenait à la Polynésie française de fixer les règles relatives au domaine privé de toutes les collectivités publiques. L'État a préféré reprendre cette compétence pour son propre domaine, mais encore fallait-il que les dispositions utiles soient étendues à la Polynésie. La loi organique de 2019 a ainsi réformé l'application du droit domanial de l'État en Polynésie.
Après analyse, il a été noté que la rédaction de l'ordonnance diffère de celle du projet de ratification. Il est prévu, au deuxième alinéa de l'article 2, de ne pas étendre à la Polynésie les articles relatifs à certaines modalités d'acquisition : dation en paiement, droit de préemption, successions en déshérence, entre autres. Cette disposition a été prise à juste titre, la Polynésie française étant compétente en la matière.
Néanmoins, le dernier alinéa, qui prévoit l'acquisition de biens culturels maritimes par l'État en tant qu'ils sont situés dans son domaine public maritime, appelle une certaine réserve.
D'une part, le domaine public maritime de l'État en Polynésie doit être clairement identifié, sous réserve des emprises de la défense nationale.
D'autre part, il convient de rappeler la compétence de la Polynésie française en matière de culture, telle qu'elle résulte des articles 13 et 14 de la loi organique statutaire. Or il semble que le dernier alinéa de l'article 2 vise les biens culturels maritimes au sens de l'article L. 532-1 du code du patrimoine : « Constituent des biens culturels maritimes les gisements, épaves, vestiges ou généralement tout bien présentant un intérêt préhistorique, archéologique ou historique qui sont situés dans le domaine public maritime ou au fond de la mer dans la zone contiguë ».
Or si l'intérêt préhistorique, archéologique ou historique ne soulève pas de difficultés d'interprétation, il en va autrement d'un gisement au sens géologique. Pour éviter toute ambiguïté, j'ai déposé un amendement pour abroger l'article L. 5621-2 du CG3P qui autorise l'acquisition par l'État de biens culturels maritimes situés dans son domaine public maritime. Le président de l'Assemblée de la Polynésie française, Antony Géros, a déclaré le soutenir dans un courrier adressé à la ministre des outre-mer et au président Buffet.
Cette ordonnance est emblématique des difficultés juridiques auxquelles sont confrontées les collectivités ultramarines et de la difficile appréhension par l'État du droit applicable outre-mer, souvent peu lisible. Il nous appartient d'être toujours vigilants, pour sécuriser les situations dans le respect des identités foncières et des évolutions institutionnelles propres à chaque collectivité.
Je remercie le rapporteur pour son excellent travail. Sous réserve de l'adoption de notre amendement, le groupe centriste votera le projet de loi de ratification. (Applaudissements sur de nombreuses travées)
M. Michel Canévet. - Bravo !
M. Guy Benarroche . - Le Sénat porte une attention singulière aux situations des différents territoires de la République.
Le statut de la Polynésie française lui confère une autonomie renforcée et le pouvoir d'édicter des normes relevant du domaine de la loi. L'État conserve des compétences d'attribution, limitativement énumérées, mais la collectivité de Polynésie détient la compétence normative de droit commun.
Jusqu'en 2019, l'État disposait d'une compétence expresse sur son seul domaine public - situation inhabituelle au regard des règles en vigueur dans les autres collectivités d'outre-mer, même si la Polynésie n'a jamais usé de sa compétence par défaut sur le domaine privé de l'État.
La loi organique de 2019 a précisé que l'État est compétent pour fixer les règles relatives à son domaine privé et à celui de ses établissements publics. Ce principe a été approuvé par l'Assemblée de la Polynésie française dans un avis de novembre 2018. Pour qu'il produise ses pleins effets, une mise en cohérence du livre VI de la cinquième partie du CG3P était nécessaire. L'ordonnance y procède.
Nous regrettons le délai nécessaire à l'écriture de cette ordonnance, et déplorons davantage encore le manque d'égard du Gouvernement vis-à-vis de la collectivité de Polynésie, saisie du projet en pleines élections territoriales. Heureusement, notre assemblée a joué son rôle en échangeant avec les acteurs locaux, qui ont été entendus.
J'en profite pour rappeler l'État à son devoir : soixante ans après les premiers essais nucléaires dans le Pacifique, les questions de réparation et de compensation des dommages causés ne sont toujours pas résolues. Près de 170 000 personnes ont été exposées à des radiations, et les avancées de 2010 ne sont pas à la hauteur de la triste réalité.
Le GEST votera ce projet de loi, synonyme de clarification et de sécurisation.
Mme Evelyne Corbière Naminzo . - (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K) La complexité du droit domanial outre-mer est largement documentée. Dès 2015, le Sénat avait alerté sur le morcellement de ce droit et l'éparpillement des normes applicables dans un grand nombre de textes.
Les compétences de l'État en Polynésie sont régies par le principe d'attribution : la compétence de principe appartient à la Polynésie.
La loi organique du 27 février 2004 prévoit que l'État est compétent pour fixer les règles relatives à son domaine public. Une lecture stricte de cette disposition pouvait laisser entendre qu'il ne l'était pas pour fixer celles relatives à son domaine privé.
