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Table des matières
Redevances des agences de l'eau
M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires
Téléphérique La Grave-La Meije
M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires
Projet routier du pont d'Achères
M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires
Difficultés des communes à s'assurer
M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires
Éligibilité des tiny houses aux prêts immobiliers
M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires
Recrutement d'apprentis avant le terme de leur formation
M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires
Accueil de Français en situation de handicap dans des structures belges
M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires
Avenir des centres sociaux associatifs
M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires
Hausse de la valeur du point des personnels des ADMR en congé maladie
M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires
Nouvelles mobilités à Paris et partage de l'espace public
M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires
Mobilisation des forces armées pour les jeux Olympiques de Paris 2024
M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires
Élections des propriétaires fonciers et usufruitiers aux chambres d'agriculture
M. Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire
Assouplissement des règles d'octroi de crédit immobilier
M. Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire
Avenir de l'aéroport d'Orly et retrait d'Air France
M. Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire
Technip Energies et sanctions contre la Russie
M. Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire
Fibre optique dans les Yvelines
M. Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire
M. Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire
Remplacement de professeurs absents en zone rurale
M. Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire
Accès des enseignants du privé aux concours de l'enseignement supérieur
M. Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire
Formation à la prévention des incendies dans les écoles
M. Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire
Projet de loi sur le modèle français de fin de vie
IVG instrumentales réalisées par les sages-femmes
Prévention de l'arrêt cardiaque extra-hospitalier
Décret relatif à l'installation d'officines de pharmacie
Avenir de la filière hydrolienne
Chaudiéristes biomasse français
Mme Cécile Cukierman, pour le groupe CRCE-K
M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires
Mme Cécile Cukierman, pour le groupe CRCE-K
Ordre du jour du mardi 23 janvier 2024
SÉANCE
du jeudi 18 janvier 2024
53e séance de la session ordinaire 2023-2024
Présidence de M. Dominique Théophile, vice-président
Secrétaires : Mme Véronique Guillotin, M. Philippe Tabarot.
La séance est ouverte à 10 h 30.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.
Questions orales
M. le président. - L'ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.
Redevances des agences de l'eau
Mme Marion Canalès . - Dans un contexte de réchauffement climatique et de stress hydrique, il faut penser global et agir local. Ainsi, une réforme des redevances des agences de l'eau avait été annoncée aux assises de l'eau de 2019, mais elle s'est fait attendre jusqu'au projet de loi de finances pour 2024.
Il s'agissait tout d'abord de 10 millions d'euros supplémentaires pour le prélèvement de l'eau pour les agriculteurs irriguants. Il faut tendre vers un système plus sobre, résilient et concerté.
L'autre mesure était la hausse de 20 % de la redevance pour pollutions diffuses (RPD), dans le cadre du plan Écophyto réduisant de moitié l'usage des pesticides. Cela n'a pas été à la hauteur, alors qu'il vaut mieux prévenir que traiter l'eau a posteriori.
Ainsi, le plan Eau représente 47 millions d'euros de moins, alors qu'il doit doter les agences de l'eau de 475 millions supplémentaires chaque année, hausse nécessaire vu les enjeux et coûts pour les collectivités.
Comment ces engagements financiers seront-ils tenus ?
M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires . - La loi de finances pour 2024 comporte des évolutions significatives pour inciter à la sobriété des usages de l'eau et la performance de l'assainissement.
Les redevances donneront plus de latitude aux agences de l'eau et les inciteront financièrement à une performance accrue. Tous les usagers, éleveurs exceptés, sont concernés. Les plafonds sont relevés pour les différentes catégories d'usage et un taux plancher est introduit en métropole, à l'instar des outre-mer.
Les rendements augmenteront de 120 millions d'euros dont 100 millions au titre du nucléaire et 20 millions pour l'industrie.
La redevance sera majorée en cas de défaut de comptage.
Les taux de RPD sont inchangés pour 2024, mais la hausse pluriannuelle est actée à compter de 2025. Il faudra bien 475 millions d'euros de plus par an.
Téléphérique La Grave-La Meije
M. Jean-Michel Arnaud . - Le téléski qui permet de se rendre au sommet du glacier de la Girose fonctionne au fioul, un petit tracteur remontant les skieurs jusqu'à l'actuelle remontée mécanique, qui sera démontée. Le futur aménagement sera plus respectueux de l'environnement, en préservant le glacier avec un pylône unique tout en sauvegardant trente emplois.
Le déroulement du projet est classique : étude d'impact, dépôt de dossier, purge des délais de recours, consultations par Jean-Pierre Pic, le maire de La Grave, que je salue. Or des mouvements radicaux ont monté une ZAD. Le 7 décembre, le ministre, interpellé par le président du groupe GEST du Sénat, élu d'un département voisin, a annoncé une mission locale d'appui en vue d'interroger le modèle touristique dans une perspective durable.
Quels sont les objectifs de cette mission ? L'écologie à la française, appelée de ses voeux par le Président de la République, doit s'appliquer sur ce projet.
M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires . - La commune a autorisé le projet, délivrant le permis de construire en avril dernier. Les glaciers, 10 % des terres émergées, ont un rôle structurant pour la décarbonation et le cycle de l'eau, mais le réchauffement climatique les menace.
Le Président de la République, lors du One Planet - Polar Summit de novembre, a insisté sur la protection de la cryosphère. Ainsi, 60 % des glaciers de l'Hexagone et tous les glaciers ultramarins sont en protection forte - nous visons 100 %.
Chacun doit s'approprier ces espaces à haute valeur ajoutée en biodiversité. Dans ce contexte, le 7 décembre, le Gouvernement a annoncé une mission d'appui qui posera, clairement, les perspectives et les limites de fréquentation du glacier, ainsi que les leviers pour le protéger durablement. Les parlementaires y seront étroitement associés.
M. Jean-Michel Arnaud. - J'en déduis que le projet pourra être mis en oeuvre. Cela me convient : il a pour objet même de réduire l'impact de l'existant sur le glacier.
Projet routier du pont d'Achères
Mme Ghislaine Senée . - Lundi prochain, nous serons plusieurs parlementaires à assister au lancement de la COP régionale d'Île-de-France.
Dans ce contexte, le projet routier de pont d'Achères, appelé « A104 bis », porté par le département des Yvelines, avance à grand bruit. Les défrichements se font, malgré la dénonciation unanime des nuisances par les associations et populations locales. Ce projet vieux de 40 ans, issu d'une vision obsolète de l'aménagement du territoire, augmenterait le trafic de 114 % dans une boucle enclavée de la Seine, entraînant nuisances et problèmes de santé, mais pour quels bénéfices ?
Que fera le Gouvernement face à ce projet incompréhensible, car contradictoire avec les objectifs du tournant écologique de la France ?
M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires . - La planification écologique, qui sera évoquée lundi - je ne pourrai, hélas, y participer, car je serai à l'Assemblée nationale - a pour objet de massifier les transports en commun et le ferroviaire. Les contrats de plan État-région (CPER) prévoient 80 % de crédits en moins pour la route et 40 % de plus pour le rail par rapport aux années 2000. Cela n'implique cependant pas de mettre fin à tous les projets.
Celui que vous évoquez a fait l'objet d'une déclaration d'utilité publique il y a dix ans, prorogée en 2017. Il n'est pas porté par l'État, mais par le département des Yvelines. Le tribunal administratif de Versailles a rejeté les demandes des associations, car les opérations de défrichement sont déjà réalisées et l'arrêté préfectoral ne porte pas atteinte aux espèces protégées, notamment l'oedicnème criard, qui ne niche pas sur le site.
Difficultés des communes à s'assurer
M. Mathieu Darnaud . - Notre société dépend de la vitalité des communes, mais plus personne ne veut les assurer ! Ainsi, les collectivités touchées par des sinistres naturels ou les émeutes de juin se voient opposer des « circonstances nouvelles » par les assureurs, d'où des hausses des primes et des franchises, ainsi que des refus d'assurer, certains appels d'offres sont infructueux.
La hausse des épisodes climatiques violents accroît les risques sur les communes, notamment rurales. Il y a urgence. En Ardèche, la commune de Guilherand-Granges, où je suis élu, y est confrontée sans même avoir subi de phénomène particulier.
Une mission est en cours. Que le fera le Gouvernement à ce sujet ?
M. Jean-Michel Arnaud. - Très bien !
M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires . - La question n'est pas nouvelle, mais son acuité augmente à mesure que de nouveaux risques apparaissent ou s'accentuent, comme le cyber et les dérèglements climatiques.
L'écosystème de l'assurance des collectivités s'appuie sur deux acteurs, qui peinent eux-mêmes à se réassurer. Nous sommes déterminés à accompagner les élus, levier essentiel des politiques publiques auprès de nos concitoyens. Ainsi, nous avons étendu la compétence du médiateur des assurances aux collectivités.
Ensuite, un groupe de travail avec les assureurs suit le rythme des dédommagements et a permis une baisse de 20 % des résiliations sèches. En outre, Alain Chrétien, ancien maire de Vesoul, et Jean-Yves Dagès, ancien président de la Fédération nationale Groupama, ont lancé une mission très attendue, pour des propositions concrètes formulées au printemps. Nous pourrons y travailler avec le Sénat.
M. Mathieu Darnaud. - Il y a urgence. Alors que nous venons de rendre un rapport sur l'avenir des maires, ce nouvel écueil ne doit pas devenir une source supplémentaire de démotivation des élus.
Éligibilité des tiny houses aux prêts immobiliers
M. Yves Bleunven . - Le financement des tiny houses est un enjeu important, à l'heure où nous devons trouver des solutions rapides pour loger nos concitoyens.
Le flux d'accessions à la propriété recule fortement, surtout depuis 2021. Une des solutions consiste à élargir la segmentation du parcours résidentiel. Les tiny houses font partie intégrante de cette nouvelle segmentation, comme l'ensemble de l'habitat léger, mais elles ne peuvent être financées que par des prêts à la consommation, moins intéressants que les crédits immobiliers en termes de durée et de taux.
Pourtant, ces petites maisons présentent de nombreux avantages : coût faible, construction rapide, très bonne performance énergétique. Elles sont une solution de transition pour une large frange de la population, des saisonniers aux jeunes actifs en passant par les étudiants.
L'impossibilité de recourir à un crédit immobilier pour les financer freine beaucoup leur développement. Le Gouvernement est-il prêt à étudier des formes de financement pérennes pour ce type de logements ?
M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires . - Vous mettez en lumière un objet méconnu, alors qu'il représente une offre de logement rapide et modulaire : les tiny houses - en bon français et d'après l'article R. 111-51 du code de l'urbanisme, les résidences démontables constituant un habitat permanent de leurs utilisateurs... (Sourires) Ces logements offrent notamment la possibilité d'être autonome vis-à-vis des réseaux publics.
L'article L. 313 du code de la consommation prévoit qu'un crédit immobilier ne peut être accordé pour l'acquisition d'un bien non immobile. Le financement d'une tiny house est possible via un crédit à la consommation, certes moins avantageux pour le taux, mais plus souple, puisque l'usage des fonds n'a pas à être justifié, qu'aucun apport n'est requis et que les mensualités peuvent être modulées.
Le Gouvernement travaillera beaucoup sur le logement cette année, dans un contexte où le pouvoir d'achat immobilier est réduit par la hausse des taux d'intérêt et des prix des matériaux. Les besoins s'accroissant, il est nécessaire d'innover. La question que vous avez soulevée pourrait faire partie des axes d'innovation.
M. Yves Bleunven. - Une fois réglé ce problème de financement, nous vous solliciterons sur l'autre difficulté de la filière : l'agrément en matière d'urbanisme. Merci pour votre écoute.
Recrutement d'apprentis avant le terme de leur formation
Mme Laure Darcos . - Des élus et responsables de centre de formation des apprentis (CFA) de l'Essonne m'ont fait part d'une situation préoccupante : certains jeunes en alternance renoncent à suivre leur formation théorique, par manque de motivation ou parce qu'ils rencontrent des difficultés dans l'acquisition des connaissances. Certains, pensant ne pas avoir un niveau scolaire suffisant, baissent rapidement les bras.
