Disponible au format PDF Acrobat
Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.
Table des matières
Modification à l'ordre du jour
Mme Nicole Bonnefoy, auteure de la proposition de loi
M. Hervé Berville, secrétaire d'État chargé de la mer et de la biodiversité
Mise au point au sujet d'un vote
Santé et bien-être des femmes au travail
Mme Hélène Conway-Mouret, auteure de la proposition de loi
Mme Laurence Rossignol, rapporteure de la commission des affaires sociales
M. Frédéric Valletoux, ministre délégué chargé de la santé et de la prévention
Mission d'information (Nominations)
Ordre du jour du mardi 27 février 2024
SÉANCE
du jeudi 15 février 2024
64e séance de la session ordinaire 2023-2024
Présidence de Mme Sophie Primas, vice-présidente
Secrétaires : M. François Bonhomme, Mme Alexandra Borchio Fontimp.
La séance est ouverte à 10 h 30.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.
Modification à l'ordre du jour
Mme la présidente. - Par lettre en date de ce jour, le Gouvernement demande que l'examen, initialement prévu le mercredi 13 mars après-midi, des conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi renforçant la sécurité des élus locaux et la protection des maires et du projet de loi ratifiant l'ordonnance modifiant les dispositions du code général de la propriété des personnes publiques relatives à la Polynésie française soit reporté au jeudi 14 mars matin. Les textes initialement inscrits à l'ordre du jour du matin du jeudi 14 mars seraient examinés l'après-midi du même jour.
Cette modification vise à nous permettre d'inscrire, en accord avec le Gouvernement, le débat à la suite du dépôt du rapport annuel de la Cour des comptes le mercredi 13 mars après-midi, à 16 h 45.
Nous fixerions la reprise de la séance du jeudi 14 mars après-midi à 14 heures.
Il en est ainsi décidé.
Préserver des sols vivants
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi visant à préserver des sols vivants, présentée par Mme Nicole Bonnefoy et plusieurs de ses collègues, à la demande du groupe SER.
Discussion générale
Mme Nicole Bonnefoy, auteure de la proposition de loi . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST) Pour faire face au dépérissement du vivant, j'ai l'honneur de vous présenter une proposition de loi créant un cadre national pour la protection et la résilience des sols. Je remercie le rapporteur, Michaël Weber, pour son travail.
La saine colère des agriculteurs a brouillé le message d'un texte pourtant bien accueilli. Cédant à la panique, le Gouvernement a capitulé, au mépris de la réalité écologique et économique - l'arrêt du plan Écophyto est un trophée dont pourra longtemps se targuer la FNSEA ! La fin des produits phyto représente pourtant un gain de 200 euros par hectare pour les agriculteurs.
Les sols sont, selon l'expression du professeur Marc-André Selosse, la condition du vivant et l'origine du monde. Cette proposition de loi n'alourdit pas les normes, ne stigmatise personne, mais fournit des outils pour leur gestion durable.
Le constat scientifique sur la qualité du sol est sans appel. Promouvoir la santé des sols, c'est préserver le rendement et tendre vers une agriculture intensive en écologie. Favorisons les passerelles entre science, agriculture et forêts, car la France a une expertise sans pareille.
Une directive européenne est en cours de préparation, nous objectera-t-on. Mais elle est à l'arrêt depuis 2005, et la commission agricole, ce mardi, a retiré la gestion durable des sols du projet de directive ! Il ne s'agit pas de surtransposer ou de pré-transposer, mais de sortir de l'expectative européenne et d'accompagner les artisans du sol.
Le système actuel conduit les agriculteurs et les écosystèmes dans le mur. Chaque année, nos sols perdent en moyenne 1,5 tonne de terre par hectare en raison du ruissellement des eaux et de l'érosion et 82 000 hectares de terres arables disparaissent - la surface de Paris !
Les sols préservent les nutriments, luttent contre l'érosion, abritent 60 % des espèces vivantes et séquestrent le carbone. Notre souveraineté alimentaire est menacée : il faut sortir de ce cercle vicieux.
Ce ne serait pas le moment, alors que les aléas climatiques coûtent un pognon de dingue aux collectivités territoriales et que ceux qui franchissent le pas de l'agroécologie retrouvent le sens de leur métier ? La position de la majorité sénatoriale est dogmatique. Je me souviens avec émotion des carottages de notre commission dans le jardin du Luxembourg, en septembre dernier. Depuis, la FNSEA a donné pour consigne d'entraver l'adoption du texte. J'espère que l'intérêt général primera sur la docilité.
Ce texte vise à structurer une politique publique qui, pour le moment, n'existe pas. Trop longtemps délaissés, les sols vivants doivent être le socle de notre adaptation au changement climatique. À l'article 1er, nous leur reconnaissons la qualité de patrimoine commun de la nation, pierre angulaire du régime juridique de leur protection. L'article 2 crée une stratégie nationale qui met en cohérence l'action des structures impliquées, dont le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) et l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Inrae).
Le diagnostic des sols que nous proposons semble faire consensus - je renvoie à l'avant-projet de loi agricole et à la proposition de loi Duplomb. Pourquoi cette opposition, donc ? D'autant que le secteur privé s'empare du sujet dans le cadre de la responsabilité sociale et environnementale : si nous n'agissons pas, nous allons au-devant d'un chaos d'indicateurs.
Enfin, l'article 3 crée une autorité administrative responsable de cette politique publique - notre proposition de confier ce rôle aux agences de l'eau ayant été déclaré irrecevable. Cette autorité pourra cependant travailler avec elles.
La proposition de loi n'oppose pas les agricultures, mais offre des outils de pilotage d'une ressource oubliée de notre droit de l'environnement. Si le Gouvernement n'est pas au rendez-vous, le Sénat doit prendre le relais, et, selon la parole forte du regretté Robert Badinter : « être le phare qui éclaire les voies de l'avenir et non le miroir qui reflète les passions de l'opinion publique. » (Nombreuses marques d'assentiment à gauche)
M. Patrick Kanner. - Très bien !
Mme Nicole Bonnefoy. - Promouvoir le développement durable, n'est-ce pas l'ADN de notre commission ? Ne laissons pas filer l'occasion pour notre pays de prendre un leadership écologique. Mes chers collègues, dépassez les mots d'ordre, votez pour le vivant ! (Vifs applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et du GEST ; M. Henri Cabanel applaudit également.)
M. Michaël Weber, rapporteur de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Mon propos sera terre à terre, car il faut en finir avec une politique hors sol...
Chaque fraction de sol abrite des millions de bactéries, vers de terre, nématodes. On a connu des causes plus séduisantes, et pourtant ! Pour être invisible, cette vie n'en est pas moins essentielle.
Le premier service des sols est indépassable : nous nourrir. Je salue, comme vous tous, le travail de nos agriculteurs. Des sols vivants sont gage de fertilité. Y veiller garantit la pérennité de notre agriculture et de notre souveraineté alimentaire. Des sols en bonne santé assurent aussi le grand cycle de l'eau, plus que jamais nécessaire alors qu'inondations et sécheresses vont s'intensifiant. Ils captent en outre le carbone, ce qui est essentiel pour respecter nos engagements à l'horizon 2050.
Notre dépendance à cette fine couche est donc absolue. Or les sols se dégradent ; érosion, tassement, diminution de la biodiversité. Les scientifiques sont unanimes : il faut agir vite ! Le sol se régénère à l'échelle d'une vie humaine : il est donc une ressource non renouvelable. Sa gestion non durable revient à scier, inconsciemment mais irrémédiablement, la branche sur laquelle nous sommes assis.
La protection des sols a des fondements juridiques fragiles : le droit les aborde de haut, comme support du bâti ou du droit de la propriété, et non comme un milieu systémique. Alors que le code de l'environnement comprend des objectifs ambitieux pour l'air et l'eau, le sol demeure un impensé.
Ce texte consacre donc la qualité patrimoniale des sols et crée un chapitre consacré à la santé des sols dans le code de l'environnement. C'est essentiel, non pas idéologie ou idéalisme, mais par pragmatisme et même bon sens paysan.
L'examen en commission a suscité de riches échanges sur le diagnostic de performance des sols. Il orienterait nos stratégies nationales des sols, confiées à un haut-commissaire.
Mieux protéger les sols est une nécessité, nous en sommes tous convenus. Mais la commission a considéré que le calendrier posait des difficultés, alors que la Commission européenne a proposé un projet de directive en janvier 2023 : il y aurait ainsi un risque d'incohérence avec cette proposition de loi.
En outre, l'échelle européenne lui apparaît la plus adaptée. Enfin, ce texte est apparu comme une contrainte juridique supplémentaire, en décalage avec la demande sociétale de simplification des normes.
Si je comprends la prudence chère à notre Haute Assemblée - une norme doit être proportionnée -, permettez-moi de présenter quelques considérations personnelles.
Au cours de nos 22 auditions, l'enthousiasme de Nicole Bonnefoy m'a contaminé. (Murmures approbateurs sur les travées du groupe SER) Nous avons une fenêtre d'opportunité pour protéger les sols, ce que la Commission européenne a compris. Mais ne lui abandonnons pas ce sujet primordial. Les gestionnaires forestiers plantent pour leurs petits-enfants : légiférons dans le même esprit, dans la lignée du message de Robert Badinter. (Marques d'assentiment à gauche)
Ce texte est imparfait, mais il sera amendé à l'aune des auditions.
La reconnaissance des services écosystémiques rendus par les sols est une base législative efficace pour le paiement des services environnementaux, comme le fait par exemple le parc naturel régional des caps et marais d'Opale, qui m'est cher.
La mauvaise qualité des sols entraîne inondations, coulées de boue, sécheresses et altère l'absorption du carbone. Or, sans puits de carbone, il faudrait cesser toute émission de gaz à effet de serre. Sans traiter le problème à la racine, il faudra agir dans l'urgence, pour un coût faramineux.
Ayons à l'esprit ce que disait le président américain Roosevelt après le Dust Bowl : une nation qui détruit ses sols se détruit elle-même. Il n'est pas trop tard pour agir. Je suis persuadé que chacun partage cet objectif et ce devoir. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et du GEST ; M. Henri Cabanel applaudit également.)
M. Hervé Berville, secrétaire d'État chargé de la mer et de la biodiversité . - Je salue à mon tour l'enthousiasme de Nicole Bonnefoy, qui a à coeur de mettre ce sujet fondamental au centre du débat.
De la Moselle aux Yvelines, madame la présidente, jusqu'à la Bretagne, le sol est un maillon indispensable à tous les écosystèmes, fournissant un ensemble de services écosystémiques directs et indirects, du cycle de l'eau à la captation du carbone. Ceux-ci assurent l'habitabilité de notre territoire. Le sol est le principal support des activités humaines, particulièrement agricoles.
Le sol est une ressource non renouvelable, rare à l'échelle planétaire. Or les pressions sont multiples : tassement, salinisation, artificialisation... Leur dégradation entraîne des mouvements de terrain et la perte de carbone organique et de biodiversité.
L'artificialisation est l'une des principales causes de leur dégradation. Chaque année, 24 000 hectares sont consommés - ce qui représente un département tous les sept ans. Mais l'intensification de l'agriculture et l'industrie les fragilisent aussi. C'est donc une priorité d'intérêt général.
Depuis 2017, le Gouvernement a pris la mesure de la problématique des sols vivants et l'a inscrite dans la stratégie nationale biodiversité présentée l'année dernière par Élisabeth Borne, Christophe Béchu et Sarah El Haïry. Sa 26e mesure y est pleinement consacrée.
La loi Climat et résilience de 2021 comprend des mesures de protection des sols. Je rappelle aussi l'objectif du zéro artificialisation nette (ZAN) en 2050, pour lequel nous devons accompagner les territoires. La même loi renforce la protection des sols et des sous-sols, avec une politique nationale pour les sols pollués.
Nous avons travaillé avec le ministre de l'économie sur les friches et leur restauration. Votre Haute Assemblée a voté 2,5 milliards d'euros pour le fonds vert en 2024, comprenant un soutien à la renaturation. Les programmes Action coeur de ville et Petites Villes de demain sont une autre déclinaison de nos interventions.
La connaissance des sols a progressé, grâce au groupement d'intérêt scientifique (GIS) sur les sols, commun aux ministères de la transition écologique et de l'agriculture, et à plusieurs agences qui mènent des programmes essentiels, y compris sur les sols ultramarins.
Au-delà de ces dispositifs, vous proposez de reconnaître les sols comme patrimoine commun de la nation et d'instaurer une planification régionale. Nous partageons ces objectifs. Une directive sur la surveillance et la résilience des sols sains est à l'étude à Bruxelles. Les indicateurs de qualité des sols sont en cours de définition.
Le Gouvernement propose donc de différer l'adoption de la proposition de loi, dans l'attente de l'adoption de la directive. (Marques de désapprobation sur les travées du groupe SER)
Mme Audrey Linkenheld et M. Hervé Gillé. - Il est urgent d'attendre...
M. Olivier Jacquin. - Pourquoi procrastiner ?
M. Hervé Berville, secrétaire d'État. - Les discussions au niveau européen relèvent d'une bonne organisation de nos travaux.
D'abord, nous disposerons d'études d'impact correctement nourries, car nous devons étudier le coût des mesures envisagées.
