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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Finances des départements

M. Arnaud Bazin, pour le groupe Les Républicains

M. Thomas Cazenave, ministre délégué chargé des comptes publics

Mme Laure Darcos

M. Jean-Michel Arnaud

M. Grégory Blanc

M. Pascal Savoldelli

M. Michel Masset

M. Didier Rambaud

Mme Isabelle Briquet

Mme Valérie Boyer

Mme Jocelyne Antoine

M. Vincent Éblé

M. Christian Bruyen

M. David Ros

M. Fabien Genet

M. Clément Pernot

M. Rémy Pointereau

M. Hervé Reynaud

M. Stéphane Sautarel, pour le groupe Les Républicains

Modification de l'ordre du jour

JO 2024 : la France est-elle prête ?

M. Michel Savin, pour le groupe Les Républicains

Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre des sports et des jeux Olympiques et Paralympiques

M. Claude Kern

Mme Mathilde Ollivier

M. Pierre Ouzoulias

M. Ahmed Laouedj

M. Didier Rambaud

M. Jean-Jacques Lozach

Mme Catherine Dumas

M. Pierre-Jean Verzelen

M. Michel Laugier

M. Adel Ziane

M. Philippe Mouiller

M. Patrick Kanner

Mme Anne Ventalon

M. Bruno Belin

Mme Christine Lavarde

Mme Marie-Carole Ciuntu

M. Stéphane Piednoir, pour le groupe Les Républicains

Financement des entreprises de l'industrie de défense française

Discussion générale

M. Pascal Allizard, auteur de la proposition de loi

M. Dominique de Legge, rapporteur de la commission des finances

M. Cédric Perrin, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des entreprises, du tourisme et de la consommation

M. Thomas Dossus

M. Pascal Savoldelli

M. Jean-Noël Guérini

M. Ludovic Haye

M. Thierry Cozic

Mme Marta de Cidrac

Mme Vanina Paoli-Gagin

M. Michel Canévet

M. Rachid Temal

M. Marc Laménie

M. Olivier Cigolotti

Mme Catherine Belrhiti

Discussion des articles

Article 1er

M. Akli Mellouli

Après l'article 1er bis

Article 2

Intitulé de la proposition de loi

Vote sur l'ensemble

M. Pascal Savoldelli

Mme Vanina Paoli-Gagin

M. Cédric Perrin, président de la commission des affaires étrangères

M. Pascal Allizard, auteur de la proposition de loi

M. Rachid Temal

Modification de l'ordre du jour

Statut de l'élu local

Discussion générale

Mme Françoise Gatel, auteur de la proposition de loi

M. Éric Kerrouche, rapporteur de la commission des lois

Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure de la commission des lois

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité

Mme Cécile Cukierman

M. Henri Cabanel

M. Olivier Bitz

M. Pierre-Alain Roiron

M. Roger Karoutchi

M. Joshua Hochart

M. Cédric Chevalier

M. Jean-Michel Arnaud

M. Guy Benarroche

M. Thierry Cozic

Mme Anne Chain-Larché

M. Jean-Marc Boyer

Discussion des articles

Avant l'article 1er

Article 1er

Mme Olivia Richard

M. Franck Menonville

M. Guillaume Gontard

M. Daniel Fargeot

Mme Hélène Conway-Mouret

M. Olivier Paccaud

M. François Bonhomme

M. Guy Benarroche

M. Simon Uzenat

Après l'article 1er

Ordre du jour du mercredi 6 mars 2024




SÉANCE

du mardi 5 mars 2024

67e séance de la session ordinaire 2023-2024

Présidence de M. Alain Marc, vice-président

Secrétaire : Mme Marie-Pierre Richer.

La séance est ouverte à 14 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Finances des départements

M. le président.  - L'ordre du jour appelle le débat sur les finances des départements, à la demande du groupe Les Républicains.

M. Arnaud Bazin, pour le groupe Les Républicains .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) François Hollande en a rêvé, Emmanuel Macron l'a fait ! Souvenons-nous des lois Maptam et NOTRe : sous prétexte de réduire le millefeuille territorial, l'intention de faire disparaître les départements était réelle. Pourtant, à l'évidence, le département est le bon niveau pour les politiques sociales. (« Très bien ! » sur les travées du groupe Les Républicains) Les mauvaises intentions durent céder devant la mobilisation. Nouveau mot d'ordre : dévitaliser les départements. Selon André Vallini, alors secrétaire d'État, un organe est dévitalisé quand il est privé de sang artériel. Ainsi d'une collectivité qui perd ses ressources financières.

Ce que l'exécutif n'avait pas réussi en 2016, Emmanuel Macron y est parvenu, avec la suppression de la taxe d'habitation (TH). Mais cette bombe à fragmentation démagogique alourdit la dette de l'État de 20 milliards d'euros par an.

Les communes ont ensuite reçu la part du foncier départemental autrefois allouée aux départements, parachevant la dévitalisation annoncée, à la suite d'une initiative de notre ancien collègue Alain Richard. Le même regrettera ensuite publiquement que les départements se retrouvent dépourvus de tout pouvoir de taux...

Les départements ne peuvent donc plus maîtriser leurs recettes, pas plus que leurs dépenses, décidées par le Gouvernement, comme la hausse de 10 % du revenu de solidarité active (RSA), combinée à la baisse de 40 % de la dotation globale de fonctionnement (DGF) sous François Hollande.

Ils sont totalement dépendants des droits de mutation à titre onéreux (DMTO). La quasi-totalité des départements est déjà au taux plafond : ils ne peuvent faire autrement. Réduits à constater des baisses de recettes, ils se voient imposer leurs dépenses, entre revalorisations salariales et dépenses sociales : aide sociale à l'enfance (ASE) saturée du fait de l'incapacité de l'État à maîtriser les flux migratoires ; RSA, dont la charge augmentera de 2 milliards d'euros avec la fin de l'allocation de solidarité spécifique (ASS) ; solidarité à la source, qui pourrait coûter 3,5 milliards de plus, vu le taux de non-recours. Je n'oublie pas l'inflation et la non-indexation de la DGF, alors que la remontée des taux d'intérêt a entraîné une baisse des DMTO de 23 % pour les départements, et jusqu'à 30 % pour certains, dans un contexte de crise du logement inédite, alors que l'empilement de normes renchérit la construction et raréfie le foncier.

Il faut faire les comptes : baisse de 51,3 % de l'épargne nette des départements, et de 26,7 % de trésorerie brute, contre respectivement une hausse de 16,9 % et une baisse de 2,7 % pour les communes. Tout cumulé, par rapport à 2021, il manquera 7,5 milliards d'euros aux départements, qui se montrent pourtant solidaires - mais la péréquation ne suffit plus.

Face à cet effet ciseau, l'investissement et l'aide aux communes sont la variable d'ajustement. Routes, fibre optique, collèges : les départements ne se limitent pourtant pas au social !

Quelle hypothèse de recette de DMTO retenez-vous pour 2024 ? Quelle sera l'évolution des allocations, alors que les dépenses sociales représentent plus de 60 % des dépenses de fonctionnement des départements ? Le fonds de sauvegarde - 106 malheureux millions d'euros pour quatorze départements - est-il à la hauteur ?

La ficelle est grosse. Après avoir fini d'asphyxier les départements, le Gouvernement en profitera-t-il recentraliser ? Il faut dire que les électeurs départementaux ont le mauvais goût de voter à droite ou au centre. C'est certes agaçant (M. Thomas Cazenave ironise), mais faut-il pour autant avancer dans la démolition de notre pays ? (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)

M. Thomas Cazenave, ministre délégué chargé des comptes publics .  - Le contexte pour les finances publiques et les départements est particulier. Ceux-ci font en effet face à une inflexion de leur situation financière, singulière par rapport aux autres collectivités. D'abord, les dépenses de fonctionnement augmentent - 7,2 % pour celles liées au personnel. La revalorisation du point d'indice, les salaires médico-sociaux et la hausse des dépenses d'énergie y contribuent.

Les recettes, elles, diminuent, avec une baisse de 20 % pour les DMTO. Mais cette correction suit une dynamique exceptionnelle : doublement entre 2012 et 2022, augmentation de 40 % depuis 2017. Au total, les recettes réelles de fonctionnement baissent, c'est une spécificité de l'échelon départemental. Mais la situation est hétérogène.

Je m'engage à poursuivre le dialogue avec Départements de France et M. Sauvadet. Des rendez-vous sont fixés : mars, mai, automne. Quinze départements appellent une attention particulière. Je suis prêt à rencontrer les présidents de département qui le sollicitent.

Je vous rassure, certains mécanismes amortiront cette inflexion. Les DMTO demeurent minoritaires dans les recettes, et sont supérieurs au niveau de 2019. La péréquation réduit l'écart de recette de 40 %.

S'y ajoutent la mise en réserve des sommes non distribuées, pour 250 millions d'euros en 2023, et le fonds de sauvegarde des départements, qui concerne d'abord les collectivités touchées par la baisse des DMTO et la hausse des dépenses sociales - RSA, allocation personnalisée d'autonomie (APA), prestation de compensation du handicap (PCH). La loi de finances pour 2024 l'a porté de 53 à 106 millions d'euros. L'État contribue à parité avec les départements. Cet effort bénéficie à quatorze d'entre eux : 9 millions pour la Gironde, 7 millions pour le Val-de-Marne.

Les départements sont autorisés à mettre en réserve une fraction de DMTO. Au 31 janvier 2024, 35 d'entre eux ont ainsi mis de côté un total de 1 milliard d'euros. Je salue leur esprit de responsabilité.

Dans une conjoncture difficile et exogène, l'État est au rendez-vous. Il l'est aussi pour compenser des hausses de dépenses, notamment liées aux prix de l'énergie. Enfin, la loi de finances 2024 comprend des mesures ciblées, avec 150 millions d'euros supplémentaires pour le budget de la CNSA. De même, le soutien de l'État pour la prise en charge des mineurs non accompagnés (MNA) atteint 100 millions d'euros en 2024.

J'en viens à la compensation des récentes réformes de la fiscalité locale : la TVA devient une composante essentielle du panier de ressources des départements, à hauteur de 30 %, soit 22 milliards d'euros en 2023, en hausse de 7 %. La TVA est dynamique. De même, la taxe spéciale sur les conventions d'assurances (TSCA) a crû de 7 % en 2023, ce qui amortit la baisse des DMTO.

Surtout, la loi de finances pour 2020 introduit le versement de 250 millions d'euros de fraction de TVA à destination des départements exposés à un reste à charge au titre des allocations de solidarité.

Enfin, même si l'État sera toujours aux côtés des départements, les efforts doivent être partagés. Le premier allié des finances publiques, c'est la croissance. Or le contexte international, incertain, est marqué par les chocs géopolitiques. Comme nos partenaires, nous révisons nos prévisions de croissance et de recettes - d'où l'annulation de 10 milliards d'euros de crédits. Contrairement à ce qui est affirmé parfois, l'État prend sa part. En cohérence, j'en appelle à une responsabilité partagée. (MM. Jean-François Husson et Bruno Belin s'exclament.)

Nous avons, avec les élus, les finances publiques en partage. N'opposons pas l'État et les collectivités alors que nous attend le vaste chantier de redressement de nos finances publiques. (MM. Didier Rambaud et Xavier Iacovelli applaudissent.)

Mme Laure Darcos .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Cent millions d'euros, 30 %, c'est la diminution des DMTO pour mon département de l'Essonne. À l'échelle nationale, les départements ont perdu 3,9 milliards d'euros entre 2022 et 2023. Les dépenses liées à l'APA, à la PCH, au RSA pèsent pour plus de 10 milliards, avec un reste à charge de 50 % pour les collectivités. L'ASE représente 10 milliards d'euros. (M. Xavier Iacovelli se manifeste.)

Les départements doivent assumer une politique migratoire hors de contrôle, les mineurs non accompagnés (MNA) coûtant 2 milliards d'euros, compensés à 6 % seulement. Les 2,5 milliards de plus imposés par l'État en deux ans n'ont pas fait non plus l'objet de compensations.

Vous aviez beau jeu de dire que les départements pouvaient s'appuyer sur les DMTO, mais les recettes ont disparu. Non, cette crise n'est pas une vue de l'esprit. L'aide aux communes et l'investissement ne doivent pas devenir la variable d'ajustement de leur budget. Ne renonçons pas à ces politiques vertueuses, alors que les départements revendiquent leur autonomie fiscale.

Quand le Gouvernement prendra-t-il enfin la mesure de la gravité de la situation ? Quand prévoira-t-il un panier de ressources permettant aux départements de faire face à leurs charges, comme le Sénat le demande depuis longtemps ?

M. Thomas Cazenave, ministre délégué.  - Nous partageons le constat quant aux recettes et aux dépenses. Vous appelez à une nouvelle autonomie fiscale, mais les trois quarts des recettes des départements sont fiscales : DMTO, TVA désormais, une bonne nouvelle pour les départements ! (Mme Laure Darcos ironise.) Les régions, qui bénéficient elles aussi d'une part de TVA, ne reviendraient pas en arrière par rapport à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE). (On le réfute à droite.)

Car la TVA est dynamique ! (Protestations à droite et à gauche)

M. Jean-François Husson.  - Quand il y a des erreurs, on les corrige !

M. Thomas Cazenave, ministre délégué.  - Je suis heureux que le rapporteur général s'invite dans le débat...

Nous avons doublé l'abondement de l'État au fonds de solidarité, nous accompagnons les quatorze départements en situation difficile. Il faut cibler les mesures, alors que certains ont mis en réserve une partie de leurs ressources -  les DMTO ne sont pas la principale.

M. Jean-Michel Arnaud .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains) Inflation, chute des DMTO, dépenses liées aux MNA : l'épargne brute des départements se contracte fortement, le tout sans autonomie fiscale ou financière.

La hausse du point d'indice ne dépend pas des collectivités, mais de l'État. De même pour le Ségur ou l'ajustement des régimes indemnitaires.

Comment le Gouvernement accompagnera-t-il les départements, notamment quand l'État décide sans les collectivités ?

Ensuite, la protection civile, essentielle face aux aléas climatiques. Les négociations européennes pourraient assimiler les sapeurs-pompiers volontaires à des salariés de droit commun : les conséquences budgétaires seraient amplifiées. Que fera le Gouvernement ? Mon département des Hautes-Alpes a passé sa contribution au service départemental d'incendie et de secours (Sdis) de 7 millions d'euros en 2021 à 8,5 millions désormais.

M. Thomas Cazenave, ministre délégué.  - Sur le point d'indice, laisser les agents publics sans mesure face au choc inflationniste aurait été irresponsable. Les collectivités sont des employeurs : on ne va pas créer un système compensatoire pour elles. Ou alors il faut ouvrir le débat sur la décorrélation du point d'indice, avec la fin des mesures générales et des collectivités pleinement responsables de leur politique salariale.

Une fraction, dynamique, de la TSCA est affectée aux départements pour la protection civile : 1,4 milliard d'euros en 2023, soit une hausse de 36 % en dix ans. Ainsi, les Hautes-Alpes ont perçu 3 millions, contre 2 millions auparavant.

Lors de l'examen du dernier projet de loi de finances, nous étions favorables à un amendement de M. Husson visant à augmenter de 50 % la part de TSCA au bataillon de marins-pompiers de Marseille, et pour Mayotte. (M. Jean-François Husson s'exclame.)

M. Grégory Blanc .  - La situation des départements, ce n'est pas uniquement l'effet ciseau, c'est aussi la pente des dépenses. Le nombre d'enfants placés a doublé en vingt ans, avec une accélération brutale depuis 2019 -  dans mon département, la protection de l'enfance représente 160 millions d'euros sur un budget de fonctionnement de 640 millions d'euros.

Globalement, notre société va bien, mais la part de ceux qui vont mal augmente en France : un jeune garçon de 18-24 ans sur huit, une fille sur quatre a connu un épisode dépressif cette année.

Depuis la décentralisation, l'intervention de l'État social a éclaté en morceaux : celui-ci est protéiforme, non coordonné, sans chef de file pour la protection de l'enfance. Face à des dépenses exponentielles, comment accompagnerez-vous les départements ? Chef de filat, recentralisation évoquée par Charlotte Caubel ? Comment absorberez-vous financièrement le choc de l'éclatement des familles ? Comment utiliserez-vous les excédents de la branche famille de la caisse d'allocations familiales (CAF) ?

M. Thomas Cazenave, ministre délégué.  - La protection de l'enfance est une préoccupation largement partagée - un rapport d'information récent du Sénat relève une progression de 29 % des prestations de protection de l'enfance entre 2007 et 2021.

L'État, comme les départements, est au rendez-vous. Ainsi, nous avons augmenté en 2024 notre soutien de 314 millions d'euros : 140 millions pour les contrats départementaux de prévention et de protection de l'enfance, 50 millions pour la prévention des sorties sèches de l'ASE ou 34 millions pour la participation aux revalorisations salariales dans les centres de protection maternelle et infantile (PMI). L'accompagnement des MNA fait l'objet d'une demande importante de Départements de France : l'État a majoré sa participation de 100 millions d'euros.

Sur la question de l'enchevêtrement des compétences, le Président de la République a confié une mission à Éric Woerth qui doit faire des propositions. Je suis favorable à la simplification de l'organisation des compétences avec des chefs de file.

M. Jean-François Husson.  - Nous sommes assez grands pour y penser tout seuls !

M. Pascal Savoldelli .  - Partageons la vérité ! Le Conseil des prélèvements obligatoires (CPO) plaidait pour une réforme des DMTO, voire pour leur suppression. En 2024, les départements perdront 7,5 milliards d'euros de perte pour les départements. Ils n'ont jamais été autant tributaires d'une double tutelle de l'État, via les dotations et la TVA.

Vous venez de dire que l'octroi d'une fraction de TVA était une bonne nouvelle pour eux, mais cela balaie l'article 72 de la Constitution ! C'est la fin de l'autonomie ! Deux choix s'offrent à eux : soit revoir les prestations à la baisse, soit rehausser le coût des services publics.

Nous sommes en train de porter atteinte au dernier levier fiscal à leur disposition des départements. Abandonnez cette proposition ! Sinon, quelles sont vos propositions pour créer de nouveaux leviers fiscaux ?

M. Thomas Cazenave, ministre délégué.  - Je tiens à vous rassurer : il n'existe aucun projet de suppression des DMTO !

Cela dit, le débat sur la distinction de l'autonomie financière et fiscale n'est pas nouveau.

C'est l'autonomie financière qui garantit la libre administration des collectivités territoriales. L'autonomie fiscale, c'est la faculté de moduler le taux. Or est-ce plus important d'avoir une autonomie financière ou fiscale ?

Plusieurs voix sur les travées du groupe UC.  - Il faut les deux !

M. Thomas Cazenave, ministre délégué.  - La liberté de fixer les taux, oui, mais pourquoi ? Pour organiser la concurrence entre les territoires ! (Protestations au centre et à droite)

La Constitution garantit l'autonomie financière. Je vous invite à examiner le rapport de Jean-René Cazeneuve sur le sujet.

M. Arnaud Bazin.  - C'est l'administration qui parle !

M. Pascal Savoldelli.  - Je ne doute pas de votre sincérité personnelle. Mais j'ai des doutes sur votre sincérité politique : c'est ce Gouvernement qui a supprimé la CVAE et la taxe d'habitation sans prévenir ! (M. Thomas Cazenave le conteste.)

Il n'y a pas d'autonomie financière en dehors de l'autonomie fiscale pour toutes les collectivités territoriales ! (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER, UC, Les Républicains et du GEST)

Franchement, monsieur le ministre ! Dans le Val-de-Marne, j'ai 43 000 allocataires du RSA ; 27 communes font face à un risque d'inondation !

Il faut partager les responsabilités ! Autonomie financière et autonomie fiscale sont un couple indéfectible. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K, du GEST, des groupes UC et Les Républicains, et sur plusieurs travées du groupe SER)

Une voix à droite.  - Très bien !

M. Michel Masset .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Je salue l'initiative de ce débat.

Nombreux sont les départements à avoir eu la prudence de constituer des réserves, mais elles fondent comme neige au soleil.

L'effet ciseau est devenu une constante budgétaire. Chaque nouvelle annonce en alourdit l'effet.

Au-delà de son aspect inique sur le plan social, la suppression de l'ASS revient à transférer la coquette somme de 2 milliards d'euros aux départements. Les 15 heures de bénévolat prévu pour les allocataires du RSA ne peuvent se faire sans accompagnement humain : dans le Lot-et-Garonne, cela représente 600 000 heures à trouver chaque mois. Sans autonomie fiscale, cela se traduira par un recul de l'investissement public.

Monsieur le ministre, vous connaissez le rôle de pilier des départements au sein des collectivités territoriales. N'est-ce pas le moment d'instaurer des clauses de revoyure pour les transferts de charges et les suppressions de recettes ? (Applaudissements sur les travées du RDSE)

M. Thomas Cazenave, ministre délégué.  - Attendons les conclusions de la mission Woerth. Son mandat est large et porte sur le financement, notamment.

La politique de l'emploi, assumée par l'État, et les politiques sociales des départements sont complémentaires. France Travail fait le jeu des départements : des bénéficiaires du RSA mieux accompagnés, ce sont autant de personnes qui retrouvent un emploi, et donc moins de dépenses pour les départements. D'où l'intérêt de prévoir une bonne collaboration entre tous les acteurs.

Vous évoquez la fin de l'ASS, mais nous souhaitons aussi accélérer le retour à l'emploi des bénéficiaires du RSA. (Mme Pascale Gruny proteste.)

La TVA a toujours été une ressource plus dynamique que la CVAE, par exemple.

M. Didier Rambaud .  - L'année 2023 se caractérise par une conjoncture immobilière dégradée. Résultat : une baisse de 20 % des DMTO - la principale ressource des départements. Mais l'impact de la crise immobilière n'est pas le même selon les territoires.

Après deux années plus favorables, les résultats de 2023 sont préoccupants : c'est pourquoi le Gouvernement a doublé la part de l'État dans le fonds de sauvegarde, pour un montant de 106 millions d'euros.

Quelle sera l'ampleur du soutien accordé et quels seront les départements bénéficiaires ?

Moi aussi je préfère l'autonomie financière à l'autonomie fiscale : sans base fiscale, l'autonomie ne vous sert à rien ! (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Thomas Cazenave, ministre délégué.  - Vous avez dressé le bon constat (on ironise à droite), celui de l'hétérogénéité des départements : certains sont plus touchés par la crise, notamment ceux qui ont plus de bénéficiaires du RSA.

Il faut du cousu main pour les aider ! C'est ce que nous avons fait avec le fonds de sauvegarde. Le fonds de solidarité est mobilisé pour les 14 départements les plus touchés. (M. Pascal Savoldelli et Mme Michelle Gréaume s'exclament.)

Je crois à l'efficacité du fonds de solidarité que nous avons dopé dans le budget 2024. (M. Jean-François Husson s'exclame.)

Mme Isabelle Briquet .  - Lors du projet de loi de finances pour 2024, le Sénat avait voté un renfort de 100 millions d'euros au profit de certains départements.

Mais le Gouvernement alourdit leurs charges en supprimant l'ASS et en transférant les bénéficiaires vers le RSA. Cette décision met en péril leur équation budgétaire : cela coûterait plus de 2 milliards d'euros en RSA - plus de 7 millions pour la seule Haute-Vienne. Sans mesure compensatoire, ce sont autant de renoncements qu'il faudra prévoir.

Comment l'État compensera-t-il la suppression de l'ASS imposée aux départements ?

M. Thomas Cazenave, ministre délégué.  - Nous avons instauré un fonds de solidarité pour aider les départements et compenser cet effet ciseau. Je le répète : les DMTO ne sont pas la principale ressource des départements.

Les dépenses liées au RSA sont couvertes à plus de 97,5 % par l'État. (Protestations à droite)

Sur l'ASS, les travaux démarrent. Il ne faut pas considérer la suppression de l'ASS de manière isolée, mais l'envisager de manière plus globale : nous misons sur une politique de retour à l'emploi des bénéficiaires du RSA pour atteindre le plein emploi. (Mme Silvana Silvani proteste.) Tel est l'objet de la création de France Travail. Nous avons une stratégie gagnant-gagnant avec les départements en la matière.

Mme Isabelle Briquet.  - Je ne partage pas votre optimisme et ne crois pas à l'emploi magique. Votre réforme aboutira à une réduction des droits sociaux et à une paupérisation des citoyens fragiles. L'ASS est cumulable avec l'allocation aux adultes handicapés (AAH) ; ce ne sera plus le cas avec le RSA. Plus de 300 000 personnes sont en danger.

L'ASS était aussi un moyen d'acquérir des trimestres de retraite. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE-K)

Mme Valérie Boyer .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le nombre de MNA a été multiplié par quatre entre 2014 et 2023, passant de 5 000 à 19 370 personnes !

Le coût moyen annuel est de 50 000 euros par mineur. L'État demande aux collectivités territoriales de gérer un problème relevant du régalien. Les dispositifs de l'ASE sont mis à mal par cet afflux.

Les MNA n'entrent jamais seuls sur le territoire et sont aux mains de trafiquants d'êtres humains.

Inexpulsables, bénéficiant d'un accès facilité à la nationalité, les MNA sont devenus une filière d'immigration illégale. L'ASE est un dispositif qui honore la France, mais celui-ci est mis à mal par le trop grand nombre de faux mineurs, qui sont en réalité des migrants économiques ou des délinquants.

Monsieur le ministre, que comptez-vous faire ?

M. Thomas Cazenave, ministre délégué.  - L'État et les départements ont renforcé l'ASE, dont les crédits ont augmenté de plus de 30 % entre 2007 et 2021.

Quelques chiffres : 214 millions d'euros pour le soutien de l'État à la protection de l'enfance, 140 millions pour les contrats départementaux de prévention et de protection de l'enfance, sans oublier le renforcement de la prévention des sorties sèches de l'ASE. Les crédits en faveur de l'accompagnement des MNA ont augmenté de 30 %, pour atteindre 100 millions d'euros.

Madame la sénatrice, c'est un enjeu sur lequel nous sommes mobilisés en concertation avec les départements.

Mme Jocelyne Antoine .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Les dernières mesures sur le RSA ont un impact considérable sur les dépenses des départements. Or ceux-ci n'ont pas été consultés.

Les dépenses liées au RSA sont couvertes à plus de 97,5 % par l'État, dites-vous ? Je n'en suis pas si sûre... Le basculement des bénéficiaires de l'ASS vers le RSA représentera une charge supplémentaire de 2,1 milliards d'euros. L'État délègue, mais ne compense pas.

Cet effet ciseau ne peut pas durer. Comment comptez-vous aider les départements à mobiliser les 5,5 milliards d'euros nécessaires ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. Vincent Louault applaudit également.)

M. Thomas Cazenave, ministre délégué.  - Je le répète : le taux de couverture des dépenses du RSA est bien de 97,5 %, contre 85 % en 2020.

La solidarité à la source impacte les départements ; c'est un enjeu pour les bénéficiaires du RSA et un outil de simplification et de lutte contre la fraude. Nous travaillons sur ce chantier main dans la main avec les départements. Il s'agit de mieux maîtriser nos dépenses et d'éviter les erreurs.

Mme Jocelyne Antoine.  - Certains départements sont bien plus en difficulté que d'autres. Vous avez évoqué les quatorze départements bénéficiaires du fonds de sauvegarde. Mais une lecture nationale ne suffit pas : on ne peut pas traiter de la même façon les départements très peuplés comme la Gironde et un département de 180 000 habitants comme la Meuse.

