Liberté de recourir à l'interruption volontaire de grossesse
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi constitutionnelle, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à la liberté de recourir à l'interruption volontaire de grossesse (IVG).
Discussion générale
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice . - (Applaudissements sur les travées du RDPI) J'ai l'honneur, au nom du Gouvernement de la République, de demander au Sénat l'inscription dans notre Constitution de la liberté des femmes à disposer de leur corps. J'ai l'honneur de venir devant vous, pour la troisième fois en moins d'un an et demi, afin de vous présenter un texte de compromis ambitieux, comprenant les garanties juridiques indispensables. J'espère que cette fois sera la bonne !
Ce projet de loi a été précédé de longs travaux parlementaires. Les votes des deux chambres ont abouti à des versions différentes. Ce texte, très largement adopté à l'Assemblée nationale, arrive désormais devant vous. C'est une proposition de compromis reprenant quasi intégralement la version votée par la chambre haute.
Une loi constitutionnelle, plus que toute autre, doit se concevoir dans une logique de dialogue et de coconstruction. Voter une révision constitutionnelle, ce n'est pas voter la version de l'Assemblée nationale ou rien ; ni celle du Sénat ou rien. C'est faire converger des chambres qui disposent chacune d'un droit de veto. C'est pourquoi j'ai souhaité que le texte parte de la version du Sénat.
Les Français nous regardent et attendent que nous soyons à la hauteur de l'attente populaire, des combats passés et de la vocation universelle de la France.
J'ai toujours eu pour le Sénat et la qualité de ses débats un tropisme assumé... Combien de fois ai-je vu des convergences se dessiner ici malgré les oppositions, à condition que des arguments solides soient développés ? C'est ce que j'entends faire cet après-midi, déterminé à convaincre, mais avant tout respectueux des consciences.
J'en viens à la nécessité de cette réforme, d'abord politique. Plusieurs d'entre vous ne souhaitent pas importer des débats d'outre-Atlantique, mais nul besoin d'aller si loin ! (M. Xavier Iacovelli renchérit.) Les exemples polonais ou hongrois suffisent à nous en convaincre. Sous l'extrême droite, les Polonaises ne pouvaient avorter qu'en cas de viol, d'inceste ou de danger de mort. (Mme Cathy Apourceau-Poly le confirme.) Il a fallu qu'un parti modéré revienne au pouvoir pour qu'enfin l'espoir renaisse. En Hongrie, les femmes qui souhaitent avorter sont forcées d'entendre les battements de coeur du foetus. Voilà ce que nous voulons empêcher.
Si je concède que l'IVG n'est pas immédiatement menacée dans notre pays, je note que ce n'est pas sur Fox News, mais sur une chaîne française qu'on comparait hier les avortements au cancer et au tabac ! (Mme Sylvie Robert renchérit.)
On n'écrit pas la Constitution seulement pour le présent, mais d'abord, et surtout, pour l'avenir.
Mme Marie-Arlette Carlotti. - Très bien !
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. - Certains affirment que l'IVG ne serait pas menacée. Tant mieux s'ils ont raison ! Mais si l'avenir leur donnait tort, il serait trop tard. Quand le président Chirac a proposé la constitutionnalisation de l'abolition de la peine de mort, celle-ci était-elle menacée ?
M. Philippe Bas. - Non !
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. - Le président Larcher a dit que la Constitution ne devait pas être un catalogue de droits sociaux et sociétaux...
M. Loïc Hervé. - Il a raison !
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. - Je respecte son opinion.
M. Stéphane Ravier. - Encore heureux ! (Sourires)
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. - Mais le principe d'une Constitution est aussi de réunir l'ensemble des droits fondamentaux, dont les droits sociaux, avec le préambule de 1946. (Applaudissements sur les travées du RDPI et à gauche, ainsi que sur quelques travées du groupe UC) La liberté de recourir à l'IVG n'est pas une liberté comme les autres : une démocratie ne peut maîtriser son destin si les femmes qui y vivent ne peuvent maîtriser le leur.
J'en viens à la nécessité juridique de cette révision. Trois principes sont en débat : la liberté de la femme de recourir à une IVG, la liberté de conscience des médecins et sages-femmes, et le principe de sauvegarde de la dignité de la personne humaine.
Sur ces trois libertés et principes, deux ont déjà valeur constitutionnelle. Le principe de sauvegarde de la dignité de la personne humaine a été expressément consacré comme principe à valeur constitutionnelle par la décision du 27 juillet 1994 du Conseil constitutionnel. La liberté de conscience a été reconnue par le Conseil constitutionnel comme un principe fondamental reconnu par les lois de la République dans sa décision du 27 juin 2001.
Ce n'est pas le cas, en revanche, de la liberté de recourir à l'IVG, qui est simplement rattachée à l'article II de la déclaration de 1789. L'objectif du projet de loi est donc de protéger l'IVG dans la Constitution. En effet, rien n'empêcherait sinon une majorité de contraindre cette liberté des femmes ou, pire, de l'abolir.
Il est donc nécessaire d'agir, mais de manière calibrée, prudente, soupesée. Le Gouvernement n'entend pas étendre cette liberté, mais la conserver ; il n'entend pas créer de droit absolu, sans limite, opposable. Mais il veut éviter qu'une majorité future puisse mettre à mal la liberté des femmes à disposer de leur corps. Pour ce faire, le projet de loi reprend une rédaction très proche, comme je l'ai dit, de celle qu'a adoptée le Sénat il y a un an.
Je l'ai dit devant la délégation aux droits des femmes, dont je salue les membres et la présidente Dominique Vérien (applaudissements sur plusieurs travées du groupe UC ; Mme Mélanie Vogel applaudit également) : le texte est à 95 % celui du Sénat.
Jugez-en : il retient l'emplacement choisi par le Sénat, l'article 34, pertinent pour cette révision constitutionnelle. Il accorde en outre une place centrale à la loi pour déterminer les conditions d'exercice de cette liberté, préservant le rôle du Parlement. Enfin, contrairement au vote initial de l'Assemblée nationale, le Gouvernement s'est rangé au choix du Sénat pour définir le recours à l'IVG comme une liberté.
Un point fait débat : l'usage du mot « garantie ». Je veux vous rassurer, particulièrement Philippe Bas : ce terme ne crée aucunement un droit opposable. Le Gouvernement entend préciser l'intention qui guide la plume du constituant. Le texte modifie l'article 34, article de procédure. Le terme de garantie clarifie le fait que cette révision constitutionnelle, en plus d'attribuer une compétence au législateur, en guide l'exercice dans le sens de la protection de cette liberté.
Le Gouvernement souhaite protéger la liberté de recourir à l'IVG, non l'étendre. Le Conseil d'État confirme dans son avis qu'une inscription en ces termes « ne remet pas en cause les autres droits et libertés que la Constitution garantit, tels que notamment la liberté de conscience qui sous-tend la liberté des médecins et sages-femmes de ne pas pratiquer une IVG ainsi que la liberté d'expression. »
Certains qualifient la « liberté garantie » d'ovni juridique. Je les rassure : l'article 61-1 de la Constitution renvoie déjà aux droits et libertés que la Constitution « garantit ». L'article 13 évoque également la « garantie des droits et libertés ou la vie économique et sociale de la Nation ». Enfin, les articles 72 et 73, chers au Sénat, évoquent des droits constitutionnellement garantis. Le terme n'a donc rien d'incongru.
Le texte est clair, tout comme son intention : une loi qui porterait à huit mois et demi de grossesse le délai pour pratiquer une IVG serait censurée. L'équilibre de la loi Veil sera donc respecté. Ce projet de loi constitutionnelle protège cet équilibre.
Nous ne sommes pas réunis pour voter une mesure nouvelle relevant du périmètre du ministère de la santé. Le Gouvernement n'ignore pas les difficultés concrètes pour accéder à l'IVG, sur certaines parties du territoire, mais il s'agit là d'un autre sujet. (M. Loïc Hervé proteste.)
Le Sénat a déjà approuvé une protection de cette liberté dans la Constitution. Je salue ici l'engagement de Mme Vogel et je remercie tous les sénateurs qui, dans chaque groupe, ont oeuvré pour convaincre leurs collègues que ce texte de compromis n'avait pas d'effet de bord.
Il est toujours trop tard si l'on attend qu'un droit soit menacé pour le protéger ! (Applaudissements sur les travées du RDPI, du RDSE, du GEST, des groupes SER, CRCE-K, ainsi que sur plusieurs travées des groupes INDEP et UC ; M. Bruno Belin et Mme Elsa Schalck applaudissent également.)
Je veux également saluer l'engagement du sénateur Bas, même si je sais que vous préférerez toujours votre version à celle du Gouvernement... (Sourires)
Mais vous savez, en votre for intérieur, que le Gouvernement a largement repris votre proposition, qui avait permis un premier vote historique il y a un an.
Enfin, je salue le travail de la commission et de sa rapporteure, qui ne sont pas opposées au texte et défavorables aux amendements.
Je ne serai jamais le procureur du procès en ringardise que certains intentent contre le Sénat. Je me suis plongé dans le compte rendu des débats de la loi Veil. À l'époque, le Sénat était en avance. Les points de désaccord avec l'Assemblée nationale étaient majeurs : le caractère provisoire de la loi, que le Sénat voulait supprimer, et le remboursement par la sécurité sociale, ajouté au Sénat contre l'avis du Gouvernement. (Applaudissements sur quelques travées du RDPI et du groupe SER.)
Oui, j'en ai la conviction profonde, le Sénat sera aujourd'hui encore au rendez-vous de la liberté, particulièrement la liberté des femmes.
Jean Mézard, rapporteur de la loi Veil, disait que chaque sénateur déciderait en son âme et conscience. Simone Veil lui répondit que chacun déciderait avec humanité.
Ensemble, faisons de la France le premier pays au monde à protéger dans la Constitution la liberté des femmes à disposer de leur corps. (Applaudissements sur les travées du RDPI, du RDSE, du GEST et des groupes SER et CRCE-K, ainsi que sur plusieurs travées des groupes INDEP et UC) Si nous adoptions ensemble ce texte ? Il est grand temps, n'est-il pas vrai ? (Mêmes applaudissements)
Mme Agnès Canayer, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur quelques travées du groupe SER ; M. Loïc Hervé applaudit également.) Nous voici réunis une troisième fois en seize mois pour inscrire l'IVG dans la Constitution. Légalisée par la loi Veil, c'est une liberté fondamentale de la femme.
Cinquante ans après, le débat n'est pas de savoir si nous y sommes favorables : il a été tranché, et cette liberté n'est plus menacée en France. La question est : faut-il l'inscrire à l'article 34 de la Constitution ?
Mme Laurence Rossignol. - Oui !
Mme Agnès Canayer, rapporteur. - Le législateur n'a cessé de renforcer l'accès à l'IVG : allongement des délais, ouverture aux sages-femmes, remboursement à 100 %. Mais les difficultés subsistent. Ainsi, la commission des affaires sociales a confié au sénateur Alain Milon une mission d'information sur l'accès à l'IVG sur le territoire français.
L'élément déclencheur de nombreuses initiatives de constitutionnalisation vient des États-Unis, et notamment l'arrêt de la Cour suprême Dobbs c. Jackson du 24 juin 2022. Or on ne peut modifier la Constitution en réaction à l'importation d'un débat étranger.
M. Loïc Hervé. - Très bien !
Mme Agnès Canayer, rapporteur. - Mais nous ne pouvons rester sourds à ce qui se passe à l'étranger.
