Sûreté dans les transports (Procédure accélérée)
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi relative au renforcement de la sûreté dans les transports, présentée par M. Philippe Tabarot et plusieurs de ses collègues, à la demande du groupe Les Républicains.
M. Philippe Tabarot, auteur de la proposition de loi . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC) Le 1er octobre 2017, sur le parvis de la gare Saint-Charles, Mauranne, 20 ans, et Laura, 21 ans, mourraient à l'occasion d'une terrible attaque islamiste. Ce drame a été pour moi une prise de conscience, d'où cette proposition de loi.
Malheureusement, l'assassinat d'un chauffeur de bus à Bayonne et les attaques à la gare de Lyon, à la station Stalingrad, ou d'une conductrice de bus à Nice ce week-end me renforcent dans ma conviction : les transports en commun démultiplient les risques.
Je sais que le risque zéro n'existe pas et je ne fais aucun procès en inaction. En 2016, la loi des députés socialistes Bruno Le Roux et Gilles Savary a apporté un socle solide, complétée par la loi Sécurité globale. Mais ce n'est plus suffisant : chers collègues de gauche, la réalité est implacable et il n'y a plus de place pour les espérances angéliques et les clichés dépassés.
Comment inciter les usagers à privilégier les transports en commun si certaines femmes les évitent en raison de leur insécurité ? Ne vous laissez pas aveugler par une idéologie d'un autre temps et améliorons utilement l'arsenal de sécurité dans les transports.
Mme Sophie Primas. - Très bien !
M. Philippe Tabarot. - La police nationale, dont je salue le dévouement, ne peut être partout. Les transports sont vulnérables au terrorisme, aux violences sexuelles, aux atteintes aux biens et aux personnes, à la fraude.
En 2022, 124 570 personnes ont fait l'objet de vols ou de violences dans les transports en commun ; une personne sur deux s'y sent en insécurité (M. Guy Benarroche proteste) ; les agressions sexuelles y ont augmenté de 13 %. Il faut une nouvelle étape.
Je remercie Bruno Retailleau d'avoir fait inscrire cette proposition de loi à l'ordre du jour. Ce texte, cosigné par 140 sénateurs de quatre groupes différents, part du terrain. Il a été travaillé avec les acteurs du secteur - agents, syndicats, autorités organisatrices de la mobilité (AOM).
Les constats sont partagés : le régime particulier des agents de la Surveillance générale (Suge) de la SNCF et du groupe de protection et de sécurité des réseaux (GPSR) de la RATP leur permet de protéger les usagers et les agents. Mais il se heurte à des obstacles ubuesques : la confiscation des hachoirs de boucher ou des pics à glace n'est pas possible ; on ne peut pas empêcher une personne au comportement dangereux d'entrer dans une gare. Jean Castex et Jean-Pierre Farandou nous l'ont confirmé.
Ma proposition de loi est bâtie sur cinq axes : renforcer les prérogatives de la Suge et du GPSR ; améliorer le continuum de sécurité dans les transports, en permettant l'utilisation des caméras-piétons ; recourir davantage à la technologie, notamment algorithmique ; lutter efficacement contre la fraude pour un meilleur recouvrement - sur les 2,4 millions de procès-verbaux établis par la SNCF pour un montant de 275 millions d'euros, seuls 22 millions d'euros ont été recouvrés dans des délais légaux ; enfin, mieux réprimer les délits, en étendant notamment le délit d'habitude. Cracher, uriner, souiller, détériorer... Tu menaces la quiétude ou la sécurité des voyageurs, tu es sanctionné. (« Très bien ! » s'exclame Mme Sophie Primas.) Nous créons aussi une interdiction de paraître dans les transports.
Tant que nombre de concitoyens éviteront les transports en raison de l'insécurité, tous les financements en faveur des transports resteront sans résultat. Alors dépassons nos clivages !
En commission, le texte a évolué et nous allons continuer à l'améliorer. Il ne s'agit pas de nourrir la chimère du risque zéro, mais d'agir pour une sécurité concrète.
En France, l'histoire du transport en commun et des chemins de fer accompagne celle de la Nation.
La séparation des tâches en matière de sécurité n'a pas résisté à l'épreuve du temps. Il faut un nouveau choc pour protéger les citoyens usagers : c'est notre devoir. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP ; Mme Nadège Havet applaudit également.)
Mme Nadine Bellurot, rapporteure de la commission des lois . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Ce texte répond à des drames récents, à Marseille et à Paris notamment. Il vise à combler des lacunes de notre législation pénale et à octroyer aux services de sécurité de la RATP et de la SNCF les moyens nécessaires pour sécuriser les transports en commun.
Sur le fond, la commission accueille favorablement ce texte, fruit d'une réflexion approfondie et nourrie des observations des acteurs de terrain, notamment la Suge et le GPSR.
Le législateur a régulièrement renforcé les moyens de ces acteurs, mais en se concentrant sur la répression de la fraude tarifaire et la lutte contre le terrorisme : il n'a pas répondu aux incivilités et à la délinquance spécifique du transport. En 2023, le ministère de l'intérieur a recensé plus de 111 000 actes de violence dans les transports.
Depuis longtemps, la SNCF et la RATP se sont dotées de services internes de sécurité. Mais la situation actuelle est peu satisfaisante et paradoxale : ces acteurs, essentiels, disposent d'un cadre juridique inefficace, source de difficultés opérationnelles, et inadapté aux nouvelles formes de délinquance. Comment expliquer que les agents doivent interrompre la poursuite d'un individu qui s'échappe d'une gare ? Pourquoi monter sur le toit d'un bus ou d'un train ne constitue pas un délit ? Ces mesures sont indispensables, à l'approche des jeux Olympiques et Paralympiques (JOP) de surcroît. Cette proposition de loi ne bouleversera pas les équilibres actuels, mais apportera des réponses concrètes et opérationnelles pour renforcer la sécurité dans les transports.