Les départements les plus fragiles, les ultra-ruraux, méritent d'être étudiés sous un prisme différent. En tant que conseillère départementale, je vous accueillerai dans la Meuse avec plaisir. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

M. Jean-François Husson.  - Un Girondin va découvrir la Meuse !

M. Vincent Éblé .  - J'associe à ma question Corinne Narassiguin et Adel Ziane, sénateurs de la Seine-Saint-Denis, ainsi que Stéphane Troussel, président du département.

Nos départements sont confrontés à une hausse sans précédent de la demande sociale de nos concitoyens. Mais leurs marges de manoeuvre sont réduites : cette situation de dépendance financière à la conjoncture fragilise leur rôle d'amortisseur social.

L'année 2023 en est la preuve. La situation est encore plus marquée pour les départements franciliens - hors Paris - avec une perte de 800 millions d'euros de DMTO.

La croissance réelle de 2023 est inférieure à 3 %. Dans ce contexte, nombre de départements ont dû réduire leurs investissements. Or, chaque année, les collectivités devront investir 12 milliards d'euros au titre de la stratégie nationale bas-carbone (SNBC).

Certes, l'État a prévu le fonds vert, mais celui-ci semble insuffisant pour faire face à ce mur d'investissements. Or les départements, qui sont déjà en première ligne pour répondre aux défis sociaux, doivent agir maintenant en faveur de la transition écologique - après, il sera trop tard. Comment les accompagner ?

M. Thomas Cazenave, ministre délégué.  - Au risque de ne pas faire consensus, j'affirme que l'autonomie financière des collectivités territoriales - surtout celle des départements - a progressé.

M. Jean-François Husson.  - C'est flagrant ! (M. François Bonhomme renchérit.)

M. Thomas Cazenave, ministre délégué.  - Les ressources fiscales, particulièrement celles qui sont variables, ne garantissent rien. La TVA est plus dynamique, plus protégée des cycles que les DMTO. (Protestations à droite)

M. Jean-François Husson.  - Et le rabot ?

M. Thomas Cazenave, ministre délégué.  - Je le redis, les chiffres sont têtus. (Protestations à droite et à gauche) Le basculement d'une fraction de TVA est une bonne chose.

M. Jean-François Husson.  - Ça baisse !

M. Thomas Cazenave, ministre délégué.  - Par ailleurs, nous consacrons 2 milliards d'euros au fonds vert. C'est une nouveauté.

M. Bruno Belin.  - Quel est le rapport ?

Plusieurs voix à droite.  - Vous rabotez !

M. Thomas Cazenave, ministre délégué.  - C'est un effort historique : cet engagement sera tenu et les départements en bénéficieront, vous le savez ! (Les protestations à droite se poursuivent.)

M. Christian Bruyen .  - Ce qui conduit tous les départements dans l'impasse, c'est l'effet ciseau. Vos mesures ne représentent que 800 millions d'euros, péréquation horizontale comprise - bien loin des 9 milliards d'euros de reste à charge pour les allocations individuelles de solidarité (AIS).

Ce n'est pas d'aujourd'hui que les départements sont asphyxiés, mais cela s'est vertigineusement accéléré, permettant aux ennemis de la décentralisation d'affirmer que nos missions de solidarité sont mal exercées. Mais ce n'est pas parce qu'une décision est prise dans la capitale qu'elle est adaptée !

Soit il est temps d'avouer que c'est une stratégie pour faire des départements de simples opérateurs de l'État, soit il faut redonner des marges de manoeuvre à cet échelon fondamental.

Êtes-vous prêt à redonner aux départements un vrai levier fiscal - une CSG, peut-être -, avec un vrai pouvoir de taux ? Car la libre administration est là, pas dans l'autonomie financière. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; MM. Franck Menonville et Vincent Louault applaudissent également.)

M. Thomas Cazenave, ministre délégué.  - Notre désaccord est clair. Nous respectons le principe de valeur constitutionnelle : l'autonomie financière, qui progresse - pas l'autonomie fiscale, je vous l'accorde.

Mais le plus important est-il de modifier un taux au risque de la concurrence fiscale... (protestations sur les travées des groupes Les Républicains et UC) ou bien de garantir aux départements des ressources dynamiques comme la TVA qui lui permettent d'éviter l'effet ciseau ? (M. Clément Pernot secoue la tête.) Les DMTO sont très variables, comme la CVAE, au contraire de la TVA.

Il faut des paniers de ressources prévisibles, pour prendre des décisions d'investissement.

M. Laurent Somon.  - Et l'autonomie fiscale ?

M. Thomas Cazenave, ministre délégué.  - Comment engager la transition écologique sans connaître vos ressources fiscales ?

M. Christian Bruyen.  - On nous a endormis avec la loi 3DS... On aurait mieux fait de ne pas aller si loin dans l'alphabet, avec une loi 3C : confiance, confiance, confiance. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; MM. Franck Menonville et Vincent Louault applaudissent également.)

M. David Ros .  - Nous assistons à une baisse brutale des aides sociales -  Isabelle Briquet vous a alerté sur l'ASS.

Avec Frédérique Espagnac, je vous invite à un voyage d'Évry à Biarritz, pour vous montrer que les problématiques sont identiques dans des territoires si différents : dès 2025, les bénéficiaires de l'ASS devront se tourner vers les aides départementales, pour 30 millions d'euros en Essonne. Les Pyrénées-Atlantiques subissent 20 % de baisse des DMTO. Pour l'Essonne, c'est 30 % -  soit 100 millions de moins -, et 30 000 bénéficiaires du RSA de plus - 15 000 dans les Pyrénées-Atlantiques.

Le Gouvernement va-t-il compenser tout ou partie de ces dépenses de solidarité ? Sinon, comment les départements pourront-ils investir dans la transition écologique, les réseaux routiers ou les équipements pour les pompiers ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

M. Thomas Cazenave, ministre délégué.  - Je fais ce voyage d'Évry à Biarritz : je suis ainsi allé à Biriatou récemment !

Si nous consacrons un fonds de solidarité exceptionnelle pour quatorze départements, c'est bien qu'ils ont des besoins spécifiques et que nos réponses ne sont pas uniformes.

Resituons la réforme de l'ASS dans le cadre global de notre objectif de plein emploi. Nous avons réduit le nombre de demandeurs d'emploi, à 7,4 %, et de bénéficiaires du RSA (Mmes Michelle Gréaume et Silvana Silvani protestent) : voilà notre combat commun ! Souvenez-vous de l'époque du chômage de masse. Avec France Travail, les bénéficiaires du RSA seront mieux accompagnés pour qu'ils retrouvent plus vite une activité : c'est bon pour eux, comme pour les départements.

M. Laurent Somon.  - D'où sortez-vous vos chiffres ?

M. David Ros.  - Vous avez pu faire disparaître 10 milliards d'euros et faire apparaître le plein emploi : partagez donc votre baguette magique ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

M. Fabien Genet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Vos explications sur l'état des finances locales sont euphorisantes : tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes... Mais votre cousu main a un arrière-goût de tutelle et, en cette fashion week, le corset étouffe les départements. (Sourires) Laissez-les respirer !

Plusieurs membres du groupe Les Républicains.  - De l'air !

M. Fabien Genet.  - La Saône-et-Loire montre combien ils peuvent être innovants - centres de santé, très haut débit, soutien au monde rural.

Nos Ehpad sont dans une situation inquiétante : sur les 56 Ehpad publics de Saône-et-Loire, 50 avaient un déficit de la section autonomie - pour 7,8 millions d'euros -, et 36 de la section hébergement - pour 7,9 millions d'euros.

Avec l'inflation et l'explosion des prix des matières premières, les départements doivent mettre en place des boucliers tarifaires pour éviter une trop forte augmentation du prix de journée. Que proposez-vous ?

M. Thomas Cazenave, ministre délégué.  - Je ne nie pas les difficultés financières des départements - je l'ai dit dans mon intervention. J'appelle simplement à les regarder de manière différenciée. Ils ont leurs spécificités : leurs missions sociales et des ressources soumises aux variations des prix immobiliers. Certains départements ont anticipé et mis 1 milliard d'euros mis en réserve ! N'oublions pas les 250 millions de péréquation.

À la suite du rapport Pires Beaune, nous avons mis en place un fonds de secours exceptionnel de 100 millions d'euros pour les Ehpad, plus un abondement exceptionnel de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) de 150 millions pour les départements. Nous expérimentons une réforme structurelle, avec la fusion des sections soins et hébergement.

M. Fabien Genet.  - Plutôt que de faire tout gérer par l'ARS, il serait préférable de faire confiance aux départements.

M. Clément Pernot .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) C'est en tant qu'encore président du conseil départemental du Jura que je m'exprime, la peine au coeur, pour vous rappeler ce qu'ont subi les départements ces dernières années : l'amputation des compétences transport, économie et agriculture - excusez du peu -, au profit des grandes régions, prétendument plus efficaces...

Le lien fiscal avec nos administrés a été remplacé par une dépendance à des dotations plafonnées et non indexées sur l'inflation. Nous n'avons plus aucune marche de manoeuvre et prenons de plein fouet l'effondrement du marché immobilier. Vous ne pourrez plus, monsieur le ministre, nous parler d'autonomie financière.

La revalorisation non concertée des rémunérations du personnel et la hausse du RSA détruisent nos capacités financières. Dans le même temps, nous subissons l'explosion des dépenses sociales : Ehpad, ASE, MNA...

Devant notre délégation aux collectivités territoriales, le président Sauvadet a parlé d'asphyxie. Beaucoup y voient une condamnation à mort des départements. (Marques d'assentiment à droite)

Quelle est votre réponse, monsieur le ministre ? Jusqu'à présent, vous avez été très habile, mais sans apporter de réponse structurelle. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Pierre Jean Rochette applaudit également.)

M. Thomas Cazenave, ministre délégué.  - Notre organisation territoriale ne donne pas satisfaction. Nous payons l'illisibilité de l'action publique : derrière le ruban, nous sommes six ou sept élus (MClément Pernot hoche la tête) - c'est coûteux en temps et en finances publiques.

Une réforme est nécessaire. Avec la mission confiée à Éric Woerth (M. Fabien Genet s'exclame), nous attendons une organisation plus simple et plus responsabilisante, avec plus de confiance dans l'action publique, car nos concitoyens ne s'y retrouvent pas.

Nous n'avons nulle intention d'asphyxier les départements ! (On ironise à droite.) Nous avons remplacé les DMTO par une fraction de TVA, plus dynamique, soit 250 millions d'euros supplémentaires.

Nulle volonté d'empêcher les départements, mais le souhait d'aller vers une organisation plus efficace.

M. Fabien Genet.  - On peut s'inquiéter !

M. Rémy Pointereau .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) En matière de gestion de l'eau, l'insécurité juridique et les défis techniques sont considérables pour les départements. Lors de notre récente mission avec Hervé Gillé, nous avons constaté que seuls quelques départements ont réussi à maintenir leur engagement dans le grand cycle de l'eau compte tenu de leurs capacités financières et d'ingénierie, créant une disparité dans la gestion de cette ressource vitale. Des départements comme le Cher ont pris des initiatives comme Concert'eau 18. Mais leur réussite et leur généralisation dépendent de l'appui financier et législatif de l'État.

En dehors des aides des agences de l'eau - qui fondent comme neige au soleil -, comment le Gouvernement compte-t-il aider les départements ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Thomas Cazenave, ministre délégué.  - Lors de l'examen du projet de loi de finances (PLF) pour 2024, vous avez rejeté le plan Eau et la réforme des redevances.

L'eau relève de la compétence du bloc communal, même si les départements participent, comme les agences de l'eau et l'État, avec la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL), le fonds vert et le fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA).

Avec le plan Eau, Christophe Béchu souhaite renforcer le financement de cette politique publique prioritaire.

M. Hervé Reynaud .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Pierre Jean Rochette applaudit également.) De nombreux indicateurs financiers départementaux sont dans le rouge et l'investissement sert de variable d'ajustement.

Il n'y a pas d'autonomie de gestion sans autonomie fiscale - or les départements sont dans une recherche structurelle de produits fiscaux. Dans la Loire, 84 % des maires ont déclaré que leurs projets n'auraient pu voir le jour sans le département. Le fonds de sauvegarde créé en 2020 n'est plus à la hauteur, car les restes à charge sont toujours plus élevés. Les départements veulent continuer à participer au développement de leur territoire.

Nous espérons que la mission Woerth restaurera l'autonomie financière et la capacité d'action du département. La clarification des compétences ne doit pas conduire à faire des départements des agences sociales de l'État à la main des préfets et des sous-préfets. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Thomas Cazenave, ministre délégué.  - Je suis heureux que nous trouvions un consensus, car vous parlez d'autonomie financière - qui permet la libre administration des collectivités -, et non pas d'autonomie fiscale.

Les départements ont besoin d'un panier de ressources prévisibles. Or leurs ressources actuelles sont aux trois quarts des ressources fiscales : DMTO, TVA ou taxe de solidarité additionnelle (TSA).

La part de l'État du fonds de sauvegarde - porté à 350 millions d'euros tout de même - a été doublée. Je sais votre groupe attaché aux comptes publics : cet effort est considérable.

Je nourris les mêmes espoirs que vous sur la mission d'Éric Woerth : plus de lisibilité, d'efficacité et d'autonomie financière.

M. Hervé Reynaud.  - Nous en avions déjà débattu, et vous disiez alors que nous ne nous comprenions pas. Le partage de l'effort, ce n'est pas seulement « ce qui est à moi est à moi, ce qui est à toi est négociable ». Il faut une véritable autonomie des départements.

M. Stéphane Sautarel, pour le groupe Les Républicains   - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La situation financière des départements, niveau de collectivité le plus exposé à la conjoncture, fait consensus.

Lors du PLF pour 2024, vous vous étiez engagé à traiter la situation sans délai, mais les mesures ont été indigentes, consistant à maintenir à flot les plus en difficulté - et encore.

Les départements sont vertueux et solidaires : péréquation horizontale, approche collective et mises en réserve. Mais les DMTO sont passés sous leur niveau de 2019. À cette perte de 4 milliards s'ajoute la fragilité structurelle des dépenses des départements. En deux ans, 2,5 milliards d'euros de dépenses imposées par l'État n'ont pas été compensés.

Une nouvelle hausse du RSA représentera 460 millions en 2024 - je conteste votre chiffre de 97 % de couverture ; le reste à charge des AIS dépasse les 9 milliards d'euros ; les dépenses d'aide sociale à l'enfance ont augmenté d'un tiers en dix ans, pour atteindre 10 milliards d'euros ; l'État ne compense que 6 % des dépenses liées aux MNA, qui s'élèvent à 2 milliards d'euros, alors qu'il s'agit d'une politique régalienne.

L'inflation touche aussi les départements dans leur rôle d'aménageur du territoire, d'accompagnateur des communes et d'investisseur public. Cet effet ciseau met en cause les missions essentielles de cette collectivité de bonne dimension et de bonne proximité.

Amortisseur social et territorial, le département va faire face à un choc démographique inévitable lié à la prise en charge des personnes âgées.

L'asphyxie des départements fait courir un risque à notre modèle de décentralisation que je veux voir amplifié, non rogné. Le Sénat a fait des propositions en ce sens et contribue à la mission Woerth. La recentralisation pérenne du RSA dans trois départements n'est pas de bon augure... Les départements ne sont pas des guichets de l'État - démontrez, très vite, que telle n'est pas votre intention.

Enfin, il faut revoir en profondeur le financement des départements : les DMTO sont largement assis sur la richesse des départements, alors que les dépenses sociales lui sont inversement proportionnelles.

L'autonomie financière, c'est d'abord « qui paie, décide ». La proximité de l'action permet le consentement à l'impôt. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC)

Modification de l'ordre du jour

M. le président.  - En raison du nombre d'amendements déposés sur la proposition de loi portant création d'un statut de l'élu local, nous pourrions siéger jeudi 7 mars après-midi et éventuellement le soir.

Il en est ainsi décidé.

La séance est suspendue quelques instants.

JO 2024 : la France est-elle prête ?

M. le président.  - L'ordre du jour appelle le débat : « JO 2024 : la France est-elle prête ? » à la demande du groupe Les Républicains.

M. Michel Savin, pour le groupe Les Républicains .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Les jeux Olympiques et Paralympiques (JOP) seront la plus grande fête du sport jamais organisée en France. Nous serons sous le feu des projecteurs mondiaux, avec 4 milliards de téléspectateurs, la moitié de l'humanité !

La France a une longue histoire d'accueil des grands événements sportifs internationaux. Les JOP 2024 seront le point d'orgue d'un savoir-faire français qui résonnera dans le monde entier, avant les jeux d'hiver de 2030 en Auvergne-Rhône-Alpes et dans la région Sud.

Leur réussite ne tiendra pas qu'à leur bonne organisation et au nombre de médailles françaises. Leur héritage sera aussi une des clés de leur acceptabilité. Plus qu'une grande fête populaire du sport, les JOP sont un levier de la transformation de la pratique sportive en France.

Nous sommes à 143 jours de la cérémonie d'ouverture : c'est demain. Nous sommes confiants dans le travail de la Société de livraison des ouvrages olympiques (Solideo) et du Comité d'organisation des jeux Olympiques et Paralympiques (Cojop). L'Agence nationale du sport (ANS), l'Institut national du sport, de l'expertise et de la performance (Insep) et les fédérations sont mobilisés pour préparer nos athlètes. Nous saluons aussi l'action des services de l'État et des collectivités pour la sécurité, les transports et la logistique.

Malgré tout, des interrogations subsistent.

En décembre, la Solideo a annoncé que 84 % des travaux étaient achevés, dans les délais, à budget maîtrisé, dont le village des athlètes, l'Arena Porte de la Chapelle, le centre aquatique de Saint-Denis, les travaux à Roland Garros. Quatre des huit piscines neuves ou rénovées ont été livrées. Le coût de 3,8 milliards d'euros devrait être maîtrisé. Mais le calendrier est serré pour le Grand Palais éphémère et la piscine de Colombes ne serait livrée qu'en juin...

Sur les transports, nous constatons une dégradation du trafic, et n'avons pas encore retrouvé le niveau d'avant-covid. Or on anticipe 15 % d'activité supplémentaire dans une période où d'ordinaire elle se réduit de 30 à 40 %. Le recrutement d'agents supplémentaires n'est pas à la hauteur et l'Île-de-France devra assumer 200 millions d'euros supplémentaires.

Le ministre des transports est optimiste ; pourtant un syndicat a déposé un préavis de grève sur la période des jeux. Vous n'envisagez pas de réformer le droit de grève, mais comment comptez-vous éviter que l'image de la France soit écornée en cas de grève ?

Nos infrastructures de transport sont vieillissantes. Le Cojop prévoit des navettes pour les usagers en situation de handicap, mais sans héritage pour la population francilienne. C'est une occasion manquée. Pourquoi ne pas vous engager à ce que chaque rénovation d'une station de métro intègre la question de l'accessibilité ?

Nous saluons les efforts de la Région pour la formation de 15 000 personnes aux métiers de l'accueil et de la sécurité, mais ces efforts doivent être accompagnés. Le délégué interministériel aux JOP a confirmé que 15 000 à 20 000 agents de sécurité privée devaient être recrutés, en plus des 30 000 policiers et 15 000 militaires mobilisés. Que pouvez-vous nous en dire, madame la ministre ? Comment ces agents seront-ils transportés, hébergés ? Certains pourraient faire défection s'ils trouvent un emploi durable : ce risque a-t-il été pris en compte ?

Nos athlètes se sont préparés, avec de récents succès prometteurs. Mais l'annulation de 50,5 millions d'euros de crédits sur votre budget nous inquiète. Madame la ministre, une telle réduction annule la hausse dont vous vous vantiez l'an dernier et douche les espoirs d'une loi héritage ambitieuse. Quelles sont les lignes budgétaires touchées ? Ces baisses s'inscrivent dans une tendance de diminution des crédits pour le sport, qui pourraient représenter 130 millions d'euros en 2025 et 2026.

Pour conclure, je félicite l'ensemble des acteurs qui préparent les JOP. Soyons tous à la hauteur d'un enjeu qui devra perdurer dans le temps, avec des retombées sociales et économiques. Nous attendons des médailles, mais le plus grand succès sera la hausse de la pratique sportive, pour que notre pays soit enfin une nation sportive. C'est à cette aune que nous mesurerons le véritable succès des JOP. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre des sports et des jeux Olympiques et Paralympiques .  - Oui, résolument, nous serons prêts dans 143 jours, pour accueillir le monde. Ces jeux seront les plus iconiques et responsables de l'histoire.

La réussite comprend quatre dimensions : organisation, performance des athlètes, engagement et héritage.

Sur l'organisation, la Solideo est en train de réussir un exploit, dans le respect d'exigences sociales, environnementales et du calendrier : c'est une première historique et une immense réussite pour notre nation de bâtisseurs, dont nous pouvons être fiers. Le village des médias et le centre aquatique seront prochainement inaugurés.

Sur la sécurité, les chantiers avancent dans les temps. Le soutien du Gouvernement à la sécurité privée a abouti à plus de 16 700 entrées en formation et 10 000 recrutements sécurisés. Les périmètres de circulation définitifs ont été présentés : riverains et acteurs économiques pourront anticiper, avec des assouplissements pour les professions médicales, les livraisons et les maraudes sociales.

En matière de transports, la démarche de gestion de la demande est engagée et les préfets organisent des ateliers territoriaux. Les plans de transports sont stabilisés et l'offre augmentera, de 15 à 60 %. Les chantiers sont dans les temps, comme en atteste le nouveau système automatique de la ligne 14, colonne vertébrale des transports pendant les jeux. Le dialogue social se poursuit : les sujétions propres aux équipes seront dûment prises en compte. La mobilisation de tous sera valorisée, pour offrir le meilleur visage de notre pays.

Je salue le travail sur l'accessibilité des personnes en situation de handicap, au sein duquel l'État prend sa part - cofinancement de l'accessibilité du cheminement entre la gare et les sites et mise en place d'un fonds de 300 millions d'euros.

Nous sommes au travail afin que notre système de santé réponde aux besoins des visiteurs comme des délégations, sans réduire l'accès aux soins de nos concitoyens : ainsi plus de 300 lits supplémentaires seront ouverts par l'AP-HP.

Les jeux sont une occasion de promouvoir le tourisme, notamment à l'occasion du relais de la flamme olympique.

Nous sommes prêts à délivrer les 70 000 visas nécessaires à la famille olympique et à garantir la neutralité des athlètes russes et biélorusses, en coopération avec le Comité international olympique (CIO).

Enfin, face au JO-bashing, nous déployons des efforts de pédagogie pour montrer ce que les JOP apportent de positif.

Sur la préparation des athlètes, tout est en place pour que les Bleus performent le jour J. Le soutien à la haute performance a augmenté de 68 % depuis Rio, et nous pourrions obtenir la troisième place en nombre de médailles. Le 18 mars, je réunirai les fédérations.

Sur l'engagement, nous ferons vivre à nos concitoyens une grande fête populaire. Nos jeux seront les plus décentralisés de l'histoire, avec 73 collectivités hôtes, une flamme olympique qui traversera 70 départements. Dans l'Yonne, par exemple, tous les acteurs locaux programment leurs festivités en fonction. Le ministère octroie 4 millions d'euros aux plans territoriaux.

S'agissant des zones de célébration pendant les JOP, plus de 250 projets de collectivités doivent être validés par les préfets. La semaine olympique et paralympique à l'école, l'été olympique et paralympique font partie des actions engagées et compléteront la billetterie populaire, inédite dans l'histoire des jeux avec 400 000 places offertes dont 200 000 pour les scolaires.

Enfin, sur l'héritage, les transformations du territoire se concrétisent, notamment en Seine-Saint-Denis avec le village des athlètes et le franchissement urbain Pleyel (FUP). Nous léguerons à ce département, le plus pauvre et le plus jeune de France, 20 bassins de natation. Je voudrais également mentionner la baignabilité de la Seine et de la Marne et le plan Génération 2024, doté de 300 millions d'euros. L'héritage sera aussi immatériel, avec l'évolution du regard sur le handicap.

Nous comptons déjà 3 millions de pratiquants de plus, et nous travaillerons pour augmenter la pratique des femmes, des étudiants, des séniors et des personnes handicapées et développer le sport santé dans tous les territoires.

Nous avançons vite et bien. Je compte sur vous pour être les ambassadeurs de cette réussite collective. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; M. Ahmed Laouedj applaudit également.)

M. Claude Kern .  - Make it iconic : tel est le nom de la campagne lancée par le Gouvernement à l'international. Mais cela suppose un cadre logistique éprouvé, pour la sécurité et le transport des 15 millions de visiteurs, grâce notamment aux acteurs de l'industrie des événements professionnels.

Un héritage durable est essentiel à l'acceptabilité des JOP. Or une part essentielle de cet héritage est négligée : son volet socioéconomique.

L'expérience client des visiteurs passe par un meilleur accueil aux frontières et un parcours sécurisé. Voilà qui permettra à la France de rattraper son retard en matière d'accueil d'évènements internationaux. Nos voisins européens l'ont compris : là-bas, acteurs publics et privés travaillent main dans la main. Donnons à la France les moyens de devenir la première destination mondiale pour l'accueil d'évènements internationaux. Quels sont les moyens mis en oeuvre par le Gouvernement pour pérenniser cet héritage ?

Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre.  - Les JOP porter une ambition forte, celle de Jeux responsables socialement, avec le Comité de la Charte et l'implication des partenaires sociaux. Ils seront les Jeux les plus écologiques de l'histoire, avec empreinte carbone divisée par deux.

De très nombreuses PME et TPE y participent ; elles sont représentées dans 75 % des marchés du Cojop, à 90 % français. Avec le Cojop, nous avons développé les Entity Delivery Models (EDE) en vue de nous appuyer sur de grands acteurs de l'événementiel pour nos opérations dans les différents sites.

Nous aidons les entreprises à rayonner à l'étranger : c'est le sens de la French Sport Touch, mais aussi de ces business clubs que nous nous développons à l'occasion de la Coupe du monde de rugby ou des mondiaux de Courchevel et de Méribel. Nous faisons rayonner le savoir-faire français, ainsi que de la dimension socio-responsable dans l'ensemble des territoires concernés. Cela nous rend plus crédibles pour notre candidature pour les Jeux d'hiver de 2030.

M. le président.  - Merci de ne pas abuser des expressions anglaises... (Marques d'approbation à droite ; M. Pierre Ouzoulias applaudit.)

Mme Mathilde Ollivier .  - Nous entrons dans le money time. (Exclamations ; Mme Mathilde Ollivier sourit.) La date butoir approche.

Un tiers des émissions de gaz à effet de serre des JOP est dû aux déplacements de voyageurs, mais aucune ligne nouvelle ne sera ouverte. Quels seront les trajets et les stratégies de déplacement en cas de pénurie de places ?

Il manquerait plusieurs milliers d'agents de sécurité - filière précaire, mal rémunérée, aux horaires contraints. Le rendez-vous est à risque. Où en êtes-vous du recrutement et de la formation ?

La tour pour la compétition de surf à Tahiti a été maintenue, alors que les essais techniques avaient fortement abîmé le corail. Avez-vous une nouvelle étude d'impact sur la biodiversité ? Il serait regrettable de présenter une réalité contraire à l'objectif de respect de l'environnement alors que les surfeurs évoluent en harmonie avec l'océan.

Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre.  - Notre ambition écologique est grande, dans le domaine des transports notamment. Vous avez raison de souligner qu'à l'échelle mondiale, la principale difficulté des grandes compétitions réside dans les flux mondiaux. Nous devons apporter une réponse coordonnée. Nous avons fixé un objectif de réduction par deux de l'impact de ces JOP, pour en faire les premiers alignés sur l'accord de Paris.