Souvent appréciés en entreprise pour leur motivation et leur travail, ils peuvent être incités à quitter l'alternance pour conclure un CDI. Chacun est a priori gagnant : l'entreprise attire une main-d'oeuvre parfois excellente, le jeune perçoit une rémunération. Mais cette situation est finalement pénalisante pour le jeune, qui perd le bénéfice de sa formation et se retrouve sans diplôme, ce qui nuira à son évolution professionnelle.
Les CFA ne disposent d'aucun moyen d'action propre pour influer sur la décision des alternants de céder prématurément à une proposition d'embauche. Comment comptez-vous renforcer l'accompagnement des élèves et la prévention du décrochage ?
M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires . - Je connais votre intérêt pour les politiques en direction des jeunes, en particulier votre soutien à l'apprentissage. Nul ne peut nier que, depuis quelques années, la politique de l'apprentissage connaît un succès spectaculaire : nous sommes passés de 300 000 à près de 1 million d'apprentis.
Nous devons être extrêmement attentifs aux signaux qui pourraient entraver cette dynamique vertueuse. Certains jeunes formés dans les métiers en tension rompent, en effet, leur contrat de formation pour signer tout de suite un contrat de travail, avec une rémunération supérieure. À notre connaissance, ce phénomène reste marginal. Néanmoins, à la suite de votre interpellation et d'autres, nous avons demandé à la Dares de l'objectiver. Nous avons besoin de chiffres pour savoir s'il s'accentue et réfléchir au type de filet à mettre éventuellement en place.
Sans attendre, nous avons sécurisé les parcours des plus fragiles avec la Prépa-apprentissage, qui accompagne vers la reconnaissance d'un diplôme protégeant pour plus tard. Permettre aux jeunes peu ou pas qualifiés de renforcer leurs savoirs fondamentaux et de mieux appréhender les codes de l'entreprise, c'est favoriser leur insertion professionnelle.
Mme Laure Darcos. - Je vous alerte aussi sur le financement des CFA, qui doit être adapté à chaque établissement. Le Gouvernement a reconnu que la méthode de calcul des prises en charge devait évoluer. La Fédération nationale des directeurs de CFA veillera à ce que cette réforme aboutisse à un juste prix pour chaque établissement.
Accueil de Français en situation de handicap dans des structures belges
Mme Jocelyne Guidez . - Des Français en situation de handicap sont accueillis dans des établissements spécialisés belges. Or, depuis 2006, la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) n'a quasiment pas fait évoluer les financements correspondants, alors que le coût de la prise en charge n'a fait qu'augmenter. Les institutions belges sont à l'os.
À la fin de l'année dernière, mince lueur d'espoir, le prix de journée a été augmenté de 4 %. Mais c'est bien loin de couvrir l'augmentation des coûts, d'au moins 15 %. Par ailleurs, la CNSA a régulièrement revalorisé les financements pour les résidents accueillis en France. Résultat : le forfait journalier des Français hébergés en Belgique est inférieur de plus de 20 % au forfait médian des Français hébergés en France.
Quelle est votre position à l'égard de cette discrimination ? Le prix de journée alloué par la CNSA aux personnes accueillies en Belgique sera-t-il aligné sur le niveau médian perçu par les résidents des maisons d'accueil spécialisées (MAS) en France ? Les établissements belges pourraient-ils bénéficier d'un mécanisme de revalorisation annuelle ?
M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires . - Certains départs vers la Belgique sont souhaités, d'autres résultent d'un manque de places en France.
Un décrochage s'est produit, ces dernières années, entre le tarif de la CNSA et les coûts supportés par les MAS. En effet, la récente revalorisation de 4 % ne suffit pas.
En Belgique, l'inflation a été notablement plus forte qu'en France, car moins de mesures de protection ont été prises. La septième commission mixte franco-wallonne a lancé sur ce sujet une évaluation, menée conjointement par l'ARS des Hauts-de-France et l'Agence wallonne pour une vie de qualité. Sur cette base, nous poursuivrons les discussions avec nos amis belges.
Notre priorité est de lutter contre les départs non souhaités, en déployant les 50 000 nouvelles solutions annoncées.
Mme Jocelyne Guidez. - La contribution à ces centres d'accueil, certes, coûte à la France. Le mieux serait, comme vous l'avez dit, que nous disposions en France des capacités suffisantes. On ne peut laisser les personnes en situation de handicap sans solution.
Avenir des centres sociaux associatifs
M. Stéphane Sautarel . - Vous le savez, les centres sociaux associatifs sont des structures de proximité importantes pour la cohésion et l'attractivité de nos territoires.
Dans le Cantal, ce sont près de 8 000 usagers, plus de 125 associations et 400 salariés permanents. La nouvelle convention collective Elisfa, à laquelle sont rattachés ces centres, reconnaît les métiers de l'animation depuis le 1er janvier 2024, ce qui entraîne une hausse significative de la masse salariale dans le budget de ces structures. Faute de moyens, des choix risquent d'être faits au détriment des habitants de nos territoires et, peut-être, des salariés.
Monsieur le ministre, avez-vous prévu des soutiens financiers supplémentaires en faveur de ces centres sociaux ou, à défaut, un accompagnement leur permettant d'assurer leurs missions, auxquelles les collectivités territoriales ne peuvent davantage contribuer ?
M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires . - La Fédération des centres sociaux et socioculturels de France a alerté sur ce sujet. En effet, 153 millions d'euros sont prévus pour l'année 2024, soit une augmentation de près de 8,2 % de la masse salariale par rapport à 2022, contre seulement 4 % pour les structures couvertes par d'autres conventions collectives.
Or la composition de la masse salariale du secteur n'étant pas précisément connue, les effets peuvent donc varier d'un centre à l'autre. Je le rappelle, nous comptons 2 373 centres sociaux, 1 668 espaces de vie sociale et près de 60 000 salariés.
Dans le cadre de la convention d'objectifs et de gestion (COG), une mesure de hausse de 6 % est prévue. Comme 60 % des crédits sont fournis par les collectivités, l'ampleur de la hausse de la masse salariale suscite l'inquiétude quant à un éventuel recul des collectivités. C'est pourquoi nous avons demandé une enquête flash à la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf).
M. Stéphane Sautarel. - Si je connais la diversité des situations de ces centres, je suis preneur des résultats de l'enquête flash pour connaître les réponses qui peuvent être apportées.
Hausse de la valeur du point des personnels des ADMR en congé maladie
Mme Monique Lubin . - Une association m'a alertée sur l'application de l'augmentation de la valeur du point avec effet rétroactif pour les personnels des réseaux de l'aide à domicile en milieu rural (ADMR), prévue par l'avenant n° 54 de leur convention collective du 5 octobre 2022, qui est ainsi passée de 5,77 à 5,62 euros.
Les salariés malades perçoivent des indemnités journalières de la sécurité sociale et un complément AG2R. Une salariée de cette association a donc demandé à la sécurité sociale la régularisation de ses indemnités journalières au regard de la hausse du point accordée.
La sécurité sociale lui a demandé une attestation de salaire rectificative, puis a répondu à la Fédération des ADMR ne pas pouvoir accéder à cette demande, puisque les rappels de salaire sont pris en compte en fonction de leur date de paiement et non pas de la période concernée.
Monsieur le ministre, confirmez-vous cette information ? Si c'est le cas, quelles mesures prendrez-vous pour remédier à cette situation qui relève d'une double sanction inadmissible pour des salariés malades ?
M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires . - Nous avons pleinement conscience des difficultés de ce secteur, qui est un maillon essentiel pour préserver l'autonomie des personnes âgées et handicapées. Si la plupart des personnels de ce secteur s'engagent par vocation, il convient de ne pas les décourager et de les rémunérer correctement, car ils remplissent un rôle crucial.
Sur le sujet que vous évoquez, il est impossible d'envisager une régularisation, car les rappels de salaire sont bien pris en compte en fonction de leur date de paiement et non pas de la période à laquelle ils se rapportent. La Caisse nationale de l'assurance maladie (Cnam) a pris connaissance de ce cas d'espèce et va réfléchir aux évolutions réglementaires envisageables. La ministre du travail, de la santé et des solidarités et son cabinet se tiendront à votre disposition dès que la Cnam aura répondu.
Mme Monique Lubin. - Je vous remercie de votre réponse. J'y donnerai une suite.
Nouvelles mobilités à Paris et partage de l'espace public
Mme Agnès Evren . - En 2022, à Paris, on comptait trois morts et 4 459 blessés par des trottinettes électriques et autres engins motorisés individuels. Ce bilan, en très forte hausse chaque année, est dû à l'explosion des circulations douces.
Paris est devenue anxiogène. Il faut réglementer l'usage des nouvelles mobilités. Or le partage de l'espace public, mal pensé par la majorité municipale, produit de nombreux accidents, beaucoup d'incivilités et des tensions entre les usagers de la route.
La Ville de Paris n'a rien fait pour remédier à ce problème, si ce n'est la consultation d'avril dernier sur les trottinettes en libre-service. Or leur interdiction n'a pas sécurisé la circulation, mais provoqué un report vers l'achat ou la location de trottinettes.
L'État peut agir : contrôles accrus sur ces nouveaux moyens de transport pour faire respecter le code de la route ou immatriculation des vélos et trottinettes électriques, comme l'a proposé Mme Estrosi Sassone dans une proposition de loi.
À la veille des jeux Olympiques, il est urgent d'agir. Quelles mesures comptez-vous prendre ?
M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires . - La police de la circulation et du stationnement relève de la maire de Paris. Le préfet de police est chargé de la sécurité des personnes et des biens, de la protection des institutions et a un rôle prescriptif s'agissant des aménagements envisagés par la commune sur les axes structurants ou empruntés dans le cadre des plans de secours. L'année passée, beaucoup a été fait : intensification des contrôles, doublement des opérations de lutte contre l'alcoolémie et les stupéfiants avec à Paris une hausse de 58 % du nombre d'amendes et une hausse de 11,4 % des verbalisations liées au comportement des conducteurs.
La politique de sécurité routière, menée par la préfecture de police, s'inscrit dans le document général d'orientation pour la période 2023-2027. En 2024, la préfecture de police sera plus particulièrement attentive aux infractions commises par les conducteurs de véhicules relevant des mobilités douces, notamment celles relatives à la signalisation, au non-respect des passages piétons et des feux tricolores.
Mobilisation des forces armées pour les jeux Olympiques de Paris 2024
M. Pierre-Antoine Levi . - Pour les jeux Olympiques de 2024, la France envisage de mobiliser 15 000 soldats, soit près d'un quart de nos forces opérationnelles. Ce format maximal est-il définitif et tenable sur la durée pour nos forces armées ?
L'incertitude et le manque d'information posent des défis opérationnels et humains. En effet, la gestion du personnel, les infrastructures et la logistique nécessitent une attention particulière, de même que les conditions d'hébergement des soldats, les indemnités et les permissions. Nos militaires doivent bénéficier de conditions de vie et de travail décentes, comme leurs camarades des forces de sécurité intérieure.
Comment le ministère garantira-t-il des conditions d'accueil dignes, une rémunération adéquate et une gestion humaine des permissions à ces hommes et femmes dévoués à la sécurité de notre nation ? Comment l'impact de cette mobilisation sur les missions et les formations sera-t-il minimisé ?
M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires . - Le ministère de l'intérieur et des outre-mer prépare le volet sécuritaire depuis de nombreux mois, dans un contexte stratégique mondial très incertain. L'appui des forces armées à cet effort s'effectuera dans les conditions du code de la défense.
Le nombre de 15 000 militaires est l'estimation avancée à ce stade par les ministères de l'intérieur et des armées. Il inclut Sentinelle et concerne l'ensemble du territoire. Ces forces seront engagées de l'arrivée de la flamme olympique au printemps à la fin des jeux Paralympiques en septembre et continueront de remplir leurs autres missions. Le Président de la République y a particulièrement insisté. Il y reviendra peut-être demain, lors de ses voeux aux armées à Cherbourg-en-Cotentin.
