Interdire les dispositifs électroniques de vapotage à usage unique (Procédure accélérée)

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à interdire les dispositifs électroniques de vapotage à usage unique.

Discussion générale

Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé et des solidarités .  - La France paie un lourd tribut chaque année au tabagisme, première cause de mortalité évitable : 75 000 décès par an, soit 200 par jour. Si les moins de 20 ans arrêtaient de fumer demain, la mortalité par cancer diminuerait de 40 % dans les cinquante prochaines années.

La loi Veil de 1976 puis la loi Evin de 1991 ont modifié la perception du tabac. Nous portons une attention particulière à l'entrée des jeunes dans le tabac : les fumeurs quotidiens de 17 ans sont passés de 25,1 à 15,6 % entre 2017 et 2022. Mais l'âge moyen de la première cigarette est autour de 14 ans. Il faut agir résolument contre les nouvelles tendances de vapotage. Je salue donc cette proposition de loi.

Le marketing de ces produits - couleurs, saveurs, prix bas - est fait pour attirer les jeunes, alors que des produits arrivent sur le marché qui équivalent à dix-huit paquets de cigarettes !

La puff n'est pas un dispositif de sevrage. Sur les 13-16 ans, un jeune sur dix a essayé la puff, alors qu'elle peut contenir 20 milligrammes de nicotine par millilitre. Elle apprend le geste de fumer.

Ce combat nécessite de l'engagement et de la ténacité, nous l'aurons !

La puff est aussi un fléau environnemental : non rechargeable et non recyclable, sa fabrication consomme beaucoup d'eau et de pétrole. Un territoire de la République, la Nouvelle-Calédonie, en a déjà interdit l'importation. Nos voisins belges, allemands ou irlandais mettent en place des interdictions similaires à celle que nous examinons aujourd'hui.

Le 22 juin 1976, Simone Veil défendait le projet de loi de lutte contre le tabagisme : « limiter la politique de santé à la seule médecine de soins en s'abstenant de remédier lorsque c'est possible aux causes mêmes des maladies serait à la fois illogique et injustifié, aussi bien sur le plan humain que du point de vue économique. » Tout était dit.

Ce combat de la prévention, nous le continuons avec le plan de novembre 2023, pour rendre le tabac moins attractif et moins abordable. Pour protéger notre environnement, nous instaurons des espaces extérieurs sans tabac ; nous soutenons les buralistes face aux transformations de leur métier ; nous renforçons la recherche. Comme l'a indiqué le Président de la République, notre objectif est une génération sans tabac d'ici à 2030. C'est un défi sociétal et nous devons être à la hauteur !

Bravo pour ce travail transpartisan, issu d'une proposition de loi signée par huit groupes différents et merci au rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur quelques travées du groupe Les Républicains)

M. Cédric Chevalier.  - Bravo !

M. Khalifé Khalifé, rapporteur de la commission des affaires sociales .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Pierre Médevielle applaudit également.) Cette proposition de loi a été votée le 4 décembre dernier à l'unanimité à l'Assemblée nationale.

La France est le troisième marché mondial de la cigarette électronique, pour un chiffre d'affaires de 1 milliard d'euros et 3 millions de vapoteurs. Les puffs sont un nouveau segment de ce marché en progression depuis 2021. Il était temps qu'elles fassent l'objet de notre attention.

Sous une apparence inoffensive, elles sont loin d'être anodines ; elles n'ont pas pour rôle de sevrer des fumeurs, mais de capter de nouveaux consommateurs de nicotine. En effet, 80 % des puffs vendues en France contiennent de la nicotine. Pas moins de 15 % des 13-16 ans en ont consommé et 47 % d'entre eux disent avoir été initiés à la nicotine avec une puff.

La nicotine est une drogue dure, car elle crée une dépendance très forte ; c'est une drogue triste, sans effet euphorisant. Les jeunes dont le développement cérébral n'est pas encore en maturité sont particulièrement vulnérables à ses effets. Sous forme de sels, son inhalation est facilitée, ce qui peut conduire à en absorber des quantités plus importantes qu'avec le tabac. De plus, les aldéhydes, ces substances néo-chauffées issues de la combustion partielle du liquide, sont probablement toxiques et cancérigènes, mais nous manquons de recul à ce jour pour consolider les données scientifiques existantes.

Les puffs sont peu onéreuses et accessibles partout aux adolescents. Les modèles les plus récents ne respectent pas forcément les normes, que ce soit le format de réservoir, limité à 2 millilitres, ou le taux maximal de nicotine, fixé à 20 mg par millilitre.

Nous devons proposer un texte agile et englobant. Une interdiction de leur importation pourrait ne pas être conforme au droit européen, mais l'interdiction de leur fabrication et de leur vente devrait suffire. Les puffs sont aujourd'hui fabriquées en Chine et aucune filiale de production n'existe en France.

Cette proposition de loi n'est pas un aveu d'échec, mais une avancée. L'interdiction générale sera plus facile à faire respecter qu'une interdiction pour les seuls mineurs. L'amende de 100 000 euros sera dissuasive.

Néanmoins, des moyens de contrôle doivent accompagner le texte ; ils sont aujourd'hui notoirement insuffisants face à la vente via les réseaux sociaux et l'ubérisation du commerce. En tant que membre de la commission d'enquête sur le narcotrafic, je suis soucieux d'empêcher les contournements de la loi en la matière. Nous pourrions envisager un contrôle de la majorité lors de l'achat en ligne des produits du tabac ou du vapotage, même si le sujet est complexe.

Sur l'impact environnemental de ces produits, au Royaume-Uni, 5 millions de puffs sont jetées chaque semaine contre 1,3 million il y a un an, soit une multiplication par quatre ! Les cigarettes électroniques jetables ont une batterie au lithium non amovible. Nous épuisons donc les réserves de ce métal utile pour des produits nocifs à la vie courte... Ce modèle doit nous interpeller. Les déchets sont aussi un problème. Et le lithium provoque des incendies dans les centres de traitement des déchets.

Cette interdiction ne pourra entrer en vigueur que si la Commission européenne l'approuve : pour faire exception au principe de libre circulation des marchandises, il faut des motifs spécifiques et poursuivre un objectif de protection de la santé publique. Alors que la Commission rendra son verdict pour la Belgique en mars prochain, la position de la France est scrutée. Pour faire avancer la directive sur les produits du tabac, sa voix doit porter pour être entendue.

L'article unique de cette proposition de loi est lourd d'enjeux. Je suis convaincu qu'il faut l'approuver. À ceux qui craignent un report sur le tabac, je réponds qu'il est de notre responsabilité de poursuivre et d'accentuer nos efforts contre toutes les formes de tabagisme. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP et du GEST)

Mme Solanges Nadille .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Après des années de politique de santé publique volontariste, l'usage du tabac est en baisse chez les jeunes.

L'industrie essaie pourtant de les attirer dans ses filets. L'usage des puffs s'est imposé très vite : 15 % des jeunes de 13 à 16 ans en ont utilisé une et 47 % d'entre eux ont été ainsi initiés à la nicotine. Environ 30 % des références notifiées à l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) concernent les puffs, contre moins de 4 % fin 2021.

Il faut le dire haut et fort : la puff est en train de devenir un fléau pour nos jeunes. En interdisant la vente de cigarettes électroniques à usage unique, nous répondons d'abord à une question sanitaire. La nicotine, fortement addictive, est associée à des troubles anxio-dépressifs chez les usagers. La puff ouvre la voie à la dépendance et à l'accoutumance au geste de fumer. C'est un modèle commercial décomplexé qui cible les adolescents. Elle est peu chère -  entre 8 et 12 euros pour 600 à 2 000 bouffées. Ses saveurs sucrées sont vantées par une promotion active sur les réseaux sociaux, en dépit de l'interdiction.

La puff est aussi à contre-courant des enjeux écologiques, en raison des déchets qui se retrouvent parmi les ordures ménagères, alors qu'ils devraient relever d'une filière spécifique. L'inamovibilité de leur batterie les rend presque impossibles à recycler. Le lithium est responsable de départs de feux, qui détruisent un centre de tri chaque année en France.

La législation en vigueur est en échec : la publicité est interdite, la vente est interdite aux mineurs et l'usage en est prohibé notamment dans les établissements scolaires, mais un quart des jeunes trouve facile de s'en procurer. Il faut donc des sanctions dissuasives.

Le RDPI, remerciant la commission pour ses apports, est favorable à ce texte, qui ne résoudra cependant pas tous les problèmes. Aurélien Rousseau avait annoncé un double objectif : une génération sans tabac d'ici à 2032 et accompagner les fumeurs dans l'arrêt du tabac.