Nous avons développé des plans de transports avec Île-de-France Mobilités (IDFM) pour une desserte à 100 % des sites de compétition en transports collectifs, avec notamment la ligne 14 et le RER E. Nous prévoyons 415 km de pistes cyclables pour atteindre 10 % de part modale.

Les études d'impact en Polynésie française ont été menées en concertation avec la population locale. Les travaux de la tour des juges ont commencé dans de bonnes conditions, en respectant le principe de précaution.

M. Pierre Ouzoulias .  - Je suis allé sur le site du Gouvernement anticiperlesjeux.gouv.fr, qui recommande de ne pas emprunter les lignes 5, 6, 7, 8, 9, 10, 12, 13 et 14 du métro, ni les lignes J, L, N, P, U du Transilien, non plus que les lignes B, C, D du RER. (Rires ; on ironise à droite.) Pour les bus, il n'y a pas encore d'indication.

M. Olivier Paccaud.  - C'est le confinement !

M. Pierre Ouzoulias.  - Le prix du ticket passera à 4 euros, le carnet à 32 euros et le passe Navigo hebdomadaire à 70 euros - soit un doublement ! Les personnes qui ne pourront pas fuir subiront les encombrements des transports et l'augmentation des tarifs.

À quoi correspond cet objectif de 15 % ? Souhaitez-vous réellement que les Franciliens restent à Paris pendant les JOP ? (Mmes Brigitte Devésa et Chantal Deseyne applaudissent.)

Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre.  - Il existe deux enjeux : le bon acheminement des spectateurs et des accrédités justifiant les plans de transports évoqués, et la réduction des inconvénients ressentis par les usagers réguliers.

Sur certaines lignes, les renforts d'offre seront de 15 % en moyenne avec parfois des augmentations de 30 à 60 % ; sur la ligne 9, le nombre de trains sera ainsi supérieur à celui d'une journée de pointe du mois d'octobre. Le site anticiperlesjeux.gouv.fr vise à anticiper l'impact des JOP sur la circulation - par exemple pour anticiper son départ le matin ou télétravailler. (M. Roger Karoutchi manifeste son agacement.) À Londres, cette anticipation avait permis la baisse de 15 % du trafic dans les transports en commun et de 30 % dans les transports routiers.

Nous voulons des Jeux fluides, privilégiant les transports en commun, sans gêner les Franciliens.

M. Olivier Paccaud.  - Vous ne répondez pas sur les prix !

M. Pierre Ouzoulias.  - En leur conseillant de ne pas emprunter neuf lignes de métro, vous ne facilitez pas la vie des Franciliens. Vous ne pouvez pas demander aux entreprises de mettre leurs salariés de la première ligne en télétravail. Il y va de l'acceptabilité sociale des JOP.

M. Ahmed Laouedj .  - Évènement majeur, les JOP feront briller la France, mais ils sont également source de préoccupation pour les Franciliens.

En Seine-Saint-Denis, qui concentre 80 % des investissements, les habitants peinent à s'approprier cet évènement alors que leur département accueillera les épreuves les plus populaires comme l'athlétisme ou la natation. L'anxiété prime sur l'excitation. Serons-nous prêts pour accueillir les visiteurs prévus ?

Les transports sont un défi colossal et les inquiétudes sont nombreuses. Malgré des voies olympiques dédiées, nous risquons des embouteillages et des problèmes de sécurité.

À cinq mois de la cérémonie d'ouverture, trop d'incertitudes persistent. Comment pouvez-vous rassurer les Français ?

Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre.  - Ces jeux doivent aider la Seine-Saint-Denis à se transformer. Nous laisserons en héritage 3 000 logements, 100 000 mètres carrés de bureaux et de commerces, ainsi que des infrastructures sportives. Le centre aquatique, qui sera inauguré le 4 avril, accueillera notamment le water-polo - je salue les performances de l'équipe de France - le plongeon et la natation artistique. Les 80 % d'investissements publics consacrés à la Seine-Saint-Denis permettront sa transformation.

S'agissant des transports, programmation et anticipation sont les mots d'ordre. Nous avons développé des infrastructures, étendu la ligne 14 au nord avec la gare Saint-Denis-Pleyel. Le franchissement urbain Pleyel (FUP) fluidifiera les échanges entre les populations. Il n'y aura pas de transports bloqués toute la journée, mais des plages régulées avec anticipation.

M. Ahmed Laouedj.  - J'espère que les Séquano-Dionysiens profiteront de ces JOP.

M. Didier Rambaud .  - Organiser les JOP exige des investissements colossaux. Quelles infrastructures restent à bâtir pour accueillir les 10 500 athlètes internationaux ?

L'héritage des infrastructures d'envergure - des éléphants blancs, difficiles à exploiter et à entretenir - est souvent un problème : le site de canoë-kayak en Grèce, la salle de volley des jeux de Pékin, le centre aquatique des jeux de Rio, le tremplin de vitesse ou l'anneau des jeux de Grenoble sont autant d'exemples. Si 85 % des sites olympiques permanents construits entre les éditions d'Athènes et de PyeongChang sont aujourd'hui utilisés, 11 % de ces sites n'existent plus et 4 % d'entre eux sont fermés, inactifs ou abandonnés.

Pouvez-vous nous assurer qu'il n'y aura aucun éléphant blanc ? Tous les territoires concernés bénéficieront-ils de l'héritage de ces Jeux ?

Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre.  - Nous sommes attentifs à ce qu'il n'y ait pas d'éléphants blancs. Nous avons pour principe : 95 % d'infrastructures déjà existantes ou éphémères. Les nouvelles seront livrées à temps, comme le centre aquatique ou l'Arena Porte de la Chapelle ; d'autres feront l'objet de travaux, comme le Stade de France.

Le centre de préparation aux Jeux permettra de voir les athlètes se préparer. À Auxerre, la population a hâte de voir arriver les équipes chinoise d'escrime, libanaise de tir à l'arc ou canadienne de rugby à sept.

Nous avons à coeur, avec le relais de la flamme, la billetterie populaire et les 250 fans zones notamment, que tout un pays vibre avec l'olympisme. Nous aurons les Jeux les plus décentralisés de l'histoire, avec 73 collectivités territoriales hôtes.

M. Jean-Jacques Lozach .  - Le sentiment général est que la préparation des Jeux est satisfaisante. Le 31 décembre, Tony Estanguet affirmait que nous serons prêts - l'inverse aurait été inquiétant. Le spectacle du 26 juillet doit être le prélude à un événement réussi dont nos compatriotes seront fiers. Sécurité, médailles françaises, budget maîtrisé, équipements fonctionnels et transports satisfaisants sont tout aussi importants. Comment impliquer un maximum de nos concitoyens et de nos territoires dans ces Jeux ?

Sommes-nous prêts à absorber les conséquences de ces JOP, notamment pour l'accueil des nouveaux licenciés ? Comment relever le défi des trois millions de pratiquants supplémentaires revendiqués par le Président de la République d'ici 2027 ? Serons-nous capables de transformer ces Jeux en catalyseur d'un projet sportif global plus ambitieux, sur vingt ans, en matière d'emploi, de bénévolat, de sport scolaire, d'inclusion, de lutte contre les discriminations et la violence ?

Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre.  - Nous embarquons tous les territoires et les Français dans cette aventure : c'est le sens du relais de la flamme olympique qui traversera 400 villes, du relais de la flamme paralympique qui en traversera 50. La fête commencera alors pour ces collectivités. La billetterie populaire permettra d'emmener 400 000 personnes, dont 100 000 bénévoles du mouvement sportif. Nous aurons environ 250 « clubs 2024 ». Le dispositif Ma classe aux Jeux permettra aux professeurs d'emmener leur classe y assister.

La semaine olympique et paralympique de début avril sera un temps fort, comme la journée olympique du 23 juin.

Nous comptons 3,6 millions de pratiquants supplémentaires depuis 2017 et nous avons pour objectif d'en trouver encore trois millions de plus d'ici à la fin de ce quinquennat.

M. Jean-Jacques Lozach.  - Nous venons de prendre connaissance du plan d'annulation de crédits de 10 milliards d'euros. La mission « Sport, jeunesse et vie associative » est la plus touchée proportionnellement, derrière l'aide publique au développement, alors que le sport est grande cause nationale 2024 !

Mme Catherine Dumas .  - La cérémonie des JOP sur et autour de la Seine doit être un événement grandiose. Mais les inquiétudes sont nombreuses. Les modalités d'organisation sont revues, avec la réduction de moitié de la jauge des spectateurs - proposée par mon groupe au Conseil de Paris, et on redoute des risques d'effondrement des balcons en cas de surcharge. Existe-t-il un plan B pour la cérémonie ?

Pouvez-vous détailler la feuille de route du Gouvernement, ainsi que les mesures de sécurité pour la durée des JOP ? (Mme Marie-Claire Carrère-Gée et M. Alain Chatillon applaudissent.)

Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre.  - Cette cérémonie sera grandiose, inédite. C'est un défi organisationnel et sécuritaire majeur, nous nous mobilisons donc à due concurrence.

Le ministère confirme une jauge sur les quais bas de 104 000 personnes et sur les quais hauts de 220 000 personnes. Quelque 42 500 agents des forces de sécurité intérieure sécuriseront le quartier d'Ivry-Charenton où seront logés les bateaux et mèneront les opérations de déminage. Des milliers d'agents de sécurité privée seront mobilisés, tout comme des agents de police municipale. La sécurisation interviendra huit jours avant l'ouverture des Jeux.

Nous ne voulons pas renoncer à l'ambition, mais en cas de menace, nous aurons recours à un plan B préparé dans les conditions de confidentialité requises.

Mme Catherine Dumas.  - Je prends acte de ce plan B, sur lequel nous espérons disposer d'informations. Les JOP doivent être une fête pour tous, en particulier pour les Parisiens. Nous appelons le Gouvernement à la plus grande vigilance car l'image de la France est en jeu. (Mmes Marie-Claire Carrère-Gée et Brigitte Devésa, ainsi que M. Alain Chatillon applaudissent.)

M. Pierre-Jean Verzelen .  - (M. Pierre Jean Rochette applaudit.) Maintien de l'ordre, lutte contre le terrorisme, protection des biens et personnes seront assurés par les forces de l'ordre. Mais quid de la sécurité civile, assurée par les pompiers ? Pour les forces de l'ordre, une prime de 1 900 euros a été prévue, mais pour les autres, rien. Y aura-t-il une équité de prime ? Qui paiera ? (M. Bruno Belin renchérit.)

La direction de la sécurité civile sollicite les services départementaux d'incendie et de secours (Sdis) pour avoir 700 pompiers en permanence à Paris et une centaine d'autres sur les sites partout en France. Les pompiers sont enthousiastes. Seront-ils indemnisés ? Et si oui, les Sdis seront-ils compensés par l'État ?

Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre.  - Nous discutons en ce moment des plans de maintien de l'activité dans les services publics, selon une circulaire de cadrage d'Élisabeth Borne de novembre. (M. Bruno Belin ironise.) En avril, nous consoliderons les réponses. Les pompiers sont au coeur des préoccupations du ministre de l'intérieur.

Distinguons les pompiers relevant de l'État, comme à Paris et Marseille, qui seront intégrés aux systèmes de primes, et ceux qui relèvent des Sdis, auxquels s'appliquera une partie des dispositions des plans de maintien de l'activité. Le dialogue social se poursuit sur leur régime indemnitaire, en raison de leurs sujétions spécifiques. Dans la foulée de votre question, je salue l'ensemble de leur action.

M. Pierre-Jean Verzelen.  - Les Sdis seront compensés : merci, mais c'est le minimum. Dans l'Aisne, il faut mobiliser quarante pompiers par jour, professionnels ou volontaires. Le Sdis les trouvera, mais pour un évènement national, le minimum est que l'État compense les primes.

M. Michel Savin.  - C'est mal parti...

M. Michel Laugier .  - Le décompte s'accélère, à J-143... Ces derniers mois doivent vous permettre de parfaire votre organisation. La France s'est-elle suffisamment préparée, notamment pour la sécurité ? La nouvelle jauge de la cérémonie d'ouverture permettra-t-elle d'assurer la sécurité ?

En outre, les épreuves dureront deux semaines pour les JO, onze jours pour les jeux paralympiques, sur 39 sites, hexagonaux et ultramarins. Les réservistes seront-ils suffisamment préparés ? Les agents de sécurité privée en nombre suffisant ? La formation ne sera-t-elle pas au rabais ? Quid de la surveillance des activistes écologistes radicaux, qui excellent dans l'art de s'appuyer sur de tels événements pour médiatiser leurs actions ? Comment déjouer les cyberattaques ?

L'olympisme rayonnera sur la France, et nous n'avons pas droit à l'erreur. Les derniers vols de documents confidentiels ne sont pas encourageants. Sécurisons « plus vite, plus haut, plus fort » ! (Marques d'assentiment sur quelques travées des groupes UC et Les Républicains)

Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre.  - Nous devons cette sécurité aux Français et faisons tout pour être au rendez-vous.

Au-delà des 42 500 forces de sécurité intérieure, 30 000 policiers et gendarmes et 18 000 agents de sécurité privée en moyenne -  22 000 au pic - seront mobilisés. France Travail conduit un plan de recrutement sans précédent : 16 700 entrées en formation, 10 700 recrutements effectifs. La mobilisation de 8 000 réservistes et des 7 500 élèves policiers et gendarmes sera complétée par 10 000 militaires de l'opération Sentinelle.

En symbiose avec les services de renseignement, l'attention est portée sur toutes les menaces : islamiste, nucléaire, radiologique, biologique et chimique (NRBC) avec des exercices d'anticipation.

M. Adel Ziane .  - Les JOP attireront quinze millions de visiteurs. Les logements seront-ils prêts à temps ? Après notre visite avec le Président de la République la semaine dernière, je le pense. Mais je m'interroge pour les transports en Île-de-France, alors que 68 % des emplois sont concentrés sur 6 % du territoire.

Si le Grand Paris Express est en cours de réalisation, la situation des transports franciliens s'est dégradée ces dernières années pour les dix millions de voyageurs quotidiens. Fin 2023, cinq lignes de métro avaient un taux de régularité inférieur à 90 %, dont la ligne 13, qui devra véhiculer chaque jour l'équivalent de trois fois le Stade de France.

Pourront-ils absorber cet afflux de voyageurs ? IDFM a annoncé une application temporaire pour répartir les flux, en coopération avec des acteurs privés. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Les dix mille athlètes pourront bénéficier de navettes sur le périphérique. Ce réseau sera-t-il suffisamment robuste ? L'héritage des Jeux garantira-t-il que les transports fonctionneront bien pour les Franciliens après les JOP ?

Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre.  - Nous répondons par nos programmes d'infrastructures. L'extension de la ligne 14 au nord et au sud sera livrée en juin. Les gares voient leur capacité augmentée - comme à Gare du Nord, Saint-Denis Pleyel ou à l'espace Maillot, avec l'extension du tramway T3B. Nous livrerons les infrastructures en temps et en heure.

Les spectateurs et accrédités seront invités à opter pour les meilleures combinaisons, grâce à une application élaborée avec Citymapper et les géants du digital, qui sera livrée en avril.

Il y aura 415 km de pistes cyclables et 28 000 places de stationnement de vélo supplémentaires. Une aide spécifique est apportée par le plan Vélo. Enfin, 185 kilomètres de voies olympiques et paralympiques desserviront les sites de compétition en moins de 30 minutes.

M. Philippe Mouiller .  - Ces Jeux sont un immense défi et nous espérons tous leur succès.

Notre système de santé devra faire face. La polyclinique gérée par l'AP-HP et les hôpitaux de recours seront-ils prêts ?

Il faudra aussi se préparer à l'afflux de visiteurs. Éviter la saturation de notre système de santé n'a rien d'aisé, quatre ans après le covid. Comment garantir une offre suffisante pour les usagers des régions hôtes ? Quelles seront les conditions effectives d'accueil des hôpitaux en juillet et août ?

M. Roger Karoutchi.  - Ils seront fermés !

M. Philippe Mouiller.  - Comment assurer aux touristes un accès à la santé ? Que prévoyez-vous pour la médecine de ville ?

Il faut garantir des soins d'urgence, alors que le système de santé est déjà saturé en été. (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains ; Mme Élisabeth Doineau applaudit également.)

Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre.  - Question très importante. En effet, il faudra parer aux besoins des athlètes, des accrédités, des douze millions de visiteurs, sans dégrader l'offre de soins.

La polyclinique au coeur du village olympique, gérée par une petite équipe centrale et des médecins volontaires, sera complétée par un réseau hospitalier, avec les hôpitaux Georges Pompidou pour la famille olympique, Avicenne pour les médias et Bichat pour les athlètes.

Nous avons augmenté le nombre de lits en aval pour le bloc maintien en condition opérationnelle (MCO), avec 360 lits supplémentaires pour l'AP-HP. Avec Frédéric Valletoux, nous associons les professions libérales à notre effort. Tout, y compris des situations exceptionnelles, est anticipé.

M. Patrick Kanner .  - Les JOP seront suivis par quatre milliards de téléspectateurs et quinze millions de touristes sur l'ensemble des sites. L'image de la France est en jeu.

Avec vos prédécesseurs, vous êtes en charge du dossier depuis sept ans. La France doit donner l'image d'une société inclusive.

Or l'accessibilité des personnes à mobilité réduite n'est pas garantie partout. Moins de 3 000 chambres d'hôtel sont accessibles. Les JOP auraient pu être l'occasion d'accélérer sur ce point... Même chose pour les transports. Les gares RER doivent encore faire des efforts, sans parler du métro, mode le moins accessible. L'accessibilité enrichirait l'héritage des Jeux.

Question incidente, chère à Rémi Féraud : quid de l'accueil et de l'hébergement des SDF ? Emmanuel Macron avait affirmé qu'il ne voulait plus un seul SDF dormant à la rue en 2017... Qu'envisagez-vous dans ce domaine ?

Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre.  - Ces Jeux doivent nous permettre de progresser sur l'inclusion des personnes en situation de handicap.

L'office du tourisme de Paris recense 4 250 chambres accessibles dans la métropole du Grand Paris. Nous avons prévu 2 % de places réservées pour les personnes en fauteuil, avec un accompagnement dédié. Nous avons travaillé avec les préfets pour l'accessibilité des cheminements entre les gares, dont 65 ont été rendues accessibles en Île-de-France.

Nous avons développé l'offre de taxis accessibles : ils n'étaient que 250 il y a un an et demi, ils seront 1 000 pour les Jeux.

Nous avons passé des engagements avec la SNCF et la RATP, avec la pose de manchons en braille et la sonorisation des lignes notamment.

Il faut distinguer la situation des demandeurs d'asile - dont nous voulons déconcentrer l'accueil - et les SDF, sur lesquels nous travaillons avec la Ville de Paris pour des places d'accueil. L'héritage des Jeux n'en sera que plus noble.

Mme Anne Ventalon .  - Contrairement à l'Europe du Nord, la France accuse un retard en matière d'accessibilité. Sommes-nous prêts à accueillir 350 000 spectateurs en situation de handicap ?

Dans la petite couronne, 9 % des stations de métro sont accessibles ; dans les bus, il n'y a que deux places réservées. Combien de navettes accessibles y aura-t-il ? Quid des taxis ? Disposerons-nous d'assez de chambres pour les personnes à mobilité réduite ? Il n'y en aurait que 3 500 dans le Grand Paris selon les professionnels du secteur, et certaines seront occupées par des personnes valides.

Les personnes vivant dans les zones rouges, fermées à la circulation automobile, devront se signaler en ligne. Quand cette inscription sera-t-elle ouverte ? Quid d'un handicap qui se déclare lors des JO ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC)

Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre.  - Oui, 4 250 logements accessibles sont recensés.

Pas moins de 2 % des places sont réservées pour les usagers en fauteuil roulant, qui seront pris en charge spécifiquement. Nous avons travaillé avec des groupes d'experts d'usage, notamment pour anticiper les pannes d'ascenseurs. Nous voulons que les 65 gares en Île-de-France fournissent un service plein.

Le préfet de police a communiqué sur les QR codes permettant de circuler dans les différents périmètres. La plateforme sera ouverte en avril. Nous aurons une attention particulière pour les personnes en situation de handicap.

Les opérateurs ont consenti des efforts pour les déficients visuels, auditifs, avec des manchons en braille, des dispositifs d'hypersignalisation et la plateforme unique d'assistance en gare. Je salue les accompagnements prévus tels que le fauteuil à la sortie de l'avion prévu par ADP et les compagnies aériennes.

M. Bruno Belin .  - Merci au groupe Les Républicains pour ce débat important. Je remercie également Tony Estanguet et le premier délégué interministériel Jean Castex, mobilisés dès le début.

Il y a plusieurs niveaux de sécurité. Pouvez-vous nous en dire plus sur les conséquences de la perte des plans ?

Sécurité des sites, des athlètes, des spectateurs - un certain soir d'août, l'accès au stade s'est révélé compliqué... Sécurité sur d'autres sites touristiques, aussi : il n'y aura plus de CRS pour la surveillance des plages, remplacés par des maîtres-nageurs privés. Comment ce coût sera-t-il financé ? Dans mon département, le Futuroscope accueillera, certains jours, 20 000 spectateurs : comment la sécurité de tels sites sera-t-elle assurée, alors que policiers et gendarmes seront mobilisés pour les Jeux ?

Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre.  - Je salue moi aussi la qualité du travail du comité d'organisation, ainsi que celle des délégués interministériels, Jean Castex, qui demeure très impliqué à la tête de la RATP, et Michel Cadot. Nous travaillons en équipe, une équipe de France, avec l'ensemble des 73 collectivités hôtes et les 400 villes mobilisées pour le relais de la flamme.

M. Bruno Belin.  - Il vous reste une minute sur la sécurité !

Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre.  - Plus de 7 500 plans de prévention de la délinquance ont été déployés. Les atteintes à la personne ont diminué de 49 % et les atteintes aux biens de 29 %, notamment autour de la tour Eiffel, par exemple.

Sur les autres zones du territoire, la surveillance de la baignade pourra être faite en autonomie par les titulaires du brevet national de sécurité et de sauvetage aquatique (BNSSA). Nous soutenons l'évolution du métier de maîtres-nageurs sauveteurs (MNS).

Le ministre de l'intérieur a prévu d'exigeants régimes de congés pour les forces de police, et leur accompagnement indemnitaire. La France entière sera au rendez-vous.

Mme Christine Lavarde .  - Dans un courrier du 30 janvier dernier, Gérald Darmanin estime que la sécurité est un défi que nous sommes capables de relever collectivement, citant les agents du ministère. Or c'est aussi celui des polices municipales.

Il y énumère diverses dispositions pour récompenser la mobilisation des forces de l'ordre : report de congés bonifiés, primes, déplafonnement du compte épargne-temps, doublement des Cesu pour garde d'enfants...

Quelles mesures récompenseront les efforts des polices municipales ? J'ai interrogé différents ministres, sans succès. Ne me répondez pas « dialogue social » à moins de six mois des Jeux ! Pour assurer la tranquillité publique pendant cet événement, nous devons nous organiser. (« Très bien ! » et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre.  - Nos plans de maintien de l'activité reposent sur l'aménagement du temps de travail, d'abord, avec un abondement majoré du compte épargne-temps, en flux comme en stock, de dix jours, dans les trois fonctions publiques.

Sur l'indemnisation, ensuite : les ministères et administrations publiques rendront leur copie fin mars ou début avril. La direction générale de l'administration et de la fonction publique (DGAFP) réunira les partenaires sociaux le 12 mars.

Sur l'action sociale, enfin : les crèches des ministères de l'intérieur et des armées seront disponibles, la Ville de Paris améliorera l'offre. Avec Stanislas Guerini, nous recensons les dispositifs d'accueil des jeunes enfants, territoire par territoire.

Je ne puis m'exprimer au nom des deux autres fonctions publiques pour ce qui est du volet strictement indemnitaire : chaque employeur fera ses choix. C'est sur l'aménagement du temps de travail et le compte épargne temps que nous avons pu prendre des dispositions communes.

Mme Christine Lavarde.  - J'avais posé une question très précise, je n'ai eu aucune réponse... La DGAFP ne s'impose pas aux collectivités locales, qui ont besoin d'un cadre réglementaire ou législatif pour verser une prime spécifique. Le maire de Boulogne-Billancourt ne peut pas indemniser sa police municipale ou les agents de surveillance de la voie publique pour l'effort à fournir pendant les Jeux, faute d'un tel cadre.

Les collectivités sont en train de finaliser leurs budgets, qui doivent être à l'équilibre, et ne peuvent attendre un éventuel texte en juin : il faut avoir ouvert les crédits avant !

Vous ne me parlez que d'actions sociales. Gérald Darmanin indiquait qu'il allait solliciter les collectivités pour offrir des places en crèche. Or, dans ma commune, les crèches sont normalement fermées en août. On ne va pas attendre juillet pour commencer à s'organiser ! Autant de questions pratiques qui demeurent sans réponse. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre.  - Il n'y a pas besoin d'une disposition législative spécifique pour accorder des primes dans la fonction publique territoriale, si l'employeur le souhaite. Il n'y a pas de prime « JO » pour la fonction publique d'État, nous nous appuyons sur les régimes indemnitaires existants.

La seule disposition qui exigeait une évolution réglementaire porte sur le compte épargne-temps, d'où le décret pris, qui concerne les trois fonctions publiques.

Quant aux dispositifs d'action sociale, ils seront connus dès la fin mars, et une réunion se tiendra sous l'égide de la DGAFP le 12 mars.

Mme Christine Lavarde.  - J'apprends que les collectivités peuvent verser des primes comme bon leur semble. Il va falloir en informer les chambres régionales des comptes ! (M. Patrick Kanner applaudit.) Nombre de communes se sont fait taper sur les doigts pour avoir versé des primes hors cadre réglementaire ou législatif. Je ne voudrais pas que cela arrive à la mienne. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Marie-Carole Ciuntu .  - Le 5 janvier dernier, les buralistes dénonçaient le fléau de la vente de cigarettes à la sauvette, trafic qui explose depuis quelques mois, avec des points de deal solidement ancrés à proximité des stations de métro ou des gares. Élus et riverains montent au créneau.

Paris, la Seine-Saint-Denis et le Val-de-Marne sont les plus concernés, mais le phénomène touche près de 70 départements. Ce marché noir pèse 15 à 25 % de la vente de cigarettes, il est souvent le fait de jeunes en errance, mineurs non accompagnés, non solvables.

Le préfet de police a certes annoncé un plan de lutte contre les ventes à la sauvette, mais la vente de cigarettes de contrebande est une question en soi, qui dépasse Paris intra-muros. L'État doit s'en saisir et créer une brigade spécialisée dans les départements les plus atteints.

Quelles mesures comptez-vous prendre ? La chaîne va du gros trafiquant au vendeur de rue. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre.  - Le préfet de police a communiqué sur les résultats obtenus contre les vendeurs à la sauvette, notamment dans le secteur de la tour Eiffel : douze tonnes de marchandises ont été saisies, des actions ont été menées contre les joueurs de bonneteau et autres vendeurs. La vente illicite de cigarettes est au coeur de cet effort, avec le déploiement de plus de 7 500 plans zéro délinquance en Île-de-France depuis un an et demi. Les atteintes à la personne ont baissé de 49 %, celles aux biens de 29 %. Nous poursuivons l'effort, soyez assurée de notre détermination.

Mme Marie-Carole Ciuntu.  - Dans la banlieue parisienne, nous avons le sentiment qu'il nous faudra assurer nous-mêmes notre sécurité, comme pendant les émeutes de juin dernier. Rien n'est fait contre la vente de cigarettes dans nos banlieues, je peux vous l'assurer.

M. Rachid Temal.  - Alors ? La France, prête ou pas ?

M. Stéphane Piednoir, pour le groupe Les Républicains .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Un siècle après la dernière édition des Jeux d'été dans notre pays, nous accueillerons le plus grand événement sportif et social de la planète. C'est un défi.

