Disponible au format PDF Acrobat


Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Questions d'actualité

Situation de l'agriculture française

M. François Patriat

M. Gabriel Attal, Premier ministre

Guerre en Ukraine

Mme Vanina Paoli-Gagin

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué chargé de l'Europe

Économies budgétaires (I)

M. Christian Bilhac

M. Thomas Cazenave, ministre délégué chargé des comptes publics

Crise agricole (I)

Mme Karine Daniel

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire

Crise agricole (II)

M. Gérard Lahellec

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire

Troupes au sol en Ukraine ? (I)

M. Loïc Hervé

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué chargé de l'Europe

Cure d'austérité budgétaire

Mme Ghislaine Senée

M. Thomas Cazenave, ministre délégué chargé des comptes publics

Troupes au sol en Ukraine ? (II)

M. Cédric Perrin

M. Gabriel Attal, Premier ministre

Économies budgétaires (II)

M. Jean-François Husson

M. Gabriel Attal, Premier ministre

Crise agricole (III)

M. Jean-Claude Tissot

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire

Prix plancher pour les agriculteurs

Mme Sophie Primas

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire

Tourisme de montagne

M. Jean-Michel Arnaud

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des entreprises, du tourisme et de la consommation

Coupes budgétaires pour l'éducation nationale

M. Jacques Grosperrin

Mme Nicole Belloubet, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse

Économies budgétaires (III)

M. Thierry Cozic

M. Thomas Cazenave, ministre délégué chargé des comptes publics

Finances des départements

Mme Pauline Martin

M. Thomas Cazenave, ministre délégué chargé des comptes publics

Zonage France ruralités revitalisation (FRR)

M. Jean-François Longeot

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité

Liberté de recourir à l'interruption volontaire de grossesse

Discussion générale

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Mme Agnès Canayer, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale

Question préalable

M. Stéphane Ravier

Discussion générale (Suite)

M. Christopher Szczurek

M. Daniel Chasseing

Mme Dominique Vérien

Mme Mélanie Vogel

M. Ian Brossat

Mme Nathalie Delattre

M. Xavier Iacovelli

Mme Laurence Rossignol

M. Philippe Bas

M. Loïc Hervé

Mme Marie-Pierre de La Gontrie

Mme Muriel Jourda

Mme Elsa Schalck

Discussion des articles

Avant l'article unique

Article unique

Mme Marie-Pierre Monier

Mme Anne Souyris

Mme Evelyne Corbière Naminzo

Mme Patricia Schillinger

M. Patrick Kanner

M. Yan Chantrel

M. Thomas Dossus

M. Guillaume Gontard

Mme Sylvie Robert

Mme Mathilde Ollivier

Mme Françoise Gatel

Vote sur l'article unique

M. Alain Duffourg

Mme Annick Billon

M. Stéphane Ravier

Mme Agnès Canayer

Mme Laurence Rossignol

Mme Cécile Cukierman

Mme Mélanie Vogel

Mme Marie Mercier

Mise au point au sujet d'un vote

Modification de l'ordre du jour

Missions d'information (Nominations)

CMP (Nominations)

Organisme extra-parlementaire (Nomination)

Conventions internationales (Procédure simplifiée)

Rénovation de l'habitat dégradé (Procédure accélérée - Suite)

Discussion des articles (Suite)

Après l'article 9 ter

Article 9 quinquies

Article 10

Article 11

Article 13 bis (Supprimé)

Article 14

Article 14 bis

Article 15

Article 15 bis

Après l'article 17

Vote sur l'ensemble

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente de la commission des affaires économiques

M. Bernard Buis

Mme Antoinette Guhl

Mme Viviane Artigalas

M. Stéphane Fouassin

Mme Marianne Margaté

M. Thani Mohamed Soilihi

Mme Amel Gacquerre, rapporteure de la commission des affaires économiques

Ordre du jour du mardi 5 mars 2024




SÉANCE

du mercredi 28 février 2024

66e séance de la session ordinaire 2023-2024

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaire : Mme Marie-Pierre Richer.

La séance est ouverte à 15 heures.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Questions d'actualité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.

Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet. Chacun sera attentif au respect des uns et des autres et au temps de parole.

Situation de l'agriculture française

M. François Patriat .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées du RDSE) Le mécontentement du monde agricole vient de loin. Plusieurs manifestations se sont déroulées dans le pays, rarement avec de la violence, heureusement. Elles traduisent un sentiment d'exaspération et de découragement.

Charges, revenus, hyperadministration, surtransposition : les causes sont multiples.

Vous y avez répondu dès le début, monsieur le Premier ministre, en Occitanie notamment. Certaines solutions ont été mises en oeuvre immédiatement, comme pour le gazole non routier (GNR), le plan Écophyto, ou d'autres mesures de simplification.

Néanmoins, la colère n'est pas retombée. Le monde agricole a exigé un tempo plus rapide et des réponses plus claires.

Au Salon de l'agriculture, marqué par des violences et des excès inadmissibles à l'instigation de certains syndicats et de certains politiques, le Président de la République a apporté des réponses. (Marques d'ironie à droite)

Hier, monsieur le Premier ministre, vous avez également apporté des éléments. Le ministre de l'agriculture s'est rendu à Bruxelles pour exprimer les exigences françaises sur la future PAC. Hier, le ministre de l'économie et des finances a trouvé un accord avec les banques sur des prêts et des financements. (Marques d'ironie à gauche)

Le futur projet de loi d'orientation agricole sera présenté prochainement en Conseil des ministres.

Quel calendrier, et quelle méthode, pour traduire vos engagements dans les faits ? (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Gabriel Attal, Premier ministre .  - Je me suis rendu en votre compagnie au Salon de l'agriculture pour échanger avec les éleveurs, les pêcheurs... Depuis début janvier, tous soulignent leur malaise et leur détresse, qui durent depuis plusieurs années. Le phénomène touche l'ensemble de l'Europe, les agriculteurs souffrent d'un manque de reconnaissance pour leur travail et d'une accumulation de réglementations. Ils en perdent le sens de leur métier.

Dès le premier jour, je me suis rendu sur le terrain, au contact, chaque semaine : dans le Rhône, en Haute-Garonne, en Indre-et-Loire, dans la Marne et en Charente-Maritime.

J'ai échangé avec les représentants des organisations syndicales agricoles.

Il y a trois semaines, ces derniers ont annoncé la levée des barrages à la suite des 62 engagements pris par mon gouvernement, et qui étaient attendus par les agriculteurs. Sur ces 62 engagements, 80 % sont tenus ou en passe de l'être - des textes sont en cours d'examen au Conseil d'État. Les choses bougent donc au niveau national.

Ma priorité, c'est que les choses bougent aussi localement. Les décisions prises et les progrès constatés au niveau national doivent se ressentir sur le terrain. Le 1er février dernier, nous avons pris un décret très attendu : pour le curage des cours d'eau, nous passons d'une procédure de neuf mois à deux mois et d'une demande d'autorisation à une simple déclaration.

Malgré cette réduction des délais, certains agriculteurs se heurtent toujours à des difficultés.

Premièrement, nous devons agir pour que nos décisions se traduisent dans les faits.

Deuxièmement, nous agissons sur la question du revenu et de la trésorerie, avec des mesures d'urgence pour faire face à la maladie hémorragique épizootique (MHE), par exemple, ou encore avec l'avance du remboursement pour le GNR. En une semaine, le nombre d'exploitations bénéficiant d'aides urgentes de trésorerie a doublé. Une réunion importante a eu lieu avec les banques hier à Bercy.

Nous avancerons aussi sur le chantier Égalim 4. Deux députés sont mobilisés sur ce sujet. Je souhaite qu'un projet de loi soit présenté d'ici à l'été prochain, avec un dispositif plus protecteur.

Les agriculteurs nous le disent : l'eau est un enjeu majeur. (MBruno Retailleau le confirme.) L'usage agricole et alimentaire doit être priorisé. Des projets en attente doivent pouvoir sortir de terre. (Protestations sur quelques travées du GEST) Ce sont des engagements concrets, tangibles, sur lesquels nous allons avancer. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées du RDSE)

Guerre en Ukraine

Mme Vanina Paoli-Gagin .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Dans la polémique lancée il y a quelques jours sur les propos du Président de la République, le cynisme le dispute à l'ironie. Les extrémistes travestis en colombes auraient proposé l'envoi de troupes pour aider la Russie s'ils étaient aujourd'hui au pouvoir. Non seulement l'argent du mage du Kremlin les a financés, mais l'alliance avec la Russie figurait en toutes lettres dans leur programme.

La France n'est pas en guerre -  au sens où nous l'entendions au XXe siècle. Mais elle sait que sa sécurité se joue à l'Est. Laisser gagner Poutine, c'est accepter la défaite de nos valeurs. Notre groupe ne peut s'y résoudre et se réjouit d'un prochain vote du Parlement.

La France n'est pas en guerre, mais elle est touchée par les conséquences du conflit en Ukraine. Via des actions de guerre 4.0, nos adversaires cherchent à saper notre volonté, voire à nous imposer la leur. Il faut contrer les cyberattaques et protéger la liberté de nos concitoyens -  nous ne réussirons pas sans eux. Lucidité, formation et participation des citoyens sont primordiales.

La France doit continuer à soutenir l'Ukraine pour rester souveraine : nous devons assurer les livraisons d'armes et prendre des mesures dans le champ informationnel. Que compte faire le Gouvernement à cet égard ? (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP)

M. Emmanuel Capus.  - Excellent !

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué chargé de l'Europe .  - Depuis deux ans, le régime de Poutine fait pleuvoir le fer et le feu sur les Ukrainiens, dont la bravoure suscite l'admiration. La posture de ce régime s'est durcie sur la ligne de front, mais aussi en Russie avec l'assassinat de Navalny, mort pour la liberté. Elle s'est aussi durcie en Europe et en France, qui sont désormais la cible de vastes campagnes de manipulation et de désinformation.

Poutine veut affaiblir le soutien de l'opinion à l'Ukraine et porter atteinte à notre débat public, clé de voûte de nos démocraties libérales. Nous l'avons vu lors de la dernière élection nationale en Slovaquie avec un hypertrucage -  deepfake en anglais  - impliquant l'un des candidats.

Le 12 janvier dernier, Stéphane Séjourné a révélé l'existence de 193 sites dormants grâce au service de vigilance et de protection contre les ingérences numériques étrangères (Viginum), créé en 2021.

Le 26 février, le Président de la République a convoqué un sommet international à Paris ; les manoeuvres informationnelles étaient à l'ordre du jour de cette réunion. J'ai appelé la Commission européenne à se saisir de ses pouvoirs, issus du règlement sur les services numériques (RSN) : celle-ci doit obtenir de la part des grandes plateformes un engagement ferme...

M. Pascal Savoldelli.  - Ferme...

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué.  - ... afin de faire respecter le silence électoral lors des élections européennes de juin prochain. (Applaudissements sur les travées dRDPI et du groupe INDEP)

Économies budgétaires (I)

M. Christian Bilhac .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Le ministre de l'économie n'est pas là. (« Oh ! » sur les travées)

Il est au Brésil pour le G20. En France, il nous laisse le carnaval budgétaire...

Le RDSE, groupe le plus ancien du Sénat, n'a pas la réputation de compter des extrémistes ou des excités ; il s'appuie sur des valeurs essentielles telles que la défense des principes républicains.

Quoique minoritaires, nous ne nous opposons jamais par principe ni au Gouvernement ni à la majorité sénatoriale.

Toutefois, lors des explications de vote sur le projet de loi de finances pour 2024, j'avais souligné que celui-ci portait le sceau du mépris pour le travail du Sénat. Quelque 150 heures de débat et 3 800 amendements ont été balayés d'un revers de main.

Avec le décret du 22 février annulant près de 10 milliards d'euros de crédits votés en loi de finances, vous brutalisez encore la démocratie : or, dans notre République, il revient au Parlement de voter le budget. (Applaudissements sur quelques travées du groupe SER)

Vous jouez à la limite du hors-jeu avec la loi organique relative aux lois de finances (Lolf) de 2001. Vous annulez des crédits votés il y a à peine deux mois, en oubliant le dicton connu de tous les enfants : « Donner c'est donner, reprendre, c'est voler ».

Ce décret sonne comme un aveu : vos prévisions budgétaires étaient trop optimistes, malgré nos mises en garde. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur quelques travées des groupes SER, INDEP et du GEST)

M. Thomas Cazenave, ministre délégué chargé des comptes publics .  - Rassurez-vous : on ne brutalise pas la démocratie avec un décret d'annulation. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains)

Plusieurs voix à gauche.  - Mais le Parlement, oui !

M. Thomas Cazenave, ministre délégué.  - Pourquoi ? Parce que tel est l'esprit de la Lolf, d'initiative parlementaire, qui a été révisée en 2021 de manière transpartisane : grâce à elle, on peut s'adapter au contexte.

Ne vous en déplaise, le contexte a changé. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Jean-François Husson.  - Il n'a pas changé !

M. Thomas Cazenave, ministre délégué.  - La Commission européenne, l'Allemagne révisent leurs prévisions de croissance, comme les Pays-Bas et l'Irlande. Tous sont touchés par un ralentissement.

Regardez ce qui se passe en Chine, regardez les effets de la guerre en Ukraine : c'est un acte de responsabilité ! (Brouhaha sur toutes les travées à l'exception du RDPI)

Monsieur Bilhac, je vous sais attaché à la nécessité de faire des économies. Je pensais que vous salueriez un acte de responsabilité.

M. Max Brisson.  - Un peu d'humilité ! Quelle arrogance !

M. Thomas Cazenave, ministre délégué.  - Quand on gagne moins, on dépense moins. Nous n'allons pas demander à nos enfants et à nos petits-enfants de payer. Je remercie tous les ministres pour leurs efforts : seul le budget de l'État est concerné, par souci d'exemplarité. J'espère vous avoir rassuré. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. François Patriat.  - Très bien !

Crise agricole (I)

Mme Karine Daniel .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Redonner aux prix leur rôle de marché, tel était le mot d'ordre des réformes de la PAC de 1992 et 1999. Trente ans après, les prix garantis ont disparu. Les aides directes étaient initialement versées pour compenser les baisses de prix. Or au fil des réformes, elles sont désormais plus liées à la surface des exploitations qu'à l'évolution des prix.

Acculé par la mobilisation des agricultrices et des agriculteurs, le Président de la République a reconsidéré la question et propose désormais un prix plancher. Mais un prix plancher national renforcerait mécaniquement les importations venues du reste de l'Europe et des pays tiers. Ce prix garanti doit donc être défini à l'échelle européenne. Comment comptez-vous négocier ? Sur quels critères, pour quelles productions et selon quel calendrier ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur plusieurs travées du GEST)

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire .  - L'annonce récente du Président de la République s'inscrit dans le travail mené depuis sept ans pour améliorer le revenu des agriculteurs et faire en sorte que ceux-ci soient rémunérés de manière juste pour leur travail. Tel est l'objet des lois Égalim, construites sur la base des États généraux de l'alimentation. Les filières se sont mises autour de la table pour présenter des propositions.

Ces lois ont conduit à des progrès : elles ont amélioré le revenu des agriculteurs et promu la contractualisation.

Toutefois, cela ne va pas assez loin - c'est le sens du propos du Président de la République. Après Égalim 1, Égalim 2...

Plusieurs voix sur les travées du groupe SER.  - Égalim 5 !

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée.  - ... nous envisageons d'aller un cran plus loin : construire les prix à partir des indicateurs de référence. Il faut mieux structurer les filières, notamment celles, comme la filière viande, qui ne parviennent pas à contractualiser. Ainsi, la filière lait a structuré 90 % des volumes sous contrat. Il faut plus de contrats tripartites. Certains d'entre eux sont construits avec la grande distribution, mais cela reste encore trop minoritaire.

Nous allons agir avec les agriculteurs. Nous avons confié une mission de quatre mois à deux députés : ils formuleront des propositions qui déboucheront ensuite sur un projet de loi. (Applaudissements sur quelques travées du RDPI)

Mme Karine Daniel.  - Nous pouvons faire Égalim 1, 2, 3, 4, 5, 6... Mais tant que nous raisonnerons au niveau français dans un marché européen, ce sera inefficace ! On parle de réguler les prix, mais il faudra aussi aborder la question de la régulation des quantités.

La bonne échelle d'intervention reste l'échelle européenne. Nous devons avoir ce débat avec les agriculteurs mobilisés sur le terrain, à l'occasion des élections européennes. Nous serons au rendez-vous pour débattre de ces sujets, notamment les enjeux de régulation. (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. Éric Bocquet applaudit également.)

Crise agricole (II)

M. Gérard Lahellec .  - (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K) Les passions populaires suscitées chaque année par le Salon de l'agriculture ne doivent pas faire oublier la crise structurelle que connaît l'agriculture.

En 1946, il y avait 6 millions de paysans ; il ne reste plus que 400 000 exploitations. La moitié des agricultrices et des agriculteurs partira en retraite d'ici dix ans.

Chaque jour, deux paysans se suicident alors que les grands actionnaires de l'industrie agroalimentaire captent la moitié de la valeur ajoutée. Malgré les lois Égalim, cette dernière est donc allée plutôt vers l'aval, c'est-à-dire vers la distribution, plutôt que vers la ferme. Ce système crée une pression permanente sur les prix à la production. Dans les Côtes-d'Armor, la production de lait a chuté de 10 millions de litres en un an. Les grands groupes industriels opèrent un véritable chantage, menaçant de ne pas collecter le lait de ceux qui n'acceptent pas les prix qu'ils imposent.

Monsieur le ministre, le Gouvernement est-il disposé à créer un dispositif de type coefficient multiplicateur et prix plancher et à soutenir les expérimentations en cours, notamment avec les collectivités territoriales ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K)

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire .  - Vous posez la question du revenu et relayez la colère légitime des agriculteurs : il nous faut y répondre. Ils consacrent leur vie à nous nourrir : ces efforts doivent être justement rémunérés.

A-t-on fait des progrès depuis les lois Égalim ? Oui. Grâce aux instruments créés, le médiateur aux relations agricoles suit les conflits entre les producteurs et les industriels. Un comité de règlement des conflits a été créé.

Nous avons confié une mission aux députés Alexis Izard et Anne-Laure Babault, qui remettront leurs conclusions dans quatre mois. Ainsi, nous pourrons définir le prix des contrats en marche avant ; nous pousserons les filières à mieux s'organiser ; et nous avons demandé la mise en place d'un Égalim européen pour améliorer la protection de nos agriculteurs et renforcer nos contrôles.

Troupes au sol en Ukraine ? (I)

M. Loïc Hervé .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Il est 23 heures lundi soir quand, à la sortie de la conférence sur l'aide à l'Ukraine, le chef de l'État déclare que l'envoi de troupes occidentales au sol ne doit pas être exclu.

M. Guillaume Chevrollier.  - Quelle ânerie !

M. Loïc Hervé.  - Les Français découvrent un changement total de notre stratégie. Cette déclaration est d'autant plus incompréhensible qu'elle remet en cause la cohérence de la position française. Que signifie cette initiative dont nos alliés au sein de l'Otan se sont aussitôt désolidarisés ?

Cette orientation n'a été ni préparée ni concertée avec le Parlement.

En vertu de notre Constitution, la guerre ne peut être déclarée que sur autorisation du Parlement.

M. Emmanuel Capus.  - Il ne s'agit pas de guerre !

M. Loïc Hervé.  - Certes, nous allons débattre prochainement, mais de l'accord bilatéral de sécurité avec l'Ukraine, et après coup.

M. Emmanuel Capus.  - Quel coup ?

M. Loïc Hervé.  - Les enjeux sont trop grands pour laisser le champ libre à de telles improvisations, surtout au vu des déclarations de Donald Trump. Vous prenez le risque de fragiliser notre camp.

Monsieur le Premier ministre, quels engagements prenez-vous pour respecter l'ordre constitutionnel et défendre notre intérêt le plus fondamental : la paix ? (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains ainsi que sur quelques travées des groupes SER et CRCE-K)

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué chargé de l'Europe .  - (Marques de déception à droite) Le combat des Ukrainiens est aussi le nôtre ; ils se battent aussi pour la sécurité de l'Union européenne et de la France. Les dictateurs ne prennent pas de vacances. Si l'Ukraine tombait, la ligne de front se déplacerait vers l'Ouest. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur plusieurs travées du groupe UC ; M. Xavier Iacovelli applaudit également.)

M. Emmanuel Capus.  - Exact !

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué.  - Quand la maison du voisin brûle et que l'incendie menace de se propager, on se lève et on agit.

Raymond Aron disait, en 1939 : « Je crois à la victoire finale des démocraties, mais à une condition, c'est qu'elles le veuillent » (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Marie-Arlette Carlotti.  - Envoyez des armes !

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué.  - Le Président de la République a déclaré lundi que nous devions explorer le champ des possibles, sans rien exclure.

Une voix à droite.  - Vous êtes bien seuls !

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué.  - Ce serait une faute grave, une menace pour notre sécurité, de refuser de débattre de toutes les options qui se présentent à nous. (Exclamations à droite)

Oui, il faut que les Français soient éclairés et associés. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées des groupes UC et SER) C'est pourquoi le Président de la République a déclaré qu'un débat se tiendrait devant le Parlement au titre de l'article 50-1. (Applaudissements sur les travées du RDPI et du groupe INDEP ; M. Jean-Michel Arnaud applaudit également.)

Cure d'austérité budgétaire

Mme Ghislaine Senée .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) Par décret la semaine dernière, vous avez décidé une cure d'austérité de 10 milliards d'euros, reconnaissant par là même l'insincérité du projet de loi de finances pour 2024. Depuis sept ans, vous voulez faire croire aux Français qu'il est possible de réduire à la fois les recettes et les dépenses publiques, mais moins plus moins ne fera jamais plus.

Au lieu de protéger, vous creusez les inégalités et précarisez, encore et toujours, les plus fragiles. Moins 1,7 milliard d'euros pour l'éducation, ce sont des professeurs, des AESH, des infirmières scolaires qu'on ne pourra recruter. Moins 2,1 milliards pour l'écologie, ce sont des passoires énergétiques non rénovées. Moins 1,1 milliard pour l'emploi et la formation, ce sont des demandeurs d'emploi sans solution.

Pourtant, l'argent est là : niches fiscales et sociales, baisses d'impôts et de cotisations, aides directes. L'argent pleut chaque année un peu plus sur les plus riches - sans effet sur les indicateurs économiques.

Quand abandonnerez-vous le dogme absurde de moins de fiscalité pour les plus aisés ? Quand cesserez-vous de mentir aux Français en prétextant une conjoncture défavorable que vous étiez le seul à ne pas voir venir ? Quand allez-vous enfin anticiper et investir pour l'avenir ? (Applaudissements sur les travées du GEST et sur plusieurs travées du groupe SER ; Mme Silvana Silvani applaudit également.)

M. Thomas Cazenave, ministre délégué chargé des comptes publics .  - Il ne s'agit pas d'une cure d'austérité. (Marques d'ironie à gauche) L'austérité, c'est la baisse des salaires, des retraites, l'augmentation des impôts, la fermeture des services publics... (Marques d'ironie renouvelées à gauche.)

Nous demandons un effort collectif, mais cet effort est ciblé sur l'État, par souci d'exemplarité, pas sur les collectivités territoriales. (Applaudissements sur quelques travées du RDPI ; M. Jean-François Husson s'exclame.)

M. Hussein Bourgi.  - Et le fonds vert ?

M. Thomas Cazenave, ministre délégué.  - Nous aurions renoncé à notre ambition écologique, dites-vous ? Nous avons débattu ici même du budget vert de l'État : 40 milliards d'euros !

M. Thomas Dossus.  - Arrêtez !

M. Thomas Cazenave, ministre délégué.  - En hausse de plus de 8 milliards d'euros ! C'est le budget le plus vert de notre histoire ! (Vive contestation à gauche) Nous investissons comme jamais dans la transition écologique : plus 800 millions d'euros pour MaPrimeRénov', plus que l'an dernier. Sur le ferroviaire, sur la décarbonation de l'industrie, sur les énergies renouvelables, nous dépenserons plus que l'année dernière...

M. Jean-François Husson.  - Allez-y ! Les dépenses !

M. Thomas Cazenave, ministre délégué.  - Face à une situation exceptionnelle de baisse de nos recettes, nous ajustons nos dépenses. L'effort représente 1,5 % de l'ensemble des crédits. On est loin de la cure d'austérité. On ne peut laisser nos finances publiques dériver...

M. Jean-François Husson.  - Ah ! Voilà !

M. Thomas Cazenave, ministre délégué.  - Nous devons montrer aux générations suivantes que nous savons gérer correctement notre budget. (Applaudissements sur plusieurs travées du RDPI)

Mme Ghislaine Senée.  - À force de ne pas débattre, vous n'arrivez plus à convaincre ni la droite ni la gauche de cet hémicycle. Nous savons pertinemment que ce n'est pas un budget vert, que vous dites des mensonges ! Cessez de mentir aux Français ! Rendez-vous en juillet lors du projet de loi de finances rectificative, pour voir qui a raison. (Applaudissements sur les travées du GEST et sur plusieurs travées du groupe SER ; M. Éric Bocquet applaudit également.)

Troupes au sol en Ukraine ? (II)

M. Cédric Perrin .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Lundi, le chef de l'État a tenu des propos qui ont surpris voire inquiété les Français et nos alliés. En juin 2022, il recommandait de ne pas « humilier » la Russie ; aujourd'hui, il dit ne pas exclure l'envoi de troupes au sol. Il a compris que la méthode douce ne fonctionnait pas avec Vladimir Poutine, mais on ne peut improviser sans consulter nos alliés. Ces effets de manche nous isolent en les obligeant à se désolidariser. Il s'agit de la sécurité de l'Europe !

Comment imaginer envoyer des troupes au sol, alors que nous relançons à peine notre effort de défense et que nous ne sommes pas capables de fournir à l'Ukraine les armes et munitions qu'elle réclame ?

M. Pierre Ouzoulias.  - Exact.

M. Cédric Perrin.  - Le Premier ministre polonais Donald Tusk disait : si tous les Européens étaient aussi impliqués dans l'aide à l'Ukraine que la Pologne, il ne serait pas nécessaire de discuter d'autres formes de soutien. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Gabriel Attal, Premier ministre .  - Personne ici ne peut accepter la perspective d'une victoire de la Russie.