M. Rachid Temal. - Ah !
Mme Agnès Canayer, rapporteur. - L'ensemble des pays de l'Union européenne autorisent l'avortement. Malte et la Pologne fixent des conditions très restrictives (M. le garde des sceaux le confirme), et la Hongrie impose à la femme d'écouter le battement de coeur du foetus.
Aujourd'hui, aucune contestation du droit à l'IVG n'est portée en France : aucun parti, aucun groupe parlementaire ne s'y oppose. Le vote massif et transpartisan à l'Assemblée nationale le prouve. Cependant, les effets juridiques de cette constitutionnalisation seront plus que limités. Le Conseil d'État parle de portée symbolique dans son avis du 7 décembre. Cette liberté ne sera pas sanctuarisée : sa suppression nécessitera certes une révision de la Constitution, mais une telle révision a déjà eu lieu 24 fois.
Depuis 1975, le Conseil constitutionnel a toujours protégé le droit à l'IVG, déclarant le 27 juin 2001 qu'il était une partie de la liberté des femmes. Il dispose d'ores et déjà de tous les outils juridiques pour protéger cette liberté fondamentale et la concilier avec la liberté de conscience des médecins.
La rédaction proposée par le Gouvernement vise une consécration symbolique. Elle inscrit ce droit à l'article 34, comme l'avait fait le Sénat, mais notre Constitution a été conçue comme une règle du jeu institutionnelle, non comme un catalogue de droits. L'énonciation des droits et libertés relève des accessoires à la Constitution. L'inscription à l'article 34 est donc un moindre mal. Le législateur est déjà compétent pour fixer les règles d'application de libertés fondamentales.
La formulation proposée par le Gouvernement reprend - vous l'avez dit - à 95 % celle du Sénat - ou à 105 %, selon Mme Vogel... (Sourires)
Deux différences subsistent. La première, facile à résoudre, est la substitution du terme d'IVG à la formulation « mettre fin à la grossesse ». Le terme d'IVG est essentiel au symbole, car c'est celui de la loi Veil : nous l'acceptons.
La deuxième concerne l'expression de « liberté garantie », certes utilisée à de nombreuses reprises dans les textes constitutionnels, notamment à l'article XVI de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Alors pourquoi ajouter cet adjectif redondant ?
Sera-ce un droit opposable ? Le Conseil constitutionnel censurera-t-il toute loi le limitant ? Vous le savez, il ne se sent lié ni par les débats parlementaires ni par les avis du Conseil d'État.
La commission des lois est favorable à la constitutionnalisation de la liberté de recourir à l'IVG. (Applaudissements sur des travées du GEST et du groupe SER)
Mais aujourd'hui, nous sommes avant tout constituants : nous allons voter des termes qui seront inscrits dans la loi fondamentale. Notre responsabilité est forte.
Proche du texte voté par le Sénat, ce texte est une avancée symbolique. Mais la commission des lois a considéré que des incertitudes rédactionnelles ne sauraient retarder l'adoption d'un texte conforme. (Applaudissements à gauche, ainsi que sur quelques travées du groupe UC, du RDSE et du groupe INDEP ; Mme Elsa Schalck applaudit également.)
Je sais quelles pressions pèsent sur les sénateurs. Que chacun vote donc selon ses propres convictions. (Applaudissements)
Question préalable
Mme la présidente. - Motion n°4, présentée par M. Ravier.
En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat s'oppose à l'ensemble du projet de loi constitutionnel relatif à la liberté de recourir à l'interruption volontaire de grossesse (n° 299, 2023-2024).
M. Stéphane Ravier . - (Murmures désapprobateurs à gauche ; huées sur quelques travées du groupe SER) La gauche a raison : en France, la loi Veil est menacée, que ce soit le respect de tout être humain dès le commencement de la vie, à l'article 1er, la clause de conscience ou la liberté d'expression !
Simone Veil, du Panthéon, nous le redit : l'avortement doit rester l'exception, l'ultime recours. (Vives exclamations à gauche)
Vous voulez en faire un droit sans limites. Vous voulez panthéoniser l'avortement, mais dans la Constitution comme au Panthéon, la place est limitée !
Vous devrez toucher à la Constitution avec la prudence de l'architecte qui s'apprête à modifier la clé de voûte de l'édifice national.
M. Yannick Jadot. - Entre ici, IVG !
M. Stéphane Ravier. - Vous voulez panthéoniser l'avortement, alors qu'un certain Schoelcher est entré au Panthéon pour avoir aboli l'esclavage. (Protestations à gauche) Mais comme pour les esclaves, réfléchissons à la personnalité juridique pour les vies à naître... (« Ah ! » à gauche)
Tenez-vous à rejoindre le dictateur communiste Tito, le seul à avoir gravé l'avortement dans le marbre de la Constitution ? (Protestations redoublées à gauche) Constituer doit rimer avec « édifier », non avec « avorter » !
M. Yannick Jadot. - Assumez !
M. Stéphane Ravier. - Chers collègues de gauche, vous n'avez toujours pas accepté d'en avoir été dépossédés en 1975 par une élue de droite, soutenue par un gouvernement de droite ! (Vives exclamations à gauche)
Mme Cécile Cukierman. - Vous êtes cinglé !
M. Stéphane Ravier. - Il n'y a aucune menace sur l'IVG. (Nouvelles protestations à gauche)
Mme Patricia Schillinger. - Si, vous !
Mme Cécile Cukierman. - Fasciste, c'est vous la menace !
M. Stéphane Ravier. - Chers collègues macronistes, vous voulez faire oublier que, du Salon de l'agriculture aux salons de l'Élysée, c'est le désastre permanent. Votre Jupiter de pacotille persiste dans son mépris des institutions, ayant déjà fixé la date du Congrès.
Chers collègues du RN, n'oubliez pas les propos de votre présidente sur la dérive que constituent, je la cite, « les avortements de confort ». De la dédiabolisation au reniement, il n'y a qu'un pas, l'abandon ne mène jamais à la victoire.
Chers collègues du centre et de la droite, ne cédez pas à l'agit-prop et au chantage de la gauche !
Mme la présidente. - Veuillez conclure. (Le temps de l'orateur étant écoulé, on frappe les pupitres à gauche et sur plusieurs travées du centre ; huées et exclamations sur les mêmes travées.)
M. Stéphane Ravier. - La gauche instrumentalise la politique américaine ! (Les coups sur les pupitres redoublent ; le tumulte couvre la voix de l'orateur, qui regagne sa place.) Le facho vous salue bien !
Mme Mélanie Vogel. - Vous avez un seul mérite, monsieur Ravier : votre constance à nous démontrer que nous avons raison de vous donner tort.
M. Stéphane Ravier. - En m'empêchant de parler !
Mme la présidente. - Je souhaite que nos débats conservent la sérénité qui est la marque de fabrique de notre assemblée et n'hésiterai pas à faire usage des prérogatives que notre règlement confère à la présidence de séance. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées à gauche)
Mme Mélanie Vogel. - Chaque mot qui vient d'être prononcé est la preuve que les anti-choix sont toujours là, mais vous êtes minoritaire, monsieur Ravier. C'est pour cela qu'il faut inscrire l'IVG dans la Constitution. (Applaudissements sur les travées du GEST, du groupe SER et sur quelques travées du RDPI)
Le projet de l'extrême droite, c'est celui des néofascistes du monde entier : combattre les droits des femmes conquis de haute lutte. Ce vote, c'est affirmer que la France donne tort à M. Ravier et à ses amis, que la France choisit définitivement son camp, que la République affirme sans tergiverser qu'elle s'oppose à ce projet. Qu'à partir de ce soir, vous aurez toujours le droit de vomir vos abominations (protestations à droite), mais que plus jamais vous ne pourrez mettre en danger les droits des femmes ! (Applaudissements à gauche ; M. Xavier Iacovelli applaudit également.)
Mme Agnès Canayer. - Le débat doit avoir lieu sur ce sujet fondamental, dans le respect et dans l'échange de convictions. Avis défavorable.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. - Monsieur Ravier, vous avez été contre-productif : des sénateurs qui se demandent si l'IVG est menacée ont eu une réponse en vous écoutant. (Applaudissements sur plusieurs travées au centre et à gauche)
Mme Catherine Conconne. - Excellent !
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. - La patronne de votre ancienne écurie, Mme Le Pen, parlait d'avortements de confort. Vous êtes allé chez M. Zemmour, qui est encore pire. (Sourires à gauche)
Merci pour votre intervention, qui prouve que certains y sont opposés.
Des parlementaires reçoivent encore des foetus en plastique.
Mme Catherine Conconne. - Exactement !
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. - Les États-Unis sont certes loin, mais pas la Pologne et la Hongrie. Ce texte est historique. Merci, monsieur Ravier, pour l'expression de votre haine. (Applaudissements sur plusieurs travées au centre et à gauche)
Avis défavorable, bien sûr.
Mme Cécile Cukierman. - Nous ne voterons pas cette motion : le groupe CRCE-K est convaincu que ce texte nous permettra de faire République en affirmant la liberté des femmes à disposer de leur corps. Faire République en consacrant l'égalité entre les femmes et les hommes. Lorsque les femmes disposent librement de leur corps, c'est un point contre la domination des hommes sur les femmes.
Faire République, car au-delà de nos débats, nous sommes convaincus que ce texte permettra de sortir des stigmatisations, des stéréotypes et d'incarner la fraternité.
Au nom de ces trois valeurs, celles de notre République, auxquelles notre groupe, de par son histoire, ses combats...
M. Stéphane Ravier. - Ceux de Mao ! (Protestations à gauche)
Mme Cécile Cukierman. - ... et le combat des femmes pour disposer de leur corps, nous ne voterons pas cette motion. (Applaudissements à gauche, ainsi que sur quelques travées du RDPI ; M. Ahmed Laouedj applaudit également.)
Mme Nadège Havet. - Ce texte est issu d'un compromis. Il nous est demandé de l'adopter dans les mêmes termes pour que le Congrès l'adopte ensuite. Ce sera mille fois oui !
Monsieur le sénateur Ravier, vous êtes le meilleur argument pour son adoption. La Constitution est au coeur de notre pacte social.
Aucun pays n'est à l'abri d'une majorité politique qui mette en danger l'avortement. Je salue toutes celles et tous ceux qui se sont battus pour le protéger, notamment Mme Vogel ; tous ceux et toutes celles qui rendent ce droit effectif.
Monsieur Ravier, la reconquête de nos droits commence maintenant ! (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées des groupes UC, SER et CRCE-K)
La motion n°4 est mise aux voix par scrutin public ordinaire de droit.
Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°133 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 343 |
Pour l'adoption | 1 |
Contre | 342 |
La question préalable n'est pas adoptée.
(Applaudissements ; M. Stéphane Ravier lève les mains au ciel.)
Discussion générale (Suite)
M. Christopher Szczurek . - Le débat du jour éveille des considérations politiques, philosophiques et morales, aussi ne tombons pas dans le manichéisme. Nulle position n'est à mépriser, et si la mienne est claire, entendons celle de chacun.
J'entends que la Constitution ne doit pas sanctuariser tous les droits et libertés publiques. Mais la Constitution est ce que le peuple et ses représentants veulent en faire : personne ne remettrait en cause la charte de l'environnement.
Il est vrai de dire qu'aucune formation politique concourant aux élections ne propose une restriction de l'IVG. Mais une menace pèse, celle des revendications politiques et religieuses, comme le péril islamiste et sa conquête sociétale. (« Ah ! » à gauche)
Certains compatriotes ne peuvent plus manifester leur homosexualité dans des quartiers confisqués. Certains, de confession juive, sont menacés. À l'avenir, je crains que des évolutions démographiques conduisent à des accommodements raisonnables, à l'image de ce qui se produit dans les pays anglo-saxons.
De l'autre côté, nous sommes confrontés à un péril des luttes intersectionnelles, qui oublient que le principe des intersections est d'être le théâtre de dramatiques collisions. Non, on ne défend pas la liberté de la femme en important des radicalités conservatrices.
Je ne pense pas que ceux qui s'opposeraient à ce texte aujourd'hui souhaitent une restriction de l'IVG.
À titre personnel, comme la majorité des députés RN à l'Assemblée nationale, je voterai pour ce texte. (MM. Aymeric Durox et Joshua Hochart applaudissent ; MM. Stéphane Ravier s'exclame.)
M. Daniel Chasseing . - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Personne ne devrait remettre en cause la liberté des femmes à mettre volontairement fin à leur grossesse.
Si tel est bien le cas en France, cette liberté n'existe pas dans bon nombre de pays et nous observons des reculs. La Cour suprême des États-Unis, en juin 2022, est revenue sur ce droit. Nous comprenons l'émotion suscitée par cette décision. Le groupe INDEP réaffirme son soutien à la liberté d'avorter que nous avons à coeur d'encadrer au mieux.
Le projet de loi, qui inscrira l'IVG dans la Constitution, n'améliorera pourtant en rien l'accès effectif à ce droit. L'IVG figure dans la loi, mais sa protection est supra légale, car le Conseil constitutionnel a considéré que l'IVG est une composante de la liberté des individus. Mais il pourrait modifier sa jurisprudence, comme la Cour suprême américaine. De même, une révision constitutionnelle peut en défaire une autre.
L'IVG ne saurait être une liberté absolue : elle doit être encadrée par la loi.
Nous réaffirmons notre attachement à préserver la clause de conscience des médecins. Elle doit pouvoir coexister avec la liberté des femmes. Mais il ne semble pas nécessaire de l'inscrire dans la Constitution.
Le choix des mots importe. Parler de liberté plutôt que de droit préserve les équilibres actuels.
Nous sommes attachés à la précision selon laquelle l'IVG est une liberté et non pas un droit opposable, mais la formule de « liberté garantie » nous semble superfétatoire, la protection résultant plus de l'inscription même dans la Constitution que dans un adjectif déclaratoire.
La grande majorité des membres du groupe INDEP voteront pour, les autres s'abstiendront. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP)
Mme Dominique Vérien . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Près de cinquante ans après la loi Veil, nous allons écrire un nouveau chapitre dans l'histoire du droit des femmes.
Reste à savoir si l'IVG est menacée. En France, non. Si l'accès à ce droit est perfectible, les Françaises peuvent y recourir librement. Toutefois, j'aimerais pouvoir être confiante pour l'avenir. L'histoire récente a montré que des démocraties libérales même bien établies pouvaient revenir en arrière. Si le pire n'est jamais certain, le meilleur non plus.
Des réseaux militants s'activent pour remettre en cause ce droit. Des plateformes créent des numéros verts se faisant passer pour des organismes publics, pour ensuite dissuader des femmes à renoncer à l'IVG. Ce n'est pas aux États-Unis, c'est en France !
Le planning familial subit des attaques régulières. Ce n'est pas aux États-Unis, c'est en France !
M. Pascal Savoldelli. - Très bien !
Mme Dominique Vérien. - L'affaire récente survenue sur la chaîne CNews, qui assimile l'IVG à la première cause de mortalité dans le monde, ce n'est pas aux États-Unis, c'est en France ! (Applaudissements à gauche, sur les travées du RDPI et sur de nombreuses travées du groupe UC)
M. Pierre Ouzoulias. - Très bien !
Mme Dominique Vérien. - Les autocollants anti-IVG sur des vélos parisiens, c'est aussi en France. C'est pourquoi il est de notre responsabilité de législateur de protéger le droit à l'avortement.
Ce qui compte, c'est l'effectivité de l'exercice de cette liberté. En effet, de nombreux pays autorisent officiellement l'avortement, mais en restreignent à tel point l'accès qu'il est impossible. C'est ainsi que procéderont ceux qui, un jour, voudront s'attaquer à cette liberté en France : la restreindre jusqu'à en faire une coquille vide.
Ne nous y trompons pas : derrière le militantisme anti-IVG, l'enjeu est bien de contrôler nos corps de femmes. Constitutionnaliser l'IVG, c'est envoyer un message à la société de demain : la liberté pour une femme de disposer de son corps n'est pas un simple droit sociétal, mais une liberté fondamentale qui mérite d'être garantie au coeur du texte le plus sacré de la République.
La Constitution ne doit pas se résumer à un catalogue de procédures institutionnelles, mais traduire la société, ses aspirations et ses valeurs. Certains pensent que cette constitutionnalisation est purement symbolique. Si tel est le cas, votons ce texte sans risque, nous n'avons rien à perdre. Et s'il protège un peu plus les femmes, votons-le également, nous avons tout à gagner ! (Applaudissements à gauche, sur les travées du RDPI et sur de nombreuses travées du groupe UC ; M. Louis Vogel applaudit également.)
Mme Mélanie Vogel . - (Applaudissements sur les travées du GEST ; Mmes Émilienne Poumirol, Patricia Schillinger, et M. Xavier Iacovelli applaudissent également.) Pendant des siècles, des femmes ont été insultées et condamnées, par des jurys d'hommes, pour avoir exercé une liberté humaine : choisir leur vie. Pendant des siècles, des femmes sont mortes en France des suites d'avortements clandestins. Depuis le manifeste des 343, depuis l'ouverture par Gisèle Halimi du procès de la violence et de l'hypocrisie patriarcale à Bobigny, depuis la fondation du Mouvement pour la liberté de l'avortement et de la contraception, la France est engagée sur un autre chemin qui aboutira à la loi Veil. Le vote d'aujourd'hui s'inscrit dans cette grande histoire.
Cinquante ans après, qu'avons-nous à dire aux Marie-Claire Chevalier d'aujourd'hui ? Qu'elles demeurent à la merci du législateur, ou qu'elles sont à jamais libres ?
Le Conseil d'État a été très clair : l'objet du texte est d'encadrer l'office du législateur afin qu'il ne puisse restreindre les conditions d'exercice de cette liberté de façon à la priver de toute portée.
Avec ce vote, nous disons que nous ne restreindrons plus jamais ce droit, que nous choisissons de renoncer démocratiquement à la possibilité même de le faire, que ce n'est pas plus envisageable que pour la liberté de conscience, d'association ou d'expression. (Applaudissements sur les travées du GEST et sur quelques travées du RDPI ; M. Éric Bocquet applaudit également.)
Je m'adresse à ceux qui sont convaincus que l'IVG n'est pas une concession accordée par le législateur, mais un droit qui avait été confisqué et qui a été rendu aux femmes qui se sont tant battues pour. Je m'adresse aux héritiers de cette droite et de ce centre qui ont voté la loi Veil. Si, un jour, une loi menace l'IVG en France, que direz-vous à vos filles, à vos nièces que vous aurez refusé de protéger ? Qu'il y avait le mot « garantie », que la date du Congrès avait été annoncée trop tôt ?
Le 20 décembre 1974, la moitié des sénateurs de droite et du centre ont voté la loi Veil ; les sept sénatrices ont voté pour. Chaque voix compte. Chaque voix pour la régression sera la démonstration empirique que oui, l'IVG doit entrer dans la Constitution.
Je me suis lancée voilà un an avec Laurence Rossignol, Aurore Bergé, Mathilde Panot, Laurence Cohen, Dominique Vérien, Annick Billon, Elsa Schalk, Isabelle Rome et bien d'autres dans cette bataille. J'ai vu l'engagement sans faille des associations, de la société, j'ai entendu les militantes polonaises louer ce que nous faisions en France, regrettant que cela n'ait pas été fait en Pologne, quand il était temps.
Il est temps d'être au rendez-vous de l'histoire, de répondre aux espoirs que nous avons soulevés dans le monde, d'énoncer que le droit à l'avortement n'est pas un sous-droit, mais un droit fondamental.
Faisons-nous cette promesse : plus jamais, les faiseuses d'anges, les cintres et les mortes ! Disons à nos filles : vous êtes désormais et à jamais libres de choisir votre vie. (Les membres du GEST se lèvent pour applaudir ; applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et du RDPI, ainsi que sur plusieurs travées du groupe UC)
M. Ian Brossat . - Nous vivons un moment historique. Parce que nous modifions la Constitution, ce qui n'est pas anodin. Parce que cette modification fait écho aux combats de millions de femmes à travers le monde. Parce que le monde nous regarde, et nous écoute.
Il s'agit de faire du droit à l'avortement une liberté garantie pour toutes les femmes sur notre sol.
Dès 2017, avec Laurence Cohen, notre groupe avait déposé une proposition de loi constitutionnelle pour constitutionnaliser l'IVG. Ce projet de loi nous en donne la possibilité : nous souhaitons qu'il soit voté dans les mêmes termes qu'à l'Assemblée nationale.
L'IVG ne serait pas menacée ? Tout montre qu'elle l'est. Des forces rétrogrades la remettent en cause, des forces médiatiques s'organisent pour la contester - je renvoie aux propos monstrueux tenus sur une chaîne d'information, ou plutôt de désinformation, en continu. Elle est menacée par des forces politiques, l'intervention de M. Ravier en témoigne. Il y avait quelque chose de répugnant à l'entendre s'abriter derrière la figure de Simone Veil...
Oui, l'IVG est menacée en France, en Europe, notamment en Pologne, aux États-Unis où quatorze États l'interdisent.
La Constitution n'aurait pas vocation à être un catalogue de droits sociaux ? Ceux qui voudraient nous faire croire que la Constitution serait un objet juridique froid ne traitant que de l'organisation des institutions, ne sont pourtant pas avares de propositions de loi constitutionnelle sans rapport avec cette dernière - par exemple sur les racines judéo-chrétiennes de la France ou l'immigration. (M. André Reichardt proteste.)
N'ayons pas la main plus tremblante pour ajouter des droits que pour en retrancher !
Aucun des arguments avancés pour rejeter ou amender ce projet de loi n'est valable.
Nous avons la possibilité de franchir un grand pas et de remporter une belle victoire pour les femmes à travers le monde qui se battent pour que ce droit soit garanti dans leur pays. Quand bien même ce vote ne servirait qu'à leur envoyer un signal, il serait utile ! (Applaudissements à gauche et sur les travées du RDPI)
Mme Nathalie Delattre . - (Applaudissements sur les travées du RDSE ; Mme Patricia Schillinger applaudit également.) Depuis la décision de la Cour suprême du 24 juin 2022, plus de dix États américains ont interdit l'avortement, sans aucune exception. La loi y incite les citoyens à poursuivre en justice les femmes soupçonnées d'avoir avorté. En Pologne, en Hongrie, en Italie, sous la pression de mouvements dits « pro-vie », l'accès à l'IVG recule.
Il convient donc de se tenir en alerte. Une chaîne française n'a-t-elle pas diffusé récemment une infographie plus que douteuse indiquant que l'IVG serait la première cause de mortalité ? Une manipulation honteuse ! (Mme Marie-Pierre de La Gontrie applaudit.)
La prudence est d'inscrire ce droit dans la Constitution. Si d'autres reculent, soyons fiers de montrer le chemin qui refuse la régression.
Inscrire l'IVG dans la Constitution ne serait que symbolique ? Mais quel symbole ! La France doit se poser en pays des Lumières et être au rendez-vous de l'Histoire. Elle serait la première nation au monde à envoyer ce signal.
Le RDSE soutient votre initiative monsieur le ministre, comme il avait soutenu les précédentes propositions de loi. Celle de Mme Vogel, qui englobait la contraception, avait suscité quelques réserves - nous ne voulions pas que la Constitution devienne une déclaration bavarde. Le second texte avait fait l'objet d'un travail constructif, notamment grâce à l'amendement de Philippe Bas.
Ce nouveau projet de loi s'inscrit dans cette lignée, à la différence près que la loi ne « détermine » plus mais « garantit » la liberté de recourir à l'IVG.
Les garanties des droits et libertés sont suffisamment nombreuses dans la Constitution pour qu'une nouvelle liberté s'y insère sans difficulté.
Les constitutionnalistes ne sont pas tous d'accord sur le risque d'inflation des droits constitutionnels. Nous entendons l'alerte : si une dérive s'observait, il faudrait s'y opposer fermement.
La loi Veil, bientôt cinquantenaire, a vu son cadre légal s'améliorer au fil du temps. L'inscrire dans la Constitution est la suite logique.
Faire un demi-choix reviendrait à faire de l'IVG un demi-droit. Les femmes doivent accéder à une liberté pleine et entière, avec pour seule conscience, la leur ! (Applaudissements à gauche, sur les travées du RDSE, du RDPI et sur plusieurs travées du groupe UC)
M. Xavier Iacovelli . - « Le passé ne meurt jamais, il ne faut même pas le croire passé », écrivait Faulkner. Ces mots résonnent avec acuité, alors que les remises en question des droits des femmes, notamment à l'IVG, se multiplient dans le monde. Inscrire le droit à l'IVG dans notre texte suprême n'en est que plus important, pour s'assurer qu'il résiste à l'épreuve du temps et aux vagues populistes qui pourraient survenir. Ne croyons pas naïvement que ce qui se passe chez nos voisins est impossible chez nous.
Les attaques, chez nos voisins, envers le droit des femmes à disposer de leur corps nous incitent à la vigilance. Aux États-Unis, quatorze États interdisent l'IVG : en 2023, 65 000 femmes y ont été obligées de garder l'enfant conçu à la suite d'un viol. Qui aurait pu penser que la plus grande démocratie du monde reviendrait sur ce droit fondamental ? En Pologne, l'IVG n'est légale qu'en cas de viol, d'inceste ou si la vie de la mère est en danger. L'Italie, avec Meloni, souhaite octroyer une allocation aux femmes pour éviter d'avorter, comme si l'argent était la première cause. En Hongrie, ultime torture, les femmes ont l'obligation d'entendre les battements de coeur du foetus avant d'avorter.
Nous devons protéger nos libertés, de manière inébranlable. Je pense aux territoires d'outre-mer, où le taux d'IVG est élevé, et où un recul de ce droit mettrait en danger des milliers de femmes.
La France, nation de la Déclaration des droits de l'homme, doit être à l'avant-garde. Inscrire l'IVG dans la Constitution est un acte symbolique, affirmant nos valeurs de liberté, d'égalité, de fraternité. C'est en cela que notre pays restera ce phare de la liberté, des droits humains. Nous poursuivons la lutte opiniâtre de Simone Veil, qui est aussi le combat d'Olympe de Gouges pour l'égalité. L'histoire nous enseigne que les droits des femmes ne sont jamais acquis - ce sont même les premiers touchés par les virages idéologiques populistes et nationalistes.
À ceux qui estiment, ici, que le Parlement devrait se pencher sur des sujets « plus importants », je réponds que rien n'est plus important que les droits des hommes et des femmes : c'est l'essence de la République. La récente affaire CNews témoigne des attaques persistantes contre ce droit fondamental qu'est l'IVG. Alors que les réseaux sociaux façonnent de nouvelles croyances - un jeune sur dix croit que la Terre est plate ! - , je refuse que les filles de ce pays vivent dans la peur d'une grossesse non désirée. Aucune femme au monde ne se lève en se disant que c'est le jour idéal pour avorter. Aucune ne considère l'IVG comme une option de contraception parmi d'autres. Aucune n'y recourt avec légèreté et insouciance. Aucune ne doit être réduite à un rôle qu'elle n'aurait pas choisi, par peur ou par manque de choix.
Non, l'IVG de confort n'existe pas ! Le prétendre est insultant. La liberté de choisir est une liberté sociale fondamentale. Refuser de l'entendre, c'est réduire la femme à un rôle reproducteur.
Pour Simone Veil et toutes les femmes qui se sont battues dans le monde, gravons dans le marbre de notre Constitution la liberté de recourir à l'IVG en France ! (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur plusieurs travées du groupe SER et du GEST)
Mme Laurence Rossignol . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) « Une jeune femme livrée à une faiseuse d'ange meurt à 18 ans d'une septicémie. Je trouve cela tellement injuste. Il n'est pas pensable qu'on ne puisse être maître de son corps, a fortiori du fruit que l'on porte. Si on ne veut pas de ce fruit, on a le droit de le rejeter. On n'est pas obligée d'être mère. » Ces mots sont ceux d'Henri Caillavet, auteur en 1947 de la première proposition de loi dépénalisant l'avortement. Grand sénateur, grand humaniste, grand législateur, j'ai souhaité associer son nom à ceux de Gisèle Halimi, de Simone Veil, d'Yvette Roudy. (Mmes Marie-Arlette Carlotti et Émilienne Poumirol applaudissent.)
Premier argument auquel je veux répondre : il s'agirait de l'importation en France d'un débat purement américain. Je vous rappelle la proposition de loi déposée ici par Laurence Cohen dès 2017, puis celle de Luc Carvounas, alors député, trois ans avant l'arrêt Dobbs. Les anti-IVG n'ont jamais renoncé, en réalité, depuis la loi Veil.
Deuxième argument : l'IVG ne serait pas menacée en France. Très bien ! Profitons-en pour prendre les garanties pour l'avenir ! Si c'est le cas, nous le devons d'abord aux Français, qui soutiennent à plus de 80 % le droit à l'avortement et les réformes que nous avons conduites pour en faciliter l'accès. Ils sont le meilleur bouclier, le bouclier citoyen. (Applaudissements sur les travées du groupe SER, du GEST et sur quelques travées du RDPI)
Mais il faut voir plus loin, dans le temps et l'espace. Partout où les extrêmes droites, les ultraconservateurs, les illibéraux ont accédé au pouvoir, ils ont ciblé l'avortement et les droits des femmes. Trump, Bolsonaro, Milei, Orban, Meloni, le PIS en Pologne, le ministre de la santé de Poutine : tous sont des amis de Mme Le Pen ! Ce sont ceux avec qui elle valse, déjeune, complote, ceux qui la financent... (Applaudissements sur les travées du groupe SER, du GEST et du RDPI ; M. Ian Brossat applaudit également.) Tous ont la même obsession : poursuivre les femmes qui avortent, criminaliser, harceler les militantes, les soignantes qui les aident. Je ne crois pas à une exception de l'extrême droite française, à un microclimat qui nous protégerait. En revanche, je crois à la taqiya, et pas seulement chez les islamistes !
Quand une chaîne de télévision désigne l'avortement comme première cause de mortalité mondiale et traite les femmes de criminelles, quand les locaux du planning familial sont attaqués, cela illustre la détermination et la violence des anti-choix.
Dernier argument, plus politicien : certains rechigneraient à « donner le point à Macron ». Mais il nous a fallu un an et demi d'efforts pour qu'enfin le Président de la République se décide à faire déposer un projet de loi ! Voter la constitutionnalisation, c'est donner le point au Parlement !
Soyons fidèles à la grandeur de la France, ce pays précurseur, phare des droits humains, qui éclaire ceux qui luttent pour leur émancipation. Nous serons le premier pays à faire de l'IVG une liberté fondamentale. Cela fera du bien aux Français et à la France. Nous en avons besoin ! (Applaudissements à gauche et sur les travées du RDPI ; Mmes Dominique Vérien et Olivia Richard applaudissent également.)
M. Philippe Bas . - Cinquante ans après son adoption, la loi Veil est entrée dans les moeurs. Nous devons cette acceptation à l'équilibre sur lequel elle repose : primauté de la liberté de la femme au cours des premières semaines de la grossesse, primauté de la protection de l'enfant à naître ensuite. Depuis sa décision de 2001, le Conseil constitutionnel vérifie que la loi ne rompt pas cet équilibre.
Cinquante années d'application continue d'une loi qui n'est plus contestée, et un contrôle constitutionnel vigilant : on ne peut dire que l'IVG soit en danger. Les problèmes qui demeurent ne sont pas d'ordre juridique. Aussi n'est-ce pas sans circonspection que nous avons vu arriver des propositions de loi pour constitutionnaliser l'IVG, dont la rédaction en faisait un droit opposable, absolu et sans limites.
Malgré mes premières réserves, j'ai admis qu'une sécurisation supplémentaire pouvait justifier une mention dans la Constitution. Mais pas n'importe laquelle ! Il y faut deux conditions : que l'équilibre de la loi Veil soit préservé, et que l'espace constitutionnel reste suffisamment ouvert pour que le législateur puisse y faire évoluer la loi sans remettre en cause cet équilibre.
Le Sénat a adopté l'an dernier son propre texte, qui prévoit que la loi détermine les conditions - c'est-à-dire aussi les limites - dans lesquelles s'exerce la liberté de la femme de mettre fin à sa grossesse. Non pas un droit opposable, donc, mais une liberté individuelle, limitée par le respect des principes constitutionnels de même force - ici, le respect de la dignité de la personne humaine, en l'espèce l'enfant à naître.
On retrouve dans ce projet de loi deux mots essentiels : « conditions », qui indique que la liberté ne peut être sans limites, et « liberté », pour éviter tout glissement vers un droit-créance.
Il y a cependant deux différences avec notre texte. La première consiste à inscrire la liberté de la femme non « de mettre fin à sa grossesse », mais « de recourir à une IVG » - et non, monsieur le garde des sceaux, de disposer de son corps, comme vous l'avez dit peut-être par approximation de langage... (M. Éric Dupond-Moretti écarquille les yeux ; rires à gauche.)
Plus critiquable, le recours au concept étrange de « liberté garantie ». Il y aurait donc dans la Constitution des libertés garanties et d'autres qui ne le seraient pas ! Une telle hiérarchie laisse songeur. Il s'agit en réalité de réintroduire de manière ambiguë la notion de droit opposable. Mais en démocratie, c'est à la représentation nationale et non au juge de veiller à ce que l'IVG soit accessible à toutes.
Si l'adjectif « garanti » est sans portée, pourquoi l'ajouter ? S'il en a une, il faut le retirer. C'est le sens de l'amendement que nous avons déposé avec Bruno Retailleau et plusieurs collègues. Si cet amendement n'était pas voté, c'est une version ambiguë de la révision constitutionnelle qui risquerait d'être adoptée, et ferait le jeu de ceux qui sont les plus éloignés de l'équilibre fondateur de la loi Veil. (Marques d'impatience sur les travées du GEST ; applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)
M. Loïc Hervé . - « La loi garantit le respect de tout être humain dès le commencement de la vie. Il ne saurait être porté atteinte à ce principe qu'en cas de nécessité et selon les conditions définies par la présente loi. » C'est l'article 1er de la loi Veil. Le texte du Gouvernement est très loin de cet équilibre, cher à Simone Veil.
Cet après-midi, nous n'aurions donc pas le choix. Il faudrait voter ce texte, pour ne pas passer pour un anti-avortement, pour privilégier le symbole au droit, pour être le relais d'une opinion publique qui y serait favorable, pour que notre pays soit à l'avant-garde du progrès...
Mais peut-on voter ce texte malgré la piètre qualité de sa rédaction, dont le seul mérite est de mettre d'accord Mathilde Panot et Marine Le Pen à l'Assemblée nationale ? (Protestations sur les travées du GEST ; M. Grégory Blanc hue.)
Mme Mélanie Vogel. - Nul !
M. Loïc Hervé. - Malgré l'absence de réponse précise sur la portée juridique de l'adjectif « garantie », malgré le risque de voir encore renforcés les pouvoirs du Conseil constitutionnel, au risque d'en faire une cour suprême à l'américaine ? Si un président illibéral venait à prendre le pouvoir, combien de temps lui faudrait-il pour prendre le contrôle politique du Conseil constitutionnel ?
Telle la fable de la paille et de la poutre, ce n'est pas cette inscription constitutionnelle qui répondra à la fermeture de 130 centres IVG ces dix dernières années ou qui empêchera CNews de faire des comparaisons stupides. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. - Bravo !
M. Loïc Hervé. - Le débat sur l'accès est le seul qui vaille. Je le dis comme membre militant de la délégation aux droits des femmes. (Marques d'ironie à gauche ; M. Michaël Weber s'en gausse.)
La volonté de mettre « quelque chose » dans la Constitution ne saurait l'emporter sur le raisonnement juridique. C'est pourquoi certains membres du groupe Union Centriste ne voteront pas ce texte. (Applaudissements sur quelques travées des groupes UC et Les Républicains)
Mme Marie-Pierre de La Gontrie . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Je dispose de quatre minutes, en ce jour historique (marques d'ironie à droite), pour tenter de convaincre les derniers indécis. J'irai donc droit au but.
Non, la volonté française d'inscrire l'IVG dans la Constitution n'est pas une réaction à une décision de la Cour suprême des États-Unis. Elle lui préexistait. Je salue Laurence Cohen, qui avait déposé un texte dès 2017. (Applaudissements à gauche ; Mme Patricia Schillinger applaudit également.) La décision américaine fut cependant un électrochoc pour la société française.
Oui, il existe en France et en Europe un risque de remise en cause du droit à l'avortement : en Hongrie, en Pologne, en Italie, naguère en Espagne. Nous avons vu récemment dans les médias français comment les antiavortement pouvaient agir.
Non, le droit à l'IVG n'est pas déjà garanti constitutionnellement. Il ne faut pas confondre une décision validant la constitutionnalité d'une loi et l'inscription d'un principe dans le texte.
Oui, la Constitution proclame des droits sociaux et sociétaux : droit à l'emploi, parité, droit de grève, abolition de la peine de mort, droit syndical, dans son préambule de 1946 et dans son texte.
Deux amendements ont été déposés. Le premier supprime l'adjectif « garantie », au motif qu'il serait flou. Ce terme n'est effectivement accolé nulle part dans la Constitution au terme « liberté ». Mais les libertés constitutionnelles existantes s'exercent de manière autonome. La liberté de recourir à l'IVG, elle, requiert l'intervention d'un tiers : médecin, sage-femme, pharmacien. Le terme « garantie » permet de s'assurer que l'État n'y empêche pas l'accès, ce qui viderait la mesure de son sens.
Le deuxième concerne la clause de conscience des médecins - d'ores et déjà protégée par l'article X de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Si vous la visez spécifiquement dans le seul cadre de l'IVG, vous viderez de sa portée l'ensemble de cet article. Cet amendement atteindrait donc l'inverse de l'objectif. (Marques d'impatience à droite)
Cinquante ans après la loi Veil, quel bel anniversaire que de voter cette constitutionnalisation et de rendre hommage à ce qui s'est passé en 1974 ! (Applaudissements à gauche et sur les travées du RDPI)
Mme Muriel Jourda . - Il m'appartient de présenter la position des sénateurs Les Républicains opposés à ce texte.
Quelle idée nous faisons-nous de notre rôle de législateur, en l'occurrence de constituant ? Nous avons Montesquieu pour nous guider, abondamment cité : « il ne faut toucher aux lois que d'une main tremblante » ; ou encore, « les lois inutiles affaiblissent les lois nécessaires ».
Nous n'avons pas à légiférer en militants ou sous le coup de l'émotion, mais en êtres de raison, soucieux de l'intérêt général. (Murmures à gauche)
Ce texte nous plonge dans l'incertitude juridique qu'a présentée Mme le rapporteur.
Remédions-nous à une imperfection juridique qui empêcherait la liberté de recourir à l'IVG de s'exercer ? Je ne le crois pas. L'article II de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen donne sa force à cette liberté.
Sommes-nous en train de clore un débat qui agiterait la société sur l'accès à l'IVG ? Pas davantage. Certes, il reste en France des personnes hostiles à l'IVG - c'est leur droit. Mais Mme Vogel a eu raison de dire qu'ils ont perdu la bataille. La société, majoritairement, reconnaît la légitimité de cette liberté. Ce débat n'existe plus dans notre pays, contrairement à ce qui se passe aux États-Unis ou dans d'autres pays - lesquels n'ont pas notre culture ou nos institutions, à commencer par notre principe de laïcité.
Dès lors, que faisons-nous ? Mme le rapporteur l'a dit : nous procédons à une consécration constitutionnelle symbolique. Est-ce le rôle de la Constitution de consacrer des symboles (nombreux « Oui ! » à gauche), d'envoyer des signaux au reste de l'humanité ? Je ne le crois pas.
Pardon d'être terre à terre : que dirons-nous aux femmes qui n'ont pas accès à l'IVG du fait des insuffisances de notre système de soins ? (Protestations à gauche)
Mme Émilienne Poumirol. - C'est un autre problème !
Mme Muriel Jourda. - Que dirons-nous à celles qui souffrent d'avoir subi une IGV - car ce n'est pas un acte anodin ?
Je crains que nous ne réalisions une double prouesse : ne rien changer à leur sort tout en affaiblissant notre Constitution ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains ; M. Loïc Hervé applaudit également.)
Mme Elsa Schalck . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur certaines travées des groupes UC et INDEP ; M. Ronan Dantec applaudit également.) Il y a un an, le Sénat votait la constitutionnalisation du droit à l'IVG. L'Assemblée nationale a fait de même, à une très large majorité. Une étape importante reste à franchir, et je souhaite que nous y parvenions.
Notre travail législatif aura permis de cheminer collectivement vers un compromis : belle illustration de la vitalité du débat parlementaire.
Je remercie la rapporteure pour son travail sur ce sujet sensible et salue la position de la commission des lois.
Le droit à l'IVG a toute sa place dans notre Constitution, qui est le socle des grands principes de notre pays, l'acte essentiel par lequel notre pays affirme ce qui le fonde. L'IVG fait partie intégrante du droit fondamental des femmes à disposer de leur corps.
Le Conseil d'État nous éclaire : il indique que l'IVG, en tant que telle, ne fait l'objet d'aucune protection constitutionnelle. L'inscrire dans la Constitution sera indéniablement une protection supplémentaire.
Certes, la situation américaine est différente. Mais faut-il qu'une menace pèse pour consacrer une liberté ? Notre Constitution permet de sanctuariser des principes qui doivent être indérogeables. Y inscrire l'IVG sera un rempart contre d'éventuelles difficultés futures - voyez la Pologne et la Hongrie, qui nous rappellent que la situation peut évoluer défavorablement pour les droits des femmes, même quand ils paraissent acquis.
Réaffirmons et protégeons ce droit fondamental gagné par des générations de femmes. La rédaction qui nous est soumise est équilibrée, presque identique à celle votée par le Sénat il y a un an. Elle n'institue pas un droit opposable.
Reste que cette mesure ne doit pas occulter les difficultés liées à l'effectivité de ce droit. Quelque 130 centres d'IVG ont fermé au cours des dernières années. Nous devons rester vigilants à cet égard.
Je souhaite que le Sénat soit au rendez-vous de ce moment important, en votant ce texte sans modification. (Applaudissements sur les travées du RDPI, du GEST et des groupes SER et CRCE-K, ainsi que sur plusieurs travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP et du RDSE)
Discussion des articles
Avant l'article unique
L'amendement n°3 n'est pas défendu.
(On s'en félicite bruyamment à gauche.)
M. Mickaël Vallet. - Guignol !
Article unique
Mme Marie-Pierre Monier . - L'arrêt Dobbs aux États-Unis et le séisme des évolutions législatives en Pologne et en Hongrie doivent nous conduire à constitutionnaliser le droit à l'IVG, comme en 2007 l'abolition de la peine de mort. Au regard de la montée de l'extrême droite dans notre pays, il est illusoire de penser que nous serons éternellement à l'abri.
Envoyons un message fort en consacrant ce droit inaliénable, mais veillons aussi à assurer son effectivité pour toutes les femmes, y compris celles qui vivent dans la ruralité. N'oublions pas que 13 départements n'ont aucun gynécologue et que 18 % des femmes qui recourent à une IVG le font hors de leur département. Les premières victimes des inégalités territoriales sont les femmes isolées et précaires.
« Je me bats pour le droit de la femme à choisir ses maternités », disait Gisèle Halimi : soyons à la hauteur de cette ambition !
Mme Anne Souyris . - « L'injustice et l'hypocrisie patronnées par la morale » : c'est ainsi que la fondatrice du planning familial évoquait l'arrivée à l'hôpital de femmes ayant avorté clandestinement. Soixante ans plus tard, la formule résonne toujours.
L'injustice, toujours d'actualité : voyez les inégalités territoriales et sociales d'accès à l'IVG.
L'hypocrisie, toujours d'actualité : on prétend que l'IVG ne serait pas menacée dans notre pays, mais le corps des femmes fait l'objet d'un débat incessant, devenant, par exemple, le sujet soudain d'un réarmement démographique.
La morale, toujours d'actualité : d'aucuns accusent les femmes qui recourent à l'IVG de représenter la première cause de mortalité dans le monde.
Prenons ce tournant historique, gravons dans le marbre de notre République : mon corps m'appartient, nos corps nous appartiennent.
« Il suffirait d'une crise », disait Simone de Beauvoir. Rien n'est jamais acquis pour les femmes. Prenons les devants, car on ne sait jamais de quoi les lendemains sont faits ! (Applaudissements sur les travées du GEST et sur quelques travées du groupe SER)
Présidence de M. Gérard Larcher
Mme Evelyne Corbière Naminzo . - C'est le rôle de la loi fondamentale de garantir les droits fondamentaux - il semble nécessaire de le rappeler.
Nous devons aussi continuer à lutter pour que ce droit soit effectif : quand les moyens manquent, que les stocks de médicaments sont épuisés, que les forces hostiles à l'IVG s'organisent pour piéger les femmes, l'accès à ce droit est compromis.
La constitutionnalisation est donc une avancée nécessaire, mais gardons-nous de penser qu'elle est suffisante.
Dans l'histoire, les femmes ont été victimes de la volonté de l'État de contrôler leurs corps, dans un sens comme dans l'autre. Ainsi, à La Réunion, entre 1960 et 1970, elles ont subi une politique antinataliste de l'État français, à coups de stérilisations et d'avortements forcés. Des politiques qui prétendaient agir dans l'intérêt des femmes n'ont pas hésité à s'affranchir des limites de la loi, l'avortement étant alors interdit. (Mme Catherine Conconne applaudit.)
Le corps des femmes ne doit pas être un espace contrôlé par l'État ! (Marques d'impatience à droite, l'oratrice ayant dépassé son temps de parole.)
M. le président. - Il faut conclure.
Mme Evelyne Corbière Naminzo. - La femme est la mieux placée pour décider pour elle-même ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K et sur plusieurs travées du groupe SER)
Mme Patricia Schillinger . - Mesurons l'importance et la gravité du moment : élever la liberté des femmes de recourir à l'IVG au rang constitutionnel est une décision historique.
Près de cinquante ans après l'adoption de la loi Veil, il s'agit d'affirmer que l'IVG n'est pas une tolérance, une faveur ou une exception. C'est un principe fondamental, hélas menacé dans de nombreux pays. Nous devons soutenir les femmes qui se battent contre ces reculs, y compris en Europe.
Dans notre pays, l'IVG n'est protégée par aucune disposition de valeur constitutionnelle ; elle est ainsi vulnérable aux aléas politiques et sociaux. L'adoption conforme de ce texte inspiré de la rédaction de Philippe Bas serait un bon signal : elle garantirait la liberté des femmes tout en ménageant une flexibilité pour le législateur.
L'émancipation des femmes fait souvent l'objet de beaux discours. Nous avons cet après-midi l'occasion de joindre le geste à la parole. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; Mmes Catherine Conconne et Marie-Arlette Carlotti applaudissent également.)
M. Patrick Kanner . - Le nombre de collègues présents illustre l'importance que nous accordons à ce moment politique. Le garde des sceaux a eu raison de dire que nous sommes regardés.
Ma conviction profonde est que le droit absolu de disposer de son corps est la condition de toutes les autres libertés et un élément essentiel de l'égalité entre les femmes et les hommes.
Partout dans le monde, des voix s'élèvent pour restreindre ce droit. Une coalition d'États mène d'âpres offensives contre les droits des femmes, donc contre les droits humains. Le climat n'a jamais été aussi inquiétant : il y a quelques jours, des propos insultants à l'égard des femmes ont été tagués sur les murs du planning familial de Lille.
La constitutionnalisation de l'IVG enverra un signal fort au niveau national et international : ce droit est d'une importance cardinale.
Je respecte les sensibilités qui se sont exprimées par le dépôt d'amendements visant à prolonger la procédure constitutionnelle. Mais il est temps d'aboutir. Le Gouvernement a enfin pris ses responsabilités : ne manquons pas ce rendez-vous avec l'histoire ! (Applaudissements à gauche et sur quelques travées du RDPI)
M. Yan Chantrel . - Nous avons l'occasion de faire l'histoire, d'être à l'avant-garde, en envoyant un message puissant pour la défense des droits des femmes. Près de 90 % de nos concitoyens soutiennent ce texte.
Sénateur des Français établis hors de France, je sais que, dans les pays où le droit à l'IVG est menacé, des responsables publics avaient prétendu que jamais il ne le serait. En Asie, plusieurs compatriotes m'ont dit qu'elles seraient fières si nous étions le premier pays au monde à consacrer l'IVG dans sa Constitution.
Soyons à la hauteur de ce moment historique ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER)
M. Thomas Dossus . - Nous vivons un moment grisant : nous voyons une idée minoritaire grandir, par le travail de sénatrices et sénateurs de tous les bancs, et devenir majoritaire.
Nul ne prend une révision constitutionnelle à la légère ; il ne s'agit pas d'introduire dans la Constitution nos envies, mais de répondre à une demande de protection des femmes contre les vents mauvais qui soufflent ou souffleront demain.
Nous ne sommes qu'un petit maillon dans la chaîne des combats féministes. Nous savons ce que nous devons aux luttes menées par nos grands-mères, nos mères, nos soeurs.
Laissons-nous griser par ce moment et votons ce texte conforme, pour envoyer un beau signal de résistance aux néoconservateurs. Rendez-vous à Versailles ! (Applaudissements sur les travées du GEST et sur quelques travées du groupe SER)
M. Guillaume Gontard . - En effet, le moment est émouvant. De nombreux combats ont été nécessaires pour y arriver, d'autres restent à mener. Souvenons-nous : il a fallu attendre 1965 pour que les femmes puissent travailler et ouvrir un compte bancaire sans l'autorisation de leur mari, 1975 pour que le droit à l'IVG soit reconnu. Ces conquêtes sont celles des féministes, des militantes.
Nous vivons aussi un moment fort de démocratie : un travail commun nous rassemble, autour d'une décision qu'attendent 80 % des Français. Elle constituera un symbole marquant pour l'ensemble du monde. (Applaudissements sur les travées du GEST)
Mme Sylvie Robert . - (Applaudissements sur des travées du groupe SER) Il est des moments historiques qu'il faut savoir sentir : le débat de cet après-midi en fait partie, qui appartient à l'histoire perpétuelle du combat en faveur du droit des femmes.
Disposer de son corps est le combat des combats, peut-être le plus ardu à remporter.
Le Sénat, avec sa prudence, son réalisme et sa sagesse - triptyque cher à Alain Poher -, saura, une fois de plus, être au rendez-vous de ce moment historique.
Prudence : nous devons garantir aux femmes une protection juridique maximale.
Réalisme : partout dans le monde, la liberté de recourir à l'IVG est remise en cause, voire niée.
Sagesse : n'insultons pas l'avenir, car gouverner, c'est prévoir.
Certes, la Constitution n'est pas qu'un catalogue de droits. Mais ces droits sont le reflet de ce que nous sommes collectivement, des principes que nous considérons comme intangibles.
Écoutons les femmes, comme disait Simone Veil en 1975. Écoutons-les et protégeons-les en constitutionnalisant cette liberté si prompte à être effacée. (Applaudissements à gauche et sur quelques travées du RDPI)
Mme Mathilde Ollivier . - Il y a environ un an, les femmes du monde entier tournaient leurs regards vers la France et la proposition de loi de Mélanie Vogel. En juin 2022, la Cour suprême des États-Unis, par l'arrêt Roe vs. Wade, annulait la protection constitutionnelle de l'IVG. Peu après, la Hongrie forçait les femmes souhaitant avorter à écouter le battement de coeur du foetus.
Ce n'est pas un hasard si la proposition de loi que je viens de mentionner a été défendue par une sénatrice des Français de l'étranger. Partout dans le monde, des femmes s'exposent à de multiples dangers pour pouvoir recourir à l'IVG - certaines y perdent la vie.
Ce n'est pas un hasard non plus si ce sujet est porté par des jeunes femmes, encore trop peu représentées dans nos institutions. Il est temps de voter ce projet de loi historique pour constitutionnaliser le droit à l'IVG. (Applaudissements sur les travées du GEST et sur quelques travées du RDPI)
Mme Françoise Gatel . - J'apporte ma voix personnelle au débat, sans prétention, car je ne suis pas Simone Veil. Au reste, il ne s'agit pas de débattre pour ou contre l'IVG.
Avec une grande humilité - je n'ai de leçon à donner à personne, encore moins au reste du monde -, je dois avouer, monsieur Dossus, que l'atmosphère de ce débat me dégrise totalement.
On nous explique qu'il nous faudrait nous mettre à l'abri de choses qui arriveront prochainement. Les partis démocratiques ont-ils donc définitivement renoncé à gagner les élections ? (Applaudissements nourris sur les travées des groupes UC et Les Républicains, ainsi que sur plusieurs travées du groupe INDEP)
M. le président. - Amendement n°2 rectifié, présenté par MM. Bas et Retailleau, Mme Aeschlimann, M. Bacci, Mmes Belrhiti et Berthet, M. Bouchet, Mme V. Boyer, MM. Brisson, Bruyen et Burgoa, Mme Chain-Larché, MM. Chaize et Chatillon, Mme Ciuntu, MM. Cuypers et Daubresse, Mmes Deseyne, Di Folco, Drexler, Dumont et Eustache-Brinio, M. Favreau, Mme Garnier, M. Genet, Mmes F. Gerbaud, Gosselin, Goy-Chavent, Gruny, Imbert, Jacques et Joseph, MM. Karoutchi, Khalifé, Klinger et Laménie, Mmes Lassarade et Lavarde, MM. de Legge, Le Gleut, H. Leroy et Le Rudulier, Mmes Lopez et Malet, M. Mandelli, Mmes M. Mercier et Micouleau, M. Milon, Mme Muller-Bronn, MM. de Nicolaÿ, Nougein, Paccaud, Panunzi, Pernot et Perrin, Mmes Pluchet et Puissat et MM. Rapin, Reichardt, Rietmann, Sol, Somon, Szpiner, Tabarot et C. Vial.
Alinéa 2
Remplacer les mots :
garantie à
par le mot :
de
M. Philippe Bas. - Notre travail consiste à tenter d'améliorer les textes qui nous sont soumis, fût-ce au prix de quelques semaines de travail supplémentaires.
Surtout quand ils présentent des ambiguïtés, ce qui est le cas ici, du fait du mot « garantie ». Car il n'y a pas, dans la Constitution, deux catégories de droits et libertés, ceux qui seraient garantis et ceux qui ne le seraient pas.
Le droit de grève ? Pas garanti. La liberté d'aller et venir ? Pas garantie. Les libertés d'opinion, de croyance, d'expression ? Pas garanties. Le droit de vivre dans un environnement sain ? Pas garanti. L'égal accès des femmes et des hommes aux fonctions électives ? Pas garanti.
Les droits et libertés sont garantis du seul fait de leur inscription dans la Constitution - et celle-ci n'a pas vocation à parler pour ne rien dire.
Ne prenons pas le risque de mettre en péril l'équilibre de la loi Veil entre les droits de l'enfant à naître et celui de la femme de mettre un terme à sa grossesse.
Faisons notre travail, en améliorant le texte dont nous sommes saisis. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains ; M. Loïc Hervé applaudit également.)
Mme Agnès Canayer, rapporteur. - Chaque mot inscrit dans la Constitution a un sens. Nous voyons bien les interprétations divergentes auxquelles donne lieu le terme « garantie » : on lui reproche de créer un droit opposable ou de ne pas ajouter grand-chose. La commission des lois a considéré qu'il ne fallait pas s'opposer à l'emploi de ce terme. Avis défavorable. (On s'en félicite à gauche et sur des travées du RDPI.)
M. Ludovic Haye. - Très bien !
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. - Madame Gatel, permettez-moi une correction grammaticale : nous parlons de choses qui pourraient arriver, pas de choses qui arriveront. (Marques d'approbation à gauche) L'abolition de la peine de mort était-elle menacée en 2007 ? Il y a toujours des ombres qui planent. Le président Chirac a eu mille fois raison de la constitutionnaliser.
Monsieur Bas, avec toute la délicatesse dont vous êtes coutumier, vous avez intenté à mon encontre un procès en approximation. Le droit à l'IVG sera-t-il opposable ? L'Assemblée nationale, la Chancellerie et le Conseil d'État font la même réponse, négative. Je ne me permettrai pas de vous faire un procès en certitudes.
Le dialogue est essentiel. Je sais que le terme « garantie » vous déplaît profondément, mais je veux tenter de vous convaincre une bonne fois pour toutes.
La rédaction du Gouvernement reprend presque à l'identique celle votée par le Sénat, dont vous êtes l'artisan originel.
Mme Patricia Schillinger. - C'est bien son problème !
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. - La prudence ne doit pas nous faire céder à une forme de juridisme, qui nous détournerait du principal.
L'article 34 porte sur la compétence du législateur. Le terme « garantie » signifie que l'objet de la révision n'est pas d'élargir cette compétence, mais d'en guider l'exercice dans le sens du respect de la liberté de recourir à l'IVG.