Grande nation sportive, nous ne partons certes pas de zéro : nous accueillons chaque année Roland Garros, le Tour de France, des compétitions internationales de football ou de rugby.

Mais l'ambition du Cojop était particulièrement élevée. En premier lieu, la livraison dans les temps et dans les budgets, de tous les équipements et du village olympique. Nous nous réjouissons de la livraison par la Solideo de 68 ouvrages, réalisés grâce à des entreprises françaises, qui assureront le bon déroulement des compétitions.

Outre le défi logistique, ces Jeux se veulent paritaires, écologiques, inclusifs, sobres et fédérateurs. Si certaines disciplines restent unisexes, ces Jeux seront les premiers à accueillir autant d'athlètes hommes que femmes. Pour la première fois, un budget carbone à ne pas dépasser a été fixé, qu'il faudra vérifier a posteriori. Sobriété budgétaire, aussi : 4,4 milliards d'euros pour le Cojop et 4,4 milliards pour la Solideo, loin des 30 milliards des Jeux de Pékin ou de Rio. L'héritage des Jeux transformera les villes de Saint-Ouen et Saint-Denis.

La décentralisation des Jeux est, elle aussi, remarquable. Ce ne seront pas les Jeux de Paris, mais de toute la France - je mesure l'engouement dans les départements qui accueilleront des événements. Les collectivités se sont emparées du label Terre de Jeux.

Le prochain temps fort est le relais de la flamme olympique, qui mettra notre patrimoine en lumière. Espérons que cet élan se traduira par un regain de la pratique sportive, alors que, comme ailleurs, l'obésité progresse. À ce sujet, madame la ministre, vous n'avez pas répondu sur les coupes budgétaires évoquées par Michel Savin.

Pour autant, mystérieusement, cet événement ne rencontre pas l'engouement attendu, puisque seuls 59 % des Français prévoient de le suivre, alors qu'on attend 4 milliards de téléspectateurs. Sécurisation de la cérémonie d'ouverture, coût de l'hébergement, risques de grève, problèmes de transport, prix des billets ont contribué à cette réserve. Ces Jeux seront une vitrine de la France. Il reste un important travail de communication à mener pour embarquer l'ensemble des Français. Encore 143 jours ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

La séance est suspendue quelques instants.

Financement des entreprises de l'industrie de défense française

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi relative au financement des entreprises de l'industrie de défense française, présentée par M. Pascal Allizard et plusieurs de ses collègues.

Discussion générale

M. Pascal Allizard, auteur de la proposition de loi .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Olivier Cigolotti applaudit également.) Je remercie les commissions des finances et des affaires étrangères et leurs rapporteurs pour leurs travaux, qui confirment les conclusions des rapporteurs spéciaux du programme 144. Les amendements adoptés en commission garantissent que le dispositif envisagé ne portera pas atteinte au financement du logement social ou de l'environnement.

À l'époque de la supposée « fin de l'histoire » et de la « mondialisation heureuse », certains États réimposent des relations internationales fondées sur les rapports de force, s'appuyant sur des narratifs nationalistes voire belliqueux. Pour les Européens habitués aux dividendes de la paix, c'est la douche froide, et le retour brutal aux tensions, à la guerre dans leur environnement proche.

Si vis pacem, para bellum : cette devise romaine est celle de l'École de guerre. L'outil militaire et industriel doit être en mesure de faire face à toute menace sur la paix, mais ce n'est pas le cas aujourd'hui dans les pays occidentaux, États-Unis compris. En face, les Russes font ce qu'ils maîtrisent le mieux : une guerre hybride, de saturation et d'attrition.

Notre voisin britannique a désormais les plus grandes difficultés à maintenir les capacités de son armée, alors que les États-Unis pourraient remettre en cause leur soutien à l'Europe après les élections de cet automne.

Vous connaissez la contribution du Sénat à la loi de programmation militaire 2024-2030 et son contrôle scrupuleux sur l'exécution de celle-ci. Mais qui dit économie de guerre et souveraineté, dit nécessité de disposer d'une industrie de défense autonome. La France peut s'enorgueillir d'avoir su conserver un modèle complet d'armée et une base industrielle et technologique de défense (BITD) alliant grands groupes, PME et start-up - 4 000 entreprises. Mais ce secteur, l'un des derniers écosystèmes industriels français, est menacé.

Se pose en effet la question du financement de ces entreprises. L'État a longtemps été dans le déni, utilisant la défense comme variable d'ajustement. Sous la pression des bouleversements géopolitiques et devant le risque de prédation étrangère sur des pépites technologiques, il a mis en place des outils de financement public de la BITD : dispositifs Rapid (régime d'appui à l'innovation dual), Astrid (Accompagnement spécifique des travaux de recherches et d'innovation Défense), Definvest ou le Fonds innovation défense (FID).

Concernant les financements privés, c'est au Sénat, en 2020, que le délégué général pour l'armement (DGA) a finalement admis, du bout des lèvres, une frilosité bancaire vis-à-vis des industriels de la défense. Auditions, rapports du Sénat et de l'Assemblée nationale ont objectivé le phénomène et le Gouvernement suit désormais le sujet.

Les difficultés d'accès aux financements représentent une menace directe pour notre souveraineté. Les refus explicites de financement ou d'ouverture de compte en raison d'une appartenance au secteur de la défense ont été signalés. Les établissements bancaires n'ont pas obligation de motiver leur refus, et des entreprises refusent de communiquer, pour ne pas divulguer d'informations. Des groupes bancaires ont exclu de soutenir les entreprises du secteur de la défense, ou le commerce d'armes « controversées », notion fourre-tout utilisée par des ONG. La Banque européenne d'investissement (BEI) a également exclu les munitions, armes et équipements militaires de son champ de financement, sans base textuelle.

Les difficultés se concentrent sur les PME et ETI, plus fragiles, qui manquent de fonds propres et d'experts export ou compliance, notamment les pure players défense. À l'aune de la crise sanitaire, les grands groupes ont pris conscience des risques de défaillance de leurs sous-traitants par manque de financements.

Les banques arguent d'un contexte réglementaire complexe. Elles font face à un risque juridique lié à l'application ou à la surinterprétation des règles ESG (environnementales, sociales et de gouvernance) et à un risque réputationnel entretenu par d'agressifs lobbies pour des raisons prétendument éthiques.

Le financement de l'export est particulièrement difficile, même avec une licence d'exportation.

Les travaux parlementaires objectivent le phénomène et appellent l'État à agir pour faire dialoguer ces deux mondes de la finance et de la défense.

Nous avions prévu un dispositif dans la loi de programmation militaire (LPM), qui a été censuré par le Conseil constitutionnel, puis réitéré dans la loi de finances initiale pour 2024 ; là encore, censure. Notre proposition de loi reprend donc ce dispositif déjà voté par le Sénat, à quelques amendements du rapporteur près.

La BITD n'a pas pour finalité de vendre des armes, mais d'assurer l'autonomie stratégique de la France. Il y va de la résilience de la nation dans l'adversité. C'est pourquoi je vous invite à adopter ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC)

M. Dominique de Legge, rapporteur de la commission des finances .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Nous approuvions il y a quelques mois la LPM, après avoir longuement débattu de la nécessité de soutenir les entreprises de la BITD. Le ministre des armées avait soutenu les dispositions proposées par le Sénat pour mieux financer ces entreprises, qui faisaient suite aux travaux de Pascal Allizard, Gisèle Jourda et Yannick Vaugrenard.

Je salue Pascal Allizard et le président Perrin, également rapporteur pour avis. Nous avons travaillé ensemble pour enrichir le texte. Ils alertent depuis de nombreuses années sur les difficultés des entreprises du secteur. Il semble qu'ils commencent à être entendus.

Le premier problème de ces entreprises est celui de l'accès au crédit. Les acteurs auditionnés se sont accordés à dire que les choses vont mieux qu'il y a deux ans. La direction générale de l'armement a ainsi établi un réseau de référents défense dans les banques.

Pour autant, aller mieux, ce n'est pas aller bien, et certaines entreprises font encore face à la frilosité des banques, qui craignent pour leur image ou imposent des exigences de conformité excessives.

Le second enjeu est l'accompagnement à l'export. Les contrats sont complexes et les banques parfois réticentes. Des outils ont été mis en place et sont gérés par Bpifrance Assurance Export. Le secteur militaire représente 40 % des crédits export garantis, qui s'élevaient à 65 milliards d'euros fin 2022.

Le troisième enjeu porte sur les fonds propres. Le capital investissement est quasiment inexistant dans le secteur de la défense, en France et en Europe. Faute d'un volume d'investissement suffisant, les entreprises de la BITD renoncent à leurs projets ou se tournent vers des financements extra-européens.

Alors qu'aucune réglementation ESG française ou européenne n'exclut la défense, les fonds d'investissement se sont auto-exclus. Le signal envoyé par les institutions européennes est négatif : ainsi le fonds européen d'investissement de la BEI interdit de financer les munitions, les armes, les équipements militaires ou policiers. Si la France a obtenu un mécanisme de fonds propres, celui-ci est réservé aux entreprises dont moins de 50 % du chiffre d'affaires est lié à la défense. Cette attitude est d'autant plus inexplicable que Thierry Breton parle de consacrer 100 milliards d'euros à la défense et que Mme von der Leyen affirme qu'il s'agit de l'enjeu des prochaines années !

La France se heurte également aux réticences de certains partenaires, l'Allemagne notamment. J'espère néanmoins qu'elle continuera son action pour assouplir la doctrine d'intervention de la BEI.

La proposition de loi apporte une réponse en prévoyant de flécher une part des encours du livret A et du livret de développement durable et solidaire (LDDS), non centralisés auprès de la Caisse des dépôts, vers le financement des entreprises de l'industrie de défense - les fonds affectés au logement social ne sont donc pas concernés.

Ces dispositions ont été votées au Sénat à deux reprises, dans la LPM puis dans la loi de finances pour 2024, et censurées par le Conseil constitutionnel en tant que cavaliers. D'où ce véhicule législatif propre. Je ne doute pas du plein soutien du Gouvernement, sachant qu'il y a deux mois à peine, elles avaient été reprises dans le projet de loi de finances sur lequel il a engagé sa responsabilité.

Nous avons réécrit l'article 1er pour ne pas empiéter sur le financement de la transition écologique et de l'économie sociale et solidaire. Nous avons ensuite précisé les missions de Bpifrance, le contexte géopolitique ayant évolué depuis sa création en 2005.

Nous avons complété le rapport prévu à l'article 2 pour évaluer les besoins de financement de la BITD et envisager de nouveaux outils - garanties et assurances à l'export, outils de renforcement des fonds propres ou encore plan d'épargne dédié. Enfin, au regard de l'importance de la réglementation européenne sur les critères ESG, le Gouvernement devra présenter les actions qu'il mène au niveau de la BEI. 

Je vous invite à voter la proposition de loi, qui envoie un signal politique clair aux acteurs financiers et institutionnels en faveur du soutien à notre industrie de défense. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Claude Raynal applaudit également.)

M. Cédric Perrin, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Je souhaite la bienvenue aux élèves de la 31e promotion de l'École de guerre, parmi lesquels figurent un Ukrainien, un Américain et un Omanais.

La commission des affaires étrangères et de la défense est favorable à ce texte, qui émane de ses travaux. Nous avions proposé dans la LPM de créer un nouveau livret d'épargne ; en CMP, ce dispositif a pris la forme d'un fléchage d'une partie des encours de l'épargne réglementée. Revenu par amendement au PLF, il avait été retenu dans le texte sur lequel le Gouvernement a engagé sa responsabilité. Or le Conseil constitutionnel y a vu, par deux fois, un cavalier - quand bien même la LPM comprenait un chapitre consacré à l'économie de guerre. Cela laisse songeur, mais soit...

L'écosystème de financement est faible, car les investisseurs sont timorés. Les entreprises rencontrent des difficultés d'accès au crédit. Cette frilosité bancaire est attestée par la DGA depuis 2020, par les industriels, par deux rapports parlementaires et par la Cour des comptes.

Comment y remédier ? Soit par un produit d'épargne réglementée, soit par un produit spécifique, moins liquide et plus risqué.

La première solution, celle du livret A, a été validée deux fois par le Parlement. C'est la plus à même de répondre au problème de conformité excessive aux critères ESG. Comme l'a souligné le rapporteur de Legge, aucune taxonomie, aucun écolabel ne mentionne la défense. C'est donc à cause d'un halo négatif que le monde de la finance rechigne à y investir. Dans un contexte géopolitique qui se dégrade, cet implicite négatif sape l'effort de redressement de notre outil de défense. Faire de la BITD une priorité dans l'allocation de l'épargne préférée des Français serait un signal fort à l'attention des acteurs de la finance.

S'agissant de l'apport en fonds propres, il faut faire évoluer la doctrine de la BEI afin d'entraîner la communauté des investisseurs.

Ce texte a suscité des craintes injustifiées. Le logement social n'est nullement menacé, puisque les encours visés sont ceux qui ne sont pas centralisés à cette fin à la Caisse des dépôts.

Il n'y a pas davantage de risque de décollecte lié à une hypothétique réticence des épargnants. L'objet du texte est précisément de banaliser l'investissement dans la défense.

L'heure est grave. On nous parle d'économie de guerre : donnons à la BITD les moyens de se développer, faisons de la défense et de la sécurité une priorité. La commission des affaires étrangères et de la défense soutient fermement cette initiative. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC)

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des entreprises, du tourisme et de la consommation .  - Cette proposition de loi vise à améliorer le financement des entreprises de l'industrie la défense française en fléchant vers elles une partie des encours du livret A et du LDDS. Si nous partageons l'objectif, l'instrument ne semble pas le plus approprié.

Le Gouvernement est très attentif aux besoins de financement du secteur de la défense. Depuis 2020, parlementaires et industriels interpellent sur les difficultés des entreprises de la BITD, en particulier les PME et ETI. Face à ces alertes, l'État s'est mobilisé. En septembre dernier, des référents défense ont été mis en place pour pallier les problèmes d'accès au crédit. La direction générale du Trésor a établi un diagnostic des freins existants. Ses conclusions sont éclairantes. Dans la plupart des cas, les difficultés des entreprises de la BITD pour obtenir un crédit ne sont pas liées à leur appartenance au secteur de la défense, mais à des raisons économiques.

En revanche, ces entreprises ont de vraies difficultés pour accéder au financement en fonds propres - mal chronique de l'économie française. Le capital investissement français est trop peu présent dans le secteur. Les banques suivent les PME qui ont des projets mais les capitaux sont indisponibles. Or pour passer en mode économie de guerre, il faudra plus de capitaux.

Les investisseurs connaissent mal le secteur et surestiment les risques réputationnels liés à cette industrie. Certains font en outre une interprétation extensive des critères ESG, alors qu'aucune réglementation n'exclut le secteur de la défense. Le Gouvernement y est vigilant, et a notamment obtenu que les matériels de guerre soumis au contrôle export ne soient pas soumis à la directive Devoir de vigilance.

Flécher les encours du livret A ou du LDDS ne réglerait pas le problème, ces dépôts, disponibles à tout moment, ne pouvant être immobilisés dans des investissements en fonds propres.

En outre, le bilan des banques est fongible : elles ne peuvent pas affecter directement un dépôt à un usage spécifique. Le secteur de la défense est très spécifique, il faut donc des dispositifs sur mesure.

Toutefois, le Gouvernement approuve votre volonté d'envoyer un signal fort sur les besoins de financement des PME de la défense, et le rapport prévu à l'article 2 est légitime.

En revanche, l'article 1er ne nous semble pas permettre de mieux financer les PME de la BITD, et menacerait l'équilibre de l'épargne réglementée. C'est pourquoi le Gouvernement adoptera une position de sagesse sur ce texte et espère qu'un travail collaboratif au cours de l'année permettra de l'améliorer.

Le ministre de l'économie réunira à l'été, avec le ministre des armées, les acteurs, les investisseurs et les industriels pour un événement majeur sur le financement du secteur de la défense. Il s'agira de lever les préventions des gestionnaires de fonds et de lancer un forum permanent entre acteurs financiers et industriels de la défense. La Caisse des dépôts et Bpifrance auront un rôle à jouer.

Nous poursuivrons aussi l'action entreprise depuis 2017 à la BEI pour qu'elle finance davantage l'effort de souveraineté européen. Le fonds exceptionnel d'investissement (FEI), bras armé de la BEI, a ainsi lancé un mécanisme de fonds propres doté de 175 millions d'euros, même s'il demeure limité. Il faudra faire évoluer la politique de prêts de la BEI, ce qui exige un consensus des États actionnaires. L'arrivée d'une nouvelle présidente sera l'occasion de demander l'assouplissement des critères.

Enfin, le Gouvernement entend mener une revue des dispositifs publics existants pour canaliser les investissements vers ce secteur.

Soyez assurés que, d'ici à l'été, nous aurons engagé ces travaux. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Thomas Dossus .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) Ce texte n'est pas nouveau, mais sa genèse en dit long sur les intentions de ses auteurs. Introduit d'abord dans la LPM puis dans le PLF, il a été retoqué par deux fois comme cavalier législatif. Cela révèle une volonté de passer en douce, par effraction, pour faire main basse sur l'épargne populaire des Français.

Nous assistons bien à une tentative de flibusterie sur l'épargne réglementée. Vous voulez financer les marchands de canons avec les livrets censés financer le logement social et le développement durable !

L'industrie de la défense est-elle au bord du gouffre ? La LPM prévoit un effort sans précédent de 413 milliards d'euros pour les armées. L'État a aussi des participations dans la BITD, de même que Bpifrance et la Caisse des dépôts. Il existe de nombreux fonds d'investissement, publics et privés, ainsi que des fonds dédiés comme Rapid, Astrid ou le FID. Notons enfin la création de l'Agence de l'innovation de défense (AID). Le résultat ? Un résultat inégalé à l'export, de 27 milliards d'euros en 2022 !

Le secteur de la défense, privatisé et financiarisé, demeure biberonné par la commande publique, à travers la DGA.

Malgré ce soutien massif, il subsiste un problème de financement, dans le passage du stade de start-up à celui d'ETI. L'investissement privé fait défaut car la défense ne rentre pas dans les critères ESG. C'est donc avant tout un problème d'image, à régler avec les banques. Pourquoi serait-ce à l'épargne réglementée des Français de compenser les réticences des banques et investisseurs privés ?

On vante les technologies duales, mais si, dans les années 1950, la défense représentait 60 % de l'innovation, aujourd'hui, elle n'en représente que 20 %. Ce sont, à l'inverse, les technologies civiles qui irriguent la défense, avec l'IA par exemple. Arguer d'un besoin vital de soutenir l'innovation défense est faux.

Le livret d'épargne a été créé en 1818, pour la reconstruction après les ravages causés par les guerres napoléoniennes - à l'époque, le boucher de l'Europe était français. Il s'agit historiquement d'un outil financier créé pour la paix.

Mieux vaudrait recentraliser les encours pour soutenir le logement social. Dans le contexte actuel de crise du logement, c'est plus urgent qu'un fléchage vers les marchands de canons !

Plus grave encore est la tentative de détournement du LDDS, le livret de la transition écologique - une arnaque pure et simple, qui joue sur l'ignorance de la population. Nous proposerons au moins de renommer ce livret, pour éviter une tromperie sur la marchandise...

Nous proposerons aussi une clause de revoyure dans deux ans. Les motivations invoquées sont un peu confuses : s'il s'agit de soutenir l'effort de guerre ukrainien, une clause de revoyure s'impose.

Pour nous, l'épargne réglementée ne doit servir qu'à loger les Français et à faire face à la crise climatique ! Nous voterons contre ce texte. (Applaudissements sur les travées du GEST)

M. Pascal Savoldelli .  - Dès le 13 juillet 2022, le Président de la République a parlé d'économie de guerre. Les droites, à l'Assemblée nationale et au Sénat, s'efforcent de mobiliser l'épargne des Français dans cette perspective.

Les précédents historiques ne manquent pas : songez aux emprunts patriotiques ou aux bons de la défense nationale par lesquels, avant et pendant la Première Guerre mondiale, les gouvernements ont concédé des avantages considérables aux investisseurs. « Les capitaux ne sortent pas des coffres-forts, mais des plus humbles maisons, des plus petits porte-monnaie, et nous connaissons là nos clients », disait le ministre des finances en 1915 - propos qui ressemble plus à celui d'un marchand de canons...

Le député Christophe Plassard n'a pas dit autre chose, en expliquant qu'une économie de guerre supposait la mobilisation des forces morales de la Nation. Nous, pacifistes, pensons qu'on ne fait pas la paix en investissant dans la guerre. Notre industrie doit être au service de nos besoins de défense et de dissuasion, pas d'une guerre internationale.

Le projet guerrier qui sous-tend la spéculation sur les ventes d'armes nous conduit à être le troisième exportateur d'armes, pour 49,9 milliards d'euros entre 2000 et 2022. Nous proposons de réduire la part du chiffre d'affaires à l'export de nos entreprises de défense à 30 %.

La souveraineté ne se décrète pas ; elle se construit par un projet politique cohérent. C'est pourquoi nous proposons un pôle public de l'armement. Bpifrance doit renforcer ses participations minoritaires et même majoritaires dans les industries de défense. Il n'est pas acceptable que, sur 24 milliards d'euros d'achats du ministère des armées en 2021, seuls 11,74 aient bénéficié à l'industrie -  et pas plus de 538 millions aux PME et microentreprises.

L'argument de la frilosité des banques n'a jamais été démontré, non plus que l'impossibilité de mobiliser les fonds non centralisés pour le financement des industries de défense.

Nous défendons une épargne populaire pour le logement et la politique de la ville, centralisée à la Caisse des dépôts. Les missions d'intérêt général doivent être sorties du secteur marchand. Qui peut dire ce qu'ont financé les 622 milliards d'euros de prêts aux PME sur les encours non centralisés ? Cette opacité est incompatible avec l'intérêt général.

Nous assistons à un concours Lépine du produit d'épargne : plan avenir climat, PER européen, détournement de l'épargne populaire du financement de la transition écologique et de l'économie sociale et solidaire. Ce projet dangereux est fustigé par le gouverneur de la Banque de France lui-même. En responsabilité, nous voterons contre la proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K)

M. Jean-Noël Guérini .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE ; M. Jean-Baptiste Lemoyne applaudit également.) Après bien des péripéties, nous débattons à nouveau du financement de l'industrie française de défense.

Lors de l'examen des conclusions de la CMP sur la loi de programmation militaire, j'avais exprimé mes réticences sur le fléchage du livret A, discutable dans un contexte de crise du logement. Je n'ai pas changé d'avis, mais assoupli ma position en signant la proposition de loi de Pascal Allizard, avec pour ligne de conduite la seule promotion d'un lien fort entre la Nation et ses armées. Nietzsche ne disait-il pas : « atteindre son idéal, c'est le dépasser même coupé » ? Plutôt que rien, je préfère un peu - car ce un peu permettra peut-être le mieux, un véritable livret de souveraineté de défense.

Le contexte international a évolué fortement avec le retour de la guerre en Europe ; la paix par le droit n'est plus qu'un voeu pieux. Un relatif consensus s'était établi pour constater que notre outil de défense était adapté à des temps de paix, mais qu'une économie de guerre suppose pour les entreprises de la BITD de disposer de fonds supplémentaires, en complément du réel effort budgétaire.

L'agression russe doit bousculer notre naïveté, aussi légendaire que nos inerties coupables. Il faut des financements pérennes pour rendre crédibles nos positions de fermeté.

J'assume donc d'avoir cosigné cette proposition de loi, car les PME de la BITD connaissent des difficultés d'accès au crédit, liées notamment à l'éthique de la fabrication des armes et à ce que Pierre-Louis Boyer qualifie de piège contemporain de l'efficience morale. Cette vision morale peut se comprendre, mais est-elle soutenable face à la montée des périls ?

François Mitterrand regrettait que les missiles soient à l'est et les pacifistes, à l'ouest. Devons-nous nous contenter d'être des professeurs de morale ?

Donnons à un secteur pourvoyeur d'emplois les moyens d'assurer notre sécurité et aux épargnants français la possibilité de contribuer au combat pour la défense de nos valeurs. L'argent est le nerf de la guerre : les dirigeants cyniques et sans scrupule ne s'y trompent pas.

Le RDSE votera ce texte à l'unanimité, moins une abstention. (Applaudissements sur les travées du RDSE ; MM. Pierre Jean Rochette, Dominique de Legge, Pascal Allizard et Alain Chatillon applaudissent également.)

M. Ludovic Haye .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Depuis dix ans, la France voit se multiplier les PME et start-up dans le secteur de la défense : la BITD représente 2 000 entreprises et 30 milliards d'euros de chiffre d'affaires. La création de l'Agence de l'innovation défense n'est pas étrangère à l'émergence de ces nouveaux fleurons.

Ces pépites technologiques françaises suscitent un fort intérêt chez les investisseurs étrangers, mais certaines rencontrent des difficultés de financement. L'État peut intervenir pour assurer leur sécurité financière en leur accordant un contrat avec l'armée, comme pour Preligens. D'autres entreprises, toutefois, sont déjà passées sous pavillon étranger - je pense à Latécoère, Photonis ou Segault. Preuve de certaines fragilités françaises en matière de financement et de protection des entreprises.

À l'occasion de la LPM 2024-2030, le Parlement a souhaité pallier cette anomalie en créant un livret d'épargne souveraineté. Bien que de petite taille en comparaison d'autres industries, le secteur de la défense concentre un savoir-faire et un faire-savoir uniques dont la France tire une grande partie de sa puissance militaire. Dans le cadre de l'examen de la LPM, la Chambre haute avait alerté sur la nécessité de soutenir notre BITD. Le ministre des armées, Sébastien Lecornu, avait exprimé son soutien aux propositions de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées pour améliorer le financement de ces entreprises, en particulier des PME.

Cette proposition de loi s'inscrit dans ce contexte. Ce n'est pas la première fois que le Sénat est amené à examiner ces dispositions : nous les avons adoptées à deux reprises. C'est grâce aux alertes constructives de notre commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées que la question a été soulevée à l'occasion de la LPM ; le Gouvernement a ensuite repris la disposition dans le projet de loi de finances pour 2024.

L'objectif de cette proposition de loi est clair : apporter une première réponse aux difficultés de financement des entreprises de défense françaises - difficultés qui, le plus souvent, ne sont pas propres à ce secteur, mais communes à toutes les petites entreprises.

Leurs besoins de financement sont principalement de trois ordres. Les fonds propres, d'abord, alors que le capital investissement dans la défense est quasiment inexistant en France et en Europe. L'accès au crédit, ensuite, conditionné par la fragilité ou la robustesse de l'entreprise, mais aussi par l'image qu'est susceptible de renvoyer le monde de l'armement - même si les choses s'améliorent à cet égard. Des efforts ont été entrepris pour rapprocher l'industrie de défense et le monde bancaire, notamment à travers les référents « défense » au sein des grands établissements bancaires. L'accompagnement à l'export, enfin, même si plusieurs outils ont été mis en place à travers Bpifrance Assurance Export, qui bénéficient plus particulièrement aux entreprises de la défense.

Ce texte nous paraît extrêmement utile pour envoyer un signal clair de soutien aux entreprises de défense, dans le contexte international tendu que nous connaissons. Cette action a été anticipée dès 2017, puisque nous aurons doublé en dix ans le budget de notre défense.

Une BITD forte assure à nos armées la capacité de défendre nos intérêts partout où la France se doit d'intervenir, en toute indépendance. Soutenons donc nos TPE et PME de défense, afin d'éviter que certaines ne passent sous contrôle étranger.