M. Mickaël Vallet.  - Si, il y en a quatre, au fond à droite !

M. Gabriel Attal, Premier ministre.  - Derrière l'Ukraine, il y a nous. Si des pays historiquement neutres comme la Suède et la Finlande rejoignent l'Otan, c'est qu'ils se sentent directement menacés. Je vous renvoie également aux déclarations des ministres de la défense allemand et britannique sur les perspectives de conflit en Europe dans les cinq à dix ans.

La guerre que mène la Russie à l'Ukraine est aussi une guerre contre notre modèle, nos valeurs. La Russie veut démontrer que la démocratie serait un état de faiblesse, que l'État de droit serait un état d'indécision. Notre responsabilité est de démontrer l'inverse.

Dès le début du conflit, la France a recherché la paix, d'abord par la diplomatie. Le Président de la République a été jusqu'à Moscou rencontrer Vladimir Poutine pour le convaincre de renoncer à son projet d'agression. Nous avons constaté que les paroles de Poutine ne valent rien, qu'il ne tenait aucun de ses engagements. Depuis lors, nous avons assumé, avec nos partenaires européens, de soutenir l'Ukraine.

Il y a deux ans, beaucoup excluaient des modalités de soutien que nous avons ensuite accordées : nous parlions alors de sacs de couchage et de jumelles, nous envoyons désormais des chars et des missiles. Aujourd'hui, nous sommes unis, en Européens, pour permettre aux Ukrainiens de résister. Au début du conflit, la perspective d'une Europe unie autour de sanctions fermes contre la Russie n'était pas assurée.

La posture de la Russie s'est durcie, dans le cadre du conflit mais aussi à notre égard. Multiplication de fausses informations, tentatives de déstabilisation, notamment au Sahel, cyberattaques, militarisation de l'espace : la Russie est une menace directe et immédiate pour la France.

Dans ce contexte, le Président de la République réunit une coalition internationale. Un consensus se dégage, sur le constat, sur la nécessité d'aller plus loin dans la fourniture de matériel militaire. On demande au Président de la République s'il exclut par principe certaines perspectives. Si l'on se réfère à l'historique que j'ai rappelé, peut-il, en responsabilité, répondre par l'affirmative ? On peut imaginer que des soldats français soient mobilisés sur des actions de formation, de défense sol-air... (On ironise sur les travées du groupe Les Républicains.)

Si nous avions exclu catégoriquement certaines perspectives il y a deux ans, les Ukrainiens n'auraient pas survécu à l'agression russe... (Applaudissements sur les travées du RDPI et du groupe INDEP)

M. Cédric Perrin.  - Le Président de la République a souhaité maintenir l'ambiguïté stratégique, mais il a obtenu l'inverse puisqu'il a poussé nos alliés à annoncer clairement qu'ils étaient tous opposés à une intervention au sol.

Il faut être responsable sur ces questions. La consultation du Parlement s'impose. Plutôt que ces petites phrases, apportons un soutien efficace à l'Ukraine.

Poutine ne comprend que les rapports de force, aussi faut-il fournir le matériel militaire nécessaire aux Ukrainiens. C'est le plus important aujourd'hui. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC)

Économies budgétaires (II)

M. Jean-François Husson .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le 19 février, vous avez envoyé Bruno Le Maire annoncer à la télévision un plan d'économies de 10 milliards d'euros, tournant le dos à la réponse qu'il me faisait ici même le 25 janvier. (M. Rachid Temal ironise.)

Quelles raisons vous ont conduits à cette volte-face ? Quel plan d'action allez-vous mettre en oeuvre ? Comment allez-vous associer le Parlement ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Christian Bilhac applaudit également.)

M. Gabriel Attal, Premier ministre .  - Je réponds au rapporteur général Husson, en souvenir des nuits passées ensemble, (rires) sur le projet de loi de finances, quand j'étais aux comptes publics.

Nous constatons partout en Europe un ralentissement de l'activité économique. L'Allemagne a réactualisé sa prévision de croissance de 1,3 à 0,2 %. Ce ralentissement touche aussi la France, mais moins que ses voisins. En responsabilité, nous avons donc révisé la prévision de croissance de 1,4 à 1 %.

M. Jean-François Husson.  - Cela ne suffira pas !

M. Gabriel Attal, Premier ministre.  - La baisse des recettes due au ralentissement économique aura un impact sur le solde public de 2023. Dès lors, nous devons ajuster nos dépenses. Cela ne fait plaisir à personne, mais nous l'avons fait en responsabilité, en ciblant des politiques publiques identifiées, comme l'aide publique au développement ou encore MaPrimeRénov' - dont le budget continue néanmoins à augmenter massivement. Ceux qui nous font aujourd'hui la leçon sur le budget de la rénovation énergétique étaient loin d'y consacrer autant lorsqu'ils étaient eux-mêmes aux responsabilités ! (Protestations sur les travées du groupe SER)

M. Jean-François Husson.  - Vous les souteniez à l'époque !

M. Gabriel Attal, Premier ministre.  - Nous poursuivons ce travail, en prévision du projet de loi de finances pour 2025. Il nous faut dégager des économies structurelles si nous voulons financer des transitions majeures : réarmement de nos services publics, notamment régaliens, transition écologique, réarmement démographique.

J'assume vouloir avancer sur la réforme de l'assurance chômage, pour réorienter notre modèle social vers l'incitation à l'activité, pour que celui-ci soit moins coûteux et plus efficace. Si nous avions le même taux d'emploi que l'Allemagne, nous n'aurions pas de difficulté à équilibrer nos politiques. Je sais, monsieur le rapporteur général, que vous y travaillerez avec nous dans les prochains mois. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Jean-François Husson.  - En soixante jours, tout n'a pas changé : pas plus la guerre en Ukraine, que la croissance, ou les échanges commerciaux avec la Chine.

Vous avez choisi de doper vos prévisions macroéconomiques - le double, par rapport au consensus des économistes ! - et vous êtes rattrapé par la patrouille, et par votre amateurisme. Non, le Gouvernement ne se serre pas la ceinture : le déficit de l'État était inférieur à 90 milliards d'euros par an avant 2020 ; depuis, il dépasse systématiquement 150 milliards d'euros par an. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Lors de la discussion du PLF, vous dénonciez la brutalité des 7 milliards d'euros d'économies que nous proposions. Vous proposez aujourd'hui 10 milliards - et en même temps, vous lâchez 5 milliards d'euros de dépenses supplémentaires. On n'y comprend plus rien ! Le Gouvernement marche sur la tête, les agriculteurs l'ont bien dit.

Vous vous félicitiez d'augmenter le fonds vert, et vous en réduisez la portée aujourd'hui. Idem pour MaPrimRénov'.

M. le président.  - Veuillez conclure.

M. Jean-François Husson.  - Ne soyons pas oublieux. Vous avez mis en cause, à juste titre, l'inaction des gouvernements de gauche - que vous souteniez à l'époque ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Hervé Maurey applaudit également.)

Crise agricole (III)

M. Jean-Claude Tissot .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Après des semaines de tension dans le monde agricole et des années de frustration liée aux échecs des lois Égalim, le Président de la République semble, à la surprise générale, entendre enfin la principale revendication des paysans : une juste rémunération de leur travail. Mais le flou gouvernemental sur les prix planchers fait craindre que cette annonce, qui pourrait être une bonne idée, ne dépasse pas le stade de la promesse...

Comment remettre du revenu dans nos fermes, en particulier dans les filières et les régions les plus en difficulté ? Le plan de trésorerie d'urgence ne suffira pas à faire pas retomber la pression financière. Quant à une nouvelle loi Égalim, la cinquième du nom, elle n'entrerait pas en vigueur avant la fin de l'année.

En son temps, Jean Glavany, avec les contrats territoriaux d'exploitation (CTE), avait sauvé de nombreuses fermes. En nous en inspirant, réfléchissons à un dispositif adapté aux enjeux actuels, qui tienne compte des réalités des territoires. Les inégalités entre filières et régions, voire entre deux exploitations distantes de quelques kilomètres, poussent à une contractualisation territorialisée et individualisée.

Le groupe socialiste du Sénat demande solennellement une révision du plan stratégique national (PSN) de la PAC, afin de nous donner les moyens d'agir pour une meilleure régulation des prix, une plus juste répartition des aides, un accompagnement renforcé de la transition agroécologique et un soutien aux filières en difficulté.

Pour faire face à la crise, allez-vous engager une telle révision de notre PSN ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées du GEST)

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire .  - Nul ne peut nier que l'agriculture européenne traverse une crise majeure, sous l'effet de la covid, de l'invasion de l'Ukraine par la Russie, de la déstabilisation des marchés organisée par M. Poutine et du dérèglement climatique.

Dans ce contexte, il est naturel que la colère de nos agriculteurs s'exprime haut et fort. Pour reprendre la formule de Clemenceau, la colère gronde, mais elle ne doit pas rester sourde aux appels de l'action. Comment tolérer que ceux qui nous nourrissent ne puissent vivre décemment de leur labeur ?

Le Gouvernement est à l'action pour leur assurer une juste rémunération, les protéger de la concurrence déloyale et simplifier leur vie, pour qu'ils puissent passer plus de temps sur leur exploitation et moins dans leur bureau.

Marc Fesneau et moi-même sommes en permanence sur le terrain, à l'écoute. Nous n'avons pas attendu le Salon de l'agriculture pour agir.

Sous l'égide du Président de la République et du Premier ministre, nous déployons rapidement un plan d'action. Des fonds d'urgence ont d'ores et déjà été mis en place, et les premiers dossiers sont payés depuis mi-février : c'est de l'argent frais qui arrive dans les cours de ferme. Je pense notamment au fonds MHE (maladie hémorragique épizootique) et au fonds viticulture. Nous avons aussi pris une mesure de trésorerie sur le GNR et avons négocié avec le ministre de l'économie des mesures de trésorerie au niveau des banques.

M. Christian Redon-Sarrazy.  - Répondez sur le PSN ! (On renchérit sur plusieurs travées du groupe SER.)

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée.  - De premiers textes de simplification ont été publiés, et nous engageons une réflexion à travers la mission Égalim.

L'avenir de notre modèle agricole passera par le renouvellement des générations : ce défi sera au coeur d'un prochain projet de loi.

M. le président.  - Il faut conclure.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. - Quant au PSN, il vient d'être négocié avec l'ensemble des filières. (Marques d'impatience à droite)

M. le président. - Veuillez conclure !

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. - Il n'y a donc pas de raison de le modifier à ce stade : nous avons un plan d'action adapté à la situation.

Prix plancher pour les agriculteurs

Mme Sophie Primas .  - (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Depuis plusieurs semaines, le Premier ministre et vous-même, madame Pannier-Runacher, tentez de renouer la confiance avec la profession agricole. Et voilà qu'à l'ouverture du Salon de l'agriculture, le Président de la République, survolté et en bras de chemise, annonce, dans un de ces grands numéros de communication qu'il affectionne, - tadam ! - les prix planchers. (Rires et quelques applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Sortie de nulle part et réclamée par personne, comme la présidente Estrosi Sassone et moi-même l'avons vérifié au Salon, cette annonce a laissé sans voix les paysans, les organisations professionnelles et jusqu'à vous-même, qui aviez du mal à cacher votre stupéfaction.

Récemment, votre collègue Olivia Grégoire disait, à juste titre, que les prix planchers rappelaient Cuba ou l'Union soviétique. (On se gausse à droite.) Quant à Marc Fesneau, il qualifiait cette mesure de démagogique...

Les prix planchers relèvent de l'économie administrée : ils n'ont aucun sens dans un marché ouvert. S'ils sont appliqués, ils deviendront des prix plafonds, lamineront notre compétitivité à l'export et entraîneront une surproduction, comme pour le lait dans les années 1980 - la profession s'en souvient.

Les effets d'annonce ne résolvent rien. Et cette méthode jupitérienne empêche de recréer la confiance entre le monde agricole et la parole publique.

Que diable êtes-vous allée faire dans cette galère des prix planchers, auxquels vous-même ne croyez pas ? (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées des groupes UC et INDEP)

M. le président.  - Madame la ministre, nous avons un temps plancher de deux minutes... (Rires)

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire .  - Un temps plafond, si je puis me permettre... Comme temps plancher, je m'en satisferais volontiers !

Depuis plusieurs années, nous oeuvrons à une meilleure rémunération des agriculteurs à travers les lois Égalim. (On ironise sur les travées du groupe Les Républicains.) Nous avons fait évoluer le rapport de force entre agriculteurs, industriels et distributeurs. Reste que le compte n'y est pas - notamment pour les filières fragiles, comme l'élevage bovin.

Le Président de la République a pris la température (On se gausse à droite et sur certaines travées à gauche) et constaté que les lois Égalim n'ont pas tenu toutes leurs promesses. Il nous faut donc remettre l'ouvrage sur le métier et aller un cran plus loin pour faire respecter les règles et sanctionner les tricheurs.

M. Michel Savin.  - Il n'a pas dit cela !

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée.  - Notre objectif est que les prix soient construits en marche avant, c'est-à-dire par des négociations entre agriculteurs et industriels fondées sur des indicateurs de référence, avant le début des négociations entre industriels et distributeurs.

C'est le sens de la mission confiée à deux députés, qui présenteront leurs propositions dans les mois qui viennent.

Non, les prix planchers ne sont pas des prix administrés : ce n'est pas Cuba sans le soleil. (M. Jean-François Husson s'exclame.) Il s'agit de prix établis avec les interprofessions, sur la base d'indicateurs de référence. Mme la ministre Grégoire a eu raison de dénoncer les projets de l'extrême gauche, qui auraient eu les conséquences que vous avez décrites. (M. François Patriat applaudit.)

Mme Sophie Primas.  - Vous n'avez pas vraiment répondu à ma question, mais je n'en suis guère surprise.

Des solutions pour améliorer Égalim, nous vous en avons proposées, et nous continuerons. Mais la question majeure, pour vous, est : comment rétablir la confiance avec les agriculteurs ? Car ils ont compris que vous teniez deux langages : un à Paris, pour le Salon de l'agriculture, et un autre à Bruxelles, où les députés européens Renew votent des mesures de décroissance agricole ! (« Bravo ! » et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; applaudissements sur des travées du groupe UC ; Mme Cécile Cukierman et M. Pierre Barros applaudissent également.)

Tourisme de montagne

M. Jean-Michel Arnaud .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Le dérèglement climatique bouleversera nos modes de vie. Comment accompagner la transformation des territoires de montagne ? C'est l'objet de deux rapports récents.

Le premier résulte de la commande faite par Élisabeth Borne à l'ancien ministre Joël Giraud : intitulé Pour une montagne vivante en 2030, il défend une vision de long terme, avec des investissements favorisant la diversification des activités et la préservation de la démographie. Il expose la manière de conjuguer économie de la montagne, développement durable et maintien de l'activité coeur, autour de la neige.

Le second, récemment publié par la Cour des comptes, porte sur les stations de ski dans le contexte du réchauffement climatique. Il dépeint un secteur sous perfusion, qui serait incapable de s'adapter aux enjeux écologiques. L'analyse des magistrats se fonde sur une grille exclusivement financière et des indicateurs très contestables : aucune prise en compte de l'étendue des domaines, de l'exposition des pistes ou du nombre de communes supports. À croire que leur culture montagnarde se limite à la montagne Sainte-Geneviève, qui culmine à 61 mètres à Paris... (M. Loïc Hervé renchérit.)

Pour laquelle de ces visions le Gouvernement va-t-il opter ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains)

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des entreprises, du tourisme et de la consommation .  - Voilà plusieurs années que le Gouvernement suit de près la situation économique des stations de montagne -  thème du rapport de la Cour des comptes.

Nous soutenons massivement les investissements, notamment à travers le plan Avenir Montagne lancé par Jean Castex pour plus de 330 millions d'euros, au service d'une montagne des quatre saisons. Le ski est au coeur de la montagne : il ne s'agit pas de le remplacer, mais d'accompagner ce que les élus de ces territoires appellent de leurs voeux, c'est-à-dire une montagne qui accueille en toute saison.

Nous accordons des subventions importantes à des projets concrets pour aménager la montagne dans cette perspective. Les taux d'occupation dépassent 50 % en juin dans les Alpes ; ils atteignent à la mi-septembre 60 % dans les Alpes du nord et 58 % dans les Alpes du sud. Il y a aussi la montagne de l'avant-ski et de l'après-ski.

Le Gouvernement s'attache à accompagner ces mutations, sans vision parisienne mais avec lucidité.

Vous avez écrit à Bruno Le Maire le 6 février dernier ; la réponse est en partance.

Nous répondrons aux difficultés conjoncturelles et travaillerons de manière structurelle à l'horizon 2030, dans le sens du rapport Giraud. Je salue l'engagement des collectivités territoriales.

La montagne, ça nous gagne. (M. Mickaël Vallet porte la main à son visage en signe d'accablement.) Mais surtout, elle gagne - des touristes, et en toute saison ! (M. François Patriat et Mme Patricia Schillinger applaudissent.)

M. Jean-Michel Arnaud.  - Merci de l'attention que vous portez à la montagne. Mais je souhaite que le Gouvernement dénonce clairement l'approche de la Cour des comptes, complètement à côté de la plaque.

Nous attendons une nouvelle version du plan d'aménagement de la montagne, qui vise la diversification des activités, mais aussi la consolidation de l'existant. Je pense en particulier à des aménagements qu'il faut terminer, comme sur la montagne de la Meije. C'est aussi de cette façon que l'on respectera les acteurs de la montagne. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

Coupes budgétaires pour l'éducation nationale

M. Jacques Grosperrin .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Les ministres de l'éducation nationale se succèdent à un rythme soutenu, confirmant l'absence de politique éducative du Président de la République.

Quel point commun entre Jean-Michel Blanquer et Pap Ndiaye ? Nous avons vite compris que le second avait à coeur de remettre en cause le travail du premier.

Madame Belloubet, vous succédez à Gabriel Attal, qui avait fait des annonces. Allez-vous à votre tour les remettre en question ?

Êtes-vous, comme lui, favorable au redoublement, à l'aménagement du collège unique, à la généralisation de la tenue scolaire, à l'interdiction de l'abaya et au respect de la laïcité lors des sorties scolaires, à la restauration de l'autorité à l'école ? Ou considérez-vous que ce sont là des fariboles, comme vous l'avez dit jadis ?

Alors que votre prédécesseur a dit et répété que l'éducation nationale était la mère des batailles, comment justifiez-vous la baisse de 700 millions d'euros du budget de l'enseignement scolaire ? Comment comptez-vous enrayer la baisse de niveau de nos petits Français ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Nicole Belloubet, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse .  - Le Président de la République et le Premier ministre ont fixé nos priorités pour l'école : améliorer nos résultats scolaires, c'est-à-dire l'efficacité de notre système éducatif, et assurer le bien-être de nos élèves et de nos enseignants, car un climat de sérénité est indispensable à la réussite éducative.

M. Max Brisson.  - Ce n'est pas la question !

Mme Nicole Belloubet, ministre.  - Vous me posez une série de questions dont certaines m'étonnent.

Suis-je favorable à la laïcité ? Comment pourrais-je vous répondre autrement que par l'affirmative ? La laïcité est indissolublement liée à la République, et je ne vois pas comment nous pourrions ne pas exiger le respect de nos règles communes. Je suis à cet égard d'une fermeté totale.

Suis-je favorable à l'autorité ? Mais je vous le demande : peut-on vivre ensemble sans règles respectées par tous ?

Vais-je poursuivre les orientations fixées par mon anté-prédécesseur, M. le Premier ministre, autour du choc des savoirs ? Évidemment : ces mesures sont indispensables à la réussite de nos élèves. Je veillerai, dans le dialogue avec les personnels, les parents et l'ensemble de la communauté éducative, à les rendre applicables dès la rentrée prochaine.

Quant au budget de l'éducation nationale, il s'élève à 64 milliards d'euros, hors pensions. Les annulations de crédits que nous devons supporter, dans le cadre d'un effort collectif pour notre stabilité financière, représentent moins de 1 % de ce budget. Aucun poste ne sera supprimé et nous maintiendrons nos choix pour la rentrée prochaine. (Applaudissements sur des travées du RDPI)

M. Jacques Grosperrin.  - Il y a mots d'amour et preuves d'amour. Par le passé, vous n'avez pas fait preuve des grandes convictions que vous affirmez aujourd'hui. Certes, la fonction peut vous changer... (Mme Nicole Belloubet marque son incompréhension.) Reste que j'ai un grand doute - comme les professeurs, les parents et tous les Français, qui s'interrogent sur l'avenir de l'école. En matière de laïcité, notamment, nous savons que les actes ne suivront pas vos paroles. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains)

Économies budgétaires (III)

M. Thierry Cozic .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Ma question s'adressait au ministre de l'économie, qui brille une nouvelle fois par son absence...

La semaine dernière, il annonçait 10 milliards d'euros d'économies sur le budget 2024 : c'est inédit et colossal ! Une fois de plus, vous vous détournez du Parlement.

M. Jean-François Husson.  - C'est vrai !

M. Thierry Cozic.  - Nous vous avions pourtant prévenus, sur tous les bancs de cet hémicycle. Mais du Haut Conseil des finances publiques (HCFP) à la Banque de France, vous n'avez écouté personne. Vos prévisions de croissance, 1,4 % puis 1 %, étaient irréalistes, frôlant l'insincérité budgétaire.

L'austérité n'est pas une fatalité, mais un choix politique. En refusant d'augmenter les impôts des plus aisés, vous faites le choix d'une punition collective pour les classes moyennes.

Alors que le quinquennat du Président de la République devait être écologique, l'écologie est, une fois de plus, la variable d'ajustement.

Ce coup de rabot budgétaire est-il vraiment de nature à réarmer notre économie ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur quelques travées du groupe CRCE-K)

M. Thomas Cazenave, ministre délégué chargé des comptes publics .  - Se détourne-t-on du Parlement en ayant recours à un décret d'annulation ? (M. Mickaël Vallet ironise.) La loi organique relative aux lois de finances (Lolf) le permet, et nous y avons déjà eu recours par le passé. Cet ajustement est important, car le ralentissement économique est important ; il est précoce, car ce ralentissement est intervenu en fin d'année dernière.

Nous nous tenons, avec Bruno Le Maire, à la disposition de la commission des finances du Sénat, qui devrait nous auditionner dès la semaine prochaine.

M. Jean-François Husson.  - Vous prenez votre temps !

M. Thomas Cazenave, ministre délégué.  - Vous nous accusez d'insincérité. Le projet de loi de finances a été déposé le 27 septembre dernier, alors que l'OCDE, le FMI et la Commission européenne prévoyaient une croissance française comprise entre 1,2 et 1,4 %.

Votre accusation serait valable si nous étions les seuls à revoir notre prévision de croissance. Or l'Allemagne et la Commission européenne ont également tenu compte du ralentissement économique.

Je maintiens que nos prévisions ont été rigoureuses et qu'il était de notre responsabilité de nous adapter sans délai à la nouvelle donne économique. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Thierry Cozic.  - Vous cherchez à vous dédouaner de votre impéritie. Mais avec les suppressions de postes que vous envisagez dans l'éducation nationale, la justice et la recherche, vous sacrifiez l'avenir du pays sur l'autel des marchés financiers ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST)

Finances des départements

Mme Pauline Martin .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Chefs de file en matière de solidarité et bons élèves jusqu'à présent, les conseils départementaux s'interrogent sur le modèle qu'on leur impose : droits de mutation à titre onéreux (DMTO) en chute libre, leviers fiscaux anéantis, dépenses sociales en augmentation, compensations réduites comme peau de chagrin, normes par légions... Comment maintenir le cap, dans ces conditions ?

Interrogeons-nous : quel est le rapport qualité-prix de nos politiques publiques ? Un élève du secondaire coûte 13 000 dollars en France, contre 11 000 en moyenne dans le reste de l'OCDE, alors que nous régressons dans le classement Pisa.

La suppression de l'allocation de solidarité spécifique (ASS), financée par l'État, va conduire ses bénéficiaires à demander le RSA, financé par les départements. Voilà une nouvelle délégation sans moyens !

Une voix à droite.  - Et voilà !

Mme Pauline Martin.  - Et l'on arrête des projets parce que de petits ponts de bois font de l'ombre à des crapauds...

Ce découragement et ce ras-le-bol rendent nos collectivités solidaires de notre ferme France qui s'enflamme - rien à voir avec l'année olympique.

Allons-nous vers une asphyxie programmée des départements ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Thomas Cazenave, ministre délégué chargé des comptes publics .  - Je partage votre constat sur la situation des départements, qui font face à un effet ciseaux.

M. Jean-François Husson.  - Ah, les ciseaux !

M. Thomas Cazenave, ministre délégué.  - Les dépenses augmentent, tandis que les recettes sont à la peine - moins 20 % en moyenne pour les DMTO. Certains départements sont en difficulté, même si - j'insiste - la situation est très hétérogène.

Des mesures en faveur des départements sont prévues dans le budget 2024 : dans le cadre de la réforme de la taxe d'habitation, les départements bénéficient d'une fraction de TVA, soit 250 millions d'euros supplémentaires ; le fonds de sauvegarde a été porté à 106 millions d'euros ; 150 millions d'euros ont été prévus pour l'autonomie ; le fonds de péréquation des DMTO atteint 245 millions d'euros ; la possibilité pour les départements de s'assurer eux-mêmes permet une mise en réserve de 35 millions d'euros. (Mme Sophie Primas marque son désaccord.)

Nous suivons de près la situation. En avril-mai, nous aurons des données précises - débattons-en à ce moment. Par ailleurs, la semaine prochaine, nous aurons ici même un débat sur cette question.

M. Bruno Belin.  - Bla bla bla...

Mme Pauline Martin.  - Après quarante ans de toujours plus d'État, de lois, de décrets, de circulaires et de paperasse, il faut faire preuve de volonté et de courage ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur quelques travées du groupe CRCE-K)

Zonage France ruralités revitalisation (FRR)

M. Jean-François Longeot .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe INDEP) La réforme des zones de revitalisation rurale (ZRR) est loin de faire l'unanimité dans les territoires. De nombreux élus parlent même déjà d'un fiasco en raison des aberrations et des inégalités !

Comment expliquer qu'une commune de plus de 25 000 habitants soit classée alors qu'une petite commune rurale ne l'est pas ? Des départements entiers comme la Moselle ou le Rhône sortent du classement, comme une partie de la Haute-Loire et du Jura.

Louis-Jean de Nicolaÿ, Didier Mandelli, Rémy Pointereau et moi-même vous avions mise en garde, mais vous êtes passée outre. C'est un grand tort d'avoir raison trop tôt, disait Edgard Faure... Nous n'étions pas devins, mais simplement à l'écoute des territoires, car le dialogue vaut toujours mieux que les tableaux Excel et les algorithmes.