Ensuite, il faut rassurer les élus ruraux : laissons à nos maires le temps de mettre en oeuvre le ZAN, qui a fait l'objet de nombreuses heures de discussions au Parlement. Vous avez pointé des difficultés : nous avons favorisé l'adoption d'une proposition de loi adaptant le ZAN.
Enfin, laissons nos territoires agir avant toute nouvelle modification législative et évitons de créer des réglementations fondées sur des systèmes différents.
Depuis 2017, nous avons adopté le ZAN. Il faut mettre en oeuvre cette belle politique publique, à travers le fonds vert.
Mme Audrey Linkenheld. - Vous mélangez tout !
M. Hervé Berville, secrétaire d'État. - Et il faut surtout porter le combat au niveau européen.
Le Gouvernement est favorable à l'objectif global, que nous mettons en oeuvre, mais défavorable à cette proposition de loi.
M. Patrick Kanner. - C'est bien dommage.
M. Henri Cabanel . - (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe SER) Les sols ne bénéficient de la même attention législative que l'eau et l'air. Mieux les préserver est une nécessité, car ils assurent le potentiel de nos exploitations agricoles. Un sol en bonne santé est source de productivité et de compétitivité de la ferme France.
Mais l'approche conjoncturelle me pose question : le mouvement de révolte actuel suppose une vision de long terme.
Nous ne devons pas accabler nos agriculteurs et forestiers de nouvelles normes : ne faisons pas de nouvelles sur-réglementations.
Cela dit, ne laissons pas passer cette occasion de faire du droit un terreau propice pour la protection des sols. L'Union européenne prépare dans le cadre du pacte vert une directive sur la préservation et la surveillance des sols, mais ne laissons pas Bruxelles décider seul. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST)
La mise en jachère est destinée à régénérer les sols. N'opposons pas productivité et agroécologie. Il faut donner le choix aux agriculteurs et non les faire subir. Incitons les agriculteurs via des paiements pour service environnementaux.
Aidons les agriculteurs à s'adapter à de nouvelles pratiques agroécologiques. Les écorégimes de la PAC sont un début, mais il faut aller plus loin. Un hectare de la Beauce ne doit pas être valorisé à la même échelle qu'une prairie des Hautes-Alpes.
L'objectif de cette proposition de loi est juste et nécessaire. Nous devons montrer la voie : le groupe RDSE, dans sa majorité, la votera.
M. Saïd Omar Oili. - Cette proposition de loi part d'un bon constat : le sol héberge 59 % de la biodiversité de notre planète. Pourtant, le sujet occupe une place trop réduite dans notre droit. C'est le seul milieu naturel à ne pas être protégé par une politique nationale.
Or la protection des sols est un enjeu majeur pour la protection de notre planète : les sols régulent le climat, filtrent l'eau et contribuent à la production agricole. Ils déterminent l'habitabilité de nombreuses espèces.
L'appauvrissement des sols a des conséquences sur la population. Mayotte, que je connais bien, vit une crise de l'eau depuis plusieurs mois : les conséquences sont nombreuses sur les sols et, in fine, les populations.
Le groupe RDPI accueille favorablement l'ensemble des mesures visant à créer une politique nationale en faveur de la protection des sols, notamment l'article 1er du texte, qui consacre la qualité des sols comme patrimoine commun de la nation, et son article 3, qui institue un haut-commissaire à la préservation des sols auprès du Premier ministre.
L'article 2, visant à inscrire les services écosystémiques des sols dans la loi, est aussi une bonne idée pour sensibiliser l'ensemble de la société. Le sol est perçu comme un espace d'aménagement sans prise en compte de sa richesse ou de sa capacité à séquestrer le carbone.
Toutefois, assurons-nous que ce texte ne crée pas de contraintes excessives pour nos agriculteurs et nos industries. Si la mise en place d'un diagnostic de performance écologique est intéressante, cela imposerait une nouvelle norme aux agriculteurs. Laissons-nous du temps avant d'adopter une telle mesure.
Par ailleurs, ce diagnostic ne prend pas en compte les spécificités des douze territoires ultramarins : à Mayotte, la biodiversité est unique et le territoire est vulnérable au changement climatique. Nous constatons aussi un manque de connaissances pour trouver des solutions adaptées. Prenons le temps de la concertation pour que les réalités des territoires soient bien prises en compte.
Méditons aussi les paroles de Clemenceau : quand on veut enterrer une décision, on crée une commission - ou un haut-commissariat...
Le groupe RDPI s'abstiendra sur cette proposition de loi.
M. Olivier Jacquin . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST) Je salue l'efficacité du rapporteur qui a mené 22 auditions et Nicole Bonnefoy pour la constance de ses travaux.
La promotion des sols vivants se rattache au principe One Health - une seule santé.
Je m'exprime en tant que sénateur, mais aussi en tant qu'agriculteur en grandes cultures, avec 39 moissons au compteur et converti au bio depuis sept ans. (M. Patrick Kanner apprécie.) Ce texte est très intéressant. Je dois beaucoup à l'enseignement agricole. Si la phytotechnie était au coeur de la formation, il n'y avait aucune approche pédologique : quasiment rien sur les microorganismes et la faune du sol. Aujourd'hui, la formation s'est adaptée.
Je m'occupe de la ferme familiale de 149 hectares depuis 1984, entre Nancy et Metz, sur le plateau de Haye. La terre argilo-calcaire est parfois peu productive, le rendement varie de un à quatre entre haut de côte et fond de vallon. Les paysans connaissent ces réalités qui déterminent le prix des terres agricoles, mais l'urbanisme moderne n'en tient pas compte. Nous devons défendre cet épiderme vivant.
Avant la Seconde Guerre mondiale, pas de produits chimiques, mais agronomie, rotation, travail du sol, charrue. Avec la mécanisation, il est plus facile de travailler en profondeur - ce qui a été néfaste pour les sols. D'où un mouvement inverse : l'agriculture de conservation tente de se rapprocher du fonctionnement naturel du sol, avec un moindre travail mécanique mais en utilisant des produits phytosanitaires très efficaces, comme le glyphosate, qui détériorent, eux, la faune ou le microbiote.
Devenu agriculteur bio, j'ai redécouvert l'agronomie, l'amour du métier et les expérimentations de conservation des sols. Il faut plus de régularité et donner des moyens à la recherche et aux agriculteurs pour verdir les pratiques. Sans dogmatisme, je soutiens toutes les agricultures, dès lors qu'elles sont écologiquement intensives. Nos propositions ne sont pas caricaturales mais empreintes de bon sens et de pragmatisme. Pour l'agronome de terrain que je suis, cette proposition de loi est une brique essentielle.
Je compte sur votre clairvoyance pour séparer le bon grain de l'ivraie. En pleine crise agricole, certaines propositions antiécologiques et démagogiques montrent que nous marchons sur la tête.
Comme le disait Robert Badinter, « le Sénat doit être le phare qui éclaire les voies de l'avenir, et non le miroir qui reflète les passions de l'opinion publique. » Nous pouvons être précurseurs : un tiens vaut mieux que deux tu l'auras ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER, du GEST et du RDSE)
Mme Marta de Cidrac . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Je salue l'auteure de la proposition de loi et le rapporteur pour la qualité de leurs travaux. Ce texte ouvre la voie à des politiques structurelles de protection des sols. Malgré ce grand objectif, nous sommes opposés aux principales mesures qui rajoutent contraintes et complexité.
La France dispose déjà d'un cadre juridique pour la protection des sols, notamment l'article L. 110-1 du code de l'environnement. Notre pays souffre d'une inflation normative et organisationnelle : cette proposition de loi y contribue, avec un énième plan quinquennal, une énième stratégie, un énième haut-commissariat... Oui à la protection et à la résilience des sols, mais de manière responsable et efficace. N'ajoutons pas encore de la complexité aux 3 420 pages du code de l'environnement. Depuis 2002, il a enflé de 653 % !
Alors que les agriculteurs manifestent contre l'excès de normes, cette proposition de loi leur imposera, ainsi qu'aux forestiers, un diagnostic de performance écologique dont le coût n'a pas été estimé. Le sol est l'outil de travail de nos agriculteurs : comment les suspecter de vouloir l'abîmer ? Nombre d'entre eux sont déjà soumis à des diagnostics.
Nous défendons tous nos agriculteurs. Nous ne pouvons pas les assurer de notre soutien le lundi et voter, le jeudi, de nouvelles contraintes ! Monsieur le ministre, je vous rappelle aux promesses du Gouvernement : nous sommes vigilants.
À l'heure où nous parlons de dé-surtransposition, ce texte serait une pré-transposition, puisqu'une directive est en cours d'examen. Lors de sa transposition en droit interne, nous pourrons nous appuyer sur nos débats. Il conviendra d'utiliser les bons outils, avec pragmatisme, sans multiplier les normes contraignantes et complexes.
Cela passera par le soutien de tous les acteurs, or ces conditions ne sont pas réunies aujourd'hui. Le groupe Les Républicains votera contre cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Jean-François Longeot applaudit également.)
M. Vincent Louault . - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur plusieurs travées du groupe UC) La préservation des sols est vitale. Ils rendent des services importants en contribuant à stocker le carbone et en filtrant les sols. Ils nous nourrissent, et nous les empruntons à nos enfants.
Cependant, le moment est-il opportun ? Depuis plusieurs semaines, les agriculteurs expriment leurs difficultés. Faut-il encore légiférer, pré-transposer, alors qu'une directive est en cours d'examen au sein de la commission environnement du Parlement européen ?
Stratégie nationale, diagnostic obligatoire ou haut-commissariat ne me semble pas constituer des mesures efficaces.
Confier aux agences de l'eau la préservation des sols est une mauvaise idée, alors que leur fonctionnement sur le terrain est très décrié. Réformons ces agences qui sont parfois devenues de vraies principautés.
Avant de me faire accuser d'être vendu aux lobbies, je rappelle que j'ai installé Xavier Mathias sur mon exploitation, que j'ai travaillé avec Maxime de Rostolan sur Fermes d'avenir. Je suis le méchant agriculteur du film On a 20 ans pour changer le monde.
Les seuls sols morts que je connaisse sont sous le bitume des villes, sous le plastique de certaines exploitations ou passés à la vapeur de certaines machines pour produire de prétendus produits biologiques. Le groupe INDEP votera contre ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Olivier Jacquin. - On avait compris !
Mme Jocelyne Antoine . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Je salue le travail du rapporteur et de la commission. Qui pourrait s'opposer à la préservation des sols vivants ? Le texte poursuit un objectif louable : protéger un milieu fragile et propice à la vie. Mais les conditions pour son adoption sont loin d'être réunies.
Alors qu'une directive se profile, n'anticipons pas. Nous serions contraints de revenir sur certaines mesures au moment de la transposition. Créer de nouvelles obligations nationales risque d'engendrer des distorsions de concurrence que seul le droit européen peut éviter.
La création d'un diagnostic de performance est aussi en décalage avec la forte demande sociale d'allégement des normes. Nous ne pouvons légiférer en fonction de seules approches conjoncturelles.
Les sols sont l'outil de travail des agriculteurs : qui saborderait son propre outil de travail ? Protégeons-le sans accabler les acteurs.
Enfin, le texte créé un haut-commissariat à la protection des sols. Les nouvelles autorités sont le pendant de l'inflation législative ! Le groupe UC ne votera pas ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP ; M. Louis-Jean de Nicolaÿ applaudit également.)
M. Jacques Fernique . - (Applaudissements sur les travées du GEST ; Mme Nicole Bonnefoy et M. Adel Ziane applaudissent également.) Si nos agriculteurs sont en difficulté, si la souveraineté alimentaire est compromise, les sols y sont pour beaucoup. La perte annuelle de productivité agricole liée la dégradation des sols atteint 1,25 milliard d'euros, et 60 à 70 % des sols européens ne sont pas en bon état. Il est de notre responsabilité d'enrayer cette dégradation. Les sols ne se reconstituent pas à l'échelle d'une vie humaine.
Autant l'air et l'eau, fluides, sont perçus comme des biens communs, autant le sol est vu comme un bien statique, privé. Il faut dépasser cette courte vue.
C'est dire l'utilité de la proposition de loi de Nicole Bonnefoy et du groupe SER, qui est à la hauteur de son deuxième adjectif. Mais notre commission du développement durable ne veut pas légiférer au motif que l'opinion publique serait contre et que l'alinéa 2 de l'article L. 110-1 du code de l'environnement serait suffisamment solide. (M. Hervé Gillé renchérit.) À l'époque, le Sénat s'était pourtant opposé à la mention des sols dans cet alinéa, en invoquant la restriction du droit de propriété...
Procrastiner n'apportera rien de bon. La dégradation des sols engendre des inondations et dégrade la qualité de l'eau. (On acquiesce à gauche.) Nous abdiquerions notre rôle de chambre des territoires en renonçant de légiférer aujourd'hui.
M. Michaël Weber. - Très bien !
M. Jacques Fernique. - Différer serait se dérober.
Il faut modifier le code de l'environnement : le sol n'est pas qu'un adjuvant. La force de cette proposition de loi est de considérer le sol comme un milieu de naturalité.
Il faut des diagnostics pour dresser un état des lieux et éviter d'artificialiser les sols les plus favorables au vivant. Ce n'est pas d'abord la mise en oeuvre du ZAN puis ensuite la protection, monsieur le ministre, mais les deux, ensemble ! (On renchérit sur les travées du SER.) Si un diagnostic dévalorise votre terrain, vous ne serez pas encouragé à le réaliser... Engageons-nous dans cette direction sans perdre de temps ! (« Bravo ! » et applaudissements sur les travées du GEST et du groupe SER ; Mme Marie-Claude Varaillas applaudit également.)
Mme Marie-Claude Varaillas . - « La Terre n'a pas besoin de nous, nous avons besoin de la Terre », nous rappelait l'astronaute Mae Jemison à la COP24. Or le réchauffement a atteint 1,5 degré en 2023. Le dérèglement climatique a des effets dévastateurs. Avec 1 500 milliards de tonnes de carbone stocké, les sols en sont de puissants régulateurs, derrière les océans et les mers.
L'urbanisation a renforcé le risque d'inondations, comme dans le Pas-de-Calais. Érosion, glissements de terrain rappellent l'importance des sols dans les politiques d'aménagement - mon département de la Dordogne est ainsi très touché par le retrait-gonflement d'argiles.
Les objectifs du ZAN doivent être travaillés avec les élus locaux et les aménageurs pour aller vers la renaturation. Agir sur le recensement et la reconversion des friches est une priorité. Alors que les sols agricoles représentent 7 % de la surface de la terre, il faut les protéger.
Les agriculteurs sont les garants de la qualité des sols et des sous-sols : soutenons-les, comme nous avions protégé les ouvriers du plomb et de l'amiante. Il y va de la santé de l'environnement, et des agriculteurs eux-mêmes. Il est du devoir de l'État d'être à leurs côtés, y compris financièrement. Plutôt que de mettre le plan Écophyto en pause, il faut le financer en taxant les pollueurs - producteurs de produits phytosanitaires ou chercheurs d'or noir aux profits records.
Cette proposition de loi ouvre des perspectives pour protéger les sols au même titre que l'eau et l'air. Les sols vivants sont poreux et sont la garantie de l'infiltration et du stockage de l'eau. Il faut les reconnaître comme un patrimoine commun. La création d'un haut-commissaire place le curseur au bon niveau.
Mon groupe votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K, du GEST et sur quelques travées du groupe SER)
M. Hervé Gillé. - Bravo !
M. Jean-Baptiste Blanc . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Comment concilier la protection des sols vivants avec le fait de nourrir le pays ? Cette proposition de loi est louable, mais plusieurs points méritent notre attention.
Nos agriculteurs subissent des pressions climatiques et normatives croissantes. Il faut les accompagner vers des pratiques plus durables et se garder des pré-surtranspositions. Il faut une approche incitative plutôt que punitive pour soutenir l'innovation.
Évitons de rendre les pratiques traditionnelles agricoles synonymes de dégradation des sols. Faut-il créer un chapitre du code de l'environnement ? Le ZAN est en cours, la mission de suivi intégrera l'objectif de préservation des sols vivants. J'invite donc Nicole Bonnefoy et Michaël Weber à y présenter leurs travaux. Nous avancerons, j'en suis persuadé. Face à une approche surfacique, évitons d'entraver notre capacité à cultiver de manière durable.
Je suis moi aussi lecteur de Marc André Sellos et vous recommande Humus, de Gaspard Koenig : à la fin, des ONG envahissent un Sénat inactif...
Soyons plus mesurés et constructifs et réglons d'abord la question de la mise en oeuvre du ZAN. Ensuite, collectivement, nous nous attaquerons à la préservation des sols. L'acceptabilité est au centre de tout. Je vous invite à méditer ces questions pour une politique au service de nos territoires. (Applaudissements sur plusieurs travées des groupes Les Républicains et UC ; M. Vincent Louault applaudit également.)
M. Bernard Pillefer . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Alors que 95 % de nos aliments en proviennent, les sols, impensé du droit, ont été réduits à leur potentiel agronomique et nutritif. Les mots de Gaspard Koenig sonnent juste : « l'humanité a longtemps regardé le ciel. » En revanche, « nous ignorons tout ou presque du fourmillement vivant sous nos pieds, de cet autre infini que nous ne regardons pas alors même que nous en dépendons. »
M. Vincent Louault. - Excellent !
M. Bernard Pillefer. - La bonne gestion des sols est essentielle pour faire face à la kyrielle de problématiques actuelles. Mais ne confondons pas vitesse et précipitation, n'empilons pas les normes, alors qu'on nous réclame plus de simplification administrative. Attendons la transposition de la directive européenne à venir.
Le diagnostic instauré par ce texte à compter de 2028 a un coût qui n'est pas évalué : ne votons pas à l'aveugle ! Sur les sols forestiers, cela reviendrait à établir un plan de gestion qui existe déjà. Les autres dispositifs ne sont pas adaptés à la particularité de ces sols.
La préservation des sols est source de préoccupation, n'accablons pas ceux qui en vivent ! Sortons de l'interdit, soyons force de proposition ! Aidons-les à mettre en place des techniques de régénération des sols et de nouveaux moyens culturaux.
Le groupe UC votera contre ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP)
Discussion des articles
Article 1er
M. Pierre Cuypers . - Nous disposons d'un cadre juridique pour la protection des sols dans le code de l'environnement. Les sols fournissent des systèmes écosystémiques et valeurs d'usage.
Notre pays souffre d'une inflation normative et organisationnelle que cette proposition de loi augmente encore en créant une énième autorité.
M. Patrick Kanner. - Ça, c'est la FNSEA !
M. Pierre Cuypers. - Les agriculteurs qui manifestent partout en France travaillent le vivant, chouchoutent ce patrimoine et veillent à son bon équilibre.
Cette proposition de loi revient à pré-transposer une directive en cours d'élaboration : une fois de plus, la France serait en avance par rapport à l'Union européenne.
Il faut arrêter l'acharnement contre l'agriculture, préserver la liberté d'entreprendre et de travailler. Nous nous opposerons à faire entrer les sols dans le patrimoine commun de la nation, car nous tenons aussi au droit de propriété et à la liberté d'entreprendre. (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains ; M. Vincent Louault applaudit également.)
À la demande du groupe Les Républicains, l'article 1er est mis aux voix par scrutin public.
M. Hervé Gillé. - Quelle faiblesse...
Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°124 :
Nombre de votants | 318 |
Nombre de suffrages exprimés | 313 |
Pour l'adoption | 110 |
Contre | 203 |
L'article 1er n'est pas adopté.
Article 2
M. Jean-Claude Tissot . - Il faut un tournant dans la gestion des sols. Selon la stratégie européenne des sols, 60 à 70 % des sols de l'Union européenne sont en mauvaise santé, alors que notre alimentation provient à 95 % des sols.
Mieux gérer les sols fatigués est une priorité. J'invite la majorité du Sénat à se saisir de ce texte et à en comprendre le sens.
J'ai été agriculteur pendant vingt ans, aucun de mes collègues ne me parle de l'excès des normes environnementales - ils veulent juste vivre de leur production. Cet article 2 ne comporte aucune mesure contraignante et prévoit un accompagnement financier pour les diagnostics. La proposition de loi de Daniel Salmon pour reconquérir les haies va dans le même sens. Le spécialiste des microbiotes des sols Claude Bourguignon demande à remettre de la science dans les sols : c'est l'objet de cet article.
Mme la présidente. - Amendement n°1 rectifié, présenté par Mme Bonnefoy et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
I. - Alinéa 7, deuxième phrase
Après la première occurrence du mot :
Leur
insérer les mots :
connaissance, leur
II. - Alinéa 8
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Les dispositions du présent chapitre ont pour objet de promouvoir la capacité des sols à constituer des réservoirs de biodiversité, à assurer leurs fonctions écologiques et à fournir les services écosystémiques suivants :
III. - Alinéa 9
Remplacer les mots :
Production de
par les mots :
Approvisionnement en
IV. - Alinéa 10
Rédiger ainsi cet alinéa :
« 2° Support des infrastructures et du bâti ;
V. - Alinéa 11
Supprimer cet alinéa.
VI. - Alinéa 12
Remplacer le mot :
Préservation
par le mot :
Régulation
VII. - Alinéa 13
Rédiger ainsi cet alinéa :
« 5° Atténuation du changement climatique ;
VIII. - Alinéa 14
Remplacer le mot :
Contrôle
par le mot :
Prévention
IX. - Alinéa 15
Rédiger ainsi cet alinéa :
« 7° Dégradation des contaminants ;
X. - Alinéa 16
Supprimer cet alinéa.
Mme Nicole Bonnefoy. - Le ZAN a bon dos : c'est un outil de planification et d'urbanisme. Il ne s'oppose pas à ce texte, il en est complémentaire.
Cet amendement vise à affiner la liste des services écosystémiques rendus par les sols, compte tenu des auditions du rapporteur.
M. Michaël Weber, rapporteur. - La commission y est défavorable. À titre personnel, je considère que préciser la liste de ces services est très important. Le ZAN visait à préserver les sols non artificialisés.
M. Hervé Berville, secrétaire d'État. - Sagesse. (« Oh ! » sur plusieurs travées du groupe SER) Pour préserver, il faut connaître les sols. Nous pourrions aussi préciser que les sols fournissent des nutriments.
Mme Laurence Rossignol. - Vous pouvez sous-amender !
M. Hervé Berville, secrétaire d'État. - Il n'y a en effet pas d'opposition entre le ZAN et la préservation des sols : qualité et quantité. Or le ZAN comporte bien des éléments qualitatifs. Je renvoie à la mesure 26 de la stratégie nationale biodiversité.
L'amendement n°1 rectifié n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°2 rectifié, présenté par Mme Bonnefoy et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
I. - Alinéa 18
1° Remplacer le mot :
élaborée
par le mot :
définie
2° Après le mot :
éducation
supprimer la fin de cet alinéa.
II. - Alinéa 19
1° Première phrase
Supprimer les mots :
, à réduire les impacts négatifs des valeurs d'usage
2° Deuxième phrase
Rédiger ainsi cette phrase :
Un schéma national des données sur les sols est établi dans le cadre de cette stratégie pour contribuer à une meilleure connaissance des sols.
M. Hervé Gillé. - Cet amendement précise la future stratégie nationale. Il supprime l'objectif de réduction des impacts négatifs des valeurs d'usage pour mettre en avant la restauration des services écosystémiques des sols. Il confirme aussi l'établissement d'un schéma national des données.
Je regrette l'irrecevabilité d'un amendement complémentaire qui créait un haut-commissaire et confiait le suivi de la stratégie nationale aux agences de l'eau, comme celles-ci le demandent. En effet, elles interviennent déjà sur les sols, indissociables du grand cycle de l'eau.
M. Michaël Weber, rapporteur. - La commission a émis un avis défavorable, en cohérence avec sa volonté de ne pas prétransposer. Toutefois, à titre personnel, j'y suis favorable. L'intérêt des agences de l'eau a été bien perçu lors des auditions.
M. Hervé Berville, secrétaire d'État. - Avis défavorable. Je partage les objectifs de meilleure connaissance et de meilleure protection des sols, mais, comme disait ma grand-mère, « un tiens vaut mieux que deux tu l'auras ». Or nous avons déjà la stratégie nationale de biodiversité, qui est en cours de déploiement, et la stratégie climat, qui comprend une mesure sur la préservation des sols.
M. Pascal Savoldelli. - Bref, tout va bien ! La commission d'enquête sur la protection des sols était pourtant unanime, et nous avions voté une enveloppe de 50 millions d'euros pour l'indentification des sols et espaces pollués : à l'Assemblée nationale, votre majorité a voté contre...
La carte des sites pollués montre que cette pollution est liée au passif industriel. Des départements entiers ne peuvent plus ouvrir d'équipements publics ni aménager leur territoire ! Il faut une grande politique publique d'investigation pour identifier les sites touchés par les polluants infiltrants que sont l'amiante, le mercure et les hydrocarbures.
L'amendement n°2 rectifié n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°6, présenté par Mme Varaillas et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky.
Alinéa 19
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Elle comprend des mesures d'accompagnement des agriculteurs afin de faciliter sa mise en oeuvre.
Mme Marie-Claude Varaillas. - La qualité des sols est cruciale pour lutter contre le changement climatique et pour une alimentation saine. L'actualité récente a rappelé les difficultés des agriculteurs à changer de modèle. Ces derniers ne sont pas des adversaires, mais des acteurs clés de la transition écologique, dont il faut valoriser l'action. Cela passe par un revenu décent, des prix rémunérateurs, une concurrence équitable avec les productions étrangères moins encadrées. La stratégie nationale pour la protection et la résilience des sols devra intégrer des mesures d'accompagnement des agriculteurs.
M. Michaël Weber, rapporteur. - La commission a émis un avis défavorable. Toutefois, cet amendement soulève l'enjeu important de l'accompagnement de la transition agricole : je le soutiens à titre personnel.
M. Hervé Berville, secrétaire d'État. - Sagesse. Issu, comme beaucoup ici, d'un territoire agricole, je partage la nécessité d'accompagner nos agriculteurs.
Je ne dis pas que tout va bien, monsieur Savoldelli. C'est précisément parce qu'il est urgent d'agir qu'il faut utiliser ce qui existe déjà ! La stratégie nationale climat prend en compte la préservation des sols. La stratégie nationale biodiversité, que nous avons construite deux ans durant, est sortie en novembre 2023. La loi de finances pour 2024 consacre non pas 50 millions, mais 400 millions d'euros pour la renaturation. Soyons dans l'action, non dans la procrastination, avec une énième stratégie !
L'amendement n°6 n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°3 rectifié, présenté par Mme Bonnefoy et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
I. - Alinéa 21
Remplacer les mots :
performance écologique des sols
par les mots :
l'état des sols
II. - Alinéas 22 et 23
Remplacer ces alinéas par trois alinéas ainsi rédigés :
« Art. L. 240-3. - À compter du 1er janvier 2027, en cas de cession d'un immeuble non bâti, un diagnostic de l'état des sols, fourni par le vendeur ou le cessionnaire, est annexé à la promesse de vente ou, à défaut de promesse, à l'acte authentique de vente. En cas de vente publique, le diagnostic de l'état des sols est annexé au cahier des charges.
« Ce diagnostic détermine l'état physique, chimique et biologique du sol ainsi que sa capacité à générer les services écosystémiques mentionnés à l'article L. 240-1, en tenant compte des différents types de sols et des usages des terres.
« Un décret fixe le seuil de surface à partir duquel le diagnostic de l'état des sols est fourni, détermine le référentiel pédologique utilisé ainsi que l'échelle permettant d'évaluer les services écosystémiques mentionnés à l'article L. 240-1.
III. - Alinéa 24
1° Première phrase
Remplacer les mots :
propriétaire ou du mandataire
par les mots :
vendeur ou du cessionnaire
2° Deuxième phrase
Remplacer le mot :
ou
par le mot :
et
et remplacer les mots :
la performance écologique
par les mots :
les fonctions écologiques
IV. - Alinéa 25
Supprimer les mots :
pris sur le rapport des ministres chargés de l'environnement, de l'agriculture et de la forêt
V. - Alinéa 26
Remplacer les mots :
à un organisme public
par les mots :
à l'agence de l'eau dans le ressort de laquelle est situé l'immeuble,
VI. - Alinéa 27
Remplacer les mots :
Haut-commissaire à la résilience et à la protection des sols
par les mots :
Comité national de la biodiversité
Mme Nicole Bonnefoy. - Cet amendement renomme le diagnostic des sols en diagnostic de l'état des sols, et modifie sa fréquence : il serait réalisé lors de la vente ou de la cession d'immeubles non bâtis.
La proposition de loi de Laurent Duplomb prévoit la même chose, sous le nom de diagnostic de performance agronomique des sols et d'émissions de gaz à effet de serre. Bref, tout le monde est d'accord !
M. Michaël Weber, rapporteur. - La commission est défavorable. Cependant, la réalisation du diagnostic au moment de la cession est souhaitée par la plupart des organismes que nous avons auditionnés. C'est d'ailleurs déjà le cas lors d'une cession en vue de la construction. J'y suis favorable à titre personnel.
M. Hervé Berville, secrétaire d'État. - Nous avons besoin de données pour accélérer sur la préservation de la biodiversité et gagner la bataille contre le changement climatique. Sagesse.
Mais souvenons-nous du ZAN : ne sous-estimons pas la difficulté à mettre en place ce diagnostic de performance écologique des sols. Le consensus technique est loin d'être évident, tant au niveau français qu'européen. Le GIS Sol et l'Ademe en soulignent la complexité.
On l'a vu avec le diagnostic de performance énergétique sur les bâtiments : à vouloir aller plus vite que les autres, nous avons mis les acteurs en difficulté, faute de synchronisation avec le niveau européen.
M. Daniel Salmon. - Le documentaire Paysans du Ciel à la Terre montre l'érosion dramatique des sols dans le nord de la France. Les coulées de boue entraînent le limon vers la mer, asphyxiant les cours d'eau. Les modes d'agriculture irrespectueux des sols les fragilisent au point de les stériliser. Les agriculteurs de demain s'échineront à cultiver sur des cailloux, à force de béquilles chimiques et engrais vecteurs de gaz à effet de serre ! Pour sortir de l'impasse, il faut impérativement diagnostiquer l'état des sols, au moment de la cession.
L'amendement n°3 rectifié n'est pas adopté.
À la demande du groupe Les Républicains, l'article 2 est mis aux voix par scrutin public.
Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°125 :
Nombre de votants | 339 |
Nombre de suffrages exprimés | 310 |
Pour l'adoption | 105 |
Contre | 205 |
L'article 2 n'est pas adopté.
Article 3
Mme la présidente. - Je vais mettre aux voix l'article 3. S'il n'était pas adopté, je considérerais que le vote est le même pour l'article 4, qui est un article de gage et qui deviendrait sans objet. Par conséquent, l'amendement déposé sur cet article tomberait.
En outre, puisque tous les articles composant la proposition de loi auraient été successivement supprimés, l'amendement modifiant l'intitulé tomberait également. Il n'y aurait plus lieu de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi. C'est donc le moment d'expliquer votre vote.
M. Jacques Fernique . - Avant ce dernier vote, je veux saluer le remarquable investissement de Nicole Bonnefoy et de Michaël Weber. Cela a été inutile aujourd'hui - mais Cyrano nous dit que « c'est bien plus beau lorsque c'est inutile » ! (Sourires) Nul doute que ce riche rapport fera référence lorsque le législateur se décidera à reprendre du service pour stopper la dégradation des sols, qui font toute la différence entre la Terre, Mars et la Lune.
Comme l'écrit si bien Bruno Latour, nous avons « une minuscule zone entre l'atmosphère et les roches-mères, une pellicule, un vernis, une peau, quelques couches infiniment plissées. Tout ce qui nous concerne réside dans cette minuscule zone critique ». Nous n'aurions que quatre mois d'espérance de vie - de désespérance de vie - si le sol se dérobait. Aujourd'hui, hélas, c'est le Sénat qui se dérobe. (Applaudissements sur les travées du GEST et du groupe SER ; Mme Marie-Claude Varaillas applaudit également.)
Mme Nicole Bonnefoy . - Je regrette que le dogmatisme l'ait emporté sur le bon sens paysan. Petite-fille de paysans, je sais ce que représentent les sols. N'ayons pas peur d'être à l'avant-garde. La communauté scientifique, les experts, de nombreux agriculteurs soutiennent ce texte.
Nous aurons posé les bases d'une réflexion d'avenir sur la protection des sols et la nécessaire transition agroécologique. Il y a ceux qui marchent sur la tête et ceux qui ont les pieds sur terre - une terre que nous voulons fertile, vivante de sa biodiversité, nourricière, garante d'un juste revenu pour les agriculteurs et de la santé humaine et environnementale. (Applaudissements à gauche)
M. Pascal Savoldelli . - J'invite la majorité sénatoriale à aller au bout de l'examen du texte et à prendre ses responsabilités. D'abord, parce qu'il faut toujours encourager le débat politique. Certains parlent de liberté d'entreprendre, du droit de propriété, questions importantes. Mais se pose aussi celle du droit commun.
Ensuite, parce que cette proposition de loi crée, avec le haut-commissaire, une autorité pilote sur les risques sanitaires et écologiques. Il faut l'encourager, car il y va de l'action publique de l'État contre les polluants infiltrants. Nous avions voté cet outil à l'unanimité dans la commission d'enquête !
Ne pas voter jusqu'au bout, c'est se désengager de nos débats.
À la demande du groupe Les Républicains, l'article 3 est mis aux voix par scrutin public.
Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°126 :
Nombre de votants | 339 |
Nombre de suffrages exprimés | 302 |
Pour l'adoption | 98 |
Contre | 204 |
L'article 3 n'est pas adopté.
En conséquence, la proposition de loi n'est pas adoptée.
M. Jean-François Longeot, président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. - Je salue l'auteure de la proposition de loi et le travail du rapporteur. Démystifions le débat : je comprends la déception de Mme Bonnefoy, mais ce n'est pas parce que nous avons des différends que nous ne sommes pas également sensibles à l'avenir des sols.
Nous apprécions différemment les délais : un texte européen arrive prochainement. Gardons-nous des transpositions trop rapides, des surtranspositions qui nous sont souvent reprochées. Sur le ZAN, par exemple, nous avons constaté d'énormes difficultés sur le terrain. Idem pour les zones à faible émission (ZFE) : même les maires qui y sont favorables demandent du temps. Nous dénonçons tous des réglementations trop lourdes, trop contraignantes. Réfléchissons-y en amont ! Il y a dix ans, quand je suis arrivé au Sénat, j'avais la conviction que nous lèverions les problèmes administratifs, or on en ajoute.
Il n'y a pas les méchants et les gentils. François Mitterrand, pour qui je n'ai jamais voté, ...
Mme Laurence Rossignol. - C'est un tort !
M. Jean-François Longeot. - ... appelait à donner du temps au temps. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP)
M. Hervé Berville, secrétaire d'État. - Je remercie Mme Bonnefoy pour la qualité de son texte et salue le travail du rapporteur Weber. Merci à la présidente de séance et au président Longeot pour ce débat serein.
C'est l'honneur du Sénat de débattre d'un sujet aussi important. Le concept One Health est un enjeu majeur de nos politiques publiques : climat, biodiversité, océans, mers, sols, tout est lié. Le Sénat est à l'avant-garde des discussions au niveau européen.
Nous ne procrastinons pas. C'est parce qu'il est urgent d'agir qu'il faut s'appuyer sur la stratégie nationale Biodiversité, le fonds vert de 2,5 milliards d'euros et, surtout, la directive européenne, gage d'harmonisation. À créer une nouvelle machinerie administrative tous les trois ans, on ne fera que désespérer les agriculteurs.
Mme Nicole Bonnefoy. - La directive, ce sera dans dix ans !
M. Hervé Berville, secrétaire d'État. - Nous continuons à porter la question de la préservation des sols au niveau européen, dans la perspective de la directive. (Mme Nicole Bonnefoy proteste.) Lors de sa transposition, nous pourrons travailler ensemble, autour des trois défis majeurs que sont la souveraineté alimentaire, la préservation de la biodiversité et la lutte contre le dérèglement climatique.
Mise au point au sujet d'un vote
M. Saïd Omar Oili. - Le groupe RDPI souhaitait s'abstenir lors du scrutin public n°124 portant sur l'article 1er de la proposition de loi.
Acte en est donné.
CMP (Nominations)
Mme la présidente. - Des candidatures pour siéger au sein de la commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur la proposition de loi renforçant la sécurité et la protection des maires et des élus locaux ont été publiées. Elles seront ratifiées si la Présidence n'a pas reçu d'opposition dans le délai d'une heure prévu par notre Règlement.
Santé et bien-être des femmes au travail
Discussion générale
Mme Hélène Conway-Mouret, auteure de la proposition de loi . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Bienvenue au Sénat, monsieur le ministre.
Parlement et Gouvernement ont la responsabilité de répondre à la demande d'égalité des chances des femmes, notamment dans le milieu professionnel. Depuis toujours, les femmes doivent cacher leurs règles, souvent douloureuses et incapacitantes.
Ce texte apporte une réponse concrète, avec la création d'un arrêt menstruel, pour améliorer la santé et le bien-être au travail des femmes. Il s'inscrit dans la continuité de la loi du 7 juillet 2023, visant à favoriser l'accompagnement psychologique des couples confrontés à une interruption spontanée de grossesse.
En l'adoptant, le Sénat témoignera de son attention aux besoins de nos concitoyennes, mais aussi des collectivités et des entreprises, dont certaines ont déjà mis en place des dispositifs locaux : la commune de Saint-Ouen-sur-Seine, suivie par une trentaine d'autres villes, mais aussi le département de Seine-Saint-Denis et la région Nouvelle-Aquitaine. Je salue le maire de Saint-Ouen-sur-Seine et notre collègue Adel Ziane qui ont oeuvré pour ce dispositif prometteur.
Resterons-nous sourds aux demandes des communes et des départements ? Ne devons-nous pas être en phase avec les attentes de la société ? Des entreprises ont pris des initiatives similaires. Or il n'existe aucun cadre légal pour permettre aux femmes souffrant de dysménorrhées de s'arrêter sans perte de salaire.
À l'Assemblée nationale, différents groupes politiques ont préparé des textes. Allons-nous attendre de les recevoir ou sommes-nous prêts ?
Je salue la stratégie nationale de lutte contre l'endométriose, lancée en février 2022. Toutefois, l'endométriose, qui touche une femme sur dix, ne doit pas occulter les autres pathologies, regroupées sous le nom de dysménorrhées, et qui touchent une femme sur deux entre 15 et 49 ans, soit plus de sept millions de personnes.
Monsieur le ministre, êtres vous prêt à poursuivre l'action de l'ancienne Première ministre ?
Comme le déclarait le Président de la République, la dysménorrhée n'est pas un problème de femmes, mais de société. C'est pourquoi nous croyons à la portée transpartisane de cette proposition de loi et espérons que le Gouvernement la soutiendra.
Le 16 février 2023, l'Espagne créait un congé menstruel, une première en Europe, répondant à l'appel de millions de femmes et ouvrant la voie pour une communauté européenne sociale, solidaire, inclusive et résolument féministe.
Quel message voulons-nous adresser à nos concitoyennes ? J'espère que la France, qui sait se rassembler sous sa devise républicaine, honorera ses valeurs humanistes et progressistes.
Le texte ambitionne d'améliorer la santé des femmes. Certaines consulteront pour la première fois un médecin ou une sage-femme pour obtenir un arrêt mensuel valable un an. Aujourd'hui, les femmes souffrant de menstruations incapacitantes attendent sept ans pour obtenir un diagnostic. L'unique solution est d'obtenir un arrêt maladie, ce qui suppose de se rendre souvent chez le médecin et de subir à chaque fois le délai de carence, que nous proposons de supprimer.
Nous proposons aussi d'accompagner les femmes qui souffrent en adaptant leur poste de travail, ou avec un arrêt quand les douleurs sont trop sévères. Elles pourront ainsi planifier leur travail, en lien avec leurs employeurs. Toutes les entreprises concernées montrent que le dispositif ne pose pas de problème d'organisation majeur. Les jeunes générations attendent de leurs employeurs qu'ils évoluent. Les entreprises avec lesquelles nous avons échangé sont unanimes : l'arrêt menstruel améliore la productivité des salariées et renforce l'attractivité des entreprises, ce qui profitera à toute l'économie, à terme.
Certains collègues redoutent les abus. Pourtant, il n'y a rien à craindre : dans les entreprises sondées, seules 10 % des femmes ont sollicité un accompagnement. À Saint-Ouen, sur 212 femmes concernées par les dysménorrhées, 28 bénéficient d'un protocole spécifique, six d'un aménagement de leur poste de travail, six d'une réduction de leur temps de travail et seize d'un arrêt. Il faut faire confiance aux femmes !
D'aucuns évoquent une possible discrimination à l'embauche. Mais c'est déjà le cas avec le congé maternité et les contraintes liées à la ménopause ! Ce qui est stigmatisant, c'est d'être pénalisées pour ce que nous ne contrôlons pas et d'être suspectées de vouloir profiter d'un nouveau droit. Nous devons soutenir un mouvement enclenché avec courage par certains acteurs publics et privés et auquel 66 % des femmes sont favorables.
Levons les tabous, rendons audible la détresse des femmes, et intégrons les mieux dans le monde du travail.
« On ne naît pas femme, on le devient », écrivait l'auteure du Deuxième sexe : cette proposition de loi y contribue modestement. (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; Mmes Maryse Carrère et Annick Billon applaudissent également.)
Mme Laurence Rossignol, rapporteure de la commission des affaires sociales . - (« Bravo ! » et applaudissements sur les travées du groupe SER) Dix pour cent : c'est la perte de salaire mensuelle qu'entraîne le délai de carence pour une salariée. Alors n'ignorons pas le non-recours ni les répercussions préjudiciables sur la santé des femmes, sans parler des risques accrus d'accident du travail.
Face à ce constat, la proposition de loi vise à mieux prendre en compte la santé des femmes via un arrêt de travail pour règles douloureuses.
Le système d'assurance maladie ne répond pas à toutes les situations individuelles. En l'espèce, sachant que 15 % des femmes salariées souffrent de douleurs incapacitantes, le législateur doit agir.
La question a été abordée au Sénat, notamment au sein de sa délégation au droit des femmes, qui a travaillé sur la santé des femmes au travail - je salue son ancienne présidente. Mais aucun consensus n'a émergé. À l'Assemblée nationale, plusieurs propositions de loi ont été déposées. J'espère que le Gouvernement partage ces préoccupations légitimes, défendues de longue date par des associations féministes.
Six pays ont décidé d'agir, parmi lesquels le Japon, la Corée du Sud, Taïwan et l'Espagne.
J'éviterai de parler de congé menstruel : ce ne sont pas des vacances ! L'arrêt concernera les seules femmes souffrant de dysménorrhées incapacitantes, soit 16 % des femmes en âge de procréer. Les symptômes associés sont nombreux et violents : aucune femme ne souhaite avoir besoin de cet arrêt de travail.
L'idée progresse chez les employeurs, mais encore trop peu. Les collectivités ont joué un rôle précurseur, comme à Saint-Ouen-sur-Seine, à Bagnolet et dans les métropoles de Lyon et de Strasbourg. Mais l'absence de base légale les inquiète. Un collectif de maires nous a alertés à ce sujet.
On a beaucoup parlé de l'initiative de Carrefour, mais elle est limitée aux femmes ayant la qualité de travailleur handicapé. La coopérative La collective est pionnière.
Cette proposition de loi crée un nouveau régime d'arrêt maladie. L'article 1er prévoit que le médecin ou la sage-femme prescrit un arrêt de travail cadre, qui ouvre droit à deux jours d'arrêt de travail par mois à chaque fois que nécessaire. Cela allégera les démarches de l'assurée et libérera du temps médical. Certes, l'arrêt de travail s'écarte du droit commun, mais compte tenu de l'état de l'offre de soins et des spécificités des dysménorrhées, cela nous semble nécessaire.
L'article 2 supprime tout délai de carence, car la perte de 10 % du salaire qu'il entraîne a un effet dissuasif pour les femmes. Seules celles arrivées au bout du parcours du combattant - faire reconnaître l'endométriose en affection de longue durée (ALD) - sont dégagées de cette contrainte : elles ne sont que dix mille, sur deux millions. Cet arrêt de travail n'est pas un luxe et notre proposition n'a rien d'incongru : nous avons bien supprimé le délai de carence pour les femmes ayant subi une interruption de grossesse.
L'article 3 prévoit que l'arrêt de travail sera pris en charge à 100 % par la sécurité sociale : je vous proposerai sa suppression, car la suppression du délai de carence suffit.
L'article 4 renvoie la définition des modalités d'accès à ce nouveau droit à la négociation collective.
Cette proposition de loi est prometteuse et novatrice. J'espère que le débat sera fécond.
En commission, j'avais indiqué être prête à faire évoluer le texte via des amendements. Fidèle à cet esprit d'ouverture, je n'ai émis que trois avis défavorables sur les treize amendements en discussion.
Inscrire le principe d'un arrêt menstruel serait un grand progrès. Prends tes cachets et serre les dents : il faut renvoyer cette phrase à l'histoire.
Le sujet ne relève pas de la négociation collective, mais bien de la loi.
La proposition de loi n'a pas été adoptée en commission, mais je suis très optimiste grâce à notre volonté d'ouverture et aux amendements proposés : j'espère que le Sénat adoptera un texte ! (Applaudissements à gauche)
M. Frédéric Valletoux, ministre délégué chargé de la santé et de la prévention . - Ce sujet de société, longtemps invisibilisé, nous concerne tous. Les initiatives se multiplient dans les deux Chambres : en parler contribue à briser les tabous. J'en remercie Mme Conway-Mouret.
Les dysménorrhées touchent des millions de nos concitoyennes. Une femme sur dix souffre d'endométriose. Ces affections, longtemps méconnues, sont très douloureuses, voire invalidantes. Certaines formes d'endométriose débouchent parfois sur une ALD ou sur la reconnaissance du statut de travailleur handicapé. Le nombre de femmes reconnues en ALD 31 pour une endométriose a progressé de 43 % entre 2021 et 2022.
La question soulevée par cette proposition de loi est complexe et il n'y a pas de solution simple. L'accompagnement médical est prioritaire, mais l'arrêt de travail n'est pas la solution pour toutes.
D'autres pistes existent : le dialogue social, via des congés négociés, à l'image de Carrefour et de L'Oréal. (Mmes Colombe Brossel, Émilienne Poumirol et M. Patrick Kanner protestent.) La généralisation que vous proposez tournerait le dos au dialogue social. (Protestations renouvelées sur les travées du groupe SER) L'aménagement du poste de travail et le recours au télétravail sont aussi des pistes.
La création d'un congé spécifique pose des problèmes au regard de la confidentialité, à laquelle je suis très attachée. Les femmes ne souhaitent pas toujours faire connaître à leur employeur les raisons de l'absence. Certaines associations de patientes dénoncent un risque de discrimination à l'embauche. (Mmes Marie-Pierre de La Gontrie et Colombe Brossel le démentent.)
M. Hervé Gillé. - Il faut serrer les dents !
M. Frédéric Valletoux, ministre délégué. - Diffusons les droits actuels et favorisons les nouvelles pratiques. Ce n'est pas par cette proposition de loi que nous atteindrons l'objectif : le Gouvernement y sera défavorable.
Le travail à mener est plus complexe et doit être plus global. L'errance diagnostique pour l'endométriose est de sept ans. C'est inadmissible et nous devons agir ! (Mme Corinne Féret s'exclame.) Formation des professionnels, création de filières de prise en charge dans toutes les régions, recherche accélérée avec 30 millions d'euros supplémentaires : autant de leviers pour agir.
Les premières avancées sont là : l'endométriose est inscrite au deuxième cycle des études de médecine (Mme Émilienne Poumirol ironise) ; la Haute Autorité de santé (HAS) s'apprête à actualiser ses recommandations de bonnes pratiques ; l'assurance maladie a harmonisé l'évaluation des patientes dans les demandes d'ALD.
Mme Émilienne Poumirol. - Hors sujet ! Il ne s'agit pas du diagnostic de l'endométriose ! (On renchérit à gauche.)
M. Frédéric Valletoux, ministre délégué. - En 2024, cinq régions sont en stade avancé et dix régions en stage intermédiaire pour l'endométriose. Les travaux du comité de pilotage de la stratégie nationale de lutte contre l'endométriose vont se poursuivre.
Croyez en ma volonté pour avancer sur ce dossier. (Marques de désapprobation à gauche)
M. Patrick Kanner. - Pas très progressiste !
La séance est suspendue à 13 heures.
Présidence de M. Alain Marc, vice-président
La séance reprend à 14 h 30.
M. Saïd Omar Oili . - Depuis des années, il n'y a pas de sujet plus prégnant que celui de la place des femmes dans notre société, grâce à une libération de la parole qui a permis de rompre des tabous, comme celui des règles douloureuses.
Cette proposition de loi y remédie, en instaurant un arrêt maladie de deux jours par mois, sans carence. Je remercie l'auteure de mettre ainsi en lumière un sujet de société trop souvent invisibilisé, soit que les femmes choisissent de le taire, soit que la société ne leur laisse pas d'espace pour en parler.
C'est dans cet esprit constructif qu'Élisabeth Borne avait encouragé, en avril dernier, les employeurs à mieux prendre en charge cette problématique, notamment en cas d'endométriose. Certains l'ont déjà fait, comme le groupe Carrefour ou la commune de Saint-Ouen. À chaque fois, dialogue social et adaptation au contexte ont été indispensables. Il faut donc conserver cette méthode, en incitant à plus de flexibilité. Le Gouvernement a un rôle moteur à jouer : nul doute qu'il saura le faire.
Attention : à vouloir être mieux-disant, on risque d'être moins faisant. En effet, des associations féministes et des syndicats, dont la CGT et sa secrétaire générale Sophie Binet, mettent en garde contre des effets pervers d'une telle mesure sur l'employabilité des femmes. À l'inverse, une démarche coconstruite avec l'employeur est un argument d'attractivité.
En outre, les femmes devraient dans les faits donner la raison de leur absence, ce qui contrevient au secret médical.
Enfin, l'enjeu principal est la prise en charge médicale et la consultation, lorsque c'est possible, pour sortir du silence. L'arrêt médical doit être le dernier recours.
Trop de questions restent donc en suspens. Si nous entendons votre message politique, la réponse proposée n'est ni suffisamment concertée ni réalisable. Faute de pouvoir vous soutenir, j'appelle le Gouvernement à continuer à avancer. Incitons les entreprises petites et grandes à mieux prendre en compte cette réalité...
M. le président. - Il faut conclure !
M. Saïd Omar Oili. - ... et les femmes à se faire suivre médicalement.
Le RDPI votera, bien sûr, contre la proposition de loi.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Pourquoi « bien sûr » ?
Mme Marion Canalès . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Aujourd'hui, j'ai mes règles ; mais j'ai la chance de ne pas faire partie des 16 % de femmes qui ne peuvent pas travailler dans ce cas. (Applaudissements sur quelques travées du groupe SER) Ce n'est pas une provocation, mais un état de fait.
Comment accompagner les femmes qui en souffrent chaque mois ? Comment traiter ce sujet de société ? Je remercie M. Saïd Omar Oili, seul homme à intervenir en discussion générale, de l'avoir souligné.
Depuis la loi Roudy votée il y a quarante ans, nous pouvons prendre des mesures concernant les seules femmes pour rétablir l'égalité. Faute de reconnaissance, cette spécificité de la condition féminine crée une iniquité.
Après l'arrêt de travail sans carence à la suite d'une fausse couche, on ne peut laisser au seul dialogue social le traitement des menstruations incapacitantes - je préfère ce terme plus clair à celui de « douloureuses ». Il faut donc un cadre légal, plutôt que de renvoyer à la responsabilité des seules collectivités, auxquelles le préfet interdit parfois d'appliquer des délibérations unanimes, faute d'un tel cadre. Cela permet aussi d'éviter les inégalités entre employeurs.
Cette proposition de loi ne vise pas à donner des leçons de morale ; c'est une proposition de loi d'ouverture. Je suis heureuse de constater que nous avons pu discuter avec une partie des sénateurs et sénatrices pour l'améliorer.
Quelques réponses à ceux qui s'inquiètent d'un éventuel appel d'air et de son coût : en matière de politique sociale, le non-recours est toujours plus fréquent que la fraude ; ces femmes souffrant de menstruations incapacitantes ne viennent déjà pas travailler : leur perte de salaire est une double peine. Cette proposition de loi, qui lève le délai de carence, limite aussi les consultations médicales, dans un contexte tendu - ce n'est pas à vous que je le rappellerai, monsieur le ministre. Elle réduira la durée des arrêts maladie, souvent prolongés du fait de la perte de revenu - c'est le cas à Saint-Ouen.
Faut-il encore rappeler que les femmes du secteur privé gagnent 16 % de moins que les hommes ; qu'elles travaillent gratuitement à partir du 6 novembre ; que les métiers qui se féminisent se précarisent ? Oui. Les femmes représentent 98 % des agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles (Atsem), 80 % des agents de restauration, 93 % des accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH).
Cette proposition de loi, enfin, s'inscrit dans une logique de prévention, parent pauvre de nos politiques publiques, alors qu'elle permet de réduire in fine les dépenses de santé. Cet arrêt sur avis médical encouragera en effet les femmes à consulter des professionnels de santé. Monsieur le ministre, le diagnostic de l'endométriose que vous mentionnez peut en faire partie, même si le problème est plus large.
Voter cette proposition de loi, c'est faire le choix de l'équité et c'est un acte de justice sociale, à l'approche de la journée mondiale qui lui est consacrée. (Acclamations et applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST)
Mme Béatrice Gosselin . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Nous ne pouvons que souscrire à l'objectif de cette proposition de loi. La prise en charge thérapeutique des femmes souffrant de dysménorrhée doit être une priorité. Selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS), 10 % des femmes et des filles en âge de procréer souffrent de l'endométriose, soit 190 millions de personnes dans le monde, sans remède - sauf pour les symptômes.
Le diagnostic est complexe, alors qu'il serait primordial pour celles qui en souffrent. Faute de soins et de moyens, les femmes luttent difficilement contre cette maladie, et ont un accès insuffisant aux analgésiques non stéroïdiens, aux contraceptifs oraux et progestatifs.
Le Président de la République, le 11 janvier 2022, a lancé une stratégie nationale de lutte contre l'endométriose. Nous attendons donc des mesures. Cependant, quelle est l'action la plus efficace ? Prise en charge médicale ou droit social ?
Mme Laurence Rossignol. - Les deux !
Mme Béatrice Gosselin. - Attention aux effets secondaires non désirés : un congé spécifique exposerait les jeunes femmes à des difficultés d'intégration professionnelle, alors que les discriminations à l'embauche existent déjà, ajoutant à la charge mentale. À compétence égale, des employeurs pourraient privilégier les candidatures masculines.
Mme Émilienne Poumirol. - C'est déjà le cas !
Mme Béatrice Gosselin. - En outre, un arrêt reconductible sur un an dévoilerait l'intimité.
Intégrer l'endométriose aux ALD coûterait 100 millions par an à la sécurité sociale. (On proteste à gauche.)
Mme Émilienne Poumirol. - Ce n'est pas un argument !
Mme Béatrice Gosselin. - Enfin, le droit au télétravail créerait une rupture d'égalité, étant impossible dans certains métiers.
Diagnostic précoce, traitement, oui. Discrimination, atteinte à l'intimité et rupture d'égalité, non. Nous voterons contre. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Laurent Burgoa. - Très bien !
Mme Marie-Claude Lermytte . - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Je salue le sujet abordé. Ce texte témoigne de l'évolution des mentalités sur les menstruations, longtemps taboues, mais qui concernent 15 millions de femmes en France.
La durée de l'arrêt de travail prévu est adaptée et la motivation du texte est louable : ne pas pénaliser les femmes concernées par les douleurs menstruelles dans leur travail et leur rémunération - de la même façon que la grossesse est prise en compte.
Toutefois, viser les dysménorrhées dans leur ensemble est trop général. L'arrêt devrait reposer sur le diagnostic d'une pathologie sans lequel il n'est pas raisonnable d'accorder deux jours d'arrêt par mois. Daniel Chasseing a donc déposé un amendement restreignant le dispositif qui coûterait 100 millions d'euros pour la seule endométriose.
Mieux vaudrait un projet de loi plus global, alors que nous ne savons pas le nombre de femmes concernées ni l'effet sur les différentes professions. Enfin, l'intégration de l'endométriose à la liste ALD 31 est insatisfaisante : seules 0,5 % des femmes atteintes sont aujourd'hui reconnues en ALD. (Mme Émilienne Poumirol le confirme.)
Il faut améliorer le diagnostic, y compris celui d'autres pathologies comme le fibrome et le syndrome des ovaires polykystiques. Un suivi gynécologique régulier reste le meilleur moyen, pour éviter notamment cancer et infertilité.
Mme Annie Le Houerou. - J'adore !
M. Victorin Lurel. - « En l'état » !
Mme Marie-Claude Lermytte. - Mais le groupe Les Indépendants reste sensible au sujet. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP)
Mme Brigitte Devésa . - Avant tout, je remercie Hélène Conway-Mouret de s'être saisie d'un sujet encore tabou. Je salue le travail de Laurence Rossignol, qui a enrichi la proposition de loi. Les dysménorrhées concernent la moitié des femmes en âge de menstruer, ce qui peut handicaper leur parcours professionnel - 44 % d'entre elles ont manqué le travail de ce fait, ou connaissent une amie qui l'a fait. Les jours de carence empêchent une prise en charge efficace.
La répétition mensuelle générerait un coût important pour l'assurance maladie s'il fallait un certificat à chaque fois. Ce texte propose donc un dispositif innovant, mais mal adapté : un arrêt de travail de deux jours mensuels pendant un an, sans jour de carence, prescrit par un médecin ou une sage-femme.
Les douleurs menstruelles, si elles sont récurrentes, ne reviennent pas tous les mois. De plus, on ne peut les mesurer, ce qui exclut tout contrôle médical. Le respect du secret médical et de la vie privée serait aussi compromis, l'employeur étant de facto informé des douleurs menstruelles ; or ces questions restent un tabou : 21 % des femmes disent subir des moqueries ou des remarques désagréables liées à la menstruation.
En outre, cette proposition de loi crée des inégalités entre professions : ni les professions libérales ni les entrepreneuses n'en bénéficieraient. En outre, le télétravail prévu par ce texte n'est pas applicable à toutes les professions. (Protestations sur les travées du groupe SER) Dans les métiers les plus pénibles, les femmes ne pourraient que prendre le congé, subissant la pression de leur employeur.
Enfin, aucun chiffrage fiable n'est proposé, alors que la simple suppression du jour de carence pour endométriose coûterait 100 millions d'euros par an : pour le reste, cela se chiffrerait en milliards, ce que nos finances sociales ne permettent pas. N'oublions pas aussi la perte de production de nos entreprises : un quart de leur masse salariale en moins deux jours par mois - de manière exagérée pour les professions féminisées.
Il faut passer par une prise en charge médicale d'un phénomène qui n'est pas une histoire de femme, mais un enjeu de santé publique. Cette proposition de loi présente trop de failles. (Mme Audrey Linkenheld s'exclame.) Une partie du groupe UC ne la votera pas. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains)
Mme Ghislaine Senée . - (Applaudissements sur les travées du GEST et sur plusieurs travées du groupe SER) Je suis ravie que nous examinions ce texte sur les règles incapacitantes. La moitié de l'humanité a longtemps appris à gérer son mal pendant ces périodes, alors qu'une femme sur deux est concernée, à plus forte raison les 10 % d'entre elles souffrant d'endométriose ou d'autres pathologies.
Fatigue, souffrance, risque d'accident du travail : il est temps de lever le tabou. Dans un contexte économique social difficile, la santé des femmes se dégrade : 26 % des jeunes femmes ont eu un épisode dépressif en 2023, le taux de femmes s'estimant en bonne santé a baissé de 10 %, les accidents de travail ont augmenté de 41 % en dix ans.
Il faut donc agir en conséquence et prendre en compte la hausse du taux d'activité des femmes depuis soixante ans - époque où les femmes devaient demander l'autorisation de leur mari pour travailler. Si les hommes souffraient de menstruation, le monde du travail se serait déjà adapté !
À la métropole de Lyon, à Saint-Ouen, nous avons initié ce congé menstruel, qui a besoin désormais d'un cadre légal. La multiplication des absences n'est pas une solution.
Sur le risque de discrimination, le manager ne doit pas avoir accès au motif de l'absence - seulement les ressources humaines, en toute confidentialité.
L'histoire des droits des femmes est celle d'une conquête progressive et complexe. La libération de la parole des jeunes générations rend cette reconnaissance de l'arrêt menstruel naturelle.
Alors que les menaces sur les droits des femmes se multiplient et que les conservatismes ressurgissent, la France ne doit pas être à la traîne. Le Sénat s'honorerait d'être précurseur en adoptant cette loi. Vous l'aurez compris : le GEST la votera. (Applaudissements à gauche)
Mme Silvana Silvani . - Le 27 juin 2023, la délégation aux droits des femmes du Sénat adoptait le rapport « Santé des femmes au travail, des maux invisibles ». L'invisibilisation de la pénibilité du travail pour les femmes en fait partie : 60 % des personnes souffrant de troubles musculosquelettiques (TMS) sont des femmes. Les rapporteures soulignaient les difficultés rencontrées en raison des règles douloureuses, de la grossesse et de l'endométriose.
Nous regrettons que cette proposition de loi se limite à la création d'un arrêt pour les seules dysménorrhées, et que son champ ne couvre pas celui du rapport. Cela dit, elle a le mérite de lever le tabou sur les règles des femmes, alors que nombre d'entre elles ont rencontré des difficultés dans leur travail.
Je souhaite lever un malentendu : le texte crée non pas un congé menstruel, mais un arrêt menstruel de deux jours maximum par mois. Un congé relève de l'employeur et est financé par lui. Certaines entreprises ou collectivités en ont instauré un, mais nous n'y sommes pas favorables : des discriminations et une remise en cause du secret médical pourraient en résulter.
En revanche, nous sommes favorables à un arrêt médical, qui entraîne une indemnisation de la sécurité sociale et concernerait toutes les femmes souffrant de douleurs menstruelles et pas seulement celles souffrant d'endométriose. Il est probable que le conservatisme moral régnant en ce lieu débouche sur le rejet du texte. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains)
Ce texte, modeste, prend toutefois en compte la douleur des femmes ; c'est pourquoi nous le voterons. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K et SER)
Mme Maryse Carrère . - Je salue l'initiative d'Hélène Conway-Mouret : améliorer les conditions de travail des femmes et alléger leurs difficultés sont des objectifs louables. Chaque mois, des millions de femmes souffrent de dysménorrhées. Les menstruations engendrent des douleurs physiques qui handicapent la vie quotidienne et professionnelle.
Sensibles à ce sujet, nous avions déposé, à l'initiative de Nathalie Delattre, une proposition de loi visant à assurer la gratuité des protections hygiéniques féminines.
Dans le monde du travail, la compréhension de l'endométriose doit être à la hauteur de la douleur des femmes. Quelques pays ont mis en place un congé menstruel, mais dans la plupart des cas, il s'agit d'un jour de congé accordé par l'employeur.
Le RDSE est favorable à cette proposition de loi, mais quelques collègues sont inquiets : l'instauration d'un arrêt menstruel ne renforcera-t-il pas les inégalités et les discriminations à l'embauche ? Les femmes sont encore moins bien payées que les hommes et se heurtent à un plafond de verre. Le secret médical au sein des entreprises risque d'être un peu éventé. Ces arrêts pourraient aussi engendrer des difficultés d'organisation, surtout pour les petites entreprises.
Les amendements de Mme Billon, s'ils sont votés, pourraient encourager à poursuivre le travail.
Nous manquons de recul, notamment sur l'exemple espagnol, seul pays à avoir instauré un arrêt menstruel. Pourquoi ne pas instaurer une expérimentation de trois ans ? Par ailleurs, nous préconisons de réduire la durée de l'arrêt cadre à six mois, au lieu d'un an.
Nous ne voterons pas cette proposition de loi, mais un compromis serait souhaitable. Notre groupe voudrait poursuivre la réflexion. (Applaudissements sur quelques travées du groupe SER)
Discussion des articles
Avant l'article 1er
M. le président. - Amendement n°6 rectifié bis, présenté par Mme Billon, MM. Kern, Courtial, Canévet, Delcros, Folliot, J.M. Arnaud, Capo-Canellas, Vanlerenberghe et Cambier, Mme Tetuanui, MM. Fargeot, Lafon, Levi et Hingray, Mmes O. Richard, Romagny et Loisier, MM. Delahaye et Chauvet et Mme Saint-Pé.
Avant l'article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - La présente loi s'applique, à titre expérimental, pour une durée de trois ans à compter de sa promulgation.
II. - Au plus tard six mois avant la fin de l'expérimentation, le Gouvernement remet au Parlement un rapport en faisant le bilan et proposant des pistes d'évolution.
Mme Annick Billon. - Je recherche aussi un compromis. Le congé menstruel est proposé uniquement par quelques entreprises. Le dispositif proposé a été adopté en Espagne et n'existe dans aucun autre pays européen. Il est donc difficile d'anticiper les conséquences de la mesure sans recul suffisant. Dans le secteur public, la Catalogne a introduit une mesure de flexibilité avec une absence de huit heures maximum par mois, pouvant être récupérée ensuite. Il existe donc plusieurs voies pour régler le problème. La priorité est d'avoir un dialogue avec les employés.
Cet amendement vise à transformer cette proposition de loi en expérimentation. Mettre des mots sur des maux, rendre visible l'invisible : tel est mon objectif.
M. le président. - Amendement n°14 rectifié bis, présenté par Mme Billon, MM. Kern, Courtial, Canévet, Delcros, Folliot, J.M. Arnaud, Capo-Canellas, Vanlerenberghe et Cambier, Mme Tetuanui, MM. Fargeot, Lafon, Levi et Hingray, Mmes O. Richard, Romagny et Loisier, MM. Delahaye et Chauvet et Mme Saint-Pé.
Avant l'article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - La présente loi s'applique à titre expérimental aux entreprises candidates qui emploient au moins mille salariés, pour une durée de trois ans à compter de sa promulgation.
II. - Au plus tard six mois avant la fin de l'expérimentation, le Gouvernement remet au Parlement un rapport en faisant le bilan et proposant des pistes d'évolution.
Mme Annick Billon. - Amendement de repli, qui circonscrit l'expérimentation aux entreprises de plus de 1 000 salariés.
Mme Laurence Rossignol, rapporteure. - La commission a émis un avis défavorable sur les deux amendements. À titre personnel, j'aurais rêvé que le Gouvernement dépose l'amendement prévoyant l'expérimentation. J'y suis assez favorable. Quant à l'amendement n°14 rectifié, il n'est que de repli...
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Le Gouvernement reprend ces amendements ! (Sourires sur les travées du groupe SER)
M. Frédéric Valletoux, ministre délégué. - Je suis réservé sur l'expérimentation visant à verser des indemnités journalières : quels seraient les critères retenus ? Certains orateurs l'ont rappelé, ce serait ouvrir une brèche dans le code du travail. Le dispositif proposé est mal ajusté. Avis défavorable à l'amendement n°6 rectifié bis.
Même avis pour l'amendement n°14 rectifié bis, car il y aurait une rupture d'égalité entre les femmes selon la taille de l'entreprise.
Mme Annick Billon. - Je maintiens ces amendements, car, bien souvent, on nous vend l'expérimentation comme l'alpha et l'oméga pour tout problème. Je pense notamment à l'expérimentation sur l'uniforme à l'école... (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; Mme Maryse Carrère applaudit également.) L'uniforme n'est pas précisé - un uniforme, un sweat, une blouse ou autre - et pourtant, l'expérimentation a été lancée !
À la demande du groupe Les Républicains, l'amendement n°6 rectifié bis est mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°127 :
Nombre de votants | 339 |
Nombre de suffrages exprimés | 336 |
Pour l'adoption | 135 |
Contre | 201 |
L'amendement n°6 rectifié bis n'est pas adopté.
À la demande du groupe Les Républicains, l'amendement n°14 rectifié bis est mis aux voix par scrutin public. (Protestations sur les travées du groupe SER)
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°128 :
Nombre de votants | 339 |
Nombre de suffrages exprimés | 336 |
Pour l'adoption | 133 |
Contre | 203 |
L'amendement n°14 rectifié bis n'est pas adopté.
Article 1er
M. le président. - Amendement n°1 rectifié, présenté par MM. Chasseing, Médevielle et Rochette, Mme Lermytte, MM. Wattebled, Grand, Chevalier, A. Marc, Capus, Brault, Menonville et Somon, Mme Jacquemet et MM. Laménie et Belin.
Alinéa 3
Remplacer les mots :
de dysménorrhée, dont l'endométriose
par les mots :
d'endométriose symptomatique
M. Daniel Chasseing. - Cet amendement vise à limiter le dispositif aux femmes souffrant d'endométriose symptomatique, pathologie avec un diagnostic établi. Moins de 1 % des femmes souffrant d'endométriose sont reconnues en ALD 31.
M. le président. - Sous-amendement n°15 à l'amendement n° 1 rectifié de M. Chasseing, présenté par Mme Canalès et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Amendement n° 1
Alinéa 5
Compléter l'alinéa par les mots :
ou de pathologies dont la liste est définie par décret
Mme Marion Canalès. - Nous souhaitons élargir la liste des pathologies concernées, qui seraient définies par décret.
Mme Laurence Rossignol, rapporteure. - Tout ce qui permet d'avancer est bienvenu. La commission a donné un avis défavorable, mais à titre personnel, j'y suis favorable.
La commission ne s'est pas prononcée sur le sous-amendement, car il vient d'être déposé. À titre personnel, je pense que c'est une bonne chose.
M. Frédéric Valletoux, ministre délégué. - Je salue l'effort de M. Chasseing pour trouver une voie de passage. Toutefois, on reste dans une approche mal ajustée par rapport à l'objectif recherché.
Je rappelle que le délai de carence est supprimé pour les femmes souffrant d'endométriose qui sont en ALD. Mais cela ne rend pas la proposition de loi plus vertueuse : avis défavorable au sous-amendement n°15 et à l'amendement n°1 rectifié.
Le sous-amendement n°15 est adopté.
L'amendement n°1 rectifié, sous-amendé, est adopté.
M. le président. - Amendement n°7 rectifié bis, présenté par Mme Billon, MM. Kern, Courtial, Canévet, Delcros, Folliot, J.M. Arnaud, Capo-Canellas, Vanlerenberghe et Cambier, Mme Tetuanui, MM. Fargeot, Lafon, Levi et Hingray, Mmes O. Richard, Romagny et Loisier et MM. Delahaye et Chauvet.
Alinéa 3
Remplacer les mots :
d'un an
par les mots :
de six mois
Mme Annick Billon. - J'ai souhaité faire passer le contrôle médical d'une durée d'un an à six mois, afin d'avoir un meilleur suivi.
Mme Laurence Rossignol, rapporteure. - Avis défavorable.
M. Frédéric Valletoux, ministre délégué. - Le délai de six mois ne change rien au fond. Une brèche serait ouverte dans le code du travail, qui ne prévoit pas ce genre d'arrêt de travail. Avis défavorable.
Mme Hélène Conway-Mouret. - Nous avions initialement pensé à une durée de six mois, mais cette consultation n'est pas médicale. Après la première consultation, durant laquelle l'arrêt médical est délivré, un suivi se met en place. Dans un délai d'un an, la femme se représente devant le médecin pour renouveler ou non son arrêt. Un délai d'un an peut suffire pour un traitement permettant de mieux gérer la douleur.
Mme Annick Billon. - Je retire cet amendement. Monsieur le ministre, vous parlez de dispositifs mal ajustés. J'espère que nous pourrons trouver des solutions pour ces nombreuses femmes souffrant à leur travail. La santé des femmes est prise en compte dans les pays nordiques, où elles trouvent mieux leur place dans les entreprises et ont des responsabilités. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)
L'amendement n°7 rectifié bis est retiré.
M. le président. - Amendement n°8 rectifié bis, présenté par Mme Billon, MM. Kern, Courtial, Canévet, Delcros, Folliot, Capo-Canellas, Vanlerenberghe et Cambier, Mme Tetuanui, MM. Fargeot, Lafon, Levi et Hingray, Mmes O. Richard, Romagny et Loisier, M. Chauvet et Mme Saint-Pé.
Alinéa 3
Remplacer les mots :
deux jours
par les mots :
un jour
Mme Annick Billon. - Il s'agit de passer de deux jours d'arrêt à un jour, comme le font de nombreux pays.
Mme Laurence Rossignol, rapporteure. - La commission a émis un avis défavorable. Je salue le travail d'Annick Billon pour tenter de trouver une majorité sur un sujet qui intéresse a priori tout le monde. À titre personnel, j'y suis favorable. Un député, Sébastien Peytavie, a déposé une proposition de loi retenant une durée d'une journée. Ce n'est donc pas contraire à l'esprit de ce texte.
M. Frédéric Valletoux, ministre délégué. - Les efforts d'Annick Billon sont louables. Tous les orateurs ont insisté sur les limites du secret médical en entreprise, et ce n'est pas un mince sujet. Je ne pense pas que les directeurs de ressources humaines assureront l'entière confidentialité des données de santé : avis défavorable.
M. Daniel Chasseing. - Je voterai cet amendement. Cela peut être une seule journée d'arrêt.
Mme Émilienne Poumirol. - L'employeur n'a pas connaissance du motif de l'arrêt de travail : le volet du formulaire Cerfa sur lequel il figure ne lui est pas envoyé.
Mme Hélène Conway-Mouret. - Je prévoyais un maximum de deux jours ; un jour me convient.
L'amendement n°8 rectifié bis est adopté.
M. le président. - Amendement n°4 rectifié, présenté par Mme Rossignol et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Alinéa 5
Remplacer la référence :
L. 323-4-1 A
par la référence :
L. 323-4
Mme Laurence Rossignol. - Coordination.
M. Frédéric Valletoux, ministre délégué. - Sagesse.
Mme Laurence Rossignol, rapporteure. - L'avis de la commission est défavorable.
L'amendement n°4 rectifié est adopté.
M. Adel Ziane. - Je remercie Hélène Conway-Mouret pour son travail sur ce texte, qui chemine depuis le 8 mars 2023.
Ma ville de Saint-Ouen-sur-Seine a expérimenté le congé menstruel après des discussions avec les agents de la ville qui ont évoqué ce sujet tabou, car invisibilisé.
Nous sommes attendus sur cette question. Il s'agit de la liberté de travailler dans de bonnes conditions, alors que les règles incapacitantes impactent la qualité de vie au travail. Plusieurs collectivités et entreprises à l'écoute de leurs employées nous ont suivis.
Le Sénat en débat aujourd'hui : nous pouvons nous en enorgueillir, c'est l'occasion d'apporter un début de réponse. Monsieur le ministre, un cadre législatif est attendu sur cette question de société. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)
À la demande du groupe Les Républicains, l'article 1er est mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°129 :
Nombre de votants | 339 |
Nombre de suffrages exprimés | 323 |
Pour l'adoption | 117 |
Contre | 206 |
L'article 1er n'est pas adopté.
(On le déplore sur les travées du groupe SER.)
Article 2
M. le président. - Amendement n°2 rectifié, présenté par MM. Chasseing, Médevielle et Rochette, Mme Lermytte, MM. Wattebled, Grand, Chevalier, A. Marc, Capus, Brault, Menonville et Somon, Mme Jacquemet et MM. Laménie et Belin.
I. - Alinéa 2
Remplacer les mots :
de dysménorrhée, dont l'endométriose
par les mots :
d'endométriose symptomatique
II. - Alinéa 4
Remplacer les mots :
de dysménorrhée invalidante, dont l'endométriose
par les mots :
d'endométriose symptomatique
M. Daniel Chasseing. - Sans nier la douleur des femmes qui souffrent de dysménorrhées, je propose de limiter le dispositif aux patientes souffrant d'endométriose symptomatique.
Mme Laurence Rossignol, rapporteure. - Avis défavorable. À titre personnel, même avis sur l'amendement identique à l'article précédent.
M. Frédéric Valletoux, ministre délégué. - Par cohérence, avis défavorable.
Mme Émilienne Poumirol. - Il s'agit de la santé des femmes !
L'amendement n°2 rectifié est adopté.
À la demande du groupe Les Républicains, l'article 2 est mis aux voix par scrutin public. (Protestations sur les travées du groupe SER)
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°130 :
Nombre de votants | 339 |
Nombre de suffrages exprimés | 322 |
Pour l'adoption | 116 |
Contre | 206 |
L'article 2 n'est pas adopté.
Article 3
M. Adel Ziane. - Certains ont évoqué le risque d'abus. Dans le cadre de l'expérimentation, un travail de fond est mené entre le médecin traitant, le médecin du travail et le spécialiste. Ce dialogue à trois objective la problématique.
L'expérimentation ne se limite pas à l'arrêt, elle comprend aussi le télétravail ainsi que les aménagements du poste de travail, pour éviter de pénaliser les agents catégorie C. Leur activité peut ainsi être organisée en amont, avec leur équipe.
M. le président. - Amendement n°5, présenté par Mme Rossignol et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Supprimer cet article.
Mme Laurence Rossignol. - Cet article prévoit que des indemnités journalières pour congé menstruel supérieures aux indemnités journalières de droit commun, ce qui pourrait créer des difficultés.
M. le président. - Amendement identique n°10 rectifié bis, présenté par Mme Billon, MM. Kern, Courtial, Canévet, Delcros, Folliot, J.M. Arnaud, Capo-Canellas, Vanlerenberghe et Cambier, Mme Tetuanui, MM. Fargeot, Lafon, Levi et Hingray, Mmes O. Richard, Romagny et Loisier et MM. Delahaye et Chauvet.