« Lorsque les armes parlent, les lois se taisent », disait Cicéron. Pour donner à notre industrie de défense les moyens d'assurer notre sécurité et notre liberté, le RDPI votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; MM. Olivier Cigolotti, Philippe Folliot, Cédric Perrin et Dominique de Legge applaudissent également.)

M. Thierry Cozic .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Cette proposition de loi touche à des enjeux majeurs : nos priorités nationales et nos valeurs démocratiques. La France est confrontée à des défis sécuritaires de taille. Le retour de la guerre en Europe et au Moyen-Orient menace notre souveraineté et appelle au renforcement de nos capacités de défense.

Il est regrettable que notre industrie ne soit pas en mesure de répondre à ce besoin de réarmement. La France ne consacre que 1,9 % de son PIB à son effort de défense, en dessous de l'objectif de l'Otan. Si la fin des dividendes de la paix nous presse d'agir, elle ne doit pas faire oublier que cette situation est le résultat de choix politiques antérieurs.

Malgré la nécessité de nous réarmer, je m'interroge sur l'outil de financement proposé, qui soulève des préoccupations légitimes. Au reste, il semble que le Gouvernement ne partage pas les visées de ce texte : Bruno Le Maire a déclaré que le livret A, pour lui, c'était le logement social. Une fois n'est pas coutume, je suis d'accord avec lui... Détourner le livret A de ses enjeux sans débat démocratique réel abîmerait encore un peu plus la confiance des Français envers leurs représentants.

L'économie de guerre est une formule : au-delà des mots, une telle mobilisation suppose une certaine onction démocratique, tant elle réorienterait les priorités nationales pour les mois et années à venir. Or notre pays connaît une crise du logement qui ne cesse de s'aggraver, avec près de 4 millions de mal-logés et 330 000 personnes sans domicile. Dans le même temps, le Gouvernement, condamné pour inaction climatique, rabote 2 milliards d'euros sur le budget de l'écologie.

Si la sécurité et la défense de notre pays sont indéniablement des priorités, elles ne peuvent prendre le pas sur des urgences nationales.

Par ailleurs, je m'interroge sur l'efficience du dispositif proposé. La Fédération bancaire française explique que l'industrie de l'armement ne fait pas l'objet d'une stigmatisation particulière et que ses difficultés tiennent plus aux normes imposées au financement de ses activités. Dès lors, on peine à comprendre en quoi agir sur le volume changerait quoi que ce soit.

Enfin, les investissements en faveur du secteur de la défense sont déjà en hausse. Le ministre des armées a annoncé un doublement des dépenses du secteur de la défense d'ici 2030 à travers la loi de programmation militaire, dont l'enveloppe globale s'élève à 400 milliards d'euros.

Nous avons déposé un amendement tendant à créer un livret d'épargne souveraineté, dispositif plus volontariste et démocratique. Sur un sujet aussi sensible, nous avons besoin d'une approche équilibrée, réaliste et respectueuse de nos principes. Le groupe SER déterminera son vote en fonction du sort réservé à ses amendements. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

Mme Marta de Cidrac .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La France fait partie des pays dont le taux d'épargne est le plus élevé : 17,2 % du revenu disponible. L'épargne réglementée dépasse les 926 milliards d'euros.

Il y a là une vraie spécificité française, dont nous pouvons être fiers. Mais la mobilité et la performance de ces placements majoritairement prudents - épargne réglementée, fonds euros - interrogent. S'il ne nous appartient pas de changer le comportement de nos compatriotes, nous pouvons agir sur la mobilité des outils.

Cette épargne est un atout qui doit être mis au service de notre souveraineté. Certains gestionnaires d'actifs convoitent d'ailleurs cette manne. Et des pays comme la Russie, la Chine, l'Arabie saoudite ou la Norvège disposent de fonds souverains offensifs dont ils usent comme instruments de puissance.

Nous devons faire de cette spécificité française une force pour les PME de notre secteur de la défense. Nos fleurons industriels ne manquent pas de fonds propres, mais les PME et ETI de notre BITD, oui. Or elles détiennent souvent des compétences uniques au monde. Améliorer leur financement est un enjeu économique et de souveraineté, car elles sont exposées à des rachats hostiles et des prises de participations étrangères. Je pense à Photonis, longtemps sous la menace d'un groupe américain. Le dispositif de contrôle des investissements étrangers a déjà été pris en défaut. Et, souvent, le blocage de Bercy est la conséquence indirecte de difficultés à croître au même rythme que la concurrence étrangère.

C'est de l'équipement de nos armées qu'il s'agit en définitive. La France a choisi la voie étroite, mais courageuse, de l'indépendance : cela suppose de soutenir coûte que coûte notre BITD. Si nous étions contraints d'acheter à l'étranger, nous perdrions en indépendance et en autonomie stratégique.

Je me réjouis de l'initiative de Pascal Allizard, qui contribuera à renforcer notre BITD.

Avec le retour de la guerre à nos frontières, l'Union européenne relance la question de la défense européenne. L'Edirpa est déjà dotée de 300 millions d'euros, et on évoque 100 milliards d'euros supplémentaires pour la défense européenne : c'est un soutien dont notre tissu de PME pourrait profiter. Ces financements devraient bénéficier à des entreprises 100 % européennes, mais rien n'est dit sur une éventuelle préférence communautaire.

Restons prudents et fidèles à notre stratégie d'indépendance, en votant sans ambiguïté cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Olivier Cigolotti applaudit également.)

M. le président. - M. Stéphane Ravier, inscrit dans cette discussion, n'est pas présent. (On s'en félicite sur diverses travées.)

Mme Vanina Paoli-Gagin .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Il y a une semaine, le Président de la République annonçait que l'envoi de troupes sur le sol ukrainien ne pouvait être exclu. Depuis, les exégèses se multiplient. L'exécutif a atteint son objectif : l'ambiguïté stratégique bat son plein. Une telle ambiguïté peut être lourde de conséquences, mais n'oublions pas que c'est Poutine seul qui est le responsable de la guerre d'agression en Ukraine.

Pour entretenir cette ambiguïté, mieux vaut avoir des arguments solides. C'est pourquoi nous sommes très nombreux à soutenir le réarmement du pays. Nous l'avons exprimé sans ambiguïté par le vote très large de la LPM. Avec plus de 400 milliards d'euros de dépenses pour 2024-2030, l'effort prévu est sans précédent.

Le contexte international nous y oblige : alors qu'une nouvelle aide des États-Unis est bloquée par le Congrès, les Européens prennent conscience qu'ils pourraient bientôt être les seuls à soutenir l'Ukraine.

En ce super Tuesday, Trump est en passe de devenir le candidat officiel du parti républicain. Mais il a déjà recommencé à faire de la géopolitique à coups de tweets, annonçant la fin du soutien américain à l'Europe face à la Russie. Les Européens se rappellent que, pour maîtriser leur destin, il faut que leurs nations se réarment.

Économie de guerre : cette expression implique que la puissance publique intervienne dans l'économie pour indiquer les priorités stratégiques nécessaires au réarmement. Notre commissaire européen, Thierry Breton, y a déjà recouru, et il en connaît parfaitement la portée.

C'est aussi le titre que notre collègue député Christophe Plassard, dont je salue la présence en tribune, a utilisé pour son rapport d'information, dans lequel il recommande notamment de mobiliser l'épargne privée pour massifier les financements de l'industrie de la défense.

L'idée a prospéré et le Gouvernement l'a reprise dans le projet de loi de finances pour 2024. Mais, chaque fois qu'elle a été adoptée dans un texte de loi, cette mesure a été censurée par le Conseil constitutionnel, comme cavalier. Aussi, je me réjouis que nous examinions un véhicule législatif ad hoc.

La mobilisation de l'épargne des Français doit devenir un outil de politique publique en phase avec nos objectifs stratégiques. C'est dans cet esprit que j'ai fait adopter par notre assemblée ma proposition de loi visant à associer les épargnants à la transmission des exploitations agricoles françaises.

La surépargne covid n'a pas disparu : les encours du livret A et du LDDS avoisinent les 550 milliards d'euros, une manne considérable.

La création d'un livret spécifiquement consacré au financement des entreprises de défense aurait le mérite de la clarté et de la transparence. Cependant, compte tenu de l'urgence de la situation, la solution la plus efficace à court terme doit être privilégiée. Mobiliser une part de l'enveloppe déjà prévue pour le financement des entreprises nous paraît donc pertinent.

Le groupe INDEP votera donc cette proposition de loi. Je défendrai deux amendements visant à accélérer le passage à une économie de guerre. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP ; M. Dominique de Legge applaudit également.)

M. Michel Canévet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Nous venons de voter une loi de programmation militaire qui prévoit des moyens accrus, alors que les conflits géopolitiques se multiplient. Au niveau de l'Union européenne, on observe une prise de conscience de la nécessité de renforcer notre défense, rappelée par Thierry Breton devant l'Assemblée nationale et le Sénat. C'est vrai en matière de dissuasion comme pour tenir nos engagements en matière de fourniture d'armes.

Le paradoxe est que les critères dits ESG prennent une importance croissante. Leur prise en compte empêche un certain nombre d'acteurs financiers d'accompagner les projets de développement de la BITD. Concrètement, il faut trouver des outils : je salue donc la proposition de loi de Pascal Allizard, même si le recours à l'épargne réglementée n'est sans doute pas la meilleure solution.

Nous avons besoin d'un financement durable. Je salue donc l'initiative de Dominique de Legge et la réponse anticipée de la ministre à ce sujet. Le Gouvernement a déjà beaucoup fait, avec Bpifrance notamment, mais il reste à faire, d'autant que l'effort de recherche en matière de défense profite aussi au secteur civil, maritime notamment.

Quels moyens de financement pour accompagner la BITD ? L'assurance vie, qui a enregistré une collecte record de 16 milliards d'euros en janvier dernier, est une piste à laquelle le Gouvernement doit réfléchir. (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. Dominique de Legge applaudit également.)

M. Rachid Temal .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Je remercie Pascal Allizard pour sa proposition de loi, qui ouvre un débat intéressant. J'organiserai mon propos autour de trois principes : nécessité, cohérence, pédagogie.

Nécessité : pour que la France conserve son rang et son autonomie stratégique, nous devons soutenir notre BITD. Nous voyons que la parenthèse heureuse se referme, que la guerre redevient une forme de norme. Il faut une BITD puissante pour aller jusqu'au bout de la LPM, soutenir l'emploi, donner à nos armées les moyens de leurs combats, exporter et répondre à la concurrence, y compris de nos alliés.

Cohérence : dans la continuité des travaux de nos anciens collègues Michel Boutant et Yannick Vaugrenard et de notre collègue Gisèle Jourda, le groupe SER a déposé une proposition de loi sur le financement de la BITD, visant à créer un livret d'épargne défense souveraineté. Nous présenterons des amendements en ce sens. Cette solution a l'avantage de la clarté et de la transparence : les Français sauront qu'en plaçant 1 euro, 10 euros ou davantage selon leurs moyens sur ce livret, ils protégeront à la fois leur avenir et leur pays.

Pédagogie : nous souhaitons que cette proposition de livret spécifique soit intégrée à la réflexion à venir.

Après que mon ami Jean-Noël Guérini a cité Mitterrand, je ferai référence à Jaurès, dans L'Armée nouvelle : on peut être pacifiste, disait-il, tout en sachant qu'il faut parfois combattre pour défendre la paix. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées du RDSE)

M. Jean-Noël Guérini.  - C'est vrai !

M. Marc Laménie .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Je salue le travail des rapporteurs et de l'auteur de la proposition de loi, sur le sujet sensible du financement de notre industrie de défense.

En commission, Pascal Allizard a rappelé qu'il s'agissait d'une réflexion de longue haleine, menée depuis quatre ans. Dominique de Legge, dans son rapport de grande qualité, fait état de nombreuses auditions : direction générale du Trésor, DGA, Bpifrance, Fédération bancaire française, représentants des entreprises. Je salue la connaissance du sujet qu'ont le rapporteur et certains autres collègues. Comme j'ai l'habitude de le dire modestement, on en apprend tous les jours !

Le président Cédric Perrin m'a répondu en commission que 4 000 entreprises et 200 000 emplois directs étaient concernés - 400 000 emplois au total.

La proposition de loi oriente une partie des encours non centralisés du livret A et du LDDS vers les entreprises de l'industrie française de défense. Elle va dans le bon sens, en soutenant l'économie de notre pays, le savoir-faire de ces entreprises et nos exportations. Mon groupe la votera. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur certaines travées du groupe UC)

M. Olivier Cigolotti .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) La capacité de la France à défendre ses intérêts en toute indépendance suppose une BITD forte. Alors qu'elle représente 4 000 entreprises et 30 milliards d'euros de chiffre d'affaires, celle-ci fait face à des difficultés de financement qui entravent son développement. Plus de 200 000 emplois de haute technicité et non délocalisables sont concernés.

Malgré les contraintes budgétaires, la France a fait le choix de préserver un modèle d'armée complet. Une filière industrielle résiliente est nécessaire à ce modèle.

Toutefois, les difficultés s'accumulent en matière d'accès au financement. Elles sont au coeur des inquiétudes des armées et des industries, alors que la concurrence mondiale se durcit et que des investisseurs étrangers cherchent à prendre le contrôle de nos entreprises - songeons à Latécoère.

Le Sénat a voté la création d'un livret souveraineté lors de la dernière LPM, la commission mixte paritaire aboutissant à un fléchage partiel du livret A et du LDDS. Mais, saisi par des députés de l'opposition, ...

M. Rachid Temal.  - LFI...

M. Olivier Cigolotti. - ... le Conseil constitutionnel s'est saisi d'office de cette disposition et l'a censurée.

Cette proposition de loi réintroduit ce dispositif qui avait fait consensus. Elle nous paraît nécessaire, pour soutenir une filière d'excellence et de souveraineté. Le groupe UC la votera. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains)

Mme Catherine Belrhiti .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Depuis deux ans, l'Europe connaît à nouveau la guerre sur son sol. La France fournit à l'Ukraine un appui matériel aux effets non négligeables sur son économie.

Cette proposition de loi instaure un outil pour rattraper, au moins en partie, le retard immense que nous avons accumulé. Elle est la meilleure solution en attendant une transition vers un modèle durable d'industrie de défense. Plus que jamais, nos entreprises de défense doivent monter en cadence, au regard du contexte actuel, mais aussi des besoins futurs de notre pays.

Il s'agit de répondre aux difficultés de nos PME et ETI de défense en garantissant leur financement. Transpartisane, cette mesure indispensable a été censurée comme cavalier par le Conseil constitutionnel, au sein de la LPM puis de la loi de finances pour 2024.

Cette proposition de loi prévoit aussi un rapport d'évaluation, évoquant un produit d'épargne spécifique, à la date de remise avancée d'un an sur proposition du rapporteur spécial, pour maintenir l'écosystème sous tension. Plus nous attendrons, plus les effets d'un financement inadapté seront importants.

Ce texte est gage de sagesse, alors que d'aucuns nous entraînent vers une cobelligérance qui nous serait fatale. Il est un complément direct et efficace de la LPM, incitant entreprises, acteurs publics et privés à avancer main dans la main pour préserver notre défense et notre souveraineté face aux nouvelles menaces. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Discussion des articles

Article 1er

M. Akli Mellouli .  - En novembre dernier, Bruno Le Maire réagissait à cette proposition disant : « le livret A, c'est le logement social ». Une fois n'est pas coutume, je partage son avis...

La philosophie première du livret A doit être maintenue, exclusivement tournée vers les besoins sociaux et écologiques, alors que la lutte contre le changement climatique n'est pas la hauteur et que la crise du logement s'aggrave : 4 millions de Français souffrent du mal-logement et 330 000 sont sans domicile. Pas un centime ne doit manquer pour ceux qui peinent à se loger dignement. Quant à la transition écologique, elle nécessite de mobiliser le maximum de moyens.

Je ne nie pas les besoins de financement de certaines entreprises de défense, mais d'autres pistes existent : penchons-nous, par exemple, sur la chaîne de valeur dans ce secteur. Changer la philosophie du livret A, à laquelle les Français sont attachés, n'est pas la solution. (Applaudissements sur les travées du GEST)

M. le président.  - Amendement n°1, présenté par MM. Dossus et G. Blanc, Mme Senée, MM. Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Souyris et M. Vogel.

Supprimer cet article.

M. Thomas Dossus.  - Quelque 12 millions de personnes fragilisées par la crise du logement, 4,2 millions de mal-logés, 2,5 millions de ménages en attente d'un logement social... Voilà l'urgence, l'indignité collective qu'il faut corriger. Pas moins de 39 % des logements ont un diagnostic de performance énergétique (DPE) E ou inférieur : voilà ce qui pèse dans la crise climatique et le budget des Français.

Ponctionner leur épargne pour une industrie qui bénéfice déjà de largesses inégalées de l'État, c'est une flibusterie contre l'épargne populaire ! (Applaudissements sur les travées du GEST)

M. Dominique de Legge, rapporteur.  - L'avis de la commission est évidemment défavorable. D'abord, l'amendement viderait la proposition de loi de son contenu. Ensuite, vous évoquez le logement social, alors que, je le répète, ce texte n'y touche pas.

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée.  - Je le redis : le fléchage des encours du livret A et du LDDS n'est pas la solution la plus adaptée aux difficultés rencontrées. Sagesse.

L'amendement n°1 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°13, présenté par M. Temal et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Rédiger ainsi cet article :

 I.  -  Le code monétaire et financier est ainsi modifié : 

1° Après la section 7 ter du chapitre Ier du titre II du livre II du code monétaire et financier, est insérée une section 7 ... ainsi rédigée : 

« Section 7 quater

« Livret d'épargne défense souveraineté 

« Art. L. 221-34-5.  -  Le livret d'épargne défense souveraineté est ouvert par les personnes physiques ayant leur domicile fiscal en France. 

« Ce livret peut être proposé par un établissement de crédit ou une entreprise d'investissement qui s'engage à cet effet par convention avec l'État. 

« Une même personne ne peut être titulaire que d'un seul livret. Un livret ne peut avoir qu'un titulaire. 

« Le livret d'épargne défense souveraineté peut recevoir des versements en numéraire à compter de son ouverture dans la limite d'un plafond fixé par arrêté du ministre chargé de l'économie. 

« Un décret en Conseil d'État détermine les modalités de fonctionnement du livret d'épargne défense souveraineté et notamment ses conditions d'ouverture et ses modalités de gestion. 

« Art. L. 221-34-6  -  Les versements dans un livret d'épargne défense souveraineté sont affectés à l'acquisition de titres financiers contribuant au financement de l'industrie de défense française. 

« Les titres dans lesquels le livret d'épargne défense souveraineté peut être investi, les principes d'allocation de l'épargne auxquels il est soumis et les stratégies d'investissement qu'il peut proposer sont définis par arrêté conjoint du ministre chargé de l'économie et du ministre de la défense. » ; 

2° Le livre VII est ainsi modifié : 

a) Après la sous-section 1 bis de la section 2 du chapitre II du titre IV du livre VII, est insérée une sous-section 1 ... ainsi rédigée :

« Sous-section 1 ter

« Livret d'épargne défense souveraineté 

« Art. L. 742-12-2.  -  Sont applicables en Nouvelle-Calédonie les articles mentionnés dans la colonne de gauche du tableau ci-après, dans leur rédaction indiquée dans la colonne de droite du même tableau :

« 

Articles applicables

Dans leur rédaction issue de

L. 221-34-5 et L. 221- 34-6

La loi n° du relative au financement des entreprises de l'industrie de défense française

 » ; 

b) Après la sous-section 1 bis de la section 2 du chapitre III du titre IV, est insérée une sous-section 1 ... ainsi rédigée : 

« Sous-section 1 ter

« Livret d'épargne défense souveraineté

 » Art. L. 743-12-2.  -  Sont applicables en Polynésie française les articles mentionnés dans la colonne de gauche du tableau ci-après, dans leur rédaction indiquée dans la colonne de droite du même tableau :

« 

Articles applicables

Dans leur rédaction issue de

L. 221-34-5 et L. 221- 34-6

La loi n° du relative au financement des entreprises de l'industrie de défense française

 » ; 

c) Après la sous-section 1 bis de la section 2 du chapitre IV du titre IV est insérée une sous-section 1 ... ainsi rédigée : 

« Sous-section 1 ter

« Livret d'épargne défense souveraineté

 » Art. L. 744-11-2.  -  Sont applicables dans les îles Wallis et Futuna les articles mentionnés dans la colonne de gauche du tableau ci-après, dans leur rédaction indiquée dans la colonne de droite du même tableau :

« 

Articles applicables

Dans leur rédaction issue de 

L. 221-34-5 et L. 221- 34-6

La loi n° du relative au financement des entreprises de l'industrie de défense française

 » ; 

II.  -  Après le 7° quater de l'article 157 du code général des impôts, il est inséré un 7° ... ainsi rédigé : 

« 7° ... Les intérêts des sommes déposées sur les livrets d'épargne défense souveraineté ouverts dans les conditions prévues aux articles L. 221-34-5 et L. 221-34-6 du code monétaire et financier ; ». 

III. - .... - Pour compenser la perte de recettes résultant du II, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

....  -  La perte de recettes résultant pour l'État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

IV.  -  La présente loi entre en vigueur six mois après sa promulgation.

M. Rachid Temal.  - Cet amendement pourrait aider la ministre... Dans la continuité des travaux du Sénat et de ce que nous avons porté collectivement, nous proposons de créer un livret d'épargne défense souveraineté, ce qui aurait le mérite de la transparence.

M. Dominique de Legge, rapporteur.  - Lors de nos auditions, avec Pascal Allizard, nous nous sommes interrogés : faut-il un livret dédié ou non ? Après les auditions, j'ai considéré qu'un livret dédié ne collecterait pas suffisamment d'argent et risquerait de ne pas être commercialisé par les banques. Il nécessiterait de surcroît un engagement sur cinq ans, ce qui sélectionnerait certains épargnants. Enfin, s'agissant d'un produit nouveau, il mettrait un certain temps à être mis en place. Nous proposons donc, dans un souci d'efficacité, d'en rester à la proposition de Pascal Allizard sur le livret A.

Le débat doit avoir lieu, je suis d'accord. Je propose donc que cette piste soit étudiée dans le rapport prévu à l'article 2. Avis défavorable.

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée.  - (Mme Olivia Grégoire fait signe qu'elle hésite encore.)

M. Rachid Temal.  - Sagesse ?

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée.  - Je remercie le sénateur Temal qui souhaite m'aider. (Sourires) L'idée n'est pas inintéressante, mais je partage l'appréciation du rapporteur. Ma porte reste cependant ouverte pour de futurs échanges. C'est donc un avis défavorable positif, ou une sagesse défavorable... (Sourires)

M. Rachid Temal.  - Il s'agit pourtant de la proposition du Sénat ! Je rappelle que la réforme de la distribution du livret A au 1er janvier 2009 n'a donné lieu à aucune cannibalisation. Les Français doivent savoir qu'ils financent leur défense.

M. Pascal Allizard.  - Bien entendu, je ne suis pas opposé à la création d'un livret spécifique. Lors de la nuit de négociation de la CMP sur la loi de programmation militaire, il nous a été demandé de retirer cet article relatif au livret spécifique et de le remplacer par un fléchage. Puis nous avons connu deux censures successives.

Mais on ne peut pas nous dire à chaque fois : « ce n'est pas le bon véhicule », ou « ce n'est pas le bon moment ». Voilà quatre ans que cela dure : je souhaite que l'on aboutisse ! (Mme Valérie Boyer applaudit.)

M. Thomas Dossus.  - Merci aux sénateurs socialistes pour ce débat. Le rapporteur l'a lui-même avoué : les Français n'investiraient pas suffisamment dans un produit consacré à la défense, mais aujourd'hui on ne leur demande même pas leur avis ! Nous nous abstiendrons sur cet amendement, mais demandons à ce que cette flibusterie cesse. (M. Akli Mellouli applaudit.)

M. Pascal Savoldelli.  - Nous ne voterons pas cet amendement qui comporte un risque d'effet d'éviction par rapport aux deux livrets existants. (M. Rachid Temal le conteste.) On a le droit de le penser, monsieur Temal : les questions de l'écologie et du logement doivent être le moteur des livrets d'épargne sociaux.

La défense de la souveraineté de notre pays en économie de guerre impose de faire de la politique. Il faut y affecter des ressources fiscales, sans dépendre du bon vouloir des épargnants.

La France est le troisième exportateur d'armes : nous ne financerons pas que notre souveraineté, mais aussi la production d'armes...

J'ai quelques doutes sur la sincérité de nos collègues de droite quand ils affirment vouloir défendre le logement social, alors qu'ils ont voté contre la TVA à 5,5 % et qu'ils veulent intégrer le logement intermédiaire dans les critères de la loi SRU.

L'amendement n°13 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°2, présenté par MM. Dossus et G. Blanc, Mme Senée, MM. Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Souyris et M. Vogel.

I.  -  Alinéa 4

Remplacer les mots :

livret de développement durable et solidaire

par les mots : 

livret durable et militaire

II.  -  Alinéa 8

Remplacer les mots :

livrets de développement durable et solidaire

par les mots :

livrets durables et militaires

III.  -  Après l'alinéa 9

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

...° À l'article L. 221-27, toutes les occurrences des mots : « livret de développement durable et solidaire » sont remplacées par les mots : « livret durable et militaire ».

M. Thomas Dossus.  - C'est un amendement de transparence. Pour le livret A, nul problème de dénomination relatif au logement. Il n'en est pas de même pour le LDDS. Je ne vois pas en quoi les marchands de canons et les start-up du bombardement sont concernés par le développement durable. C'est une arnaque.

Nous proposons donc un nouveau nom - le livret durable et militaire -, pour informer les Français. (M. Akli Mellouli applaudit.)

M. Dominique de Legge, rapporteur.  - Cela ne correspond pas au dispositif : il serait fâcheux de tromper les Français.

Je rappelle qu'on ne touche pas au logement social. L'encours non centralisé du livret A et du LDDS est constitué de trois enveloppes, une pour les PME, une pour le développement durable et une pour l'économie sociale et solidaire. Le dispositif s'insère au sein de la partie dédiée aux PME. Avis défavorable.

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée.  - Même avis, pour les mêmes raisons : retrait, sinon avis défavorable.

M. Thomas Dossus.  - Une partie de cette collecte financera l'industrie de la défense. Soit on le précise dans le nom, soit c'est de l'arnaque, avec un risque de dévalorisation du livret le jour où les Français comprendront à quoi sert leur argent.

L'amendement n°2 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°10, présenté par M. Savoldelli et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky.

Alinéa 5

Rédiger ainsi cet alinéa :

« 1° Au financement des petites et moyennes entreprises, dont le siège social ou la majorité des débouchés de production sont en France ou dans un État-membres de l'Union européenne ou dans État membre de l'Union européenne ou d'un État partie à l'accord sur l'Espace économique européen ayant conclu une convention d'assistance administrative avec la France, notamment pour leur création et leur développement ; »

M. Pascal Savoldelli.  - Les entreprises du secteur de la défense doivent être plus contrôlées au regard notamment des investissements étrangers.

Nous proposons de réserver ce financement aux entreprises qui ont leur siège ou la majorité de leurs débouchés en France ou en Europe.

En 2023, pas moins de 23,7 % des investissements étrangers en France ont concerné le secteur de la défense et de la sécurité : c'est un doublement en un an, qui n'est pas de nature à garantir notre souveraineté...

Combien d'entreprises de la BITD appartiennent-elles ou au moins en partie à des capitaux étrangers ? Combien dépendent des commandes d'États tiers ?

M. le président.  - Amendement n°3, présenté par MM. Dossus et G. Blanc, Mme Senée, MM. Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Souyris et M. Vogel.