L'arrivée du tabac à chauffer, le tabac à mâcher et les sachets de nicotine doivent aussi être mieux anticipés. Ce sont encore 200 Français qui meurent chaque jour par le tabac.

Claude Evin le disait : la lutte contre le tabagisme et l'alcoolisme ont toujours eu dans nos institutions une valeur symbolique, car elles portent sur des habitudes de vie qui mènent à la mort ou à la souffrance. Ce texte n'est qu'une étape de la lutte. Continuons à prendre ce sujet à bras-le-corps ! (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Jean-Luc Fichet .  - Cette proposition de loi transpartisane a été signée par des membres de huit groupes. Je salue d'abord le travail du rapporteur, M. Khalifé.

Les puffs ne contiennent pas de tabac, mais de la nicotine. Il faut les différencier des dispositifs de vapotage pouvant servir à sortir du tabagisme. Il est urgent de les interdire, car elles visent les adolescents, alors que leur vente est interdite aux mineurs - mais leur format minimaliste est aisément dissimulable aux parents. Leur design ludique plaît beaucoup et elles suscitent un fort risque d'addiction. Les puffs, apparues en 2021, sont moins chères qu'un paquet de cigarettes. Les industriels du tabac mettent les « bouffées » doubles !

Selon l'Alliance contre le tabac, 28 % des adolescents utilisant la puff ont été initiés à la nicotine à travers ce produit et 17 % d'entre eux se sont ensuite tournés vers une autre forme. Il est urgent d'agir, car 15 % des 13-16 ans ont déjà utilisé une puff.

Comme le dit Frédéric Le Guillou, pneumologue et président de l'association Santé respiratoire France, les puffs sont une porte d'entrée dans l'addiction à la nicotine, puis au tabac. Les industriels du tabac sont très inventifs pour préserver leur commerce mortifère.

La 9K, nouvelle puff ultrapuissante, contient 9 000 bouffées, soit 18 paquets de cigarettes, toujours avec un packaging coloré et parfois clignotant. Selon l'Académie de médecine, ce sont des pièges pour les adolescents. Les irritants dans ces puffs peuvent aggraver les maladies préexistantes chez les adolescents.

Comment ne pas penser aux prémix, boissons dont l'alcool est masqué par du sucre. Quel cynisme !

Les buralistes n'ont pas le droit de vendre des puffs 9K et, responsables, ils soutiennent une interdiction générale. Mais les mineurs peuvent s'en procurer via les réseaux sociaux et les influenceurs, alors que la publicité est interdite - on voit combien la loi du 9 juin 2023 sur les influenceurs, à l'initiative de députés socialistes, est importante.

Les puffs ont un coût moral et humain, mais aussi pour la sécurité sociale. Le tabagisme est la première cause de mortalité évitable en France ! Il a causé la mort de 75 000 personnes en 2015.

Les puffs sont ultratoxiques pour l'environnement, car leur fabrication consomme beaucoup de pétrole et d'eau et elles sont des déchets mal collectés et mal recyclés. C'est un contresens écologique.

Le groupe SER votera ce texte. J'espère qu'il sera adopté à une très forte majorité, voire à l'unanimité, tant l'interdiction est soutenue par les citoyens, les chercheurs, mais aussi les buralistes.

Le Gouvernement devra le notifier à la Commission européenne -  qui valide les exceptions à la libre circulation pour des motifs spécifiques à la situation de l'État et des préoccupations de santé publique. Nous comptons sur sa mobilisation sans faille !

Mme Chantal Deseyne .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Élisabeth Doineau applaudit également.) Difficile d'être originale sur un texte aussi consensuel... Les puffs sont une aberration environnementale, étant composées de plastique et d'une batterie non amovible au lithium ; elles devraient être recyclées par la filière de retraitement des appareils électroniques, mais elles lui échappent. Leur petite taille et leur batterie incorporée rendent impossible de les dépolluer sans lourds moyens. Le lithium entraîne des incendies dans les centres de tri et nuit à la santé des travailleurs.

Les puffs constituent également un risque majeur de santé publique, surtout pour les jeunes. Les adolescents les plébiscitent : leur usage quotidien a triplé entre 2017 et 2022 chez les jeunes de 17 ans.

Les puffs font évoluer les représentations du tabac chez les jeunes, grâce à leur prix et leurs saveurs sucrées. Le rapport de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst) sur les nouveaux produits du tabac souligne une corrélation entre puffs et entrée dans le tabagisme : la dépendance au geste est une porte d'entrée. Ainsi, 47 % des jeunes se sont initiés à la nicotine par la puff ! L'interdiction de la vente aux mineurs est très peu respectée.

La plupart des experts s'accordent pour affirmer que les émissions produites par les cigarettes électroniques sont moins nocives que la fumée du tabac, mais cela n'est pas synonyme d'absence de dangerosité, car le mode d'exposition complexifie l'évaluation des risques : de nombreux arômes sont considérés comme sûrs lorsqu'ils sont ingérés par voie orale, mais leur innocuité n'est pas nécessairement établie après chauffage et inhalation.

L'interdiction des puffs est un impératif de santé publique, mais en vertu du principe de libre circulation des marchandises, la Commission européenne doit l'approuver. La France est scrutée par cette dernière et des pays comme l'Allemagne et l'Irlande.

Je salue le travail du rapporteur. Le groupe Les Républicains votera ce texte de santé publique et de protection de l'environnement. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du RDPI)

Mme Marie-Claude Lermytte .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et du RDPI ; Mme Élisabeth Doineau applaudit également.) Colorées, aromatisées à la fraise, à la pastèque ou à la mangue, les puffs pourraient se confondre avec des paquets de bonbons ! Aucun doute sur la cible marketing : les jeunes.

Ceux-ci consomment moins de tabac : moins d'un sur deux déclarait avoir fumé en 2022, contre 60 % en 2017 ; il y a deux fois moins de jeunes de 17 ans qui fument tous les jours qu'il y a dix ans. Efficacité des campagnes de prévention, augmentation du prix du paquet, loi Evin, covid... peu importent les causes, il y a lieu de s'en féliciter.

Le tabac est la première cause de mort évitable, avec 45 000 décès par cancer chaque année. Mais l'usage de la cigarette électronique a triplé en cinq ans. En 2021, elle rencontre un vrai succès chez les jeunes par le packaging, mais aussi par la vente à l'unité, moins chère qu'un paquet de cigarettes coûtant 11 euros pour 300 bouffées : une puff de 800 bouffées coûte 7 euros !

La cigarette électronique, censée ne dégager ni goudron ni monoxyde de carbone, est loin d'être inoffensive : elle peut contenir de la nicotine et d'autres substances toxiques telles que l'acide benzoïque, dont on ne connaît pas encore les effets à long terme.

L'OMS considère ce produit comme nocif et addictif. Hélas, aucune étude scientifique ne permet d'affirmer qu'elle serait moins dangereuse que la cigarette.

Je salue le rapporteur : les puffs ne cherchent pas tant, vous l'avez dit, à réduire la consommation des fumeurs qu'à capter un jeune public.

Il s'agit aussi d'une aberration environnementale, pour citer l'auteure de la proposition de loi. Un mégot dure douze ans et 23,5 millions d'entre eux sont jetés dans l'espace public en France, pour un coût de nettoyage de 100 millions d'euros par an pour les collectivités. Or les puffs contiennent du plastique, mais aussi des métaux lourds comme le lithium, le chrome, le nickel, le mercure, le cobalt, le fer, l'aluminium, le cuivre, le zinc ou encore le plomb. Rien de moins ! Il est impossible de les recycler.

Interdire ce produit est une évidence. Espérons que la Commission sera de cet avis. Les Indépendants voteront en faveur de la proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et du RDPI)

Mme Élisabeth Doineau .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC et du RDPI) Le 28 novembre dernier, Aurélien Rousseau présentait son programme national de lutte contre le tabagisme 2023-2027, continuant sur la lancée du précédent, plutôt efficace, puisque 2 millions de fumeurs quotidiens en 2018 ont arrêté de consommer en 2022. C'est encourageant ! Ce programme vise une génération sans tabac. Je salue les engagements du ministère, dont je ne doute pas que vous les suivrez, madame la ministre !

Le 4 décembre 2023, en première lecture, l'Assemblée nationale votait l'article unique de cette proposition de loi. Les puffs sont commercialement présentées comme ludiques grâce à leur emballage coloré. Leur prix - 7 euros  - est aussi attractif. Le marketing vise les jeunes : 73 % des mineurs en ont entendu parler, malgré l'interdiction pénale. Pas moins de 57 % des mineurs les ont testées - 13 % des 13-16 ans. Je salue les travaux de Catherine Procaccia au sein de l'Opecst à ce sujet, et renvoie à son étude produite avec Gérard Leseul.

M. Stéphane Piednoir.  - Très bien !

Mme Élisabeth Doineau.  - Le tabagisme est la première cause de mortalité évitable en France. Le tabac coûte 1,6 milliard d'euros à l'État pour un coût social annuel de 160 milliards. Il y a urgence à interdire ces portes d'entrée vers le tabac !

Une seule puff contient 500 bouffées, soit un paquet de cigarettes entier, avec 2 % de nicotine, substance addictive et nocive pour le développement cérébral.

Le premier axe du plan national vise à protéger les jeunes. Or pour la moitié d'entre eux, les puffs sont la porte d'entrée dans le tabagisme, d'autant plus que nous avons l'objectif de faire passer la part des fumeurs à moins de 13 % en 2026 et à moins de 10 % en 2028.

Les interdire est aussi indispensable d'un point de vue écologique. L'alliance contre le tabac souligne que les puffs sont déjà sur nos plages ou dans la mer ! Elles sont faites de plastique, à la production énergivore, désastreux pour la biosphère. Quant au lithium, il peut s'embraser dans la nature, contribuant aux catastrophes forestières.

Dernier chiffre incitant à agir vite : selon une enquête britannique, deux puffs sont jetées chaque seconde !

La Commission européenne aura six mois pour rendre son avis sur cette loi. Je rappelle notre déconvenue s'agissant du texte de Valérie Létard sur le protoxyde d'azote : malgré sa promulgation en 2021, il reste bloqué ! Pour écarter la libre circulation des marchandises, il faudrait un motif lié à la situation spécifique du pays et une préoccupation de santé publique.

Allemagne, Belgique et Irlande travaillent sur des législations similaires : ce tir groupé pourrait nous aider à protéger nos enfants et l'environnement. Le groupe UC votera ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, INDEP, RDPI et du GEST)

Mme Anne Souyris .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) Vous avez tous vu cet objet coloré de 10 cm et de moins de 7 euros : c'est une bombe à retardement pour la santé et l'environnement ! C'est en effet la porte d'entrée vers le tabagisme des jeunes.

Je remercie Francesca Pasquini, députée écologiste, d'avoir porté cette loi, ainsi que le rapporteur pour son engagement.

Aromatisées, fruitées, sucrées, aguicheuses, d'un prix abordable, les puffs sont un danger de santé publique à court et à moyen terme. Elles élargissent l'offre de l'industrie du tabac, tout en attirant des consommateurs dans un univers de nicotine. Même si leur effet à long terme n'est pas encore totalement connu, les substances des puffs peuvent provoquer des cancers et des pathologies cardiaques et pulmonaires.

Les puffs deviennent un outil d'augmentation des risques, porte d'entrée à l'addiction à la nicotine. La moitié des jeunes vapoteurs quotidiens entrent dans le tabac. Même les puffs sans nicotine asservissent les jeunes au geste du vapotage.

Après deux ans d'existence en France, les puffs sont utilisées par 13 % des adolescents. Alors que la vente de tabac baisse, le vapotage augmente. L'usage quotidien a triplé chez les adolescents en peu d'années. L'objectif d'une génération sans tabac pour 2032, après s'être approché, s'éloigne. La prévalence du tabac chez les jeunes de 17 ans avait baissé depuis 2017 au-delà des espérances, mais les puffs risquent de renverser la tendance. Que dire de la prédation des industriels sur les jeunes à peine entrés au collège - couleurs aguichantes, parfums ? Cette mode est accentuée par des influenceurs de réseaux sociaux payés pour se mettre en scène avec ces produits. La dernière puff, la plus toxique, est exhibée à ses camarades de classe pour pouvoir se vanter dans la cour de récréation ou devant le collège. Vapoter la dernière puff, c'est évidemment stylé. L'industrie du tabac s'attaque à des enfants !

Quelque 5 millions de puffs sont jetées chaque semaine au Royaume-Uni : le problème est aussi écologique. Ces déchets pourraient alimenter 5 000 véhicules électriques par an outre-Manche ! Elles ne sont pas recyclées. Ces déchets polluent les sols durablement.

Il est de notre responsabilité collective d'interdire les puffs ; je sais que le Sénat ira en ce sens, comme je sais la ministre attentive à ce que la loi s'applique rapidement. (Applaudissements sur les travées du GEST et du groupe SER)

Mme Silvana Silvani .  - Le 4 décembre 2023, l'Assemblée nationale adoptait à l'unanimité cette proposition de loi, mais les industriels du tabac n'ont pas attendu le vote du Sénat pour lancer la Maxi Puff, encore plus dangereuse : 9 000 bouffées, soit 18 paquets de cigarettes ! L'industrie du tabac, reconnaissons-le, se trompe rarement en marketing ! Dès le collège, les jeunes s'arrachent ces produits multicolores, bardés de LED. Il est bien loin, le temps des cigarettes en chocolat ! (Sourires)

Dans une tribune du 30 avril 2023 dans Le Monde, une vingtaine de spécialistes soutenaient cette initiative parlementaire, qualifiant les puffs de « fléau environnemental et sanitaire » à « interdire d'urgence ».

Les puffs sont une aberration environnementale du fait du plastique et du lithium, entraînant une grande consommation d'énergie et d'eau.

Elles sont une porte d'entrée vers la consommation de nicotine. Le marketing de l'industrie du tabac est agressif au mépris de la santé publique. L'interdiction de vente aux mineurs est déjà contournée : 47 % des jeunes l'ont déjà essayée. L'Académie de médecine parle d'un « piège sournois ».

Pourtant, le consensus autour de l'interdiction des puffs nécessite une validation de la Commission européenne, qui a rejeté une telle interdiction en Belgique. Le Gouvernement devra peser pour la validation de ce texte et en faveur de l'actualisation de la directive sur les produits du tabac. La sacro-sainte liberté de circulation des marchandises ne doit pas primer sur la santé des jeunes ! Le groupe CRCE-Kanaky votera ce texte.

Mme Maryse Carrère .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE ; M. Bernard Buis applaudit également.) Cette proposition de loi a fait l'objet d'un consensus chez les acteurs politiques et économiques, comme la confédération des buralistes, pour lesquels ce produit ne représente qu'une part négligeable des ventes.

J'espère que la France parviendra à justifier auprès de la Commission cette interdiction, notamment son caractère proportionné.

L'objectif est double : santé publique et écologie. La puff fait l'objet d'un marketing agressif. Loin d'être l'outil de sevrage tabagique préféré des fumeurs, elle en est la porte d'entrée ! Le nombre des consommateurs de 17 ans a triplé en quelques années. La puff est si ancrée dans les usages des jeunes qu'un tiers d'entre eux pense que la vente leur est autorisée !

Ensuite ce texte est une évidence écologique. Les composants des puffs sont difficilement réutilisables. Il s'agit d'un défi pour un pays encore très fumeur comme le nôtre.

Cette proposition de loi est un premier pas pour que le vapotage devienne le substitut nicotinique qu'il doit être. Un premier pas serait la réglementation des liquides vaporisés, à l'instar de nos voisins : lors d'un contrôle de 30 000 liquides, l'Anses avait trouvé qu'un quart d'entre eux était hors normes !

Les règles sur la promotion et l'emballage sont trop contournées, les contrôles de la DGCCRF insuffisants. La filière française, avec ses 13 000 à 20 000 salariés, semble volontaire.

Les puffs ne sont apparues que récemment. Les études médicales sérieuses ont été tardives, et nous manquons encore de données.

À nous aussi de prévoir des moyens éducatifs et préventifs.

Les industriels sont toujours à la pointe de l'innovation pour imaginer des produits addictifs, et nous aurons toujours un temps de retard. Restons vigilants ! Cette proposition de loi, qui n'épuise pas le sujet, est une perspective positive. Le RDSE la votera unanimement. (Applaudissements sur les travées du RDSE ; M. Bernard Buis et Mme Marie-Claude Lermytte applaudissent également.)

Mme Alexandra Borchio Fontimp .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Barbe à papa, mangue, bubble gum, cola ou fraise Tagada : ce sont les saveurs enfantines de ces fameuses vapoteuses jetables prisées des ados, nouvel accessoire star des cours de récréation, aussi dangereux pour la santé que pour l'environnement. Couleurs vives, lumière incluse, prix modique : tout est fait pour séduire, et la puff se confond discrètement avec les stylos dans la trousse des élèves.

Malgré l'interdiction, les industriels rivalisent de stratagèmes pour attirer les plus jeunes. Dernière trouvaille : la puff 9 000 - pour 9 000 bouffées, soit l'équivalent de 18 paquets de cigarettes, véritable porte d'entrée vers le tabagisme pédiatrique.

Cette nouvelle mode, alimentée par les réseaux sociaux, est une bombe à retardement sanitaire et écologique qui inquiète enseignants et parents. Dommage, alors que le tabagisme des jeunes n'a jamais été aussi faible. Pour 47 % des 13-16 ans, l'initiation à la nicotine se fait via les puffs, une hausse de 19 points en un an ! C'est la transition du biberon à la cigarette.

Plus d'un jeune sur dix en aurait consommé. Sur les sites de vente en ligne, nul contrôle de l'âge, sinon par un clic sur un bouton... J'alertais déjà le Gouvernement il y a un an : n'attendons plus, il y va de la santé de nos enfants !

Le problème est aussi d'ordre environnemental. La jeunesse s'inquiète du changement climatique, mais adopte un comportement nocif pour la planète : ces puffs en plastique et leur batterie au lithium sont un déchet toxique de plus dont notre biodiversité se passerait bien.

Soyons lucides : cette proposition de loi ne suffira pas à enrayer le fléau du tabagisme. Une drogue remplace l'autre : je pense aux sachets de nicotine, encore non encadrés en France mais interdits ailleurs dans l'Union européenne. Mieux vaut prévenir que guérir.

Les sénateurs Les Républicains continueront de faire barrage aux dangers qui menacent la santé des mineurs et la préservation de l'environnement. Cette proposition de loi dépasse les clivages politiques. Plaidant pour le bon sens, je souhaite qu'elle entre rapidement en vigueur. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et du RDPI ; Mme Marie-Claude Lermytte et M. Jacques Fernique applaudissent également.)

Mme Catherine Vautrin, ministre.  - Merci pour cette belle unanimité. Vous l'avez dit, il s'agit d'un fléau sanitaire, social et environnemental.

Aurélien Rousseau et Thomas Cazenave avaient présenté le plan national de lutte contre le tabac 2023-2027. (Mme Catherine Vautrin brandit le document.) Je tiens à y ajouter l'évaluation, car si nous voulons une génération sans tabac en 2032, nous ne pouvons pas attendre ! La représentation nationale saura nous rappeler à nos engagements.

La notification à la Commission européenne n'aura lieu qu'une fois le texte stabilisé, au titre de la directive 2015-1535 sur la transparence du marché unique et au titre de la directive Tabac. L'adoption définitive n'interviendra donc pas avant six mois, dans le meilleur des cas, mais vous pouvez compter sur la détermination du Gouvernement.

Discussion des articles

Article 1er

Mme la présidente.  - Amendement n°4, présenté par le Gouvernement.

I.  -  Alinéa 3

Après le mot :

fabrication,

insérer les mots :

la détention en vue de la vente, de la distribution ou de l'offre à titre gratuit, la mise en vente,

II.  -  Après l'alinéa 12

Insérer trois alinéas ainsi rédigés :

...°  Après l'article L. 3515-2 du code de la santé publique, est inséré un article L. 3515-2-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 3515-2-1.  -  Les agents mentionnés à l'article L. 511-3 du code de la consommation sont habilités à rechercher et à constater les infractions à l'article L. 3513-5-1.

« À cet effet, ils disposent des pouvoirs prévus au I de l'article L. 511-22 du code de la consommation. »

III.  -  Alinéa 16

Après le mot :

fabriquer

insérer les mots :

, détenir en vue de la vente, de la distribution ou de l'offre à titre gratuit, mettre en vente

Mme Catherine Vautrin, ministre.  - Nous étendons l'interdiction à la détention en vue de la vente, la distribution ou l'offre à titre gratuit. En effet, le droit actuel ne permet de sanction qu'en cas de flagrance ou de verbalisation au vu des registres de vente. Avec cet amendement, nous pourrons désormais sanctionner la détention dans les réserves des magasins ou l'exposition en rayon, en touchant de plus grands volumes. Les agents de la DGCCRF pourront constater la nouvelle infraction. Voilà qui satisfait en partie l'amendement de Mme Souyris, déclaré irrecevable au titre de l'article 40, et rend l'interdiction des puffs plus opérationnelle.

M. Khalifé Khalifé, rapporteur.  - Nous sommes ravis de ce retour du Gouvernement. La DGCCRF nous disait en effet ne pas être compétente à ce sujet, et l'article 40 a frappé. Avis très favorable.

Mme Anne Souyris.  - (Exhibant une vapoteuse à usage unique) Cet objet paraît bien inoffensif. J'espère que nous l'interdirons prochainement, faisant oeuvre utile.

Toutefois, pour faire réellement respecter l'interdiction, il faudra des enquêteurs habilités, en nombre suffisant. On l'a vu s'agissant de l'interdiction de la vente aux mineurs, guère respectée...

Cet amendement élargissant l'interdiction à la détention renforcera l'effectivité de l'interdiction en évitant les contournements par les industriels. Le décret d'application devra également mentionner la location, pour éviter tout contournement.

L'amendement n°4 est adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°3, présenté par M. Khalifé, au nom de la commission.

I  -  Alinéa 3

1° Supprimer les mots :

jetables ou à usage unique

2° Compléter cet alinéa par les mots :

 , qui présentent au moins l'une des deux caractéristiques suivantes : 

II.  -  Alinéa 4

Supprimer cet alinéa.

III.  -  Alinéa 5

1° Remplacer les mots :

Il est

par le mot

Être 

2° Remplacer le mot :

peut

par le mot :

pouvoir

IV.  -  Alinéa 6

Remplacer les mots :

Il dispose

par le mot :

Disposer

M. Khalifé Khalifé, rapporteur.  - Amendement rédactionnel et de clarté juridique. Il s'agit d'anticiper l'imagination des fabricants, qui commencent déjà à commercialiser des kits...

Mme Catherine Vautrin, ministre.  - Cet amendement lève une difficulté et apporte de la précision. Avis favorable.

L'amendement n°3 est adopté.

Mme la présidente.  - L'article 2 étant supprimé, le vote sur l'article premier vaudra vote sur l'ensemble de la proposition de loi.

M. Stéphane Piednoir.  - Il a été fait référence aux travaux de l'Opecst, et notamment de Catherine Procaccia, dont c'était un cheval de bataille, et de Gérard Leseul. Leur note de septembre 2023 a mis en évidence les ravages, sanitaires et environnementaux, de ces nouveaux produits qui, sous couvert de sevrage, sont d'une perversité sans nom.

Catherine Procaccia attirait aussi l'attention sur les arômes : selon des études américaines, leur interdiction diminue le vapotage mais induit un léger report sur le tabagisme classique. On pourrait envisager des mesures plus draconiennes. Je pense aux sachets de nicotine et autres substituts apparus récemment.

Catherine Procaccia avait fait adopter un amendement au projet de loi de finances 2022, non retenu par le 49.3... Il faudra songer à le reprendre.

M. Jean-Luc Fichet.  - Je me félicite de l'unanimité sur ce sujet de santé publique. Nous serons attentifs aux suites qui seront données au niveau européen, la loi belge ayant été retoquée.

Il convient aussi de rouvrir le chantier des prémix, qui sont pour les adolescents une porte d'entrée vers l'alcool, comme les puffs le sont pour le tabac. Certains sont plus forts en alcool que la bière ! Gare aux futures addictions.

L'article 1er, modifié, constituant l'ensemble de la proposition de loi, est adopté.

Mme la présidente.  - Belle unanimité !

M. Khalifé Khalifé, rapporteur.  - Merci pour ce vote unanime. La santé publique nous rassemble. Cardiologue, j'ai passé ma vie à essayer de déboucher les artères de fumeurs. Je le dis aux jeunes en tribunes : les plaques d'athérome, c'est de la boue dans les artères !

Je remercie la ministre de son écoute, ainsi que ses services, et mes collègues rapporteurs de l'Assemblée nationale. Je salue les personnes et associations qui ont été auditionnées.

Madame la ministre, la Haute Autorité de santé vous présentera, en septembre, un rapport sur le tabagisme. Notre commission des affaires sociales est prête à travailler avec vous pour diminuer ce nombre de 70 000 décès par an. (Applaudissements)

La séance est suspendue quelques instants.