La commission a approuvé l'économie générale de la proposition de loi. Elle a examiné l'équilibre entre opérationnalité des mesures, garantie des droits et libertés constitutionnels et respect du continuum de sécurité. Elle a ainsi retenu de nombreuses mesures : interdiction d'entrer en gare, interdiction de paraître, intervention de la Suge dans les bus de substitution, pérennisation de la caméra-piéton, élargissement du délit d'habitude, délictualisation de l'oubli volontaire de bagages, création d'un délit de bus ou de train surfing, simplification des procédures de recrutement des agents de sécurité, facilitation du recouvrement de l'amende forfaitaire.
Lorsque cela était nécessaire, la commission s'est attachée à assurer l'efficacité des outils proposés, avec par exemple la centralisation de la procédure d'édiction des arrêtés sur les palpations en Île-de-France ou le droit de poursuite des agents de la Suge et du GPSR sur la voie publique.
À l'inverse, faute de gains opérationnels évidents, la commission a supprimé quatre dispositions : les palpations inopinées, la collecte de données sensibles en dehors des flagrances, la captation du son et l'intervention sans condition des équipes cynotechniques de la SNCF.
La commission a introduit la prolongation des certificats cynotechniques, l'expérimentation des caméras-piétons pour les chauffeurs de bus, le numéro d'appel unique pour le signalement des voyageurs présentant un risque.
Enfin, certaines initiatives m'ont semblé particulièrement pertinentes, comme les amendements de Louis Vogel et Marie-Claire Carrère-Gée prolongeant d'un an l'expérimentation du recours au traitement algorithmique et celui de Philippe Tabarot sur l'élargissement de l'interdiction de paraître, ou encore celui de Marie Mercier sur la consultation du fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes (Fijais).
Je présenterai un amendement autorisant les agents de la Suge et du GPSR à immobiliser des objets dangereux pouvant être des armes par destination et, en cas de refus, d'interdire l'accès aux véhicules. Je me félicite que nous ayons trouvé une voie juridiquement robuste.
Pour terminer, je partage avec vous une réflexion plus générale : nous aurons beau nous contorsionner pour améliorer les prérogatives des agents, bien des choses ne changeront pas tant que les gares resteront des lieux publics. Avec Philippe Tabarot, je souhaite une réflexion sur leur statut : elles pourraient devenir des lieux privés, comme en Espagne.
Par esprit de responsabilité, nous devons collectivement adopter ce texte. Nous ne saurions rester passifs s'agissant de la sécurité des Français. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP et du RDSE)
M. Hervé Reynaud, au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, saisie pour avis . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La proposition de loi permet de compléter l'arsenal législatif existant et de renforcer la loi Savary-Le Roux de mars 2016, dont Gilles Savary lui-même dressait, dans La Gazette des communes en 2020, un bilan mitigé.
Je remercie Philippe Tabarot pour sa force de conviction et sa volonté d'avancer en levant des obstacles sur le terrain. Les violences sexistes et sexuelles ont progressé : on dénombre 2 407 victimes en 2023, dont 62 % en Île-de-France. Pas moins de 1 342 personnes ont été signalées pour port d'objets dangereux.
Les auditions de Jean Castex et Jean-Pierre Farandou ont été instructives ; je cite : « l'utilité de cette loi ne fait aucun doute. »
La commission de l'aménagement du territoire et du développement durable a émis un avis favorable, sous réserve de l'adoption de ses amendements.
Nos débats en commission ont été riches. Nous devons garder en tête que la plus grande restriction de liberté a lieu lorsque des Français renoncent à l'utilisation des transports en commun - or, en Île-de-France, 51,5 % des femmes craignent agressions ou vols. Laisser s'installer l'idée que les transports en commun sont des espaces criminogènes, c'est renoncer à inciter au report vers le mode de transport le plus décarboné !
Il ne me semble pas saugrenu de donner aux agents de la Suge ou du GPSR la possibilité, sous certaines conditions, d'interdire à un individu d'entrer en gare. Pour l'instant, ils n'ont qu'un pouvoir d'éviction, et sont obligés, si le contrevenant revient, d'attendre une nouvelle infraction pour raccompagner son auteur vers la sortie ! (Mme Sophie Primas s'en amuse.) Il est nécessaire d'adapter notre législation aux modes opératoires des contrevenants.
Ce texte apporte notamment trois avancées : protéger ceux qui sont en première ligne, les agents de sécurité, avec des caméras-piétons ; améliorer le continuum de sécurité en ne multipliant pas les plateformes de signalement ; veiller à réprimer plus efficacement les délits comme le bus surfing ou le train surfing, mais aussi les oublis de bagages.
La proposition de loi répond à une demande des opérateurs et de nos concitoyens. Au-delà des craintes liées aux JOP, cette proposition de loi contribue à apporter un supplément d'efficacité dans l'action, comme le disait Jean-Pierre Farandou. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)
M. Patrice Vergriete, ministre délégué chargé des transports . - Je salue l'initiative de cette proposition de loi, dont je remercie l'auteur Philippe Tabarot. L'actualité nous rappelle que ces dispositifs sont nécessaires pour permettre à nos concitoyens de voyager en sécurité dans nos transports publics, condition indispensable au report modal.
Le récent attentat à la gare de Lyon nous invite à rechercher les mesures juridiques et opérationnelles pour améliorer la sécurité et permettre aux agents d'intervenir le plus rapidement possible, en coopération avec les forces de l'ordre et dans le respect des libertés publiques.
Le nombre de vols et d'actes de violence diminue : moins 10 % par rapport à 2022, moins 15 % par rapport à 2016 ; ce n'est sans doute pas étranger aux mesures prises, même s'il faut poursuivre les efforts. Ainsi, cette proposition de loi s'inscrit dans la lignée des précédentes lois comme la LOM, la loi sur la sécurité globale ou celle sur les JOP.