Alinéa 5, seconde phrase, au début

Insérer les mots :

À titre expérimental, pour une durée de deux ans,

M. Thomas Dossus.  - Si l'Ukraine tombe, toute l'Europe est menacée par le boucher de Russie. Les soldats ukrainiens et les volontaires internationaux nous défendent aussi. Nous devons les soutenir. Nous produisions 1 000 obus par mois avant le conflit, 2 000 désormais, c'est insuffisant. Nous proposons de préciser que la proposition de loi s'inscrit dans un cadre expérimental de deux ans.

M. le président.  - Amendement n°9, présenté par M. Savoldelli et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky.

Alinéa 5, seconde phrase

Remplacer les mots :

est fixée

par les mots :

et la liste des entreprises bénéficiaires sont fixées

Mme Michelle Gréaume.  - Quelque 4 000 PME dont 1 000 stratégiques relèveraient de la BITD. Mais comment les identifier ? Quid des entreprises duales ? La proposition de loi n'apporte aucune réponse, d'où notre proposition de renvoi à un arrêté du ministre.

M. le président.  - Amendement n°4 rectifié, présenté par Mmes Paoli-Gagin et Bourcier, MM. Brault et Chasseing, Mme L. Darcos et MM. V. Louault, A. Marc, Rochette, Verzelen, J.P. Vogel et Wattebled.

Alinéa 5, seconde phrase

Remplacer les mots :

arrêté du ministre chargé de l'économie

par les mots : 

un arrêté conjoint du ministre chargé de l'économie et du ministre chargé des armées

Mme Vanina Paoli-Gagin.  - Certes, Bercy est légitime à définir la part de l'encours dédiée au financement de la BITD, mais le ministre des armées doit aussi avoir son mot à dire.

M. Dominique de Legge, rapporteur.  - À l'amendement n°10, le fléchage prévu ne réglera pas tous les problèmes, mais c'est un signal clair adressé à ces entreprises : avis défavorable.

Retrait, sinon avis défavorable sur l'amendement n°3, en partie satisfait par l'article 2.

Sur l'amendement n°9, l'énumération des entreprises de la BITD nécessiterait un travail considérable. Avis défavorable.

Sur l'amendement n°4 rectifié, sagesse, car l'association du ministère de la défense constituerait un signal fort. Qu'en dit la ministre ?

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée.  - Sur les amendements nos10 et 3, même avis que le rapporteur, pour les mêmes raisons.

Sur l'amendement n°9, j'ajoute que l'article R. 221-9 du code monétaire et financier prévoit déjà des dispositions de cet ordre : d'où mon avis défavorable.

Sur l'amendement n°4 rectifié, mon avis est également défavorable : l'épargne réglementée relève du ministère de l'économie.

M. Pascal Savoldelli.  - Mon amendement de repli aurait mérité d'être mieux entendu (M. Roger Karoutchi se montre peu convaincu), puisqu'il a trait à une question de souveraineté. Nous aurions pu nous rassembler sur ce sujet.

Le problème de nos industries, c'est leur carnet de commandes. Qui ramassera la valeur ajoutée ? Ce sont les investisseurs privés !

Prenez vos responsabilités !

L'amendement n°10 n'est pas adopté, non plus que les amendements nos3 et 9.

L'amendement n°4 rectifié est adopté.

M. le président.  - Amendement n°7, présenté par M. Savoldelli et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky.

Après l'alinéa 8

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

 « Par dérogation au 1° du présent article, le financement des entreprises de la base industrielle et technologique de défense est subordonné à l'épuisement d'une procédure de médiation engagée auprès du médiateur national du crédit. » ;

Mme Michelle Gréaume.  - Le rapport de la commission dit bien que les entreprises de la défense se heurtent aux mêmes difficultés que les autres entreprises françaises -  bref, elles n'ont pas de difficultés spécifiques. Plus loin, le rapport souligne que le refus de prêts bancaires pour ces entreprises ne trouve pas son origine dans leur domaine de compétence, mais leur situation économique.

Nous proposons donc de conditionner le bénéfice des fonds du livret A ou du LDDS à l'échec d'une médiation du crédit.

M. Dominique de Legge, rapporteur.  - Vous citez abondamment mon rapport, je vous en remercie. Toutefois, j'y ai aussi insisté sur les difficultés en matière des fonds propres, qui peuvent aboutir à des difficultés de financement. Et certains refus de prêts bancaires sont liés à la nature même de l'entreprise. Faudrait-il que les banques établissent des certificats de non-financement ? Retrait, sinon avis défavorable.

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée.  - Même avis, pour les mêmes raisons.

Mme Michelle Gréaume.  - La médiation aurait pourtant toute sa place ici.

L'amendement n°7 n'est pas adopté.

L'article 1er, modifié, est adopté.

L'article 1er bis est adopté.

Après l'article 1er bis

M. le président.  - Amendement n°5 rectifié, présenté par Mmes Paoli-Gagin et Bourcier, MM. Brault et Chasseing, Mme L. Darcos et MM. V. Louault, A. Marc, Rochette, J.P. Vogel, Verzelen et Wattebled.

Après l'article 1er bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article L. 3-1 du code de la commande publique, il est inséré un article L. 3-... ainsi rédigé : 

« Art. L. 3-....  -  La commande publique participe au renforcement de la souveraineté nationale, notamment en développant la base industrielle et technologique de défense. »

Mme Vanina Paoli-Gagin.  - Le secteur de l'armement dépend de la commande publique. Mais à l'heure de la néo-guerre et des conflits hybrides, d'autres entreprises contribuent aussi à notre souveraineté. Cet amendement précise donc que la commande publique contribue au renforcement de la souveraineté nationale, notamment en développant la BITD.

M. Dominique de Legge, rapporteur.  - Retrait, sinon avis défavorable, s'agissant d'une déclaration de principe peu opérante.

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée.  - Le Gouvernement est très attentif aux besoins de financement du secteur de la défense.

La LPM a prévu 413 milliards d'euros de dépenses militaires, dont une bonne partie relève de la commande publique. Le budget des armées représentait 43,9 milliards d'euros en 2023, dont 14,5 milliards pour l'équipement des forces. Pas moins de 26 000 PME et ETI bénéficient de la commande publique du ministère des armées.

Les efforts doivent être poursuivis, certes... Retrait, sinon avis défavorable.

L'amendement n°5 rectifié est retiré.

M. le président.  - Amendement n°17, présenté par Mme G. Jourda, M. Temal, Mmes Carlotti et Conway-Mouret et MM. Darras, P. Joly, Marie, M. Vallet et Vayssouze-Faure.

Après l'article 1er bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans les six mois suivant la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur l'accès des entreprises françaises de la base industrielle et technologique de défense (BITD) aux financements européens, afin d'envisager des pistes d'amélioration pour accéder aux fonds privés et publics et mettre fin au risque discriminatoire de la mise en oeuvre de la taxonomie européenne.

Mme Gisèle Jourda.  - La taxonomie européenne distingue les activités durables de celles qui ne le sont pas, ce qui est préjudiciable à la BITD. Les banques sont très frileuses lorsqu'il s'agit d'accorder des prêts à ces entreprises. Pourtant, la BITD européenne joue un rôle dans la sûreté et la sécurité de l'Europe en rendant crédible notre capacité d'assurer la paix sur notre continent. Cet amendement demande donc un rapport sur l'accès des entreprises françaises de la BITD aux financements européens.

M. Dominique de Legge, rapporteur.  - Je suis totalement en phase avec Gisèle Jourda (M. Rachid Temal s'en réjouit), d'autant plus que notre réécriture de l'article 2 la satisfait... Retrait ? Sinon avis défavorable.

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée.  - Même avis, pour les mêmes raisons. Je rappelle toutefois que la défense n'est pas incompatible avec les critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG).

Mme Gisèle Jourda.  - Ce rapport aurait permis un suivi intéressant, mais je le retire.

L'amendement n°17 est retiré.

Article 2

L'amendement n°14 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°12 rectifié ter, présenté par MM. Rochette et Longeot, Mme L. Darcos, MM. Verzelen et A. Marc, Mme N. Delattre et MM. Brault, Chasseing, Wattebled, V. Louault, Daubet et Chevalier.

Après la deuxième phrase

Insérer une phrase ainsi rédigée :

En outre et à titre indicatif, il tiendra compte dans ses conclusions de l'implication des établissements délivrant le livret A et de leur responsabilité quant aux résultats obtenus par le dispositif prévu à l'article 1er.

M. Pierre Jean Rochette.  - Par cet ajout au rapport, nous voulons inciter les banques à s'engager activement dans la réussite de cette proposition de loi.

M. Dominique de Legge, rapporteur.  - Retrait, sinon avis défavorable. Les données que vous réclamez sont déjà disponibles dans le rapport annuel de la Banque de France sur l'épargne réglementée.

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée.  - Sagesse.

M. Pierre Jean Rochette.  - Non, l'engagement des établissements bancaires n'est pas bien mesuré. Je maintiens l'amendement, ayant bien entendu un avis de sagesse...

L'amendement n°12 rectifié ter n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°19, présenté par M. de Legge, au nom de la commission des finances.

Troisième phrase 

Remplacer les mots :

de la Facilité

par les mots :

du Fonds européen

L'amendement rédactionnel n°19, accepté par le Gouvernement, est adopté.

L'article 2, modifié, est adopté.

Intitulé de la proposition de loi

M. le président.  - Amendement n°15 rectifié, présenté par M. Temal et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Rédiger ainsi cet intitulé :

Proposition de loi relative au financement des entreprises de la base industrielle et technologique de défense française

M. Rachid Temal.  - Nous proposons de renommer la proposition de loi en cohérence avec l'objet du texte et nos débats.

M. Dominique de Legge, rapporteur.  - Avis favorable, pour marquer notre convergence de vues sur ce point précis. (M. Rachid Temal apprécie.) La rédaction initiale aurait été mieux comprise par l'opinion, mais la vôtre est plus précise.

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée.  - Après avoir beaucoup réfléchi, beaucoup travaillé, j'ai réussi à convaincre mon ministre de tutelle et le ministre de la défense de transformer un avis de sagesse en avis favorable. (M. Jean-Noël Guérini applaudit ; sourires)

M. Rachid Temal.  - Champagne !

L'amendement n°15 rectifié est adopté.

Vote sur l'ensemble

M. Pascal Savoldelli .  - En deux heures, personne n'a réussi à démontrer que les entreprises de défense avaient des besoins spécifiques. Dont acte. Si c'était le cas, pourquoi ne pas obliger les banques à les financer, plutôt que de prendre l'épargne des Français ? Car la majorité des épargnants français ne veut pas de ce produit.

Nos propositions ont été repoussées, au titre des articles 40 et 45 de la Constitution. Nous avions notamment proposé un nouveau prêt garanti par l'État (PGE), ce qui aurait rassuré les banques.

Nous sommes favorables à la recentralisation de 99 % des encours à la Caisse des dépôts, pour assurer une transparence totale.

Enfin, nous souhaitons limiter à 30 % la part des exportations des entreprises d'armement, pour ne pas alimenter les conflits mondiaux.

L'épargne populaire doit être réservée à des missions d'intérêt général ; en aucun cas, elle ne doit servir à fabriquer des armes. (Applaudissements sur les travées du GEST et sur quelques travées du groupe CRCE-K)

Mme Vanina Paoli-Gagin .  - Le groupe INDEP votera ce texte d'intérêt général. Nous sommes favorables au changement de l'intitulé, mais nous aurions pu voter l'amendement de Pascal Savoldelli sur le ciblage des entreprises de défense françaises, cela aurait été plus cohérent.

M. Cédric Perrin, président de la commission des affaires étrangères .  - C'est un sujet particulièrement important pour la commission des affaires étrangères. Je ne peux pas laisser dire que les industries de la défense n'ont pas de problèmes de financement : ce midi encore, des dirigeants de PME m'interpellaient.

La BEI pose problème : les chefs d'entreprise doivent certifier que leurs demandes de prêts bancaires ne concernent pas des activités de défense, comme s'il s'agissait de proxénétisme ou de trafic d'enfants ! Axa Banque prétend que la défense contrevient à son éthique...

Je pensais que, malgré les lobbies dont le financement reste à déterminer, la guerre en Ukraine allait provoquer un changement d'état d'esprit. Dans quel pays peut-il y avoir progrès social et développement durable, sinon dans un pays apaisé ? Malheureusement, « si tu veux la paix, prépare la guerre ». (M. Guy Benarroche ironise.)

Dans mon département, je peux vous citer des entreprises à qui on refuse cinq prêts sur six, sans un écrit.

Les entreprises de la défense ont besoin de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; MM. Olivier Cigolotti et Jean-François Longeot applaudissent également.)

M. Pascal Allizard, auteur de la proposition de loi .  - Merci à tous les collègues présents, de tous les groupes.

Les entreprises à qui l'on refuse des prêts n'ont jamais d'écrits... Parfois, elles ont des enregistrements audios mais, craignant des mesures de rétorsion, elles n'en font pas la publicité. C'est pourquoi nous n'avons pas de liste.

Attention : on commence aussi à entendre parler de refus d'assurance ; ce sujet devra être traité. De grandes banques, de grandes compagnies d'assurances ont des règles internes de compliance -  je parlerais plutôt de « surcompliance » - qui les empêchent d'assurer les entreprises de défense, pour des questions de risque réputationnel. C'est inacceptable.

Je souhaite que cette proposition de loi soit adoptée : c'est un signal fort. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; MM. Olivier Cigolotti et Jean-François Longeot applaudissent également.)

M. Rachid Temal .  - Nous avons eu effectivement un débat de très grande qualité, dans le prolongement de la LPM.

Aujourd'hui, 75 % des armes achetées par les Européens pour l'Ukraine ne sont pas fabriquées en Europe. Cela pose la question de l'industrialisation du continent...

La BEI ne finance pas l'industrie de défense - le Parlement européen vient de voter un texte demandant qu'elle le fasse.

Notre proposition est cohérente et privilégie la pédagogie, mais je tiens compte de la main tendue de la ministre : nous nous abstiendrons.

À la demande du GEST, la proposition de loi est mise aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici le résultat du scrutin n°141 :

Nombre de votants 342
Nombre de suffrages exprimés 278
Pour l'adoption 244
Contre   34

La proposition de loi est adoptée.

(Applaudissements à droite et au centre)

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée.  - Merci pour la qualité de ces débats. Monsieur Allizard, vous avez bien fait de rappeler que lorsqu'on sollicite un prêt, on a droit à une réponse. Une demande écrite appelle une réponse écrite...

M. Cédric Perrin, président de la commission.  - Et motivée !

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée.  - ... ce qui nous permet d'avoir une idée du taux de refus.

Nous travaillerons d'ici à l'été pour avancer sur ce sujet. (Applaudissements sur les travées du RDPI et du RDSE)

Modification de l'ordre du jour

M. le président.  - Par lettre en date de ce jour, le Gouvernement demande l'inscription à l'ordre du jour du mercredi 13 mars, l'après-midi, d'une déclaration, suivie d'un débat et d'un vote, en application de l'article 50-1 de la Constitution, relative au débat sur l'accord de sécurité franco-ukrainien et la situation en Ukraine.

Acte en est donné.

La séance est suspendue à 20 h 25.

Présidence de M. Mathieu Darnaud, vice-président

La séance reprend à 22 heures.

Statut de l'élu local

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi portant création d'un statut de l'élu local, présentée par Mme Françoise Gatel, MM. Mathieu Darnaud, François-Noël Buffet, Bruno Retailleau, Hervé Marseille, Patrick Kanner, François Patriat, Mme Cécile Cukierman, M. Claude Malhuret, Mme Maryse Carrère et plusieurs de leurs collègues.

Discussion générale

Mme Françoise Gatel, auteur de la proposition de loi .  - (Applaudissements sur les travées des groupes UC, INDEP, Les Républicains et du RDSE) Parce qu'ils ne savaient pas que c'était si ardu, si risqué, parce qu'ils faisaient leur la citation de Kennedy « Ne te demande pas ce que ton pays peut faire pour toi, mais plutôt ce que tu peux faire pour ton pays », parce qu'ils voulaient agir pour leurs concitoyens, près d'un million de candidats se sont présentés aux élections locales. Magnifique France où la commune révolutionnaire est l'espace de proximité, plus moderne que jamais, où les citoyens règlent leur vie collective. Les élus sont les vigies de ces 35 000 communes, par temps calme comme par gros temps.

Mais aujourd'hui, la vigie vacille, madame la ministre.

Pas moins de 106 communes n'avaient pas de candidats en 2020, 345 conseils municipaux étaient incomplets et nombre de communes n'avaient qu'une liste. Qu'arrive-t-il ? Une société violente, éclatée en additions d'individualités s'impose. Ces hommes et femmes de devoir plus que de pouvoir sont fatigués : 13 000 maires ont jeté l'éponge depuis 2020, parce que leur engagement a percuté violemment leur vie personnelle. Si les élus locaux lâchent la rampe, la base de la pyramide de notre République est menacée. On a vu la solidité des élus locaux lors des crises du pays - sanitaire, gilets jaunes, incendies... - attentifs à tout. Gémir n'est pas de mise pour ces inventeurs du possible, condamnés à trouver des solutions. Mais la lassitude gagne : chaque jour, un maire démissionne.

Au Sénat, cette France des faiseurs résonne avec force. Depuis 2010, le Sénat a formulé des propositions, sur la protection fonctionnelle, la revalorisation des indemnités, des frais de garde et a adopté une proposition de loi revalorisant le métier de secrétaire de mairie, qui ont conforté le mandat. Je pense aussi au rapport Carrère-Darnaud sur le mal des maires.

Depuis septembre, la délégation aux collectivités territoriales a mené une mission d'information avec neufs rapporteurs issus de cinq groupes politiques différents. Après une large consultation, nous avons formulé 23 propositions, que vous connaissez, madame la ministre : au Congrès des maires, le Président du Sénat a lui-même annoncé une proposition de loi. Nous y sommes !

En cet instant, j'adresse une pensée fraternelle à ceux qui sont souvent allés au plus loin de leurs forces. Je pense au maire de Signes, mort en 2019 dans l'exercice de son mandat, aux emblématiques maires de Saint-Brevin-les-Pins, de L'Haÿ-les-Roses, et à tous les élus victimes d'agressions. Je salue les 309 sénateurs - dont des présidents de groupes, le président de la commission des lois François-Noël Buffet, le premier vice-président Mathieu Darnaud - qui ont cosigné cette proposition de loi, et remercie mes corapporteurs Jacqueline Eustache-Brinio et Éric Kerrouche. Nous la portons d'une même voix, pour que vive la démocratie et perdurent nos communes, coeur de la République.

Nous voulons « donner l'envie d'avoir envie » de s'engager pour le plus grand nombre, quelle que soit leur situation professionnelle, familiale ou professionnelle ou leur âge, en sécurisant l'exercice du mandat par la formation, la reconnaissance des entreprises les employant et en sécurisant la fin du mandat.

La Nation a reconnu, à raison, l'engagement des sapeurs-pompiers volontaires. Il doit en être de même pour les élus locaux, alors que les maires sont les élus préférés des Français. La Nation doit reconnaître ceux qui, jour après jour, exercent des missions essentielles - souvent pour le compte de l'État -, car ils sont, eux-mêmes, les essentiels de la République.

Lorsque le Président de la République a annoncé, un dimanche soir, la réouverture des écoles au moment de la crise sanitaire, ils étaient présents - de même contre les catastrophes naturelles, pour relever le défi du logement, de la précarité ou encore du zéro artificialisation nette (ZAN). Ils sont des entrepreneurs de leur territoire, des bâtisseurs d'avenir.

La commune n'est pas le dernier, mais le premier kilomètre de la République, où se joue l'égalité des droits, la cohésion sociale, l'éveil citoyen. L'avenir de notre pays en dépend.

Madame la ministre, j'ai lu Le Figaro de ce matin et ne doute pas de la volonté du Gouvernement. Avec cette proposition de loi, le Sénat, chambre des territoires, est à nouveau au rendez-vous. Je ne doute pas que vous apprécierez nos propositions constructives. La démocratie n'a pas de prix, mais elle a un coût. Pour emprunter les mots de Nathalie Delattre, parlons-en sans tabou. (Applaudissements)

M. Éric Kerrouche, rapporteur de la commission des lois .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER et au banc des commissions) Le statut de l'élu local, c'est avant, pendant et après le mandat. La proposition de loi poursuit une ambition commune : remédier à l'absence d'un statut de l'élu local et améliorer les garanties concrètes accordées aux élus. Au titre de l'article 24 de la Constitution, le Sénat représente les collectivités territoriales ; nous souhaitons fortement que ce texte arrive à promulgation.

Nous proposons un rehaussement du régime indemnitaire, étendu aux adjoints, si le Gouvernement daigne rendre notre amendement recevable. Nous proposons d'augmenter l'enveloppe indemnitaire globale, pour donner plus de marge aux conseils municipaux, notamment pour indemniser les conseillers délégués. Nous proposons de fixer à leur maximum légal les indemnités de tous les exécutifs locaux. Nous proposons de bonifier les retraites des élus d'un trimestre par mandat. Enfin, nous avons souhaité que l'État soutienne davantage les communes rurales, via la dotation particulière élu local (DPEL).

Ensuite, sur l'amélioration quotidienne des conditions d'exercice du mandat, nous insistons sur les conditions matérielles, loin d'être triviales, avec un remboursement obligatoire des frais de transport, ou encore la prise en charge des frais de garde.

La conciliation entre mandat local et vie professionnelle est cardinale. Notre texte prévoit des avancées pour les candidats - avec la prolongation du congé électif - comme pour les élus, avec un dispositif d'autorisation d'absence plus protecteur. De même, l'engagement d'une entreprise qui emploie des élus doit être reconnu, par le label « employeur partenaire de la démocratie locale ».

Par ailleurs, nous voulons améliorer la diversité sociologique des élus, avec un statut de l'élu étudiant, par exemple. Nous voulons encourager les vocations des citoyens en situation de handicap.

La formation est une réponse à la complexification de l'action locale. Le texte y pourvoit.

Le texte prévoit aussi un moyen de concilier le mandat avec la vie personnelle avec une indemnité journalière en cas de maladie ou de congé maternité ou paternité. Nous répondons ainsi aux difficultés particulières de la maire de Poitiers. (Applaudissements sur les travées du groupe SER, du RDSE, ainsi que sur quelques travées du RDPI, et des groupes INDEP, UC et Les Républicains)

Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure de la commission des lois .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Cette proposition de loi sécurise aussi le mandat local, sur les plans pénal et juridique, et accompagne la phase de transition. L'article 18 aborde l'infraction de prise illégale d'intérêts, que certains veulent supprimer et d'autres préserver. Nous en précisions la définition pour qu'elle s'applique sans paralyser les élus, dans le prolongement des lois 3DS et Confiance dans l'institution judiciaire. La commission des lois en exclut ainsi les intérêts publics.

Pour reprendre notre dialogique avec la Cour de cassation, à l'article 22 nous prévoyons aussi que le juge pénal procède à l'appréciation complète de chaque cas, l'intérêt devant être suffisant pour peser sur l'impartialité de la décision. Nous simplifions aussi la définition des intérêts familiaux et affectifs.

Le régime de la protection fonctionnelle sera étendu aux élus victimes de violence ou d'outrage, automatiquement, conformément à la proposition de loi adoptée par le Sénat le 10 octobre 2023 sur la protection des élus locaux. L'ensemble des conseillers municipaux, départementaux et régionaux en bénéficieraient.

En outre, l'article 22 concerne les demandes des banques aux personnes politiquement exposées. L'amendement du Gouvernement, quoique limité, nous paraît pertinent.

Le texte prévoit aussi un régime de déclaration de dons supérieurs à 150 euros dans un registre tenu par la collectivité, sans sanction puisqu'à visée purement pédagogique et déontologique.

De plus, l'engagement local ne devrait jamais se muer en rupture. L'accompagnement post-mandat a irrigué l'ensemble de nos travaux. Au cours du mandat, les élus acquièrent des compétences, autant d'atouts à valoriser. L'article 25 encourage donc la validation des acquis de l'expérience (VAE), certification professionnelle à l'appui.

Ensuite, pour sécuriser leur trajectoire professionnelle, nous élargissons l'allocation différentielle de fin de mandat (ADFM) aux maires et à leurs adjoints et proposons un contrat de sécurisation de l'engagement en sortie de mandat.

Enfin, avec l'article 27, nous accompagnons les élus sans emploi à la fin de leur mandat. Nous vous invitons à voter ce texte. (Applaudissements)

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité .  - Nous avons déjà longuement débattu du statut de l'élu local ces dernières années. Nous sommes nombreux à penser que les maires ont besoin de la reconnaissance de la République. On n'a jamais tant parlé du statut de l'élu que depuis que leur place a perdu de son évidence. Entre 1982 et 2002, deux lois seulement. Depuis la loi relative à la démocratie de proximité de 2002, ont été examinées les lois de 2015 facilitant l'exercice du mandat, de 2019 dite Engagement et proximité, et deux propositions de loi du Sénat et de l'Assemblée nationale en 2023 sur le même sujet.

Mais les élus continuent à appeler à un véritable statut. De loi en loi, nous voulons plus de reconnaissance et, simplement, plus de vitalité pour notre démocratie locale. Et s'il est un lieu où celle-ci se construit, c'est dans la commune. Tocqueville nous rappelait que « les institutions communales sont à la liberté ce que les écoles primaires sont à la science ; elles la mettent à la portée du peuple », et Gambetta, dans son fameux discours de Belleville en 1875, que « ce qu'il y a de plus démocratique en France, ce qui constitue les entrailles mêmes de la démocratie : l'esprit communal, c'est-à-dire les 36 000 communes »...

D'où vient que nous devions si souvent remettre l'ouvrage sur le métier ? Le contexte social a changé, l'autorité n'a plus sa valeur incontestable. Il y a quelques mois, j'appelais ainsi à un sursaut civique.

Il s'agit donc de conforter les maires dans leurs compétences. Le statut de l'élu renvoie à une réalité plus dure, celle du quotidien des élus locaux. C'est une authentique question institutionnelle : quels leviers garantiront dans le temps l'investissement local de nos concitoyens ?

D'abord, leur sécurité personnelle. La récente proposition de loi, adoptée en CMP, l'assure. Mais il faut plus : que nos concitoyens de tous âges et conditions - étudiants, jeunes parents, salariés, personnes en situation de handicap - se présentent. Tous en ont le droit, mais le peuvent-ils ?

Être élu local doit rester le meilleur moyen de construire le destin de nos petites patries. Il reste du chemin à faire pour réconcilier l'esprit du temps avec des notions jugées vieillottes, mais en lesquelles nous croyons profondément. Il faut adapter les principes de la loi de 1884 à la société actuelle, pour rebâtir l'esprit civique.

Mobiliser la jeunesse, concilier la vie professionnelle et le mandat, valoriser l'engagement : autant d'objectifs concrets à poursuivre. À ce titre, je salue la proposition de loi de Françoise Gatel, issue d'un travail de plusieurs mois et de trois rapports flash de la délégation qu'elle préside. En novembre dernier, nous avons tenu une convention nationale de la démocratie locale qui a, je le crois, fait converger les parties prenantes.

Cette proposition de loi contribue à sécuriser le cadre d'action des élus, et leur donne les moyens d'exercer leur mandat sans risque professionnel ou personnel. Elle ouvre des perspectives sur l'après-mandat, valorise l'engagement quotidien, mobilise la jeunesse et notamment les étudiants, et prévoit la prise en charge des situations de handicap.