Comment comptez-vous pallier les nombreux effets pervers de cette réforme ? Les préfets pourront-ils rattraper les communes qui n'auraient pas dû sortir du classement ? Envisagez-vous un moratoire ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains ; M. Daniel Chasseing applaudit également.)

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité .  - Collectivement, nous avons consacré beaucoup de temps et d'énergie à cette réforme, qui a abouti à un vote unanime dans cet hémicycle.

Je comprends les inquiétudes de certaines communes qui ne satisfont pas aux critères et ne seront donc plus incluses. Pour la plupart, elles avaient été maintenues artificiellement dans le classement depuis 2015. Leur situation s'est améliorée, c'est une bonne nouvelle.

L'ancien zonage était devenu inéquitable, illisible et peu efficace, car seules 7 % des communes zonées se saisissaient du dispositif.

Le nouveau zonage sera plus juste, au profit des territoires de montagne et en déprise démographique.

Il sera aussi plus efficace, grâce au renforcement des exonérations - je salue le travail de Frédérique Espagnac et Bernard Delcros.

Cette réforme cible 17 700 communes contre 13 500 auparavant, soit deux tiers des communes rurales.

J'entends les inquiétudes des maires dont les communes sortiront du zonage et j'échange avec eux. Le nouveau zonage entrera en vigueur le 1er juillet prochain. Je ne laisserai personne sans solution, mon engagement pour la ruralité est total. (Applaudissements sur quelques travées du RDPI)

M. Jean-François Longeot.  - La réforme est mal engagée. Je vous invite à venir à la rencontre des élus du Doubs, mais pas pour leur expliquer, comme aurait dit Coluche, comment se passer du zonage ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

La séance est suspendue à 16 h 25.

Présidence de Mme Sylvie Vermeillet, vice-présidente

La séance reprend à 16 h 40.

Liberté de recourir à l'interruption volontaire de grossesse

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi constitutionnelle, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à la liberté de recourir à l'interruption volontaire de grossesse (IVG).

Discussion générale

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI) J'ai l'honneur, au nom du Gouvernement de la République, de demander au Sénat l'inscription dans notre Constitution de la liberté des femmes à disposer de leur corps. J'ai l'honneur de venir devant vous, pour la troisième fois en moins d'un an et demi, afin de vous présenter un texte de compromis ambitieux, comprenant les garanties juridiques indispensables. J'espère que cette fois sera la bonne !

Ce projet de loi a été précédé de longs travaux parlementaires. Les votes des deux chambres ont abouti à des versions différentes. Ce texte, très largement adopté à l'Assemblée nationale, arrive désormais devant vous. C'est une proposition de compromis reprenant quasi intégralement la version votée par la chambre haute.

Une loi constitutionnelle, plus que toute autre, doit se concevoir dans une logique de dialogue et de coconstruction. Voter une révision constitutionnelle, ce n'est pas voter la version de l'Assemblée nationale ou rien ; ni celle du Sénat ou rien. C'est faire converger des chambres qui disposent chacune d'un droit de veto. C'est pourquoi j'ai souhaité que le texte parte de la version du Sénat.

Les Français nous regardent et attendent que nous soyons à la hauteur de l'attente populaire, des combats passés et de la vocation universelle de la France.

J'ai toujours eu pour le Sénat et la qualité de ses débats un tropisme assumé... Combien de fois ai-je vu des convergences se dessiner ici malgré les oppositions, à condition que des arguments solides soient développés ? C'est ce que j'entends faire cet après-midi, déterminé à convaincre, mais avant tout respectueux des consciences.

J'en viens à la nécessité de cette réforme, d'abord politique. Plusieurs d'entre vous ne souhaitent pas importer des débats d'outre-Atlantique, mais nul besoin d'aller si loin ! (M. Xavier Iacovelli renchérit.) Les exemples polonais ou hongrois suffisent à nous en convaincre. Sous l'extrême droite, les Polonaises ne pouvaient avorter qu'en cas de viol, d'inceste ou de danger de mort. (Mme Cathy Apourceau-Poly le confirme.) Il a fallu qu'un parti modéré revienne au pouvoir pour qu'enfin l'espoir renaisse. En Hongrie, les femmes qui souhaitent avorter sont forcées d'entendre les battements de coeur du foetus. Voilà ce que nous voulons empêcher.

Si je concède que l'IVG n'est pas immédiatement menacée dans notre pays, je note que ce n'est pas sur Fox News, mais sur une chaîne française qu'on comparait hier les avortements au cancer et au tabac ! (Mme Sylvie Robert renchérit.)

On n'écrit pas la Constitution seulement pour le présent, mais d'abord, et surtout, pour l'avenir.

Mme Marie-Arlette Carlotti.  - Très bien !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Certains affirment que l'IVG ne serait pas menacée. Tant mieux s'ils ont raison ! Mais si l'avenir leur donnait tort, il serait trop tard. Quand le président Chirac a proposé la constitutionnalisation de l'abolition de la peine de mort, celle-ci était-elle menacée ?

M. Philippe Bas.  - Non !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Le président Larcher a dit que la Constitution ne devait pas être un catalogue de droits sociaux et sociétaux...

M. Loïc Hervé.  - Il a raison !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Je respecte son opinion.

M. Stéphane Ravier.  - Encore heureux ! (Sourires)

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Mais le principe d'une Constitution est aussi de réunir l'ensemble des droits fondamentaux, dont les droits sociaux, avec le préambule de 1946. (Applaudissements sur les travées du RDPI et à gauche, ainsi que sur quelques travées du groupe UC) La liberté de recourir à l'IVG n'est pas une liberté comme les autres : une démocratie ne peut maîtriser son destin si les femmes qui y vivent ne peuvent maîtriser le leur.

J'en viens à la nécessité juridique de cette révision. Trois principes sont en débat : la liberté de la femme de recourir à une IVG, la liberté de conscience des médecins et sages-femmes, et le principe de sauvegarde de la dignité de la personne humaine.

Sur ces trois libertés et principes, deux ont déjà valeur constitutionnelle. Le principe de sauvegarde de la dignité de la personne humaine a été expressément consacré comme principe à valeur constitutionnelle par la décision du 27 juillet 1994 du Conseil constitutionnel. La liberté de conscience a été reconnue par le Conseil constitutionnel comme un principe fondamental reconnu par les lois de la République dans sa décision du 27 juin 2001.

Ce n'est pas le cas, en revanche, de la liberté de recourir à l'IVG, qui est simplement rattachée à l'article II de la déclaration de 1789. L'objectif du projet de loi est donc de protéger l'IVG dans la Constitution. En effet, rien n'empêcherait sinon une majorité de contraindre cette liberté des femmes ou, pire, de l'abolir.

Il est donc nécessaire d'agir, mais de manière calibrée, prudente, soupesée. Le Gouvernement n'entend pas étendre cette liberté, mais la conserver ; il n'entend pas créer de droit absolu, sans limite, opposable. Mais il veut éviter qu'une majorité future puisse mettre à mal la liberté des femmes à disposer de leur corps. Pour ce faire, le projet de loi reprend une rédaction très proche, comme je l'ai dit, de celle qu'a adoptée le Sénat il y a un an.

Je l'ai dit devant la délégation aux droits des femmes, dont je salue les membres et la présidente Dominique Vérien (applaudissements sur plusieurs travées du groupe UC ; Mme Mélanie Vogel applaudit également) : le texte est à 95 % celui du Sénat.

Jugez-en : il retient l'emplacement choisi par le Sénat, l'article 34, pertinent pour cette révision constitutionnelle. Il accorde en outre une place centrale à la loi pour déterminer les conditions d'exercice de cette liberté, préservant le rôle du Parlement. Enfin, contrairement au vote initial de l'Assemblée nationale, le Gouvernement s'est rangé au choix du Sénat pour définir le recours à l'IVG comme une liberté.

Un point fait débat : l'usage du mot « garantie ». Je veux vous rassurer, particulièrement Philippe Bas : ce terme ne crée aucunement un droit opposable. Le Gouvernement entend préciser l'intention qui guide la plume du constituant. Le texte modifie l'article 34, article de procédure. Le terme de garantie clarifie le fait que cette révision constitutionnelle, en plus d'attribuer une compétence au législateur, en guide l'exercice dans le sens de la protection de cette liberté.

Le Gouvernement souhaite protéger la liberté de recourir à l'IVG, non l'étendre. Le Conseil d'État confirme dans son avis qu'une inscription en ces termes « ne remet pas en cause les autres droits et libertés que la Constitution garantit, tels que notamment la liberté de conscience qui sous-tend la liberté des médecins et sages-femmes de ne pas pratiquer une IVG ainsi que la liberté d'expression. »

Certains qualifient la « liberté garantie » d'ovni juridique. Je les rassure : l'article 61-1 de la Constitution renvoie déjà aux droits et libertés que la Constitution « garantit ». L'article 13 évoque également la « garantie des droits et libertés ou la vie économique et sociale de la Nation ». Enfin, les articles 72 et 73, chers au Sénat, évoquent des droits constitutionnellement garantis. Le terme n'a donc rien d'incongru.

Le texte est clair, tout comme son intention : une loi qui porterait à huit mois et demi de grossesse le délai pour pratiquer une IVG serait censurée. L'équilibre de la loi Veil sera donc respecté. Ce projet de loi constitutionnelle protège cet équilibre.

Nous ne sommes pas réunis pour voter une mesure nouvelle relevant du périmètre du ministère de la santé. Le Gouvernement n'ignore pas les difficultés concrètes pour accéder à l'IVG, sur certaines parties du territoire, mais il s'agit là d'un autre sujet. (M. Loïc Hervé proteste.)

Le Sénat a déjà approuvé une protection de cette liberté dans la Constitution. Je salue ici l'engagement de Mme Vogel et je remercie tous les sénateurs qui, dans chaque groupe, ont oeuvré pour convaincre leurs collègues que ce texte de compromis n'avait pas d'effet de bord.

Il est toujours trop tard si l'on attend qu'un droit soit menacé pour le protéger ! (Applaudissements sur les travées du RDPI, du RDSE, du GEST, des groupes SER, CRCE-K, ainsi que sur plusieurs travées des groupes INDEP et UC ; M. Bruno Belin et Mme Elsa Schalck applaudissent également.)

Je veux également saluer l'engagement du sénateur Bas, même si je sais que vous préférerez toujours votre version à celle du Gouvernement... (Sourires)

Mais vous savez, en votre for intérieur, que le Gouvernement a largement repris votre proposition, qui avait permis un premier vote historique il y a un an.

Enfin, je salue le travail de la commission et de sa rapporteure, qui ne sont pas opposées au texte et défavorables aux amendements.

Je ne serai jamais le procureur du procès en ringardise que certains intentent contre le Sénat. Je me suis plongé dans le compte rendu des débats de la loi Veil. À l'époque, le Sénat était en avance. Les points de désaccord avec l'Assemblée nationale étaient majeurs : le caractère provisoire de la loi, que le Sénat voulait supprimer, et le remboursement par la sécurité sociale, ajouté au Sénat contre l'avis du Gouvernement. (Applaudissements sur quelques travées du RDPI et du groupe SER.)

Oui, j'en ai la conviction profonde, le Sénat sera aujourd'hui encore au rendez-vous de la liberté, particulièrement la liberté des femmes.

Jean Mézard, rapporteur de la loi Veil, disait que chaque sénateur déciderait en son âme et conscience. Simone Veil lui répondit que chacun déciderait avec humanité.

Ensemble, faisons de la France le premier pays au monde à protéger dans la Constitution la liberté des femmes à disposer de leur corps. (Applaudissements sur les travées du RDPI, du RDSE, du GEST et des groupes SER et CRCE-K, ainsi que sur plusieurs travées des groupes INDEP et UC) Si nous adoptions ensemble ce texte ? Il est grand temps, n'est-il pas vrai ? (Mêmes applaudissements)

Mme Agnès Canayer, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur quelques travées du groupe SER ; M. Loïc Hervé applaudit également.) Nous voici réunis une troisième fois en seize mois pour inscrire l'IVG dans la Constitution. Légalisée par la loi Veil, c'est une liberté fondamentale de la femme.

Cinquante ans après, le débat n'est pas de savoir si nous y sommes favorables : il a été tranché, et cette liberté n'est plus menacée en France. La question est : faut-il l'inscrire à l'article 34 de la Constitution ?

Mme Laurence Rossignol.  - Oui !

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Le législateur n'a cessé de renforcer l'accès à l'IVG : allongement des délais, ouverture aux sages-femmes, remboursement à 100 %. Mais les difficultés subsistent. Ainsi, la commission des affaires sociales a confié au sénateur Alain Milon une mission d'information sur l'accès à l'IVG sur le territoire français.

L'élément déclencheur de nombreuses initiatives de constitutionnalisation vient des États-Unis, et notamment l'arrêt de la Cour suprême Dobbs c. Jackson du 24 juin 2022. Or on ne peut modifier la Constitution en réaction à l'importation d'un débat étranger.

M. Loïc Hervé.  - Très bien !

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Mais nous ne pouvons rester sourds à ce qui se passe à l'étranger.

M. Rachid Temal.  - Ah !

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - L'ensemble des pays de l'Union européenne autorisent l'avortement. Malte et la Pologne fixent des conditions très restrictives (M. le garde des sceaux le confirme), et la Hongrie impose à la femme d'écouter le battement de coeur du foetus.

Aujourd'hui, aucune contestation du droit à l'IVG n'est portée en France : aucun parti, aucun groupe parlementaire ne s'y oppose. Le vote massif et transpartisan à l'Assemblée nationale le prouve. Cependant, les effets juridiques de cette constitutionnalisation seront plus que limités. Le Conseil d'État parle de portée symbolique dans son avis du 7 décembre. Cette liberté ne sera pas sanctuarisée : sa suppression nécessitera certes une révision de la Constitution, mais une telle révision a déjà eu lieu 24 fois.

Depuis 1975, le Conseil constitutionnel a toujours protégé le droit à l'IVG, déclarant le 27 juin 2001 qu'il était une partie de la liberté des femmes. Il dispose d'ores et déjà de tous les outils juridiques pour protéger cette liberté fondamentale et la concilier avec la liberté de conscience des médecins.

La rédaction proposée par le Gouvernement vise une consécration symbolique. Elle inscrit ce droit à l'article 34, comme l'avait fait le Sénat, mais notre Constitution a été conçue comme une règle du jeu institutionnelle, non comme un catalogue de droits. L'énonciation des droits et libertés relève des accessoires à la Constitution. L'inscription à l'article 34 est donc un moindre mal. Le législateur est déjà compétent pour fixer les règles d'application de libertés fondamentales.

La formulation proposée par le Gouvernement reprend - vous l'avez dit - à 95 % celle du Sénat - ou à 105 %, selon Mme Vogel... (Sourires)

Deux différences subsistent. La première, facile à résoudre, est la substitution du terme d'IVG à la formulation « mettre fin à la grossesse ». Le terme d'IVG est essentiel au symbole, car c'est celui de la loi Veil : nous l'acceptons.

La deuxième concerne l'expression de « liberté garantie », certes utilisée à de nombreuses reprises dans les textes constitutionnels, notamment à l'article XVI de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Alors pourquoi ajouter cet adjectif redondant ?

Sera-ce un droit opposable ? Le Conseil constitutionnel censurera-t-il toute loi le limitant ? Vous le savez, il ne se sent lié ni par les débats parlementaires ni par les avis du Conseil d'État.

La commission des lois est favorable à la constitutionnalisation de la liberté de recourir à l'IVG. (Applaudissements sur des travées du GEST et du groupe SER)

Mais aujourd'hui, nous sommes avant tout constituants : nous allons voter des termes qui seront inscrits dans la loi fondamentale. Notre responsabilité est forte.

Proche du texte voté par le Sénat, ce texte est une avancée symbolique. Mais la commission des lois a considéré que des incertitudes rédactionnelles ne sauraient retarder l'adoption d'un texte conforme. (Applaudissements à gauche, ainsi que sur quelques travées du groupe UC, du RDSE et du groupe INDEP ; Mme Elsa Schalck applaudit également.)

Je sais quelles pressions pèsent sur les sénateurs. Que chacun vote donc selon ses propres convictions. (Applaudissements)

Question préalable

Mme la présidente.  - Motion n°4, présentée par M. Ravier.

En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat s'oppose à l'ensemble du projet de loi constitutionnel relatif à la liberté de recourir à l'interruption volontaire de grossesse (n° 299, 2023-2024).

M. Stéphane Ravier .  - (Murmures désapprobateurs à gauche ; huées sur quelques travées du groupe SER) La gauche a raison : en France, la loi Veil est menacée, que ce soit le respect de tout être humain dès le commencement de la vie, à l'article 1er, la clause de conscience ou la liberté d'expression !

Simone Veil, du Panthéon, nous le redit : l'avortement doit rester l'exception, l'ultime recours. (Vives exclamations à gauche)

Vous voulez en faire un droit sans limites. Vous voulez panthéoniser l'avortement, mais dans la Constitution comme au Panthéon, la place est limitée !

Vous devrez toucher à la Constitution avec la prudence de l'architecte qui s'apprête à modifier la clé de voûte de l'édifice national.

M. Yannick Jadot.  - Entre ici, IVG !

M. Stéphane Ravier.  - Vous voulez panthéoniser l'avortement, alors qu'un certain Schoelcher est entré au Panthéon pour avoir aboli l'esclavage. (Protestations à gauche) Mais comme pour les esclaves, réfléchissons à la personnalité juridique pour les vies à naître... (« Ah ! » à gauche)

Tenez-vous à rejoindre le dictateur communiste Tito, le seul à avoir gravé l'avortement dans le marbre de la Constitution ? (Protestations redoublées à gauche) Constituer doit rimer avec « édifier », non avec « avorter » !

M. Yannick Jadot.  - Assumez !

M. Stéphane Ravier.  - Chers collègues de gauche, vous n'avez toujours pas accepté d'en avoir été dépossédés en 1975 par une élue de droite, soutenue par un gouvernement de droite ! (Vives exclamations à gauche)

Mme Cécile Cukierman.  - Vous êtes cinglé !

M. Stéphane Ravier.  - Il n'y a aucune menace sur l'IVG. (Nouvelles protestations à gauche)

Mme Patricia Schillinger.  - Si, vous !

Mme Cécile Cukierman.  - Fasciste, c'est vous la menace !

M. Stéphane Ravier.  - Chers collègues macronistes, vous voulez faire oublier que, du Salon de l'agriculture aux salons de l'Élysée, c'est le désastre permanent. Votre Jupiter de pacotille persiste dans son mépris des institutions, ayant déjà fixé la date du Congrès.

Chers collègues du RN, n'oubliez pas les propos de votre présidente sur la dérive que constituent, je la cite, « les avortements de confort ». De la dédiabolisation au reniement, il n'y a qu'un pas, l'abandon ne mène jamais à la victoire.

Chers collègues du centre et de la droite, ne cédez pas à l'agit-prop et au chantage de la gauche !

Mme la présidente.  - Veuillez conclure. (Le temps de l'orateur étant écoulé, on frappe les pupitres à gauche et sur plusieurs travées du centre ; huées et exclamations sur les mêmes travées.)

M. Stéphane Ravier.  - La gauche instrumentalise la politique américaine ! (Les coups sur les pupitres redoublent ; le tumulte couvre la voix de l'orateur, qui regagne sa place.) Le facho vous salue bien !

Mme Mélanie Vogel.  - Vous avez un seul mérite, monsieur Ravier : votre constance à nous démontrer que nous avons raison de vous donner tort.

M. Stéphane Ravier.  - En m'empêchant de parler !

Mme la présidente.  - Je souhaite que nos débats conservent la sérénité qui est la marque de fabrique de notre assemblée et n'hésiterai pas à faire usage des prérogatives que notre règlement confère à la présidence de séance. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées à gauche)

Mme Mélanie Vogel.  - Chaque mot qui vient d'être prononcé est la preuve que les anti-choix sont toujours là, mais vous êtes minoritaire, monsieur Ravier. C'est pour cela qu'il faut inscrire l'IVG dans la Constitution. (Applaudissements sur les travées du GEST, du groupe SER et sur quelques travées du RDPI)

Le projet de l'extrême droite, c'est celui des néofascistes du monde entier : combattre les droits des femmes conquis de haute lutte. Ce vote, c'est affirmer que la France donne tort à M. Ravier et à ses amis, que la France choisit définitivement son camp, que la République affirme sans tergiverser qu'elle s'oppose à ce projet. Qu'à partir de ce soir, vous aurez toujours le droit de vomir vos abominations (protestations à droite), mais que plus jamais vous ne pourrez mettre en danger les droits des femmes ! (Applaudissements à gauche ; M. Xavier Iacovelli applaudit également.)

Mme Agnès Canayer.  - Le débat doit avoir lieu sur ce sujet fondamental, dans le respect et dans l'échange de convictions. Avis défavorable.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Monsieur Ravier, vous avez été contre-productif : des sénateurs qui se demandent si l'IVG est menacée ont eu une réponse en vous écoutant. (Applaudissements sur plusieurs travées au centre et à gauche)

Mme Catherine Conconne.  - Excellent !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - La patronne de votre ancienne écurie, Mme Le Pen, parlait d'avortements de confort. Vous êtes allé chez M. Zemmour, qui est encore pire. (Sourires à gauche)

Merci pour votre intervention, qui prouve que certains y sont opposés.

Des parlementaires reçoivent encore des foetus en plastique.

Mme Catherine Conconne.  - Exactement !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Les États-Unis sont certes loin, mais pas la Pologne et la Hongrie. Ce texte est historique. Merci, monsieur Ravier, pour l'expression de votre haine. (Applaudissements sur plusieurs travées au centre et à gauche)

Avis défavorable, bien sûr.

Mme Cécile Cukierman.  - Nous ne voterons pas cette motion : le groupe CRCE-K est convaincu que ce texte nous permettra de faire République en affirmant la liberté des femmes à disposer de leur corps. Faire République en consacrant l'égalité entre les femmes et les hommes. Lorsque les femmes disposent librement de leur corps, c'est un point contre la domination des hommes sur les femmes.

Faire République, car au-delà de nos débats, nous sommes convaincus que ce texte permettra de sortir des stigmatisations, des stéréotypes et d'incarner la fraternité.

Au nom de ces trois valeurs, celles de notre République, auxquelles notre groupe, de par son histoire, ses combats...

M. Stéphane Ravier.  - Ceux de Mao ! (Protestations à gauche)

Mme Cécile Cukierman.  - ... et le combat des femmes pour disposer de leur corps, nous ne voterons pas cette motion. (Applaudissements à gauche, ainsi que sur quelques travées du RDPI ; M. Ahmed Laouedj applaudit également.)

Mme Nadège Havet.  - Ce texte est issu d'un compromis. Il nous est demandé de l'adopter dans les mêmes termes pour que le Congrès l'adopte ensuite. Ce sera mille fois oui !

Monsieur le sénateur Ravier, vous êtes le meilleur argument pour son adoption. La Constitution est au coeur de notre pacte social.

Aucun pays n'est à l'abri d'une majorité politique qui mette en danger l'avortement. Je salue toutes celles et tous ceux qui se sont battus pour le protéger, notamment Mme Vogel ; tous ceux et toutes celles qui rendent ce droit effectif.

Monsieur Ravier, la reconquête de nos droits commence maintenant ! (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées des groupes UC, SER et CRCE-K)

La motion n°4 est mise aux voix par scrutin public ordinaire de droit.

Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°133 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 343
Pour l'adoption     1
Contre 342

La question préalable n'est pas adoptée.

(Applaudissements ; M. Stéphane Ravier lève les mains au ciel.)

Discussion générale (Suite)

M. Christopher Szczurek .  - Le débat du jour éveille des considérations politiques, philosophiques et morales, aussi ne tombons pas dans le manichéisme. Nulle position n'est à mépriser, et si la mienne est claire, entendons celle de chacun.

J'entends que la Constitution ne doit pas sanctuariser tous les droits et libertés publiques. Mais la Constitution est ce que le peuple et ses représentants veulent en faire : personne ne remettrait en cause la charte de l'environnement.

Il est vrai de dire qu'aucune formation politique concourant aux élections ne propose une restriction de l'IVG. Mais une menace pèse, celle des revendications politiques et religieuses, comme le péril islamiste et sa conquête sociétale. (« Ah ! » à gauche)

Certains compatriotes ne peuvent plus manifester leur homosexualité dans des quartiers confisqués. Certains, de confession juive, sont menacés. À l'avenir, je crains que des évolutions démographiques conduisent à des accommodements raisonnables, à l'image de ce qui se produit dans les pays anglo-saxons.

De l'autre côté, nous sommes confrontés à un péril des luttes intersectionnelles, qui oublient que le principe des intersections est d'être le théâtre de dramatiques collisions. Non, on ne défend pas la liberté de la femme en important des radicalités conservatrices.

Je ne pense pas que ceux qui s'opposeraient à ce texte aujourd'hui souhaitent une restriction de l'IVG.

À titre personnel, comme la majorité des députés RN à l'Assemblée nationale, je voterai pour ce texte. (MM. Aymeric Durox et Joshua Hochart applaudissent ; MM. Stéphane Ravier s'exclame.)

M. Daniel Chasseing .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Personne ne devrait remettre en cause la liberté des femmes à mettre volontairement fin à leur grossesse.

Si tel est bien le cas en France, cette liberté n'existe pas dans bon nombre de pays et nous observons des reculs. La Cour suprême des États-Unis, en juin 2022, est revenue sur ce droit. Nous comprenons l'émotion suscitée par cette décision. Le groupe INDEP réaffirme son soutien à la liberté d'avorter que nous avons à coeur d'encadrer au mieux.

Le projet de loi, qui inscrira l'IVG dans la Constitution, n'améliorera pourtant en rien l'accès effectif à ce droit. L'IVG figure dans la loi, mais sa protection est supra légale, car le Conseil constitutionnel a considéré que l'IVG est une composante de la liberté des individus. Mais il pourrait modifier sa jurisprudence, comme la Cour suprême américaine. De même, une révision constitutionnelle peut en défaire une autre.

L'IVG ne saurait être une liberté absolue : elle doit être encadrée par la loi.

Nous réaffirmons notre attachement à préserver la clause de conscience des médecins. Elle doit pouvoir coexister avec la liberté des femmes. Mais il ne semble pas nécessaire de l'inscrire dans la Constitution.

Le choix des mots importe. Parler de liberté plutôt que de droit préserve les équilibres actuels.