Un tel engagement est un défi, car la force doit être correctement positionnée alors que la mobilité en région parisienne sera contrainte. Un camp militaire de 4 500 soldats sera créé sur la pelouse de Reuilly et tous les sites militaires franciliens seront exploités. Enfin, les militaires engagés dans le cadre de l'opération Sentinelle bénéficieront de l'indemnité d'absence opérationnelle au taux maximum.
Élections des propriétaires fonciers et usufruitiers aux chambres d'agriculture
Mme Nathalie Goulet . - Rien ne va plus pour les propriétaires fonciers : perte de représentativité, difficultés d'inscription sur les listes électorales aux chambres d'agriculture, tracasseries administratives. Depuis le décret du 19 juillet 2018, le collège des propriétaires fonciers et usufruitiers n'a plus qu'un siège au lieu de deux, alors qu'ils assurent 37 % des ressources des chambres. Les propriétaires sont doublement pénalisés, financièrement et politiquement.
Lors des dernières élections en 2019, le décret d'application est sorti tardivement, réduisant drastiquement la période d'inscription. Pour celles du 15 janvier au 28 février 2025, les inscriptions devront être ouvertes au plus tard en juillet. Il faut également numériser et simplifier le nombre invraisemblable de papiers à transmettre : imposition foncière, mais aussi copie du bail ou attestation sur l'honneur pour les baux verbaux.
M. Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire . - Les élections aux chambres d'agriculture sont un moment important de mobilisation du monde agricole. Elles seront organisées dans la continuité du précédent scrutin, notamment en termes de collèges, pour plus de stabilité et de respect des délais. En 2019, la charge des différentes consultations a fait glisser le calendrier d'un mois, réduisant la période d'inscription.
Les préfets afficheront au plus tard le 1er juillet 2024 les avis d'établissement des listes électorales. Ainsi, les intéressés auront deux mois et demi pour s'inscrire.
J'ai demandé à être informé de toute difficulté remontant du comité de pilotage en cours d'installation. Sont prévus une instruction technique pour l'organisation matérielle du scrutin, et un retour d'expérience. Nous examinerons quelles pièces justificatives sont strictement nécessaires, car de cette simplification dépend aussi le taux de participation.
Mme Nathalie Goulet. - Pensez aussi à la représentativité : les propriétaires, c'est 37 % du budget, un siège seulement au lieu de deux. Sans propriétaires, pas d'agriculteurs ni de vie rurale.
Assouplissement des règles d'octroi de crédit immobilier
M. Cyril Pellevat . - La crise immobilière affecte les Français mais aussi de nombreux secteurs économiques, ainsi que les collectivités dont les recettes issues des droits de mutation baissent.
Si cette crise tient en grande partie à la hausse des taux, les nouveaux critères obligatoires du Haut Conseil de stabilité financière (HCSF) plafonnent le taux d'endettement à 35 %, sans tenir compte du reste à vivre ; la durée d'emprunt ne peut excéder 25 ans, 27 ans pour le neuf. Les refus de crédits ou l'allongement, coûteux, de leur durée, pénalisent les emprunteurs. Les règles du HCSF bloquent des Français pourtant solvables et finançables. Tout le marché est fragilisé.
Ne peut-on assouplir ces règles, notamment par une meilleure prise en compte du reste à vivre, ce qui ne coûterait rien aux finances publiques, et ainsi de relancer un secteur qui en a tant besoin ?
M. Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire . - Le ralentissement du crédit résulte principalement du resserrement de la politique monétaire, même si les taux d'intérêt tendent à se stabiliser.
Le HCSF, institution collégiale indépendante, comprenant notamment la Banque de France, l'Autorité de contrôle prudentiel (ACPR) ou l'Autorité des marchés financiers, a adapté ses normes de bonnes pratiques au nouveau contexte financier pour ne pas freiner l'offre de crédit. La marge de flexibilité de la partie libre d'utilisation a été élargie, pour soutenir l'investissement locatif. Le respect de la marge de flexibilité sera apprécié par l'ACPR sur trois trimestres glissants, pour tenir compte des pics de saisonnalité. Les prêts-relais sont désormais exclus du calcul du taux d'effort, afin de fluidifier le marché. La maturité des prêts peut être allongée pour la construction d'un logement neuf ou des travaux représentant moins de 10 % du coût total. Enfin, le Gouvernement soutient la mise en place par la Fédération bancaire française d'un réexamen en cas de refus la demande de crédit.
M. Cyril Pellevat. - Le Gouvernement peut influencer les décisions du HCSF. Chaque jour, nous sommes sollicités par des entreprises ou des particuliers. En Haute-Savoie, les collectivités territoriales sont pénalisées.
Avenir de l'aéroport d'Orly et retrait d'Air France
M. Pascal Savoldelli . - Le 18 octobre dernier, la direction d'Air France annonçait son retrait de l'aéroport d'Orly, au profit de sa filiale low cost, Transavia : 600 à 1 000 emplois partiraient d'Orly, sans compter les emplois induits : un véritable désarmement économique du Val-de-Marne et du sud francilien ! L'État, premier actionnaire d'Air France, la subventionne au titre de sa mission de continuité territoriale. Pourtant, le Gouvernement est resté muet.
Deuxième aéroport français, douzième d'Europe, Orly est la passerelle avec les outre-mer. Sa dynamique fragile repose sur une diversité d'activités : proximité d'Air France Industrie, essor des vols à bas coût et développement des longs courriers. L'argument des économies dégagées par le regroupement d'activités ne tient pas. Le potentiel d'Orly s'accroît. Des compagnies privées sans mission de service public sont avides de récupérer des lignes, y compris vers la Corse. Le Gouvernement entend-il maintenir les emplois et les lignes d'Air France à Orly ? Quelle est sa vision stratégique pour cet aéroport ?
M. Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire . - La demande de vols nationaux s'est effondrée depuis la crise sanitaire, avec l'attractivité du train et le télétravail, entraînant des pertes importantes pour Air France, alors qu'Orly sera relié au centre de Paris par la ligne 14 en juin. Basculer les vols interrégionaux vers Roissy favorisera l'accès au réseau international. Pour autant, l'ensemble des créneaux actuellement opérés par Air France seront repris par Transavia.
Le Gouvernement vous apporte trois garanties. S'agissant des 500 emplois concernés et des salariés au sol, le projet ne prévoit aucun licenciement et l'État veillera aux solutions de reclassement. Orly continuera à bénéficier à la fois de la croissance de Transavia, avec quatorze nouvelles lignes pour 2024, et du remplacement intégral de la flotte par des A-320 Neo de dernière génération, plus propres et plus silencieux. Enfin, la direction d'Air France s'est engagée à maintenir 90 % de l'offre existante sur le réseau national et échange avec les élus locaux sur les destinations les plus fragiles.
M. Pascal Savoldelli. - Le trafic s'est effectivement effondré, mais durant la période covid ! Air France se fonde sur les chiffres de 2019. Je prends acte de vos engagements sur l'emploi, mais il y aura aussi un problème de transport.
L'État a investi 400 millions d'euros pour la ligne 14, sans compter les 3 milliards d'euros en juin 2014. Des concurrents d'Air France vont bénéficier de ce réseau de transport exceptionnel vers le centre de Paris. Les Ultramarins ont une histoire, humaine et sociale, avec Orly. J'espère que cet aéroport ne sera pas vendu comme aéroport low cost au privé.
Technip Energies et sanctions contre la Russie
Mme Mathilde Ollivier . - En 2019, le groupe russe Novatek a annoncé le lancement d'un méga-projet gazier, stratégique pour la Russie. La filiale française de Technip Energies a été chargée de l'ingénierie et de la construction.
La guerre en Ukraine a entraîné des sanctions européennes interdisant explicitement les exportations vers la Russie de produits et de technologies utilisés dans la liquéfaction du gaz naturel.
D'après une enquête du Monde, Technip Energies aurait livré des pièces jusqu'en octobre 2022 et transféré des entités aux Émirats arabes unis. Plusieurs membres du Gouvernement ou de cabinets ministériels auraient été approchés pour soutenir Technip Energies.
Que savez-vous d'un éventuel contournement des sanctions par ce groupe ? Une enquête est-elle en cours ? Avez-vous demandé la liste des équipements livrés par Technip Energies après l'entrée en vigueur des sanctions européennes ? Quelles sont les conséquences pour l'État actionnaire de la chute du cours de l'action de Technip Energies à la suite de l'enquête du Monde ? Pourquoi la France et l'Union européenne ne font-elles pas tout pour assécher la machine de guerre russe ?
M. Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire . - Le Gouvernement soutient l'Ukraine et est pleinement mobilisé pour appliquer strictement les sanctions contre la Russie.
L'interdiction de fournitures de biens utilisés dans le raffinage et la liquéfaction du gaz est d'application directe : les entreprises doivent s'y conformer en sollicitant les autorisations nécessaires. L'administration de Bruno Le Maire se tient à la disposition de toutes les entreprises françaises, y compris pour organiser leur retrait du marché russe.
La qualification du contournement de sanction suppose une analyse fine, au cas par cas, et relève des prérogatives d'enquête du service des douanes sur la base d'éléments précis. C'est ce qui est fait actuellement.
Fibre optique dans les Yvelines
Mme Marta de Cidrac . - Dans les Yvelines, les communes de Carrières-sous-Poissy, Achères et Conflans-Sainte-Honorine, entre autres, font face à une forte dégradation de la qualité du réseau de fibre optique opéré par SFR. Le recours accru à la sous-traitance a endommagé le réseau, et SFR et les opérateurs se renvoient la balle pour la remise en état. La qualité de vie des habitants en est affectée. Qu'allez-vous faire pour mettre fin à cette anarchie et faire en sorte que ces communes retrouvent un réseau de fibre optique digne de ce nom ?
M. Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire . - Il est vrai que certains territoires subissent d'importants dysfonctionnements, pour des raisons diverses : rythme élevé des raccordements, réseaux historiquement mal dimensionnés - c'est le cas des Yvelines -, multiplication des sous-traitants peu ou mal formés. Le Gouvernement et l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep) ont donc saisi la filière télécom afin qu'elle propose des améliorations. La qualité des interventions va être renforcée, grâce à une certification et un niveau de formation minimal. Les contrôles vont être améliorés, grâce à la transmission des plannings d'intervention et l'établissement de comptes rendus d'intervention. Enfin, les infrastructures dégradées vont être reprises, notamment mille points de mutualisation sur le territoire, dont huit à Conflans-Sainte-Honorine. Le contrôle de la mise en oeuvre de ces trois axes a été confié à l'Arcep.
Mme Marta de Cidrac. - Nous connaissons ces arguments. J'attends du Gouvernement qu'il tape du poing sur la table, car cela dure depuis des mois : c'est insupportable, surtout avec le développement du télétravail.
Ifer nucléaire
Mme Catherine Morin-Desailly . - Ma question porte sur la répartition de l'imposition forfaitaire sur les entreprises de réseau (Ifer) dans le cadre d'une installation de production d'électricité nucléaire.
Deux EPR2 vont être installés à Penly, à partir de 2027. Les communes et établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) voisins sont concernés à un double titre : l'acceptabilité du projet, d'une part, et l'accueil des nouveaux employés et de leurs familles, d'autre part.
Or ces contraintes ne font l'objet d'aucune contrepartie fiscale, car l'Ifer n'est reversée qu'au seul EPCI à fiscalité professionnelle unique d'implantation, la communauté de communes Falaises du Talou, ainsi que le prévoit le code général des impôts.
Les collectivités voisines le vivent comme une injustice. Les recettes fiscales doivent être mieux réparties. Le ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales nous indique qu'il est possible de demander une dotation au titre du fonds départemental de péréquation de la taxe professionnelle (FDPTP), mais pas de revoir la répartition de l'Ifer. Une modification de la répartition de l'Ifer est-elle néanmoins envisageable ?
M. Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire . - C'est un sujet ancien. Deux réacteurs supplémentaires devraient être installés à Penly à compter de 2027. Le produit de l'Ifer est réparti entre le bloc communal et le département. En cas de fiscalité professionnelle unique, le produit est réparti entre l'EPCI d'implantation et le département. Dans le cas contraire, il est réparti à parts égales entre la commune d'implantation et le département. C'est cohérent avec la logique de l'intégration fiscale et avec la prise en compte des externalités des communes avoisinantes, à l'échelle du département.