Elle répond donc à nombre de difficultés évoquées lors de la convention nationale, et est complémentaire de la proposition de loi des députés Violette Spillebout et Sébastien Jumel. Le Gouvernement soutient votre initiative, tout en proposant des moyens alternatifs d'atteindre certains objectifs.

Le Président de la République est favorable à ce que nous travaillions à la revalorisation des indemnisations des élus municipaux,...

Mme Pascale Gruny.  - Enfin !

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - ... notamment les conseillers sans délégation. Votre commission choisit une autre voie, avec son amendement n°407 à l'article 1er. Le Gouvernement ne s'y opposera pas, mais cela ne réglera pas tous les problèmes et il faudra y revenir.

Je salue les avancées sur les conflits d'intérêts et la protection fonctionnelle. Nous saluons aussi la prise en charge des frais de transport et de garde ou l'ADFM. L'amendement du Gouvernement sur les élus en situation de handicap vise simplement à ne pas inscrire dans la loi un plafond actuellement réglementaire, que je m'engage à revaloriser. L'amendement n°413 de la rapporteure est donc, à mon sens, recevable.

Nous proposons de supprimer les verrous qui empêchent les élus locaux de liquider leur retraite au cours de leur mandat. Ils pourront ainsi cumuler retraite et indemnité d'élu, tout en continuant à se constituer des droits.

Enfin, conformément au souhait du Premier ministre, nous avons déposé un amendement pour garantir aux élus en congé paternité, maternité ou d'adoption, le maintien de leur indemnité.

Vous posez les premières briques d'un travail itératif, actant des avancées indispensables pour la mobilisation démocratique. Nous avons à rebâtir notre esprit civique. Cette proposition de loi n'est pas une fin, mais une très belle nouvelle étape. (Applaudissements sur les travées du RDPI et du RDSE)

Mme Cécile Cukierman .  - Cette proposition de loi est attendue par de nombreux élus dans un contexte de montée des violences envers eux et de désengagement, qui menace les élections de 2026 et la vitalité de la commune, cellule de base de la République.

Cette proposition de loi, telle un fleuve, trouve sa source dans la mission d'information, suit son cours par les travaux de la délégation aux collectivités territoriales et de tous les groupes pour déboucher en séance ce soir.

Sans en être l'alpha et l'oméga, un statut permet à tout citoyen de devenir élu. Le Sénat a beaucoup écrit sur le sujet : je pense aux deux rapports de Mathieu Darnaud de 2018 et 2020, aux nombreuses propositions de loi et projets de lois Engagement et proximité. Je pense aussi à la proposition de loi de Pierre-Yves Collombat, visant à créer un statut de l'élu communal.

Poser cette question, c'est témoigner une reconnaissance collective, leur signifier qu'il ne peut y avoir de démocratie sans eux. C'est bien par le statut que nous pouvons garantir le continuum de l'engagement - devenir, être, ne plus être élu - en sécurisant le retour à l'emploi et en prévoyant des indemnités.

Nous défendrons la nécessité d'assimiler l'élu aux salariés protégés - un engagement fort du monde économique est nécessaire.

La protection fonctionnelle doit être plus rapide et efficace ; il faut simplifier les règles pour réduire la prise illégale d'intérêts.

Plus de cent amendements ont été jugés irrecevables, car ils aggraveraient les charges publiques... Je ne sais si la démocratie locale est une charge, mais elle a un coût. Certes, les dictatures coûtent moins cher, mais ce n'est pas notre modèle !

Sans remettre en question l'article 40, je crois que les élus doivent voir leur engagement reconnu, sans dépense personnelle, sauf à restreindre aux plus riches cette expérience. Voulons-nous permettre à tous de le devenir ?

Nous voterons cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K, sur quelques travées des groupes SER et Les Républicains, ainsi qu'au banc des commissions.)

M. Henri Cabanel .  - Défiance, violence, conciliation avec la vie personnelle, lourdeurs des procédures administratives... Les difficultés sont nombreuses, comme en témoigne le rapport de Maryse Carrère et Mathieu Darnaud, au titre évocateur : « Avis de tempête sur la démocratie locale ; Soignons le mal des maires », qui constatait un reflux de l'engagement et un renforcement de l'individualisme citoyen, consommateur de services publics.

Au 10 mai 2023, à mi-mandat, 1 078 des maires élus en 2020 avaient déjà démissionné, soit 3 % de l'effectif total des maires. Cela nous oblige à réagir. Nous devons faciliter l'engagement en jetant les bases d'un vrai statut.

En 2017, avec Joël Labbé, j'avais déposé une proposition de loi pour renforcer les droits et devoirs des élus. Encore ici, j'ai déposé un amendement réclamant un casier vierge pour être élu -  à l'instar de nos collaborateurs et de 400 professions. J'espère que nous ne rentrerons pas encore dans des débats sur son inconstitutionnalité : le Conseil constitutionnel tranchera.

Tout est lié : 70 % de défiance envers le Gouvernement et le Parlement, 60 % de confiance pour les maires...

Le RDSE a toujours voulu faire avancer ce sujet. La proposition de loi de Nathalie Delattre, visant à ce que les communes et associations d'élus puissent se porter partie civile pour soutenir un élu agressé, a été adoptée définitivement le 18 janvier 2023. Je rappelle aussi les propositions de loi d'Éric Gold, la première pour une majoration des trimestres de retraite dans les petites communes, la seconde pour lutter contre les violences. Le statut de l'élu étudiant, inspiré de ma proposition de loi tendant à renforcer la culture citoyenne, est une vraie satisfaction.

Le statut de l'élu est un serpent de mer. En droit, le statut vise l'ensemble des dispositions régissant à la fois l'entrée en fonction, l'exercice et les conditions de sortie de fonction. Les élus locaux bénéficient déjà d'un ensemble de règles qu'on peut qualifier de statut. Mais celles-ci ne reconnaissent pas suffisamment les spécificités de cette expérience qui justifierait un « code de la fonction élective ». Cela étant, cette proposition de loi fait avancer le sujet, sans proposer un statut, mais complète les autres textes : entre autres, régime indemnitaire, exercice et sortie du mandat, tous les sujets sont traités.

La promesse d'un véritable statut n'est cependant pas tenue.

Comme le dit l'une des maires de l'Hérault, sans les maires, la marmite aurait déjà explosé. (Applaudissements sur les travées du RDSE et sur quelques travées du RDPI ; Mme Dominique Faure félicite l'orateur alors qu'il regagne son siège.)

Mme Françoise Gatel.  - C'est vrai !

M. Olivier Bitz .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Chacun le sait : beaucoup d'élus locaux sont au bout du rouleau. Les causes en sont multiples : relations avec les administrés, transformées en relations client-prestataire, fin de la délivrance des titres d'identité presque partout, agressions... La complexification de l'exercice de ces fonctions incite à s'entourer d'agents.

La place des élus municipaux dans le système local a été remise en question, et, malgré la loi Engagement et proximité, nous restons loin du compte. Combien de fois les maires se plaignent-ils de voir leur fonction limitée aux conflits de voisinage et à la recherche d'animaux perdus ? Les compétences valorisantes s'exercent ailleurs.

Oui, cette proposition de loi transpartisane est bienvenue ; elle permettra d'améliorer la situation actuelle. Merci à nos trois rapporteurs et à la délégation aux collectivités territoriales.

J'aurais souhaité aller plus loin, à l'heure où des maires s'interrogent sur leur candidature en 2026. Malheureusement, l'article 40 a souvent été dégainé. Mais pourrons-nous opposer une irrecevabilité financière à ceux qui ne se représenteront pas ? Faute de candidats, nous allons avoir des dépenses supplémentaires, et cela de manière certaine : le temps d'élu est celui qui coûte le moins à l'État.

Ce texte propose d'améliorer la situation indemnitaire des élus, mais cela nécessite une augmentation de la dotation particulière relative aux conditions d'exercice des mandats locaux, dite dotation particulière « élu local » (DPEL). Or il y aurait une hypocrisie à augmenter les montants légaux quand nombre de communes n'ont pas les moyens d'assumer cette charge. (Mme Françoise Gatel renchérit.)

La loi de finances pour 2024 a augmenté la DPEL de 15 millions d'euros ; c'est cependant insuffisant. Il faut définir une trajectoire d'évolution sur plusieurs années.

L'indemnité ne fait pas tout : il faut aussi mieux prendre en compte l'engagement dans le calcul des retraites. Le RDPI y est favorable, comme à la prise en charge des frais de transport et de garde d'enfant.

Les mesures visant à mieux concilier mandat et vie professionnelle sont bienvenues, mais reconnaissons que nous sommes en panne pour mieux accompagner les chefs d'entreprise, commerçants, artisans ou autoentrepreneurs. (Mme Françoise Gatel le concède.)

Les dispositions sur le congé maternité, paternité ou d'adoption sont à saluer, comme sur le retour à une activité professionnelle. L'évidence entre enfin dans le droit.

Les enjeux liés à la fin de mandat sont fondamentaux, d'où l'importance de la VAE. Il y a déjà beaucoup à faire dans la fonction publique d'État, où le Gouvernement peut agir par circulaire. Un élu local, en détachement ou disponibilité pendant son mandat, se retrouve souvent, à son retour dans l'administration, à son niveau fonctionnel antérieur. Le Gouvernement pourrait demander aux administrations de mieux anticiper le retour de ses agents, en valorisant cet engagement pour l'intérêt général.

Le RDPI votera cette proposition de loi, qui n'épuisera pas le sujet. (Applaudissements sur les travées du RDPI, du RDSE et au banc des commissions)

M. Pierre-Alain Roiron .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Ce texte élaboré dans des circonstances exceptionnelles veut remédier à une crise de la représentation. Permettre à quiconque de se porter candidat à une élection est une exigence démocratique.

Je salue l'initiative d'Éric Kerrouche et Didier Marie, qui avaient déposé une proposition de loi à ce sujet en juin dernier.

Ce texte est l'opportunité d'améliorer les conditions d'exercice des mandats locaux, et donc de renforcer la démocratie locale. Face au désengagement de l'État de nos territoires, prenons des décisions dans le sens du républicanisme décentralisé. Depuis 2020, plus de 4 % des maires ont renoncé à leur mandat. En Indre-et-Loire, au premier semestre 2023, 115 élus avaient démissionné : cette crise des vocations menace le coeur même de notre système démocratique.

Cette proposition de loi couvre un large périmètre, du mandat à sa sortie. Je me réjouis de la revalorisation de l'indemnité, qui reconnaît la complexité des missions, mais une augmentation spécifique selon la strate de population aurait été plus pertinente. La suppression de la délibération préalable relative aux indemnités de fonction va dans le sens de la juste reconnaissance de l'engagement local. Idem pour la modification du calcul de l'enveloppe globale.

Sujet sensible depuis de nombreuses années, la bonification de la retraite est bienvenue, mais elle demeure limitée à huit trimestres et aux seuls membres des exécutifs. Or le régime de retraite des élus peut être un obstacle à l'engagement local, car cotiser à l'Ircantec est pénalisant. Nous demandons un rapport sur ce sujet.

Cette revalorisation doit s'accompagner d'un soutien accru dans l'exercice des responsabilités comme dans la conciliation avec la vie personnelle. Les discussions sont allées dans le bon sens, de la prise en charge des frais de transport et de représentation à la formation ou aux absences. Reste qu'en dépit de son titre, ce texte ne va pas assez loin : nous pensons au statut de salarié protégé, proposé par Éric Kerrouche et Didier Marie.

La maire de Poitiers a cessé temporairement d'exercer ses fonctions pour bénéficier de son congé maternité, avec à la clé une perte de revenus : ce n'est pas tolérable.

Nous voterons ce texte, non sans la ferme conviction que le travail ne fait que commencer. Ce n'est pas un aboutissement, mais un engagement renouvelé envers nos élus locaux ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. Guy Benarroche applaudit également.)

M. Roger Karoutchi .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Notre groupe, naturellement, votera ce texte qui améliore les indemnités, la capacité à s'engager, la réinsertion post-mandat... Ces éléments sont proposés par différents rapports du Sénat depuis vingt-cinq ans.

Mais il y a autre chose. Madame la ministre, des milliers d'élus ne s'arrêtent pas que parce que leur indemnité est insuffisante. (Marques d'approbation sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Bruno Retailleau.  - Bien sûr !

M. Roger Karoutchi.  - C'est surtout parce que la culture collective n'est plus mise en avant par rapport à l'individualisme. (Mme Françoise Gatel ponctue l'intervention de multiples marques d'assentiment.) Les élus subissent les pressions de concitoyens qui ne voient que leur intérêt propre et refusent l'engagement collectif, le partage.

Certes, les élus parlent de leurs difficultés financières, des problèmes de fin de mandat, mais aussi de leur découragement, quand l'État ne restaure pas la confiance, quand il reprend d'une main ce qu'il semblait donner de l'autre... Les élus ne se sentent pas inutiles - car lorsqu'il y a des drames, des crises, ils sont là - mais très seuls ! Seuls face à leurs concitoyens, sans le soutien des pouvoirs publics.

L'élu se bat sans compter, tous les jours, mais sans être reconnu, sans que l'État lui accorde de l'aide et des moyens. L'État fait des efforts budgétaires : à l'élu d'en faire autant, s'entend-il répondre. Les ressources fiscales ? L'autonomie financière ? C'est du passé, de la nostalgie  - c'est dans les films... (Sourires)

Ce texte est très bon, nous le voterons avec force. Il modifie le statut économique des élus, mais pas le respect qu'ils attendent de l'État. (Mme Françoise Gatel et M. Olivier Paccaud acquiescent.) « À portée de claque », les élus sont le dernier maillon d'une démocratie qu'ils font vivre, dans un pays qui n'y croit plus beaucoup.

Madame la ministre, vous vous êtes engagée à porter ce texte à l'Assemblée nationale. Mais nous attendons aussi le respect de l'État, car, sans élu local, il n'y a plus de démocratie. (Applaudissements)

M. Joshua Hochart .  - Depuis de nombreuses années, maires et élus locaux, colonne vertébrale de la démocratie, sont confrontés à des défis cruciaux. Pourtant, leur engagement demeure peu récompensé. Il appartient à la chambre haute de répondre à l'urgence.

Scrutin après scrutin, une désaffection profonde s'observe, et les élus démissionnent par milliers de mandats devenus trop lourds à porter, trop difficiles à concilier avec la vie familiale. Sans oublier la violence endémique : ils sont trop souvent à portée d'engueulade - quand ce n'est pas pire ! Il y a peu, à Denain, la maire a été menacée d'être enterrée vivante dans un terrain occupé illégalement par des gens du voyage.

Il faut remettre les élus au centre des décisions, leur donner les moyens de lutter. Il y a un manque de reconnaissance financière, d'autant que les maires des plus petites communes ne bénéficient pas des indemnités induites. Il faut les revaloriser puissamment.

L'engagement est devenu un sacerdoce. Avec ses 500 000 élus, dont la majorité ne vivent pas de leur mandat, la France témoigne d'une démocratie locale vibrante. Pourtant, les barrières au recrutement d'un élu local au sein d'une entreprise privée ne manquent pas.

Les sénateurs du RN voteront toutes les mesures de bon sens.

L'État doit aussi mieux reconnaître le rôle des élus locaux chargés de famille ou aidants. Nous serons vigilants, pour améliorer la situation des élus, garants de la bonne santé de la République.

M. Cédric Chevalier .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP ; M. Jean-François Longeot applaudit également.) Parce que ceux qui sont le ciment du vivre ensemble sont découragés, parce que ce dernier rempart de la République se fissure, la démocratie est en danger. Ainsi, 1 500 maires ont démissionné depuis les dernières élections, soit 4 % d'entre eux. Un maire démissionne chaque jour, et 12 648 élus locaux ont jeté l'éponge.

Leur exaspération s'explique par l'empilement des normes, les responsabilités toujours plus accablantes, la hausse des violences, mais pas seulement. Imaginez le mouvement de contestation si les conditions d'exercice actuelles des élus locaux s'appliquaient aux salariés !

Nous avons trois ans, avant les prochaines municipales, pour mettre en oeuvre des outils qui offrent des garanties aux élus en place tout en donnant envie de s'engager, qui tiennent compte des réalités du terrain et de l'évolution de la société.

Reconnaître l'engagement, accompagner, former, concilier mandat et vie privée : ces mesures sont autant de signaux adressés à celles et ceux qui sont les animateurs de nos territoires et les défenseurs de la République. Si beaucoup reste à faire - simplification administrative, santé, cumul - cette proposition de loi s'inscrit dans l'amélioration de l'exercice quotidien et la promotion de l'engagement au sens noble.

L'État doit mieux reconnaître les élus : indemnisation, autonomie financière, rapport avec l'administration... La démocratie a un coût. Le Gouvernement doit y prendre sa part : concerter, cesser le désengagement des services publics, les transferts sans compensation. « Paroles, paroles ». Les élus locaux méritent mieux. (Applaudissements et sourires sur les travées du groupe INDEP ; Mme Élisabeth Doineau applaudit également.)

Nous voterons ce texte, que notre groupe a cosigné. Je remercie son auteure, ses rapporteurs, ainsi que les membres de la délégation aux collectivités territoriales. Merci, pour ceux qui ont oeuvré hier, qui oeuvrent aujourd'hui et qui oeuvreront demain. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur quelques travées du groupe UC)

M. Jean-Michel Arnaud .  - (Applaudissements et acclamations sur les travées du groupe UC) Le maire incarne la République du quotidien. Officier d'état civil et de police judiciaire, il est, surtout, élu du suffrage universel direct, legs de la révolution française. Il faut parfois puiser dans le passé pour penser l'avenir. (Marques d'approbation au banc des commissions) Permettez-moi de citer les articles 4 et 5 du décret du 14 décembre 1789 : « Le chef de tout corps municipal portera le nom de maire. »

Cet héritage révolutionnaire semble malheureusement lointain. Vendredi dernier, je rencontrais encore des élus dans la vallée du Valgaudemar qui témoignaient de conditions de mandat dégradées, voire dégradantes. Les citoyens ont des exigences croissantes, un recours plus fréquent à la violence, verbale ou physique. Les maires de Briançon et Trescléoux ont vu leur véhicule incendié.

S'ajoutent l'inflation normative et la difficile conciliation avec la vie privée. Je pense à deux maires de mon département, qui cogèrent une librairie à Névache : ils n'ont reçu aucune subvention publique, au regard du soupçon de conflit d'intérêts, si destructeur.

Être maire, c'est être de fait l'unique représentant de toute forme d'autorité publique, le seul délégué de tous les services publics. Le réarmement du territoire appelé par le Gouvernement doit se traduire par des moyens humains et financiers. Le duo maire-préfet est toujours aussi essentiel et efficace, on l'a vu lors des récents aléas climatiques : gare à ne pas fragiliser l'empreinte de l'État dans les territoires.

Le législateur doit donc agir pour un vrai statut de l'élu local. Mais le grand projet de loi de décentralisation annoncé par le Président de la République a accouché de la petite souris 3DS, axée sur la déconcentration. Le Sénat, lui, agit. Je rappelle la proposition de loi Buffet adoptée le 10 octobre dernier et les travaux de la délégation aux collectivités territoriales, notamment le rapport du 14 décembre dernier, de Pascal Martin entre autres.

Dans la continuité, nous examinons cette proposition de loi, dont je salue les trois rapporteurs. Ces mesures vont dans le bon sens.

Le régime indemnitaire, d'abord. S'engager pour sa collectivité est un contrat moral avant tout, mais ne doit pas s'apparenter au bénévolat, ni les indemnités de fonction à des indemnités de subsistance.

Améliorer les conditions du mandat, ensuite : il doit être accessible à tous. Je salue la création du statut de l'élu étudiant et la possibilité pour les collectivités de compléter les indemnités journalières lors d'un congé maternité. La commission des lois a retenu mon amendement supprimant l'organisation de formations pour les élus par le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT).

Je regrette que le texte n'aborde pas la situation des élus des Français de l'étranger, trop souvent oubliés. (Mme Olivia Richard applaudit.)

La sécurisation de la sortie de mandat et la revalorisation de la retraite sont bienvenues. Sans ces mesures, les prochaines municipales seront celles du désengagement et des listes incomplètes.

Il faut lutter contre le malaise ressenti par les élus locaux, les accompagner et contrer le désengagement de l'État dans les territoires.

Nous sommes 309 sénateurs à avoir cosigné ce texte, c'est dire la puissance des attentes du terrain. Le Gouvernement doit entendre la force des territoires. Cette proposition de loi n'est pas une première brique, madame la ministre, mais une maison commune à rebâtir. Allons jusqu'au bout : il faut une suite à l'Assemblée nationale et un accord en CMP, pour apporter enfin des réponses concrètes à des élus qui n'en peuvent plus. Le groupe UC soutient avec force ce texte, qui répond à une urgence. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, du RDSE et sur quelques travées du groupe Les Républicains)

M. Guy Benarroche .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) Comme vous, c'est par engagement citoyen que je suis devenu élu municipal, puis élu des élus. Notre pays est souvent présenté comme très politique, mais la crise de l'engagement est révélatrice.

Notre groupe le mentionnait à la remise des travaux du groupe de travail présidé par le président Larcher, déplorant un engagement souvent non indemnisé, difficile à concilier avec la vie personnelle. Nous appelions alors à un statut plus protecteur, à plus de parité et de diversité des profils, entre autres.

Le présent texte va plus loin et rejoint la revendication de longue date des écologistes, d'un statut de l'élu. Il ne suffira pas à sortir de la crise démocratique - il faudrait une vraie redynamisation de la vie citoyenne locale - mais il a été amélioré en commission. Nous avons peu à redire sur ce qu'il contient, mais regrettons ce qu'il ne contient pas.

Ainsi, notre marge de discussion est plus que limitée sur le régime indemnitaire. Le Gouvernement a failli : pourquoi ne pas avoir déposé un projet de loi dûment financé, avec un avis du Conseil d'État ? Limités par l'article 40, nous réclamons que vous preniez vos responsabilités !

Comment parler de formation quand notre seule marge de manoeuvre est d'en supprimer ? Comment faire, si tout aggrave les charges ? Pourtant, il faut améliorer la formation de tous les élus !

Il faut aussi améliorer les possibilités pour les élus de s'absenter pour remplir leurs fonctions, sans que cela pénalise leur engagement. Notre groupe a déposé des amendements en ce sens.

Sur la vie familiale, nos amendements, mis en exergue par la maire écologiste de Poitiers dans une tribune, sont pris en compte par la commission, mais nombre d'entre eux ont été déclarés irrecevables. De même pour les amendements concernant les conseillers d'arrondissements de Paris, Lyon et Marseille.

Nous restons sur notre faim en matière d'accompagnement de l'engagement. La différence est flagrante entre l'implication des retraités, fonctionnaires et salariés, et celle des artisans, commerçants, paysans ou indépendants. (Mme Françoise Gatel le reconnaît.)

S'agissant des prises illégales d'intérêt, nous proposerons de revenir sur la rédaction de l'article 18, trop imprécise.

Le GEST votera ce texte, avec d'autant plus d'enthousiasme que nos amendements, qui le consolideront, seront retenus !

Mme Françoise Gatel, rapporteur.  - Chantage ! (Sourires)

M. Guy Benarroche.  - Le Gouvernement devra financer les mesures indispensables à un statut de l'élu qui favorise l'engagement de toutes et tous pour le bien commun ! (Applaudissements sur les travées du GEST et sur quelques travées du groupe SER)

M. Thierry Cozic .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Après trois décennies à légiférer sur ce sujet, nous avons l'opportunité de créer un vrai statut pour les élus locaux. Tout citoyen doit pouvoir être candidat à une élection politique, quelles que soient ses origines et sa situation. Or concilier un mandat avec la vie personnelle et professionnelle est aujourd'hui particulièrement difficile, notamment pour les femmes et les jeunes.

Face à la hausse des démissions et des actes de violence envers nos élus, il fallait légiférer pour les protéger et enrayer cette perte d'attractivité.

Jean Jaurès le disait en 1905 : « ce qui fait la valeur de l'élu c'est qu'il est au point d'intersection de l'organisation et du suffrage universel ».

Les élus méritent que leur engagement soit reconnu. C'est le sens des trois missions d'information lancées par la délégation aux collectivités territoriales. Avec Agnès Canayer et Gérard Lahellec, j'ai travaillé sur le rapport relatif à la fin de mandat, intitulé « Comment être après avoir été ? ». Cette étape, souvent oubliée, est un angle mort de notre droit. Or les enjeux sont multiples : perte de ressources, régime de retraite, devenir des compétences acquises, réinsertion professionnelle. Cette proposition de loi y répond. Les compétences des élus doivent être valorisées, ce que prévoit l'article 25 sur la VAE. C'est une demande forte des élus.

Je salue les dispositions renforçant le régime de l'ADFM et défendrai des amendements du groupe SER pour aller plus loin, notamment sur l'information systématique par le préfet sur cette allocation méconnue.

La bonification d'un trimestre par mandat au titre de la retraite est une avancée.

Ce texte n'est qu'une première étape. Je rappelle la proposition de loi d'Éric Kerrouche et Didier Marie. Nous accueillons cependant favorablement celle-ci, car elle facilitera la vie de nos élus locaux. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

Mme Françoise Gatel.  - Très bien !

Mme Anne Chain-Larché .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) C'est un jour historique pour les 500 000 élus locaux de notre pays, qui attendent ce débat depuis des années. La loi Defferre de 1982 précisait que des lois ultérieures détermineraient le mode d'élection et le statut des élus. Quarante ans plus tard, la ténacité du Sénat aboutit à un texte ambitieux et transpartisan. Je salue le travail d'orfèvre des rapporteurs.

Ce texte apporte, tout simplement, de la considération pour ces dizaines de milliers d'hommes et de femmes, parents, grands-parents, retraités, qui donnent de leur temps, qui sont d'astreinte, l'été, à Noël ou à Pâques, et qui sont très majoritairement bénévoles. Ils participent au dynamisme économique de notre pays, mais subissent au quotidien les normes, les contraintes, avec une autonomie financière toujours rognée.

Ils sont élus non pour faire carrière, mais car ils ont l'amour de leur territoire et l'intérêt général chevillés au corps. La moindre des choses, c'est que la République reconnaisse et sécurise leur engagement. La revalorisation du régime indemnitaire, même si elle est parfois mal comprise, est pourtant une impérieuse nécessité, car tout travail mérite salaire. (Mme Françoise Gatel renchérit.)

Il faut aussi faciliter les conditions d'exercice du mandat, pour que les élus puissent mieux concilier vie professionnelle et vie familiale.

Enfin, la sortie de mandat est toujours périlleuse, surtout pour les actifs. Il faut mieux accompagner les anciens élus et les aider à valoriser leur expérience.

Ce texte améliorera concrètement la vie d'un demi-million de Français et facilitera la relève.

D'autres difficultés restent à régler, comme le problème du décalage de trois ans entre le recensement et sa prise en compte pour les dotations, qui pénalise les territoires dynamiques.

Avec ce texte, nous envoyons à l'Assemblée nationale un condensé de mesures claires et efficaces. Nous vous invitons, madame la ministre, à vous en inspirer. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Françoise Gatel applaudit également.)

M. Jean-Marc Boyer .  - Avis de tempête sur la démocratie locale : soignons le mal des maires. Le titre du rapport Carrère-Darnaud est criant d'actualité. Si nos maires ont mal, la démocratie va mal.

En première ligne face au climat de défiance qui gagne la société, à portée d'engueulade, les élus locaux méritent que leur engagement soit reconnu à sa juste valeur.

Une juste reconnaissance, c'est l'enjeu de ce texte, qui vise à protéger, accompagner et anticiper. Le maire protège ses concitoyens ; il doit bénéficier lui-même d'un statut protecteur.

