SÉANCE
du mercredi 20 décembre 2023
50e séance de la session ordinaire 2023-2024
Présidence de M. Alain Marc, vice-président
Secrétaires : Mme Sonia de La Provôté, M. Mickaël Vallet.
La séance est ouverte à 15 heures.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.
Questions d'actualité
M. le président. - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.
Le président du Sénat effectue actuellement un déplacement en Israël et dans les territoires palestiniens, accompagné des présidents des groupes politiques et des présidents des groupes d'amitié France-Israël et France-Palestine.
Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.
Chacun sera attentif au respect des uns et des autres et du temps de parole.
Projet de loi Immigration (I)
Mme Marie-Pierre de La Gontrie . - (Applaudissements sur les travées des groupes SER, GEST et CRCE-K) Madame la Première ministre, vous vous vantez d'avoir réussi en quelques jours ce que Gérald Darmanin n'avait pas su faire en un an, mais à quel prix ! Vous avez jeté la majorité présidentielle et le pays dans les bras du Front national. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Joshua Hochart s'exclame.)
Élu contre Marine Le Pen grâce à la gauche, Emmanuel Macron promettait d'être un barrage. Aujourd'hui, l'extrême droite n'a plus besoin d'être élue : vous appliquez son programme et faites vôtre la préférence nationale. (Applaudissements à gauche)
Vous affirmez que ce projet de loi est conforme à vos valeurs. Supprimer l'aide médicale de l'État (AME), priver des étrangers en situation régulière de prestations sociales, les écarter des hébergements d'urgence, fermer nos universités aux étudiants étrangers, est-ce conforme à vos valeurs ? Soutenir un texte dont plus de vingt mesures sont inconstitutionnelles, vous vanter de ne pas respecter les décisions de la CEDH, est-ce conforme à vos valeurs ? Ressaisissez-vous ! Mettez un terme à cette dérive que, pour notre part, nous ne cesserons jamais de combattre. (« Bravo ! » et vifs applaudissements à gauche)
M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer . - Votre vision du texte adopté hier par le Sénat et l'Assemblée nationale est partiale et partielle. Non, il n'y a pas de fermeture des universités aux étudiants étrangers. (Vives protestations à gauche)
M. Hussein Bourgi. - C'est dans votre texte !
M. Rémi Cardon. - Et la caution ? Menteur !
M. Gérald Darmanin, ministre. - Le législateur souhaite simplement s'assurer que personne n'abuse de la grande générosité de la France. Le Président de la République a fixé à 100 000 par an le nombre d'étudiants accueillis : vous ne l'avez jamais fait, quand vous étiez aux responsabilités !
M. Hussein Bourgi. - Écoutez Sylvie Retailleau !
M. Gérald Darmanin, ministre. - Il n'y a de suppression ni de l'AME ni du titre étrangers malades.
M. Yannick Jadot. - « Sagesse » !
M. Gérald Darmanin, ministre. - En revanche, vous avez voté contre la régularisation des étrangers en situation irrégulière qui travaillent dans nos entreprises. (Protestations à gauche) Voilà ce que l'on retiendra de la Nupes, dont vous êtes. (Éclats de rire sur les travées du groupe SER ; Mme Marie-Arlette Carlotti applaudit et pointe le pouce vers le haut.)
Vous avez voté contre un texte qui, pour la première fois, interdit le placement de mineurs en centre de rétention administratifs. Mais cela n'est guère étonnant : la Nupes, à l'Assemblée nationale...
M. Hussein Bourgi. - Vous êtes au Sénat !
M. Éric Kerrouche. - Ce n'est pas le même hémicycle !
M. Gérald Darmanin, ministre. - ... a mêlé ses voix à celles du Rassemblement national pour refuser d'examiner le texte. (Vives protestations à gauche) Ce n'est que le fruit de votre petite politique politicienne. Mais nous avons su le faire adopter, sans compter les voix du Rassemblement national, car nous avons le sens de l'honneur. (Huées à gauche ; applaudissements sur les travées du RDPI)
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - J'ai passé quatorze heures en commission mixte paritaire sur ce texte. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains) Si vous ne croyez pas ce que je dis, écoutez les présidents d'université ! (Applaudissements à gauche)
Sur l'AME, vous pouviez attendre que le Conseil constitutionnel censure la mesure. La Première ministre s'est engagée à la réformer, et Aurélien Rousseau est parti. (« Bravo » et applaudissements à gauche)
La Convention des droits de l'enfant interdit déjà le placement des mineurs en rétention - s'en glorifier est une habileté.
Madame la Première ministre, rappelez-vous le mot de Churchill : « Vous aviez à choisir entre la guerre et le déshonneur, vous avez choisi le déshonneur et vous aurez la guerre » ! (Vifs applaudissements à gauche ; huées à droite)
M. Jérôme Durain. - Ce n'est vraiment pas glorieux.
M. Olivier Paccaud. - On se croirait à l'Assemblée nationale.
Projet de loi Immigration (II)
M. Fabien Gay . - (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER et du GEST) Avec la CMP sur la loi Immigration, vous n'avez pas seulement divisé la majorité et le Parlement : vous avez fracturé la République, en instrumentalisant les colères populaires et désignant les étrangers comme boucs émissaires.
Alors que des millions de nos concitoyens ont voté Emmanuel Macron pensant faire barrage aux idées de l'extrême droite, ils découvrent le tapis rouge que vous lui avez déroulé, avec ce texte de stigmatisation et de paupérisation des étrangers : durcissement du regroupement familial, du droit du sol, des conditions d'accueil des étudiants, quotas, délit de séjour irrégulier...
Cette CMP, pilotée par l'Élysée au mépris de la séparation des pouvoirs, est un nouvel accord de gouvernement entre vous et la majorité de droite sur un programme lepéniste des années 1980. (Applaudissements à gauche ; marques d'ironie à droite) La préférence nationale pour les prestations sociales, c'est du Jean-Marie Le Pen !
J'alerte nos compatriotes qui pensent que leur situation personnelle peut s'améliorer avec la préférence nationale : le recul des droits des étrangers précède toujours le recul pour tous.
M. Max Brisson. - Vous savez de quoi vous parlez.
M. Fabien Gay. - Cette loi est une souillure. (« Hou ! » à droite) La France ne sera jamais une nation ethnique, c'est une nation politique fondée sur les valeurs de liberté, d'égalité, de fraternité, et sur une longue tradition d'accueil, ne vous en déplaise.
Renoncez à promulguer cette loi et n'inscrivez pas la suppression de l'aide médicale de l'État au moment où l'on fait entrer au Panthéon Missak Manouchian ! N'ajoutez pas le déshonneur à l'infamie ! (Vifs applaudissements à gauche)
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice . - Ces murs ont des oreilles, mais aussi une mémoire. (« Oh ! » à gauche)
M. Mickaël Vallet. - La nôtre est plus longue.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. - Nous arrivons avec un texte ; il ne vous plaît pas - c'est votre droit, en démocratie.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Encore heureux.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. - Mais vous ne voulez pas débattre ! Avez-vous déposé des amendements ? (Vives exclamations le confirmant à gauche ; M. Jérôme Durain se désigne du doigt ; M. Hervé Gillé pointe également son collègue du doigt.)
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. - Vos amis de la Nupes... (Protestations à gauche)
Plusieurs voix à gauche. - Nous sommes au Sénat !
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. - ... et le Rassemblement national ont refusé de débattre. En commission, à l'Assemblée nationale, le RN n'a rien proposé. En CMP non plus. Hier, il crie victoire - et vous tombez dans le piège ! (Le brouhaha s'accentue.)
M. Rémi Cardon. - Répondez à la question !
M. Franck Montaugé. - Ça parle, ça parle...
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. - Si vous aviez accepté de débattre, nous n'en serions pas là !
M. Jérôme Durain. - Balivernes !
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. - J'entends de grands mots : « déshonneur », « outrage ». Nous avons travaillé avec les LR, qui sont républicains, pour trouver des compromis, puisque nous avons une majorité relative. (M. Éric Dupond-Moretti se tourne vers les travées de la droite.) Merci de nous avoir aidés à faire avancer ce texte (on s'en gausse à gauche)...
M. Jérôme Durain. - Marine Le Pen vous remercie.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. - ... même s'il ne nous convient pas totalement. C'est la règle, en démocratie. (Applaudissements sur les travées du RDPI, du groupe INDEP et sur quelques travées du groupe Les Républicains)
Cédric O, membre du Comité de l'intelligence artificielle
Mme Catherine Morin-Desailly . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains) La presse a fait état de l'enrichissement spectaculaire de l'ancien ministre du numérique Cédric O, entré au capital de Mistral AI, où les intérêts américains sont largement représentés.
Membre du comité intergouvernemental sur l'intelligence artificielle, Cédric O a pesé sur la position française relative au projet de régulation de la Commission européenne, qu'il a tenté d'affaiblir - se faisant le meilleur avocat des géants américains. Comment un ancien ministre parti pantoufler dans une entreprise qui défend ses intérêts propres peut-il siéger dans un comité censé éclairer l'action publique dans un domaine aussi stratégique pour la France ? Avec d'autres, il y accuse la Cnil, en protégeant nos libertés publiques, de brider l'innovation ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées des groupes Les Républicains, SER et CRCE-K)
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué chargé du numérique . - C'est la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) qui veille à l'absence de conflits d'intérêts des anciens membres du gouvernement. Nous connaissons tous sa rigueur et ses diligences.
Je ne peux laisser dire que la position de la France sur l'intelligence artificielle aurait été dictée par des intérêts privés. (On le conteste à gauche.) Nous avons écouté toutes les parties prenantes et pris comme seul guide l'intérêt général. (Marques d'ironie sur les travées du groupe CRCE-K et sur quelques travées du groupe Les Républicains)
Sous l'impulsion du Président de la République, c'est la France qui porte avec le plus d'ardeur le principe de souveraineté numérique en Europe, qui a convaincu ses partenaires européens que nous ne sommes pas condamnés à être les vassaux des États-Unis, qui a défendu des règles exigeantes pour le cloud européen, les réseaux sociaux, les places de marché.
Avec Bruno Le Maire...
Plusieurs voix à droite. - Il est où ?
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. - ... nous défendons l'innovation européenne : nous avons pris un train de retard sur les Gafam, nous devons avoir un train d'avance sur l'intelligence artificielle, pour nous affranchir de leur emprise - car la domination technologique précède la domination économique et la domination politique. Nous ne pouvons passer à côté de cette révolution. La meilleure protection pour nos citoyens, nos entreprises, nos artistes, nos journalistes, est de concevoir en Europe des intelligences artificielles forgées au feu de nos grands principes.
Nous poursuivons les discussions dans cet esprit, en veillant à préserver les capacités d'innovation européennes. Nous n'avons que faire des intérêts particuliers : seul nous importe l'intérêt national. (M. Éric Dupond-Moretti renchérit ; applaudissements sur les travées du RDPI ; Mme Véronique Guillotin applaudit également.)
Mme Catherine Morin-Desailly. - Vous défendez l'indéfendable. Il y a bien confusion des genres, voire conflit d'intérêts. Cédric O n'a pas déclaré Mistral AI auprès de la HATVP, qui s'était opposée à son recrutement par Atos. Les faits sont suffisamment sérieux pour que le commissaire Breton s'en soit ému. Allez-vous assainir la situation, ou le laisser promouvoir les intérêts des acteurs extra-européens - comme il l'avait déjà fait au gouvernement, en défendant le choix de Microsoft pour gérer la plateforme des données de santé ?
M. Mickaël Vallet. - Une honte !
Mme Catherine Morin-Desailly. - Allez-vous prendre vos distances et garantir le juste équilibre du texte européen, entre soutien à l'innovation et respect de nos fondamentaux ? Le secteur de la création et des médias compte sur vous, comme nous tous ici. (Applaudissements sur toutes les travées à l'exception du RDPI)
Projet de loi Immigration (III)
M. Guy Benarroche . - (Applaudissements sur les travées du GEST et du groupe SER) Nous nous réveillons groggy, inquiets, en colère. Le projet de loi Immigration laissera des traces, ne serait-ce qu'à la table du conseil des ministres. Ce texte restera un symbole, un nouveau pas dans la stratégie politique du Président de la République. La recherche d'une majorité, quoi qu'il en coûte, a donc mené à l'adoption d'un texte de droite, inspiré par les programmes et les slogans de l'extrême droite. Plus que la fin du « en même temps », c'est l'affirmation du « tout à droite ».
Votre politique s'appuie sur des faits alternatifs, sur une réalité virtuelle. Majorité et Gouvernement ont validé des théories fantasmées : « appel d'air », « submersion migratoire », étrangers abusant d'un système social exsangue, lien entre immigration et terrorisme. Ces mythes ont pourtant été balayés par les faits, comme le montrent les travaux du Collège de France.
Assumez-vous d'avoir fait reposer le débat public sur des mensonges ? (Applaudissements sur les travées du GEST et du groupe SER, ainsi que sur quelques travées du groupe CRCE-K)
M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer . - Vous êtes dans un monde à part, loin de ce que pensent les Français sur ce sujet.
M. Ian Brossat. - Et sur les retraites ?
M. Gérald Darmanin, ministre. - Alors que 40 % des étrangers parlent très mal le français, fallait-il ne rien faire pour l'intégration ? Sur amendement du groupe communiste, nous vous avons prévu la gratuité des cours de français pour préparer l'examen de langue, cours qui seront pris sur les heures de travail. Faut-il en avoir honte ? Pour bien s'intégrer, il faut parler notre langue, la plus belle du monde !
M. Mickaël Vallet. - Langue de bois !
M. Gérald Darmanin, ministre. - Comment accepter, alors que les faits divers se multiplient, que nous ne puissions pas éloigner des étrangers criminels et délinquants - non à cause de notre Constitution, de la Convention européenne des droits de l'homme, ou de je ne sais quelle règle internationale...
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - « Je ne sais quelle règle » ?
M. Gérald Darmanin, ministre. - ... mais parce que le droit français interdisait d'expulser un criminel récidiviste de 19 ans, dès lors qu'il est arrivé sur le territoire national à 12 ans ?
M. Pascal Savoldelli. - Vous utilisez les faits divers.
M. Gérald Darmanin, ministre. - Avec cette loi, nous aiderons ceux qui travaillent et respectent les règles de la République, et pourrons mettre hors d'état de nuire les étrangers qui la mettent en danger. C'est le bon sens. (Applaudissements sur les travées du RDPI ainsi que sur quelques travées des groupes INDEP, Les Républicains et UC ; quelques huées à gauche)
M. Guy Benarroche. - Un quart des membres de votre majorité à l'Assemblée nationale a voté contre, plusieurs ministres ont menacé de démissionner. Le Président de la République a franchi un pas décisif : de rempart, vous êtes devenu un marchepied de l'extrême droite. (Applaudissements sur les travées du GEST et du groupe SER)
Projet de loi de finances pour 2024
M. Jean-François Husson . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le PLF 2024 sera bientôt adopté, après un énième 49.3. Alors que ce texte devrait être l'acte majeur de notre vie démocratique, le Parlement a été piétiné tout au long de la procédure. À l'Assemblée nationale, aucun amendement de la partie recettes n'a été discuté en séance publique. Aucun ! Vous utilisez le 49.3 non pour clore le débat, mais pour l'empêcher.
Au Sénat, nous avons passé 150 heures sérieuses, constructives, responsables, à examiner ce texte, et fait de nombreuses propositions d'économies. Vous n'en reprenez rien, ou si peu. Vous en venez même à imposer un dispositif honteux : le paradis fiscal pour la Fifa, jamais voté à l'Assemblée nationale, rejeté à l'unanimité au Sénat ! (Applaudissements sur toutes les travées à l'exception du RDPI) En snobant le Parlement, vous vous moquez des Français. Pourquoi tant de mépris ? Que, ou qui craignez-vous ? Combien de temps encore allez-vous ignorer le Parlement ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur de nombreuses travées des groupes UC, INDEP, SER et CRCE-K)
M. Thomas Cazenave, ministre délégué chargé des comptes publics . - Monsieur le rapporteur général, nous avons passé ensemble plus de 150 heures pour examiner ce PLF dans le détail.
Mme Sophie Primas. - Pour rien.
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. - Ce que je retire de ces discussions, ce sont d'abord...
Mme Sophie Primas. - Rien !
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. - ... des convergences, sur la politique de l'offre, la baisse de la CVAE, le crédit d'impôt industrie verte, la politique de lutte contre la fraude fiscale, le taux d'impôt minimum sur les sociétés, que vous avez validés.
M. Thierry Cozic. - Et la Fifa ? (On renchérit bruyamment à gauche.)
M. Mickaël Vallet. - Hors sujet ! Hors jeu !
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. - Vous avez voté la taxe sur les infrastructures de transport pour financer la décarbonation. (« Et la Fifa ? » à gauche)
Sur les plus de 3 700 amendements examinés, vous en avez voté 600 ; nous en avons retenu 120.
M. Mickaël Vallet. - C'est trop !
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. - Et pas des amendements anecdotiques : par exemple, la taxe streaming, le fonds d'urgence pour le Nord et le Pas-de-Calais, la réforme des ZRR, le soutien aux communes nouvelles, entre autres. (« Et la Fifa ? »)
Nous avons aussi des points de désaccord. Nous n'avons pas souhaité augmenter de 20 % le prix de l'électricité. (Protestations ; le brouhaha va croissant.) Et nous nous en sommes expliqués ! (« La Fifa ! ») Je pourrais revenir sur la Fifa, mais je n'en aurai pas le temps... (Les protestations véhémentes couvrent la voix du ministre.)
M. Jean-Raymond Hugonet. - Oui !
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. - Un grand point de désaccord, ce sont les économies. Vous avez supprimé 50 milliards d'euros ! (Huées sur différentes travées)
M. Mickaël Vallet. - Carton rouge !
M. Jean-François Husson. - Sauf votre respect, aucune considération de la part du Gouvernement. Le ministre de l'économie et des finances a été le grand absent de ce budget. C'est scandaleux ! (Applaudissements sur toutes les travées à l'exception du RDPI) Il n'est même pas là aujourd'hui.
M. Michel Savin. - Il est à Matignon !
M. Jean-François Husson. - Quand on travaille ici 150 heures, c'est mieux que tous les colloques, assises des finances publiques et autres dialogues de Bercy. (Marques d'approbation à droite) Le dialogue se fait ici, pas à Bercy ! Ne demandez pas aux Français de faire des efforts et de consentir à l'impôt quand vous exonérez la Fifa. C'est inacceptable ! (Vifs applaudissements sur toutes les travées à l'exception de celles du RDPI et du groupe CRCE-K)
Assurances des collectivités territoriales
M. Ludovic Haye . - (Applaudissements sur les travées du RDPI ; « Allô ? » sur quelques travées à droite) Depuis une décennie, les élus rencontrent des difficultés pour assurer leur collectivité.
Mme Françoise Gatel. - C'est vrai !
M. Ludovic Haye. - Ils sont souvent amers à l'égard de leur assureur historique et nous sollicitent. Hier, une commune de 5 000 habitants du Haut-Rhin m'a appelé à l'aide à la suite d'un énième appel d'offres assurantiel infructueux. Les sénateurs se transforment en courtiers en assurances afin de ne pas laisser les élus sans solution.
Ne rejetons la faute ni sur les assureurs ni sur l'État.
L'assurance des collectivités territoriales est déficitaire et le restera. SMACL Assurances a été recapitalisée à hauteur de 205 millions d'euros ces deux dernières années. Tabler sur un apaisement social et une diminution du nombre de catastrophes naturelles est chimérique. Penser que les communes pourront s'auto-assurer est illusoire.
Le modèle de l'assurance récolte serait une bonne base de travail.
Nous devons anticiper pour protéger notre société. Nos maires attendent d'être réassurés pour être rassurés. (Marques d'impatience à droite) Comment allez-vous accompagner les maires dans cette quête assurantielle semée d'embûches ? (Applaudissements sur les travées du RDPI ; M. Christian Bilhac applaudit également.)
Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité . - Vous avez absolument raison. (Exclamations ironiques à droite)
Les violences urbaines ont démontré la fragilité du système assurantiel de nos collectivités territoriales. Les appels d'offres sont infructueux, les prix et franchises augmentent.
Cela est lié aux risques climatiques, sociaux, juridiques et judiciaires, mais aussi à la situation difficile du marché de l'assurance - vous avez mentionné la recapitalisation de SMACL Assurances. Le marché de la réassurance s'est aussi durci.
À moyen terme, avec Christophe Béchu et Bruno Le Maire,...
Plusieurs voix à droite. - Il est où ?
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. - ... nous avons demandé à deux inspecteurs, Alain Chrétien, maire de Vesoul, et Jean-Yves Dagès, ancien président de Groupama de nous présenter des propositions. Une fois ce rapport remis, nous discuterons avec le Parlement des mesures à prendre.
À court terme, nous avons mis en place un groupe de travail... (Marques d'ironie à droite)
Une voix à droite. - Un numéro vert !
M. le président. - Veuillez conclure.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. - ... pour suivre le rythme des dédommagements et des résiliations sèches. Nous avons également étendu le champ de compétences du médiateur des assurances. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
Barrages hydroélectriques
M. Daniel Chasseing . - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Où en est-on de la mise en concurrence des concessions des barrages hydroélectriques imposée à la France par la Commission européenne ? (« Ah ! » sur les travées du groupe Les Républicains)
L'énergie hydroélectrique, flexible et stockable, a besoin de stabilité ; c'est une ressource indispensable, qui doit être développée.
Nous avons visité un futur barrage sur la Dordogne avec Claude Nougein et Gérard Larcher, lors de sa visite en Corrèze.
Le potentiel de développement existe avec de nouvelles installations ou une modernisation de l'existant. Mais les investissements sont bloqués en raison du contentieux au niveau européen.
La Première ministre a annoncé le 12 octobre un nouveau cadre législatif permettant de relancer rapidement les investissements dans les barrages, sans mise en concurrence. Pouvez-vous nous en dire plus ? Ne pourrait-on pas passer du régime de la concession à celui de l'autorisation d'exploitation ? (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur quelques travées du groupe UC ; M. Laurent Burgoa et Mmes Martine Berthet et Véronique Guillotin applaudissent également.)
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition énergétique . - Vous avez raison : les barrages hydrauliques font partie de notre patrimoine national. Ils font la fierté de nos vallées et matérialisent la France des bâtisseurs.
Je suis engagée sans réserve dans le développement de l'énergie hydroélectrique. La France compte 2 600 installations. C'est notre première énergie renouvelable, elle est pilotable et essentielle à l'atteinte de nos objectifs climatiques et à la sécurisation de nos approvisionnements.
La Commission européenne a engagé un précontentieux, bloquant les investissements.
J'ai cinq objectifs : relancer rapidement les projets bloqués ; garder la maîtrise de notre parc en évitant les mises en concurrence ; favoriser les synergies sur les usages de l'eau, compte tenu de la raréfaction de la ressource ; garantir que les bénéfices des concessions profitent à la collectivité ; enfin, disposer de contrats souples.
Avec Bruno Le Maire...
Plusieurs voix à droite. - Il est où ?
M. Jean-François Husson. - Avis de recherche ! Il serait près de Matignon...
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. - ... et les entreprises concernées, nous avons engagé des discussions avec la Commission européenne. Nous travaillons sur un régime d'autorisation, avec un cahier des charges sécurisé pour permettre à la collectivité territoriale de reprendre la main.
Nous engagerons les premiers investissements dès que possible.
M. Daniel Chasseing. - Depuis la mise en demeure européenne, nous avons perdu dix ans, car, sans prorogation de ses concessions, EDF ne pouvait pas investir. Si la voie de l'autorisation permet d'éviter la mise en concurrence, c'est une bonne nouvelle. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur quelques travées du groupe Les Républicains)
Réponse pénale aux faits signalés par les maires
M. Jean-Yves Roux . - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Ce week-end, soixante maires des Alpes-de-Haute-Provence, de toutes sensibilités politiques, vous ont interpellé, monsieur le garde des sceaux. Tous ont constaté que leurs signalements de faits délictueux n'étaient pas assez suivis d'effets. (Quelques sénateurs du groupe Les Républicains renchérissent.)
Que demandent-ils ? Justice, pour ne plus être seuls, face à des individus qui se considèrent au-dessus des lois ! Tous subissent intimidations, insultes, menaces.
La proposition de loi Delattre du 24 janvier 2022 en faveur des maires victimes d'agressions a constitué une étape importante pour leur protection.
Il faut aller plus loin, dans le respect de la séparation des pouvoirs.
La violence n'aura jamais sa place dans la démocratie. Il n'y a de place que pour la loi, le débat et le suffrage universel.
Depuis 2020, plus de 1 300 maires ont jeté les gants. L'agressivité permanente explique ces renoncements. Attention à ce que tous les hussards bleu-blanc-rouge de la République n'abandonnent pas.
Être élu de la République, c'est un engagement, pas un sacrifice. Monsieur le garde des sceaux, que répondez-vous à ces maires qui réclament l'entier soutien de l'institution judiciaire ? (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur plusieurs travées des groupes UC et Les Républicains)
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice . - Je le dis depuis le premier jour : s'en prendre à un élu, c'est s'en prendre à la République.
M. Laurent Burgoa. - Ah !
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. - C'est pourquoi j'ai placé la justice de proximité au coeur de mon action. Avec la présidente Delattre, nous avons agi en ce sens.
La justice de proximité repose sur cinq piliers : une ambition inédite pour lutter efficacement contre la délinquance en demandant au procureur une réponse pénale ferme, rapide et systématique ; plus de greffiers et de magistrats - c'est en cours ; une meilleure coordination des acteurs locaux, car nous sommes tous dans la même barque républicaine ; le déploiement d'une justice au plus près de nos concitoyens avec plus de 1 700 points justice ; une réponse implacable face aux agressions contre les élus. Cette politique claire doit être déclinée partout.
J'ai reçu l'appel des maires que vous relayez. Ils doivent être entendus. Le ministère de la justice est à leurs côtés. Je me méfie toutefois des attaques ad hominem. Ma priorité est la poursuite du dialogue avec toutes les composantes de l'État.
En janvier, je me rendrai dans votre département pour que le dialogue reprenne, et que chacun fasse de son mieux pour faire vivre notre pacte républicain. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
Dialogue social
Mme Frédérique Puissat . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Véronique Guillotin applaudit également.) Un célèbre chanteur français disait : « mais quelle pagaille dans cette famille ! » (M. Olivier Véran s'exclame.)
En matière de dialogue social et de paritarisme, c'est un peu la pagaille au Gouvernement, même s'il n'est pas vraiment une famille... Vous donnez d'une main ce que vous reprenez de l'autre.
M. Olivier Véran, ministre délégué. - Non !
Mme Frédérique Puissat. - Vous donnez d'une main en ratifiant l'accord national interprofessionnel (ANI) sur le partage de la valeur ; vous reprenez de l'autre, car, depuis 2019, l'assurance chômage est gérée verticalement par le Gouvernement et non plus par les partenaires sociaux.
D'un côté, Olivier Dussopt semble vouloir ratifier l'ANI sur l'assurance chômage, mais, de l'autre, Bruno Le Maire, dont tout le monde a noté l'absence (on renchérit sur les travées du groupe Les Républicains), fait le tour des plateaux TV pour dire l'inverse de votre lettre de cadrage et annoncer qu'il n'y aura pas ratification.
Alors, cet ANI sera-t-il ratifié ? Comprenez-vous qu'on ait le sentiment d'une pagaille ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC)
M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion . - (Exclamations à gauche)
M. Jacques Grosperrin. - Il est là !
M. Olivier Dussopt, ministre. - Les discussions sur la convention de gestion de l'Unédic s'inscrivent dans un calendrier classique. Les décrets de carence de 2019 venaient à terme au 31 décembre.
Le 1er août dernier, nous avons adressé une lettre de cadrage aux partenaires sociaux pour leur demander de prendre en compte les réformes de 2019 sur le salaire de référence et de 2022 sur la contracyclicité. Ces engagements ont été tenus.
Nous leur avons aussi demandé de respecter une trajectoire financière - ce qui a été fait -, avec une économie sur la filière senior de l'Unédic, et de décaler de deux ans les bornes d'âge pour tenir compte de la réforme des retraites. Les économies inscrites dans le projet de convention correspondent à nos demandes. Mais les partenaires sociaux souhaitent inscrire ces mesures dans l'ANI sur les seniors dont ils débattront jusqu'au 15 mars.
C'est pourquoi nous avons pris un décret de jointure qui proroge les règles actuelles de l'assurance chômage, afin de laisser le temps à la négociation. Nous pourrons alors agréer la convention, et la volonté des partenaires sociaux sera respectée.
Mme Frédérique Puissat. - Vous êtes victime d'une verticalité du pouvoir imposée par le Président de la République, qui a enjambé l'élection présidentielle, vous laissant sans cap ni boussole.
Vous cherchez une majorité, et parfois à consolider votre gouvernement, à préserver vos ministres. Oui, c'est la pagaille dans le Gouvernement et dans votre famille politique ! (« Bravo ! » et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Éric Dupond-Moretti soupire.)
COP28
Mme Nicole Bonnefoy . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) La COP28 s'est achevée sur une tonalité en demi-teinte du fait de l'absence de vote des États insulaires. Madame la ministre, c'est aller vite en besogne que d'annoncer la sortie des énergies fossiles, alors que le texte final est trop évasif.
Ce n'est certes pas un mauvais accord, mais il aurait fallu mentionner la sortie du pétrole, du gaz et du charbon, à l'heure de nouveaux forages en mer du Nord et même en Gironde.
Les pays développés doivent montrer la voie, alors que les subventions aux énergies fossiles atteignent un niveau record. Quel est le calendrier pour la suppression des niches fiscales favorables aux énergies fossiles et pour un accord sur la question ?
L'Agence internationale de l'énergie (AIE) rappelle que la trajectoire à 1,5 degré est encore atteignable. Que fera le Gouvernement ? La France participe à des groupes de travail climatiques : mettra-t-elle en place une législation bancaire contraignante ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST)
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition énergétique . - Je ne partage pas votre avis : cet accord traduit des avancées majeures. D'abord, c'est le premier à mentionner une sortie des énergies fossiles - c'est ce que veut dire transition away, nous sommes proches du phase out. (On ironise sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe SER)
M. Mickaël Vallet. - Ce n'est pas dans le règlement !
M. Jacques Grosperrin. - Merci, Villers-Cotterêts !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. - Sortie du pétrole, du gaz et du charbon : voilà ce que dit l'accord. En outre, il fixe des dates, en conformité avec la trajectoire à 1,5 degré, la baisse de 43 % des émissions d'ici à 2030 et la neutralité carbone en 2050.
Sur les financements, la France a joué un rôle instrumental pour obtenir l'accord sur le fonds pertes et dommages, pour retrouver la confiance des pays du Sud, et pour le pacte pour le peuple et la planète, défendu par le Président de la République. Nous cherchons davantage de donateurs et à réformer la Banque mondiale et les banques multilatérales de développement.
Nous sommes non seulement fortement engagés, mais aussi à l'avant-garde des dispositifs ! (Applaudissements sur des travées du RDPI)
M. Yannick Jadot. - Et la Gironde ?
Mme Nicole Bonnefoy. - Le moment de vérité aura lieu à la COP30, au Brésil. La France doit être exemplaire. Espérons que vous vous inspirerez des COP régionales pour bâtir le plan climat national, car c'est souvent au niveau local que les solutions sont inventées. (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. Michel Savin applaudit également.)
Grève des magistrats des tribunaux administratifs
M. André Reichardt . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Ce 14 décembre, alors que le projet de loi Immigration était à peine renvoyé en CMP, un préavis était déposé par deux syndicats de magistrats administratifs pour les appeler à la grève le 18 décembre et ainsi faire obstacle à l'adoption de ce texte. Est-il raisonnable, alors qu'aucune version du texte ne pouvait être tenue pour certaine, que des magistrats se mettent ainsi en grève ? (On acquiesce sur les travées du groupe Les Républicains ; protestations sur les travées du GEST)
M. François Bonhomme. - C'est un scandale !
M. André Reichardt. - Sans contester l'exercice du droit de grève (on ironise à gauche), je rappelle le nécessaire respect dû au travail parlementaire et l'absolue nécessité pour le législateur d'exercer sa tâche en toute indépendance, hors de toute pression politique. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Jean-François Husson. - Très bien !
M. André Reichardt. - Il s'agit en outre d'une perturbation illégitime du service public de la justice au seul motif de dispositions déplaisantes pouvant éventuellement être adoptées. N'y a-t-il pas là un problème de séparation des pouvoirs ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées des groupes UC et INDEP)
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice . - Les syndicats de magistrats administratifs ont effectivement appelé à la grève. Le taux de grévistes a été de 18 %. Ils critiquaient le texte de l'Assemblée nationale, qui revenait en partie sur la simplification du contentieux des étrangers. Le texte adopté hier, reposant sur la version du Sénat, le fait, passant de douze à trois procédures distinctes. (M. Guy Benarroche ironise.) Les syndicats critiquent également l'extension du rôle du juge unique à la Cour nationale du droit d'asile (CNDA), mais la rédaction retenue par la loi laisse une grande latitude à la cour pour la collégialité.
Le projet de loi finalement adopté sera soumis à l'examen du Conseil constitutionnel et, une fois promulgué, deviendra la loi de la République. Les magistrats auront à l'appliquer, car ils sont la bouche de la loi, non sa plume. Ceux qui ont la charge de rédiger la loi, c'est vous ! (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur des travées du groupe UC ; M. Bernard Fialaire applaudit également ; on proteste sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. André Reichardt. - Comment peut-on appeler à la grève sur la base de simples hypothèses (divers mouvements de protestation à gauche), alors que les procédures contentieuses du droit des étrangers seront simplifiées, réduisant ainsi le travail des magistrats ?
M. Guy Benarroche. - Ce n'est pas pour cela qu'ils protestaient !
M. André Reichardt. - Voilà qui en dit long sur l'état de santé de notre pauvre pays... (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC ; Mme Véronique Guillotin applaudit également.)
Procès à Hong Kong du dissident Jimmy Lai
M. Olivier Cadic . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur plusieurs travées du groupe Les Républicains) Ce lundi se tient le procès de Jimmy Lai, francophile et fondateur du quotidien hongkongais Apple Daily, fermé en 2020. Lauréat du prix de la liberté de la presse de Reporters sans frontières, il a passé trois ans dans une prison de haute sécurité. Accusé de sédition, il risque la prison à perpétuité selon la loi sur la sécurité nationale de 2020. Pékin transgresse les engagements pris lors de la rétrocession.
Xi Jinping, c'est la liberté d'oppression ; Jimmy Lai, la liberté d'expression. Il n'a jamais failli, alors qu'il aurait pu fuir. Plusieurs pays appellent à sa libération. Quelle est la position de la France ? (Applaudissements)
Mme Chrysoula Zacharopoulou, secrétaire d'État chargée du développement, de la francophonie et des partenariats internationaux . - Je vous prie d'excuser la ministre de l'Europe et des affaires étrangères, retenue par une réunion sur le Proche-Orient. La situation à Hong Kong est très préoccupante. Trois ans après la loi sur la sécurité nationale, nous assistons à l'érosion de la démocratie et au démantèlement des droits et des libertés.
La France suit attentivement le procès de Jimmy Lai. Notre consulat a assisté à l'ouverture de ce procès et soutient les militants prodémocratie et les défenseurs des droits à Hong Kong. Le prix franco-allemand des droits de l'homme et de l'État de droit vient d'être décerné à l'avocat hongkongais Chow Hang-Tung.
Nous continuerons de prôner l'État de droit à Hong Kong dans nos relations avec la Chine. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
M. Olivier Cadic. - Dix-huitième il y a vingt ans, Hong Kong est à la 140e place de la liberté de la presse, et la Chine est 179e sur 180. Avec le poète chinois Liu Xiaobo, mort en 2017, le Parti communiste chinois est le deuxième régime, après le régime nazi, à avoir laissé mourir un prix Nobel de la paix en prison. Alors que le régime de Xi Jinping est sans états d'âme, unissons nos forces pour sauver Jimmy Lai ! (Applaudissements)
Nouveau conseil présidentiel pour la science
M. Stéphane Piednoir . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le Président de la République a récemment annoncé la création d'un conseil présidentiel de la science, composé de douze éminents spécialistes.
Certes, on peut comprendre la nécessité de se fonder sur de tels avis éclairés, mais on s'interroge : quel est le rôle de ce conseil, alors que la qualité d'écoute n'est pas la première qualité du Président de la République ? (Sourires)
Ne serait-ce pas un nouveau comité Théodule à l'efficacité inversement proportionnelle à la médiatisation ? Ses travaux seront-ils indépendants ? Je note qu'ils ne seront pas publiés.
Monsieur le ministre, pouvez-vous informer le Président de la République de l'existence de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et techniques (Opecst), que j'ai l'honneur de présider, et qui a pour mission d'orienter l'action scientifique du pays ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC)
M. Jean-François Husson. - C'est vrai !
M. Olivier Véran, ministre délégué chargé du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement . - La réponse est dans votre interpellation. Le Parlement s'est doté d'un outil précieux, l'Opecst, qui produit un travail remarquable. (On apprécie sur les travées du groupe Les Républicains.) Le Parlement reconnaît ce besoin d'un éclairage scientifique permanent, et vous refusez au Président de la République de faire de même ?
Mme Sophie Primas. - Comment ses membres ont-ils été choisis ?
M. Olivier Véran, ministre délégué. - Au nom de la séparation des pouvoirs, vous avez répondu à votre question.
M. Jean-François Husson. - Ce n'est pas le sujet !
M. Olivier Véran, ministre délégué. - Nous faisons face à un travail monumental de conviction scientifique dans notre pays. Même sur certaines travées du Sénat, certains ont confondu magie et science, voire ont affirmé la prépondérance de la première sur la seconde.
M. Jean-François Husson. - À Marseille !
Mme Sophie Primas. - Nous ne vous avons jamais fait défaut durant le covid !
M. Olivier Véran, ministre délégué. - Avec France 2030 et les budgets d'investissement, le Président de la République a besoin d'être bien conseillé dans des domaines comme le spatial et la microbiologie. Nombre de démocraties matures sont dotées de tels conseils, qui ne remplacent pas les fédérations et académies existantes. Vive la science ! (Applaudissements sur les travées du RDPI)
M. Stéphane Piednoir. - J'observe l'absence de Sylvie Retailleau. (On s'interroge sur plusieurs travées.)
Vos propos confirment l'ignorance des travaux du Parlement par Emmanuel Macron : l'Opecst, lui, publie ses rapports. Cela aurait permis d'éviter des désastres, notamment la décision prise totalement isolément sur Astrid en 2019. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. David Ros applaudit également.)
Alors que nous voulons aller sur Mars, peut-être serait-il temps de faire atterrir Jupiter ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; MM. David Ros et Éric Jeansannetas applaudissent également.)
Proposition de directive européenne relative aux travailleurs ubérisés
M. Olivier Jacquin . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Je vous interpelle, une nouvelle fois, sur les travailleurs des plateformes, alors que le champ de l'ubérisation ne cesse de s'élargir, bien au-delà des livreurs à vélo et chauffeurs de VTC. Dans le même temps, les requalifications judiciaires en salariat se multiplient, partout en Europe - hier encore, pour StaffMe et Monoprix.
Voilà deux ans, j'interrogeais votre prédécesseure sur la position de la France au sujet de la directive de Nicolas Schmit donnant des droits sociaux à ces travailleurs. Elle m'avait répondu que le temps législatif européen était long. Nous y sommes : un vote aura lieu après-demain. La France votera-t-elle l'harmonisation sociale par le haut ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER)
M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion . - La manière dont la France a donné des droits sociaux aux travailleurs de plateformes n'est pas nouvelle : elle est issue de la loi de 2016, dite loi El Khomri, complétée par des ordonnances de Mme Borne, alors ministre des transports, et d'autres relatives aux élections pour la représentation de ces travailleurs.
Ce modèle fonctionne : pas plus tard qu'hier, trois accords ont été conclus pour relever le tarif minimal de course et garantir aux travailleurs un revenu horaire et kilométrique, mais aussi leur assurer une plus grande liberté dans le choix des courses. En un an, une dizaine d'accords ont été discutés et signés.
Le projet de directive examiné en Coreper après-demain est très différent du projet adopté par le Conseil des ministres du travail le 12 juin dernier, avec le soutien de la France. Nous sommes passés de trois critères sur sept à deux critères sur cinq, et ce projet ouvrirait la voie à des requalifications massives, y compris de travailleurs qui tiennent à rester indépendants. Nous ne pouvons donc pas le soutenir, et de nombreux autres pays se sont prononcés dans le même sens.
M. Olivier Jacquin. - Sauf votre respect, cette position n'est pas sérieuse. Il y a près de 90 % de travail illégal chez les livreurs à vélo parisiens ! Et les élections dont vous parlez n'ont enregistré que 4 % de participation... Au lieu de glorifier votre autorité de régulation, vous feriez mieux de soutenir la directive, qui la rendrait inutile.
Avec Emmanuel Macron, vous vous targuez d'être les seuls détenteurs du flambeau européen. Mais, vendredi, c'est vous qui porterez un coup fatal au progrès social en Europe. Vous êtes l'État au service du marché, vous abîmez la valeur du travail et organisez la précarité des jeunes. (Mme Élisabeth Borne s'agace ; murmures désapprobateurs à droite) Vous livrez les travailleurs en pâture au capitalisme le plus sordide, non contents d'avoir abandonné les sujets migratoires à l'extrême droite ! (Marques d'exaspération à droite)
Mme Monique Lubin. - Exactement !