Généralisation des arrêts à la demande, obligation d'étiquetage des bagages à bord des cars express, expérimentation des caméras individuelles pour les agents assermentés, possibilité de visionner en direct des images de vidéoprotection, la proposition de loi rappelle les grands enjeux de la sécurité dans les transports publics.
Elle renforce les pouvoirs des agents de sécurité, le continuum de sécurité, accentue le dispositif anti-fraude. Certains dispositifs nous aideront à organiser les JOP, comme le droit de visionner les images de vidéoprotection au centre de commandement de la préfecture de police, ou une plus grande mise à disposition des équipes cynophiles.
Le Gouvernement a décidé de compléter le texte et d'engager la procédure accélérée pour que les effets soient réels au moment des JOP. (Mme Isabelle Florennes s'en réjouit.) Je compte sur le débat parlementaire pour continuer à l'enrichir. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et au banc des commissions)
M. Pierre Jean Rochette . - Nos concitoyens sont toujours plus nombreux à emprunter les transports en commun, contribuant à la lutte contre le dérèglement climatique. Mais l'attractivité des transports ne dépend pas que des infrastructures : la moitié de nos concitoyens s'y déclare en insécurité. Nous ne pouvons nous en satisfaire.
Les JOP seront une épreuve pour les opérateurs des transports et les services de sécurité ; nous devons leur donner les moyens de la franchir. Plus de 15 millions de touristes sont attendus à cette occasion. Beaucoup a été fait, mais ce n'est pas suffisant.
La proposition de loi renforce les peines applicables aux délits dans les transports. Je salue l'auteur et la rapporteure, pour leur excellent travail qui correspond aux attentes du terrain - j'en sais quelque chose.
Le message essentiel est que les transports publics ne doivent pas être dégradés, que les règles doivent être les mêmes pour tous - ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.
Les actes d'incivilité - fumer, être en état d'ivresse, tirer le signal d'alarme sans raison - doivent être mieux sanctionnés et les récidivistes punis plus sévèrement.
La peine complémentaire d'interdiction de paraître dans les transports est un dispositif nouveau qui nous paraît efficace, notamment pour les auteurs d'infractions sexuelles.
Il suffit de prendre les transports après 22 heures pour se rendre compte qu'il y a peu de femmes seules ou avec enfants. N'auraient-elles pas besoin de mobilité ? Non, c'est qu'elles ont peur. Notre responsabilité est de leur rendre leur liberté de déplacement.
La commission a supprimé deux articles relatifs aux données personnelles et à la captation du son dans le train. Nous la suivrons, mais ces dispositions avaient pour objet d'améliorer la sécurité. La captation de sons peut être importante dans le cadre d'une enquête : à titre personnel, cela me semblait intéressant.
La proposition de loi pose le problème des oublis de bagages, qui causent des troubles coûteux. Distinguons abandon volontaire et oubli et punissons sévèrement le premier, qui n'est rien d'autre que du sabotage.
Les transports en commun luttent contre le dérèglement climatique et sont des instruments de développement pour nos territoires. Il est de notre devoir de les rendre sûrs. Le groupe Les Indépendants votera la proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe UC et sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)
Mme Isabelle Florennes . - Face à la multiplication des actes violents et des incivilités, doit-on faire preuve d'angélisme ou ajuster le cadre juridique actuel pour réprimer les comportements mettant en cause la sécurité et le bien-être des usagers ? La multiplication des attaques au couteau suppose de réviser les possibilités des services de sécurité, même si ces nouvelles mesures doivent être encadrées. Tout est question de proportionnalité : c'est là que se situe la frontière entre ce qui est acceptable et ce qui ne l'est pas.
Le Conseil d'État et le Conseil constitutionnel fournissent une jurisprudence à respecter en matière de respect des libertés - cela devrait aller de soi. La Cnil veille également au respect de nos libertés. Notre ancien collègue Robert Badinter, dont je salue la mémoire, avait donné un long entretien à la revue Le Débat en 2007, évoquant le juge à la Cour suprême américaine Félix Frankfurter, qui, confronté aux demandes du FBI pour des moyens supplémentaires, demandait systématiquement si les textes existants ne suffisaient pas. Je n'ai aucun doute : Philippe Tabarot s'est posé la question. Sa proposition de loi s'inscrit dans le prolongement de la loi Savary-Le Roux et de la loi Sécurité globale de 2021. En 19 articles, elle comble des lacunes et lutte contre les nouvelles formes de délinquance et d'incivisme.
Les oublis de bagage, jadis rarissimes, se sont multipliés, intentionnels ou non. En 2010, lors de la création du code des transports, les surfings - bus, train, métro - ne sont pas mentionnés, car, nés en Indonésie et en Russie, ils n'avaient pas cours en Europe avant de se répandre sous l'effet des réseaux sociaux.
Sur l'usage des fichiers, le contrôle de la Cnil est nécessaire. Mais rassurons-nous : en Chine, l'accès aux transports en commun est conditionné à la reconnaissance faciale, non bien sûr pour fluidifier, mais pour contrôler les déplacements des usagers.
Je n'entrerai pas dans la bataille des chiffres sur la progression des actes de délinquance ou de violence. Leur hausse est avérée du fait de la hausse du nombre de passagers et de l'apparition de nouvelles formes de violences et elle continuera si aucune mesure n'est prise.
Je salue le choix du ministre d'activer la procédure accélérée en vue des JOP. Le groupe UC votera cet excellent texte. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)
M. Guy Benarroche . - (Applaudissements sur les travées du GEST) L'exposé des motifs de la proposition de loi rappelle que le report modal a un rôle à jouer dans la lutte contre le changement climatique. J'ai un plaisir non feint à constater l'engagement du Sénat pour les transports collectifs, mais ce texte n'échappe pas à certains écueils. (On feint la déception sur les travées du groupe Les Républicains.)
Je partage le diagnostic de Philippe Tabarot, mais sa proposition de loi ne s'appuie sur aucune étude d'impact, comme l'a rappelé Jacques Fernique. (Mme Sophie Primas proteste.)
Vous connaissez notre réticence face au désengagement de l'État s'agissant des compétences régaliennes - que vous appelez « continuum de sécurité ». Il s'agit en réalité d'un continuum sécuritaire : mon collègue Thomas Dossus nous avait alertés sur cette confusion des genres lors de l'examen de la loi Sécurité globale.
La frontière est ténue entre opportunité et opportunisme. Les JOP alimentent les questionnements sur les enjeux de sécurité, mais ne doivent pas servir de justification à des mesures faisant l'objet de réserves d'interprétation du Conseil constitutionnel, dangereux gardien, selon certains, des droits et libertés...
Ce texte a été toiletté par les rapporteurs, qui ont limité les risques de censure. Ce texte renforce les prérogatives des agents dans les gares et crée de nouveaux délits. C'est un marronnier sécuritaire, qui néglige prévention et dissuasion, et ignore le besoin de mieux former et de mieux rémunérer les forces de l'ordre.
Le pragmatisme, oui, mais pas au prix de la multiplication des fichiers par exemple.
La commission a rectifié le tir sur les saisines. Désormais, les autorisations de palpations seront soumises à autorisation du préfet - c'est mieux.
Nous proposerons des mesures de bon sens, telles que l'obligation pour les agents de rappeler aux personnes ciblées qu'elles ne peuvent être fouillées sans leur consentement.
Que dire aussi de l'article 12, catalogue à la Prévert de nouvelles infractions : transport d'armes, tapage, ou mendicité... Quelqu'un qui oublie un bagage et une personne détentrice d'armes à feu risquent les mêmes amendes... Moi qui oublie souvent ma casquette...
L'article sur les algorithmes comprend un risque d'arbitraire trop important. Thomas Dossus et Jacques Fernique présenteront des amendements à ce sujet.
Ce texte, quoiqu'amélioré par la commission, ne permet pas de prévenir les délits. Faute de l'adoption de nos amendements, nous nous y opposerons. (Applaudissements sur les travées du GEST)
M. Pierre Barros . - Nous examinons la troisième loi sur la sécurité des transports en quelques années. Je regrette aujourd'hui l'absence d'étude d'impact et d'avis du Conseil d'État ; ce n'est pas un détail alors que nous parlons du quotidien de millions d'usagers, dans un contexte sécuritaire tendu, quelques jours après une attaque à la gare de Lyon. S'y ajoute la prochaine ouverture des JOP et ses 15 millions de visiteurs...
Ce texte est moins une proposition de loi qu'un catalogue de mesures qui acte, une fois encore, le désengagement de l'État du secteur régalien de la sécurité. Ainsi, sur décision du préfet de police, agents de la Suge et du GPSR pourront effectuer des palpations. Mais ils ne sont ni policiers ni gendarmes : quelles formations auront-ils ? Sur quelles données le préfet fondera-t-il sa décision ?
Comme l'avait dit Éliane Assassi lors de l'examen de la loi Savary, « cette proposition de loi oublie la spécificité de la mission de sûreté, à savoir la sécurité des infrastructures et la nécessité d'assurer la fluidité et la continuité de la circulation ». Sur ce point, votre texte est muet.
Le renforcement du continuum de sécurité reposerait sur la police municipale, dont les agents pourraient accéder aux véhicules. Au détour de ce texte, voilà une nouvelle prérogative pour les communes ! Et comment le pouvoir de police du maire sera-t-il appliqué - à moins de retenir le train en gare ? Les usagers apprécieront.
Quant au traitement algorithmique des images de vidéoprotection et de la captation du son, il relève d'une justice prédictive aux biais discutables. Même chose concernant le fichage des auteurs d'infractions dans les transports, retoqué par le Conseil d'État en 2016, et réécrit ici.
Depuis des années, les politiques de réduction du personnel ont conduit à fermer la plupart des guichets en gare, voire les gares elles-mêmes. La première agression que rencontrent les voyageurs le matin, c'est la saleté des trains, la promiscuité, les retards et suppressions, les portiques coincés, sans oublier le parcours du combattant des voyageurs avec bagages ou des parents avec poussettes ! Toute cette tension peut amener un sentiment d'insécurité.
La priorité est donc de réintroduire de l'humain dans les transports. La sécurité est un sujet important, notamment pour faciliter la transition vers les transports décarbonés. Débattons avec sérieux, sans créer de sécurité spécifique à un lieu. Le groupe CRCE-K votera contre ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K ; M. Olivier Jacquin applaudit également.)
Mme Véronique Guillotin . - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Cette proposition de loi rencontre l'actualité de façon dramatique, après l'attaque à la gare de Lyon du 3 février dernier. Outre la menace terroriste, 111 531 personnes ont été victimes de violences ou de vols dans les transports. La RATP a ainsi été amenée à généraliser l'arrêt à la demande après 22 heures. Pas moins de 87 % des femmes déclarent avoir été victimes de violences sexistes et sexuelles dans les transports.
Cette proposition de loi octroie donc aux agents des moyens supplémentaires et comble certaines lacunes - le RDSE y souscrit. Les agents pourront agir aux abords des gares si la situation le justifie : c'est du bon sens, comme la possibilité d'intervenir sur les réseaux de transport urbain qui leur sont connectés.
Même chose pour la possibilité offerte au maire ou au président d'EPCI de signer une convention prévoyant l'accès libre des policiers municipaux et des gardes champêtres aux transports.
La création d'une interdiction d'entrer en gare est opportune. Nous espérons toutefois plus de retenue sur la fouille des bagages, et l'amende de 7 500 euros pour mendicité nous semble inapplicable. Si ces espaces publics nécessitent des comportements adaptés, priorité doit être donnée au traitement des comportements dangereux.
Nous saluons l'expérimentation des caméras-piétons pour les chauffeurs de bus et de cars, qui sont en première ligne, comme le rappelle l'agression de Bayonne de 2020. Les arrêts de travail dus à des agressions ont ainsi été 14 % plus nombreux en 2022.
Le RDSE est attaché aux libertés publiques, mais regarde le sujet avec pragmatisme. Nous saluons le travail d'équilibre de la rapporteure, qui a supprimé plusieurs mesures, dont la saisie d'objets sensibles et la captation sonore.
Nous proposerons de supprimer l'amende de 2 500 euros pour oubli de valise, disproportionnée - je pense à une mère de famille chargée d'enfants et de bagages. On ne peut la sanctionner pour une telle inattention...
Si l'avis du Conseil d'État et l'étude d'impact eussent été bienvenus, le RDSE partage les préoccupations des auteurs de la proposition de loi et la votera. (Applaudissements sur les travées du RDSE et sur plusieurs travées des groupes UC et Les Républicains)
M. Olivier Bitz . - (Applaudissements sur les travées du RDPI ; Mme Nathalie Goulet et M. Franck Dhersin applaudissent également.) Plusieurs millions de personnes prennent chaque jour les transports en commun, dont la sécurité est un enjeu majeur ; car pas d'attractivité sans sécurité. L'État et les opérateurs doivent donc la garantir.
Les agents de sûreté de la Suge et du GPSR, aux côtés des forces de police et de gendarmerie nationales, sont des vigies opérationnelles. Dans notre pays touristique, la grande majorité des touristes empruntent les transports en commun. Cette proposition de loi a le mérite d'ouvrir le débat. Ainsi, la persistance des violences sexistes et sexuelles, des vols, de la menace terroriste alourdit le climat.
Le législateur a ainsi accordé des prérogatives spécifiques à la SNCF et à la RATP avec la loi du 12 juillet 1983. À l'avenir, il faudra réfléchir à étendre ces prérogatives au-delà de la région parisienne et de la SNCF.
Je salue le travail minutieux de Nadine Bellurot, nécessaire, car la version initiale suscitait des réserves, notamment sur la captation du son.
Certaines avancées sont pertinentes, comme l'usage des caméras-piétons par les conducteurs de bus, qui sont parfois l'objet de violences revendiquées inacceptables. Cette délinquance en sera mieux quantifiée, donc prévenue et réprimée.
Nous saluons aussi le droit de communication des données fiscales, pour fiabiliser le recouvrement des amendes.
En revanche, nous nous interrogeons sur la proportionnalité de l'article 14, qui délictualise l'abandon de bagage. S'il faut lutter contre ce phénomène, cette solution n'est ni la plus évidente ni la plus opérationnelle.
Desserrer l'étau autour des agents de la Suge et du GPSR part d'une intention louable, mais une extension du périmètre d'intervention trop large fragiliserait l'équilibre entre polices spéciale et générale.
L'enjeu principal est d'améliorer les moyens juridiques et opérationnels. Les intentions ne suffisent pas. Nous saluons donc l'intention de cette proposition de loi, mais nous arrivons au bout de ce que l'on peut faire, par petites touches, sans refondre le droit existant.
Le RDPI votera cette proposition de loi. (Mme Frédérique Puissat s'en réjouit ; applaudissements sur les travées du RDPI, ainsi que sur quelques travées des groupes UC et Les Républicains)
M. Christophe Chaillou . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Notre cadre législatif a évolué face aux dangers que rencontrent nos concitoyens dans les transports : les lois Savary-Le Roux et Sécurité globale ont octroyé de nouvelles prérogatives aux acteurs de la sécurité. Mais le terrible drame de la gare de Lyon montre qu'il faut toujours être vigilant.
Cette proposition de loi, largement amendée en commission, va encore plus loin en étendant la surveillance par de nouvelles technologies. L'engagement de Philippe Tabarot est connu, il faut le saluer, comme la qualité du travail de la commission et de la rapporteure. Si le texte est ainsi plus équilibré, il faut raison garder, et avoir comme boussole la sécurité des citoyens comme l'État de droit.
Nous sommes tous attachés à la sécurité dans les transports : la plupart d'entre nous ont eu des responsabilités dans les collectivités - monsieur le ministre, la ville de Dunkerque a de belles réalisations... (M. Patrice Vergriete sourit.) Nous ne faisons pas preuve d'angélisme.
M. Olivier Jacquin. - Exactement !
M. Christophe Chaillou. - Mais il faut maintenir un équilibre avec les libertés publiques. Le texte initial allait bien trop loin : limitations floues, efficacité douteuse. Sa réécriture est plus équilibrée et améliore le continuum de sécurité. Je souligne en particulier le chapitre premier, qui renforce les prérogatives des agents de sécurité. Les polices municipales doivent pouvoir accéder aux véhicules.
Nous saluons également la pérennisation des caméras-piétons pour les agents de contrôle. Enfin, l'article 8 bis crée un numéro d'appel unique bienvenu.
En revanche, nous avons des doutes sur d'autres dispositions : l'article 9, qui introduit des traitements algorithmiques ; l'article 12 qui ne semble pas proportionné ; l'article 13, qui souffre de paradoxes, la peine complémentaire d'interdiction de paraître étant inadaptée ; le baroque article 14, dont nous demanderons la suppression.
Le groupe SER ne votera le texte que si les articles 9, 12 et 14 sont supprimés. (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; MM. Pierre Barros et Jacques Fernique applaudissent également.)
Mme Marie-Claire Carrère-Gée . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Franck Dhersin applaudit également.) Rapporteure spéciale chargée des transports à la commission des finances, c'est aussi comme élue de Paris, femme et mère que j'interviens. L'Île-de-France représente deux tiers des victimes de violence dans les transports en commun. Comme femme, je revendique l'égalité des droits à les emprunter, tôt le matin comme tard le soir. (M. Pascal Martin approuve de la tête.) À ces heures extrêmes, des femmes, souvent parmi les plus modestes, craignent de devoir les emprunter, non pour sauver le climat, mais parce qu'elles n'ont pas le choix. Plus l'heure avance, et moins les femmes sont nombreuses dans les transports : on les comprend, puisqu'elles représentent 60 % des victimes de violence.
Comme mère, je partage la colère de tant de mères dont l'enfant a été agressé. Ce sentiment d'impuissance crée de la colère. Les adolescents, car ils vivent en milieu urbain, ne devraient pas être la proie de petits délinquants. Ce n'est pourtant pas faute d'une réaction vigoureuse de Valérie Pécresse, présidente d'Île-de-France Mobilités (IDFM), de la Fédération nationale des associations d'usagers des transports (Fnaut), et du professionnalisme des agents des transports.
Mais pour restaurer la confiance, les opérateurs doivent avoir tous les moyens juridiques de s'adapter. Je remercie donc Philippe Tabarot et la centaine de signataires de cette proposition de loi, laquelle vient directement du terrain.
Ainsi, près de 4 000 agents de sûreté pourront procéder à des palpations et poursuivre un délinquant en fuite au-delà de la porte de la gare. Les policiers municipaux pourront intervenir, les caméras-piétons amélioreront la sécurité des agents.
Enfin, le délit d'incivilité d'habitude est attendu par tous : ces comportements nuisibles pourrissent le quotidien. Je salue aussi l'interdiction de paraître dans les transports - nous l'avions fait pour les stades, il fallait l'étendre.
Je défendrai des amendements étoffant encore l'arsenal juridique et salue le travail de la commission : non, on ne peut conditionner les palpations à un arrêté du préfet. Des situations d'urgence justifient une intervention. On ne peut pas non plus priver les agents de l'écoute de ce qui se passe dans une rame. La liberté d'aller et venir s'applique, en outre, aux voyageurs, non pas aux objets, parfois dangereux même s'ils ne sont pas des armes.
Les transports sont essentiels à la qualité de vie des Français comme à celle des millions de touristes. Il faut donc aller aussi loin que possible, car rien n'est pire que l'impuissance et l'insécurité permanente. Il n'y a pas de liberté d'aller et venir sans transport sûr : je voterai ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC)
M. Joshua Hochart . - Quel voyageur n'a jamais été confronté à des actes de violence dans les transports en commun ? En 2021, 8 000 vols violents, 905 agressions sexuelles recensées en Île-de-France ! Partout sur le territoire, la violence devient une habitude. À Lille, le nombre de victimes a augmenté de 17 %.
Mme Audrey Linkenheld. - Selon quelle source ?
M. Joshua Hochart. - Des milliers de personnes se croisent chaque jour dans les gares, les métros. Au milieu de cette diversité, une constante : l'insécurité, la peur. Peur des agressions physiques, de la violence verbale, des propos sexistes, racistes, homophobes.
Mme Audrey Linkenheld. - Racistes ?
M. Joshua Hochart. - Certains diront que la violence est inévitable, un phénomène de société. Nous ne pouvons nous y résoudre. En 2019, 13 % des vols ont fini en violences, comme dans ce bus caillassé près de Bagneux, faisant trois blessés. C'est la réalité.
Pour résoudre ce fléau, il faut donner plus de pouvoir aux autorités de sûreté et recruter massivement des agents de la sûreté ferroviaire ou de la RATP. Il faut aussi une réflexion sur les compétences de la police municipale, troisième force de sécurité publique au contact des citoyens.
La violence dans les transports est un problème urgent qui nécessite une réponse collective. Ne restons pas des témoins passifs, il faut agir ! Nous voterons naturellement cette proposition de loi.
M. Olivier Jacquin . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. Jacques Fernique applaudit également.) Ce texte est intéressant. (« Ah ! » sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Cela commence mal...
M. Olivier Jacquin. - Je salue Philippe Tabarot, mon complice sur les sujets ferroviaires. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains ; M. Philippe Tabarot sourit.) En tant que spécialiste des transports, je pourrais presque valider cette proposition de loi - mais du point de vue des libertés publiques, elle pose de sérieuses questions.
Point d'angélisme, d'idéologie d'un autre âge : nous ne minimisons pas la réalité des violences et des incivilités dans les transports collectifs, dont nous sommes tous usagers. Je salue le professionnalisme reconnu des agents de la Suge et du GPSR, qui ont fait la preuve de leur efficacité. Ne déshabillons pas les uns pour habiller les autres !
Prenons garde à ne pas ouvrir sans condition l'intervention de la police municipale dans ces lieux sensibles. Prenons garde au recours étendu à des agents privés, sans condition de formation, pour compenser le manque d'effectifs de la Suge et du GPSR ou pour des raisons financières - donnons plutôt à ceux-ci des moyens en adéquation avec leurs missions ! Prenons garde à ne pas créer du mal-être parmi les agents de nos entreprises publiques, à quelques mois des JOP et de l'ouverture à la concurrence, alors que l'État leur délègue déjà une partie de ses responsabilités, sans contractualisation ni transfert des moyens correspondants...
Prenons garde au risque de dumping social, d'autant que l'ouverture à la concurrence complexifiera la lisibilité des responsabilités et donc du continuum de sécurité : la dispersion des effectifs de contrôle entre différents lots, donc différents opérateurs, rendra plus difficile la constitution de brigades.
Alors que d'aucuns parlent de réarmement, vous dites vouloir réarmer la Suge et le GPSR ? Mais ils sont déjà armés ! (Applaudissements à gauche)
Mme Else Joseph . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) À la veille des JOP, nous avons besoin d'un cadre adéquat pour la sécurité de nos transports publics, qui répondent aux exigences de la transition énergétique et satisfont aux besoins de mobilité de millions de voyageurs chaque jour.
Je salue le travail de terrain de Philippe Tabarot qui a abouti à ce texte important, cosigné par de nombreux collègues, ainsi que celui de la rapporteure Nadine Bellurot.
Les agressions, crimes et délits récents interrogent sur l'efficacité de nos dispositifs de sécurité. Gares et rames attirent violences et incivilités. La sécurité est une exigence primordiale, mais il est difficile de mobiliser en tout temps et en tous lieux une police nationale déjà fort sollicitée, et elle intervient généralement en dernier. Pour assurer le continuum de sécurité, il faut donc s'appuyer sur les agents de la Suge et du GPSR, formés et compétents, qui ont une connaissance précieuse du terrain.
Il existe cependant des trous dans la raquette. Lors de la récente attaque gare de Lyon, c'est un agent privé qui est intervenu le premier, avant la Suge, puis la police.
S'ils bafouent la loi, les délinquants savent parfaitement en invoquer les faiblesses dans les prétoires. Or la compétence des agents de la Suge et du GPSR pour constater et poursuivre les infractions sur les seules emprises immobilières et véhicules de transport soulève la question du périmètre d'intervention. Philippe Tabarot a cherché à répondre au cas du contrevenant se réfugiant sur une emprise extérieure. N'encourageons pas les criminels avec des querelles picrocholines de périmètres administratifs. La commission des lois a précisé que l'intervention aux abords immédiats est bien un droit de poursuite ; à ce titre, des caméras-piétons pourront être utilisées sur la voie publique par les agents des services internes de sécurité.
Il fallait aussi renforcer l'arsenal répressif. Le bus ou le train surfing n'a rien de ludique et fait parfois des victimes. Je me réjouis donc de la création d'un nouveau délit. Les retards dus à des bagages oubliés sont une véritable nuisance : là encore, le nouveau délit d'oubli des bagages est bienvenu. Le code pénal permet de sanctionner la négligence. Les contrevenants se font rarement prendre et le taux de recouvrement est calamiteux : désormais, les adresses pourront être vérifiées.
Ce texte est attendu par les usagers, et particulièrement les femmes, qui ont droit à la sécurité. Nous le voterons, tel qu'amendé par la commission. Je félicite Philippe Tabarot pour cette initiative essentielle à la coopération entre les forces de sécurité de l'État et des opérateurs. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)
Discussion des articles
Article 1er
M. Thomas Dossus . - Les propos de l'auteur du texte étaient inutilement clivants : à gauche l'angélisme, à droite le pragmatisme ? (« Oh ! » sur les travées du groupe Les Républicains) Ce matin-même, la préfète du Rhône se félicitait de la baisse de 28 % de la délinquance dans les transports de la métropole de Lyon - dirigée par les écologistes !
Nous pourrions examiner les textes en sortant de nos clivages partisans. (« Chiche ! » à droite) Nous abordons ce texte avec pour boussole le nécessaire équilibre entre libertés publiques et sécurité. (Applaudissements sur les travées du GEST, ainsi que sur plusieurs travées des groupes SER et CRCE-K)
M. le président. - Amendement n°41, présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. Fernique, Gontard, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, M. Dossus, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.
Supprimer cet article.
M. Guy Benarroche. - Cet article 1er permet aux agents de la Suge et du GPSR de procéder à des palpations de sécurité et au retrait d'objets dangereux - or seul un officier de police judiciaire (OPJ) a cette compétence. On risque d'exacerber les tensions et délits de faciès.
La palpation de sécurité est exclusivement une mesure de sûreté ; elle ne revêt pas de caractère systématique. En ouvrant cette possibilité à un large spectre de personnes, sans garantie de formation, cet article fait courir un risque de dérives sécuritaires.
M. le président. - Amendement identique n°61, présenté par M. Barros et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky.
M. Pierre Barros. - Cet article introduit un dangereux mélange des genres. Chacun doit faire son travail, et seulement son travail. N'étendons pas les compétences des uns aux autres. Lors des émeutes, ce sont les dysfonctionnements de coordination qui ont créé des risques de sécurité. Chacun son boulot !
Mme Nadine Bellurot, rapporteure. - Avis défavorable, car cela revient à supprimer les prérogatives des agents de la Suge et du GPSR en matière de palpation de sécurité.
En l'état du droit, de telles palpations sont conditionnées à un arrêté préfectoral instituant un périmètre de sécurité ou constatant l'existence de menaces graves pour la sécurité publique. Le texte initial permettait des palpations inopinées, en l'absence d'autorisation préfectorale. La commission a opté pour une autorisation au niveau de la préfecture de police de Paris. C'est une mesure d'efficacité et de simplicité pour les acteurs concernés, qui ne remet pas en cause l'autorisation préfectorale.
M. Patrice Vergriete, ministre délégué. - Avis défavorable. Le Gouvernement soutiendra l'amendement n°33 rectifié qui rétablit la rédaction de l'article 1er. Les agents de la Suge et du GPSR, assermentés, doivent pouvoir procéder à des palpations de sécurité si des éléments laissent à penser qu'une personne pourrait détenir des objets dangereux, et saisir des objets dangereux, gênants ou incommodants, susceptibles d'être introduits dans les véhicules.
Les amendements identiques nos41 et 61 ne sont pas adoptés.
M. le président. - Amendement n°33 rectifié, présenté par Mmes Florennes et Gatel et MM. Marseille et Longeot.
Rédiger ainsi cet article :
Le chapitre Ier du titre V du livre II de la deuxième partie du code des transports est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa de l'article L. 2251-9 est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés :
« Les agents des services internes de sécurité de la SNCF et de la Régie autonome des transports parisiens peuvent procéder à l'inspection visuelle des bagages et, avec le consentement de leur propriétaire, à leur fouille.
« Les agents des services internes de sécurité de la SNCF et de la Régie autonome des transports parisiens peuvent, en cas de circonstances particulières liées à l'existence de menaces graves pour la sécurité publique ou lorsqu'un périmètre de protection a été institué en application de l'article L. 226-1 du code de la sécurité intérieure, procéder, avec le consentement exprès des personnes, à des palpations de sécurité. Dans ce cas, la palpation de sécurité doit être faite par une personne de même sexe que la personne qui en fait l'objet. En l'absence d'arrêté instituant un périmètre de protection, ces circonstances particulières sont constatées par un arrêté du représentant de l'État dans le département ou, à Paris, du préfet de police, qui en fixe la durée et détermine les lieux ou catégories de lieux dans lesquels les contrôles peuvent être effectués. Cet arrêté est communiqué au procureur de la République.
« Si des éléments objectifs laissent à penser qu'une personne pourrait détenir des objets susceptibles de présenter un risque pour la sécurité des personnes ou des biens, les agents mentionnés à l'alinéa précédent peuvent procéder, avec le consentement exprès de la personne, à des palpations de sécurité en l'absence de circonstances particulières liées à l'existence de menaces graves pour la sécurité publique ou de périmètre de protection. » ;
2° Il est ajouté un article L. 2251-10 ainsi rédigé :
« Art. L. 2251-10. - Lorsque des objets autres que des armes qui, par leur nature, leur quantité ou l'insuffisance de leur emballage, peuvent être dangereux, gêner ou incommoder les voyageurs sont découverts à l'occasion des mesures de contrôles réalisées en application de l'article L. 613-2 du code de la sécurité intérieure ou dans le cadre des missions de prévention des agents des services internes de sécurité de la SNCF et de la Régie autonome des transports parisiens, ces agents peuvent retirer lesdits objets avec le consentement de leur propriétaire.
« En cas de refus, les agents mentionnés au 5° du I de l'article L. 2241-1 du présent code peuvent mettre en oeuvre les mesures prévues à l'article L. 2241-6. Il est rendu compte à l'officier de police judiciaire compétent de la saisie des objets mentionnés au premier alinéa du présent article.
« Les modalités d'application du présent article sont définies dans un décret en Conseil d'État. »
Mme Isabelle Florennes. - Cet amendement rétablit la rédaction initiale autorisant les agents à procéder à des palpations de sécurité lorsqu'existent des éléments objectifs laissant penser qu'une personne détient des objets présentant un risque pour la sécurité des voyageurs, et à appréhender ces objets.
Le danger pouvant survenir de manière inattendue, subordonner ces palpations à une autorisation administrative préalable n'est pas pertinent.
Actuellement, les agents peuvent saisir des armes classifiées, mais pas d'autres objets dangereux - couteau de boucher, pic à glace, batte de baseball, etc. Faute d'OPJ sur place, l'individu est laissé libre avec l'objet en sa possession.
Mme Nadine Bellurot, rapporteure. - Je comprends qu'il soit tentant de rétablir le texte initial, mais celui-ci ne répond pas aux exigences constitutionnelles. Il est attentatoire à la liberté d'aller et venir, au droit à la vie privée, à l'interdiction de déléguer à des personnes privées des compétences de police administrative inhérentes à la force publique. C'est pourquoi nous avons proposé plutôt que le préfet de police de Paris accorde une autorisation générale de palpation sur l'ensemble du territoire de l'Île-de-France.
Comme je m'y étais engagée en commission, je proposerai un amendement pour permettre une immobilisation temporaire des objets dangereux, car la saisie et la confiscation sont des prérogatives exclusives de l'autorité judiciaire. Retrait, sinon avis défavorable.
M. Patrice Vergriete, ministre délégué. - Avis favorable.
Mme Marie-Claire Carrère-Gée. - Je voterai l'amendement n°33 ; mon amendement est de repli.
M. Jean-François Longeot. - Je voterai cet amendement.
Ce texte est important, et nous devons aller au bout de la démarche. Trop souvent, on regrette trop tard de ne pas avoir pu agir. Pour une fois, nous avons l'occasion de faire les choses dans le bon ordre. Je n'ai pas entendu en audition les présidents de la RATP et de la SNCF s'opposer à cette proposition - bien au contraire ! Le bon sens commande de voter cet amendement.
M. Christophe Chaillou. - Nous sommes très défavorables à cet amendement qui autoriserait la palpation hors de tout cadre administratif. Quant au retrait d'objet, c'est une compétence exclusive de l'autorité judiciaire !
M. Philippe Tabarot. - Je ne peux m'opposer à cet amendement, même s'il en fait tomber deux des miens...
Mme Nadine Bellurot, rapporteure. - Et le mien !
M. Philippe Tabarot. - L'amendement du rapporteur traite de la saisie des armes dans les véhicules, mais pas dans les gares.
Je reste persuadé que les agents doivent pouvoir opérer des palpations de sécurité préventives, avec l'accord de la personne, sans arrêté préalable. C'est d'ailleurs le cas dans les stades de football, par des agents qui n'ont pas la même formation ni le même agrément que ceux de la Suge et du GPSR.
M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois. - J'entends ces propos mais je veux rappeler le contexte. Si vous votez cet amendement, vous autorisez les palpations sur toute personne, pour tout objet, sans cadre juridique. Attention aux conséquences !
Je préfère la solution de la commission, avec un arrêté préfectoral général qui fournit un cadre juridique. Je rappelle notre avis très défavorable à l'amendement n°33 rectifié. (Marques d'incompréhension sur quelques travées du groupe Les Républicains)
À l'issue d'une épreuve à main levée déclarée douteuse, l'amendement n°33 rectifié, mis aux voix par assis et levé, est adopté.
M. Olivier Jacquin. - Anticonstitutionnel !
L'article 1er est ainsi rédigé et les amendements nos71 rectifié bis, 53 rectifié, 79, 42, 72 rectifié bis, 80 et 55 rectifié n'ont plus d'objet.
La séance est suspendue à 20 heures.
Présidence de Mme Sophie Primas, vice-présidente
La séance reprend à 21 h 30.