L'exercice d'un mandat ne doit pas s'apparenter à du bénévolat. Une augmentation s'impose, supportée par l'État. Trop d'élus refusent de voter leur barème indemnitaire pour ne pas grever le budget communal, déjà exsangue.

La bonification d'un trimestre par mandat complet prévue à l'article 3 est une avancée ; mais nous pourrions aller plus loin, car un mandat représente souvent un mi-temps, voire un temps complet. (Mme Françoise Gatel le confirme.)

Surtout, il faut sanctionner les harceleurs, les agresseurs, les tueurs : la comparution immédiate doit être systématique et briser la solitude des élus.

Une meilleure prise en charge des frais de transport et de représentation est également nécessaire. Les autorisations d'absence doivent être facilitées, et le label « employeur partenaire de la démocratie locale » est une très bonne idée, pour le secteur privé comme pour le secteur public.

Nous devons aussi améliorer la formation, particulièrement pour les maires des communes de moins de 3 500 habitants, et alléger toutes les réglementations normatives.

Cette proposition de loi facilite la conciliation entre mandat et vie personnelle. Il faut faciliter aussi la sortie de mandat en systématisant le bilan de compétences et la certification validant les acquis de l'expérience.

Je félicite tous nos collègues pour leur travail, qui redonnera confiance aux élus. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Jean-Michel Arnaud applaudit également.)

Discussion des articles

Avant l'article 1er

M. le président.  - Amendement n°37 rectifié bis, présenté par M. Uzenat et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Avant l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le Gouvernement remet au Parlement, avant le 1er janvier 2025, un rapport sur l'opportunité de créer, au bénéfice des élus locaux, un statut d'agent civique territorial.

M. Simon Uzenat.  - Nous n'en sommes pas encore à un véritable statut de l'élu. J'ai rencontré 130 élus en deux semaines, pendant dix-sept heures de débats. Tous disent que c'est un deuxième métier, pour la charge mentale, le temps passé, l'énergie consacrée. Les vaches qui divaguent, les disputes conjugales, le service à la cantine : être maire, c'est aussi cela. Certains parlent de surhommes ou de surfemmes...

À peine 1 100 euros d'indemnités alors qu'on travaille 50 heures par semaine et qu'on gère un budget annuel de 2 millions d'euros : désmicardisons, comme dit le Premier ministre, en commençant par les élus !

Tous les concitoyens ont vocation à devenir élus, mais trop d'élus disent : c'était mon premier mandat, et plus jamais. Dans le Morbihan, un élu sur cinq a démissionné depuis 2020.

Il faut donc aller plus loin - c'est le sens du rapport que nous demandons.

Mme Françoise Gatel, rapporteur.  - Vous envisagez une évolution considérable de l'engagement citoyen défini par la Révolution : un espace commun géré par des citoyens bénévoles. Vous visez une autre culture, celle de pays où les maires deviennent des fonctionnaires.

Certes, cela sécuriserait les élus, mais transformerait complètement l'état d'esprit d'un engagement volontaire dans un moment de la vie, à l'instar d'un engagement associatif.

Vous réservez en outre ce statut aux élus des grandes villes. (M. Simon Uzenat le nie.)

Au-delà de notre appétence peu développée pour les demandes de rapport, celui-ci serait totalement inutile ; nous savons tout ce qu'il y a à savoir. Et, si la vie changera peut-être, nous défendons, cultivons et vénérons pour l'heure l'engagement citoyen. Avis défavorable.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - Même avis.

M. Simon Uzenat.  - Nous ne visons pas seulement les grandes villes ; tous les exécutifs locaux seraient concernés.

Certes, il s'agit d'une demande de rapport, mais l'entonnoir constitué par les articles 40 et 45 en fait la seule marge de manoeuvre qui nous reste.

La vie pourrait changer, dites-vous... Mais les choses ont déjà beaucoup changé. Les élus locaux sont souvent les derniers interlocuteurs de proximité, le dernier service public. Qui accepterait de faire ce qu'ils font dans de telles conditions ?

Le Gouvernement aurait-il l'intention de pousser à la fusion des petites communes faute d'élus en 2026 ?

Les exigences des citoyens comme de l'État se professionnalisent : il nous faut professionnaliser le soutien aux élus.

Nous regrettons les avis défavorables et poursuivrons notre réflexion dans ce sens.

L'amendement n°37 rectifié bis n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°90 rectifié, présenté par Mme N. Delattre, MM. Fialaire, Gold, Grosvalet et Guérini, Mme Guillotin, M. Roux et Mme Pantel.

Avant l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans un délai d'un an à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport évaluant l'opportunité et la possibilité de réunir et codifier l'ensemble des dispositions législatives et réglementaires relatives au statut de l'élu.

M. Philippe Grosvalet.  - Cette proposition de loi vise un double objectif légitime : améliorer les conditions d'exercice du mandat en les adaptant à la diversité des profils et sécuriser le parcours des élus.

Mais la promesse d'un statut de l'élu n'est que partiellement tenue. Il restera une dernière marche à franchir, fût-elle haute : réunir et codifier dans un seul texte les règles qui font la spécificité de la fonction élective locale - sans professionnaliser son exercice.

À l'image d'un code de la fonction publique, pourquoi ne pas envisager un code de la fonction élective ? Même si les demandes de rapport ne sont pas bienvenues, nous voulons inciter le Gouvernement à ouvrir une réflexion en ce sens.

Mme Françoise Gatel, rapporteur.  - Avis défavorable à cette demande de rapport, mais nous encourageons le Gouvernement à rédiger un vade-mecum des droits et devoirs des collectivités. Madame la ministre, comptez-vous le faire ?

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - En général, nous ne sommes pas favorables aux rapports. En l'occurrence, nous partageons votre exigence d'accessibilité et de lisibilité. J'ai déjà demandé des travaux pour refondre les dispositions du code général des collectivités territoriales. Avis favorable.

Mme Céline Brulin.  - Cet amendement est intéressant, même si je ne crois pas qu'un rapport soit nécessaire pour engager ce travail. (MmeFrançoise Gatel et Jacqueline Eustache-Brinio le confirment.)

Regrouper les droits et devoirs des élus serait pertinent. Les élus nous le disent : eux-mêmes ne les connaissent pas toujours... Cette codification aurait toute sa place au sein du code général des collectivités territoriales.

Nous ne voulons pas ajouter un soupçon d'indemnité, une reconnaissance corporatiste - je le dis de manière caricaturale. Nous voulons revivifier le rôle des collectivités territoriales, le contrat par lequel des citoyens s'engagent pour faire de la politique au sens noble du terme. La codification permettrait de ressourcer le rôle de ces collectivités, à l'heure où beaucoup d'élus se demandent : à quoi je sers ?

Mme Françoise Gatel, rapporteur.  - Cet amendement demande un rapport, sans date précise. Or, je le répète, nous n'avons pas besoin d'un rapport pour savoir ce qu'il est indispensable de faire. Nous attendons que le Gouvernement s'engage sur un vade-mecum, madame la ministre !

L'amendement n°90 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°262 rectifié ter, présenté par Mme Bourcier, M. Capus, Mme Lermytte, MM. Chasseing, A. Marc et V. Louault, Mme L. Darcos et MM. Brault, Chevalier, Bleunven et Daubet.

Avant l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le Gouvernement remet au Parlement, avant le 31 décembre 2025, un rapport d'évaluation concernant la bonne intégration de la situation spécifique des élus locaux dans les formulaires administratifs et notamment ceux relevant de l'administration fiscale. À défaut de résultats satisfaisants, le rapport explore les pistes d'amélioration. 

Mme Corinne Bourcier.  - Dans leurs relations avec l'administration, notamment fiscale, nombre d'élus ont du mal à renseigner leur situation, faute de catégorie adaptée. Nous demandons au Gouvernement un rapport sur la prise en compte de la situation des élus locaux dans les formulaires administratifs.

Mme Françoise Gatel, rapporteur.  - Je ne doute pas de l'existence de telles situations, mais aucune association d'élus ne s'en est fait l'écho : retrait, sinon avis défavorable. Je vous invite à faire connaître précisément les cas auxquels vous pensez.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - Même avis.

L'amendement n°262 rectifié ter n'est pas adopté.

Article 1er

Mme Olivia Richard .  - Ce texte est immense et je salue le travail des rapporteurs et de la délégation aux collectivités territoriales. Mais une catégorie d'élus en est absente, ce que je regrette vivement : les élus locaux des Français de l'étranger.

Élus au suffrage universel direct, les conseillères et conseillers des Français de l'étranger font vivre la démocratie au-delà de nos frontières. Leur engagement aussi doit être reconnu à sa juste valeur. Droit de permanence, passeport de service, écharpe tricolore, protection, formation : tout est à faire.

Renforcer leurs compétences et leur statut ouvre le champ des possibles. Les élections françaises à l'étranger seraient moins coûteuses s'ils avaient compétence pour tenir un bureau de vote.

Souvenons-nous que, longtemps, le Sénat a été la maison des Français de l'étranger ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. Joshua Hochart applaudit également.)

M. Franck Menonville .  - Cette proposition de loi tombe à point nommé, à deux ans du prochain renouvellement des conseils municipaux. Elle apporte de vraies garanties aux élus et revalorise le mandat local face à la crise de l'engagement. Depuis 2020, un maire démissionne chaque jour, rattrapé par l'insécurité, la difficulté à concilier vies locale, professionnelle et personnelle et le manque de reconnaissance financière.

Ce texte était nécessaire pour assurer la vitalité de la vie démocratique locale en reconnaissant l'engagement des élus à sa juste valeur, en vue notamment de diversifier les profils et de valoriser les compétences.

Je salue le travail des rapporteurs et de la présidente Gatel, en espérant vivement que ce texte prospérera au plus vite à l'Assemblée nationale. Il y a urgence pour les plus de 500 000 élus locaux ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. Marc Laménie applaudit également.)

M. Guillaume Gontard .  - Augmenter les indemnités n'est pas la seule réponse au malaise des élus, mais c'est une nécessité pour que les élus assument leur mandat à égalité.

La prise en charge par l'État est indispensable. Le montant des indemnités ne doit pas être une variable d'ajustement. Certains élus font le choix de renoncer à leur indemnité ou de la baisser pour alléger le budget communal, parce qu'ils le peuvent. Nous proposions de supprimer cette possibilité afin d'assurer l'égalité entre les élus, mais l'article 40 a eu raison de notre amendement - ce dont je m'étonne, car il n'était pas rétroactif.

M. Daniel Fargeot .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Je salue le travail de la délégation aux collectivités territoriales, notamment de Françoise Gatel, et des trois missions d'information.

Un véritable statut suppose de clarifier le régime des indemnités. J'ai sous les yeux le bulletin indemnitaire du maire d'une commune de 5 000 habitants : il a tous les attributs d'un bulletin de paie, jusqu'à l'impôt sur le revenu. Mais les élus ne veulent pas être les salariés indirects de l'État. Les fonctions électives sont exercées à titre gratuit et indemnisées, selon le code général des collectivités territoriales. Pourquoi dans ce cas leur appliquer l'impôt sur le revenu ?

Contourner la question ne fera qu'entretenir le flou. Il faut sérieusement mettre en question l'assujettissement à l'impôt sur le revenu des indemnités correspondant aux mandats directs. Ne sous-estimons pas la clairvoyance de l'opinion, qui aime encore ses élus locaux. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

Mme Hélène Conway-Mouret .  - Cette proposition de loi transpartisane est fondée sur le constat de la solitude des élus locaux. Elle est nécessaire et bienvenue, mais il y manque les conseillers des Français de l'étranger, qui assurent la représentation locale des 3 millions de Français établis hors de France depuis 2013. Leur légitimité s'est affermie, notamment au cours de la crise sanitaire, alors que les consulats étaient fermés.

Ce texte aurait pu faciliter l'exercice de leur mandat. Cependant, mes amendements à ce sujet - protection fonctionnelle, permanence, formation - ont été déclarés irrecevables au titre de l'article 45 de la Constitution. Nous devrons obtenir ces avancées par d'autres moyens.

M. Olivier Paccaud .  - Il est des propositions de loi anecdotiques, mais celle-ci n'en fait pas partie. Elle correspond à une attente et suscite un espoir parmi ceux qui ont répondu à l'appel de Marianne.

Moins de votants et de candidats, plus de démissions : à l'heure du dérèglement démocratique, nous devons encourager les fantassins de la République, qui se mettent au service des autres et de la res publica.

Cette proposition de loi y contribue ; les mesures prévues ne sont pas des gadgets. La première loi esquissant le statut de l'élu remonte à 1884 : elle prévoyait une fonction gratuite. Aujourd'hui, on ne peut plus faire sans les indemnités.

La démocratie est fragile, et notre bouquet tricolore peut faner si nous n'en prenons pas soin. (Mme Françoise Gatel renchérit.) L'élu ne doit pas devenir une espèce en voie de disparition !

M. François Bonhomme .  - Je salue le travail patient et minutieux de nos rapporteurs. L'été dernier, Mathieu Darnaud présentait son rapport d'information sur l'avenir de la commune et du maire. La délégation aux collectivités territoriales a commis trois rapports, dont un sur le régime indemnitaire des élus.

Nous allons au-devant d'une véritable crise des vocations : 6 % des maires ont jeté l'éponge depuis 2020 et, d'après David Lisnard, la cote d'alerte est atteinte.

Le Président de la République, peu avare de formules guerrières, parle d'un réarmement civique : d'accord, mais pas au pistolet à bouchon !

Alors que plus d'un maire sur deux ne se représentera pas en 2026, il est temps d'agir, en commençant par corréler les indemnités au temps passé sur les missions.

M. Guy Benarroche .  - Dans les petites communes notamment, un maire a bien du mal à cumuler ses fonctions et une activité à temps plein. Résultat : 23 % des élus communaux sont retraités, 16 % sont des agents publics et assimilés.

J'appelle le Gouvernement à prendre une mesure simple : augmenter les indemnités des maires obligés de se mettre à temps partiel ou d'abandonner leur activité professionnelle. Si l'on veut attirer d'autres profils, c'est indispensable !

Le régime indemnitaire proposé est notoirement insuffisant. Il faut changer de braquet pour décider les gens à s'investir dans la vie publique.

M. Simon Uzenat .  - L'article 1er prévoit une revalorisation uniforme. On peut le comprendre, mais les emmerdes, si je puis dire, sont inversement proportionnelles à la taille de la commune... Ceux qui ont les indemnités les plus faibles auront aussi la revalorisation la plus faible, en valeur absolue - 100 euros, contre 600 pour les plus grandes collectivités. La proposition de loi Kerrouche-Marie prévoyait un traitement différencié.

M. le président.  - Amendement n°315, présenté par Mme Senée, MM. Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, M. Jadot, Mme de Marco, M. Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Souyris et M. Vogel.

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

.... - Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié : 

1° La première phrase de l'article L. 2123-24-1-1 est ainsi modifiée : 

a) Après le mot : « municipal, », sont insérés les mots : « d'une part » ;

b) Sont ajoutés les mots : « et, d'autre part, au titre de tout autre mandat exercé dans une collectivité territoriale » ;

2° La première phase de l'article L. 5211-12-1 est ainsi modifiée :

a) Après le mot : « conseil, », sont insérés les mots : « d'une part » ; 

b) Sont ajoutés les mots : « et, d'autre part, au titre de tout autre mandat exercé dans une collectivité territoriale » ;

3° La première phrase de l'article L. 3123-19-2-1 est ainsi modifiée : 

a) Après le mot : « départemental, », sont insérés les mots : « d'une part » ;

b) Sont ajoutés les mots : « et, d'autre part, au titre de tout autre mandat exercé dans une collectivité territoriale » ;

4° La première phrase de l'article L. 4135-19-2-1 est ainsi modifiée :

a) Après le mot : « régional, », sont insérés les mots : « d'une part » ;

b) Sont ajoutés les mots : « et, d'autre part, au titre de tout autre mandat exercé dans une collectivité territoriale ».

Mme Ghislaine Senée.  - Nous proposons de simplifier les démarches des élus en matière de déclaration d'indemnités, au moyen d'une déclaration unique, qui facilitera aussi la transparence des informations.

Mme Françoise Gatel, rapporteur.  - Ce texte porte sur les élus des collectivités territoriales ; mais, en effet, nous devons avancer aussi sur les conseillers des Français de l'étranger.

Sur les indemnités, je rappelle à notre collègue morbihannais que les élus des petites communes ont déjà été augmentés de 30 à 40 % par les textes précédents...

Madame Senée, votre amendement est pertinent dans un esprit de simplification : sagesse. (On s'en félicite à gauche.)

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - La loi Engagement et proximité de 2019 prévoit déjà des obligations de transparence sur l'indemnisation des élus. Votre amendement l'explicite. Nous soutenons tout ce qui concourt à la transparence : avis favorable.

M. Daniel Fargeot.  - J'avais déposé un amendement, retoqué au titre de l'article 40, regroupant les trois premières strates, pour redonner de l'attractivité aux mandats dans les communes rurales, où la charge est comparable à celle des communes de plus grande taille, faute d'agents communaux. À défaut, je voterai cet article 1er.

L'amendement n°315 est adopté.

L'article 1er, modifié, est adopté.

Après l'article 1er

M. le président.  - Amendement n°14 rectifié, présenté par M. Cabanel, Mme N. Delattre, MM. Guiol et Masset, Mme Pantel, M. Fialaire, Mme Girardin et MM. Gold et Roux.

Après l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À la première phrase du II de l'article L. 2123-20, à la première phrase du premier alinéa de l'article L. 3123-18 et à la première phrase du premier alinéa de l'article L. 4135-18 du code général des collectivités territoriales, les mots : « à une fois et demie le » sont remplacés par le mot : « au ».

M. Henri Cabanel.  - Nous voulons plafonner le cumul des indemnités à hauteur de l'indemnité parlementaire, afin de trouver des ressources pour augmenter les indemnités des maires des communes les plus petites, qui sont encore insuffisantes.

Mme Françoise Gatel, rapporteur.  - Nous y sommes plutôt défavorables, car votre amendement pose la question du cumul horizontal, dont nous reparlerons à l'occasion. Retrait, sinon avis défavorable.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - Même avis.

L'amendement n°14 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°98, présenté par MM. Dantec et Benarroche, Mme Senée, MM. G. Blanc, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, M. Jadot, Mme de Marco, M. Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Souyris et M. Vogel.

I. - Après l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le 1° du I de l'article L. 2334-7 du code général des collectivités territoriales, est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Cette dotation prend en charge toutes les dépenses inhérentes à la fonction d'élu, soit notamment les indemnités, les frais liés à l'exercice du mandat et les formations, à l'exclusion de toute autre dépense. La somme attribuée à ces dépenses de fonctionnement démocratique est fixée annuellement en loi de finances et ne peut être utilisée pour aucune autre dépense. »

II. - La perte de recettes résultant pour les collectivités territoriales du I est compensée, à due concurrence, par une majoration de la dotation globale de fonctionnement.

III. - La perte de recettes résultant pour l'État du paragraphe précédent est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

M. Ronan Dantec.  - Je suis ravi que cet amendement soit passé à travers les mailles du filet des irrecevabilités (Mme Jacqueline Eustache-Brinio s'en amuse), car c'est une des propositions qui a recueilli le plus d'intérêt des élus locaux.

Il s'agit de distinguer, au sein de la DGF, la partie dédiée à l'action publique, de la dotation de fonctionnement démocratique. Nous connaissons tous les débats épineux qui agitent les petites communes lorsqu'il s'agit de choisir entre les indemnités des élus et la réfection de la cantine... Il faut séparer les deux.

À l'inverse, si la loi augmente les indemnités ou les droits à formation des élus, il ne faut pas que cela obère l'action de la collectivité.

Mme Françoise Gatel, rapporteur.  - Voilà un amendement qui ne manque pas de créativité. (Sourires)

Certaines dépenses relèvent de la DPEL et nous souhaitons que le Gouvernement regarde avec bienveillance notre amendement sur l'élargissement de l'éligibilité à la DPEL.

Le groupe transpartisan présidé par Gérard Larcher considère que la DGF est dans une impasse. Avec le ZAN, il faudra financer les collectivités différemment. Prenons au sérieux cette question, comme Éric Woerth s'y est engagé. Retrait, sinon avis défavorable.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - Même avis.

M. Hussein Bourgi.  - Je voterai cet amendement frappé au coin du bon sens. Souvent à l'occasion des élections, les indemnités deviennent un argument politicien : c'est le concours Lépine de qui baissera le plus les indemnités. (Mme Karine Daniel hoche la tête.) Lorsque l'équipe arrive aux responsabilités, elle doit, sous la pression populaire et l'oeil des médias, tenir sa promesse ou se dédire. Il faut dépolitiser cette décision : c'est tout l'intérêt de cet amendement.

Mme Karine Daniel.  - J'espère que l'on peut faire preuve de créativité dans cet hémicycle - les élus avec lesquels nous avons travaillé ces propositions n'en manquent pas. Tout ce qui peut apporter de la transparence à la démocratie locale est utile. C'est le cas de cet amendement, que je voterai.

M. Ronan Dantec.  - Cet amendement vient du terrain. Oui, il faudra réformer la DGF. Mais avec cet amendement, nous enverrons un message très clair sur la distinction entre action publique et fonctionnement démocratique.

M. Guillaume Gontard.  - C'est un amendement essentiel. Des élus font en effet le choix de renoncer à leur indemnité ou de la réduire, ce que nous ne pouvons accepter. La créativité de Ronan Dantec est intéressante pour sécuriser les indemnités.

Madame la ministre, j'aimerais connaître votre avis sur la question. Les indemnités font l'objet de jeux politiques, mais tous les élus n'ont pas la possibilité d'y renoncer : cela pose un vrai problème démocratique.

Votons cet amendement !

Mme Cécile Cukierman.  - Tout amendement est perfectible, mais celui-ci me semble de bon sens. J'aurais été bien plus radicale, car notre démocratie est malade : pourquoi les élus devraient-ils fixer leurs propres indemnités ? Depuis quand la reconnaissance de l'engagement des élus locaux doit-elle se monnayer ?

C'est la première délibération qu'ils doivent prendre. Il faut qu'elle soit automatique, sans besoin de renégocier tous les six ans, car sinon les populistes s'en donnent à coeur joie !

Prenez cet exemple : le maire d'une commune rurale, retraité, a ainsi renoncé à ses indemnités pour privilégier l'investissement ; son premier adjoint a pris la suite, mais il a 45 ans, des enfants, et demande à toucher son indemnité... Cela crée un petit débat local. (Applaudissements des travées du groupe CRCE-K jusqu'aux travées du groupe UC)

M. Michel Canévet.  - Oui, il y a une culpabilisation liée aux indemnités dans les toutes petites communes. Je voterai cet amendement, qui fait avancer les choses. (Applaudissements sur quelques travées du groupe UC et du GEST ; Mme Karine Daniel applaudit également.)

M. Alain Joyandet.  - Le sujet est important, surtout dans les départements ruraux : il y a du vécu dans les prises de parole... Nous ne trouverons pas de solution simple, d'où mon amendement suivant qui vise à ce que l'État prenne en charge ces indemnités sur le fondement d'un barème. Le maire représente l'État dans sa commune : ce serait la solution la plus simple et il n'y aurait plus de débat. Article 40 oblige, nous demandons un rapport. Le coût net peut être nul.

Nous parlons de reconnaissance : un maire rémunéré par l'État, voilà qui mérite d'être étudié.

M. Jean-Marie Mizzon.  - Je ne sais pas si cet amendement est créatif, mais il est pertinent.

Mme Françoise Gatel, rapporteur.  - Mais non !

M. Jean-Marie Mizzon.  - À chaque début de mandat, on assiste à des torrents de démagogie et de surenchère et les maires se retrouvent dans des situations malsaines, où ils sont la variable d'ajustement.

Cet amendement coupera court à ces débats démagogiques : je le voterai. (Applaudissements sur quelques travées du groupe UC)

Mme Françoise Gatel, rapporteur.  - Je vous sens impatients d'examiner l'article 2, dont nous anticipons le débat...

Ce que vous dites est vrai, la presse en fait ses choux gras, mais la dotation forfaitaire ne peut être affectée.

En outre, à l'article 2, nous répondons à vos souhaits : il n'y aura plus de débat, en conseil municipal, sur l'indemnité des élus. (M. Ronan Dantec le réfute.) Si, cher collègue ! L'indemnité des maires et des adjoints sera fixée comme avec un barème, sans discussion. Libre au maire de répartir ensuite l'enveloppe avec les conseillers délégués. En complément, nous demandons au Gouvernement d'élargir l'éligibilité à la DPEL. Mais cela sera pour demain... je réitère mon avis défavorable à cette mauvaise réponse à une bonne question.

Mme Céline Brulin.  - Nous voterons sans doute massivement l'article 2, mais cet amendement propose autre chose : il sanctuarise le budget dévolu aux indemnités pour que les élus ne soient mis face au dilemme lié aux difficultés financières des communes. Les arguments populistes de tout poil ne prendraient pas, alors qu'aujourd'hui, en début de mandat, les habitants ou leurs adversaires appellent les maires à réduire leurs indemnités... Ces sommes doivent revenir aux élus, sans mise en balance avec d'autres projets. (M. Olivier Rietmann s'exclame.)

À la demande du groupe Les Républicains, l'amendement n°98 est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°142 :

Nombre de votants 296
Nombre de suffrages exprimés 280
Pour l'adoption 110
Contre 170

L'amendement n°98 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°119 rectifié bis, présenté par M. Joyandet, Mmes Belrhiti, Muller-Bronn et Bellurot, MM. Piednoir et Courtial, Mmes Lopez et Imbert, MM. Houpert et Michallet, Mmes Nédélec et Gruny, MM. Paccaud, Reichardt, Panunzi et Cadec, Mmes Petrus et Puissat, MM. Duplomb, J.M. Boyer, Tabarot et Reynaud et Mme Bonfanti-Dossat.

Après l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport étudiant la faisabilité, pour l'État, d'indemniser directement les maires sur son budget.

M. Alain Joyandet.  - Défendu.

Mme Françoise Gatel, rapporteur.  - Alors, voilà la note : remplacer les élus par des fonctionnaires coûterait 3,4 milliards d'euros, soit 2,3 fois plus qu'aujourd'hui. Retrait ?

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - Même avis.

L'amendement n°119 rectifié bis est retiré.

M. le président.  - Il reste 240 amendements à examiner sur ce texte.

Prochaine séance aujourd'hui, mercredi 6 mars 2024, à 15 heures.

La séance est levée à minuit quarante.

Pour le Directeur des Comptes rendus du Sénat,

Rosalie Delpech

Chef de publication

Ordre du jour du mercredi 6 mars 2024

Séance publique

À 15 heures, à 16 h 30 et le soir

Présidence : M. Gérard Larcher, président, Mme Sylvie Robert, vice-présidente, M. Dominique Théophile, vice-président

Secrétaires : M. François Bonhomme, Mme Nicole Bonnefoy.

1. Questions d'actualité

2. Débat sur le thème : « Équité et transparence de Parcoursup à la frontière du lycée et de l'enseignement supérieur » (demande du groupe CRCE-K)

3. Débat sur le thème : « Enseignement privé sous contrat : quelles modalités de contrôle de l'État et quelle équité des moyens vis-à-vis de l'enseignement public ? » (demande du groupe SER)

4. Suite de la proposition de loi portant création d'un statut de l'élu local, présentée par Mme Françoise Gatel, MM. Mathieu Darnaud, François-Noël Buffet, Bruno Retailleau, Hervé Marseille, Patrick Kanner, François Patriat, Mme Cécile Cukierman, M. Claude Malhuret, Mme Maryse Carrère et plusieurs de leurs collègues (texte de la commission, n°367, 2023-2024) (demande de la commission des lois et de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation)