Décompte annuel des personnes sans abri dans chaque commune
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi visant à mettre en place un décompte annuel des personnes sans abri dans chaque commune, présentée par M. Rémi Féraud et plusieurs de ses collègues, à la demande du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Discussion générale
M. Rémi Féraud, auteur de la proposition de loi . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. Ian Brossat applaudit également.) Cette proposition de loi prévoit un décompte annuel des sans-abri, ainsi qu'un rapport annuel. Que l'on ne se méprenne pas : le décompte ne vise qu'à mettre la question des sans-abri au premier rang de nos priorités politiques ; il s'agit de mobiliser l'État, en premier lieu.
Urgence sociale et crise du logement : le contexte est très dégradé. Soixante-dix ans après l'appel de l'abbé Pierre, plusieurs personnes sont mortes de froid dans la rue ces dernières semaines.
Les collectifs Les Morts de la rue et Les Oubliés de la République déplorent 700 décès de sans-abri chaque année. Il y a 4 millions de mal-logés, dont un million sans logement personnel, parmi lesquels 330 000 SDF, selon la Fondation Abbé Pierre.
En 2023, environ 3 000 enfants vivent dans la rue. C'est contraire à nos lois et à nos valeurs universelles. Cette réalité est révoltante, le Gouvernement ne peut continuer à le nier.
Enfants vivant dans l'incertitude de l'accès à une place d'hébergement, recrudescence de la précarité alimentaire, familles se réfugiant dans les voitures : autant de marqueurs de cette détresse.
Les associations ne sont pas assez soutenues ; elles doivent encadrer des personnes aux parcours divers.
Plusieurs facteurs de fragilisation sociale existent : inflation, insuffisance de logements sociaux, coût prohibitif des logements privés...
Face à cette crise, qui rappelle l'hiver 1954, où en sommes-nous des actions mises en oeuvre ? Je vous fais grâce des déclarations d'Emmanuel Macron, promettant en 2018 que plus personne ne dormirait à la rue, ou de l'ancien secrétaire d'État au logement qui estimait qu'il n'y avait que 50 sans-abri en Île-de-France...
En mai dernier, le ministre du logement d'alors avait annoncé la création d'un observatoire du sans-abrisme. Or rien depuis sa réunion d'installation au printemps dernier : qu'en est-il réellement ?
Un amendement du groupe UC au projet de loi de finances prévoyait la création de 6 000 places d'hébergement, mais il a disparu avec le 49.3...
Mme Nathalie Goulet. - Et voilà !
M. Rémi Féraud. - ... avant d'annoncer une enveloppe de 120 millions d'euros sans plus de précisions.
Cette gestion au thermomètre et à la communication ne doit pas masquer la terrible réalité. Certes, il existe 200 000 places d'hébergement, le double d'il y a dix ans. Mais c'est insuffisant !
Le plan Logement d'abord a permis à 500 000 personnes d'accéder à un logement pérenne, mais il ne saurait être un slogan justifiant de laisser des personnes dormir dehors. On estime leur nombre à 330 000, contre 160 000 il y a dix ans ; en vingt ans, le chiffre a triplé. La hausse du nombre de places d'hébergement ne suit pas celle des SDF.
Il y a un an, des maires de grandes villes et des acteurs de la solidarité ont signé une tribune appelant le Gouvernement à prendre des mesures pour lutter contre la grande pauvreté. Cette proposition de loi s'appuie sur leur initiative. Des solutions existent pour lutter contre la précarité, sans créer une concurrence entre les différents publics.
Ces solutions sont promues par des collectivités territoriales. En 2018, la Ville de Paris a lancé la Nuit de la Solidarité, opération de décompte de nuit des sans-abri afin de mieux appréhender les besoins des personnes, de faire progresser les dispositifs locaux d'accompagnement et d'alerter l'État sur les besoins.
La connaissance du sans-abrisme reste insuffisante. Ces opérations sortent les personnes de l'invisibilité et mobilisent l'ensemble de la société.
Ma proposition de loi généralise cet élan, d'autant que c'est à l'État qu'en revient la responsabilité politique.
Durant le covid, quand il fallait rester chez soi, l'État a ouvert des places avec l'aide des collectivités territoriales, pour que chaque sans-abri trouve un refuge. Même la Cour des comptes a montré l'efficacité de la dépense publique. C'est bien la preuve que nous pouvons y parvenir, à condition d'avoir une volonté politique fondée sur le réel.
En matière d'hébergement, nous avons une obligation de résultat.
Je remercie Patrick Kanner et le groupe SER d'avoir demandé l'inscription de cette proposition de loi à l'ordre du jour, ainsi que la commission des affaires sociales et la rapporteure.
Adopter cette proposition de loi constituerait un progrès important pour améliorer le diagnostic sur chaque territoire, un levier pour que l'action publique soit à la hauteur des enjeux, pour que plus personne ne dorme à la rue en 2024. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K, du GEST et du groupe UC ; Mme Marie-Pierre Richer et M. Marc Laménie applaudissent également.)
Mme Nathalie Goulet. - Très bien !
Mme Laurence Rossignol, rapporteure de la commission des affaires sociales . - Selon l'Insee, une personne est considérée comme sans domicile si elle a dormi la nuit précédente dans la rue, dans un lieu non prévu pour l'habitation ou dans un centre d'hébergement généraliste. Elle est sans-abri si elle dort régulièrement dans la rue ou dans un lieu non prévu pour l'habitation. Bien sûr, ces parcours ne sont pas figés.