Nous sommes attachés à la précision selon laquelle l'IVG est une liberté et non pas un droit opposable, mais la formule de « liberté garantie » nous semble superfétatoire, la protection résultant plus de l'inscription même dans la Constitution que dans un adjectif déclaratoire.

La grande majorité des membres du groupe INDEP voteront pour, les autres s'abstiendront. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP)

Mme Dominique Vérien .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Près de cinquante ans après la loi Veil, nous allons écrire un nouveau chapitre dans l'histoire du droit des femmes.

Reste à savoir si l'IVG est menacée. En France, non. Si l'accès à ce droit est perfectible, les Françaises peuvent y recourir librement. Toutefois, j'aimerais pouvoir être confiante pour l'avenir. L'histoire récente a montré que des démocraties libérales même bien établies pouvaient revenir en arrière. Si le pire n'est jamais certain, le meilleur non plus.

Des réseaux militants s'activent pour remettre en cause ce droit. Des plateformes créent des numéros verts se faisant passer pour des organismes publics, pour ensuite dissuader des femmes à renoncer à l'IVG. Ce n'est pas aux États-Unis, c'est en France !

Le planning familial subit des attaques régulières. Ce n'est pas aux États-Unis, c'est en France !

M. Pascal Savoldelli.  - Très bien !

Mme Dominique Vérien.  - L'affaire récente survenue sur la chaîne CNews, qui assimile l'IVG à la première cause de mortalité dans le monde, ce n'est pas aux États-Unis, c'est en France ! (Applaudissements à gauche, sur les travées du RDPI et sur de nombreuses travées du groupe UC)

M. Pierre Ouzoulias.  - Très bien !

Mme Dominique Vérien.  - Les autocollants anti-IVG sur des vélos parisiens, c'est aussi en France. C'est pourquoi il est de notre responsabilité de législateur de protéger le droit à l'avortement.

Ce qui compte, c'est l'effectivité de l'exercice de cette liberté. En effet, de nombreux pays autorisent officiellement l'avortement, mais en restreignent à tel point l'accès qu'il est impossible. C'est ainsi que procéderont ceux qui, un jour, voudront s'attaquer à cette liberté en France : la restreindre jusqu'à en faire une coquille vide.

Ne nous y trompons pas : derrière le militantisme anti-IVG, l'enjeu est bien de contrôler nos corps de femmes. Constitutionnaliser l'IVG, c'est envoyer un message à la société de demain : la liberté pour une femme de disposer de son corps n'est pas un simple droit sociétal, mais une liberté fondamentale qui mérite d'être garantie au coeur du texte le plus sacré de la République.

La Constitution ne doit pas se résumer à un catalogue de procédures institutionnelles, mais traduire la société, ses aspirations et ses valeurs. Certains pensent que cette constitutionnalisation est purement symbolique. Si tel est le cas, votons ce texte sans risque, nous n'avons rien à perdre. Et s'il protège un peu plus les femmes, votons-le également, nous avons tout à gagner ! (Applaudissements à gauche, sur les travées du RDPI et sur de nombreuses travées du groupe UC ; M. Louis Vogel applaudit également.)

Mme Mélanie Vogel .  - (Applaudissements sur les travées du GEST ; Mmes Émilienne Poumirol, Patricia Schillinger, et M. Xavier Iacovelli applaudissent également.) Pendant des siècles, des femmes ont été insultées et condamnées, par des jurys d'hommes, pour avoir exercé une liberté humaine : choisir leur vie. Pendant des siècles, des femmes sont mortes en France des suites d'avortements clandestins. Depuis le manifeste des 343, depuis l'ouverture par Gisèle Halimi du procès de la violence et de l'hypocrisie patriarcale à Bobigny, depuis la fondation du Mouvement pour la liberté de l'avortement et de la contraception, la France est engagée sur un autre chemin qui aboutira à la loi Veil. Le vote d'aujourd'hui s'inscrit dans cette grande histoire.

Cinquante ans après, qu'avons-nous à dire aux Marie-Claire Chevalier d'aujourd'hui ? Qu'elles demeurent à la merci du législateur, ou qu'elles sont à jamais libres ?

Le Conseil d'État a été très clair : l'objet du texte est d'encadrer l'office du législateur afin qu'il ne puisse restreindre les conditions d'exercice de cette liberté de façon à la priver de toute portée.

Avec ce vote, nous disons que nous ne restreindrons plus jamais ce droit, que nous choisissons de renoncer démocratiquement à la possibilité même de le faire, que ce n'est pas plus envisageable que pour la liberté de conscience, d'association ou d'expression. (Applaudissements sur les travées du GEST et sur quelques travées du RDPI ; M. Éric Bocquet applaudit également.)

Je m'adresse à ceux qui sont convaincus que l'IVG n'est pas une concession accordée par le législateur, mais un droit qui avait été confisqué et qui a été rendu aux femmes qui se sont tant battues pour. Je m'adresse aux héritiers de cette droite et de ce centre qui ont voté la loi Veil. Si, un jour, une loi menace l'IVG en France, que direz-vous à vos filles, à vos nièces que vous aurez refusé de protéger ? Qu'il y avait le mot « garantie », que la date du Congrès avait été annoncée trop tôt ?

Le 20 décembre 1974, la moitié des sénateurs de droite et du centre ont voté la loi Veil ; les sept sénatrices ont voté pour. Chaque voix compte. Chaque voix pour la régression sera la démonstration empirique que oui, l'IVG doit entrer dans la Constitution.

Je me suis lancée voilà un an avec Laurence Rossignol, Aurore Bergé, Mathilde Panot, Laurence Cohen, Dominique Vérien, Annick Billon, Elsa Schalk, Isabelle Rome et bien d'autres dans cette bataille. J'ai vu l'engagement sans faille des associations, de la société, j'ai entendu les militantes polonaises louer ce que nous faisions en France, regrettant que cela n'ait pas été fait en Pologne, quand il était temps.

Il est temps d'être au rendez-vous de l'histoire, de répondre aux espoirs que nous avons soulevés dans le monde, d'énoncer que le droit à l'avortement n'est pas un sous-droit, mais un droit fondamental.

Faisons-nous cette promesse : plus jamais, les faiseuses d'anges, les cintres et les mortes ! Disons à nos filles : vous êtes désormais et à jamais libres de choisir votre vie. (Les membres du GEST se lèvent pour applaudir ; applaudissements sur les travées des groupeSER, CRCE-K et du RDPI, ainsi que sur plusieurs travées du groupe UC)

M. Ian Brossat .  - Nous vivons un moment historique. Parce que nous modifions la Constitution, ce qui n'est pas anodin. Parce que cette modification fait écho aux combats de millions de femmes à travers le monde. Parce que le monde nous regarde, et nous écoute.

Il s'agit de faire du droit à l'avortement une liberté garantie pour toutes les femmes sur notre sol.

Dès 2017, avec Laurence Cohen, notre groupe avait déposé une proposition de loi constitutionnelle pour constitutionnaliser l'IVG. Ce projet de loi nous en donne la possibilité : nous souhaitons qu'il soit voté dans les mêmes termes qu'à l'Assemblée nationale.

L'IVG ne serait pas menacée ? Tout montre qu'elle l'est. Des forces rétrogrades la remettent en cause, des forces médiatiques s'organisent pour la contester - je renvoie aux propos monstrueux tenus sur une chaîne d'information, ou plutôt de désinformation, en continu. Elle est menacée par des forces politiques, l'intervention de M. Ravier en témoigne. Il y avait quelque chose de répugnant à l'entendre s'abriter derrière la figure de Simone Veil...

Oui, l'IVG est menacée en France, en Europe, notamment en Pologne, aux États-Unis où quatorze États l'interdisent.

La Constitution n'aurait pas vocation à être un catalogue de droits sociaux ? Ceux qui voudraient nous faire croire que la Constitution serait un objet juridique froid ne traitant que de l'organisation des institutions, ne sont pourtant pas avares de propositions de loi constitutionnelle sans rapport avec cette dernière - par exemple sur les racines judéo-chrétiennes de la France ou l'immigration. (M. André Reichardt proteste.)

N'ayons pas la main plus tremblante pour ajouter des droits que pour en retrancher !

Aucun des arguments avancés pour rejeter ou amender ce projet de loi n'est valable.

Nous avons la possibilité de franchir un grand pas et de remporter une belle victoire pour les femmes à travers le monde qui se battent pour que ce droit soit garanti dans leur pays. Quand bien même ce vote ne servirait qu'à leur envoyer un signal, il serait utile ! (Applaudissements à gauche et sur les travées du RDPI)

Mme Nathalie Delattre .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE ; Mme Patricia Schillinger applaudit également.) Depuis la décision de la Cour suprême du 24 juin 2022, plus de dix États américains ont interdit l'avortement, sans aucune exception. La loi y incite les citoyens à poursuivre en justice les femmes soupçonnées d'avoir avorté. En Pologne, en Hongrie, en Italie, sous la pression de mouvements dits « pro-vie », l'accès à l'IVG recule.

Il convient donc de se tenir en alerte. Une chaîne française n'a-t-elle pas diffusé récemment une infographie plus que douteuse indiquant que l'IVG serait la première cause de mortalité ? Une manipulation honteuse ! (Mme Marie-Pierre de La Gontrie applaudit.)

La prudence est d'inscrire ce droit dans la Constitution. Si d'autres reculent, soyons fiers de montrer le chemin qui refuse la régression.

Inscrire l'IVG dans la Constitution ne serait que symbolique ? Mais quel symbole ! La France doit se poser en pays des Lumières et être au rendez-vous de l'Histoire. Elle serait la première nation au monde à envoyer ce signal.

Le RDSE soutient votre initiative monsieur le ministre, comme il avait soutenu les précédentes propositions de loi. Celle de Mme Vogel, qui englobait la contraception, avait suscité quelques réserves - nous ne voulions pas que la Constitution devienne une déclaration bavarde. Le second texte avait fait l'objet d'un travail constructif, notamment grâce à l'amendement de Philippe Bas.

Ce nouveau projet de loi s'inscrit dans cette lignée, à la différence près que la loi ne « détermine » plus mais « garantit » la liberté de recourir à l'IVG.

Les garanties des droits et libertés sont suffisamment nombreuses dans la Constitution pour qu'une nouvelle liberté s'y insère sans difficulté.

Les constitutionnalistes ne sont pas tous d'accord sur le risque d'inflation des droits constitutionnels. Nous entendons l'alerte : si une dérive s'observait, il faudrait s'y opposer fermement.

La loi Veil, bientôt cinquantenaire, a vu son cadre légal s'améliorer au fil du temps. L'inscrire dans la Constitution est la suite logique.

Faire un demi-choix reviendrait à faire de l'IVG un demi-droit. Les femmes doivent accéder à une liberté pleine et entière, avec pour seule conscience, la leur ! (Applaudissements à gauche, sur les travées du RDSE, du RDPI et sur plusieurs travées du groupe UC)

M. Xavier Iacovelli .  - « Le passé ne meurt jamais, il ne faut même pas le croire passé », écrivait Faulkner. Ces mots résonnent avec acuité, alors que les remises en question des droits des femmes, notamment à l'IVG, se multiplient dans le monde. Inscrire le droit à l'IVG dans notre texte suprême n'en est que plus important, pour s'assurer qu'il résiste à l'épreuve du temps et aux vagues populistes qui pourraient survenir. Ne croyons pas naïvement que ce qui se passe chez nos voisins est impossible chez nous.

Les attaques, chez nos voisins, envers le droit des femmes à disposer de leur corps nous incitent à la vigilance. Aux États-Unis, quatorze États interdisent l'IVG : en 2023, 65 000 femmes y ont été obligées de garder l'enfant conçu à la suite d'un viol. Qui aurait pu penser que la plus grande démocratie du monde reviendrait sur ce droit fondamental ? En Pologne, l'IVG n'est légale qu'en cas de viol, d'inceste ou si la vie de la mère est en danger. L'Italie, avec Meloni, souhaite octroyer une allocation aux femmes pour éviter d'avorter, comme si l'argent était la première cause. En Hongrie, ultime torture, les femmes ont l'obligation d'entendre les battements de coeur du foetus avant d'avorter.

Nous devons protéger nos libertés, de manière inébranlable. Je pense aux territoires d'outre-mer, où le taux d'IVG est élevé, et où un recul de ce droit mettrait en danger des milliers de femmes.

La France, nation de la Déclaration des droits de l'homme, doit être à l'avant-garde. Inscrire l'IVG dans la Constitution est un acte symbolique, affirmant nos valeurs de liberté, d'égalité, de fraternité. C'est en cela que notre pays restera ce phare de la liberté, des droits humains. Nous poursuivons la lutte opiniâtre de Simone Veil, qui est aussi le combat d'Olympe de Gouges pour l'égalité. L'histoire nous enseigne que les droits des femmes ne sont jamais acquis -  ce sont même les premiers touchés par les virages idéologiques populistes et nationalistes.

À ceux qui estiment, ici, que le Parlement devrait se pencher sur des sujets « plus importants », je réponds que rien n'est plus important que les droits des hommes et des femmes : c'est l'essence de la République. La récente affaire CNews témoigne des attaques persistantes contre ce droit fondamental qu'est l'IVG. Alors que les réseaux sociaux façonnent de nouvelles croyances -  un jeune sur dix croit que la Terre est plate !  - , je refuse que les filles de ce pays vivent dans la peur d'une grossesse non désirée. Aucune femme au monde ne se lève en se disant que c'est le jour idéal pour avorter. Aucune ne considère l'IVG comme une option de contraception parmi d'autres. Aucune n'y recourt avec légèreté et insouciance. Aucune ne doit être réduite à un rôle qu'elle n'aurait pas choisi, par peur ou par manque de choix.

Non, l'IVG de confort n'existe pas ! Le prétendre est insultant. La liberté de choisir est une liberté sociale fondamentale. Refuser de l'entendre, c'est réduire la femme à un rôle reproducteur.

Pour Simone Veil et toutes les femmes qui se sont battues dans le monde, gravons dans le marbre de notre Constitution la liberté de recourir à l'IVG en France ! (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur plusieurs travées du groupe SER et du GEST)

Mme Laurence Rossignol .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) « Une jeune femme livrée à une faiseuse d'ange meurt à 18 ans d'une septicémie. Je trouve cela tellement injuste. Il n'est pas pensable qu'on ne puisse être maître de son corps, a fortiori du fruit que l'on porte. Si on ne veut pas de ce fruit, on a le droit de le rejeter. On n'est pas obligée d'être mère. » Ces mots sont ceux d'Henri Caillavet, auteur en 1947 de la première proposition de loi dépénalisant l'avortement. Grand sénateur, grand humaniste, grand législateur, j'ai souhaité associer son nom à ceux de Gisèle Halimi, de Simone Veil, d'Yvette Roudy. (Mmes Marie-Arlette Carlotti et Émilienne Poumirol applaudissent.)

Premier argument auquel je veux répondre : il s'agirait de l'importation en France d'un débat purement américain. Je vous rappelle la proposition de loi déposée ici par Laurence Cohen dès 2017, puis celle de Luc Carvounas, alors député, trois ans avant l'arrêt Dobbs. Les anti-IVG n'ont jamais renoncé, en réalité, depuis la loi Veil.

Deuxième argument : l'IVG ne serait pas menacée en France. Très bien ! Profitons-en pour prendre les garanties pour l'avenir ! Si c'est le cas, nous le devons d'abord aux Français, qui soutiennent à plus de 80 % le droit à l'avortement et les réformes que nous avons conduites pour en faciliter l'accès. Ils sont le meilleur bouclier, le bouclier citoyen. (Applaudissements sur les travées du groupe SER, du GEST et sur quelques travées du RDPI)

Mais il faut voir plus loin, dans le temps et l'espace. Partout où les extrêmes droites, les ultraconservateurs, les illibéraux ont accédé au pouvoir, ils ont ciblé l'avortement et les droits des femmes. Trump, Bolsonaro, Milei, Orban, Meloni, le PIS en Pologne, le ministre de la santé de Poutine : tous sont des amis de Mme Le Pen ! Ce sont ceux avec qui elle valse, déjeune, complote, ceux qui la financent... (Applaudissements sur les travées du groupe SER, du GEST et du RDPI ; M. Ian Brossat applaudit également.) Tous ont la même obsession : poursuivre les femmes qui avortent, criminaliser, harceler les militantes, les soignantes qui les aident. Je ne crois pas à une exception de l'extrême droite française, à un microclimat qui nous protégerait. En revanche, je crois à la taqiya, et pas seulement chez les islamistes !

Quand une chaîne de télévision désigne l'avortement comme première cause de mortalité mondiale et traite les femmes de criminelles, quand les locaux du planning familial sont attaqués, cela illustre la détermination et la violence des anti-choix.

Dernier argument, plus politicien : certains rechigneraient à « donner le point à Macron ». Mais il nous a fallu un an et demi d'efforts pour qu'enfin le Président de la République se décide à faire déposer un projet de loi ! Voter la constitutionnalisation, c'est donner le point au Parlement !

Soyons fidèles à la grandeur de la France, ce pays précurseur, phare des droits humains, qui éclaire ceux qui luttent pour leur émancipation. Nous serons le premier pays à faire de l'IVG une liberté fondamentale. Cela fera du bien aux Français et à la France. Nous en avons besoin ! (Applaudissements à gauche et sur les travées du RDPI ; Mmes Dominique Vérien et Olivia Richard applaudissent également.)

M. Philippe Bas .  - Cinquante ans après son adoption, la loi Veil est entrée dans les moeurs. Nous devons cette acceptation à l'équilibre sur lequel elle repose : primauté de la liberté de la femme au cours des premières semaines de la grossesse, primauté de la protection de l'enfant à naître ensuite. Depuis sa décision de 2001, le Conseil constitutionnel vérifie que la loi ne rompt pas cet équilibre.

Cinquante années d'application continue d'une loi qui n'est plus contestée, et un contrôle constitutionnel vigilant : on ne peut dire que l'IVG soit en danger. Les problèmes qui demeurent ne sont pas d'ordre juridique. Aussi n'est-ce pas sans circonspection que nous avons vu arriver des propositions de loi pour constitutionnaliser l'IVG, dont la rédaction en faisait un droit opposable, absolu et sans limites.

Malgré mes premières réserves, j'ai admis qu'une sécurisation supplémentaire pouvait justifier une mention dans la Constitution. Mais pas n'importe laquelle ! Il y faut deux conditions : que l'équilibre de la loi Veil soit préservé, et que l'espace constitutionnel reste suffisamment ouvert pour que le législateur puisse y faire évoluer la loi sans remettre en cause cet équilibre.

Le Sénat a adopté l'an dernier son propre texte, qui prévoit que la loi détermine les conditions -  c'est-à-dire aussi les limites  - dans lesquelles s'exerce la liberté de la femme de mettre fin à sa grossesse. Non pas un droit opposable, donc, mais une liberté individuelle, limitée par le respect des principes constitutionnels de même force - ici, le respect de la dignité de la personne humaine, en l'espèce l'enfant à naître.

On retrouve dans ce projet de loi deux mots essentiels : « conditions », qui indique que la liberté ne peut être sans limites, et « liberté », pour éviter tout glissement vers un droit-créance.

Il y a cependant deux différences avec notre texte. La première consiste à inscrire la liberté de la femme non « de mettre fin à sa grossesse », mais « de recourir à une IVG » - et non, monsieur le garde des sceaux, de disposer de son corps, comme vous l'avez dit peut-être par approximation de langage... (M. Éric Dupond-Moretti écarquille les yeux ; rires à gauche.)

Plus critiquable, le recours au concept étrange de « liberté garantie ». Il y aurait donc dans la Constitution des libertés garanties et d'autres qui ne le seraient pas ! Une telle hiérarchie laisse songeur. Il s'agit en réalité de réintroduire de manière ambiguë la notion de droit opposable. Mais en démocratie, c'est à la représentation nationale et non au juge de veiller à ce que l'IVG soit accessible à toutes.

Si l'adjectif « garanti » est sans portée, pourquoi l'ajouter ? S'il en a une, il faut le retirer. C'est le sens de l'amendement que nous avons déposé avec Bruno Retailleau et plusieurs collègues. Si cet amendement n'était pas voté, c'est une version ambiguë de la révision constitutionnelle qui risquerait d'être adoptée, et ferait le jeu de ceux qui sont les plus éloignés de l'équilibre fondateur de la loi Veil. (Marques d'impatience sur les travées du GEST ; applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)

M. Loïc Hervé .  - « La loi garantit le respect de tout être humain dès le commencement de la vie. Il ne saurait être porté atteinte à ce principe qu'en cas de nécessité et selon les conditions définies par la présente loi. » C'est l'article 1er de la loi Veil. Le texte du Gouvernement est très loin de cet équilibre, cher à Simone Veil.

Cet après-midi, nous n'aurions donc pas le choix. Il faudrait voter ce texte, pour ne pas passer pour un anti-avortement, pour privilégier le symbole au droit, pour être le relais d'une opinion publique qui y serait favorable, pour que notre pays soit à l'avant-garde du progrès...

Mais peut-on voter ce texte malgré la piètre qualité de sa rédaction, dont le seul mérite est de mettre d'accord Mathilde Panot et Marine Le Pen à l'Assemblée nationale ? (Protestations sur les travées du GEST ; M. Grégory Blanc hue.)

Mme Mélanie Vogel.  - Nul !

M. Loïc Hervé.  - Malgré l'absence de réponse précise sur la portée juridique de l'adjectif « garantie », malgré le risque de voir encore renforcés les pouvoirs du Conseil constitutionnel, au risque d'en faire une cour suprême à l'américaine ? Si un président illibéral venait à prendre le pouvoir, combien de temps lui faudrait-il pour prendre le contrôle politique du Conseil constitutionnel ?

Telle la fable de la paille et de la poutre, ce n'est pas cette inscription constitutionnelle qui répondra à la fermeture de 130 centres IVG ces dix dernières années ou qui empêchera CNews de faire des comparaisons stupides. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)

Mme Jacqueline Eustache-Brinio.  - Bravo !

M. Loïc Hervé.  - Le débat sur l'accès est le seul qui vaille. Je le dis comme membre militant de la délégation aux droits des femmes. (Marques d'ironie à gauche ; M. Michaël Weber s'en gausse.)

La volonté de mettre « quelque chose » dans la Constitution ne saurait l'emporter sur le raisonnement juridique. C'est pourquoi certains membres du groupe Union Centriste ne voteront pas ce texte. (Applaudissements sur quelques travées des groupes UC et Les Républicains)

Mme Marie-Pierre de La Gontrie .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Je dispose de quatre minutes, en ce jour historique (marques d'ironie à droite), pour tenter de convaincre les derniers indécis. J'irai donc droit au but.

Non, la volonté française d'inscrire l'IVG dans la Constitution n'est pas une réaction à une décision de la Cour suprême des États-Unis. Elle lui préexistait. Je salue Laurence Cohen, qui avait déposé un texte dès 2017. (Applaudissements à gauche ; Mme Patricia Schillinger applaudit également.) La décision américaine fut cependant un électrochoc pour la société française.

Oui, il existe en France et en Europe un risque de remise en cause du droit à l'avortement : en Hongrie, en Pologne, en Italie, naguère en Espagne. Nous avons vu récemment dans les médias français comment les antiavortement pouvaient agir.

Non, le droit à l'IVG n'est pas déjà garanti constitutionnellement. Il ne faut pas confondre une décision validant la constitutionnalité d'une loi et l'inscription d'un principe dans le texte.

Oui, la Constitution proclame des droits sociaux et sociétaux : droit à l'emploi, parité, droit de grève, abolition de la peine de mort, droit syndical, dans son préambule de 1946 et dans son texte.

Deux amendements ont été déposés. Le premier supprime l'adjectif « garantie », au motif qu'il serait flou. Ce terme n'est effectivement accolé nulle part dans la Constitution au terme « liberté ». Mais les libertés constitutionnelles existantes s'exercent de manière autonome. La liberté de recourir à l'IVG, elle, requiert l'intervention d'un tiers : médecin, sage-femme, pharmacien. Le terme « garantie » permet de s'assurer que l'État n'y empêche pas l'accès, ce qui viderait la mesure de son sens.

Le deuxième concerne la clause de conscience des médecins - d'ores et déjà protégée par l'article X de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Si vous la visez spécifiquement dans le seul cadre de l'IVG, vous viderez de sa portée l'ensemble de cet article. Cet amendement atteindrait donc l'inverse de l'objectif. (Marques d'impatience à droite)

Cinquante ans après la loi Veil, quel bel anniversaire que de voter cette constitutionnalisation et de rendre hommage à ce qui s'est passé en 1974 ! (Applaudissements à gauche et sur les travées du RDPI)

Mme Muriel Jourda .  - Il m'appartient de présenter la position des sénateurs Les Républicains opposés à ce texte.

Quelle idée nous faisons-nous de notre rôle de législateur, en l'occurrence de constituant ? Nous avons Montesquieu pour nous guider, abondamment cité : « il ne faut toucher aux lois que d'une main tremblante » ; ou encore, « les lois inutiles affaiblissent les lois nécessaires ».

Nous n'avons pas à légiférer en militants ou sous le coup de l'émotion, mais en êtres de raison, soucieux de l'intérêt général. (Murmures à gauche)

Ce texte nous plonge dans l'incertitude juridique qu'a présentée Mme le rapporteur.

Remédions-nous à une imperfection juridique qui empêcherait la liberté de recourir à l'IVG de s'exercer ? Je ne le crois pas. L'article II de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen donne sa force à cette liberté.

Sommes-nous en train de clore un débat qui agiterait la société sur l'accès à l'IVG ? Pas davantage. Certes, il reste en France des personnes hostiles à l'IVG - c'est leur droit. Mais Mme Vogel a eu raison de dire qu'ils ont perdu la bataille. La société, majoritairement, reconnaît la légitimité de cette liberté. Ce débat n'existe plus dans notre pays, contrairement à ce qui se passe aux États-Unis ou dans d'autres pays - lesquels n'ont pas notre culture ou nos institutions, à commencer par notre principe de laïcité.

Dès lors, que faisons-nous ? Mme le rapporteur l'a dit : nous procédons à une consécration constitutionnelle symbolique. Est-ce le rôle de la Constitution de consacrer des symboles (nombreux « Oui ! » à gauche), d'envoyer des signaux au reste de l'humanité ? Je ne le crois pas.

Pardon d'être terre à terre : que dirons-nous aux femmes qui n'ont pas accès à l'IVG du fait des insuffisances de notre système de soins ? (Protestations à gauche)

Mme Émilienne Poumirol.  - C'est un autre problème !