Afin de dissiper toute ambiguïté, la loi organique de 2019 a conféré explicitement à l'État la compétence relative à ses domaines. L'Assemblée de la Polynésie française avait émis un avis favorable à cette évolution.
L'ordonnance soumise à notre ratification est la traduction de cette clarification, qui ne doit pas empêcher la prise en compte des spécificités locales ni du statut particulier de la collectivité.
Par ailleurs, la question du domaine public maritime de l'État, soulevée par Lana Tetuanui, nous interroge. Le sujet est particulièrement sensible, la Polynésie étant constituée de 118 îles, réparties en cinq archipels couvrant une superficie comparable à l'Europe.
Si la quasi-totalité du domaine public maritime en Polynésie appartient à la collectivité, celui de l'État se limitant à quelques installations portuaires de la marine, il ne faudrait pas que, sous couvert de clarification, ce dernier puisse empiéter sur les compétences de la collectivité. Comment s'assurer qu'il n'y ait aucun risque d'intrusion de l'État dans l'exploitation des ressources des sous-sols marins ?
Nous réservons notre vote en fonction des clarifications qui seront apportées sur ce point. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K et UC)
Mme Lana Tetuanui. - Merci !
Discussion des articles
Avant l'article unique
M. le président. - Amendement n°1 rectifié bis, présenté par Mmes Tetuanui et Gatel, MM. Bonnecarrère, Delahaye, Henno et Laugier, Mmes O. Richard et Billon et M. Cambier.
Avant l'article unique
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 5621-2 du code ge?ne?ral de la proprie?te? des personnes publiques est abroge?.
Mme Lana Tetuanui. - Cet amendement, que j'ai annoncé dans la discussion générale, abroge l'article L. 5621-2 du CG3P.
Nous émettons de très vives réserves sur la notion de gisement. Pouvons-nous obtenir la liste des éléments du domaine public maritime de l'État en Polynésie, hormis Mururoa et Fangataufa où se sont déroulés les essais nucléaires ? Quelle est votre interprétation de la notion de gisement ? Au sens géologique, un gisement est une disposition de couches de minéraux dans le sous-sol - cela relève entièrement de la compétence de la Polynésie française.
M. Thani Mohamed Soilihi, rapporteur. - Après avoir analysé avec la plus grande attention les réserves de Mme Tetuanui, j'ai acquis la certitude que l'ordonnance n'entraîne aucun risque d'empiètement sur les compétences de la Polynésie.
La compétence de la Polynésie en matière culturelle n'est pas menacée par l'article concerné du CG3P. L'ordonnance précise que seuls les biens situés dans le domaine public maritime de l'État sont concernés. Le code du patrimoine polynésien prévoit explicitement que la collectivité peut revendiquer des biens maritimes, à l'exception de ceux relevant du domaine public maritime de l'État, très restreint.
La notion de gisement dans le code du patrimoine diffère de celle du code minier. Les gisements miniers et l'ensemble des ressources naturelles, biologiques ou non, sont exclus du dispositif.
Des dispositions identiques s'appliquent à la Nouvelle-Calédonie depuis 2016, sans qu'aucun empiètement en ait résulté.
Je vous demande donc de retirer votre amendement. À défaut, l'avis sera défavorable.
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. - J'entends les craintes de Mme Tetuanui, mais je souscris aux arguments du rapporteur.
La compétence de l'État issue de l'article dont l'abrogation est proposée respecte parfaitement celle de la collectivité telle que définie par la loi organique de 2004. Elle n'empiète pas sur les compétences de la collectivité pour légiférer sur le domaine public maritime. L'État ne pourra exercer son droit que sur le domaine public maritime qu'il a conservé, tout à fait résiduel.
L'abrogation de cette disposition serait contraire au code du patrimoine et complexifierait le droit. Le code du patrimoine polynésien reconnaît l'existence de biens relevant du domaine maritime de l'État.
Retrait, sinon avis défavorable.
Mme Lana Tetuanui. - Monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, je vous prends au mot.
Le récit de l'histoire de la Polynésie prendrait des heures, voire des jours. Le nucléaire, le foncier, le domaine public, tout cela parle aux Polynésiens. Nous touchons à leur coeur, leur âme, leurs tripes.
Je suis pour la paix des ménages et retire mon amendement, mais prenez garde ! Les paroles s'envolent, les écrits restent. Or ce qui est dit ici est retranscrit au procès-verbal. C'est nous qui allons rentrer, à 20 000 km d'ici, et devrons expliquer ce qui s'est décidé. (Applaudissements)
M. Thani Mohamed Soilihi, rapporteur. - J'accorde, pour ainsi dire naturellement, un grand intérêt à ces sujets. Oui, ici, les paroles deviennent des écrits : les assurances qui vous ont été données seront consignées au procès-verbal. Pour avoir approfondi l'examen de cette question, je n'ai aucun doute. Merci de retirer votre amendement.
L'amendement n°1 rectifié bis est retiré.
L'article unique est adopté. En conséquence, le projet de loi est adopté.
M. le président. - La commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à l'accélération et à la simplification de la rénovation de l'habitat dégradé et des grandes opérations d'aménagement est parvenue à l'adoption d'un texte commun.
La séance est suspendue à midi trente-cinq.
Présidence de Mme Sophie Primas, vice-présidente
La séance reprend à 14 h 30.