La politique de l'hébergement est une compétence de l'État, gérée par la Délégation interministérielle à l'hébergement et à l'accès au logement (Dihal).
Depuis 2017, des efforts ont été accomplis. Priorité est donnée à l'accès au logement des sans-abri via le plan Logement d'abord. Le nombre de places d'hébergement a augmenté de 149 000 à 203 000. Le Gouvernement veut éviter une gestion au thermomètre.
Le plan, jugé positivement par les associations, dépend de l'offre de logement social. La crise actuelle de la construction - il n'y a jamais eu aussi peu de constructions que cette année - pèse sur le dispositif.
Le Gouvernement ne peut élaborer un diagnostic suffisamment précis, faute d'indicateurs suffisants. La remontée des services du 115, les rapports des associations et les enquêtes Insee sont irréguliers - la dernière a eu lieu en 2012, sans données territoriales ; en quinze ans, la situation s'est nettement dégradée. Les outre-mer n'y figurent pas.
On retrouve les mêmes problèmes de comptage en matière de violences faites aux femmes. En sus des enquêtes nationales, un décompte en temps réel des féminicides est réalisé soit par les associations soit à partir des données du ministère de l'intérieur : ainsi, nous disposons d'un tableau de bord régulier. Le décompte prévu par le présent texte est donc complémentaire des enquêtes de l'Insee.
En 2018, - stupéfaction - le secrétaire d'État chargé du logement déclarait qu'il n'y avait qu'une cinquantaine de sans-abri en Île-de-France. La polémique qui s'en est suivie a débouché sur l'organisation du décompte ; la Ville de Paris s'y est notamment attelée, suivant l'exemple de Madrid, Londres ou Bruxelles.
La Nuit de la Solidarité mobilise 2 000 bénévoles et travailleurs sociaux.
En 2023, 27 villes de la métropole du Grand Paris et 16 communes de plus de 100 000 habitants - sur 42 - sont volontaires. Mais le manque de bénévoles, la volonté de faire une pause réduisent parfois le nombre des opérations.
Tous les acteurs plaident pour un décompte annuel et pour une meilleure harmonisation des pratiques afin d'améliorer la connaissance des sans-abri, de renforcer leur visibilité, de mobiliser les citoyens, et de créer un vecteur d'échange entre les acteurs.
Les communes agissent déjà au quotidien envers les sans-abri, via les centres communaux d'action sociale (CCAS), notamment. Elles ont besoin de données quantitatives et qualitatives actualisées.
Selon l'Insee, les femmes représentent 1 % des sans-abri ; selon la Nuit de la Solidarité, ce taux s'élève à 9 %, ce qui a permis à la Ville de Paris de créer des lieux mieux adaptés.
Quelque 40 % des jeunes sans-abri sortiraient de l'aide sociale à l'enfance (ASE). Pourquoi est-il impossible d'anticiper leur sortie de l'ASE pour éviter qu'ils se retrouvent à la rue ? Il faut compter pour prévenir et pour adapter nos moyens d'action.
L'article 1er vise à créer un décompte annuel pour toutes les communes ; un décret en prévoirait les modalités. Un diagnostic territorial serait ensuite élaboré.
La commission a adopté un amendement restreignant l'organisation d'une Nuit de la Solidarité aux communes de plus de 100 000 habitants, car les communes rurales et de taille moyenne ne disposent pas toujours des moyens nécessaires : ces dernières devraient simplement transmettre au préfet le nombre de sans-abri présents sur leur territoire, comme elles le font tous les cinq ans. La Dihal centraliserait ensuite les informations.
Certes, le sans-abrisme concerne les métropoles, mais pas uniquement : Arras, qui compte 42 000 habitants, a relevé seulement quatre sans-abri lors de son dernier comptage.
La commission a prévu que le Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale (CNLE) rende un avis sur le décret définissant les modalités des décomptes.
L'article 2 prévoit un rapport au Parlement sur les politiques de lutte contre les sans-abri, comprenant une présentation nationale des résultats des diagnostics, et une liste des recommandations à mettre en oeuvre.
Je me félicite que la commission des affaires sociales ait adopté cette proposition de loi ainsi amendée.
Pour bien agir, il faut connaître. C'est ce que nous proposons. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE-K)
M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires . - Ce texte est l'occasion de nous interroger sur la pertinence de la méthode actuelle de décompte des SDF et des sans-abri. Cette estimation est une boussole.
L'action du Gouvernement repose sur deux piliers : faire monter en puissance l'hébergement d'urgence et accélérer les efforts de l'État pour l'accès de ces personnes à un logement pérenne.
Pour l'hébergement d'urgence, 203 000 places ont été ouvertes - soit un doublement en dix ans -, auxquelles s'ajoutent 114 000 places pour le dispositif national d'accueil. Soit au total, 317 000 places - centres d'accueil pour demandeurs d'asile (Cada), centres d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS), hôtels.
L'activation du plan Grand froid complète ce dispositif. Début janvier, Patrice Vergriete a annoncé 120 millions d'euros supplémentaires pour créer 10 000 places d'accueil pour les publics vulnérables.
Au-delà, l'État a accéléré ses efforts : 440 000 personnes ont accédé à un logement pérenne grâce au plan Logement d'abord 1, 110 000 sont sorties du sans-abrisme via le plan Logement d'abord 2.
Je salue le travail de l'auteur du texte et de la rapporteure. Il faut connaître la réalité des besoins. Oui, actuellement, il est méthodologiquement compliqué d'avoir une méthode robuste et fiable. Par définition, un SDF ne dispose pas de lieu où il peut être recensé, et certains habitats sont inconnus des recenseurs. La méthodologie diffère selon les lieux ; le recensement de jour ne permet pas de mesurer la réalité du phénomène.
Nous ne sommes toutefois pas aveugles. Plusieurs facteurs nous permettent de quantifier les besoins. Un modèle quantitatif prend en compte les facteurs de pression, afin de dénombrer, par exemple, le nombre de personnes risquant d'être expulsées. S'y ajoutent des informations sur les flux, provenant de l'attribution de logements sociaux ou, a contrario, des expulsions.
L'observation sociale est un point essentiel de Logement d'abord, pour connaître précisément les besoins. Aucun élu ne s'en tient à des chiffres : tous, nous avons en tête des visages, des parcours, des silhouettes. La Dihal coordonne nos politiques de recensement. Vous souhaitez généraliser les Nuits de la Solidarité, organisées dans une quarantaine de villes. Comment harmoniser ces méthodes de comptage avec une coordination entre les villes volontaires ?
Une nouvelle enquête de l'Insee sera lancée en 2025 afin d'améliorer la connaissance sur les SDF et leur parcours. Bien sûr, nous ne la limitons pas au comptage : son champ d'observation, plus large, nécessite des années de préparation pour trouver les bonnes questions et aller à la rencontre des SDF.
Je salue le travail du service intégré d'accueil et d'orientation (SIAO) qui veille à ce que tous les SDF fassent l'objet d'une évaluation. La plateforme Résorption-bidonvilles fournit également des informations sur les personnes qui y vivent.
J'émettrai un avis favorable sur ce texte qui va dans le bon sens, sous réserve de l'adoption des amendements du Gouvernement. Le chemin à parcourir entre nous ne me semble pas si long. (Mme Laurence Rossignol affiche une moue dubitative.)
On ne peut traiter les communes de plus de 100 000 habitants comme les autres.
M. Laurent Burgoa. - Très bien.
M. Christophe Béchu, ministre. - Les élus sont exaspérés par les contraintes qui leur sont imposées, surtout dans les petites communes : gare à ne pas les décourager.
Est-il nécessaire de réaliser une enquête annuelle ? France urbaine propose qu'elle ait lieu une fois tous les deux ans.
Entre 50 et 36 000 communes, il y a un équilibre à trouver. (M. Marc Laménie renchérit.) Il faut aller à l'essentiel, prioriser les lieux où se situent les besoins. En limitant le nombre de communes concernées, nous renforcerons plus utilement nos moyens d'accompagnement et d'accueil.
Mme Solanges Nadille . - Depuis 2018, la politique de prévention et de lutte contre le sans-abrisme a connu un profond renouvellement.
Les plans Logement d'abord 2018-2022 et 2023-2027 ont fait de l'accès au logement des sans-abri et des mal-logés une priorité. Le nombre de places d'hébergement a augmenté de 36 % entre 2017 et 2022. La programmation pluriannuelle remplace une politique au thermomètre. La loi de finances pour 2024 consacre 2,9 milliards d'euros à l'hébergement d'urgence, soit une augmentation de 65 % depuis 2017.
Malgré ces avancées, on compte 300 000 sans-abri en France. Faute de régularité dans la collecte des données, la connaissance du sans-abrisme reste lacunaire, même si certaines villes ont organisé des Nuits de la Solidarité. La dernière enquête de l'Insee en 2012 ne permet pas d'avoir des statistiques par territoire. La prochaine fournira des données en 2027, mais sans l'outre-mer - je le regrette fortement.
La connaissance du sans-abrisme est cruciale. Si l'hébergement est une compétence de l'État, localement les communes aident les sans-abri via les CCAS. Sans données quantitatives et qualitatives, les municipalités ne peuvent adapter leurs mesures de soutien.
Les modifications en commission sont pertinentes, notamment la fixation d'un seuil de 100 000 habitants, excluant ainsi les communes rurales et les villes moyennes du décompte obligatoire
Le RDPI votera ce texte, qui sera utile à la prévention et à la lutte contre le sans-abrisme.
Afin que la charge ne pèse pas excessivement sur les communes, nous soutenons les cinq amendements du Gouvernement.
Il faudra enfin travailler sur le mal-logement, qui touche quatre millions de Français, dont trois personnes sur dix en outre-mer. Nous ne pouvons le tolérer. (Applaudissements sur les travées du RDPI et du groupe INDEP)
Mme Annie Le Houerou . - En ce début d'année, la vague de grand froid a fait au moins quatre morts. Le collectif Les Morts de la rue répertorie 624 décès en 2022 de personnes sans abri ou résidant dans des structures d'hébergement temporaires. Cette réalité persistante ne peut pas être ignorée. Derrière, il y a des femmes, des hommes, des enfants - 3 000, selon l'auteur.
Selon la Fondation Abbé Pierre, 330 000 personnes sont sans domicile, un nombre en hausse de 130 % depuis 2012, et 4,15 millions de personnes sont considérées comme mal logées.
La Nuit de la Solidarité lancée en 2018 par la Ville de Paris, à la suite de Madrid, Londres ou Bruxelles, mobilise 2 000 bénévoles et travailleurs sociaux ; seize villes de plus de 100 000 habitants l'ont suivie, après 27 communes du Grand Paris. Elle aura lieu demain soir à Paris. L'an dernier, 3 000 personnes sans solution d'hébergement, dont 105 mineurs, avaient été recensées à Paris.
L'hébergement est compétence de l'État, mais je salue l'action des communes, des élus locaux, des associations de solidarité.
Les femmes à la rue sont particulièrement vulnérables. Selon le Samu social de Paris, la proportion de femmes parmi les sans-abri est passée de 2 % en 2012 à près de 10 % en 2022.
Il ne faut pas négliger le milieu rural. Un recensement à l'échelle de toutes les communes permettrait une appréhension plus complète de l'exclusion. Invisibilisées, ces personnes dorment souvent dans une voiture, un garage, ou dans des bâtiments abandonnés. Dans les territoires ruraux, les structures d'hébergement manquent.
Les causes du sans-abrisme sont entremêlées : la perte d'un emploi, une rupture familiale, un accident de la vie peut conduire à la marginalisation. Le risque n'est pas le même pour tous : 23 % des sans-abri de 18 à 25 ans sont d'anciens enfants de l'ASE, 86 % ont vécu un événement douloureux dans leur environnement familial.
Face à l'urgence, l'ancien ministre du logement a proposé le recrutement de 500 personnes pour soulager le 115. Le 8 janvier 2024, il annonçait 120 millions supplémentaires pour l'hébergement d'urgence.
C'est insuffisant, faute d'ambition de long terme. Il faut construire une politique structurelle d'accompagnement, avec les associations.
Laurence Rossignol a su trouver un consensus, en limitant l'obligation d'un recensement annuel aux villes de plus 100 000 habitants, car les communes rurales manquent de moyens. En revanche, je suis réservée sur les amendements du Gouvernement, qui altèrent la nature du texte et sous-estiment l'ampleur du phénomène.
Je remercie Rémi Féraud. Avec cette proposition de loi, il s'agit de compter pour mieux connaître et mieux combattre la précarité. Il faudra tirer les conséquences de ce recensement en termes de prévention et d'offre d'accompagnement. Nous plaidons pour une revalorisation des minima sociaux, une extension du RSA aux jeunes et une vraie politique de protection de l'enfance. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE-K)
Mme Agnès Evren . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La crise du logement frappe un nombre croissant de Français. La Fondation Abbé Pierre estime le nombre de sans-abri à 40 000, contre 27 000 en 2016. En 2022, 624 sont morts dans la rue, un chiffre sans doute sous-évalué. La dernière Nuit de la Solidarité a décompté 3 015 personnes sans solution d'hébergement ; 77 % d'entre elles n'appelaient même plus le 115.
Le 115, saturé, oriente désormais des femmes vers des squats. L'État a fixé des critères de priorité aberrants, instaurant une concurrence entre publics vulnérables. Alors qu'une femme à la rue est violée en moins de 24 heures, que 84 % subissent des violences, une femme enceinte ne serait pas prioritaire ? Un bébé de 4 mois ne serait pas prioritaire ? C'est d'une violence insupportable.
L'État a été incapable de traiter les causes profondes de l'exclusion : précarisation énergétique, flambée de l'inflation, paupérisation de ménages modestes, occupation des places d'hébergement d'urgence par des personnes qui devraient être en logement social.
La lutte contre le sans-abrisme passe par l'ouverture de nouvelles places d'hébergement d'urgence, en particulier pour les femmes seules, et par une protection renforcée, mais elle doit s'inscrire dans un combat plus large contre le mal-logement.
Nous n'avons pas besoin d'un rapport pour connaître les zones tendues ! Paris a besoin d'un changement profond de fonctionnement, alors que sa population se paupérise et qu'elle devient la ville des très aidés et des très aisés. L'hébergement d'urgence ne peut être qu'une solution de première nécessité. Nous devons agir pour que chacun accède au logement, notamment via la location, et réinsérer activement les personnes en situation de grande exclusion.
Quelle sera la portée concrète de ce texte, alors que sa mise en place est subordonnée à un rapport du Gouvernement ? (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains ; M. Rémi Féraud applaudit également.)
Mme Corinne Bourcier . - En 2012, l'Insee recensait 12 500 personnes sans abri ; quatre ans plus tard, le recensement de la population en dénombrait 27 000, quand la Cour des comptes avance le chiffre de 40 000. Derrière cette augmentation effrayante, il y a des hommes, des femmes, des enfants, qui vivent, ou plutôt survivent, dans un grand dénuement.
Connaître leur nombre est un préalable à toute politique de prévention - d'où l'intérêt de l'organisation annuelle de la Nuit de la Solidarité. Cette proposition de loi est donc la bienvenue. Son article 1er organise un décompte systématique dans chaque commune, dont les modalités seront définies par décret. Son article 2 prévoit un rapport au Parlement comprenant un diagnostic et des recommandations.
La commission a procédé à des ajustements bienvenus. Le seuil de 100 000 habitants pour organiser une Nuit de la Solidarité est équilibré : le sans-abrisme concerne plus particulièrement les métropoles, et les petites communes ont moins de moyens. Associer le CNLE est pertinent : son avis sera annexé au rapport. Je salue la qualité des travaux de la rapporteure.
Le sans-abrisme nous concerne tous, il touche à l'humain. Ce texte pragmatique, utilement amendé en commission, concourra à des politiques publiques plus efficaces. Le groupe INDEP le votera avec conviction. (Applaudissements sur quelques travées)
Mme Nadia Sollogoub . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Le 1er décembre dernier, je présentais le rapport pour avis de la commission des affaires sociales sur le programme 177 « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables ». Les auditions avaient été sans appel : la situation, dramatique, s'aggrave. Chaque jour, sous nos yeux, des hommes, des femmes, des enfants passent la nuit dans la rue.
La Nuit de la Solidarité s'est tenue dans la nuit du 26 au 27 janvier 2023 dans 42 communes - c'est l'occasion de poser le regard sur les ombres de la rue, de les recenser, de les rendre visibles.
Je salue le travail, empreint d'humanité, des travailleurs sociaux. Ils dressent le tableau de sans-abri de plus en plus fragiles, précaires, comprenant de plus en plus de personnes âgées, de familles.
La Croix-Rouge, qui fait des maraudes dans 85 départements, a comptabilisé jusqu'à 6 200 demandes non pourvues - sachant que 87 % des personnes rencontrées déclaraient ne pas avoir appelé le 115, embolisé. Nous ne voyons qu'une partie de la réalité !
Le groupe UC votera cette proposition de loi, dès lors qu'elle n'induit pas de charge supplémentaire pour les petites communes.
Si Bercy ne comprend que les chiffres, alors produisons-en. Les milliers d'enfants qui ont fait leur rentrée scolaire dans la rue ne sont pas des statistiques, et ne pèsent donc pas bien lourd, les pauvres ! Avec ou sans chiffres, personne ne peut dire : nous ne savons pas. Nous ne devrions pas avoir besoin de compter ces malheureux pour obtenir les moyens de les mettre à l'abri.
L'écart entre l'offre et les besoins est tel qu'on a instauré un système de tri. Dans une ville, il n'y a de place que pour les femmes battues ayant porté plainte et menacées de mort ; tous les autres sont refoulés.
Le secteur du logement est en crise. Les locataires ne peuvent accéder à la propriété, ceux qui sont dans l'hébergement d'urgence ne peuvent accéder à un logement social, ceux qui sont à la rue y restent.
Il faut faire vite et se donner des moyens. Or la volonté politique fait défaut. Des places supplémentaires d'hébergement d'urgence ont été ouvertes, mais pas suffisamment. L'État n'est pas au rendez-vous. C'est pourquoi le Sénat a rejeté les crédits d'un programme 177 manifestement insincères et insuffisants.
Les associations sont le derrière filet de sécurité, mais il est en train de craquer. Renvoyer la balle aux communes n'est plus possible. Hier, des personnes tentant de venir en aide à une jeune femme dans la rue, à deux pas d'ici, appellent la mairie de Paris et s'entendent dire qu'il faut s'adresser au Gouvernement ! C'est indigne.
Je vote pour avoir un rapport chiffré à agiter comme un chiffon rouge, pour qu'on arrête de faire semblant. (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; Mme Marie-Pierre Richer et M. Marc Laménie applaudissent également.)
Mme Anne Souyris . - Demain, à la nuit tombée, avec les élus de Paris et avec 2 000 bénévoles, comme chaque année depuis 2018, je parcourrai les rues dans cet effort collectif.
La situation s'aggrave - inutile de répéter les chiffres qui ont été donnés, et qui vont tous dans le même sens.
En 2020, je maraudais avec les bénévoles, dont beaucoup travaillaient déjà dans le secteur de la solidarité. Aux urgences de l'hôpital Saint-Louis, dans le 10e, j'ai vu des gens qui venaient dormir toutes les nuits dans la salle d'attente. Ils étaient accueillis par les soignants, avec solidarité et dignité. L'hôpital demeure un refuge de dernier recours, donnant sens à la valeur de fraternité. Les soignants continuent de permettre à ces personnes de dormir quelques heures sur un brancard : c'est le « tri 5 », dans le jargon des infirmières.
De plus en plus de femmes et d'enfants dorment à la rue. Devant l'école Félix Faure, dans le 15e, j'étais avec des parents et des enseignants qui réclamaient l'hébergement d'une quinzaine d'enfants à la rue. La Ville de Paris a ouvert des centres, mais l'État doit prendre ses responsabilités et héberger tous les enfants, quel que soit leur statut administratif. Nous, parlementaires, ne cessons de vous alerter. Monsieur le ministre, réveillez-vous !
Je salue chaleureusement Rémi Féraud, la rapporteure Laurence Rossignol et le groupe SER qui a inscrit ce texte à notre ordre du jour.
Je remercie les élus locaux et les citoyens engagés qui organisent la Nuit de la Solidarité, à Paris, avec Anne Hidalgo, mais aussi à Bordeaux, à Lyon, à Grenoble, et dans de nombreuses autres villes. Le GEST votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)
M. Ian Brossat . - Didier, 52 ans, à Paris ; Jean-Pierre, à Toulon ; Nana, à Marseille ; Elton, 44 ans, à Rosselange ; un bébé de 4 mois, à Paris : ce sont quelques-uns des 40 sans-abri qui ont perdu la vie durant la dernière vague de froid. Ces réalités ne sont certes pas nouvelles - on se souvient de l'appel de l'abbé Pierre, il y a 70 ans, mais elles prennent une ampleur inquiétante : 330 000 personnes sans domicile, contre 143 000 en 2012, un triplement depuis 2000. Comment en sommes-nous arrivés là ?
Ces dernières années, et singulièrement depuis sept ans, il y a eu un aveuglement sur cette question. En 2018, alors ministre du logement, Julien Denormandie chiffrait à une cinquantaine le nombre de sans-abri en Île-de-France. Sylvain Maillard, député de Paris, président du groupe de la majorité présidentielle, a affirmé que les sans-abri l'étaient par choix ! C'est dire l'ampleur du déni.
Lors de l'examen du projet de loi de finances, certains proposaient 10 000, ou 6 000, places d'hébergement supplémentaires. Le ministre Vergriete l'avait refusé - avant d'accorder des crédits supplémentaires, quelques semaines plus tard !
Cette proposition de loi, juste et nécessaire, permettra de mesurer les besoins, territoire par territoire, et, sur cette base, d'exiger de l'État les moyens nécessaires - pour qu'un ministre ne puisse jamais plus parler comme M. Denormandie ou M. Maillard ; pour qu'ensemble, collectivités locales et État, nous mettions un terme au scandale du sans-abrisme.
Nous voterons évidemment cette proposition de loi. (Applaudissements à gauche)
M. Philippe Grosvalet . - « Le petit bébé de la cité des Coquelicots à Neuilly-Plaisance, mort de froid le 4 janvier, pendant le discours ou vous refusiez les cités d'urgence, nous allons l'enterrer le 7 janvier. Pensez à lui. » C'est ainsi que l'abbé Pierre interpellait le ministre, le 5 janvier 1954.
Gouverner, c'est d'abord loger son peuple, disait-il. En 2017, le Président de la République déclarait : « la première bataille est de loger tout le monde dignement » et s'engageait à ce qu'il n'y ait plus d'hommes et de femmes à la rue. Sept ans plus tard, c'est une bérézina.
Derrière le chiffre affolant de 330 000 sans-abri, il y a des hommes, des femmes, des enfants : Sofia, à la rue après avoir perdu son emploi ; le petit Quentin, qui fait ses devoirs d'école dans les cages d'escalier et dort aux urgences avec sa maman ; Irina, qui ne trouve pas de travail, faute de toit. À ces quotidiens brisés s'ajoute une dure réalité sanitaire : 50 ans d'espérance de vie en moyenne pour un homme, 46 ans pour une femme. La rue tue : 624 morts en 2022.
Ces drames sont sous nos yeux, à deux pas de ce palais, dans nos villes et même nos villages. Terrible paradoxe, les personnes à la rue deviennent invisibles à mesure que leur nombre croît. Nous saluons l'action des associations et des ONG qui comblent les lacunes des politiques publiques et nous rappellent à notre devoir de fraternité. Nous avons échoué à garantir le strict minimum : la dignité par le logement.
Même si je n'aime pas le terme de « décompte », le RDSE soutient ce texte. Recenser les personnes sans-abri, disposer de données actualisées permettra de suivre le phénomène au plus près ; la remise d'un rapport annuel assurera que le sujet reste au coeur de nos débats.
Mme la présidente. - Veuillez conclure.
M. Philippe Grosvalet. - Jamais je n'aurais imaginé soutenir un jour une telle proposition de loi. Il est grand temps que chacun ait un toit au-dessus de sa tête. (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe INDEP, ainsi que sur quelques travées du groupe SER)
M. Marc Laménie . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Je remercie Rémi Féraud et ses collègues pour cette initiative de solidarité. Il n'est pas simple de recenser les sans-abri. Les métropoles sont en première ligne, mais tous les territoires sont concernés, y compris les Ardennes.
Je remercie la rapporteure et les membres de la commission des affaires sociales qui ont travaillé sur ce sujet. Oui, il est essentiel de mobiliser tous les acteurs. M. le ministre a rappelé le rôle de l'État, avec le plan Grand froid, les 317 000 places d'hébergement d'urgence.
Le sujet est bien sûr financier - Arnaud Bazin et Éric Bocquet, rapporteurs spéciaux de la commission des finances pour la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », le savent - mais il est avant tout humain. Je rappelle également le travail effectué au sein de la délégation aux droits des femmes, sur les violences faites aux femmes.
L'État, les collectivités territoriales, les associations, les bénévoles, chacun a un rôle à jouer. Je suivrai la commission, en remerciant toutes et tous pour leur engagement. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et SER)
Discussion des articles
Article 1er
Mme la présidente. - Amendement n°3, présenté par le Gouvernement.
I. - Alinéa 1
Supprimer cet alinéa.
II. - Après l'alinéa 2
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Les services de l'État chargés de la politique de prévention et de lutte contre le sans-abrisme coordonnent les décomptes mentionnés au premier alinéa. Chacune des communes visées au premier alinéa transmet au représentant de l'État dans le département les données collectées relatives au nombre de personnes sans abri sur son territoire.
III. - Alinéa 3
Supprimer cet alinéa.
M. Christophe Béchu, ministre. - En l'état du texte, toutes les communes seraient concernées, y compris celles de moins de 100 000 habitants, avec en outre un décalage sur l'harmonisation des décomptes. Actuellement, seule une quarantaine de communes pratiquent un tel recensement. Certaines grandes villes n'ont jamais organisé de Nuit de la Solidarité. Commençons par systématiser le décompte dans les communes de plus de 100 000 habitants.
Mme Laurence Rossignol, rapporteure. - La commission remercie le Gouvernement de se préoccuper des charges des communes et l'encourage à continuer ! (Sourires sur les travées du groupe SER)
La commission a adopté un amendement qui prévoit deux systèmes parallèles : un dispositif type Nuit de la Solidarité dans les communes de plus de 100 000 habitants, un simple recensement pour les autres, qui sauront se saisir du dispositif.
Le sans-abrisme concerne désormais aussi les villes moyennes et les communes rurales. En ne ciblant que les grandes villes, on ne leur adresse pas le bon message : elles ont besoin d'être entraînées dans la dynamique nationale de comptage, de savoir que les chiffres remontés seront pris en compte, qu'il y aura un dialogue avec le préfet pour trouver des solutions de prévention...
L'amendement de la commission prend déjà en compte la différence de taille des communes.
Mme la présidente. - Veuillez conclure.
Mme Laurence Rossignol, rapporteure. - Dans une ville moyenne, la police municipale, les gendarmes, le CCAS sauront vous dire combien il y a de SDF. Il faut juste faire remonter les chiffres. Avis défavorable.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. - Je voterai cet amendement du Gouvernement, qui est de bon sens. Que l'on traite à part les villes de plus de 100 000 habitants, soit. Pour les autres, on n'est pas obligé de tout écrire dans la loi ! Laissons les communes faire ce qu'elles savent faire, sans les contraindre par la loi.
Mme Catherine Di Folco. - Monsieur le ministre, il vous reste de votre passage sur nos bancs un certain bon sens sénatorial ! Évitons en effet de rajouter des contraintes aux petites communes.
Mme Nadia Sollogoub. - Je salue le travail de fond de la rapporteure. Nul doute que les communes de moins de 100 000 habitants sauront faire remonter les chiffres si elles en disposent. Reste que ramener la périodicité de cinq ans à un an représente une nouvelle contrainte. Je suivrai le Gouvernement sur cet amendement.
M. Rémi Féraud. - J'apprécie l'ouverture du ministre - à condition que la proposition de loi ne soit pas dénaturée. Je souhaite que nous nous tenions au compromis trouvé par la commission : les communes de plus de 100 000 habitants organiseraient une Nuit de la Solidarité, les autres auraient une plus grande marge de manoeuvre sur le décompte.
Mme Corinne Bourcier. - Le groupe INDEP est favorable à cet amendement de bon sens.
Mme Cathy Apourceau-Poly. - Nous sommes d'accord avec Rémi Féraud. Dans nos communes, notamment les plus petites, nous connaissons les personnes sans-abri, généralement inscrites aux CCAS.
Pourquoi un seuil de 100 000 habitants ? Dans le Pas-de-Calais, Calais ou Sangatte ne seraient pas concernées, alors que les sans-abri y sont nombreux.
Mme Anne Souyris. - L'amendement du Gouvernement altère le texte initial. Il est nécessaire d'évaluer les besoins au plus près du terrain, y compris en milieu rural.
Mme Élisabeth Doineau. - J'appuie l'avis de la commission. Les CCAS ont pour mission d'observer les personnes fragiles de leur commune et de les accompagner. L'obligation existe donc déjà. Nous avons besoin d'un décompte aussi exhaustif que possible.
M. Laurent Burgoa. - Au sein de la délégation aux collectivités territoriales, nous ne cessons d'appeler à l'allègement des contraintes. Le Président de la République lui-même insiste sur la nécessité de simplifier. Commençons par ne pas créer une nouvelle contrainte pour les communes de moins de 100 000 habitants ! La secrétaire de mairie qui reçoit déjà plus de 200 mails par jour va finir par craquer... Pour une fois, je suivrai le Gouvernement.
M. Philippe Grosvalet. - Qui peut imaginer que recenser les personnes à la rue soit une contrainte pour les maires ? (Assentiment à gauche) Dans ma ville de 70 000 habitants, je me souviens avoir tenté, avec le maire, de trouver une solution pour un jeune à la rue, sans succès. Jamais nous n'avons eu autant de problèmes de logement et autant de personnes à la rue.
M. Laurent Burgoa. - Je parlais de la ruralité.
Mme Laurence Harribey. - Il n'y a pas de contrainte, puisque cela se fait déjà. Ce décompte est, au contraire, un moyen de reconnaître un problème qui se développe partout, y compris en milieu rural, et qu'il faut prendre à bras-le-corps.
Mme Marie-Claire Carrère-Gée. - Je suivrai l'avis de la commission. On n'exige pas des communes qu'elles deviennent l'Insee, mais la publication annuelle d'un chiffre contribuera à une prise de conscience salutaire. C'est la vertu du rapport de la Fondation Abbé Pierre.
M. Éric Kerrouche. - J'ai du mal à comprendre cet amendement. Il n'y a que quarante communes de plus de 100 000 habitants. (M. Christophe Béchu le réfute.) Cet échantillonnage n'est pas suffisant. Dans les communes intermédiaires, l'Insee fournit déjà des méthodologies pour faciliter les repérages. Votre amendement va à rebours de l'objectif qui est de tendre vers l'exhaustivité.
Mme Laurence Rossignol, rapporteure. - Nul doute que l'amendement du Gouvernement part d'une bonne intention, mais il envoie comme message que le sans-abrisme est un phénomène qui ne concerne que les villes de plus de 100 000 habitants.
Mme Laurence Harribey. - Exactement !
Mme Laurence Rossignol, rapporteure. - Or les villes petites et moyennes rencontrent les mêmes problèmes, et sont seules pour y faire face. Je crains que votre amendement n'aggrave cette solitude.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. - N'importe quoi...
M. Christophe Béchu, ministre. - Ce n'est pas le Gouvernement qui a imaginé le seuil de 100 000 habitants, mais M. Féraud.
M. Rémi Féraud. - C'est la commission.
Mme Laurence Rossignol, rapporteure. - Pour différencier les méthodes.
M. Christophe Béchu, ministre. - Si l'on applique des méthodes différentes, les données obtenues ne seront pas fiables. Cet amendement permet une harmonisation : il est la condition de notre soutien au texte.
N'envoyons pas un contre-message au moment où nous cherchons à simplifier. Les Nuits de la Solidarité relèvent d'une action militante qu'il convient de systématiser. Mais prévoir des méthodes différentes va à l'encontre de l'objectif de fiabilité.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. - Très bien !
L'amendement n°3 n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°6, présenté par le Gouvernement.
Alinéa 2, première phrase
Remplacer les mots :
une fois par an
par les mots :
tous les deux ans
M. Christophe Béchu, ministre. - Nous relayons la proposition de France urbaine, qui propose que le recensement soit mené une année sur deux.
Mme Laurence Rossignol, rapporteure. - Avis défavorable. Personne ne prétend que les chiffres remontés seront exhaustifs. L'important, c'est le tableau de bord, et l'évolution d'une année sur l'autre - pas tous les deux ans.
L'amendement n°6 n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°4, présenté par le Gouvernement.
Alinéa 2, première phrase
Remplacer les mots :
de nuit
par les mots :
une nuit donnée
M. Christophe Béchu, ministre. - Cet amendement propose d'harmoniser la méthodologie des opérations de décompte pour éviter les doubles comptes.
Mme Laurence Rossignol, rapporteure. - Avis défavorable. Ce n'est pas cohérent avec l'amendement n°3, qui allégeait les contraintes sur les communes. Or là, vous voulez mettre tout le monde au carré.
M. Christophe Béchu, ministre. - Pour les plus de 100 000 habitants !
Mme Laurence Rossignol, rapporteure. - Il y a un encadrement par la Dihal. Les communes seront soutenues et encadrées. Ne fantasmez pas sur l'itinérance des sans-abri les faisant passer d'une ville à l'autre en 48 heures juste pour embêter le Gouvernement...
M. Éric Kerrouche. - Pour plus de fiabilité, il faudrait moins de données, et des données à un seul endroit, dites-vous, monsieur le ministre ? Je ne comprends pas moi non plus l'articulation avec l'amendement n°3.
L'amendement n°4 n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°5, présenté par le Gouvernement.
Alinéa 2, première phrase
Supprimer les mots :
auquel participent des travailleurs sociaux et des bénévoles
M. Christophe Béchu, ministre. - C'est un amendement rédactionnel.
Mme Laurence Rossignol, rapporteure. - Pas tout à fait : avec d'autres acteurs, les travailleurs sociaux et les bénévoles participent aux Nuits de la Solidarité. Il est utile de le préciser dans la loi. Avis défavorable.
L'amendement n°5 n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°2 rectifié, présenté par Mmes Souyris et Poncet Monge, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel.
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
Les données sont publiées, sous la forme d'une cartographie pour les communes de plus de 100 000 habitants.
Mme Anne Souyris. - Nous voulons publier sur internet les données récoltées dans le cadre du dispositif prévu à l'article 1er, sous forme de cartographie pour les communes de plus de 100 000 habitants : ainsi, nous sortirons des fake news et le débat démocratique sera éclairé.
Mme Laurence Rossignol, rapporteure. - La proposition est intéressante, mais elle ne relève pas du domaine législatif. Avis défavorable.
M. Christophe Béchu, ministre. - J'ai beaucoup de joie à dire que je suis totalement d'accord avec Laurence Rossignol ! (Sourires) Cela ne relève pas du domaine législatif. Avis défavorable.
L'amendement n°2 rectifié n'est pas adopté.
L'article 1er est adopté.
Article 2
L'amendement n°7 est retiré.
Mme la présidente. - Amendement n°1 rectifié, présenté par Mmes Souyris et Poncet Monge, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel.
Après la première phrase
Insérer une phrase ainsi rédigée :
Ce rapport précise le nombre de femmes et d'enfants sans-abris dans chaque commune et au niveau national.
Mme Anne Souyris. - Nous voulons préciser dans le décompte le nombre de femmes et d'enfants parmi les sans-abri. En France, 2 822 enfants sont refusés chaque soir par le 115 - 700 au moins à Paris - et encore, le chiffre est sous-estimé.
Il faut avoir un chiffre différencié pour adapter les hébergements aux enfants et aux familles.
Les violences de la rue touchent particulièrement les femmes et les enfants. Des femmes avec des bébés de moins de trois mois tournent toute la journée dans le métro pour avoir chaud ! Ayons des chiffres précis et genrés.
Mme Laurence Rossignol, rapporteure. - Avis favorable. Ce recensement ne doit pas seulement fournir des chiffres : il doit aussi apporter des informations sur les personnes, comme leur genre. La délégation aux droits des femmes procède actuellement à un rapport sur la situation des femmes à la rue. C'eût été probablement l'une des préconisations du rapport.
M. Christophe Béchu, ministre. - Avis très favorable. Le sujet ne se cantonne pas uniquement au nombre de personnes concernées : il faut aussi tenir compte de leurs caractéristiques, afin que nous puissions ajuster les dispositifs.
L'amendement n°1 rectifié est adopté.
L'article 2, modifié, est adopté.
Vote sur l'ensemble
M. Rémi Féraud . - Je me félicite de ces débats et remercie la commission des affaires sociales de son important travail sur ce texte. J'ai entendu les restrictions que le Gouvernement voulait apporter. J'ai aussi entendu le ministre dire qu'il était ouvert et qu'il fallait un décompte annuel et des chiffres objectivés pour agir mieux.
Ce texte, qui relève d'une opposition constructive, est un soutien au ministre du logement pour qu'il dispose d'un budget à la hauteur des besoins. Nous avons essayé d'y contribuer lors du dernier projet de loi de finances.
Nous sortons les personnes de l'invisibilité et organisons un débat annuel, à l'instar des budgets. Voici un outil pour agir à la hauteur de la situation actuelle, catastrophique ; la crise du logement est devant nous. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)
La proposition de loi est adoptée.
(Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE-K, ainsi que du GEST ; MM. Philippe Grosvalet et Olivier Henno applaudissent également.)