Mme Muriel Jourda. - Que dirons-nous à celles qui souffrent d'avoir subi une IGV - car ce n'est pas un acte anodin ?

Je crains que nous ne réalisions une double prouesse : ne rien changer à leur sort tout en affaiblissant notre Constitution ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains ; M. Loïc Hervé applaudit également.)

Mme Elsa Schalck .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur certaines travées des groupes UC et INDEP ; M. Ronan Dantec applaudit également.) Il y a un an, le Sénat votait la constitutionnalisation du droit à l'IVG. L'Assemblée nationale a fait de même, à une très large majorité. Une étape importante reste à franchir, et je souhaite que nous y parvenions.

Notre travail législatif aura permis de cheminer collectivement vers un compromis : belle illustration de la vitalité du débat parlementaire.

Je remercie la rapporteure pour son travail sur ce sujet sensible et salue la position de la commission des lois.

Le droit à l'IVG a toute sa place dans notre Constitution, qui est le socle des grands principes de notre pays, l'acte essentiel par lequel notre pays affirme ce qui le fonde. L'IVG fait partie intégrante du droit fondamental des femmes à disposer de leur corps.

Le Conseil d'État nous éclaire : il indique que l'IVG, en tant que telle, ne fait l'objet d'aucune protection constitutionnelle. L'inscrire dans la Constitution sera indéniablement une protection supplémentaire.

Certes, la situation américaine est différente. Mais faut-il qu'une menace pèse pour consacrer une liberté ? Notre Constitution permet de sanctuariser des principes qui doivent être indérogeables. Y inscrire l'IVG sera un rempart contre d'éventuelles difficultés futures - voyez la Pologne et la Hongrie, qui nous rappellent que la situation peut évoluer défavorablement pour les droits des femmes, même quand ils paraissent acquis.

Réaffirmons et protégeons ce droit fondamental gagné par des générations de femmes. La rédaction qui nous est soumise est équilibrée, presque identique à celle votée par le Sénat il y a un an. Elle n'institue pas un droit opposable.

Reste que cette mesure ne doit pas occulter les difficultés liées à l'effectivité de ce droit. Quelque 130 centres d'IVG ont fermé au cours des dernières années. Nous devons rester vigilants à cet égard.

Je souhaite que le Sénat soit au rendez-vous de ce moment important, en votant ce texte sans modification. (Applaudissements sur les travées du RDPI, du GEST et des groupes SER et CRCE-K, ainsi que sur plusieurs travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP et du RDSE)

Discussion des articles

Avant l'article unique

L'amendement n°3 n'est pas défendu.

(On s'en félicite bruyamment à gauche.)

M. Mickaël Vallet.  - Guignol !

Article unique

Mme Marie-Pierre Monier .  - L'arrêt Dobbs aux États-Unis et le séisme des évolutions législatives en Pologne et en Hongrie doivent nous conduire à constitutionnaliser le droit à l'IVG, comme en 2007 l'abolition de la peine de mort. Au regard de la montée de l'extrême droite dans notre pays, il est illusoire de penser que nous serons éternellement à l'abri.

Envoyons un message fort en consacrant ce droit inaliénable, mais veillons aussi à assurer son effectivité pour toutes les femmes, y compris celles qui vivent dans la ruralité. N'oublions pas que 13 départements n'ont aucun gynécologue et que 18 % des femmes qui recourent à une IVG le font hors de leur département. Les premières victimes des inégalités territoriales sont les femmes isolées et précaires.

« Je me bats pour le droit de la femme à choisir ses maternités », disait Gisèle Halimi : soyons à la hauteur de cette ambition !

Mme Anne Souyris .  - « L'injustice et l'hypocrisie patronnées par la morale » : c'est ainsi que la fondatrice du planning familial évoquait l'arrivée à l'hôpital de femmes ayant avorté clandestinement. Soixante ans plus tard, la formule résonne toujours.

L'injustice, toujours d'actualité : voyez les inégalités territoriales et sociales d'accès à l'IVG.

L'hypocrisie, toujours d'actualité : on prétend que l'IVG ne serait pas menacée dans notre pays, mais le corps des femmes fait l'objet d'un débat incessant, devenant, par exemple, le sujet soudain d'un réarmement démographique.

La morale, toujours d'actualité : d'aucuns accusent les femmes qui recourent à l'IVG de représenter la première cause de mortalité dans le monde.

Prenons ce tournant historique, gravons dans le marbre de notre République : mon corps m'appartient, nos corps nous appartiennent.

« Il suffirait d'une crise », disait Simone de Beauvoir. Rien n'est jamais acquis pour les femmes. Prenons les devants, car on ne sait jamais de quoi les lendemains sont faits ! (Applaudissements sur les travées du GEST et sur quelques travées du groupe SER)

Présidence de M. Gérard Larcher

Mme Evelyne Corbière Naminzo .  - C'est le rôle de la loi fondamentale de garantir les droits fondamentaux - il semble nécessaire de le rappeler.

Nous devons aussi continuer à lutter pour que ce droit soit effectif : quand les moyens manquent, que les stocks de médicaments sont épuisés, que les forces hostiles à l'IVG s'organisent pour piéger les femmes, l'accès à ce droit est compromis.

La constitutionnalisation est donc une avancée nécessaire, mais gardons-nous de penser qu'elle est suffisante.

Dans l'histoire, les femmes ont été victimes de la volonté de l'État de contrôler leurs corps, dans un sens comme dans l'autre. Ainsi, à La Réunion, entre 1960 et 1970, elles ont subi une politique antinataliste de l'État français, à coups de stérilisations et d'avortements forcés. Des politiques qui prétendaient agir dans l'intérêt des femmes n'ont pas hésité à s'affranchir des limites de la loi, l'avortement étant alors interdit. (Mme Catherine Conconne applaudit.)

Le corps des femmes ne doit pas être un espace contrôlé par l'État ! (Marques d'impatience à droite, l'oratrice ayant dépassé son temps de parole.)

M. le président.  - Il faut conclure.

Mme Evelyne Corbière Naminzo.  - La femme est la mieux placée pour décider pour elle-même ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K et sur plusieurs travées du groupe SER)

Mme Patricia Schillinger .  - Mesurons l'importance et la gravité du moment : élever la liberté des femmes de recourir à l'IVG au rang constitutionnel est une décision historique.

Près de cinquante ans après l'adoption de la loi Veil, il s'agit d'affirmer que l'IVG n'est pas une tolérance, une faveur ou une exception. C'est un principe fondamental, hélas menacé dans de nombreux pays. Nous devons soutenir les femmes qui se battent contre ces reculs, y compris en Europe.

Dans notre pays, l'IVG n'est protégée par aucune disposition de valeur constitutionnelle ; elle est ainsi vulnérable aux aléas politiques et sociaux. L'adoption conforme de ce texte inspiré de la rédaction de Philippe Bas serait un bon signal : elle garantirait la liberté des femmes tout en ménageant une flexibilité pour le législateur.

L'émancipation des femmes fait souvent l'objet de beaux discours. Nous avons cet après-midi l'occasion de joindre le geste à la parole. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; MmeCatherine Conconne et Marie-Arlette Carlotti applaudissent également.)

M. Patrick Kanner .  - Le nombre de collègues présents illustre l'importance que nous accordons à ce moment politique. Le garde des sceaux a eu raison de dire que nous sommes regardés.

Ma conviction profonde est que le droit absolu de disposer de son corps est la condition de toutes les autres libertés et un élément essentiel de l'égalité entre les femmes et les hommes.

Partout dans le monde, des voix s'élèvent pour restreindre ce droit. Une coalition d'États mène d'âpres offensives contre les droits des femmes, donc contre les droits humains. Le climat n'a jamais été aussi inquiétant : il y a quelques jours, des propos insultants à l'égard des femmes ont été tagués sur les murs du planning familial de Lille.

La constitutionnalisation de l'IVG enverra un signal fort au niveau national et international : ce droit est d'une importance cardinale.

Je respecte les sensibilités qui se sont exprimées par le dépôt d'amendements visant à prolonger la procédure constitutionnelle. Mais il est temps d'aboutir. Le Gouvernement a enfin pris ses responsabilités : ne manquons pas ce rendez-vous avec l'histoire ! (Applaudissements à gauche et sur quelques travées du RDPI)

M. Yan Chantrel .  - Nous avons l'occasion de faire l'histoire, d'être à l'avant-garde, en envoyant un message puissant pour la défense des droits des femmes. Près de 90 % de nos concitoyens soutiennent ce texte.

Sénateur des Français établis hors de France, je sais que, dans les pays où le droit à l'IVG est menacé, des responsables publics avaient prétendu que jamais il ne le serait. En Asie, plusieurs compatriotes m'ont dit qu'elles seraient fières si nous étions le premier pays au monde à consacrer l'IVG dans sa Constitution.

Soyons à la hauteur de ce moment historique ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

M. Thomas Dossus .  - Nous vivons un moment grisant : nous voyons une idée minoritaire grandir, par le travail de sénatrices et sénateurs de tous les bancs, et devenir majoritaire.

Nul ne prend une révision constitutionnelle à la légère ; il ne s'agit pas d'introduire dans la Constitution nos envies, mais de répondre à une demande de protection des femmes contre les vents mauvais qui soufflent ou souffleront demain.

Nous ne sommes qu'un petit maillon dans la chaîne des combats féministes. Nous savons ce que nous devons aux luttes menées par nos grands-mères, nos mères, nos soeurs.

Laissons-nous griser par ce moment et votons ce texte conforme, pour envoyer un beau signal de résistance aux néoconservateurs. Rendez-vous à Versailles ! (Applaudissements sur les travées du GEST et sur quelques travées du groupe SER)

M. Guillaume Gontard .  - En effet, le moment est émouvant. De nombreux combats ont été nécessaires pour y arriver, d'autres restent à mener. Souvenons-nous : il a fallu attendre 1965 pour que les femmes puissent travailler et ouvrir un compte bancaire sans l'autorisation de leur mari, 1975 pour que le droit à l'IVG soit reconnu. Ces conquêtes sont celles des féministes, des militantes.

Nous vivons aussi un moment fort de démocratie : un travail commun nous rassemble, autour d'une décision qu'attendent 80 % des Français. Elle constituera un symbole marquant pour l'ensemble du monde. (Applaudissements sur les travées du GEST)

Mme Sylvie Robert .  - (Applaudissements sur des travées du groupe SER) Il est des moments historiques qu'il faut savoir sentir : le débat de cet après-midi en fait partie, qui appartient à l'histoire perpétuelle du combat en faveur du droit des femmes.

Disposer de son corps est le combat des combats, peut-être le plus ardu à remporter.

Le Sénat, avec sa prudence, son réalisme et sa sagesse - triptyque cher à Alain Poher -, saura, une fois de plus, être au rendez-vous de ce moment historique.

Prudence : nous devons garantir aux femmes une protection juridique maximale.

Réalisme : partout dans le monde, la liberté de recourir à l'IVG est remise en cause, voire niée.

Sagesse : n'insultons pas l'avenir, car gouverner, c'est prévoir.

Certes, la Constitution n'est pas qu'un catalogue de droits. Mais ces droits sont le reflet de ce que nous sommes collectivement, des principes que nous considérons comme intangibles.

Écoutons les femmes, comme disait Simone Veil en 1975. Écoutons-les et protégeons-les en constitutionnalisant cette liberté si prompte à être effacée. (Applaudissements à gauche et sur quelques travées du RDPI)

Mme Mathilde Ollivier .  - Il y a environ un an, les femmes du monde entier tournaient leurs regards vers la France et la proposition de loi de Mélanie Vogel. En juin 2022, la Cour suprême des États-Unis, par l'arrêt Roe vs. Wade, annulait la protection constitutionnelle de l'IVG. Peu après, la Hongrie forçait les femmes souhaitant avorter à écouter le battement de coeur du foetus.

Ce n'est pas un hasard si la proposition de loi que je viens de mentionner a été défendue par une sénatrice des Français de l'étranger. Partout dans le monde, des femmes s'exposent à de multiples dangers pour pouvoir recourir à l'IVG - certaines y perdent la vie.

Ce n'est pas un hasard non plus si ce sujet est porté par des jeunes femmes, encore trop peu représentées dans nos institutions. Il est temps de voter ce projet de loi historique pour constitutionnaliser le droit à l'IVG. (Applaudissements sur les travées du GEST et sur quelques travées du RDPI)

Mme Françoise Gatel .  - J'apporte ma voix personnelle au débat, sans prétention, car je ne suis pas Simone Veil. Au reste, il ne s'agit pas de débattre pour ou contre l'IVG.

Avec une grande humilité - je n'ai de leçon à donner à personne, encore moins au reste du monde -, je dois avouer, monsieur Dossus, que l'atmosphère de ce débat me dégrise totalement.

On nous explique qu'il nous faudrait nous mettre à l'abri de choses qui arriveront prochainement. Les partis démocratiques ont-ils donc définitivement renoncé à gagner les élections ? (Applaudissements nourris sur les travées des groupes UC et Les Républicains, ainsi que sur plusieurs travées du groupe INDEP)

M. le président.  - Amendement n°2 rectifié, présenté par MM. Bas et Retailleau, Mme Aeschlimann, M. Bacci, Mmes Belrhiti et Berthet, M. Bouchet, Mme V. Boyer, MM. Brisson, Bruyen et Burgoa, Mme Chain-Larché, MM. Chaize et Chatillon, Mme Ciuntu, MM. Cuypers et Daubresse, Mmes Deseyne, Di Folco, Drexler, Dumont et Eustache-Brinio, M. Favreau, Mme Garnier, M. Genet, Mmes F. Gerbaud, Gosselin, Goy-Chavent, Gruny, Imbert, Jacques et Joseph, MM. Karoutchi, Khalifé, Klinger et Laménie, Mmes Lassarade et Lavarde, MM. de Legge, Le Gleut, H. Leroy et Le Rudulier, Mmes Lopez et Malet, M. Mandelli, Mmes M. Mercier et Micouleau, M. Milon, Mme Muller-Bronn, MM. de Nicolaÿ, Nougein, Paccaud, Panunzi, Pernot et Perrin, Mmes Pluchet et Puissat et MM. Rapin, Reichardt, Rietmann, Sol, Somon, Szpiner, Tabarot et C. Vial.

Alinéa 2

Remplacer les mots :

garantie à

par le mot :

de

M. Philippe Bas.  - Notre travail consiste à tenter d'améliorer les textes qui nous sont soumis, fût-ce au prix de quelques semaines de travail supplémentaires.

Surtout quand ils présentent des ambiguïtés, ce qui est le cas ici, du fait du mot « garantie ». Car il n'y a pas, dans la Constitution, deux catégories de droits et libertés, ceux qui seraient garantis et ceux qui ne le seraient pas.

Le droit de grève ? Pas garanti. La liberté d'aller et venir ? Pas garantie. Les libertés d'opinion, de croyance, d'expression ? Pas garanties. Le droit de vivre dans un environnement sain ? Pas garanti. L'égal accès des femmes et des hommes aux fonctions électives ? Pas garanti.

Les droits et libertés sont garantis du seul fait de leur inscription dans la Constitution - et celle-ci n'a pas vocation à parler pour ne rien dire.

Ne prenons pas le risque de mettre en péril l'équilibre de la loi Veil entre les droits de l'enfant à naître et celui de la femme de mettre un terme à sa grossesse.

Faisons notre travail, en améliorant le texte dont nous sommes saisis. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains ; M. Loïc Hervé applaudit également.)

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Chaque mot inscrit dans la Constitution a un sens. Nous voyons bien les interprétations divergentes auxquelles donne lieu le terme « garantie » : on lui reproche de créer un droit opposable ou de ne pas ajouter grand-chose. La commission des lois a considéré qu'il ne fallait pas s'opposer à l'emploi de ce terme. Avis défavorable. (On s'en félicite à gauche et sur des travées du RDPI.)

M. Ludovic Haye.  - Très bien !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Madame Gatel, permettez-moi une correction grammaticale : nous parlons de choses qui pourraient arriver, pas de choses qui arriveront. (Marques d'approbation à gauche) L'abolition de la peine de mort était-elle menacée en 2007 ? Il y a toujours des ombres qui planent. Le président Chirac a eu mille fois raison de la constitutionnaliser.

Monsieur Bas, avec toute la délicatesse dont vous êtes coutumier, vous avez intenté à mon encontre un procès en approximation. Le droit à l'IVG sera-t-il opposable ? L'Assemblée nationale, la Chancellerie et le Conseil d'État font la même réponse, négative. Je ne me permettrai pas de vous faire un procès en certitudes.

Le dialogue est essentiel. Je sais que le terme « garantie » vous déplaît profondément, mais je veux tenter de vous convaincre une bonne fois pour toutes.

La rédaction du Gouvernement reprend presque à l'identique celle votée par le Sénat, dont vous êtes l'artisan originel.

Mme Patricia Schillinger.  - C'est bien son problème !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - La prudence ne doit pas nous faire céder à une forme de juridisme, qui nous détournerait du principal.

L'article 34 porte sur la compétence du législateur. Le terme « garantie » signifie que l'objet de la révision n'est pas d'élargir cette compétence, mais d'en guider l'exercice dans le sens du respect de la liberté de recourir à l'IVG.

Il est inexact d'affirmer que ce mot serait absent de la Constitution. Ainsi, l'article 64-1 permet à tout citoyen de contester une loi qui porterait atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution. L'article 13 évoque la garantie des droits et libertés pour la vie économique et sociale de la Nation. Enfin, les articles 72 et 73 mentionnent un droit constitutionnellement garanti. Ce terme n'a donc rien d'incongru.

Il ne fait qu'expliciter l'objet de la révision : protéger la liberté des femmes de recourir à l'IVG. Il ne crée en aucune façon un droit absolu, sans limites ou opposable. Personne ne souhaite cela, en tout cas pas le Gouvernement.

En d'autres termes, il s'agit de se prémunir contre toute tentative du législateur de restreindre drastiquement cette liberté. Le Conseil d'État n'a rien trouvé à redire à cette rédaction. Il précise qu'elle ne remet pas en cause les autres droits et libertés que la Constitution garantit, dont la liberté de conscience, qui sous-tend la liberté des médecins et sages-femmes de ne pas pratiquer une IVG.

Avis défavorable à votre amendement.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - (Marques de lassitude sur certaines travées à droite ; on entend un sifflet sur les travées du groupe Les Républicains) Je ne pense pas que siffler une sénatrice soit à la hauteur du débat.

Non, monsieur Bas, le recours à l'IVG ne serait pas la seule liberté garantie par la Constitution. Le préambule de la Constitution de 1946 mentionne ce terme dans ses alinéas 3, 11 et 13. Par exemple, ce dernier dispose : « La Nation garantit l'égal accès de l'enfant et de l'adulte à l'instruction, à la formation professionnelle et à la culture ». Votre argument ne tient pas. (Applaudissements sur plusieurs travées à gauche)

M. Stéphane Ravier.  - (Protestations à gauche) Merci de votre accueil chaleureux...

Il y a un an, vous avez choisi la formulation « liberté d'avorter », qui vous paraissait un compromis par rapport au texte de Mme Panot, de La France insoumise. Mais le Conseil d'État a indiqué qu'il n'y avait pas d'acceptions différentes des termes « droit » et « liberté »... Monsieur Bas, je tiens cet avis à votre disposition.

Si les femmes recourent au drame de l'avortement faute de soutien juridique, économique, social et psychologique, s'agit-il systématiquement d'une liberté ? Nombre de femmes défavorisées y sont poussées par manque de ressources ou crainte de l'abandon. Selon l'Ifop, 47 % des femmes avortent pour des raisons économiques - il faudrait parler aussi des pressions sociales ou familiales. Où est la liberté en pareil cas ?

Cet amendement spécieux vise à masquer votre refus de vous opposer sur le fond à l'esprit de ce texte. Je voterai contre.

M. Mickaël Vallet.  - Retournez sur CNews !

Mme Evelyne Corbière Naminzo.  - Le groupe CRCE-K s'oppose à la suppression du terme « garantie », qui ne crée pas de droit opposable.

L'accès à l'IVG devient de plus en plus difficile en raison du manque de moyens de notre système de santé. Pas moins de 130 centres d'IVG ont fermé en quinze ans. La contraception d'urgence aux mineures n'est pas effective, ce qui provoque des grossesses précoces non souhaitées. À La Réunion, 12 % des IVG concernent des mineures, deux fois plus que dans l'Hexagone.

Nous devons poursuivre la lutte pour l'accès des femmes à l'IVG. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K)

M. Guy Benarroche.  - Je veux rassurer ceux qui sont favorables à la constitutionnalisation, mais craignent un vote conforme, comme effrayés devant ce dernier pas à franchir.

Oui, la mesure a une portée symbolique, mais c'est important. Notre pays a été le premier dans le monde à garantir des droits. Il doit continuer à être un phare.

Mais il ne s'agit pas que de symbole. Nous assurons l'impossibilité d'interdire l'IVG ou de la vider de sa substance. Aucune obligation n'est créée de renforcer ce droit ou de modifier l'équilibre entre le respect de la dignité humaine, la liberté de conscience et celle de disposer de son corps. En revanche, le législateur ne pourra interdire l'IVG ou la vider totalement de sa portée.

Madame Gatel, le pire n'est jamais certain, mais il est possible ! (Applaudissements sur les travées du GEST ; Mme Evelyne Corbière Naminzo applaudit également.)

M. Éric Kerrouche.  - La Constitution n'est pas qu'un ensemble de règles juridiques. Elle est aussi ce par quoi une société se raconte. Elle retrace l'histoire d'une nation, affirme une conception du monde.

Il apparaît aujourd'hui nécessaire de mettre le droit en résistance face à des risques de glissement.

Walter Bagehot disait qu'il y a dans une Constitution une partie efficace, qui assure le fonctionnement des institutions, et une partie qui suscite le respect. C'est de cette seconde composante que nous parlons. Faisons en sorte que notre Constitution suscite davantage encore le respect ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

M. Bruno Retailleau.  - Je voterai cet amendement. Soit le terme « garantie » ne crée aucun droit absolu, sans limite ou opposable, comme le garde des sceaux l'affirme : mais alors, pourquoi y être autant attaché ? Soit il aura une portée juridique effective, ce que nous pensons : en droit, les mots ont un sens, surtout lorsqu'ils figurent dans la Constitution.

Une garantie, c'est l'obligation d'assurer quelque chose à quelqu'un.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - C'est l'accès à la liberté !

M. Bruno Retailleau.  - Le garant peut donc être mis en cause. Là est notre crainte.

Nous ne voulons pas qu'une jurisprudence créative conduise à un droit opposable. Le constituant ne doit pas s'en remettre ainsi au juge ! (Applaudissements sur de nombreuses travées du groupe Les Républicains ; M. Loïc Hervé applaudit également.)

Mme Dominique Vérien.  - Monsieur Retailleau, le juge constitutionnel regarde nos débats pour connaître nos intentions.

Plusieurs voix à droite.  - Pas toujours !

M. Max Brisson.  - Hélas...

Une voix à droite.  - Comme sur l'immigration ?

Mme Dominique Vérien.  - Le garde des sceaux l'a dit, nombre d'orateurs également et je le dis à mon tour : le texte n'ouvre pas un droit opposable.

Mme Sophie Primas.  - Je voterai cet amendement et ce texte, quel que soit le sort de l'amendement. Mais je veux dire à M. Kerrouche que c'est en votant des budgets, pour faciliter l'accès à la contraception par exemple, que nous protégeons les droits. Ne nous payons pas de mots ! On ne peut pas, monsieur le garde des sceaux, se féliciter que nous allions à Versailles lundi - nous serons heureux de vous y accueillir... - et, en même temps, soutenir des réductions budgétaires qui conduisent à réduire la protection des femmes. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du GEST, sur des travées des groupes UC et INDEP et sur quelques travées des groupes SER et CRCE-K)

Mme Mélanie Vogel.  - Cet amendement a pour objet de rétablir quasiment à l'identique la version votée par le Sénat il y a un an, comme si l'Assemblée nationale devait renoncer à 100 % de son travail.

Monsieur Bas, ni le Conseil d'État, ni l'Assemblée nationale, ni le garde des sceaux, ni la grande majorité des juristes ne sont d'accord avec vous. Je suis persuadée toutefois que vous êtes sincère dans votre conviction.

Monsieur Retailleau, vous disiez il y a un an que l'amendement de Philippe Bas était superfétatoire. « En politique, la constance est une vertu », avez-vous dit aussi. Cet après-midi, la vôtre me paraît mal en point...

Pourquoi ceux qui sont contre l'introduction du droit à l'IVG dans la Constitution voteraient-ils quelque chose qu'ils ont combattu il y a un an ?

M. Ronan Dantec.  - Je rejoins Mme Primas sur l'accès aux soins.

J'ai entendu le président Retailleau : le terme « garantie » pourrait laisser penser qu'il faudrait des moyens supplémentaires. Le juge constitutionnel pourrait considérer que la puissance publique ne met pas les moyens suffisants pour garantir l'accès à l'IVG.

Le terme « garantie » est donc tout à fait nécessaire ! (Rires et applaudissements sur les travées du GEST)

Mme Muriel Jourda.  - Notre accord avec Mme Vogel aura été de courte durée... (Mme Mélanie Vogel le confirme en souriant.)

Il n'y a aucune inconstance à ne pas avoir voté l'amendement de Philippe Bas l'année dernière et à le voter aujourd'hui. Nous souhaitons, si ce texte devait être voté, que sa rédaction soit la plus sécurisée et la moins préjudiciable possible. Or le terme « garantie » n'offre aucune sécurité juridique et nous n'avons pas de certitude sur la façon dont il sera interprété par le Conseil constitutionnel.

La constance, nous la verrons dans le vote final.

À la demande du groupe Les Républicains et du GEST, l'amendement n°3 est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°134 :

Nombre de votants 342
Nombre de suffrages exprimés 318
Pour l'adoption 104
Contre 214

L'amendement n°3 n'est pas adopté.

(Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, du SER, du GEST, du RDPI, du RDSE, du groupe INDEP, ainsi que sur quelques travées du groupe UC ; Mme Elsa Schalck applaudit également.)

M. le président.  - Amendement n°1 rectifié sexies, présenté par MM. Milon, Retailleau et Mouiller, Mmes Imbert, Deseyne et Gruny, M. Somon, Mmes Lassarade, Puissat et M. Mercier, M. Khalifé, Mmes Noël, Eustache-Brinio et Micouleau, MM. Houpert, de Nicolaÿ et Chaize, Mme Garnier, M. Chatillon, Mmes Petrus, Malet et Pluchet, MM. Gueret et de Legge, Mmes Dumont et Berthet, MM. Panunzi et Duplomb, Mme Aeschlimann, M. Favreau, Mme F. Gerbaud, M. Sol, Mme Belrhiti, MM. Karoutchi et Rapin, Mme Gosselin et MM. Klinger, Szpiner et Tabarot.