Mme Annick Billon. - Dans un souci d'équité, il n'est pas concevable qu'une femme souffrant de dysménorrhée soit mieux indemnisée qu'une femme souffrant de cancer, par exemple.
Certaines dysménorrhées étant dues à des maladies chroniques, il conviendrait que le Gouvernement inscrive ces dernières sur la liste des ALD, pour une prise en charge à 100%. Nous attendons toujours le décret annoncé après le dépôt de la proposition de loi du groupe RN. La santé des femmes ne doit pas servir des fins politiques.
Mme Laurence Rossignol, rapporteure. - Avis favorable.
M. Frédéric Valletoux, ministre délégué. - Sagesse.
Les amendements identiques nos5 et 10 rectifié bis sont adoptés.
En conséquence, l'article 3 est supprimé.
Article 4
M. le président. - Amendement n°3 rectifié, présenté par MM. Chasseing, Médevielle et Rochette, Mme Lermytte, MM. Wattebled, Grand, Chevalier, A. Marc, Capus, Brault, Menonville et Somon, Mme Jacquemet et MM. Laménie et Belin.
Alinéa 2
Remplacer les mots :
Les modalités
par les mots :
Sur la base d'un certificat médical valable pour une durée d'un an et renouvelable, les modalités
M. Daniel Chasseing. - L'article 4 prévoit qu'un accord collectif ou une charte précise les modalités d'accès au télétravail pour les personnes souffrant de dysménorrhées. C'est une avancée pour elles, car le trajet peut être plus pénible que le travail lui-même. Je propose un certificat médical pour le justifier, valable un an.
Mme Laurence Rossignol, rapporteure. - Avis défavorable de la commission, par cohérence avec son avis défavorable sur l'article et sur la proposition de loi. À titre personnel, j'estime que l'amendement poserait des problèmes au regard du secret médical. Je préfère l'amendement n°13 de Marion Canalès.
M. Frédéric Valletoux, ministre délégué. - L'accord national interprofessionnel de novembre 2020 permet déjà le recours au télétravail comme outil de prévention pour les salariés en situation de handicap ou souffrant de maladies chroniques. Avis défavorable.
Mme Audrey Linkenheld. - Les règles douloureuses ne sont pas une maladie !
L'amendement n°3 rectifié n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°13, présenté par Mme Canalès et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Alinéa 2
Compléter cet alinéa par les mots :
et une adaptation du poste de travail
Mme Marion Canalès. - Nous voulons non seulement favoriser le recours au télétravail, mais aussi à l'adaptation du poste de travail. Je pense, par exemple, au cas de policières qui peuvent venir travailler, mais pas sur la voie publique.
M. le président. - Amendement n°9 rectifié bis, présenté par Mme Billon, MM. Kern, Courtial, Canévet, Delcros, Folliot, J.M. Arnaud, Capo-Canellas, Vanlerenberghe et Cambier, Mme Tetuanui, MM. Fargeot, Lafon, Levi et Hingray, Mmes O. Richard, Romagny et Loisier et MM. Delahaye et Chauvet.
Alinéa 2
Compléter cet alinéa par les mots :
ou à une adaptation du poste
Mme Annick Billon. - Cette proposition de loi sur la santé des femmes au travail comporte un volet prévention, avec un suivi et un dépistage des problématiques propres aux femmes.
Elle se veut aussi pragmatique, avec la possibilité d'adapter le poste de travail, pour des femmes qui sont souvent en grande détresse.
Mme Hélène Conway-Mouret. - Ces amendements s'inscrivent parfaitement dans l'esprit du texte. Il ne s'agit pas d'un arrêt mensuel, mais de permettre à ces femmes de travailler au mieux, car le télétravail n'est pas possible dans tous les métiers.
Mme Laurence Rossignol, rapporteure. - Avis défavorable. Je soutiens personnellement ces deux amendements qui complètent utilement le texte.
M. Frédéric Valletoux, ministre délégué. - La médecine du travail peut déjà proposer des mesures d'aménagement de poste.
Dans le cadre de la stratégie nationale de lutte contre l'endométriose, un kit de sensibilisation à destination des entreprises sera diffusé à partir du mois de mars, pour mieux faire connaître les dispositifs existants. Avis défavorable.
M. Adel Ziane. - Cette proposition de loi vise à lever un tabou, à sortir les règles incapacitantes de la sphère privée. Il faut une vraie politique de santé publique et de prévention.
Mme Laurence Rossignol. - Très important !
M. Adel Ziane. - D'aucuns parlent de discrimination. Jamais je ne me suis dit, en recrutant une femme, qu'elle était susceptible de tomber enceinte ou d'avoir des règles douloureuses. N'inversons pas la charge de la preuve entre le recruteur et la personne recrutée. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)
L'amendement n°13 est adopté.
L'amendement n°9 rectifié bis n'a plus d'objet.
M. le président. - Je vais mettre aux voix l'article 4. S'il n'était pas adopté, il n'y aurait plus lieu de voter sur l'ensemble de la proposition de loi, dans la mesure où les quatre articles qui la composent auraient été supprimés. C'est donc le moment d'expliquer votre vote.
Mme Laurence Rossignol, rapporteure. - Je remercie l'initiatrice de la proposition de loi, les cosignataires, les collègues qui ont cherché un vote favorable du Sénat, ainsi que la commission des affaires sociales. Je remercie M. le ministre qui a pris quelques engagements - peut-être aboutiront-ils.
J'ai un peu d'expérience sur ces sujets : on y viendra, pas aujourd'hui peut-être, mais un jour. Ce que le politique refuse, la société finira par l'imposer. Le Sénat a perdu l'occasion d'être non en avance, mais d'accompagner les évolutions de la société.
Secret médical, confidentialité ? Le vote du Sénat est un vote générationnel : les jeunes femmes n'ont plus peur de dire qu'elles ont leurs règles. Le tabou des règles, c'est terminé ! Demain, ce sera au tour du tabou de la ménopause.
Les femmes en ont assez de serrer les dents, de prétendre qu'elles ont la même physiologie, le même quotidien que les hommes. Elles le font depuis les années 1970 : le prix est trop élevé. Il est temps d'imposer au monde du travail la réalité de ce qu'est une femme ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER)
M. Patrick Kanner. - Tous les amendements ont été adoptés, mais ils ont été mis en échec par le rejet des articles par scrutin public. Alors que nous étions majoritaires dans l'hémicycle, vous avez usé du scrutin public pour évacuer ce texte de progrès.
Je remercie Mme Billon d'avoir défendu de nombreuses propositions constructives.
Sur le fond, une partie de la droite républicaine a manqué un rendez-vous, avec les femmes et avec l'histoire. Les femmes veulent allier activité professionnelle et contraintes de leur vie personnelle. Vous avez refusé cette avancée. Nous poursuivrons avec force ce combat de progrès. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)
Mme Annick Billon. - J'ai cherché à trouver une voie de compromis. Si je ne préside plus la délégation aux droits des femmes, je me soucie toujours des questions qui les concernent.
Je salue Hélène Conway-Mouret qui a mis en lumière des sujets souvent jugés accessoires. Au-delà de la question des jours de carence, l'important était de prendre en compte la spécificité de la santé des femmes, de garantir la prévention et d'adapter les postes de travail.
L'an dernier, les quatre rapporteurs de la délégation ont mené un travail considérable sur la santé des femmes, et montré qu'en matière de santé au travail, on raisonne sur la base de l'homme moyen - ce qui est parfaitement inadapté à la réalité vécue par les femmes.
Je remercie le groupe SER d'avoir porté le sujet. Au ministre d'avancer et de proposer de vraies solutions aux femmes en souffrance.
Dans les pays nordiques, les droits avancent beaucoup plus vite, les femmes occupent des postes à responsabilité. Différencier n'est pas stigmatiser. (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; Mmes Colombe Brossel et Audrey Linkenheld applaudissent également.)
M. Philippe Mouiller, président de la commission de la commission des affaires sociales. - Monsieur Kanner, le scrutin public existe : il arrange parfois.
M. Patrick Kanner. - Il vous arrange toujours ! (On renchérit sur les travées du groupe SER.)
M. Philippe Mouiller, président de la commission. - Si nous n'avons pas recouru au scrutin public sur les amendements, c'est par courtoisie, pour vous permettre de finir à l'heure. (M. Patrick Kanner le concède et remercie.)
Mme Conway-Mouret a déployé beaucoup d'énergie pour tenter de convaincre. Nous avons beaucoup échangé ; le débat a été posé, et relayé. Merci pour votre mobilisation. Nous y reviendrons sûrement. (Mme Micheline Jacques applaudit ; Mme Colombe Brossel ironise.)
Mme Marion Canalès. - Qu'on le veuille ou non, il s'agit bien d'un sujet de société. Nous avons formulé des propositions, sans doute perfectibles. Je remercie Annick Billon pour son ouverture.
En revanche, d'autres collègues n'ont pas pris la parole : sans doute jugent-ils le sujet accessoire.
En 1919, la ville de Saint-Ouen avait adopté un voeu en faveur du vote des femmes. Aujourd'hui, elle se saisit seule, sans cadre légal, de ce sujet, en réponse aux attentes de la population. Je rappelle que nous parlons ici non de règles douloureuses, mais incapacitantes.
J'aurais apprécié que tous les groupes engagent le débat.
Nous aurons l'occasion de reparler très prochainement des droits des femmes, avec le texte sur l'IVG. J'espère entendre nos collègues à cette occasion ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER)
Mme Hélène Conway-Mouret. - Je salue l'excellent travail de la rapporteure et l'écoute du président Mouiller. Je n'ai pas su convaincre, mais il y a une prise de conscience. Grâce à la couverture médiatique, notre débat a mis sur la place publique un sujet de société longtemps invisible. Monsieur le ministre, il faudra apporter des réponses concrètes aux élus, aux entreprises, à ces femmes qui ont besoin d'être accompagnées. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur plusieurs travées du groupe UC)
Mme Ghislaine Senée. - Nouvelle sénatrice, je me doutais que le chemin du droit des femmes serait long, mais pas à ce point !
La majorité sénatoriale semble considérer qu'après tout, nos grands-mères se sont toujours débrouillées : certains jours, elles n'allaient pas au champ ou au lavoir, elles géraient entre elles ces « affaires de bonnes femmes ». Mais la nouvelle génération demande à être accompagnée, quand les douleurs sont si incapacitantes qu'on ne peut aller travailler.
Oui, c'est un fait de société. Oui, nous avancerons, nous y arriverons. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)
Mme Colombe Brossel. - Nous attendons la lumineuse explication de vote du groupe LR...
M. Frédéric Valletoux, ministre délégué. - Je remercie à mon tour Mme Conway-Mouret et Mme la rapporteure. Avoir porté ce débat, c'est déjà une victoire.
Mme Émilienne Poumirol. - On se contente de peu !
M. Frédéric Valletoux, ministre délégué. - L'avancée n'aurait cependant pas été si progressiste que cela, compte tenu des incertitudes et obstacles évoqués ici. (Protestations sur les travées du groupe SER)
M. Patrick Kanner. - La navette aurait permis de l'améliorer !
M. Frédéric Valletoux, ministre délégué. - Je prends l'engagement de faire avancer le dossier.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Chiche !
M. Frédéric Valletoux, ministre délégué. - Le sujet ne restera pas lettre morte. Je m'engage à ce que nous avancions ensemble. L'important est que nous ayons eu le débat.
M. Patrick Kanner. - À quand un projet de loi ?
À la demande du groupe Les Républicains, l'article 4 est mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°131 :
Nombre de votants | 339 |
Nombre de suffrages exprimés | 328 |
Pour l'adoption | 115 |
Contre | 213 |
L'article 4 n'est pas adopté.
En conséquence, la proposition de loi n'est pas adoptée.
Mission d'information (Nominations)
M. le président. - L'ordre du jour appelle la désignation des 23 membres de la mission d'information sur le thème : « Complémentaires santé, mutuelles : l'impact sur le pouvoir d'achat des Français ».
En application de l'article 8 ter, alinéa 5 de notre Règlement, les listes des candidats présentés par les groupes ont été publiées.
Ces candidatures seront ratifiées si la Présidence ne reçoit pas d'opposition dans le délai d'une heure prévu par notre Règlement.
Accord en CMP
M. le président. - La commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à mieux protéger et à accompagner les enfants victimes et covictimes de violences intrafamiliales est parvenue à l'adoption d'un texte commun.
Prochaine séance, mardi 27 février 2024, à 14 h 30.
La séance est levée à 16 h 10.
Pour le Directeur des Comptes rendus du Sénat,
Rosalie Delpech
Chef de publication
Ordre du jour du mardi 27 février 2024
Séance publique
À 14 h 30 et le soir
1. Projet de loi organique portant report du renouvellement général des membres du congrès et des assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie (procédure accélérée) (texte de la commission, n°336, 2023-2024)
2. Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à l'accélération et à la simplification de la rénovation de l'habitat dégradé et des grandes opérations d'aménagement (texte de la commission, n°343, 2023-2024)