M. le président. - Il faut conclure.
M. Olivier Jacquin. - Cessez votre « en même temps » du pire et revenez aux fondamentaux républicains ! (Applaudissements à gauche)
Guichet unique des formalités des entreprises
Mme Martine Berthet . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Ma question s'adressait à Bruno Le Maire. (On ironise à droite.)
M. Laurent Burgoa. - Dommage...
M. Francis Szpiner. - Il n'est pas là !
Mme Martine Berthet. - Dans douze jours, le guichet unique issu de la loi Pacte, malgré deux années chaotiques, deviendra le seul interlocuteur des entreprises pour leurs formalités de création, de changement de situation et de cessation d'activité.
Pourtant, de nombreux dysfonctionnements perdurent : le guichet ne traite que 36 % des démarches de modification, et 20 % des cessations d'activité ne sont toujours pas enregistrées. Cette procédure, censément plus simple, se révèle plus complexe et fastidieuse, et les délais de traitement explosent... Je tiens à votre disposition une kyrielle d'exemples.
Malgré les embauches, les équipes de l'Institut national de la propriété industrielle (Inpi) n'arrivent pas à répondre à l'ensemble des sollicitations liées à ces dysfonctionnements. Le registre national des entreprises ne sera pas opérationnel au 1er janvier.
Comment comptez-vous garantir une mise en oeuvre correcte du guichet unique ? La prolongation de la procédure de secours est-elle envisagée ?
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et du tourisme . - Nous n'ignorons pas que le guichet unique a connu de nombreuses difficultés à son démarrage. Un dispositif d'une telle ampleur nécessite des réglages ; nous y sommes attentifs.
La situation, si elle n'est toujours pas satisfaisante, s'est améliorée en un an. Tous les types de formalités sont désormais accessibles sur le guichet. Depuis le début de l'année, 2 millions de déclarations ont été déposées. Au 30 novembre, on comptait plus de 12 000 formalités par jour, le flux cible étant de 20 000. Le guichet unique reçoit 100 % des formalités de création et plus de 80 % des autres formalités. Il est monté en puissance et en qualité.
L'enjeu est de garantir la continuité et l'amélioration du service, notamment pour les modifications de sociétés, dont seulement 20 % sont traitées par le guichet unique.
Avec Bruno Le Maire... (Marques d'ironie à droite)
Mme Sophie Primas. - Il est où ?
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée. - ... et l'ensemble des parties prenantes - greffiers et chambres consulaires, notamment -, nous mettons en place une procédure de continuité : les usagers pourront procéder à leurs démarches en ligne même en cas de nouveaux dysfonctionnements du guichet.
Vous avez eu la sagacité de me proposer des exemples. Comme le disait Saint-Exupéry, l'autre, loin de me léser, m'augmente. (On apprécie la formule à droite et sur des travées du centre.)
Mme Audrey Linkenheld. - Dommage que Darmanin n'ait pas entendu...
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée. - Augmentez-nous ! Je vous contacterai bientôt pour poursuivre nos échanges. (M. Martin Lévrier applaudit.)
Mme Martine Berthet. - Je vous transmettrai volontiers ces exemples d'entreprises dont les projets de développement restent bloqués, ce qui est inacceptable. Les entreprises s'inquiètent du décalage entre votre discours volontariste, certes bienvenu, et les réalités. D'anciens guichets des entreprises envisagent même l'embauche de vigiles pour gérer l'exaspération et la détresse de certains artisans...
M. le président. - Il faut conclure.
Mme Martine Berthet. - Après les tests en 2022 et la mise en oeuvre en 2023, 2024 doit être l'année des résultats ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Vente de munitions de chasse par les buralistes
M. Patrick Chaize . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Vous venez d'annoncer que les buralistes pourraient vendre des munitions d'armes de chasse. J'ai d'abord cru que vous faisiez de l'humour promotionnel pour la comédie Chasse gardée, avec Didier Bourdon... (Rires)
Mais mon incrédulité a laissé place à la stupéfaction quand j'ai appris que ni le président de la Fédération nationale des chasseurs ni le syndicat des armuriers n'avaient été informés. Un bar-tabac est-il un lieu approprié pour vendre, au côté de boissons, jeux de hasard et journaux, des cartouches de fusil avec des cartouches de cigarettes ? (On apprécie le bon mot à droite.)
Par ailleurs, vendre des munitions ne va-t-il pas exposer les buralistes à de nouveaux dangers ? N'oublions pas que de nombreux tabacs ont été pillés pendant les émeutes urbaines... Après seulement deux jours de formation, les buralistes seront-ils en mesure de conseiller les chasseurs ? Il y va de la sécurité des chasseurs et d'autrui si la munition vendue n'est pas adaptée. Les buralistes pourront-ils refuser des ventes, au même titre que les armuriers ?
Cette mesure ne doit pas nous projeter dans le scénario d'un mauvais film. Comment comptez-vous garantir la sécurité de chacun ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité . - Nous entendons votre alerte.
À compter du 1er janvier prochain, les buralistes pourront vendre des munitions pour armes de catégories C et D. La loi du 24 janvier 2022 transposait également une directive européenne de l'année précédente sur le commerce des armes à feu. Un décret du 3 juillet dernier a réformé la délivrance des certificats professionnels nécessaires à la vente de munitions.
Les buralistes devront suivre une formation et signer une convention avec un armurier. Ce lien formel avec un armurier référent garantira la qualité de ce service, particulièrement attendu dans les départements ruraux. Nous restons à l'écoute. Reparlons-en d'ici au mois de mars.
M. Patrick Chaize. - Je ne suis pas convaincu. Quelles sont les réelles motivations de cette décision, aucunement partagée ? Le Gouvernement aurait été bien inspiré de dialoguer avec le Parlement. Nous avons ici des idées et la capacité de les travailler ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du GEST)
La séance est suspendue à 16 h 15.