Alinéa 2

Compléter cet alinéa par les mots :

et aux professionnels de santé de ne pas être tenus de la pratiquer ou d'y concourir

M. Alain Milon.  - Monsieur le ministre, vous avez parlé d'une attente populaire, et dit que les Français nous regardaient. Si l'attente populaire avait été respectée, y aurait-il eu le 18 juin 1940 ? Y aurait-il eu l'IVG, l'abolition de la peine de mort et le mariage pour tous ? (M. Rachid Temal proteste.)

Le Conseil constitutionnel reconnaît la liberté de conscience, avez-vous dit. Simone Veil le savait, mais elle a souhaité ajouter dans sa loi une clause de conscience pour que les professionnels de santé puissent refuser l'IVG.

Vous nous dites qu'il faut protéger la loi Veil : alors reprenons-en intégralement le texte, y compris la protection des professionnels qui refusent l'IVG dans le cadre de la clause de conscience. En effet, certains pourraient contester cette clause de conscience à l'avenir, comme d'autres pourraient contester, selon vous, le droit à l'IVG. (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains ; M. Loïc Hervé applaudit également.)

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Cet amendement a le mérite de respecter le parallélisme des formes : puisque nous inscrivons dans la Constitution la liberté de recourir à l'IVG, qui n'est protégée par le Conseil constitutionnel qu'en tant que dérivé de la liberté de la femme inscrite à l'article II la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, il en irait de même de la liberté de conscience des médecins, qui repose sur l'article X de cette Déclaration. C'est l'équilibre de la loi Veil.

La commission des lois a toutefois émis un avis défavorable à cette recherche de compromis.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Mme la rapporteure a évoqué le parallélisme des formes, mais l'IVG n'est pas une liberté constitutionnellement garantie. En revanche, une décision du Conseil constitutionnel du 27 juin 2001, très claire, fondée sur l'article X de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et sur le cinquième alinéa du préambule de la Constitution de 1946, affirme que la liberté de conscience est « un principe fondamental reconnu par les lois de la République » (PFRLR), qui, comme tous les juristes le savent, a valeur constitutionnelle.

Je comprends votre souci de garantir la liberté de conscience des médecins et des sages-femmes. Il n'est pas question de leur imposer d'aller là où leur conscience leur interdit d'aller. Mais vous ne pouvez pas défendre cet amendement en invoquant le parallélisme des formes.

Cet amendement est donc superfétatoire, car d'ores et déjà satisfait par ladite décision du Conseil constitutionnel. Aucun article de la Constitution n'évoque les droits de la défense. Pourtant, ce principe a valeur constitutionnelle, et heureusement !

Je vous suggère donc de retirer cet amendement, sans quoi le Gouvernement y sera défavorable. (Applaudissements sur les travées du RDPI, ainsi que sur quelques travées du groupe SER)

M. Philippe Bas.  - Monsieur le ministre, j'aurais des scrupules à vous contredire... (M. Éric Dupond-Moretti en doute.) Je ne dirais pas que votre raisonnement est spécieux, mais Alain Milon n'a pas parlé de liberté de conscience, mais de clause de conscience !

La conscience est libre, même lorsque vous exécutez un acte qui n'est pas conforme à vos convictions parce que vous êtes lié par un contrat de travail ou parce que vous êtes fonctionnaire. En revanche, la clause de conscience, qui est une sorte de droit de retrait, vous permet de ne pas accomplir un acte que votre conscience réprouve. Ce n'est pas la même chose !

Vous auriez pu faire le même raisonnement pour désapprouver l'inscription dans la Constitution, car la liberté de la femme a déjà valeur constitutionnelle, comme la liberté de conscience. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)

M. Stéphane Ravier.  - Je soutiens totalement cet amendement. (Marques d'ironie à gauche) Il faut inscrire l'objection de conscience des personnels de santé dans la Constitution.

En septembre 2018, les sénateurs macronistes, socialistes, communistes et écologistes -  la fameuse brochette !  - ont cosigné une proposition de loi de Mme Rossignol -  évidemment !  - visant à supprimer la clause de conscience en matière d'IVG. Les pseudo-défenseurs de la liberté sont en réalité ses pires ennemis ! Ils voulaient forcer les médecins, infirmiers, auxiliaires médicaux à un choix cornélien.

Dans leur marche forcée vers une prétendue émancipation, ils nous passent le carcan. La menace illibérale est là, de ce côté-là de l'hémicycle ! (Une huée à gauche)

Vous devriez vous rebaptiser parti sociétaliste, car vous piétinez le social ! (Un brouhaha croissant à gauche couvre progressivement la voix de l'orateur.)

Le comité consultatif national d'éthique, l'ordre national des médecins et le syndicat national des gynécologues obstétriciens de France sont opposés à la suppression de la double clause de conscience des professionnels de santé. Vous fragilisez notre système de santé : il suffira d'une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) pour remettre en cause toutes les limites en termes de délais... (Marques d'impatience à gauche)

M. le président.  - Il faut conclure.

M. Stéphane Ravier.  - ... et de liberté de conscience. Je voterai donc cet amendement.

M. Bernard Jomier.  - La clause de conscience des soignants est évidemment importante.

Ni les organisations professionnelles, ni l'ordre des médecins, ni l'Académie de médecine n'estiment que la constitutionnalisation de l'IVG porterait atteinte à la clause de conscience. Tous rejoignent l'analyse du garde des sceaux.

Je suis très attaché à la clause de conscience -  laquelle n'a pas été menacée par Mme Rossignol. (Mme Laurence Rossignol fait signe de l'évidence.) Il existe en effet une clause de conscience générale ; une double clause de conscience n'est pas forcément nécessaire.

Je ne voudrais pas que l'inscription de la liberté des femmes à recourir à l'IVG soit reportée au nom des médecins. Les femmes qui défendent les droits des femmes ne s'en sont jamais prises à notre clause de conscience ; alors ne nous en prenons pas à ce progrès pour les droits des femmes ! (Applaudissements à gauche, sur les travées du RDPI, du RDSE et du groupe INDEP, ainsi que sur plusieurs travées du groupe UC)

À la demande du GEST et du groupe Les Républicains, l'amendement n°1 rectifié sexies est mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici le résultat du scrutin n°135 :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 304
Pour l'adoption   85
Contre 219

L'amendement n°1 rectifié sexies n'est pas adopté.

(Applaudissements sur les travées du GEST, du RDPI, du RDSE, du groupe SER et sur quelques travées du groupe CRCE-K)

Vote sur l'article unique

M. Alain Duffourg .  - Aucun parti politique ne remet en cause le droit à l'IVG. Mais on ne saurait mettre dans la Constitution un catalogue de droits sociaux.

De nombreux Français ont rendu hommage à Robert Badinter, qui avait aboli la peine de mort. Or les mêmes entendent sacraliser l'interruption de la vie dans la loi fondamentale ! (Marques d'indignation à gauche)

Je voterai contre ce texte.

Mme Annick Billon .  - Je remercie Agnès Canayer pour son travail.

Le vote de ce soir ne doit pas nous exonérer d'accorder les moyens nécessaires pour que l'accès à l'IVG soit effectif dans tous les départements de France, car 18 % des femmes qui avortent le font hors de leur département.

Je voterai ce texte, car l'IVG est un droit fondamental pour les femmes. Nul ne peut dire s'il est menacé en France ou non. Nous devons voter ce texte pour toutes les femmes qui espèrent, et parce que la voix de la France est attendue, écoutée et respectée dans le monde. Nous devons le voter pour toutes les femmes qui n'ont pas accès à l'avortement et aussi celles de Pologne, de Hongrie ou de Slovaquie.

Inscrire ce droit dans la Constitution aujourd'hui, c'est le garantir demain ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC, SER, du RDSE, du RDPI et du GEST, ainsi que sur quelques travées des groupes CRCE-K et Les Républicains)

M. Stéphane Ravier .  - (Marques de réprobation à gauche) En votant ce texte, vous ouvrez la voie à des avortements jusqu'au terme de la grossesse ou pour des motifs eugénistes. Vous ouvrez la voie à des poursuites contre ceux qui voudraient s'y opposer.

Tous ces risques en cascade, alors qu'aucun parti ne remet en cause l'IVG, suffisent pour voter contre !

Réfléchissons plutôt à une grande politique familiale française incitative par un meilleur accueil de la vie. Je n'agis pas par calcul électoral, mais par sincérité. (Marques d'ironie à gauche)

Chers collègues de droite, j'en appelle à votre courage. Soyez des parlementaires libres ! (Vives protestations à droite)

Quant à moi, je ne fais que me ranger à l'avis de Mme Nicole Belloubet qui, en 2017, affirmait qu'il était inutile d'inscrire un droit à l'avortement dans la Constitution, de même que François Bayrou et la présidente de l'Assemblée nationale.

Monsieur Dupond-Moretti, je me range aussi à votre avis : vous affirmiez que cela conduirait à consacrer un accès sans condition à l'avortement, bien au-delà de la limite en vigueur.

Constant dans mes convictions, je voterai contre l'inscription du droit à l'IVG dans la Constitution !

Mme Agnès Canayer .  - Nous voilà au terme de longs débats riches, nourris, respectueux des opinions de chacun.

Le groupe Les Républicains souhaitait, à travers les amendements déposés par la commission des lois et par MM. Retailleau, Bas et Milon, veiller à une rédaction la plus intelligible et la plus claire possible. Le terme « garantie » ne doit pas déposséder le Parlement au profit du juge.

La constitutionnalisation du droit à l'IVG ne facilitera pas son accès ni ne résoudra le problème du manque de moyens.

Les membres du groupe Les Républicains voteront chacun selon leur intime conviction. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Laurence Rossignol .  - Sans surprise, le groupe SER votera ce projet de loi. Le Sénat s'apprête à émettre un beau vote.

Plusieurs de nos collègues ont changé d'avis. Contrairement à notre collègue zemmouriste, je ne renvoie personne à ses déclarations d'hier et je me réjouis quand nous avançons.

Le compromis que nous votons est dans l'esprit de la loi Veil : la rédaction qui va être adoptée n'est pas la nôtre, comme le texte de la loi Veil n'était pas celui que la gauche souhaitait. Nous sommes fiers d'avoir fait des compromis. Je suis heureuse que beaucoup de collègues aient fait ce chemin et remercie leurs femmes, leurs filles... (Rires) Grâce à elles, le Sénat accompagne l'évolution de la société. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

Mme Cécile Cukierman .  - Nous voterons ce texte, convaincus qu'il s'agit d'une avancée pour les femmes de France, mais plus largement d'un appel pour que tous les pays inscrivent dans leur constitution la liberté des femmes à disposer de leur corps.

Mais ce n'est pas une liberté pour les femmes seulement. Ce n'est pas le combat des femmes contre celui des hommes, mais le combat d'une société qui fait sien le principe fondamental suivant : nous disposons de notre avenir et de la capacité à donner la vie, mais cette dernière ne doit pas être imposée.

À chaque projet de loi de financement de la sécurité sociale, nous plaiderons pour rendre le droit à l'IVG effectif partout sur le territoire, hexagonal ou ultramarin, rural ou urbain. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K et SER)

Mme Mélanie Vogel .  - Nous nous apprêtons à franchir un pas immense pour la protection des droits et des libertés fondamentales, en énonçant solennellement qu'il n'est pas de société libre, démocratique et égalitaire sans protection du droit des femmes à disposer de leur vie. Nous le devons à toutes les femmes et à tous les parlementaires qui se sont battus pour ce droit, mais aussi et surtout à la mobilisation massive de toutes les féministes et associations féministes de France, de vos femmes, de vos filles et de vos nièces (marques d'ironie à droite), de toutes les femmes qui nous regardent. C'est pour elles, grâce à elles, que nous allons voter aujourd'hui. Je les remercie. C'est pour vous que nous votons ! (Applaudissements sur les travées du GEST, ainsi que sur quelques travées du groupe SER)

Mme Marie Mercier .  - Je suis une femme libre et je suis un médecin libre.

Ce soir n'est pas une fin, mais un début. Nous allons modifier la Constitution, mais pour quoi faire demain ? Accompagner les femmes, les aimer jusqu'au bout, en votant les crédits nécessaires pour qu'elles assument cet acte et poursuivent leur vie. C'est demain que tout commence. (Applaudissements sur plusieurs travées)

L'article unique est mis aux voix par scrutin public ordinaire de droit.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°136 :

Nombre de votants 339
Nombre de suffrages exprimés 317
Pour l'adoption 267
Contre   50

L'article unique constituant l'ensemble du projet de loi constitutionnelle est adopté.

(Applaudissements debout à gauche, puis sur de nombreuses travées au centre et à droite ; M. Stéphane Ravier applaudit la droite ironiquement.)

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Ce soir, le Sénat a écrit une nouvelle page de l'histoire du droit des femmes. Ce vote est historique : la France va être le premier pays au monde à inscrire dans sa constitution la liberté des femmes à disposer de leur corps.

Ce vote redit que les femmes de notre pays sont libres et réaffirme notre attachement à cette liberté.

Je remercie toutes celles et tous ceux qui ont oeuvré pour que ce texte aboutisse. Rendez-vous au Congrès ! (Applaudissements sur plusieurs travées)

La séance est suspendue à 20 h 05.

Présidence de Mme Sylvie Robert, vice-présidente

La séance reprend à 21 h 35.

Mise au point au sujet d'un vote

Mme Frédérique Puissat.  - Lors du scrutin n°136, Évelyne Renaud-Garabedian et Jean-Pierre Bansard auraient souhaité voter pour.

Acte en est donné.

Modification de l'ordre du jour

Mme la présidente.  - Par lettre en date de ce jour, le Gouvernement demande de compléter l'ordre du jour du mercredi 3 avril par l'examen, en troisième lecture, et sous réserve de sa transmission, de la proposition de loi visant à protéger le groupe Électricité de France d'un démembrement.

Il en est ainsi décidé.

Missions d'information (Nominations)

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle la désignation des 23 membres de la mission d'information sur le thème « L'avenir de la santé périnatale et son organisation territoriale » et des 23 membres de la mission d'information sur le thème « Architectes des Bâtiments de France : périmètre et compétences ».

En application de l'article 21, alinéa 3 de notre Règlement, les listes des candidats présentés par les groupes ont été publiées.

Ces candidatures seront ratifiées si la Présidence ne reçoit pas d'opposition dans le délai d'une heure prévu par notre Règlement.

CMP (Nominations)

Mme la présidente.  - Des candidatures pour siéger au sein des commissions mixtes paritaires chargées d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi visant à lutter contre les dérives sectaires et de la proposition de loi portant diverses mesures relatives au grand âge et à l'autonomie ont été publiées.

Ces candidatures seront ratifiées si la Présidence n'a pas reçu d'opposition dans le délai d'une heure prévu par notre Règlement.

Organisme extra-parlementaire (Nomination)

Mme la présidente.  - En application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution, ainsi que de la loi organique et de la loi ordinaire du 23 juillet 2010 prises pour son application, la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable a émis, lors de sa réunion de ce jour, un avis favorable (14 voix pour, 12 voix contre) à la nomination de M. Franck Leroy à la présidence du conseil d'administration de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France.

Conventions internationales (Procédure simplifiée)

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle l'examen de deux projets de loi tendant à autoriser la ratification ou l'approbation de conventions internationales.

Pour ces deux projets de loi, la Conférence des Présidents a retenu la procédure d'examen simplifié.

Je vais donc les mettre successivement aux voix.

La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées est favorable à l'adoption de ces textes.

Le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord global dans le domaine du transport aérien entre les États membres de l'association des nations de l'Asie du sud-est, et l'Union européenne et ses États membres est adopté.

Le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Principauté d'Andorre concernant la démarcation et l'entretien de la frontière est définitivement adopté.

Rénovation de l'habitat dégradé (Procédure accélérée - Suite)

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle la suite de la discussion projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à l'accélération et à la simplification de la rénovation de l'habitat dégradé et des grandes opérations.

Discussion des articles (Suite)

Après l'article 9 ter

Mme la présidente.  - Amendement n°58 rectifié, présenté par Mme Margaté et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky.

Après l'article 9 ter

Insérer un article additionnel ainsi rédiigé :

À la seconde phrase du deuxième alinéa du I de l'article 22 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, après le mot : « Toutefois », sont insérés les mots : « les voix des propriétaires qui ont leur résidence principale dans la copropriété comptent double et ».

Mme Marianne Margaté.  - Tous les bailleurs n'ont pas le même investissement dans le maintien en bon état des logements. La mise en location est un droit, mais l'entretien est un devoir. Or sur 400 000 logements indignes, la moitié sont loués, et plus de cinq millions de logements sont des passoires thermiques. Nous proposons de doubler le poids des copropriétaires occupants lors du vote en assemblée générale.

Mme Amel Gacquerre, rapporteure de la commission des affaires économiques.  - L'amendement est contraire à la loi de 1965 et au droit constitutionnel de propriété. Avis défavorable.

M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué chargé du logement.  - En effet, ce serait inconstitutionnel. Avis défavorable.

L'amendement n°58 rectifié n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°4, présenté par M. Féraud, Mme Brossel et M. Jomier.

Après l'article 9 ter

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I.  -  Le I de l'article 1383-0 B du code général des impôts, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024, est ainsi modifié :

1° Au 2° du A, le montant : « 10 000 euros » est remplacé par le montant : « 7 000 euros » et le montant : « 15 000 euros » est remplacé par le montant : « 10 000 euros » ;

2° À la première phrase du B, les mots : « trois ans » sont remplacés par les mots : « cinq ans ».

II. -  La perte de recettes résultant pour les collectivités territoriales du I est compensée, à due concurrence, par une majoration de la dotation globale de fonctionnement.

III. - La perte de recettes résultant pour l'État du paragraphe précédent est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services..

M. Rémi Féraud.  - Cet amendement renforce l'exonération de taxe foncière pour les propriétaires qui effectuent des travaux de rénovation énergétique. Nous proposons d'abaisser le seuil du montant des travaux concernés de 10 000 à 7 000 euros et d'allonger la durée de l'exonération de trois à cinq ans.

Mme Amel Gacquerre, rapporteure.  - Cela réduirait les ressources des collectivités territoriales. En outre, est-il pertinent de revenir sur des dispositions votées fin 2023, qui doivent entrer en vigueur en 2025 ? Avis défavorable.

M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué.  - Même avis.

L'amendement n°4 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°35, présenté par Mme Guhl, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée, Souyris et M. Vogel.

Après l'article 9 ter

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article L. 832-2 du code de la construction et de l'habitation, il est inséré un article L. 832-... ainsi rédigé : 

« Art. L. 832-....  -  Lorsque l'organisme payeur ou un organisme dûment habilité par ce dernier a constaté que le logement ne satisfaisait pas aux caractéristiques de décence mentionnées à l'article L. 822-9, l'aide personnalisée au logement est conservée par l'organisme payeur pendant un délai maximal fixé par voie réglementaire.

« L'organisme payeur notifie au bailleur ou à l'établissement habilité à cette fin, le constat établissant que le logement ne remplit pas les conditions requises pour être qualifié de logement décent et les informent qu'ils doivent le mettre en conformité dans le délai maximal mentionné au premier alinéa pour que l'aide personnalisée au logement conservée leur soit versée.

« Durant ce délai, le locataire s'acquitte du montant du loyer et des charges récupérables diminué du montant des aides personnalisées au logement, dont il a été informé par l'organisme payeur, sans que cette diminution puisse fonder une action du bailleur ou de l'établissement habilité à cette fin à son encontre pour obtenir la résiliation du bail. »

Mme Antoinette Guhl.  - Il s'agit de prévoir la conservation des allocations logement en cas de non-décence de logements sociaux, à l'instar du mécanisme existant dans le parc privé. La loi Alur permet de suspendre les aides pendant 18 mois afin d'inciter les propriétaires à rendre leur logement décent.

Mme Amel Gacquerre, rapporteure.  - La conservation des allocations de logement concerne le parc privé mais aussi social. Toutefois, elle trouve rarement à s'appliquer, car ces allocations ne sont versées qu'aux locataires non éligibles aux aides personnelles au logement (APL).

La décence étant une condition du conventionnement des logements, ils ne sont pas intégrés dans le dispositif. Retrait, sinon avis défavorable.

M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué.  - Même avis.

L'amendement n°35 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°10 rectifié, présenté par Mme N. Delattre, M. Bilhac, Mme M. Carrère, MM. Fialaire et Grosvalet, Mme Guillotin, MM. Guiol, Laouedj et Masset, Mme Pantel et M. Roux.

Après l'article 9 ter

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au premier alinéa de l'article 17-2 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, le mot : « Seul » est remplacé par le mot : « Seuls » et les mots : « peut être syndic non professionnel » sont remplacés par les mots : « , ses ascendants ou descendants, son conjoint, son partenaire lié à lui par un pacte civil de solidarité, son représentant légal ou ses usufruitiers peuvent être syndic non professionnel ».

M. Michel Masset.  - Nous permettons aux membres de la famille d'un copropriétaire d'être syndic non professionnel. En effet, un propriétaire-bailleur vivant loin de l'immeuble peut être désigné syndic, alors que ses descendants ou ascendants y étant logés seraient plus impliqués. Cela s'inscrit dans la logique de simplification et de prévention des dégradations.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°41 rectifié, présenté par Mmes Loisier et Guidez, M. Henno, Mme O. Richard, MM. Levi, Lafon et Courtial, Mme Billon, MM. Duffourg, Cambier et Canévet et Mme Jacquemet.

Mme Anne-Catherine Loisier.  - Défendu. Cet amendement s'inspire de dispositions existantes pour le conseil syndical.

Mme Amel Gacquerre, rapporteure.  - La commission l'a déjà rejeté. Confier la gestion d'un syndicat à une personne non propriétaire pourrait poser des problèmes de légitimité. Ce dispositif mériterait d'être mieux bordé. Retrait, sinon avis défavorable.

M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué.  - L'extension proposée est trop large, et les relations familiales peuvent se dégrader dans le temps. Retrait, sinon avis défavorable.

Mme Anne-Catherine Loisier.  - Cette possibilité existe pourtant pour un conseil syndical classique.

M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué.  - Le syndic a des responsabilités juridiques plus importantes.

Les amendements identiques nos10 rectifié et 41 rectifié ne sont pas adoptés.

Mme la présidente.  - Amendement n°31, présenté par Mme Guhl, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée, Souyris et M. Vogel.

Après l'article 9 ter

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le neuvième alinéa de l'article 21 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis est complété par une phrase ainsi rédigée : « L'assemblée générale peut également désigner au conseil syndical un locataire dès lors que celui-ci dispose d'un mandat exprès de son bailleur. »

Mme Antoinette Guhl.  - Les propriétaires bailleurs peuvent habiter loin du logement qu'ils possèdent et être dès lors peu présents au sein des conseils syndicaux. Nous proposons que des locataires puissent siéger au conseil syndical à condition d'être mandatés expressément par le bailleur et élus par l'assemblée générale.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°42 rectifié, présenté par Mmes Loisier et Guidez, M. Henno, Mme O. Richard, MM. Levi, Lafon et Courtial, Mme Billon, MM. Duffourg, Cambier et Canévet et Mmes Saint-Pé et Jacquemet.

Mme Anne-Catherine Loisier.  - Défendu.

Mme Amel Gacquerre, rapporteure.  - La loi de 1965 permet aux locataires de formuler des observations lors des assemblées générales. Cet amendement en modifierait l'équilibre. La gestion de copropriété reste de la responsabilité des propriétaires, car les risques ne sont pas les mêmes pour les propriétaires et les locataires. Retrait, sinon avis défavorable.

M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué.  - Même avis.

Les amendements identiques nos31 et 42 rectifié ne sont pas adoptés.

Mme la présidente.  - Amendement n°39 rectifié, présenté par Mmes Loisier et Guidez, M. Henno, Mme O. Richard, MM. Levi, Lafon et Courtial, Mme Billon et MM. Duffourg, Cambier et Canévet.

Après l'article 9 ter

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le II de l'article 24 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« ...) La constitution d'une réserve, laquelle ne peut excéder un quart du montant du budget prévisionnel. »

Mme Anne-Catherine Loisier.  - Les avances de trésorerie doivent être prévues par le règlement de copropriété et ne peuvent excéder un sixième du budget prévisionnel, soit deux mois. L'amendement supprime toute référence au règlement et porte au quart du budget prévisionnel le montant maximal de cette réserve.

Mme la présidente.  - Sous-amendement n°159 à l'amendement n°39 rectifié de Mme Loisier, présenté par le Gouvernement.

Amendement n° 39, alinéa 3

Remplacer les mots :

Le II de l'article 24

par les mots :

L'article 25

M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué.  - Il s'agit de sécuriser l'amendement n°39, qui apporte de la souplesse, en précisant que cette réserve est votée à la majorité absolue des copropriétaires, conformément à l'article 25 de la loi du 19 juillet 1965, et non pas seulement des présents. En effet, la réserve atteindrait un niveau important.

Mme Amel Gacquerre, rapporteure.  - L'idée est séduisante, mais on peut s'interroger sur l'utilité de ces fonds... Soit la copropriété n'a pas de souci financier et la réserve n'est pas nécessaire, soit cette réserve la mettra encore davantage en difficulté. Avis défavorable.

M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué.  - Si le sous-amendement du Gouvernement n'est pas adopté, avis défavorable à l'amendement n°39 rectifié.

À la demande de la commission des affaires économiques, le sous-amendement n°159 est mis aux voix par scrutin public.

Mme la présidente.  - Voici le résultat du scrutin n°137 :

Nombre de votants 339
Nombre de suffrages exprimés 339
Pour l'adoption 130
Contre 209

Le sous-amendement n°159 n'est pas adopté.

L'amendement n°39 rectifié est retiré.

Mme la présidente.  - Amendement n°40 rectifié, présenté par Mmes Loisier et Guidez, M. Henno, Mme O. Richard, MM. Levi, Lafon et Courtial, Mme Billon, MM. Duffourg, Cambier et Canévet et Mme Jacquemet.