Il est inexact d'affirmer que ce mot serait absent de la Constitution. Ainsi, l'article 64-1 permet à tout citoyen de contester une loi qui porterait atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution. L'article 13 évoque la garantie des droits et libertés pour la vie économique et sociale de la Nation. Enfin, les articles 72 et 73 mentionnent un droit constitutionnellement garanti. Ce terme n'a donc rien d'incongru.
Il ne fait qu'expliciter l'objet de la révision : protéger la liberté des femmes de recourir à l'IVG. Il ne crée en aucune façon un droit absolu, sans limites ou opposable. Personne ne souhaite cela, en tout cas pas le Gouvernement.
En d'autres termes, il s'agit de se prémunir contre toute tentative du législateur de restreindre drastiquement cette liberté. Le Conseil d'État n'a rien trouvé à redire à cette rédaction. Il précise qu'elle ne remet pas en cause les autres droits et libertés que la Constitution garantit, dont la liberté de conscience, qui sous-tend la liberté des médecins et sages-femmes de ne pas pratiquer une IVG.
Avis défavorable à votre amendement.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - (Marques de lassitude sur certaines travées à droite ; on entend un sifflet sur les travées du groupe Les Républicains) Je ne pense pas que siffler une sénatrice soit à la hauteur du débat.
Non, monsieur Bas, le recours à l'IVG ne serait pas la seule liberté garantie par la Constitution. Le préambule de la Constitution de 1946 mentionne ce terme dans ses alinéas 3, 11 et 13. Par exemple, ce dernier dispose : « La Nation garantit l'égal accès de l'enfant et de l'adulte à l'instruction, à la formation professionnelle et à la culture ». Votre argument ne tient pas. (Applaudissements sur plusieurs travées à gauche)
M. Stéphane Ravier. - (Protestations à gauche) Merci de votre accueil chaleureux...
Il y a un an, vous avez choisi la formulation « liberté d'avorter », qui vous paraissait un compromis par rapport au texte de Mme Panot, de La France insoumise. Mais le Conseil d'État a indiqué qu'il n'y avait pas d'acceptions différentes des termes « droit » et « liberté »... Monsieur Bas, je tiens cet avis à votre disposition.
Si les femmes recourent au drame de l'avortement faute de soutien juridique, économique, social et psychologique, s'agit-il systématiquement d'une liberté ? Nombre de femmes défavorisées y sont poussées par manque de ressources ou crainte de l'abandon. Selon l'Ifop, 47 % des femmes avortent pour des raisons économiques - il faudrait parler aussi des pressions sociales ou familiales. Où est la liberté en pareil cas ?
Cet amendement spécieux vise à masquer votre refus de vous opposer sur le fond à l'esprit de ce texte. Je voterai contre.
M. Mickaël Vallet. - Retournez sur CNews !
Mme Evelyne Corbière Naminzo. - Le groupe CRCE-K s'oppose à la suppression du terme « garantie », qui ne crée pas de droit opposable.
L'accès à l'IVG devient de plus en plus difficile en raison du manque de moyens de notre système de santé. Pas moins de 130 centres d'IVG ont fermé en quinze ans. La contraception d'urgence aux mineures n'est pas effective, ce qui provoque des grossesses précoces non souhaitées. À La Réunion, 12 % des IVG concernent des mineures, deux fois plus que dans l'Hexagone.
Nous devons poursuivre la lutte pour l'accès des femmes à l'IVG. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K)
M. Guy Benarroche. - Je veux rassurer ceux qui sont favorables à la constitutionnalisation, mais craignent un vote conforme, comme effrayés devant ce dernier pas à franchir.
Oui, la mesure a une portée symbolique, mais c'est important. Notre pays a été le premier dans le monde à garantir des droits. Il doit continuer à être un phare.
Mais il ne s'agit pas que de symbole. Nous assurons l'impossibilité d'interdire l'IVG ou de la vider de sa substance. Aucune obligation n'est créée de renforcer ce droit ou de modifier l'équilibre entre le respect de la dignité humaine, la liberté de conscience et celle de disposer de son corps. En revanche, le législateur ne pourra interdire l'IVG ou la vider totalement de sa portée.
Madame Gatel, le pire n'est jamais certain, mais il est possible ! (Applaudissements sur les travées du GEST ; Mme Evelyne Corbière Naminzo applaudit également.)
M. Éric Kerrouche. - La Constitution n'est pas qu'un ensemble de règles juridiques. Elle est aussi ce par quoi une société se raconte. Elle retrace l'histoire d'une nation, affirme une conception du monde.
Il apparaît aujourd'hui nécessaire de mettre le droit en résistance face à des risques de glissement.
Walter Bagehot disait qu'il y a dans une Constitution une partie efficace, qui assure le fonctionnement des institutions, et une partie qui suscite le respect. C'est de cette seconde composante que nous parlons. Faisons en sorte que notre Constitution suscite davantage encore le respect ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER)
M. Bruno Retailleau. - Je voterai cet amendement. Soit le terme « garantie » ne crée aucun droit absolu, sans limite ou opposable, comme le garde des sceaux l'affirme : mais alors, pourquoi y être autant attaché ? Soit il aura une portée juridique effective, ce que nous pensons : en droit, les mots ont un sens, surtout lorsqu'ils figurent dans la Constitution.
Une garantie, c'est l'obligation d'assurer quelque chose à quelqu'un.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - C'est l'accès à la liberté !
M. Bruno Retailleau. - Le garant peut donc être mis en cause. Là est notre crainte.
Nous ne voulons pas qu'une jurisprudence créative conduise à un droit opposable. Le constituant ne doit pas s'en remettre ainsi au juge ! (Applaudissements sur de nombreuses travées du groupe Les Républicains ; M. Loïc Hervé applaudit également.)
Mme Dominique Vérien. - Monsieur Retailleau, le juge constitutionnel regarde nos débats pour connaître nos intentions.
Plusieurs voix à droite. - Pas toujours !
M. Max Brisson. - Hélas...
Une voix à droite. - Comme sur l'immigration ?
Mme Dominique Vérien. - Le garde des sceaux l'a dit, nombre d'orateurs également et je le dis à mon tour : le texte n'ouvre pas un droit opposable.
Mme Sophie Primas. - Je voterai cet amendement et ce texte, quel que soit le sort de l'amendement. Mais je veux dire à M. Kerrouche que c'est en votant des budgets, pour faciliter l'accès à la contraception par exemple, que nous protégeons les droits. Ne nous payons pas de mots ! On ne peut pas, monsieur le garde des sceaux, se féliciter que nous allions à Versailles lundi - nous serons heureux de vous y accueillir... - et, en même temps, soutenir des réductions budgétaires qui conduisent à réduire la protection des femmes. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du GEST, sur des travées des groupes UC et INDEP et sur quelques travées des groupes SER et CRCE-K)
Mme Mélanie Vogel. - Cet amendement a pour objet de rétablir quasiment à l'identique la version votée par le Sénat il y a un an, comme si l'Assemblée nationale devait renoncer à 100 % de son travail.
Monsieur Bas, ni le Conseil d'État, ni l'Assemblée nationale, ni le garde des sceaux, ni la grande majorité des juristes ne sont d'accord avec vous. Je suis persuadée toutefois que vous êtes sincère dans votre conviction.
Monsieur Retailleau, vous disiez il y a un an que l'amendement de Philippe Bas était superfétatoire. « En politique, la constance est une vertu », avez-vous dit aussi. Cet après-midi, la vôtre me paraît mal en point...
Pourquoi ceux qui sont contre l'introduction du droit à l'IVG dans la Constitution voteraient-ils quelque chose qu'ils ont combattu il y a un an ?
M. Ronan Dantec. - Je rejoins Mme Primas sur l'accès aux soins.
J'ai entendu le président Retailleau : le terme « garantie » pourrait laisser penser qu'il faudrait des moyens supplémentaires. Le juge constitutionnel pourrait considérer que la puissance publique ne met pas les moyens suffisants pour garantir l'accès à l'IVG.
Le terme « garantie » est donc tout à fait nécessaire ! (Rires et applaudissements sur les travées du GEST)
Mme Muriel Jourda. - Notre accord avec Mme Vogel aura été de courte durée... (Mme Mélanie Vogel le confirme en souriant.)
Il n'y a aucune inconstance à ne pas avoir voté l'amendement de Philippe Bas l'année dernière et à le voter aujourd'hui. Nous souhaitons, si ce texte devait être voté, que sa rédaction soit la plus sécurisée et la moins préjudiciable possible. Or le terme « garantie » n'offre aucune sécurité juridique et nous n'avons pas de certitude sur la façon dont il sera interprété par le Conseil constitutionnel.
La constance, nous la verrons dans le vote final.
À la demande du groupe Les Républicains et du GEST, l'amendement n°3 est mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°134 :
Nombre de votants | 342 |
Nombre de suffrages exprimés | 318 |
Pour l'adoption | 104 |
Contre | 214 |
L'amendement n°3 n'est pas adopté.
(Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, du SER, du GEST, du RDPI, du RDSE, du groupe INDEP, ainsi que sur quelques travées du groupe UC ; Mme Elsa Schalck applaudit également.)
M. le président. - Amendement n°1 rectifié sexies, présenté par MM. Milon, Retailleau et Mouiller, Mmes Imbert, Deseyne et Gruny, M. Somon, Mmes Lassarade, Puissat et M. Mercier, M. Khalifé, Mmes Noël, Eustache-Brinio et Micouleau, MM. Houpert, de Nicolaÿ et Chaize, Mme Garnier, M. Chatillon, Mmes Petrus, Malet et Pluchet, MM. Gueret et de Legge, Mmes Dumont et Berthet, MM. Panunzi et Duplomb, Mme Aeschlimann, M. Favreau, Mme F. Gerbaud, M. Sol, Mme Belrhiti, MM. Karoutchi et Rapin, Mme Gosselin et MM. Klinger, Szpiner et Tabarot.
Alinéa 2
Compléter cet alinéa par les mots :
et aux professionnels de santé de ne pas être tenus de la pratiquer ou d'y concourir
M. Alain Milon. - Monsieur le ministre, vous avez parlé d'une attente populaire, et dit que les Français nous regardaient. Si l'attente populaire avait été respectée, y aurait-il eu le 18 juin 1940 ? Y aurait-il eu l'IVG, l'abolition de la peine de mort et le mariage pour tous ? (M. Rachid Temal proteste.)
Le Conseil constitutionnel reconnaît la liberté de conscience, avez-vous dit. Simone Veil le savait, mais elle a souhaité ajouter dans sa loi une clause de conscience pour que les professionnels de santé puissent refuser l'IVG.
Vous nous dites qu'il faut protéger la loi Veil : alors reprenons-en intégralement le texte, y compris la protection des professionnels qui refusent l'IVG dans le cadre de la clause de conscience. En effet, certains pourraient contester cette clause de conscience à l'avenir, comme d'autres pourraient contester, selon vous, le droit à l'IVG. (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains ; M. Loïc Hervé applaudit également.)
Mme Agnès Canayer, rapporteur. - Cet amendement a le mérite de respecter le parallélisme des formes : puisque nous inscrivons dans la Constitution la liberté de recourir à l'IVG, qui n'est protégée par le Conseil constitutionnel qu'en tant que dérivé de la liberté de la femme inscrite à l'article II la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, il en irait de même de la liberté de conscience des médecins, qui repose sur l'article X de cette Déclaration. C'est l'équilibre de la loi Veil.
La commission des lois a toutefois émis un avis défavorable à cette recherche de compromis.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. - Mme la rapporteure a évoqué le parallélisme des formes, mais l'IVG n'est pas une liberté constitutionnellement garantie. En revanche, une décision du Conseil constitutionnel du 27 juin 2001, très claire, fondée sur l'article X de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et sur le cinquième alinéa du préambule de la Constitution de 1946, affirme que la liberté de conscience est « un principe fondamental reconnu par les lois de la République » (PFRLR), qui, comme tous les juristes le savent, a valeur constitutionnelle.
Je comprends votre souci de garantir la liberté de conscience des médecins et des sages-femmes. Il n'est pas question de leur imposer d'aller là où leur conscience leur interdit d'aller. Mais vous ne pouvez pas défendre cet amendement en invoquant le parallélisme des formes.
Cet amendement est donc superfétatoire, car d'ores et déjà satisfait par ladite décision du Conseil constitutionnel. Aucun article de la Constitution n'évoque les droits de la défense. Pourtant, ce principe a valeur constitutionnelle, et heureusement !
Je vous suggère donc de retirer cet amendement, sans quoi le Gouvernement y sera défavorable. (Applaudissements sur les travées du RDPI, ainsi que sur quelques travées du groupe SER)
M. Philippe Bas. - Monsieur le ministre, j'aurais des scrupules à vous contredire... (M. Éric Dupond-Moretti en doute.) Je ne dirais pas que votre raisonnement est spécieux, mais Alain Milon n'a pas parlé de liberté de conscience, mais de clause de conscience !
La conscience est libre, même lorsque vous exécutez un acte qui n'est pas conforme à vos convictions parce que vous êtes lié par un contrat de travail ou parce que vous êtes fonctionnaire. En revanche, la clause de conscience, qui est une sorte de droit de retrait, vous permet de ne pas accomplir un acte que votre conscience réprouve. Ce n'est pas la même chose !
Vous auriez pu faire le même raisonnement pour désapprouver l'inscription dans la Constitution, car la liberté de la femme a déjà valeur constitutionnelle, comme la liberté de conscience. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)
M. Stéphane Ravier. - Je soutiens totalement cet amendement. (Marques d'ironie à gauche) Il faut inscrire l'objection de conscience des personnels de santé dans la Constitution.
En septembre 2018, les sénateurs macronistes, socialistes, communistes et écologistes - la fameuse brochette ! - ont cosigné une proposition de loi de Mme Rossignol - évidemment ! - visant à supprimer la clause de conscience en matière d'IVG. Les pseudo-défenseurs de la liberté sont en réalité ses pires ennemis ! Ils voulaient forcer les médecins, infirmiers, auxiliaires médicaux à un choix cornélien.
Dans leur marche forcée vers une prétendue émancipation, ils nous passent le carcan. La menace illibérale est là, de ce côté-là de l'hémicycle ! (Une huée à gauche)
Vous devriez vous rebaptiser parti sociétaliste, car vous piétinez le social ! (Un brouhaha croissant à gauche couvre progressivement la voix de l'orateur.)
Le comité consultatif national d'éthique, l'ordre national des médecins et le syndicat national des gynécologues obstétriciens de France sont opposés à la suppression de la double clause de conscience des professionnels de santé. Vous fragilisez notre système de santé : il suffira d'une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) pour remettre en cause toutes les limites en termes de délais... (Marques d'impatience à gauche)
M. le président. - Il faut conclure.
M. Stéphane Ravier. - ... et de liberté de conscience. Je voterai donc cet amendement.
M. Bernard Jomier. - La clause de conscience des soignants est évidemment importante.
Ni les organisations professionnelles, ni l'ordre des médecins, ni l'Académie de médecine n'estiment que la constitutionnalisation de l'IVG porterait atteinte à la clause de conscience. Tous rejoignent l'analyse du garde des sceaux.
Je suis très attaché à la clause de conscience - laquelle n'a pas été menacée par Mme Rossignol. (Mme Laurence Rossignol fait signe de l'évidence.) Il existe en effet une clause de conscience générale ; une double clause de conscience n'est pas forcément nécessaire.
Je ne voudrais pas que l'inscription de la liberté des femmes à recourir à l'IVG soit reportée au nom des médecins. Les femmes qui défendent les droits des femmes ne s'en sont jamais prises à notre clause de conscience ; alors ne nous en prenons pas à ce progrès pour les droits des femmes ! (Applaudissements à gauche, sur les travées du RDPI, du RDSE et du groupe INDEP, ainsi que sur plusieurs travées du groupe UC)
À la demande du GEST et du groupe Les Républicains, l'amendement n°1 rectifié sexies est mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°135 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 304 |
Pour l'adoption | 85 |
Contre | 219 |
L'amendement n°1 rectifié sexies n'est pas adopté.
(Applaudissements sur les travées du GEST, du RDPI, du RDSE, du groupe SER et sur quelques travées du groupe CRCE-K)
Vote sur l'article unique
M. Alain Duffourg . - Aucun parti politique ne remet en cause le droit à l'IVG. Mais on ne saurait mettre dans la Constitution un catalogue de droits sociaux.
De nombreux Français ont rendu hommage à Robert Badinter, qui avait aboli la peine de mort. Or les mêmes entendent sacraliser l'interruption de la vie dans la loi fondamentale ! (Marques d'indignation à gauche)
Je voterai contre ce texte.
Mme Annick Billon . - Je remercie Agnès Canayer pour son travail.
Le vote de ce soir ne doit pas nous exonérer d'accorder les moyens nécessaires pour que l'accès à l'IVG soit effectif dans tous les départements de France, car 18 % des femmes qui avortent le font hors de leur département.
Je voterai ce texte, car l'IVG est un droit fondamental pour les femmes. Nul ne peut dire s'il est menacé en France ou non. Nous devons voter ce texte pour toutes les femmes qui espèrent, et parce que la voix de la France est attendue, écoutée et respectée dans le monde. Nous devons le voter pour toutes les femmes qui n'ont pas accès à l'avortement et aussi celles de Pologne, de Hongrie ou de Slovaquie.
Inscrire ce droit dans la Constitution aujourd'hui, c'est le garantir demain ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC, SER, du RDSE, du RDPI et du GEST, ainsi que sur quelques travées des groupes CRCE-K et Les Républicains)
M. Stéphane Ravier . - (Marques de réprobation à gauche) En votant ce texte, vous ouvrez la voie à des avortements jusqu'au terme de la grossesse ou pour des motifs eugénistes. Vous ouvrez la voie à des poursuites contre ceux qui voudraient s'y opposer.
Tous ces risques en cascade, alors qu'aucun parti ne remet en cause l'IVG, suffisent pour voter contre !
Réfléchissons plutôt à une grande politique familiale française incitative par un meilleur accueil de la vie. Je n'agis pas par calcul électoral, mais par sincérité. (Marques d'ironie à gauche)
Chers collègues de droite, j'en appelle à votre courage. Soyez des parlementaires libres ! (Vives protestations à droite)
Quant à moi, je ne fais que me ranger à l'avis de Mme Nicole Belloubet qui, en 2017, affirmait qu'il était inutile d'inscrire un droit à l'avortement dans la Constitution, de même que François Bayrou et la présidente de l'Assemblée nationale.
Monsieur Dupond-Moretti, je me range aussi à votre avis : vous affirmiez que cela conduirait à consacrer un accès sans condition à l'avortement, bien au-delà de la limite en vigueur.
Constant dans mes convictions, je voterai contre l'inscription du droit à l'IVG dans la Constitution !
Mme Agnès Canayer . - Nous voilà au terme de longs débats riches, nourris, respectueux des opinions de chacun.
Le groupe Les Républicains souhaitait, à travers les amendements déposés par la commission des lois et par MM. Retailleau, Bas et Milon, veiller à une rédaction la plus intelligible et la plus claire possible. Le terme « garantie » ne doit pas déposséder le Parlement au profit du juge.
La constitutionnalisation du droit à l'IVG ne facilitera pas son accès ni ne résoudra le problème du manque de moyens.
Les membres du groupe Les Républicains voteront chacun selon leur intime conviction. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Mme Laurence Rossignol . - Sans surprise, le groupe SER votera ce projet de loi. Le Sénat s'apprête à émettre un beau vote.
Plusieurs de nos collègues ont changé d'avis. Contrairement à notre collègue zemmouriste, je ne renvoie personne à ses déclarations d'hier et je me réjouis quand nous avançons.
Le compromis que nous votons est dans l'esprit de la loi Veil : la rédaction qui va être adoptée n'est pas la nôtre, comme le texte de la loi Veil n'était pas celui que la gauche souhaitait. Nous sommes fiers d'avoir fait des compromis. Je suis heureuse que beaucoup de collègues aient fait ce chemin et remercie leurs femmes, leurs filles... (Rires) Grâce à elles, le Sénat accompagne l'évolution de la société. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)
Mme Cécile Cukierman . - Nous voterons ce texte, convaincus qu'il s'agit d'une avancée pour les femmes de France, mais plus largement d'un appel pour que tous les pays inscrivent dans leur constitution la liberté des femmes à disposer de leur corps.
Mais ce n'est pas une liberté pour les femmes seulement. Ce n'est pas le combat des femmes contre celui des hommes, mais le combat d'une société qui fait sien le principe fondamental suivant : nous disposons de notre avenir et de la capacité à donner la vie, mais cette dernière ne doit pas être imposée.
À chaque projet de loi de financement de la sécurité sociale, nous plaiderons pour rendre le droit à l'IVG effectif partout sur le territoire, hexagonal ou ultramarin, rural ou urbain. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K et SER)
Mme Mélanie Vogel . - Nous nous apprêtons à franchir un pas immense pour la protection des droits et des libertés fondamentales, en énonçant solennellement qu'il n'est pas de société libre, démocratique et égalitaire sans protection du droit des femmes à disposer de leur vie. Nous le devons à toutes les femmes et à tous les parlementaires qui se sont battus pour ce droit, mais aussi et surtout à la mobilisation massive de toutes les féministes et associations féministes de France, de vos femmes, de vos filles et de vos nièces (marques d'ironie à droite), de toutes les femmes qui nous regardent. C'est pour elles, grâce à elles, que nous allons voter aujourd'hui. Je les remercie. C'est pour vous que nous votons ! (Applaudissements sur les travées du GEST, ainsi que sur quelques travées du groupe SER)
Mme Marie Mercier . - Je suis une femme libre et je suis un médecin libre.
Ce soir n'est pas une fin, mais un début. Nous allons modifier la Constitution, mais pour quoi faire demain ? Accompagner les femmes, les aimer jusqu'au bout, en votant les crédits nécessaires pour qu'elles assument cet acte et poursuivent leur vie. C'est demain que tout commence. (Applaudissements sur plusieurs travées)
L'article unique est mis aux voix par scrutin public ordinaire de droit.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°136 :
Nombre de votants | 339 |
Nombre de suffrages exprimés | 317 |
Pour l'adoption | 267 |
Contre | 50 |
L'article unique constituant l'ensemble du projet de loi constitutionnelle est adopté.
(Applaudissements debout à gauche, puis sur de nombreuses travées au centre et à droite ; M. Stéphane Ravier applaudit la droite ironiquement.)
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. - Ce soir, le Sénat a écrit une nouvelle page de l'histoire du droit des femmes. Ce vote est historique : la France va être le premier pays au monde à inscrire dans sa constitution la liberté des femmes à disposer de leur corps.
Ce vote redit que les femmes de notre pays sont libres et réaffirme notre attachement à cette liberté.
Je remercie toutes celles et tous ceux qui ont oeuvré pour que ce texte aboutisse. Rendez-vous au Congrès ! (Applaudissements sur plusieurs travées)
La séance est suspendue à 20 h 05.
Présidence de Mme Sylvie Robert, vice-présidente
La séance reprend à 21 h 35.