Le Gouvernement ne souhaite pas modifier le régime actuel, mais nous regarderons, au niveau du territoire, comment mieux compenser les communes avoisinantes.
Mme Catherine Morin-Desailly. - Nous poursuivrons cet échange sur cette question importante.
Remplacement de professeurs absents en zone rurale
Mme Alexandra Borchio Fontimp . - Le problème du non-remplacement d'enseignants est plus que jamais d'actualité. L'Éducation nationale souffre, et nos enfants en sont les premières victimes. Si certaines familles optent pour l'enseignement privé, toutes n'y ont pas accès. Notre nouvelle ministre dit avoir été confrontée au problème alors qu'elle vit en plein centre de Paris : imaginez alors la situation dans la ruralité !
Le Gouvernement n'a pas su tenir sa promesse de mettre un professeur devant chaque classe. Vivre en zone rurale ne doit pas rimer avec inégalité d'accès à l'école.
Dans les Alpes-Maritimes, plusieurs établissements du haut et moyen pays, comme le collège Jean-Franco de Saint-Etienne-de-Tinée ou le lycée de la Montagne à Valdeblore, peinent à recruter des professeurs titulaires. Augmentation de salaire, proposition de logement : les chefs d'établissement et les maires font pourtant tout pour rendre ces postes attractifs, en vain.
À la tête de l'éducation nationale, Gabriel Attal a appelé à un « choc des savoirs » et assuré vouloir élever le niveau de l'école. Encore faut-il des enseignants dans les classes...
La ruralité ne peut être sacrifiée, elle doit redevenir une priorité. Quelles mesures supplémentaires comptez-vous prendre pour pallier le manque de professeurs dans nos belles communes rurales ?
M. Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire . - En tant qu'élu rural du Loir-et-Cher, je suis sensible à ce sujet - qui touche aussi des territoires urbains.
Le ministère de l'éducation nationale est pleinement mobilisé. Le 31 mars dernier, la Première ministre a annoncé l'élargissement du programme Territoires éducatifs ruraux à l'ensemble des départements ruraux, dans le cadre du plan France ruralités. Cela fait partie d'un bouquet de solutions pour nos territoires ruraux.
Le remplacement des professeurs absents est une priorité du service public de l'éducation nationale. À ce titre, les territoires ruraux et isolés font l'objet d'un pilotage spécifique des services académiques.
Depuis 2017, le ministère prend des mesures concrètes afin de renforcer l'attractivité des métiers de l'enseignement. Ainsi, au terme d'un cycle de concertations avec les organisations syndicales, des mesures de revalorisation des rémunérations et des carrières des professeurs sont entrées en vigueur au 1er septembre 2023. La part fixe de l'indemnité de suivi et d'orientation des élèves a été augmentée, la prime d'attractivité a été étendue et revalorisée pour les professeurs stagiaires. Avec le pacte enseignant, les professeurs effectuant des missions complémentaires sur la base du volontariat bénéficient d'une rémunération complémentaire. L'accès aux grades supérieurs est facilité, ce qui concourt aussi à l'attractivité des métiers.
En complément, d'autres leviers sont mobilisés au niveau académique pour renforcer l'attractivité des métiers d'enseignants, mais aussi pour fidéliser les contractuels. Le président de la République l'a dit lors de sa conférence de presse : il y a eu des avancées sur le remplacement sur les arrêts de longue durée ; il s'agit désormais de faire porter l'effort sur les arrêts plus ponctuels. C'est une question d'attractivité, mais aussi d'organisation.
Accès des enseignants du privé aux concours de l'enseignement supérieur
Mme Nicole Duranton . - Qu'ils exercent dans le privé ou dans le public, les professeurs rendent le même service public d'éducation et de formation des citoyens de demain. Or les professeurs des établissements privés sous contrat se retrouvent écartés des concours de recrutement des professeurs agrégés ou certifiés : seuls les professeurs titulaires de la fonction publique peuvent être affectés dans le supérieur. Pour y prétendre, les enseignants du privé doivent être lauréats d'un concours de l'enseignement public ou demander leur intégration dans le corps des professeurs agrégés ou des professeurs certifiés.
Ces formalités sont vécues comme une injustice, alors que certains interviennent régulièrement dans le supérieur - mais seulement en tant que vacataires.
Envisagez-vous de remédier à ces inégalités et de permettre aux professeurs du privé d'accéder aux concours des professeurs agrégés et des professeurs certifiés dans les mêmes conditions que les enseignants du public ?
M. Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire . - Les maîtres des établissements d'enseignement privé sous contrat d'association ont la qualité d'agent public, mais ne sont pas fonctionnaires. S'ils disposent, en application du principe de parité posé à l'article L. 914-1 du code de l'éducation, du bénéfice de dispositions applicables aux enseignants du public, les modalités de recrutement et concours sont spécifiques. De même, étant recrutés sur contrat, ils ne peuvent pas non plus être détachés en application de l'article L. 513-1 du code général de la fonction publique, position administrative réservée aux fonctionnaires.
Or le recrutement des professeurs agrégés et certifiés dans l'enseignement supérieur se fait par la voie du détachement ou de l'affectation des membres des corps de professeurs titulaires de l'enseignement public.
À ce stade, cette voie est donc fermée aux enseignants du privé. Toutefois, les lauréats d'un concours de l'enseignement public qui exercent dans le privé peuvent y accéder en demandant leur intégration dans le corps des personnels enseignants du second degré auquel ce concours donne accès.
Par ailleurs, une concertation est en cours avec les organisations syndicales des enseignants du privé pour réfléchir aux mobilités nouvelles qui pourraient leur être proposées, et mieux répondre à leurs attentes.
Mme Nicole Duranton. - Merci, je transmettrai cette réponse aux professeurs qui m'ont interpellée, en espérant que cette concertation aboutira.
Formation à la prévention des incendies dans les écoles
M. Philippe Grosvalet . - Comme tous les établissements recevant du public (ERP), les écoles doivent respecter des normes relatives à la prévention des incendies. Ainsi, les directeurs d'écoles doivent être formés à la manipulation des extincteurs. Or, le 4 septembre, lors de l'inspection de l'école Jean de la Fontaine à Saint-Lyphard, en Loire-Atlantique, la commission départementale de sécurité a constaté l'absence de cette formation - défaut déjà signalé en 2010, 2015 et 2018. Elle a émis un avis défavorable à la poursuite de l'activité d'accueil du public, contraignant le maire à prendre un arrêté provisoire d'exploitation de six mois.
Depuis 2011, plusieurs cas similaires ont été signalés. Qu'envisagez-vous pour assurer cette formation indispensable à la sécurité des jeunes élèves et des personnels ?
M. Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire . - Le ministère est attentif à ce que la sécurité des personnels et des élèves soit garantie. Concernant la prévention du risque incendie, les académies mettent en oeuvre les mesures prévues tant par la réglementation des ERP que par le code du travail - dont la formation du personnel au risque incendie, à la manipulation des extincteurs, au déclenchement de l'alarme et à l'évacuation. Ces gestes cruciaux, même s'ils peuvent paraître répétitifs, doivent être régulièrement rappelés.
Dans les orientations stratégiques ministérielles (OSM) en matière de politique de prévention des risques professionnels de 2023, les académies sont invitées à porter une attention particulière à l'évaluation et à la prévention des risques bâtimentaires, notamment du risque incendie. Ces OSM renvoient à un guide sur la sécurité incendie, publié fin 2022 par la cellule Bâti scolaire du ministère, qui rappelle les obligations en matière de formation à la manipulation d'extincteurs.
Le ministère restera attentif à la mise en oeuvre des formations incendie et au suivi de la levée des prescriptions formulées par les commissions consultatives de sécurité.
M. Philippe Grosvalet. - Hélas, ces directives ne sont pas suivies. J'invite la ministre de l'éducation nationale à relire la fable de Jean de La Fontaine, et lui rappelle que « la méfiance est mère de la sûreté » !
Projet de loi sur le modèle français de fin de vie
M. Stéphane Demilly . - Devant la Convention citoyenne sur la fin de vie, le Président de la République s'est engagé à bâtir un projet de loi dès la fin de l'été 2023. Le Gouvernement annonçait en décembre une présentation au Parlement en février 2024. L'attente est réelle. La question mérite un débat au Parlement, au nom de tous les Français atteints de maladies graves et incurables.
La maladie de Charcot touche 9 000 personnes en France, avec cinq nouveaux cas par jour, pour une espérance de vie de deux à cinq ans. C'est la double peine pour les malades : privés de traitement, ils ne peuvent demander à mourir dignement. Un malade m'a écrit : « Vos capacités cognitives ne sont pas touchées, vous permettant ainsi de profiter pleinement de votre propre déchéance. »
Il est urgent d'agir, d'autant plus que les prévisions sur les maladies dégénératives font frémir : elles vont exploser.
Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée chargée du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement . - Les mentalités évoluent sur la fin de vie. La souffrance et la dépendance des malades soulèvent de nombreuses questions. Nous devons renforcer les soins palliatifs et ne pouvons ignorer la détresse de ceux qui demandent une aide active à la fin de vie.
Le Président de la République a souhaité un projet de loi. La ministre présentera dans les prochaines semaines une stratégie décennale pour améliorer les soins palliatifs et la protection des patients, avec une réflexion sur l'accompagnement du deuil, les directives anticipées et l'accompagnement des aidants.
Un volet portera sur l'introduction dans notre droit d'une aide active à mourir. Il faudra légiférer avec prudence, en respectant le dialogue avec les professionnels et les familles.
La coconstruction avec le Parlement permettra de trouver un chemin, dans le respect de tous. Le calendrier précis d'examen parlementaire sera détaillé prochainement. Je suis persuadée que nous trouverons un point d'équilibre.
M. Stéphane Demilly. - Nous attendons avec impatience ce projet de loi, son contenu et son inscription à l'ordre du jour.
IVG instrumentales réalisées par les sages-femmes
Mme Laurence Rossignol . - Le Parlement a voté l'extension de la pratique de l'interruption volontaire de grossesse (IVG) instrumentale aux sages-femmes. Le décret est paru, mais il est très restrictif : il limite la durée pendant laquelle les sages-femmes peuvent intervenir et il exige la présence de trois médecins sur site, dont un médecin capable de réaliser des embolisations artérielles, ce qui signifie que les sages-femmes pourront très rarement pratiquer des IVG instrumentales.
Les conditions sont drastiques, plus exigeantes que pour les médecins ! Il faut revoir ce décret, et respecter la volonté du Parlement.
Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée chargée du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement . - Le Gouvernement est engagé dans l'amélioration de l'accès à l'IVG et partage pleinement l'objectif de diversification des praticiens susceptibles de la réaliser. Le décret a été publié le 16 décembre dernier, faisant suite à une expérimentation porteuse de nombreux enseignements. La rédaction du décret résulte d'une large concertation des acteurs impliqués.
Le décret retient finalement la fin de la quatorzième semaine de grossesse, soit la limite de réalisation des IVG, pour qu'une sage-femme la pratique.
Pour assurer la qualité de l'acte, nous avons fixé des conditions d'expérience et de formation des sages-femmes, qui préexistaient déjà dans l'expérimentation : elles ont montré leur utilité.
Cette extension est bienvenue pour les territoires où l'accès aux soins est plus difficile. Le Gouvernement sera attentif à sa mise en oeuvre concrète. C'est aussi une mesure importante pour l'attractivité du métier de sage-femme.
Mme Laurence Rossignol. - Vous ne répondez qu'en partie.
Quelle concertation ? Les sages-femmes n'ont pas été entendues... mais sans doute les médecins sont-ils rétifs au transfert de l'activité. Les sages-femmes sont très mécontentes de ce décret.
Pourquoi exiger la présence de médecins spécialistes, non requise pour les médecins ?
Prévention de l'arrêt cardiaque extra-hospitalier
M. Bernard Jomier . - L'été prochain, des millions de personnes vont se rassembler pour les jeux Olympiques et Paralympiques, les stades et fan zones seront bondés, augmentant, sous la chaleur estivale, le risque d'arrêt cardiaque extra-hospitalier. Le taux de survie n'est que de 6 % en France, contre 40 % en Suède, où la population est formée aux premiers secours et où l'accès aux défibrillateurs, entretenus, est aisé.
Le retard est significatif en France. Les défibrillateurs automatisés externes (DAE) sont mal entretenus et insuffisamment déclarés aux associations de citoyens sauveteurs. Nombre d'entre eux sont simplement inaccessibles.
À l'approche des jeux, quelles mesures concrètes prendrez-vous pour assurer la protection des spectateurs ? Comment allez-vous renforcer l'accès à ces DAE et mieux former les citoyens ? Quelles mesures de prévention prévoyez-vous ?
Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée chargée du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement . - Le Président de la République a fixé en 2017 un objectif de formation de 80 % des personnes aux premiers secours.
La loi du 26 juin 2018 relative aux défibrillateurs cardiaques a imposé des obligations d'équipement pour les établissements recevant du public et le renforcement de la signalétique et de la maintenance. Une base nationale sera créée pour mieux géolocaliser ces DAE.
La déclaration des informations par les propriétaires est définie par l'arrêté du 29 octobre 2019 : la géolocalisation sera facilitée et des applications citoyennes pourront diffuser des informations.
Quelque 1 120 000 DAE ont déjà été déclarés. Les données sont constamment mises à jour. Cela optimise la prise en charge des victimes d'arrêt cardiaque et sauve des vies.
Des actions de sensibilisation et de communication sont assurées pour améliorer la déclaration. Des QR codes DAE ont été déployés dans des lieux stratégiques, pour mieux les intégrer dans la chaîne de prise en charge de l'arrêt cardiaque.
Décret relatif à l'installation d'officines de pharmacie
M. Cédric Vial . - En 2018, le Gouvernement a prévu par ordonnance des dispositions en faveur des communes de moins de 2 500 habitants où l'accès aux médicaments n'est pas satisfaisant, les critères d'éligibilité devant être définis par un décret très attendu. Depuis, rien. Aux questions posées à l'Assemblée nationale ou au Sénat la réponse est toujours la même : le décret doit paraître le trimestre ou le semestre suivant. Quelques exemples : en janvier 2020, on répond qu'il doit être publié au premier semestre 2021 ; en octobre 2021, au premier semestre 2022 ; en juillet 2022, début 2023 ; en octobre 2022, au premier trimestre 2023 ; en janvier 2023, fin 2023. Nous voilà en janvier 2024. Vous semble-t-il normal que les parlementaires, comme l'ensemble des élus locaux, aient l'impression que l'on se moque d'eux ?
Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée chargée du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement . - Le maillage officinal est aujourd'hui globalement satisfaisant, avec 20 142 officines, soit 30 officines pour 100 000 habitants. Il peut être renforcé grâce à des aides financières et à un assouplissement des règles encadrant les autorisations de transfert et de regroupement, notamment dans des communes de moins de 2 500 habitants. Le projet de décret est en cours d'élaboration et a été soumis aux représentants des professions et des caisses de sécurité sociale. Ces consultations prennent du temps, mais elles sont essentielles. Je veux vous assurer de la détermination de la ministre du travail, de la santé et des solidarités à le publier le plus rapidement possible ; elle réunira d'ici la fin du mois les agences régionales de santé (ARS) pour réaliser un point d'étape.
M. Cédric Vial. - Vous perpétuez donc la tradition des voeux pieux ; mais cela fait sept ans que ce décret est en consultation ! C'est au Parlement de faire la loi, et non aux lobbies - car c'en est un qui s'oppose à la sortie de ce décret. Ce n'est pas un pansement Urgo sur une jambe de bois, c'est une vraie attente de nos territoires.
Fermeture de l'hôpital Bichat
M. Ian Brossat . - Le projet de Grand Hôpital Nord est en réalité une fusion de deux hôpitaux : Bichat dans le XVIIIe arrondissement et Beaujon dans le 92, votre terre d'élection. Il se traduira par la fermeture de 300 lits d'hospitalisation, soit 30 % des capacités de ces deux hôpitaux. C'est d'autant plus inquiétant qu'il se situe dans le Nord-est parisien, dans une des zones les plus carencées d'Île-de-France, avec trois lits pour 1 000 habitants, contre quatre dans la région. Il suscite très légitimement l'inquiétude des soignants et des patients ; la Cour administrative d'appel a décidé de le suspendre pour vice de procédure et l'enquête publique a été relancée à partir du 29 janvier. Allez-vous enfin remettre à plat ce projet - car qui peut justifier la perte de 300 lits d'hospitalisation ?
Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée chargée du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement . - Ce nouvel hôpital, pour un investissement de plus de 1,3 milliard d'euros, offrira des conditions d'accueil pour les patients et d'exercice pour les professionnels de santé sans commune mesure avec celles de Bichat et Beaujon. La construction du CHU de Saint-Ouen-Grand-Paris-Nord à horizon 2028 prévoit notamment une maternité d'une capacité de 2 000 naissances par an en remplacement de celles de Bichat et de Beaujon. Cela rééquilibrera géographiquement l'offre de maternité en faveur de la Seine-Saint-Denis sans la déstabiliser puisque les autres maternités seraient en capacité d'absorber le solde des naissances. Sans même tenir compte des rehaussements capacitaires des maternités de Lariboisière et d'Avicenne, le solde des 1 373 accouchements résultant du projet serait accueilli sans trop d'impact pour les maternités avec un taux d'occupation à 75 %. Nul doute que l'ARS et l'APHP veilleront à la sécurisation juridique du projet.
M. Ian Brossat. - Ce projet de fusion se traduit par une suppression de 300 lits d'hospitalisation dans un territoire populaire qui en manque déjà cruellement. Est-ce compatible la présentation de la santé comme une priorité par Président de la République ?
Avenir de la filière hydrolienne
M. Sébastien Fagnen . - Comment les annonces du Président de la République aux assises de l'économie de la mer à Nantes le 28 novembre dernier se traduiront-elles ? Les nouvelles capacités nucléaires n'étant pas connectées avant 2035, il faut accélérer le développement massif des énergies renouvelables, notamment marines, comme le recommande le rapport de Réseau de transport d'électricité (RTE). Après l'échec d'OpenHydro en 2018, faute d'un soutien franc de l'État, l'aide de 65 millions d'euros à la ferme pilote hydrolienne manchoise Flowatt était inespérée, tant l'énergie hydrolienne était le parent pauvre de la précédente programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE), malgré les deux courants prometteurs du Raz Blanchard et du Fromveur. Elle a besoin d'une visibilité sur son développement commercial à court terme pour investir et donc baisser ses coûts, et donc que soient lancés dès à présent des appels d'offres commerciaux sans attendre la mise en service des fermes pilotes comme cela a été le cas pour l'éolien flottant. Attendre représenterait une rupture d'activité pour la société HydroQuest après la livraison des hydroliennes de la firme pilote en 2026. Les difficultés n'ont pas empêché la Grande-Bretagne de développer cette filière de manière extrêmement volontariste. Vous engagez-vous à lancer rapidement des appels d'offres commerciaux ?
Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée chargée du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement . - Les différentes sources d'énergie renouvelable sont complémentaires ; les nouvelles énergies marines présentent un potentiel que nous intégrons pleinement dans nos réflexions. La France a été pionnière dans ce domaine avec l'usine marémotrice de la Rance, première installation au monde à produire de l'électricité à partir de l'énergie des marées à une échelle industrielle - malgré l'ensablement progressif de la Rance qui nécessite des travaux réguliers. La stratégie offshore de la Commission européenne a fixé l'objectif de 40 gigawatts de capacité d'énergie océanique hors éolien en mer ; la France, par ses courants marins, présenterait un potentiel de 3 à 5 gigawatts. Pour autant, l'hydrolien doit encore poursuivre sa montée en maturité afin de baisser ses coûts. En soutenant Flowatt, le Gouvernement a témoigné de son souhait de l'accompagner et travaille pour que la prochaine PPE intègre le lancement de premiers appels d'offres commerciaux sous réserve d'une baisse des coûts.
Chaudiéristes biomasse français
Mme Audrey Linkenheld . - Les chaudiéristes biomasse représentent 450 000 emplois directs et indirects, mais sont fragilisés par la guerre en Ukraine et des difficultés d'accès aux dispositifs d'aide à la rénovation énergétique. En décembre dernier, l'Agence nationale de l'habitat (Anah) a en effet annoncé une baisse du forfait MaPrimeRénov' pour le chauffage au bois en avril 2024. Or les chaudières qui servent non pas d'appoint, mais véritablement de chauffage principal sont une solution alternative intéressante dans certains cas, contrairement au fioul ou à l'électricité pour certains ménages. Pourquoi une telle baisse ? Quelles mesures le Gouvernement prendra-t-il pour soutenir cette filière ?
Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée chargée du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement . - Le chauffage domestique au bois est l'une des principales sources de chaleur renouvelable, mais aussi la principale source d'émissions de particules fines. Or la qualité de l'air en France reste un enjeu essentiel en termes de santé publique, pour lequel nous déployons le plan chauffage domestique au bois performant depuis fin 2021. Concernant les fonds air-bois, l'Ademe a engagé un nouveau cycle d'appels à projets pour aider les collectivités à mettre en place des fonds pour accélérer le renouvellement d'appareils de chauffage domestiques au bois peu performants. Concernant MaPrimeRénov', les aides sont maintenues en 2024, mais réduites de 30 % à compter du deuxième trimestre 2024 afin de ne pas défavoriser les pompes à chaleur. Les appareils très performants de chauffage aux granulés ou au bois permettent de décarboner les bâtiments sans impact pour le système électrique. Grâce à l'action du Gouvernement, le marché des chaudières biomasse est passé de 10 000 chaudières par an en 2018 à 42 000 chaudières par an en 2022.
Mme Audrey Linkenheld. - Vice-présidente au climat de la métropole européenne de Lille il y a quelques mois encore, j'y ai instauré la prime air. Reconnaissez qu'il y a un paradoxe à développer ces primes d'un côté et de l'autre à baisser le forfait pour les chaudières au bois...
La séance est suspendue à midi vingt-cinq.
Présidence de Mme Sylvie Vermeillet, vice-présidente
La séance est reprise à 14 h 30.
Mise en application de la loi du 20 juillet 2023 visant à faciliter la mise en oeuvre des objectifs de lutte contre l'artificialisation des sols et à renforcer l'accompagnement des élus locaux
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle le débat sur la mise en application de la loi du 20 juillet 2023 visant à faciliter la mise en oeuvre des objectifs de lutte contre l'artificialisation des sols et à renforcer l'accompagnement des élus locaux, à la demande du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste-Kanaky.
Mme Cécile Cukierman, pour le groupe CRCE-K . - Alors que nous faisons le tour de nos départements en cette période de voeux, nous sommes de plus en plus interpellés sur le zéro artificialisation nette (ZAN), un enjeu essentiel pour l'avenir de nos communes. Derrière cet acronyme, ce sont le logement et le développement économique des territoires ruraux et périurbains qui se jouent.
Préserver la biodiversité et nos espaces naturels et agricoles est une impérieuse nécessité. Mais une politique efficace de transition écologique et sociale suppose ne pas opposer cet impératif à la construction de logements. Il faut sortir de certains dogmatismes pour relever les défis qui sont devant nous.
Au bout du processus législatif, les élus locaux doivent mettre en application les objectifs de la loi Climat et résilience. C'est à eux que je pense. Au dernier Congrès des maires, un point d'information sur le sujet a fait salle comble. De fait, face la complexité du dispositif, les élus restent perplexes.
Malgré la loi du 20 juillet dernier, qui a prévu des adaptations pour tenir compte des remontées de terrain, le ZAN continue d'effrayer. Les échéances sont connues : division par deux de la consommation d'espaces naturels, agricoles et forestiers (Enaf) sur la décennie 2021-2031 par rapport à la décennie précédente et atteinte du ZAN à l'horizon 2050.
Des correctifs ont été prévus, comme la valorisation des efforts de renaturation dès la première décennie et de nouvelles échéances pour l'intégration des objectifs dans les documents de planification et d'urbanisme : 22 novembre prochain pour les Sraddet et autres schémas régionaux ; 22 février 2027 pour la compatibilité des Scot aux objectifs régionaux ; 22 février 2028 pour celle des PLU, PLUi et cartes communales à ces objectifs. Sans oublier la garantie rurale d'un hectare : toutes les communes ne l'utiliseront pas forcément, mais elles conserveront la possibilité de construire un équipement nécessaire à la vitalité de leur territoire.
Poursuivons le travail sur ces sujets, en tenant compte des attentes des élus locaux. Ne laissons pas croire qu'il y aurait une France à deux vitesses : une France urbaine bien dotée en ingénierie et une France qui en serait privée. Les maires demandent des moyens et un accompagnement, pas que l'État agisse à leur place.
Nous devrons créer de l'emploi et du logement dans toutes les communes, notamment petites et moyennes. Nous ne pourrons pas répondre aux besoins uniquement par la réhabilitation du bâti existant : nous aurons besoin de construire encore, mais pas n'importe comment ni n'importe où.
Je suis convaincue que les friches représentent un énorme potentiel. Dans la France rurale et périurbaine, de nombreux espaces ne demandent qu'à être recyclés. C'est du bon sens du point de vue écologique.
L'État doit s'engager davantage au côté des communes et des intercommunalités, en leur laissant de la place, au lieu de chercher à imposer une avalanche de directives. Les élus doivent garder une marge de manoeuvre sur les territoires : ils sauront agir dans le respect de l'environnement.
Si les trois décrets de décembre dernier sur la territorialisation des objectifs, la classification des zones artificialisées et la commission de conciliation marquent des progrès, les élus locaux attendent encore des réponses. Je souhaite que ce débat serve à leur apporter des précisions et à mettre en évidence les manques qui subsistent, pour mieux relever le défi social et environnemental dans nos communes. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K ; MM. Christian Bilhac et Vincent Louault applaudissent également.)
M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. - Moins de six mois après le vote de la loi, je remercie le groupe CRCE-K pour ce premier moment de suivi. J'ai échangé avec le rapporteur Jean-Baptiste Blanc, ainsi qu'avec Mme Létard, à qui je rends hommage. Notre objectif est d'artificialiser moins, sans obérer le développement économique. Avec le suivi de la Haute Assemblée et les remontées de terrain, nous sommes dans les meilleures conditions pour réussir. Je vous répondrai de façon globale, après vous avoir écoutés attentivement.
M. Bernard Pillefer . - L'accompagnement des collectivités territoriales dans la mise en oeuvre du ZAN est crucial : souplesse et pédagogie sont nécessaires pour réussir la transition.
La loi du 20 juillet 2023 a pallié des lacunes du texte initial et apporté des modifications bienvenues. Cependant, toutes les promesses ne sont pas tenues. En particulier, la voix des territoires ruraux doit être davantage entendue : au Sénat, il est de notre responsabilité de la porter.
Projets bloqués, communes figées : les conséquences sont importantes pour la vitalité de nos territoires.
Alors que nous voulons réindustrialiser le pays et que nous connaissons une crise du logement sans précédent, nos territoires ont besoin d'accueillir de nouveaux habitants et de nouvelles entreprises, de permettre le développement des entreprises existantes et de conserver des services publics de proximité.
Or des zones d'ombre subsistent. Quel sera le calendrier de la clause de revoyure et sera-t-elle territorialisée ? La nomenclature des surfaces artificialisées sera-t-elle révisée - je pense aux abords des exploitations agricoles, dont le statut reste flou ? Le droit à l'hectare sera-t-il sanctuarisé ? Chaque territoire doit pouvoir adapter sa stratégie à sa réalité foncière.
Le Président de la République a annoncé une stratégie nationale, avec des crédits budgétaires spécifiques. Mais cela ressemble fort à un rendez-vous manqué : les élus locaux ne disposent pas d'outils fiscaux adaptés et leurs ressources diminuent, alors qu'ils doivent exercer de nouvelles compétences. Il faut un nouveau mode de décentralisation financière et fiscale. Les politiques ZAN ont un coût : qui mettra la main au portefeuille ?
Nous devons réhabiliter les dents creuses et lutter contre les passoires thermiques et les logements vacants.
Les territoires doivent bénéficier d'une ingénierie de projets et d'un accompagnement de qualité sur les plans juridique, technique et opérationnel.
Mme la présidente. - Veuillez conclure.
M. Bernard Pillefer. - Nous devons mieux prendre en compte la spécificité de nos territoires. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP)
M. Ronan Dantec . - En cette période de voeux, nous sillonnons nos territoires pour participer aux cérémonies communales. À propos du ZAN, je dis aux élus : nous sommes conscients de la contrainte, mais nous ne pouvons continuer à gaspiller nos espaces naturels, agricoles et forestiers. Ils hochent la tête... Je rêve qu'un certain président de région soit à ma place et fasse son introspection... Quel exemple pour la jeunesse que de grands élus qui se targueraient presque de ne pas respecter la loi !
Je ne nie pas les difficultés de mise en oeuvre concrète. La construction d'un habitat léger et compostable relève-t-elle de l'artificialisation ? Faut-il se fier à la comptabilité du Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema) ou des agences d'urbanisme locales, qui peuvent diverger ? Il faut un processus permettant d'obtenir rapidement des réponses à ce type de questions.
Les maires sont nombreux à penser que la loi aura des retombées positives sur leur territoire, par exemple en matière de requalification des friches ou de développement de nouvelles synergies. Le ZAN, c'est une nouvelle manière de penser l'attractivité des communes. C'est aussi un nouveau regard sur les espaces agricoles : dans le temps, on les voyait comme de futurs lotissements ; désormais, comme des espaces à préserver. De même, un vieux garage en ville était naguère une verrue ; aujourd'hui, c'est un potentiel de nouveaux services et de nouveaux habitants.
Je rejoins Cécile Cukierman sur les besoins d'ingénierie. Avoir conservé l'enveloppe de 250 millions d'euros pour les plans climat-air-énergie territoriaux (PCAET), comme le proposait le Sénat, est une bonne mesure.
Approfondissons le dialogue et répondons précisément aux problèmes concrets. Dans quelques années, j'en suis convaincu, on dira que cette loi était importante et nécessaire. (Applaudissements sur les travées du GEST et sur des travées du groupe CRCE-K)
M. Pierre Barros . - Solution miracle pour les uns, danger pour la survie des communes d'après les autres, les trois lettres du ZAN font couler beaucoup d'encre.
Remettre en perspective nos politiques d'aménagement est un objectif louable : il faut se poser les bonnes questions avant de lancer un projet d'aménagement. Mais le mot d'ordre « éviter, réduire, compenser » n'est pas adapté à de nombreuses collectivités. En matière de services publics, de logement ou d'emploi, elles ont besoin de réaliser des projets, parfois sur des espaces non bâtis. La garantie de 1 hectare obtenue par le Sénat leur permet de conserver une possibilité de développement.
Il faut aussi reconvertir les friches et agir contre la hausse des prix de l'immobilier en centre-ville pour contrer l'étalement urbain. Une ville nouvelle se construit sur le plateau de Saclay, alors que l'Île-de-France n'est pas dépourvue de friches à reconvertir... Cela appelle une réflexion des collectivités aménageuses. Les pratiques alternatives sont précieuses pour développer des savoir-faire utiles à la lutte contre le réchauffement climatique.
Le ZAN intégrera un bilan entre ce qui est construit et ce qui est renaturé. Il convient de réfléchir aussi à la désimperméabilisation.
Avec les objectifs du ZAN, les communes qui ont le moins artificialisé hier sont celles qui pourront le moins artificialiser demain : c'est vécu comme une injustice.
Le Sénat a fait preuve d'agilité, élargissant les contraintes à l'échelle intercommunale. Prenons garde à ne pas créer de nouvelles aberrations. Poursuivons le travail, pour que le ZAN soit non pas un verrou, mais un outil au service d'un aménagement plus économe et plus humain. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K)
M. Christian Bilhac . - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Je remercie le groupe CRCE-K pour ce débat.
La loi Climat-résilience a prévu la réduction de moitié de la consommation d'espaces naturels, agricoles et forestiers d'ici à 2031. Elle a été amendée en 2023.
Une politique de sobriété foncière est nécessaire, car il faut stopper l'urbanisation excessive. Mais les difficultés de mise en oeuvre de la loi sont considérables, avec une grande complexité administrative.
Dès votre nomination, monsieur le ministre, vous avez demandé aux préfets d'attendre avant de demander une réduction de moitié de la consommation des espaces. Votre décision doit être saluée.
Dans l'Hérault, pas une semaine ne se passe sans qu'une difficulté liée au ZAN soit évoquée. Comment l'appliquer sur des territoires aussi divers que des stations de montagne, un littoral et des communes rurales ? La ruralité, une fois de plus, a été oubliée dans la conception du dispositif.
J'avais proposé par voie d'amendement d'exonérer du ZAN les communes rurales de moins de 2 000 habitants dont 80 % du territoire est constitué d'espaces naturels, agricoles et forestiers. Je crains que nous ayons déployé des trésors de complexité plutôt que de simplification...
Après le remplacement des plans d'occupations des sols par les plans locaux d'urbanisme, nous avons mis en place des schémas de cohérence territoriale et des schémas régionaux d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires, tout cela sous la supervision de commissions Théodule. On se demande s'il ne s'agit pas d'une façon perfide de contraindre les maires à transférer leur compétence d'urbanisme...
Un projet de loi visant à favoriser le renouvellement des générations en agriculture sera présenté la semaine prochaine en conseil des ministres. Les agriculteurs souffrent : taux record de suicide, difficultés d'installation, raréfaction du foncier, accaparement des terres, revenus insuffisants. Il ne faudrait pas que le ZAN bloque l'installation de jeunes agriculteurs ou la construction de bâtiments agricoles.
Les projets d'intérêt nationaux ont été mutualisés. Dans l'Hérault, un projet hydrogène est soutenu par la région Occitanie, mais les sous-traitants sont soumis aux contraintes du ZAN : autour de Béziers, il n'y a pas de surfaces suffisantes pour les accueillir. Comment faut-il faire ?
Par ailleurs, quand sera publié le décret sur la garantie rurale de 1 hectare ?
Je crains que le manque de réalisme de ce texte ne nous conduise à remettre encore plusieurs fois l'ouvrage sur le métier... (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe INDEP)
M. Frédéric Buval . - La loi du 20 juillet 2023 vise à faciliter la mise en place du ZAN tout en accompagnant les élus. Compromis entre le Sénat, l'Assemblée et le Gouvernement, elle doit beaucoup aux travaux de notre assemblée. « Co-construite », la version finale de la proposition de loi vise à donner plus de souplesse aux collectivités territoriales, sans modifier l'esprit de la loi Climat et résilience.
Délais, complexité : l'application locale des objectifs fixés en 2021 avait suscité résistances et interrogations. L'urgence environnementale ne fait plus de doute : l'artificialisation concerne 6 à 9 % des sols, 3 à 5 millions d'hectares ont connu une altération durable de leurs fonctions naturelles. La loi ZAN vise à freiner ce rythme insoutenable d'artificialisation, sans empêcher le développement pragmatique des territoires, notamment ruraux.
Réduire l'artificialisation est une priorité écologique. Le bétonnage est l'une des principales menaces sur la biodiversité, et l'imperméabilisation des sols a des conséquences désastreuses en cas d'inondation ou de canicule. C'est aussi une priorité économique, car la perte de surfaces agricoles menace notre souveraineté alimentaire.
C'est donc en responsabilité et sur la base d'une confiance mutuelle qu'un accord a été trouvé en CMP pour assouplir les règles et instaurer une garantie rurale minimale de développement.
Les communes pourront définir avant 2031 des zones pour des opérations de renaturation, préempter des terrains et espaces urbanisés à désartificialiser. Les délais de mise en conformité des documents de planification ont été allongés, pour certains jusqu'en 2027. Enfin, un espace de dialogue territorial est créé au sein des conférences régionales de gouvernance.
Le Gouvernement a retranscrit des dispositions adoptées par le Sénat dans trois nouveaux décrets d'application, publiés le 27 novembre dernier.
Nous pouvons nous féliciter des outils que le texte mobilise pour accompagner les élus. Des améliorations sont possibles - je pense particulièrement aux outre-mer, où la problématique du foncier est encore plus prégnante.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. - C'est vrai !
M. Frédéric Buval. - Les élus sont soumis à des injonctions contradictoires - protéger l'environnement et répondre à l'urgence économique et sociale -, tout en étant exposés aux catastrophes naturelles. La forte spéculation foncière entraine une inexorable diminution du foncier agricole. En Martinique, la surface agricole utile (SAU) a baissé de 1 000 hectares par an depuis vingt ans, soit 30 %. L'efficacité des outils juridiques censés inverser la tendance pose question. Ainsi, les commissions de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF) émettent un avis conforme en outre-mer, contre un avis simple dans l'Hexagone. Pourquoi cette discrimination, source d'incompréhension et de contentieux ? (Applaudissements sur les travées du RDPI ; M. Pierre Barros applaudit également.)
M. Christian Redon-Sarrazy . - Ce débat est l'occasion de relayer les interrogations de nombreuses régions sur le ZAN. La loi leur accorde neuf mois supplémentaires pour finaliser les Sraddet, mais les écarts d'avancement illustrent les disparités régionales en termes d'artificialisation et de stratégie de réduction de la consommation foncière.
Premier point de vigilance, le décompte des nouveaux projets. En Nouvelle-Aquitaine, l'État comptabilise quatorze grands projets nationaux pour une surface de 1 100 hectares, mais ne prévoit que 700 hectares pour le Grand projet ferroviaire du Sud-Ouest, qui en consommera 2 000 de plus... Les élus attendent un changement du mode de calcul, sans quoi ces 2 000 hectares devront être mutualisés à l'échelle régionale.
En dix ans, 63 % du flux de consommation d'espaces a été dévolu à la construction de logements. Sur ce point, on relève de criantes disparités. Certaines régions comptent une majorité d'EPCI qui ont très peu consommé, de manière très peu efficace ; d'autres, à forte attractivité économique et touristique, ont beaucoup consommé, avec efficacité. Pour d'autres encore, le résultat est plus contrasté entre habitat et activité. Tout dépend du degré d'urbanité des territoires et de leurs contraintes géographiques ou économiques.
On assiste à des situations paradoxales, avec coexistence d'une augmentation de l'artificialisation liée aux logements et du nombre de logements vacants. Difficile, pour les élus, de concilier réduction drastique de la consommation foncière et production de logements sociaux ou destinés aux étudiants et saisonniers...
Plutôt que de petits aménagements, il faut changer de méthode : densifier les opérations d'aménagement et privilégier les espaces déjà artificialisés - logements vacants, friches industrielles et commerciales... Des propositions en ce sens ont été avancées lors de l'examen du budget.
Il faudra aussi une incitation fiscale, car la taxe sur le foncier bâti ou la cotisation foncière des entreprises n'incitent pas à la sobriété foncière, et la très faible rentabilité de la fiscalité sur le foncier non bâti pousse à l'artificialisation.
Le Sénat a plaidé dès l'origine pour une territorialisation de la mise en application du ZAN. Il faut étudier de près les dynamiques territoriales et prendre en compte les efforts déjà réalisés.
Les collectivités ont besoin d'outils et d'accompagnement dédiés.
Six mois après l'adoption de la loi, de nombreuses questions ont été soulevées. Nous attendons les réponses du Gouvernement. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)
M. Jean-Baptiste Blanc . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Je remercie à mon tour la présidente Cukierman pour ce débat. Nous pensions avoir réglé le sujet du ZAN, mais « ça s'en va et ça revient, c'est fait de tout petits riens... » (Sourires)
Nous avons vécu le plus dur au moment de la loi Climat et résilience, qui imposait une démarche descendante. Vous avez suspendu les décrets de votre prédécesseur, monsieur le ministre, et, sans doute parce que vous êtes un élu local, su entendre le Sénat.
Nous avons construit ensemble un nouveau texte, voté en juillet dernier et, depuis lors, décliné progressivement. Il vise à faciliter la mise en oeuvre du ZAN : il prévoit plus de temps, une nouvelle gouvernance et une meilleure définition des grands projets, une garantie universelle et de nouveaux outils, comme le sursis à statuer et le droit de préemption.
Toutefois, au gré des cérémonies des voeux et des polémiques, le sujet revient. Il faut prendre cette inquiétude au sérieux. J'ai moi-même interrogé le Gouvernement sur les COP régionales - nous plaidons pour la territorialisation, mais il y a un problème de mise en oeuvre. Le guide et les fascicules publiés par le ministère ne reflètent pas toujours ce qui a été voté. Nous la ferait-on à l'envers ? Il y a de nouveau un malaise dans le ZAN, une peur sur la ville... Or la confiance est clé.
Nous traversons une crise immobilière inédite : les faillites d'agences immobilières ont doublé en un an ; il faudra mettre sur le marché 7,8 millions de logements d'ici 2050 ; les artisans craignent l'essoufflement du marché de la rénovation.
Le Sénat s'interroge sur la planification à coups de PowerPoint, qui ne devra pas exclure les élus. De quoi le ZAN est-il le nom ? D'un certain modèle de société : fin programmée du modèle pavillonnaire, du bureau, de la voiture, de la piscine, de l'accès à la propriété... Tout cela sur fond de crise démographique - au point que les 3,1 millions de logements vacants suffiraient finalement à nos besoins.
Je ne reviens pas sur les déclarations des élus, celle de Laurent Wauquiez, mais aussi du maire d'Alès ou du président du conseil départemental des Hautes-Pyrénées.
Le livre blanc de Services conseil expertises et territoires (Scet) rappelle qu'il y a une soif d'ingénierie.
La réponse du Sénat, c'est ce débat, c'est une nouvelle mission de suivi, une mission sur le volet financier et fiscal - j'en remercie le président Larcher. Elle devra aussi se pencher sur les enjeux fonciers et environnementaux, de santé des sols, d'hydrologie régénérative. Nous sommes sur un fil, sans savoir de quel côté nous allons tomber. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Cécile Cukierman applaudit également.)
M. Pierre Médevielle . - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Au moment du vote de la loi Climat et résilience, j'avais souligné les contraintes que le ZAN entraînerait pour les territoires. Nous proposions des pistes pour en faciliter l'application - hélas rejetées. Les élus n'ont pas tardé à faire remonter leurs inquiétudes devant les entraves au développement de leur territoire.
Sur l'initiative du Sénat et avec le soutien du Gouvernement, la loi du 20 juillet 2023 a apporté certaines corrections. Pour renouer avec la souveraineté industrielle, nous devons faciliter les implantations, en accompagnant les acteurs de terrain. Il fallait des règles plus flexibles pour s'adapter aux spécificités de chaque territoire : c'est tout le but de la différenciation.
Le groupe Les Indépendants s'est engagé sur certains points, comme les interactions pondérées entre ZAN et industrialisation, la surface minimale de développement rural, la prise en compte des territoires soumis au recul du trait de côte, à la loi Montagne ou Littoral.
Les décrets ont fait taire les peurs, même si des zones d'ombre demeurent. Je salue l'engagement du ministre Béchu, qui a fait preuve d'écoute et de bon sens, pour aboutir à un texte plus satisfaisant.
Nous devrons poursuivre nos efforts pour tenir nos objectifs.
Je reste surpris que nous débattions si rapidement après l'adoption de la loi et la publication des décrets. Patience, laissons la loi produire ses premiers effets.
J'ai pu vérifier sur le terrain l'acceptation de ces nouvelles contraintes. Les élus conviennent qu'il faut reconquérir ces espaces ruraux et urbains. Concentrons-nous sur la première période de réduction de 50 % de la consommation d'espaces naturels, agricoles et forestiers. Ne brûlons pas les étapes !
Reste à répondre à certaines questions d'intérêt local : la mutualisation de la garantie minimale au niveau intercommunal, le droit à l'expérimentation, l'évaluation des surcoûts, la compensation et la renaturation, la réorientation de certains dispositifs fiscaux.
La mise en place du ZAN n'est pas encore aboutie. Comment assurer une application pragmatique et comment fournir aux élus une ingénierie suffisante pour pallier leur manque criant de moyens ? (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP)
M. Guislain Cambier . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) L'acronyme ZAN fait son chemin, mais les interrogations demeurent. Les malfaçons originelles illustraient la déconnexion à l'égard des préoccupations des élus locaux. Comment allait-on accueillir de nouveaux sites industriels ? Concilier sobriété foncière et crise du logement ?
Sous l'impulsion de Valérie Létard et de Jean-Baptiste Blanc, le Sénat a répondu à certaines de ces questions dans la loi du 20 juillet, dont le Gouvernement a publié les décrets d'application. Cependant, des zones d'ombre subsistent.
Sur la mise en oeuvre de la garantie rurale, d'abord, et sa mutualisation au niveau de l'EPCI. Les plus petites communes ne doivent pas être à la merci d'une contractualisation par les communes plus importantes. L'État ne doit pas non plus saisir cette occasion pour obliger des communes à rejoindre une intercommunalité. La libre administration ne doit pas être une fiction !
Sur les coûts partis, ensuite. La situation est intenable pour certaines communes dont les droits à artificialiser de la période 2021-2031 sont d'ores et déjà consommés. Il faudrait repousser la date de début de comptabilisation à 2024 : la date de mi-parcours, c'est 2035, pas 2030. Le calendrier pose d'ores et déjà des difficultés pour les collectivités dont les documents d'urbanisme sont en cours de révision. Ainsi, dans le Nord, les lettres de cadrage de l'État anticipent des décisions qui relèvent exclusivement des collectivités.
Les projets d'envergure nationale et européenne sont connus, mais sur quels critères cette liste a-t-elle été conçue ? Comment limiter la fracture territoriale, alors que la Bretagne accueille trois fois moins de projets que la région Grand Est ? Quelle est la clé de répartition ?
La mobilisation des friches, coûteuse, soulève la question des moyens. Le fonds vert est insuffisant, notamment dans les Hauts-de-France, où les 500 millions d'euros annoncés ont été réduits d'un tiers.
Reste à ouvrir le volet fiscal et financier du ZAN. Quelle péréquation ? Quel impact et quelle solidarité entre pôle de développement et auréole ? Il faut définir une vision de l'aménagement du territoire. Nous attendons vos réponses, monsieur le ministre. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP)
M. Sébastien Fagnen . - Le ZAN est sur toutes les lèvres et dans tous les esprits, et entraîne des craintes sur l'avenir des communes rurales. Depuis Paris et le désert français de Jean-François Gravier et les lois de décentralisation des années 1980, jamais notre pays n'a connu un tel changement de paradigme dans sa façon d'aménager le territoire, un tel défi territorial.
Nous devons faire preuve d'audace, de courage et de pragmatisme.
Si le ZAN s'inscrit dans une nomenclature stabilisée, nous devons être agiles dans sa mise en oeuvre.
La France s'enfonce dans une crise du logement qui entraîne des millions de citoyens avec elle, avec une baisse historique de la construction. Nous avons besoin de 300 000 logements par an. Il faut adapter notre politique et porter une nouvelle vision du prêt à taux zéro (PTZ) pour la construction individuelle.
Les obstacles juridiques fragilisent la réhabilitation de milliers d'hectares de jachère ou de friche, pourtant essentielle pour réindustrialiser notre pays et développer les énergies renouvelables.
Le ZAN doit toujours mieux répondre aux spécificités territoriales, avec plus d'équité. Selon la Scet, les territoires sont inégalement outillés. Il faut aider les communes littorales soumises au recul du trait de côte. Un amendement du groupe SER au PLF 2024 prévoyait un fonds spécifique aux communes rurales pour reconvertir le bâti vers des logements à prix maîtrisé.
Nous voulons renforcer l'administration territoriale de l'État pour l'accompagnement en ingénierie. L'agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) et le Cerema restent des opérateurs descendants. Il faut plutôt renforcer les moyens des directions départementales des territoires et de la mer (DDTM) et sortir d'une vision de court terme.
Comment le Gouvernement entend-il développer les capacités d'ingénierie au coeur des collectivités territoriales, pour qu'aucun territoire ne soit laissé-pour-compte ? (Applaudissements sur des travées du groupe CRCE-K)
Mme Anne-Marie Nédélec . - Personne ne remet en cause le principe de sobriété foncière, mais la méthode suscite des incompréhensions chez les élus locaux. On ne peut ni régler la question par une équation mathématique ni déconnecter la sobriété de l'aménagement du territoire.
En effet, la division par deux pénalise les élus vertueux qui avaient encouragé la reprise de maisons vides au lieu de développer des lotissements - cela m'est arrivé en tant que maire il y a quelques mois. Il faut plutôt freiner l'expansion des métropoles et donner un nouveau souffle à des territoires en déprise dont les efforts commençaient à porter.
La garantie rurale est un espoir pour ces collectivités territoriales, mais l'approche est uniforme. Il faut de la différenciation et de la territorialisation.
La réhabilitation des friches serait suffisante pour couvrir les besoins ? C'est vrai arithmétiquement, mais en ce cas, pourquoi ne pas avoir privilégié ce point avant de prévoir des normes drastiques ?
Que faire quand les propriétaires ne veulent ni vendre ni réhabiliter ? L'élargissement du droit de préemption ne résout pas le problème du manque de moyens.
La reprise des friches industrielles est très complexe, avec des contraintes et des délais trop importants. En outre, construire en hauteur n'est pas toujours possible. Dans mon pays de forges, on ne peut empiler des presses de 8 000 tonnes. Enfin, les services instructeurs bloquent des projets, même modestes. Il faut mieux accompagner en ingénierie et redimensionner le fonds friches, insuffisant.
Réindustrialiser et simplifier nécessite de revoir la copie.
Lors de la dernière campagne sénatoriale, en Haute-Marne, tous les élus m'ont parlé du transfert imposé de la compétence eau et assainissement et du ZAN. Incompréhension et colère font face à cette décision ruralicide. Le monde rural doit toujours accueillir artisans et entreprises. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et CRCE-K)
M. Jean-Claude Anglars . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le vote de la loi de 2023 résultait d'un long processus et de la constance du Sénat, qui voulait une mise en oeuvre pragmatique du ZAN. Après des négociations difficiles, la CMP est parvenue à un accord, au prix du retrait de certaines dispositions votées par le Sénat, dont la prise en compte des bâtiments agricoles.
La question des bâtiments agricoles sera traitée par décret, alors que leur exclusion des surfaces artificialisées avait été adoptée par une très large majorité au Sénat le 14 mars 2023, pour éviter de stigmatiser les agriculteurs et de bloquer le développement des zones rurales. Dès le 13 juillet, le groupe Les Républicains a annoncé sa vigilance sur ce sujet.
Mme Cécile Cukierman. - Exactement !
M. Jean-Claude Anglars. - Nous avions été très réservés sur la rédaction du décret. Malgré plusieurs échanges - sans le ministère de l'agriculture -, nous n'avons pas eu de réponse de votre cabinet sur notre demande d'entretien avec Cécile Cukierman, Michel Canévet et Frédérique Espagnac.
Le Sénat n'a pas été consulté sur ce sujet, alors que cela aurait permis d'éviter une rédaction alambiquée qui inscrit les bâtiments agricoles dans la nomenclature des surfaces artificialisées. Certes, cela ne concerne que l'agrandissement, mais n'est prévue que la possibilité et non l'obligation de réserver une part pour des projets agricoles.
Vous avez refusé toutes nos solutions sur un sujet plus politique que technique. Au moment où les agriculteurs sont en colère, voulez-vous toujours d'eux en France ? Exclurez-vous les bâtiments agricoles des surfaces artificialisées ? (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et CRCE-K ; M. Guislain Cambier applaudit également.)
M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires . - Le sujet, c'est ce qui se passe depuis la loi Climat et résilience. On a plus artificialisé en 50 ans qu'en 500 ans, avec certes une baisse depuis les années 2000 - mais c'est l'équivalent du département des Yvelines, cher à Gérard Larcher, qui a été bétonné ces dix dernières années.
Experts et scientifiques sont unanimes : lutter contre l'étalement urbain entraîne des bienfaits et préserve la biodiversité. Ce n'est pas anecdotique, notamment pour les insectes pollinisateurs, dont le service rendu est incalculable.
Les espaces naturels, agricoles et forestiers stockent du carbone, contrairement aux espaces artificialisés, qui en renvoient et qui participent au réchauffement.
Cela participe aussi de l'adaptation. Dans le Pas-de-Calais, les habitants s'interrogeaient sur les autorisations d'étalement urbain. Malheureusement, cette prise de conscience a été payée au prix fort.
En outre, cela est favorable au grand cycle de l'eau et aux écoulements. Il n'y a pas de meilleure retenue que les nappes phréatiques.
La souveraineté alimentaire, mentionnée par Christian Bilhac, est cruciale. Nous devons conserver des espaces pour produire, car nous aurons moins de ressources et il y aura plus de monde sur la planète.
Il ne faut pas arrêter de construire, mais limiter le rythme de progression. D'ailleurs, la crise du logement n'est pas liée au ZAN, sinon il n'y aurait pas le même problème en Allemagne, en Belgique, en Espagne...
La loi du 20 juillet 2023 a amené de nombreuses avancées comme la garantie rurale, la commission de conciliation, les projets d'envergure nationale et européenne... Il reste encore beaucoup à faire. Prenons le temps de nous voir davantage pour ajuster.
Nous avons publié un guide gratuit de seize pages seulement (l'orateur brandit le fascicule), abondamment illustré. Il reprend des engagements importants comme les zones d'aménagement concerté (ZAC), qui peuvent être rattachées à la période précédente.
J'ai fait des ateliers, notamment à Dieppe, pour m'assurer que les projets nationaux ne remettaient pas en cause la réindustrialisation. En Auvergne-Rhône-Alpes, j'ai animé une COP régionale avec le président Laurent Wauquiez, devant 400 personnes : j'ai vu que de nombreux élus voyaient l'utilité de conserver les espaces.
Des centaines de projets sont remontés. Nous avons communiqué une liste aux présidents de région pour décider des projets d'envergure nationale ou européenne, pour lesquels nous avons un forfait jusqu'en 2031. Certains projets ne seront pas finis à cette date, comme les EPR : ils compteront pour zéro.
Pour la première catégorie, celle des projets achevés d'ici à 2031, nous ne tenons compte que de l'emprise de l'ouvrage et non celle du chantier, utilisation temporaire de l'espace. Dans cette catégorie, nous pouvons retenir des zones occupées par des sous-traitants, à condition que l'on connaisse les porteurs des projets. Je pense à Béziers.
Nous soumettrons ce décret au public et la commission de conciliation permettra de modifier la liste. Ces listes seront révisables tous les ans, souplesse voulue par le Sénat.
Vous avez raison sur l'accompagnement budgétaire des communes. Nous avions déposé un dispositif, déclaré irrecevable lors de l'examen du projet de loi de finances, selon lequel un terrain devenu constructible faisait l'objet d'une redevance partagée entre la commune et l'Agence de l'eau, afin d'inciter sans créer d'effet d'aubaine - 7 000 communes ont des dispositifs de surtaxes dans de tels cas. C'est Jean-Baptiste Blanc qui a soulevé ce sujet au coeur de nos travaux.
En 2023, 1 225 hectares de friches ont bénéficié du fonds vert, et 685 hectares ont été renaturés, pour 479 millions d'euros. Deux mille hectares, c'est 20 % de plus que ce que nous prévoyions, sachant que le fonds vert passe de 2 milliards à 2,5 milliards d'euros, avec une massification de l'effort sur les friches.
Sur l'ingénierie, les 250 millions d'euros du PCAET seront finalisés et un pacte entre toutes les agences - Ademe, ANCT, Cerema - sera conclu.
Nous allons publier les aides que l'État octroie.
Mme Cécile Cukierman. - Vous aurez notre soutien !
M. Christophe Béchu, ministre. - Monsieur Anglars, je ne peux vous laisser dire que le Sénat n'a pas été associé à la rédaction des décrets. C'est un texte pour le monde agricole, première victime de l'étalement urbain.
C'est sur la garantie rurale que nous avons le moins de recul, avec deux difficultés : les territoires avec peu de communes, et d'autres, comme la Normandie, qui en ont tellement que la somme des garanties pose problème. Mon prochain atelier sera dans le Calvados ou la Manche.
Je prends le point des outre-mer : les commissions départementales de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF) posent une difficulté particulière. Nous devrons regarder les rigidités actuelles.
Je conclus sur une citation : « Ces articles ne sont pas seulement manifestes d'une défiance à l'égard des communes, peu compatible avec l'esprit des lois de décentralisation. Ils ont deux conséquences fâcheuses : ils leur retirent la maîtrise générale de la conception et de la définition de leur politique d'urbanisation ; de façon tout aussi inopportune, ils soustraient toute marge de souplesse à l'application de[s] dispositions ». Ces mots sont ceux de Josselin de Rohan, dans son rapport sur la loi Littoral. (M. Ronan Dantec apprécie.) Or personne ne la remet en cause aujourd'hui.
Le ZAN est un basculement. Dans quelques années, personne ne contestera le fait de concilier développement économique et écologie. C'est pour moi une immense fierté et c'est tout le sens de cette chambre, pragmatique et à l'écoute des élus. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; M. Pierre Médevielle applaudit également.)
Mme Cécile Cukierman, pour le groupe CRCE-K . - Il est utile de prendre des rendez-vous réguliers sur ce sujet : ce débat en est un, les initiatives régionales et départementales en sont d'autres, comme la commission en cours de mise en place.
Nous voulons tous réussir l'aménagement du territoire. Pour cela, nous devons sortir des positions dogmatiques. Cependant, nous voulions pointer des difficultés. Il ne peut y avoir de généralisation et d'uniformisation en matière d'aménagement du territoire, comme il y a terres agricoles, et terres agricoles.
Dans la Loire, il y a trente ans, les meilleures terres agricoles ont été artificialisées. Les élus n'ont pas été hors la loi, la direction départementale des territoires (DDT) d'alors n'a pas fait n'importe quoi : la logique était différente. Mais on ne peut avoir une loi ZAN censée préserver l'agriculture tout en interdisant la construction de bâtiments agricoles ! En outre, certaines terres dites agricoles ne le seront plus, car l'agriculture de demain ne se fera pas comme celle d'hier : il faudra un travail d'une finesse comparable à celle de la dentelle du Puy.
Nous sommes attachés au principe d'une République une et indivisible. Ce principe se renforcera, parce que nous partirons de la différence entre les territoires, une véritable richesse.
Vous n'avez pas tort, monsieur le ministre : dans dix ans, les mentalités auront changé. Mais si nous voulons collectivement relever ce défi, nous ne devons laisser personne sur le carreau.
La loi irrite parce qu'elle est le paroxysme d'une multiplication de difficultés, de normes, d'un État pas aussi présent territorialement qu'il le devrait. Il faut désagencifier au profit de l'État territorial, dans nos préfectures et sous-préfectures. Reconstruire et aménager, c'est se confronter à la réalité des friches, du patrimoine, de l'accessibilité du foncier et à la volonté, unanime, des élus de voir leur population bien vivre sur leur territoire aujourd'hui, et d'accueillir de nouvelles populations pour bien y vivre demain.
Je vous remercie pour la qualité de nos échanges. (Applaudissements)
Prochaine séance, mardi 23 janvier 2024, à 14 h 30.
La séance est levée à 16 heures.
Pour le Directeur des Comptes rendus du Sénat,
Rosalie Delpech
Chef de publication
Ordre du jour du mardi 23 janvier 2024
Séance publique
À 14 h 30
Présidence : M. Dominique Théophile, vice-président
Secrétaires : M. François Bonhomme, Mme Nicole Bonnefoy
1. Proposition de loi instituant des mesures judiciaires de sureté applicables aux condamnés terroristes et renforçant la lutte antiterroriste, présentée par M. François-Noël Buffet et plusieurs de ses collègues (texte de la commission n°259, 2023-2024) (demande du groupe Les Républicains)
2. Proposition de loi visant la prise en charge par l'État de l'accompagnement humain des élèves en situation de handicap sur le temps méridien, présentée par M. Cédric Vial et plusieurs de ses collègues (texte de la commission n°251, 2023-2024) (demande du groupe Les Républicains)