Après l'article 9 ter

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article 41-12 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, il est inséré un article 41-... ainsi rédigé :

« Art. 41-....  -  Par dérogation aux dispositions de l'article 14-2-1, lorsque l'assemblée générale a adopté le plan pluriannuel de travaux mentionné à l'article 14-2, le montant de la cotisation annuelle alimentant le fonds de travaux ne peut être inférieur à 2,5 % du montant des travaux prévus dans le plan adopté et à 20 % du budget prévisionnel mentionné à l'article 14-1. À défaut d'adoption d'un plan, le montant de la cotisation annuelle ne peut être inférieur à 20 % du budget prévisionnel mentionné au même article 14-1. »

Mme Anne-Catherine Loisier.  - Nous portons à 20 % le taux de cotisation du fonds de travaux pour les petites copropriétés ayant au plus cinq lots à usage de logements, bureaux ou commerces.

Mme Amel Gacquerre, rapporteure.  - Les 5 % actuels sont un minimum. Laissons aux copropriétaires la liberté d'agir. Retrait, sinon avis défavorable.

M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué.  - Même avis.

Mme Anne-Catherine Loisier.  - À ma connaissance, les copropriétaires peuvent décider d'augmenter ce plafond, mais à la seulement majorité absolue. C'est un frein aux travaux essentiels à la rénovation énergétique.

L'amendement n°40 rectifié n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°43 rectifié, présenté par Mmes Loisier et Guidez, M. Henno, Mme O. Richard, MM. Levi, Lafon et Courtial, Mme Billon et MM. Duffourg, Cambier et Canévet.

Après l'article 9 ter

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le troisième alinéa de l'article 44 de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 tendant à favoriser l'investissement locatif, l'accession à la propriété de logements sociaux et le développement de l'offre foncière est ainsi rédigé :

« Dans les immeubles soumis au statut de la copropriété, les représentants des associations désignés ci-dessus participent de plein droit aux réunions du conseil syndical mais ne disposent pas du statut de conseiller syndical. Ces représentants peuvent également assister à l'assemblée générale de copropriété et formuler des observations sur les questions inscrites à l'ordre du jour de l'assemblée générale. Le syndic de la copropriété informe les représentants des associations, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, de la date, de l'heure, du lieu et de l'ordre du jour de l'assemblée générale en respectant le délai de convocation visé à l'article 9 du décret n° 67-223 du 17 mars 1967 pris pour l'application de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis. Sont notifiés aux représentants des associations, selon les mêmes conditions, les documents visés à l'article 11 du décret précité. »

Mme Anne-Catherine Loisier.  - Cet amendement vise à renforcer le rôle des représentants des associations de locataires dans le cas des copropriétés dites mixtes, créées à la suite de la vente par un bailleur social d'une partie de ses logements.

Il est proposé que ces représentants reçoivent les documents joints à la convocation en assemblée générale et qu'ils puissent assister de plein droit aux réunions du conseil syndical, sans droit de vote.

Mme Amel Gacquerre, rapporteure.  - La participation des locataires est une chose, mais leurs responsabilités ne sont pas les mêmes que celles des propriétaires. Devoirs et responsabilités vont de pair. Avis défavorable.

M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué.  - Même avis.

L'amendement n°43 rectifié n'est pas adopté.

L'article 9 quater est adopté.

Article 9 quinquies

Mme la présidente.  - Amendement n°131, présenté par le Gouvernement.

Supprimer cet article.

M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué.  - Le dispositif « Denormandie dans l'ancien », qui incite les particuliers à la rénovation de logements anciens situés sur le périmètre des programmes Action coeur de ville et Petites Villes de demain, vient d'être prorogé jusqu'au 31 décembre 2026. Adaptons, le cas échéant, le dispositif dans le cadre d'une réforme plus globale, après évaluation.

Mme Amel Gacquerre, rapporteure.  - L'extension de ce dispositif aux copropriétés en difficulté est une demande forte des maires. Le projet de loi ne prévoit pas de moyens nouveaux : dégageons donc des marges de manoeuvre. Avis défavorable.

À la demande de la commission, l'amendement n°131 est mis aux voix par scrutin public.

Mme la présidente.  - Voici le résultat du scrutin n°138 :

Nombre de votants 339
Nombre de suffrages exprimés 338
Pour l'adoption.. 37
Contre 301

L'amendement n°131 n'est pas adopté.

L'article 9 quinquies est adopté.

Article 10

Mme la présidente.  - Amendement n°155, présenté par M. Buis et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

I.  -  Après l'alinéa 1

Insérer huit alinéas ainsi rédigés :

...° Après l'article L. 303-1, il est inséré un article L. 303-1-1 ainsi rédigé :

« Art L. 303-1-1. - Lorsqu'un immeuble ou un ensemble immobilier soumis au statut de la copropriété des immeubles bâtis est inclus dans le périmètre d'une opération programmée d'amélioration de l'habitat prévue à l'article L. 303-1 et que la poursuite de cette opération, lorsque celle-ci poursuit un objectif de redressement et de transformation des copropriétés dégradées, nécessite de procéder à la division du syndicat des copropriétaires ou à la création de syndicats des copropriétaires secondaires, le représentant de l'État dans le département ou l'une des collectivités territoriales signataires de la convention prévue à l'article L. 303-1, avec l'accord du représentant de l'État dans le département, peut demander au syndic d'inscrire à l'ordre du jour de la prochaine assemblée générale le projet de division du syndicat des copropriétaires ou de création de syndicats de copropriétaires secondaires.

« Le premier alinéa du présent article n'est applicable qu'aux opérations prévoyant des dispositifs d'accompagnement social des occupants et des propriétaires, d'intervention immobilière et foncière, incluant des actions d'acquisition, de travaux et de portage de lots de copropriété. L'immeuble concerné doit également présenter un état de dégradation compromettant sa conservation. Cet état est constaté par un rapport d'expert établi aux frais de l'État ou de l'une des collectivités signataires de la convention.

« Lorsque le projet de division du syndicat des copropriétaires ou de création de syndicats de copropriétaires secondaires n'a pas été adopté par l'assemblée des copropriétaires, le syndic en informe les signataires de la convention.

« À réception de cette information, l'une des collectivités territoriales avec l'accord du représentant de l'État dans le département ou le représentant de l'État dans le département signataires de la convention peut, après avis des autres signataires, saisir le juge afin qu'il :

« 1° Constate que cette abstention compromet la poursuite de l'opération programmée d'amélioration de l'habitat prévue à l'article L. 303-1 ainsi que la conservation de l'immeuble compris dans son périmètre ;

« 2° Désigne, aux frais du demandeur, un expert chargé de la mission prévue à l'article L. 741-3.

« Le rôle dévolu par le même article L. 741-3 à l'opérateur d'opération de requalification des copropriétés dégradées est alors confié au demandeur, qui peut le déléguer à un opérateur. La division ne peut conduire au partage inégal prévu au V de l'article L. 741-3. »

II.  -  Alinéa 3

Supprimer les mots :

ou dans une opération de revitalisation de territoire prévue à l'article L. 303-2

III.  -  Alinéas 11 et 20

Remplacer les mots :

peut prononcer

par les mots :

prononce

IV.  -  Alinéa 19

Supprimer les mots :

fait l'objet d'un plan de sauvegarde prévu aux articles L. 615-1 à L. 615-10 ou

et remplacer les mots :

ou au succès du plan de sauvegarde, l'opérateur ou le coordonnateur du plan de sauvegarde, au sens du II de l'article L. 615-2 du présent code,

par les mots : 

, l'opérateur

V.  -  Alinéa 26

Remplacer les mots :

le représentant de l'État dans le département ou l'une des collectivités territoriales signataires du plan de sauvegarde peut, avec l'accord du représentant de l'État dans le département et

par les mots :

l'une des collectivités territoriales, avec l'accord du représentant de l'État dans le département ou ce dernier, signataires du plan de sauvegarde, peut,

VI.  -  Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :

« Lorsque la poursuite du plan de sauvegarde est compromise du fait de l'inclusion de l'immeuble dans le périmètre d'une association syndicale libre régie par l'ordonnance n° 2004-632 du 1er juillet 2004 relative aux associations syndicales de propriétaires ainsi que, le cas échéant, par le chapitre II du titre II du livre III du code de l'urbanisme, l'une des collectivités territoriales avec l'accord du représentant de l'État dans le département ou ce dernier, signataires du plan de sauvegarde, peut saisir le juge dans les conditions prévues à l'article L. 741-4 afin qu'il en fasse le constat et qu'il désigne, aux frais de l'État ou de la collectivité territoriale l'ayant saisi, un expert chargé de la mission prévue à l'article L. 741-4.

« Le rôle dévolu par ce même article à l'opérateur d'opération de requalification des copropriétés dégradées est confié au demandeur, qui peut le déléguer à un opérateur. »

M. Bernard Buis.  - La commission a modifié l'extension de la procédure de réorganisation forcée aux copropriétés dégradées situées dans le périmètre des opérations programmées d'amélioration de l'habitat (Opah) pour l'autoriser dans les opérations de revitalisation de territoire (ORT). Cette modification paraît restrictive.

En outre, la procédure doit être proportionnée au regard du droit de propriété. Nous proposons d'expliciter le rôle des parties prenantes à l'Opah, différents du cadre des opérations de requalification des copropriétés dégradées (Orcod).

Mme la présidente.  - Amendement n°171, présenté par Mme Gacquerre, au nom de la commission des affaires économiques.

I. - Après l'alinéa 1

Insérer huit alinéas ainsi rédigés :

....° Après l'article L. 303-1, il est inséré un article L. 303-1-... ainsi rédigé :

« Art. L. 303-1-... Lorsqu'un immeuble ou un ensemble immobilier soumis au statut de la copropriété des immeubles bâtis est inclus dans le périmètre d'une opération programmée d'amélioration de l'habitat prévue à l'article L. 303-1 et que la poursuite de cette opération, lorsque celle-ci poursuit un objectif de redressement et de transformation des copropriétés dégradées, nécessite de procéder à la division du syndicat des copropriétaires ou à la création de syndicats des copropriétaires secondaires, le représentant de l'État dans le département ou l'une des collectivités territoriales signataires de la convention prévue à l'article L. 303-1, avec l'accord du représentant de l'État dans le département, peut demander au syndic d'inscrire à l'ordre du jour de la prochaine assemblée générale le projet de division du syndicat des copropriétaires ou de création de syndicats de copropriétaires secondaires.

« Le premier alinéa du présent article n'est applicable qu'aux opérations prévoyant des dispositifs d'accompagnement social des occupants et des propriétaires, d'intervention immobilière et foncière, incluant des actions d'acquisition, de travaux et de portage de lots de copropriété. L'immeuble concerné doit également présenter un état de dégradation compromettant sa conservation. Cet état est constaté par un rapport d'expert établi aux frais de l'État ou de l'une des collectivités signataires de la convention.

« Lorsque le projet de division du syndicat des copropriétaires ou de création de syndicats de copropriétaires secondaires n'a pas été adopté par l'assemblée des copropriétaires, le syndic en informe les signataires de la convention.

« À réception de cette information, l'une des collectivités territoriales avec l'accord du représentant de l'État dans le département ou le représentant de l'État dans le département signataires de la convention peut, après avis des autres signataires, saisir le juge afin qu'il :

« 1° Constate que cette abstention compromet la poursuite de l'opération programmée d'amélioration de l'habitat prévue à l'article L. 303-1 ainsi que la conservation de l'immeuble compris dans son périmètre ;

« 2° Désigne, aux frais du demandeur, un expert chargé de la mission prévue à l'article L. 741-3.

« Le rôle dévolu par le même article L. 741-3 à l'opérateur d'opération de requalification des copropriétés dégradées est alors confié au demandeur, qui peut le déléguer à un opérateur. La division ne peut conduire au partage inégal prévu au V de l'article L. 741-3. » ; 

II.  -  Alinéa 3

Supprimer les mots :

ou dans une opération de revitalisation de territoire prévue à l'article L. 303-2

III.  -  Alinéa 19

Supprimer les mots :

fait l'objet d'un plan de sauvegarde prévu aux articles L. 615-1 à L. 615-10 ou

et remplacer les mots :

ou au succès du plan de sauvegarde, l'opérateur ou le coordonnateur du plan de sauvegarde, au sens du II de l'article L. 615-2 du présent code,

par les mots : 

, l'opérateur

IV.  - Alinéa 26

Remplacer les mots :

le représentant de l'État dans le département ou l'une des collectivités territoriales signataires du plan de sauvegarde peut avec l'accord du représentant de l'État dans le département et

par les mots :

l'une des collectivités territoriales, avec l'accord du représentant de l'État dans le département ou ce dernier, signataires du plan de sauvegarde, peut,

V. - Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :

« Lorsque la poursuite du plan de sauvegarde est compromise du fait de l'inclusion de l'immeuble dans le périmètre d'une association syndicale libre régie par l'ordonnance n° 2004-632 du 1er juillet 2004 relative aux associations syndicales de propriétaires ainsi que, le cas échéant, par le chapitre II du titre II du livre III du code de l'urbanisme, l'une des collectivités territoriales avec l'accord du représentant de l'État dans le département ou ce dernier, signataires du plan de sauvegarde, peut saisir le juge dans les conditions prévues à l'article L. 741-4 afin qu'il en fasse le constat et qu'il désigne, aux frais de l'État ou de la collectivité territoriale l'ayant saisi, un expert chargé de la mission prévue à l'article L. 741-4.

« Le rôle dévolu par ce même article à l'opérateur d'opération de requalification des copropriétés dégradées est confié au demandeur, qui peut le déléguer à un opérateur. »

Mme Amel Gacquerre, rapporteure.  - Nous reprenons l'essentiel de l'amendement du Gouvernement. Les villes petites et moyennes doivent disposer d'un outil facilitant la cession des copropriétés, notamment dans les centres anciens, en dehors des Orcod. Cela répond à une demande de l'Assemblée nationale et du Sénat.

En revanche, le Gouvernement veut revenir sur le pouvoir d'appréciation du juge, qui est de règle aujourd'hui pour les cessions sous administration provisoire. Or il s'agit d'une garantie utile, comme le recours à un expert indépendant - je renvoie à l'avis du Conseil d'État.

Mme la présidente.  - Amendement n°95, présenté par Mme Artigalas et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Alinéa 3

Remplacer les mots :

de revitalisation de territoire prévue à l'article L. 303-2

par les mots :

programmée d'amélioration de l'habitat prévue à l'article L. 303-1 qui a pour objet la rénovation urbaine

Mme Viviane Artigalas.  - La commission a réduit le champ de la procédure de scission forcée des copropriétés en redressement aux opérations de revitalisation de territoire (ORT). L'amendement vise à rétablir le périmètre retenu à l'Assemblée nationale, à savoir les Opah, et non les seules ORT, afin d'accompagner les grands ensembles en difficulté financière.

Mme Amel Gacquerre, rapporteure.  - Sur l'amendement n°155, avis défavorable ; sur l'amendement n°95, retrait, sinon avis défavorable.

M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué.  - Ces trois amendements vont dans le bon sens : clarification et recentrage. Néanmoins, la rédaction de l'amendement n°171 confère au juge judiciaire un pouvoir d'appréciation sur le prononcé de la scission de copropriété à l'issue de l'expertise, ce qui serait contraire au principe de séparation des pouvoirs : il n'est pas le juge de l'opportunité du projet.

Le Gouvernement préfère la rédaction de l'amendement n°155. Avis favorable à l'amendement n°155, avis défavorable aux amendements nos171 et 95.

À la demande de la commission, l'amendement n°155 est mis aux voix par scrutin public.

Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°139 :

Nombre de votants 336
Nombre de suffrages exprimés 336
Pour l'adoption   39
Contre 197

L'amendement n°155 n'est pas adopté.

À la demande de la commission, l'amendement n°171 est mis aux voix par scrutin public.

Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°140 :

Nombre de votants 339
Nombre de suffrages exprimés 339
Pour l'adoption 222
Contre 117

L'amendement n°171 est adopté.

L'amendement n°95 n'a plus d'objet.

L'article 10, modifié, est adopté.

Article 11

Mme la présidente.  - Amendement n°156, présenté par M. Buis et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

Alinéa 12, première phrase

Remplacer cette phrase par deux phrases ainsi rédigées :

L'arrêté est notifié par le représentant de l'État dans le département au bénéficiaire de la déclaration d'utilité publique et au maire de la commune dans laquelle sont situés les immeubles ou les droits réels immobiliers. Le bénéficiaire de la déclaration d'utilité publique est chargé de la notification aux syndicats de copropriétaires, aux copropriétaires et aux occupants connus.

M. Stéphane Fouassin.  - L'amendement vise à clarifier les obligations d'information entre l'autorité compétente et l'opérateur chargé de la mise en oeuvre de l'opération.

Mme Amel Gacquerre, rapporteure.  - Précision bienvenue, avis favorable.

M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué.  - Même avis.

L'amendement n°156 est adopté.

L'article 11, modifié, est adopté.

Les articles 12, 12 bis A, 12 bis, 12 ter et 13 sont successivement adoptés.

Article 13 bis (Supprimé)

Mme la présidente.  - Amendement n°51 rectifié, présenté par Mme Havet, MM. Buis, Iacovelli, Fouassin et Lemoyne, Mme Duranton, MM. Lévrier, Omar Oili et Haye et Mme Nadille.

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Le premier alinéa de l'article 18-2 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis est ainsi modifié :

a) La deuxième phrase est complétée par les mots : « ainsi que de la fiche de sortie présentant la situation financière de la copropriété sur la base des comptes des trois dernières années approuvés ou à approuver » ;

b) Après la même deuxième phrase, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Un décret fixe le contenu et les modalités de mise en oeuvre. »

M. Bernard Buis.  - Il s'agit de formaliser un historique de la situation financière en cas de changement de syndic. Plus de 100 000 copropriétés sont identifiées comme en difficulté, sans qu'il soit toujours possible d'identifier les responsabilités. Cette fiche de sortie sera gage de lisibilité.

Mme la présidente.  - Amendement n°14 rectifié, présenté par M. Bilhac, Mme M. Carrère, MM. Daubet, Fialaire, Grosvalet et Guérini, Mme Guillotin, MM. Guiol et Masset, Mme Pantel et M. Roux.

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Le premier alinéa de l'article 18-2 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 précitée est ainsi modifié : 

a) La deuxième phrase est complétée par les mots : « , ainsi que la fiche de sortie présentant la situation financière de la copropriété sur la base des comptes des trois dernières années approuvés ou à approuver » ;

b) Après la même deuxième phrase, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Cette fiche de sortie est définie par décret. » 

M. Michel Masset.  - Un tel bilan, sous forme de fiche de sortie synthétique, permettrait de surmonter les difficultés dans la phase de transition entre deux syndics, pour une appréciation de la situation consolidée des copropriétés.

Mme Amel Gacquerre, rapporteure.  - Un syndic non renouvelé a déjà l'obligation de réaliser une fiche synthétique à destination des copropriétaires. Je ne vois pas d'intérêt à cette nouvelle formalité, contraire à l'objectif de simplification et d'accélération. Avis défavorable.

M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué.  - Je partage cet avis. En cas de changement de syndic, la loi de 1965 prévoit déjà une obligation de transmission de documents au nouveau syndic. Si je comprends l'objectif, ces amendements alourdiraient les tâches des syndics, sans réelle plus-value. Retrait, sinon avis défavorable.

L'amendement n°51 rectifié est retiré, ainsi que l'amendement n°14 rectifié.

L'article 13 bis demeure supprimé.

Article 14

Mme la présidente.  - Amendement n°36, présenté par Mme Guhl, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée, Souyris et M. Vogel.

Supprimer cet article.

Mme Antoinette Guhl.  - Cet amendement supprime l'article 14, qui élargit les outils mobilisables pour la mise en oeuvre d'une opération d'intérêt national (OIN). La loi Elan a d'ores et déjà modernisé ce type d'opérations, pour plus de souplesse. Il n'est pas opportun d'aller plus loin. Les OIN sont l'exemple du passage en force de l'État - je pense au projet Cigéo à Bure...

Nous sommes loin du sujet du texte, qui est l'habitat indigne et dégradé, rappelons-le.

Mme Amel Gacquerre, rapporteure.  - La commission n'a pas souhaité modifier cet article, qui introduit des modifications somme toute limitées au régime des OIN. La prise de possession anticipée existe déjà pour les Orcod-IN. La commission a précisé qu'elle ne pourrait se faire qu'à titre exceptionnel pour les OIN.

L'expérimentation de la participation par voie électronique en Guyane a donné des résultats satisfaisants. Il n'y a pas lieu de s'opposer à cette mesure d'accélération, qui reste facultative. Avis défavorable.

M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué.  - Même avis. La rapporteure l'a dit, l'article 14 est un élément de simplification et d'accélération. Madame Guhl, l'intitulé du projet de loi vise bien l'accélération et la simplification de la rénovation de l'habitat dégradé et des grandes opérations d'aménagement : nous sommes au coeur du texte. Avis défavorable.

L'amendement n°36 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°134, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 1

Remplacer cet alinéa par trois alinéas ainsi rédigés :

I.  -  Le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa de l'article L. 122-1-1, après la première occurrence du mot : « publique », sont insérés les mots : « d'un projet situé dans le périmètre d'une opération d'intérêt national, au sens de l'article L. 102-12 du code de l'urbanisme, ou d'une grande opération d'urbanisme, au sens de l'article L. 312-3 du même code, et répondant aux objectifs de cette opération, » ;

2° Après le premier alinéa de l'article L. 522-1, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué.  - L'article 21 de la loi du 23 octobre 2023 sur l'industrie verte a permis de reconnaître une raison impérative d'intérêt public majeur (RIIPM) pour des projets industriels au stade de la déclaration d'utilité publique (DUP). Cet amendement permet à des projets nécessaires à des OIN et des grandes opérations d'urbanisme (GOU) d'avoir recours à cette possibilité.

Mme Amel Gacquerre, rapporteure.  - Permettre à la DUP de reconnaître le caractère de RIIPM éviterait toute contestation contre l'acte accordant la dérogation « espèce protégée ». Il s'agit de gagner du temps en remontant le délai durant lequel la RIIPM peut être contestée. Avis favorable.

L'amendement n°134 est adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°133, présenté par le Gouvernement.

I.  -  Alinéa 2

1° Après les mots :

l'urbanisme

insérer les mots :

ou d'une grande opération d'urbanisme mentionnée à l'article L. 312-3 du même code

2° Remplacer les mots :

sa réalisation

par les mots :

la réalisation de cette opération

II.  -  Alinéa 6

Après les mots :

l'urbanisme,

insérer les mots :

ou d'une grande opération d'urbanisme, au sens de l'article L. 312-3 du même code,

III.  -  Alinéa 7

Après le mot :

national

insérer les mots :

ou d'une grande opération d'urbanisme

IV.  -  Alinéa 11

Compléter cet alinéa par les mots :

et aux grandes opérations d'urbanisme

V.  -  Alinéa 12

Après les mots :

l'urbanisme,

insérer les mots :

ou d'une grande opération d'urbanisme, au sens de l'article L. 312-3 du même code,

VI.  -  Alinéa 18

Remplacer les mots :

à l'article L. 522-1-1

par les mots :

au deuxième alinéa de l'article L. 522-1 

VII.  -  Après l'alinéa 22

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

IV bis.- Après le 5° de l'article L. 312-5 du code de l'urbanisme, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :

« 6° La prise de possession d'un ou de plusieurs immeubles bâtis ou non bâtis dont l'acquisition est nécessaire à l'opération peut être autorisée dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article L. 522-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;

« 7° Les projets répondant aux objectifs de l'opération et les évolutions de plan ou programme nécessaires pour en permettre la réalisation peuvent faire l'objet d'une procédure de participation du public par voie électronique prévue à l'article L. 123-19 du code de l'environnement dans les conditions définies à l'article L. 123-19-11 du même code. »

M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué.  - Différents outils ont été mis en place pour les GOU depuis la loi Elan en 2018. Les dernières évolutions sont intervenues en 2023 dans la loi Industrie verte. Il convient de faciliter la réalisation des zones d'activité économique (ZAE).

Mme la présidente.  - Amendement n°172, présenté par Mme Gacquerre, au nom de la commission des affaires économiques.

Alinéa 18

Remplacer les mots :

à l'article L. 522-1-1

Par les mots :

au deuxième alinéa de l'article L. 522-1

Mme Amel Gacquerre, rapporteure.  - Avis favorable à l'amendement n°133. L'amendement n°172 était de coordination juridique ; il sera satisfait.

M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué.  - Nous partageons la même vision. Retrait de l'amendement n°172 au profit du n°133 ?

L'amendement n°172 est retiré.

L'amendement n°133 est adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°135, présenté par le Gouvernement.

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

.... - Dans les périmètres des opérations d'intérêt national visées au X de l'article 44 de la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, jusqu'à la date fixée par le décret mentionné au même alinéa, le second alinéa du VI de l'article L. 5216-5 du code général des collectivités territoriales n'est pas applicable aux fonds de concours octroyés, par une communauté d'agglomération résultant de la transformation d'un ancien syndicat d'agglomération nouvelle, pour la réalisation ou le fonctionnement d'équipements rendus nécessaires par les opérations de construction ou d'aménagement.

M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué.  - Il s'agit d'exonérer les communautés d'agglomération issues des villes nouvelles et situées en OIN du plafonnement qui limite les fonds de concours pouvant être apportés à une commune membre pour des équipements publics. Cette dérogation concerne uniquement les opérations du Val d'Europe et de Sénart et facilitera la réalisation de logements.

L'amendement n°157 rectifié n'est pas défendu.

Mme Amel Gacquerre, rapporteure.  - Il s'agit ici de remédier à une malfaçon de la loi NOTRe concernant les communautés d'agglomération des villes nouvelles. La dérogation est ponctuelle, limitée dans le temps et répond à une forte demande des collectivités locales. Avis favorable.

L'amendement n°135 est adopté.

L'article 14, modifié, est adopté.

Article 14 bis

Mme la présidente.  - Amendement n°1, présenté par M. Mohamed Soilihi.

I. - Alinéas 1 et 5

Remplacer l'année :

2038

par l'année

2048

II. - Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

.... - La perte de recettes résultant pour l'État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

M. Thani Mohamed Soilihi.  - Je défendrai plusieurs amendements importants pour l'outre-mer en lien avec la loi Letchimy du 27 décembre 2018 visant à faciliter la sortie de l'indivision successorale et à relancer la politique du logement en outre-mer, qui a fait suite aux travaux de la délégation sénatoriale aux outre-mer sur le foncier.

Pour sortir de l'indivision, l'unanimité n'est plus nécessaire, mais uniquement la majorité plus une voix. Ces règles dérogatoires sont limitées dans le temps, or les notaires nous disent que le délai prévu sera insuffisant pour achever le travail. Nous proposons donc de le prolonger de dix ans.

Mme Amel Gacquerre, rapporteure.  - L'article 14 bis prévoit déjà de prolonger jusqu'en 2038 un dispositif qui devait s'éteindre au 31 décembre 2028. Plus nous repousserons la date, moins nous inciterons les acteurs à profiter de cette disposition. Avis défavorable.

M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué.  - Sagesse.

M. Thani Mohamed Soilihi.  - La position de la rapporteure est un peu dure. Disons que c'est un amendement d'appel, mais il faudra y revenir. Le délai, même prorogé jusqu'en 2038, ne suffira pas compte tenu du stock de dossiers en attente.

Le foncier outre-mer s'est trouvé bloqué pendant des années par l'indivision. Les travaux menés au Sénat ont permis de sortir de ce blocage. J'espère que nous avancerons dans le cadre de la navette.

L'amendement n°1 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°140, présenté par M. Fouassin et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

I.  -  Alinéas 3 et 4

Supprimer ces alinéas.

II.  -  Après l'alinéa 8

Insérer sept alinéas ainsi rédigés : 

...° Après l'article 2, sont insérés deux articles ainsi rédigés :

« Art. 2 ....  -  Pour le calcul de la quote-part indivise prévue aux articles 1 et 2 et pour la notification prévue au premier alinéa de l'article 2, seuls sont pris en compte les indivisaires dont l'existence ne peut être légitimement ignorée ou qui peuvent être identifiés sans diligences manifestement disproportionnées.

« Art. 2 ....  -  Pour l'application dans les collectivités régies par l'article 73 de la Constitution et dans les collectivités de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin et de Saint-Pierre-et-Miquelon de l'article 827 du code civil, le partage judiciaire peut également se faire par souche dès lors que la masse partageable comprend des biens immobiliers dépendant de plusieurs successions et lorsque ces biens :

« 1° Ne peuvent être facilement partagés ou attribués en nature compte tenu du nombre important d'indivisaires ; 

« 2° Ne peuvent être facilement partagés ou attribués par tête compte tenu de la complexité manifeste à identifier, localiser ou mettre en cause l'ensemble des indivisaires dans un délai et à un coût raisonnables.

« Dans le cas mentionné au 2° du présent article, la demande de partage par souche doit faire l'objet d'une publicité collective ainsi que d'une information individuelle s'agissant des indivisaires identifiés et localisés dans le temps de la procédure. Toute personne intéressée dispose d'un délai d'un an à compter de l'accomplissement de la dernière des mesures de publicité ou d'information pour intervenir volontairement à l'instance. A l'expiration de ce délai, les interventions volontaires restent possibles si l'intervenant justifie d'un motif légitime, apprécié par le juge, l'ayant empêché d'agir. Le partage par souche pourra avoir lieu si au moins un indivisaire par souche est partie à l'instance. Tous les membres d'une même souche sont considérés comme représentés dans la cause par ceux qui auront été partie à l'instance, sauf s'il est établi que leur défaillance n'est pas due à leur fait ou qu'elle est due à une omission volontaire du requérant. 

« Le présent article s'applique aux demandes en partage introduites avant le 31 décembre 2038 et postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi n° du relative à l'accélération et à la simplification de la rénovation de l'habitat dégradé pour le cas mentionné au 1° ou postérieurement à l'entrée en vigueur des dispositions réglementaires nécessaires à l'application du cas mentionné au 2° . »

III.  -  Alinéa 9

Supprimer les mots :

les mots : « le mot : « judiciaire » et

IV. - Pour compenser la perte de recettes résultant des I à III, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

.... - La perte de recettes résultant pour l'État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

M. Stéphane Fouassin.  - Cet amendement répond au défi majeur de l'accès au logement outre-mer. Il vise à simplifier l'accès au foncier pour faciliter la construction des équipements nécessaires au développement des territoires. Il simplifie les procédures en supprimant la référence à l'acte notarié de notoriété pour établir la qualité d'héritier dans le cadre du règlement d'une succession soumise aux dispositions de la loi Letchimy. L'introduction du partage par souche constitue une innovation pour faciliter la sortie des indivisions persistantes sur plusieurs générations.

Mme la présidente.  - Amendement n°2, présenté par M. Mohamed Soilihi.

I.  -  Alinéas 6 à 8

Remplacer ces alinéas par six alinéas ainsi rédigés :

2° L'article 2 est ainsi modifié :

a) Le premier alinéa est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :

« Le notaire choisi pour établir l'acte de vente ou de partage dans les conditions prévues à l'article 1er en notifie le projet, par courrier recommandé ou par acte extrajudiciaire signifié à personne ou à domicile, à tous les indivisaires, ou leur en remet un exemplaire en main propres contre récépissé. Il procède à sa publication dans un journal d'annonces légales au lieu de situation du bien ainsi que par voie d'affichage et sur un site internet.

« En cas d'impossibilité de procéder à la notification prévue par l'alinéa précédent, les effets attachés à celle-ci résultent du seul accomplissement des formalités de publicité visées au même alinéa. » ;

b) Au dernier alinéa, les mots : « , sauf si l'intention d'aliéner ou de partager le bien du ou des indivisaires titulaires de plus de la moitié des droits indivis ne lui avait pas été notifiée selon les modalités prévues aux trois premiers alinéas du présent article » sont supprimés ;

c) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Dans tous les cas l'indivisaire omis ne peut réclamer sa part qu'en valeur auprès des autres copartageants. »

II.  -  Alinéa 9

Supprimer cet alinéa.

III. - Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

....  -  La perte de recettes résultant pour l'État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

M. Thani Mohamed Soilihi.  - Cet amendement tend à alléger les procédures prévues par la loi Letchimy. Pour la notification aux indivisaires d'un projet d'acte de vente ou de partage, un courrier recommandé avec accusé de réception ou un acte d'huissier signifié à personne ou à domicile pourra être privilégié. S'agissant du partage par souche, cette pratique a été identifiée en Polynésie française. Ce sont les praticiens, à commencer par les notaires, qui demandent ces améliorations, afin d'aller au bout de la réforme foncière.

Mme la présidente.  - Amendement n°173, présenté par Mme Gacquerre, au nom de la commission des affaires économiques.

I. - Après l'alinéa 8

Insérer six alinéas ainsi rédigés :

...° Après l'article 2, il est inséré un article 2-... ainsi rédigé :

« Art. 2-... -  Pour l'application dans les collectivités régies par l'article 73 de la Constitution et dans les collectivités de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin et de Saint-Pierre-et-Miquelon de l'article 827 du code civil, le partage judiciaire des successions ouvertes depuis plus de dix ans peut également se faire par souche dès lors que la masse partageable comprend des biens immobiliers dépendant de plusieurs successions et lorsque ces biens :

« 1° Ne peuvent être facilement partagés ou attribués en nature compte tenu du nombre important d'indivisaires ; 

« 2° Ne peuvent être facilement partagés ou attribués par tête compte tenu de la complexité manifeste à identifier, localiser ou mettre en cause l'ensemble des indivisaires dans un délai et à un coût raisonnables.

« Dans le cas mentionné au 2° du présent article, la demande de partage par souche doit faire l'objet d'une publicité collective ainsi que d'une information individuelle s'agissant des indivisaires identifiés et localisés dans le temps de la procédure. Toute personne intéressée dispose d'un délai d'un an à compter de l'accomplissement de la dernière des mesures de publicité ou d'information pour intervenir volontairement à l'instance. À l'expiration de ce délai, les interventions volontaires restent possibles si l'intervenant justifie d'un motif légitime, apprécié par le juge, l'ayant empêché d'agir. Le partage par souche pourra avoir lieu si au moins un indivisaire par souche est partie à l'instance. Tous les membres d'une même souche sont considérés comme représentés dans la cause par ceux qui auront été partie à l'instance, sauf s'il est établi que leur défaillance n'est pas due à leur fait ou qu'elle est due à une omission volontaire du requérant.

« Le présent article s'applique aux demandes en partage introduites avant le 31 décembre 2038 et postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi n° du relative à l'accélération et à la simplification de la rénovation de l'habitat dégradé pour le cas mentionné au 1° du présent article ou postérieurement à l'entrée en vigueur des dispositions réglementaires nécessaires à l'application du cas mentionné au 2° du même article. »

II. - Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

....  -  La perte de recettes résultant pour l'État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

Mme Amel Gacquerre, rapporteure.  - Malgré la loi Letchimy, le règlement de nombreuses successions reste bloqué en raison du grand nombre d'indivisaires.

L'amendement n°140 ajoute un article à cette loi pour sécuriser les propriétaires, mais cela risque d'aboutir à la situation inverse. L'introduction du partage par souche, une dérogation au principe du partage par tête en vigueur en Polynésie française, est une mesure forte : une concertation avec le Parlement aurait été bienvenue...

Avis défavorable à l'amendement n°140, mais, après avoir consulté plusieurs de nos collègues ultramarins, notamment la présidente de la délégation aux outre-mer, Micheline Jacques, j'ai souhaité reprendre à mon compte la proposition de partage par souche. C'est le sens de mon amendement n°173. Avis défavorable à l'amendement n°2, qui s'éloigne du bon équilibre entre facilitation des procédures et respect des droits.

M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué.  - L'amendement n°140 prévoit que seuls les indivisaires connus sont pris en compte pour le calcul des seuils : j'y suis favorable. Il est également proposé d'introduire le partage par souche qui existe en Polynésie française : j'y suis aussi favorable, car cette méthode facilitera la sortie des indivisions non réglées depuis plusieurs générations. En revanche, l'amendement de la commission porterait une atteinte excessive au droit de propriété des indivisaires omis.

Avis favorable à l'amendement n°140, dont la rédaction nous semble préférable à celle de l'amendement n°173. Nous sollicitons le retrait de l'amendement n°2 au profit de l'amendement n°140. Dans le cas où ce dernier ne serait pas adopté, nous serions favorables à l'amendement n°173.

L'amendement n°2 est retiré.

L'amendement n°140 n'est pas adopté.

L'amendement n°173 est adopté.

Mme la présidente.  - Monsieur le ministre, levez-vous le gage ?

M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué.  - Oui !

Mme la présidente.  - Il s'agit donc de l'amendement n°173 rectifié.

Amendement n°49, présenté par Mme Jacques.

Alinéa 12

Après le mot :

Constitution,

insérer les mots :

à Saint-Barthélemy,

Mme Micheline Jacques.  - Cet amendement étend à Saint-Barthélemy les règles de prescription acquisitive du III de l'article 14 bis. Il est important de pérenniser des situations résultant de transmissions orales pour éviter le blocage de successions, surtout dans un territoire où le foncier est rare.

Mme Amel Gacquerre, rapporteure.  - Les élus de ces territoires sont les plus à même de déterminer s'il existe des désordres justifiant de telles mesures. Sagesse.

M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué.  - Avis défavorable.

L'amendement n°49 est adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°139, présenté par M. Buval et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

Alinéa 12

Supprimer les mots :

à Saint-Pierre-et-Miquelon

M. Frédéric Buval.  - L'Assemblée nationale a adopté un sous-amendement qui étend à Saint-Pierre-et-Miquelon l'abaissement à dix ans du délai de prescription acquisitive. En l'absence dans ce territoire de désordre foncier de même ampleur que dans les collectivités régies par l'article 73 de la Constitution et à Saint-Martin, cette mesure porte une atteinte excessive au droit des propriétaires.

Mme Amel Gacquerre, rapporteure.  - Avis de sagesse, pour la même raison que sur l'amendement précédent.

M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué.  - Avis favorable. (M. Laurent Burgoa s'exclame.)

L'amendement n°139 est adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°3, présenté par M. Mohamed Soilihi.

Alinéa 14

Après le mot :

date

insérer les mots :

ou dépendant d'une succession ouverte à compter de l'entrée en vigueur de la présente loi

M. Thani Mohamed Soilihi.  - Je connais la position de la commission sur cet amendement. Je rappelle simplement qu'il résulte de travaux menés par la délégation sénatoriale aux outre-mer, sous l'autorité de Michel Magras. Le foncier outre-mer ne pourra être débloqué sans amélioration de ces dispositifs. Comptez sur moi pour persister, car il y va du développement de nos territoires.

Mme Amel Gacquerre, rapporteure.  - Le chapitre III de l'article 14 bis est fortement dérogatoire au droit commun. (M. Thani Mohamed Soilihi s'exclame.) L'amendement irait trop loin, au détriment des co-indivisaires. Retrait, sinon avis défavorable.

M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué.  - Sagesse.

M. Thani Mohamed Soilihi.  - Mme la rapporteure insiste sur le caractère dérogatoire : encore heureux que ces dérogations aient été prévues... Sans elles, rien n'aurait bougé, et le foncier outre-mer serait complètement bloqué !

L'amendement n°3 n'est pas adopté.

L'article 14 bis, modifié, est adopté.

L'article 14 ter est adopté.

Article 15

Mme la présidente.  - Amendement n°174, présenté par Mme Gacquerre, au nom de la commission des affaires économiques.

Alinéa 12

Remplacer les mots :

la référence : « IV »

par les mots :

les références : « IV et V »

L'amendement de coordination juridique n°174, accepté par le Gouvernement, est adopté.

L'article 15, modifié, est adopté.

Article 15 bis

Mme la présidente.  - Amendement n°141, présenté par M. Fouassin et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

I.  -  Alinéa 4, dernière phrase

Supprimer cette phrase.

II.  -  Alinéa 5

Rédiger ainsi cet alinéa :

b) Au troisième alinéa, après le mot : « bail », rédiger ainsi la fin de cet alinéa : « des motifs qui le conduisent à envisager de mettre en oeuvre la police de traitement de l'insalubrité, des mesures qu'il compte prendre ainsi que de la faculté qu'ils ont de présenter leurs observations dans un délai qui ne peut être inférieur à un mois. Lorsqu'il consulte la commission mentionnée au premier alinéa du présent II, il avise également les personnes susmentionnées de la date de réunion de la commission et de la faculté qu'elles ont d'y être entendues, à leur demande. » 

III.  -  Alinéa 9

Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :

b) Les deuxième et troisième phrases sont remplacées par trois phrases ainsi rédigées :

« Le propriétaire du terrain, tel qu'il apparaît au fichier immobilier, la personne qui a mis les locaux concernés à disposition aux fins d'habitation et les occupants sont avisés des motifs qui conduisent le représentant de l'État dans le département à envisager de mettre en oeuvre la police de traitement de l'insalubrité, des mesures qu'il compte prendre et de la faculté qu'ils ont de présenter leurs observations dans un délai qui ne peut être inférieur à un mois. Lorsqu'il consulte la commission mentionnée au présent alinéa, il avise également les personnes susmentionnées de la date de réunion de la commission et de la faculté qu'elles ont d'y être entendues, à leur demande. Cet avis est effectué aux personnes susmentionnées, soit personnellement, soit, à défaut de connaître leur adresse actuelle ou de pouvoir les identifier, par affichage à la mairie de la commune ainsi que sur la façade du bâtiment concerné. »

M. Stéphane Fouassin.  - Cet amendement vise à renforcer les garanties fondamentales liées au contradictoire en cas de saisine du Conseil départemental de l'environnement et des risques sanitaires et technologiques (Coderst) dans le cadre des arrêtés préfectoraux relatifs au traitement de l'insalubrité de l'habitat informel. Il réintroduit une procédure spéciale prévoyant notamment l'information des personnes concernées par voie d'affichage à la mairie ou sur la façade du bâtiment, afin de garantir une phase contradictoire robuste.

Mme Amel Gacquerre, rapporteure.  - Avis favorable.

M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué.  - Même avis.

L'amendement n°141 est adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°142, présenté par M. Buval et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

Après l'alinéa 6

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

2° Au VII de l'article 9, les mots : « selon les dispositions des articles 13, 14, 15, 17 et 19 de la loi n° 70-612 du 10 juillet 1970 tendant à faciliter la suppression de l'habitat insalubre » sont remplacés par les mots : « selon les dispositions des articles L. 511-1, L. 511-2, L. 511-3, L. 511-4 et L. 511-9 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique » ;

M. Frédéric Buval.  - La loi du 23 juin 2011 doit renvoyer non plus à des articles abrogés de la loi Vivien, mais aux articles correspondants dans le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique.

Mme Amel Gacquerre, rapporteure.  - Avis favorable à cette coordination juridique.

M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué.  - Toujours d'accord avec Mme la rapporteure... (Sourires)

L'amendement n°142 est adopté.

L'article 15 bis, modifié, est adopté.

L'article 16 est adopté, de même que l'article 17.

Après l'article 17

Mme la présidente.  - Amendement n°104, présenté par Mme Artigalas et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Après l'article 17

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le deuxième alinéa de l'article L. 256-3 du code de la construction et de l'habitation est complété par une phrase ainsi rédigée : «?Peuvent également être opérateurs les organismes mentionnés à l'article?L. 411-2?du présent code ou leurs filiales créées en application du 19° de l'article L. 421-1, du soixante-sixième alinéa de l'article L. 422-2, et du vingt-huitième alinéa de l'article L. 422-3 du même code. »

Mme Audrey Linkenheld.  - Cet amendement, comme les deux suivants, porte sur le bail réel solidaire d'activité (BRSA), élargissement récent du bail réel solidaire (BRS). Nous voulons inclure les organismes d'HLM parmi les opérateurs susceptibles de conclure de tels baux.

Mme Amel Gacquerre, rapporteure.  - Il s'agit de permettre aux organismes de logement social de développer la mixité fonctionnelle, notamment en pied d'immeuble. Nous soutenons activement le développement du BRS. Les bailleurs sociaux doivent disposer de tous les outils utiles pour financer leurs opérations. Avis favorable aux trois amendements nos104, 106 et 105.

M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué.  - Malheureusement, nous ne finirons pas sur le même avis... Les organismes d'HLM ont pour coeur d'activité le logement social. Dans le contexte actuel de crise de logement, leur activité doit être concentrée sur ce coeur de métier. Avis défavorable aux trois amendements.

Mme Audrey Linkenheld.  - Je remercie Mme la rapporteure pour son soutien.

Monsieur le ministre, nous avons conscience du service d'intérêt économique général auquel sont soumis les organismes d'HLM. Les BRSA ne constitueraient pour eux qu'une activité accessoire. Les collectivités territoriales sont en demande de mixité fonctionnelle.

L'amendement n°104 est adopté et devient un article additionnel.

Mme la présidente.  - Amendement n°106, présenté par Mme Artigalas et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Après l'article 17

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le 8° de l'article L421-4, le quarante-deuxième alinéa de l'article L 422-2 et le quarante-et-unième alinéa de l'article L 422-3 du code de la construction et de l'habitation sont complétés par les mots : « ou se rapportent à un bail réel solidaire d'activité »

L'amendement n°106 est adopté et devient un article additionnel.

Mme la présidente.  - Amendement n°105, présenté par Mme Artigalas et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Après l'article 17

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le 9° de l'article L421-4, le quarante-troisième alinéa de l'article L 422-2 et le quarante-deuxième alinéa de l'article L 422-3 du code de la construction et de l'habitation sont complétés par les mots : «?ainsi que pour conclure des baux réels solidaires d'activité définis à l'article L. 256-1 du présent code ».

L'amendement n°105 est adopté et devient un article additionnel.

Vote sur l'ensemble

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente de la commission des affaires économiques .  - Je remercie Mme la rapporteure pour son travail sur ce texte important. Je vous remercie également, monsieur le ministre, qui défendiez votre premier texte devant le Sénat.

Nous avons voulu un texte qui soit le plus utile possible pour donner plus de moyens à nos collectivités territoriales, une réelle capacité d'agir aux maires et répondre aux enjeux de santé et de sécurité pour nos concitoyens.

Plusieurs sujets n'ont malheureusement pas été évoqués, comme la résorption des biens sans maître. Je pense aussi, en regardant Rémi Féraud, aux locations saisonnières et touristiques, qui entraînent une attrition du parc locatif privé. Nous attendons la proposition de loi votée à l'Assemblée nationale à ce sujet, pour une meilleure régulation.

Nous souhaitons examiner le plus rapidement possible la loi annoncée par le Gouvernement sur le logement, qu'elle soit grande ou moyenne... Il est essentiel en effet de régler la grave crise du logement que traverse notre pays. J'espère que vous pèserez de tout votre poids, monsieur le ministre, pour que ce texte soit une priorité. Nous devons prendre des mesures conjoncturelles et structurelles pour offrir à nos concitoyens les logements correspondant à leurs besoins. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Bernard Buis .  - Je remercie le ministre et le Gouvernement de nous avoir présenté ce projet de loi attendu par les collectivités et les élus locaux. L'objectif est de simplifier, accélérer et prévenir. Je salue les mesures de bon sens ajoutées par la rapporteure, notamment sur la sécurisation et l'encadrement du prêt collectif ou sur le renforcement des sanctions visant les marchands de sommeil.

Je remercie le ministre d'avoir répondu à nos sollicitations avec bienveillance.

Je salue les apports du groupe RDPI : l'interdiction de l'échelonnement des prêts collectifs, la création d'un pouvoir de sanction pour les EPCI et les communes dans le cadre de leur permis de louer et le rétablissement de l'article 8 bis A.

Nous voterons ce texte, en espérant la tenue rapide d'une CMP conclusive. (M. Thani Mohamed Soilihi applaudit.)

Mme Antoinette Guhl .  - Je salue le travail de la rapporteure, qui a permis des avancées. Je salue également la bonne tenue de nos débats.

Nous voterons ce texte qui va dans le bon sens. Nos débats l'ont amélioré, pour que la puissance publique puisse mieux lutter contre l'habitat indigne et protéger les occupants qui en sont victimes.

Mais il reste beaucoup à faire. Nous attendons donc les prochains textes sur le logement.

Deux amendements de notre groupe ont été adoptés par le Sénat, rétablissant l'élargissement du fonds de garantie de l'État pour les travaux de lutte contre l'insalubrité et les frais de recouvrement réclamés par les syndics.

Je regrette le maintien des articles 7 et 3 et exprime des inquiétudes concernant l'article 3 bis AA, qui supprime le droit au retour.

Mme Viviane Artigalas .  - Je salue aussi le travail de la rapporteure, ainsi que le travail réalisé en commission et dans l'hémicycle.

Nous avons amélioré et simplifié le texte, pour rendre les outils à disposition des maires plus opérants. Le rapport Hanotin-Lutz a inspiré nos débats. Nous avons mené un véritable travail transpartisan et consensuel.

Le groupe SER votera ce texte.

Je regrette que nous n'ayons pu aboutir ni sur la possibilité pour les maires de demander un diagnostic structurel des immeubles situés dans les centres-villes anciens ni sur une expérimentation concernant les inspecteurs de salubrité.

Nous attendons des mesures fortes, monsieur le ministre, et une grande loi sur le logement, car la crise du logement est bel et bien là. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

M. Stéphane Fouassin .  - Je salue le travail de la rapporteure et de la présidente de la commission. Nous voterons cette loi, mais je souhaite souligner les difficultés rencontrées outre-mer. Les Ultramarins attendent une grande loi outre-mer. Enfin, monsieur le ministre, je vous souhaite encore un bon anniversaire !

Mme Marianne Margaté .  - Je salue aussi la qualité des débats dans l'hémicycle et en commission.

Nous avons été efficaces, mais la rapidité de l'examen de ce texte montre aussi qu'il ne va pas au fond du sujet.

Il est porteur de bonnes intentions, vise à rendre les outils plus opérationnels et permet des avancées concrètes, comme la suspension des loyers dans les logements présentant des risques pour la sécurité des occupants. D'autres dispositions - sur les travaux ou l'expropriation - seront plus difficiles à mettre en oeuvre, faute de moyens.

Nous attendons un plan ambitieux, à la hauteur des 15 millions de personnes mal logées et des 115 000 copropriétés dégradées.

Mon groupe votera ce texte.

M. Thani Mohamed Soilihi .  - Je remercie à mon tour tous les participants à ce débat fructueux.

Nous attendons toujours le grand texte sur le logement outre-mer. Nous avons pu glisser des amendements ultramarins dans ce texte sans être renvoyés à une ordonnance d'adaptation, c'est appréciable.

Je remercie Mme la rapporteure pour ses avis, même négatifs, qui témoignent de sa rigueur.

Mme Amel Gacquerre, rapporteure de la commission des affaires économiques .  - Je vous remercie à mon tour et salue aussi la qualité de nos débats et l'état d'esprit dans lequel nous avons pu enrichir le texte, de chaque côté de cet hémicycle.

Je remercie Mme la présidente de la commission pour son écoute, son accompagnement et ses contributions, ainsi que les membres de la commission des affaires économiques.

Monsieur le ministre, je vous remercie également pour votre écoute. Vous avez pris des engagements. Nous espérons que la grande loi logement dont nous rêvons deviendra prochainement réalité.

Dans cet hémicycle, nous savons être force de proposition et faire des compromis sans nous compromettre. Sachez en user et ne nous mettez pas à contribution trop tardivement.

Le logement est un sujet central pour notre démocratie.

Le projet de loi, modifié, est adopté.

Mme la présidente.  - À l'unanimité ! (Applaudissements)

M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué.  - Je remercie Mme la rapporteure pour nos échanges, Mme la présidente de la commission et Mmes et MM. les sénateurs pour nos débats. Ce fut un beau cadeau d'anniversaire, et je vous souhaite une CMP fructueuse !

Prochaine séance, mardi 5 mars 2024, à 14 h 30.

La séance est levée à 23 h 30.

Pour le Directeur des Comptes rendus du Sénat,

Rosalie Delpech

Chef de publication

Ordre du jour du mardi 5 mars 2024

Séance publique

À 14 h 30 et le soir

1. Débat sur les finances des départements (demande du groupe Les Républicains)

2. Débat sur le thème : « JO 2024 : la France est-elle prête ? » (demande du groupe Les Républicains)

3. Proposition de loi relative au financement des entreprises de l'industrie de défense française, présentée par M. Pascal Allizard et plusieurs de ses collègues (texte de la commission, n°365, 2023-2024) (demande du groupe Les Républicains)

4. Proposition de loi portant création d'un statut de l'élu local, présentée par Mme Françoise Gatel, MM. Mathieu Darnaud, François-Noël Buffet, Bruno Retailleau, Hervé Marseille, Patrick Kanner, François Patriat, Mme Cécile Cukierman, M. Claude Malhuret, Mme Maryse Carrère et plusieurs de leurs collègues (n°263, 2023-2024) (demande de la commission des lois et de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation)