Immigration et intégration (Conclusions de la CMP)
M. le président. - L'ordre du jour appelle l'examen des conclusions de la commission mixte paritaire (CMP) chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration.
Mme Muriel Jourda, rapporteur pour le Sénat de la CMP . - (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur des travées du groupe UC ; quelques huées à gauche) La CMP qui s'est tenue hier et aujourd'hui...
M. Mickaël Vallet. - À Matignon !
Mme Muriel Jourda, rapporteur. - ... présentait une particularité : nous n'avions qu'un seul texte, celui du Sénat. Ces circonstances particulières impliquaient que celui-ci devait être la base, d'autant qu'il avait été adopté par 210 voix pour.
Vous n'aurez guère d'efforts à faire, sinon de mémoire, car nous avons maintenu l'architecture de notre texte : un titre nouveau relatif à la maîtrise des arrivées, un volet sur l'intégration, un autre sur l'éloignement et des dispositions plus techniques sur les demandeurs d'asile et la simplification des procédures judiciaires.
Nous avons conservé l'acquis du Sénat : un débat parlementaire fixant des quotas, un meilleur contrôle sur de nombreux titres et des améliorations sur l'aide médicale d'État (AME). La Première ministre a indiqué par écrit au président Larcher que cette dernière serait réformée sur la base du rapport Évin-Stefanini. Ce texte garantit ainsi un meilleur contrôle de l'entrée des étrangers sur notre territoire.
S'agissant de l'intégration, une meilleure maîtrise de la langue française sera demandée à tous les demandeurs, y compris au titre du regroupement familial. Un examen civique devra être réussi, et un contrat signé qui garantisse le respect de nos lois et des valeurs de la République.
L'intégration par le travail a été longuement débattue. C'est notre article 4 bis qui sera conservé : pas de prime à la fraude.
Le volet éloignement a été maintenu, afin que ceux qui troublent l'ordre public soient écartés.
Enfin, nous avons conservé le titre ajouté concernant les outre-mer. (M. Jean-Baptiste Lemoyne s'en félicite.)
Par ce texte, nous nous attaquons à un problème essentiel pour nos compatriotes, d'une manière extrêmement raisonnable et que je crois efficace. Je demande à tous ceux qui avaient voté le texte de voter à présent les conclusions de la CMP. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP, ainsi que sur des travées du groupe UC)
M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer . - (Applaudissements sur des travées du RDPI) Après plus d'un an de discussions, nous touchons au but. J'espère que les deux assemblées adopteront ce texte pour protéger les Français, mieux intégrer les étrangers et simplifier la vie administrative. (Murmures à gauche)
Le texte du Sénat ne remplace pas celui du Gouvernement, mais il le complète. (On ironise à gauche.) Sur 27 articles initiaux, un seul a été retiré, celui prévoyant que les demandeurs d'asile pourraient travailler avant six mois de séjour. Tous les autres ont été maintenus, parfois avec des modifications mineures, parfois des modifications substantielles, mais sans altération de l'esprit.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. - CQFD.
M. Gérald Darmanin, ministre. - Le Gouvernement tenait à l'équilibre de ce texte, comme la majorité de l'Assemblée nationale et, au Sénat, le RDPI et le groupe de Claude Malhuret, que je salue. (On ironise à gauche.)
De nombreuses dispositions portent sur l'intégration, notamment par la langue et le travail. Si ces conclusions sont votées par le Sénat - j'ai peu de doutes - et l'Assemblée nationale, ...
Nombreuses voix à gauche. - Il y a plus de doutes !
M. Gérald Darmanin, ministre. - ... nous aurons, pour la première fois, une disposition de régularisation qui coupe le lien entre employeur et employé, afin de sortir de l'hypocrisie dans laquelle nous plongeons collectivement ces personnes depuis si longtemps. Quand on paie des cotisations et des impôts, il est normal d'avoir un titre de séjour - la gauche regrette sans doute de ne pas l'avoir fait elle-même. (Vives protestations à gauche)
L'équilibre de notre texte repose aussi sur la fermeté à l'égard de la délinquance et la criminalité étrangères. Le Sénat et la CMP ont amélioré le texte : il devient possible d'expulser des délinquants étrangers qui adhèrent à une idéologie radicale ou sont hostiles aux lois de la République.
En même temps, si j'ose dire, nous interdisons, comme les partis de gauche le réclament, sans le faire lorsqu'ils sont aux responsabilités, le placement de mineurs en centre de rétention administrative. On devra cette avancée au Président de la République et au Gouvernement.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - À la CEDH !
M. Gérald Darmanin, ministre. - Je regrette que la simplification des procédures n'ait pas fait florès dans les débats médiatiques et parlementaires : de douze procédures, nous passons à trois. Le droit en sera considérablement simplifié - mais cela ne fera sans doute pas la une des journaux...
Le Gouvernement prend acte du travail du Sénat - je salue tous les groupes, d'autant que nous avons retenu des amendements de chacun. Le Gouvernement s'est montré à l'écoute.
Le texte de la CMP est moins dur que celui du Sénat : l'AME n'y figure plus, non plus que la fin de l'hébergement d'urgence ; la régularisation dans les métiers en tension est bien prévue, ainsi que la fin du placement des mineurs en CRA, ou encore l'exemption de caution pour les étudiants étrangers méritants. Or je rappelle que les sénateurs du RN avaient voté contre le texte du Sénat, considérant qu'il ne servirait à rien. Et quand Mme Le Pen voit le jour se lever comme le coq Chantecler, elle se demande : quel petit coup politique pourrais-je faire ? C'est un drôle de moment parlementaire... Mais personne n'est dupe ! (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur des travées des groupes INDEP, UC et Les Républicains)
Comme disait le général de Gaulle, sur l'essentiel nous pouvons nous retrouver. (Exclamations à gauche) Je voudrais dire aux sénateurs de la Nupes... (Vives protestations à gauche)
Plusieurs voix à gauche. - Il n'y a pas de Nupes ici !
M. le président. - Laissez le ministre poursuivre.
M. Gérald Darmanin, ministre. - ... que leurs partis se sont déshonorés en votant avec le RN une motion de rejet, empêchant le débat parlementaire classique.
Le Gouvernement a présenté un texte courageux. Il a promis de ne pas utiliser le 49.3 et a tenu parole. Il a promis qu'il chercherait le plus possible un accord avec tous ceux qui voudraient travailler pour l'intérêt des Français.
Mme Corinne Féret. - Et le RN ?
M. Gérald Darmanin, ministre. - Le RN a voté contre ce texte et rien n'a été négocié avec lui. (Exclamations à gauche)
M. Éric Kerrouche. - Ce n'était pas la peine !
M. Gérald Darmanin, ministre. - Le RN est contre les quotas et les régularisations, contre la fin des mineurs en CRA, contre les passeports talents, contre les mesures relatives aux étudiants... Mesdames et messieurs les sénateurs de la Nupes (vives protestations à gauche), soyez beaux joueurs : l'accord politique trouvé ne satisfait totalement personne, mais permet de se retrouver sur l'essentiel - la protection des Français.
Je ne serai pas le ministre de l'intérieur qui fait la politique du pire en désarmant les forces de l'ordre et les magistrats. (Protestations à gauche)
Ce Gouvernement, qui n'a pas utilisé le 49.3,...
M. Rachid Temal. - Et les retraites ?
M. Gérald Darmanin, ministre. - ... a tout fait pour trouver le meilleur accord possible avec le groupe centriste, les LR et les groupes de MM. Malhuret et Patriat.
Bien sûr, des améliorations restent possibles. Chacun sait que des mesures sont manifestement contraires à la Constitution.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Vous les avez maintenues !
M. Gérald Darmanin, ministre. - Le Conseil constitutionnel fera son office. La politique, ce n'est pas être juriste avant les juristes, c'est élaborer des normes qui nous paraissent conformes.
M. Max Brisson. - Exact !
M. Gérald Darmanin, ministre. - Présenter un tel texte avec une majorité relative n'est pas des plus aisés (on feint à gauche de plaindre le ministre), mais les Français, dans leur immense majorité, voient que nous avons pris nos responsabilités.
Venant doublement de familles immigrées, élu dans un territoire de gauche, je n'ai aucune leçon de morale à recevoir. La morale ne se fait pas à Saint-Germain-des-Prés, mais dans les hémicycles du Parlement. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur des travées des groupes INDEP, UC et Les Républicains)
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. - Bravo !
M. le président. - Je rappelle qu'en application de l'article 42, alinéa 12, du Règlement, le Sénat statue par un seul vote sur l'ensemble du texte.
M. Michel Masset . - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Sur la méthode, le RDSE aime à rappeler son attachement au débat parlementaire comme essence de notre régime démocratique et républicain. En priver nos hémicycles, c'est faire un pas vers l'arbitraire. Il est regrettable que seul le Sénat ait examiné article par article ce projet de loi.
Sur le fond, nous avons majoritairement voté contre la version du Sénat.
À l'Assemblée nationale, une majorité a voté pour son rejet : la CMP aura duré plus de temps que l'examen du texte par les députés... Jeune parlementaire, je suis préoccupé par la méthode, même si la Constitution l'autorise.
Le texte initial du Gouvernement avait tendance à nous satisfaire.
M. Gérald Darmanin, ministre. - Moi aussi... (Sourires)
M. Michel Masset. - Mais la tournure de nos débats nous a conduits à voter contre ou à nous abstenir.
La suppression de l'AME n'est plus dans le texte : c'était pour nous une ligne rouge infranchissable. Les articles 3 et 4 sont des avancées utiles, certes à parfaire. Subsistent les quotas migratoires, le durcissement des règles du regroupement familial, de l'immigration étudiante, le délai pour le versement des aides sociales non contributives, le rétablissement du délit d'entrée irrégulière...
Bien sûr, le texte comprend également des mesures attendues en matière d'application des OQTF. Je pense aussi à la réforme du contentieux des étrangers ou au durcissement des sanctions en cas d'exploitation des migrants.
Cela étant, la majorité des membres du RDSE persistera à voter contre ce texte. (Applaudissements sur de nombreuses travées du RDSE et à gauche)
M. Olivier Bitz . - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Ce projet de loi voulu par le Gouvernement répondait à l'exigence d'adaptation de notre droit aux nouvelles réalités migratoires. Il faut réguler les flux, mieux protéger les Français contre les délinquants étrangers, et mieux intégrer, notamment par la langue, les étrangers qui ont vocation à rester sur le territoire national.
En première lecture au Sénat, les débats ont été riches. Le RDPI a voté ce texte, dans une démarche de coconstruction, même si certaines dispositions ne nous convenaient pas, comme la suppression de l'AME. Le travail législatif était bien lancé. Mais une coalition aussi étrangère qu'hétéroclite a vu le jour à l'Assemblée nationale, pour mettre en difficulté le Gouvernement, provoquant ainsi une brusque accélération des échanges.
Notre groupe a toujours eu la même priorité à l'esprit : aboutir à un texte équilibré, efficace et répondant aux besoins des Français. Un accord était impératif, pour le pays tout entier. Nous avons eu ces échanges sous le regard des Français : 67 % d'entre eux étaient favorables au texte.
M. Didier Marie. - Il y a eu un vote ?
M. Olivier Bitz. - Sur l'AME, nous avons tenu compte du rapport sans équivoque de MM. Claude Évin et Patrick Stefanini, et de l'engagement de la Première ministre de la réformer, d'où la suppression de la disposition du Sénat.
Sur les prestations sociales, le Sénat a conditionné toutes les aides non contributives à un séjour de cinq ans. Le délai a été réduit, de même que le périmètre des aides concernées.
Nous avons supprimé cinq articles sur la nationalité, mais reste la déchéance pour les binationaux condamnés pour homicide sur les personnes dépositaires de l'autorité publique.
Le texte du Sénat sur l'hébergement d'urgence n'était pas applicable en l'état : il aurait mis à la rue 150 000 personnes, du jour au lendemain.
Sur le titre de séjour « étrangers malades », nous en restons à la rédaction de l'Assemblée nationale.
Compte tenu du résultat de la CMP, le RDPI votera, dans sa majorité, le projet de loi issu des conclusions de la CMP. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; M. Loïc Hervé et Mme Valérie Boyer applaudissent également.)
M. Patrick Kanner . - (Vifs applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. Jacques Fernique applaudit également.) Depuis hier, nous avons eu, avec Marie-Pierre de La Gontrie et Corinne Narassiguin, l'honneur de défendre une certaine idée des valeurs de notre pays. La France s'est construite avec l'apport des populations étrangères, parfois au prix de leur sang. C'est aussi un fils d'immigrés qui vous le dit ce soir, monsieur le ministre.
Les hôpitaux, les aides à domicile, la construction des maisons, les supermarchés, rien ne peut fonctionner sans les immigrés. (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; murmures désapprobateurs à droite ; M. Gérard Lahellec opine du chef.) C'est à eux que je pense ce soir, à ceux qui ont choisi de s'installer sur notre sol et d'y fonder une famille. Leurs vies méritent notre considération.
Le 11 janvier, MM. Darmanin et Dussopt vantaient l'équilibre de leur projet de loi. Ce soir, le constat est amer : cette promesse était un leurre.
Ce texte est un texte de police des étrangers. Dans la quête d'un électorat perdu, le Gouvernement et Les Républicains se nourrissent d'une rhétorique que seule l'extrême droite défendait jusqu'alors : « La France aux Français ».
Mme Sophie Primas. - Qui a fait monter le Front national ?
M. Patrick Kanner. - La violence de ce texte nous heurte ! De marchandage en marchandage, la droite a entraîné la majorité présidentielle dans un ravin populiste, sous l'oeil gourmand de l'extrême droite. (Applaudissements à gauche)
M. Jacques Grosperrin. - C'est ce qu'a fait Mitterrand !
M. Patrick Kanner. - C'est une marée brune qui fait sauter toutes les digues ! (« Oh » à droite ; applaudissements à gauche) Que reste-t-il de nos valeurs, et de la France ? Nous espérions qu'Emmanuel Macron fasse barrage à l'extrême droite, désormais il amène ses idées au pouvoir. (Applaudissements à gauche)
Ouvrez les yeux ! En 2027, assumerez-vous d'avoir donné corps aux pires excès de l'extrême droite ? Assumerez-vous d'avoir gravé la préférence nationale dans le marbre de la loi ?
Plusieurs voix sur les travées du groupe Les Républicains. - Faux !
M. Patrick Kanner. - Assumerez-vous d'avoir privé les étrangers en situation régulière de moyens de subsistance ? Assumerez-vous d'avoir imposé aux étudiants des conditions inatteignables pour aller dans nos universités ? (M. Jean-Baptiste Lemoyne proteste.)
M. Patrick Kanner. - C?est une insulte à nos Lumières ! (Protestations à droite)
M. Olivier Bitz. - Rien que ça !
M. Patrick Kanner. - Comment nos collègues centristes peuvent-ils accepter de se prêter à une telle dérive, à rebours de leur propre histoire ? (M. Loïc Hervé proteste.)
Non, un étranger n'est pas par essence un danger. Vous êtes submergés par des fantasmes ! Vous renoncez à nos valeurs fondatrices, et ajoutez du désordre au désordre, alors que les obligations de quitter le territoire français (OQTF) sont délivrées n'importe comment et ne sont pas appliquées.
Ce 19 décembre marque l'entrée de la droite et du centre dans la majorité présidentielle. (On le conteste à droite.)
Ce 19 décembre, le front républicain a fait long feu. Vous avez inventé la collusion du renoncement. Les Français préféreront toujours l'original à la copie. Vous êtes vainqueurs, mais serez-vous les bénéficiaires ? Vous tournez le dos à l'un des vôtres, qui disait : « Mieux vaut perdre un vote que perdre son âme. »
M. Jean-Baptiste Lemoyne. - Vous faites les deux !
M. Patrick Kanner. - (Marques d'impatience à droite) Un vent mauvais souffle sur notre territoire. En gardant la nuque raide, nous voterons contre ce projet de loi. (Acclamations et vifs applaudissements, prolongés, à gauche)
M. François-Noël Buffet . - (Applaudissements nourris et prolongés sur les travées du groupe Les Républicains) Les donneurs de leçon de ce soir, qu'ils soient de gauche ou d'extrême droite, oublient que sous la présidence Mitterrand, ils avaient fait preuve de connivence pour faire monter le Front national. (Huées à gauche ; M. Rachid Temal lève les bras au ciel ; applaudissements au centre et à droite ; Mme Nicole Duranton applaudit également.) Vous avez perdu la mémoire !
M. Alain Marc. - Et la Francisque ?
M. François-Noël Buffet. - Au début des débats, le Gouvernement est venu avec son texte de 27 articles. La commission des lois l'a travaillé avec d'autres collègues pour le faire progresser : il compte désormais 80 articles. Ce n'est pas la quantité qui est gage de qualité (M. Mickaël Vallet ironise.)...
M. Didier Marie. - Et ce n'est pas la majorité sénatoriale qui est gage de qualité !
M. François-Noël Buffet. - ... mais nous assumons les choix qui ont été faits, issus d'un travail de longue haleine dans cette maison. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
C'est le fruit d'un rapport de la commission des lois, de propositions venues d'autres collègues, d'un travail acharné, d'une vision : maîtriser l'immigration irrégulière et ne pas rester passif. La tolérance doit être zéro, ni plus ni moins.
Il faut aussi protéger la procédure d'asile, régulièrement détournée. Elle vit de sombres moments, car elle est utilisée par des réseaux mafieux au détriment de ceux qui méritent protection. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, INDEP et UC)
Nous simplifions les mesures contentieuses pour que nos administrations et nos juridictions fonctionnent normalement.
Nous avons travaillé sur l'intégration, les valeurs de la République, l'apprentissage de la langue.
M. Mickaël Vallet. - Et les moyens ?
M. François-Noël Buffet. - Il faut aussi parler de ce qui est positif pour l'intégration des étrangers !
La CMP a une spécificité : le texte largement voté au Sénat n'a pas trouvé de contradicteur à l'Assemblée nationale, puisqu'il n'y a pas eu de texte. D'ailleurs, collègues de la gauche, vous avez allégrement mêlé vos voix à ceux que vous combattez aujourd'hui ! Vous n'avez pas hésité une seconde ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; huées à gauche)
Plusieurs voix à gauche. - (En montrant le sol du doigt) Ici, nous sommes au Sénat !
M. François-Noël Buffet. - Alors les leçons de morale, ça suffit ! (Vives protestations à gauche)
Nous nous sommes retrouvés à l'Assemblée nationale avec une case vide. C'est notre texte qui fait référence.
Nous avons réalisé un travail approfondi, nous avons tenu compte des demandes. Les discussions ont été longues, et alors ? Que nous aurait-on reproché si nous avions bâclé les débats ?
M. François Patriat. - Exactement.
M. François-Noël Buffet. - Au Sénat, le RN n'a pas voté ce texte. Nous avons entendu que ce texte était le plus abominable du monde, et ce soir vous voulez faire un hold-up. Mais ce texte est bien le nôtre ! (M. Christopher Szczurek proteste ; marques d'impatience à gauche.) C'est le résultat d'un travail de longue haleine. Je remercie les collègues Les Républicains et centristes associés à ce travail. (Acclamations et vifs applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP, ainsi que sur plusieurs travées du groupe UC ; plusieurs sénateurs des groupes UC, Les Républicains et INDEP se lèvent ; huées à gauche.)
M. Christopher Szczurek . - Nous y voilà donc. Nous le savions : nos compatriotes veulent arrêter la submersion migratoire. Ses effets ne sont plus à démontrer. (Huées à gauche)
L'absence de prise de conscience réelle du problème migratoire, depuis cinquante ans, a conduit à une situation impossible, alors que nous accueillons 500 000 étrangers par an. Loin d'être une migration de travail, c'est une charge que nous ne pouvons plus assumer économiquement, politiquement, démographiquement et moralement. (M. Mickaël Vallet proteste.)
Cette loi était une belle promesse : simplification du contentieux des étrangers, délit de séjour irrégulier... Le RN partage ces objectifs ; surtout, nos compatriotes les demandent.
Ce texte n'est pas parfait et reste en deçà, mais il met sur le devant de la scène la priorité nationale, que nous appelons de nos voeux.
M. Rachid Temal et plusieurs voix sur les travées du groupe SER. - Raciste !
M. Christopher Szczurek. - Le Front populaire l'avait adoptée en son temps.
M. Rachid Temal. - Un peu de respect !
M. Christopher Szczurek. - La priorité nationale n'est pas une exclusion, c'est faire le choix des nôtres avant tout. Ce devrait être le sacerdoce de tout élu de la République.
Monsieur le ministre, vous essayez de faire croire que vous avez encore la main, mais aujourd'hui c'est la représentation nationale qui l'emporte sur le Gouvernement, après des mois de mépris. Nous voterons ce texte.
Plusieurs voix à gauche. - (S'adressant au groupe UC et au groupe Les Républicains) Et voilà !
M. Christopher Szczurek. - Mais seule une réforme constitutionnelle répondra aux aspirations des Français. Nous continuerons à la défendre. (Mme Christine Herzog et M. Joshua Hochart applaudissent.)
M. Louis Vogel . - Au même titre que le reste du continent, nous faisons face à un défi majeur. La Finlande a fermé sa frontière avec la Russie, le Danemark réfléchit à renvoyer des migrants au Rwanda. La Turquie, la Biélorussie et la Russie utilisent le défi migratoire comme arme contre l'Europe.
Pas moins de 71 % des Français estiment que l'immigration est trop importante en France. Nous devions légiférer. Il fallait agir sur la base de quotas et reconduire à la frontière ceux qui n'ont pas leur place dans notre pays.
Nous nous réjouissons que la CMP soit parvenue à un accord. Le texte du Sénat a été respecté, il oriente le texte vers l'immigration choisie. Ce texte rappelle aussi que le communautarisme n'a pas sa place dans notre pays et que la finalité de l'immigration est bien l'intégration.
M. Gérald Darmanin, ministre. - C'est vrai.
M. Louis Vogel. - Ses deux clefs sont la maîtrise de la langue française et le travail. La régularisation des étrangers dans les métiers en tension traduit notre attachement à la valeur travail, mais cela ne nous exonère pas de résoudre le problème de la pénurie de main-d'oeuvre dans certains secteurs.
La CMP a aussi affirmé ce que nous ne voulions pas. Nous ne voulons pas des étrangers qui ne respectent ni le droit ni nos valeurs. Nos concitoyens ne peuvent plus l'accepter, il était grand temps d'y remédier.
La maîtrise des flux migratoires doit être accompagnée de règles européennes efficaces, avec un contrôle strict aux frontières de l'Union européenne.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. - C'est vrai.
M. Louis Vogel. - L'Union doit faire la preuve de son efficacité. Comme tous les Européens, les Français n'acceptent plus que l'immigration soit subie. Allions justice et fermeté. Le groupe INDEP votera ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, UC, Les Républicains et du RDPI)
M. Philippe Bonnecarrère . - (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP, ainsi que sur quelques travées du groupe Les Républicains) J'interviens en tant que membre du groupe UC et non comme corapporteur. Je remercie Muriel Jourda, le président Buffet et tous ceux qui nous ont accompagnés durant ce temps long d'élaboration du texte. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur plusieurs travées du groupe Les Républicains ; M. Alain Marc applaudit également.)
Ce texte exprime une forme de fermeté ; il assure une autorité régalienne dans le respect de l'État de droit. Il marque aussi le retour du Parlement dans la politique migratoire. C'est en outre un texte de compromis, par exemple sur l'AME. C'est enfin un texte qui exprime la solidité de la majorité sénatoriale. Le travail en commission nous a permis de dégager un premier compromis, non acquis, sur l'article 4 bis.
M. Loïc Hervé. - Très bien.
M. Philippe Bonnecarrère. - Nous avons ainsi adopté un texte que chacun s'est approprié au sein de la majorité. (Marques d'ironie sur les travées du groupe SER)
Puis nous avons obtenu un deuxième compromis - je remercie Bruno Retailleau - au service d'un Parlement qui fonctionne. Le Sénat, par les positions qu'il a portées, a permis d'éviter un vide institutionnel.
M. Max Brisson. - Très bien !
M. Philippe Bonnecarrère. - Que se serait-il passé si le Parlement n'avait pas réussi à voter ce texte ?
M. Didier Marie. - Il aurait fallu le retirer !
M. Philippe Bonnecarrère. - Nos institutions auraient été remises en cause, et nos concitoyens ne l'auraient pas accepté. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, INDEP et Les Républicains)
M. Mickaël Vallet. - Chirac, lui, savait faire...
M. Philippe Bonnecarrère. - C'est un sujet politique. Chers collègues de gauche, chacun sera jugé pour ses idées et ses résultats. Vous n'avez pas approuvé la moindre mesure pour encadrer les flux migratoires, et vous n'avez pas manqué une mesure qui aurait désarmé notre outil régalien pour défendre nos frontières.
MM. Pascal Savoldelli et Mickaël Vallet. - Désarmer ?
M. Philippe Bonnecarrère. - Un pays, il faut lui donner les moyens d'assurer sa souveraineté. (M. Max Brisson renchérit ; applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains, INDEP et du RDPI)
M. Pascal Savoldelli. - Mais enfin, de quoi parle-t-on ?
M. Philippe Bonnecarrère. - Le RN obsède les esprits. Or les centristes sont les adversaires politiques du RN. (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; vives protestations à gauche)
Vous cherchez la paille dans notre regard, regardez la poutre dans le vôtre. (« Bravo ! » et applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains) Au RN les peurs, à nous l'efficacité.
Nous croyons à l'État de droit, et que l'autorité régalienne va de pair avec le respect de cet État de droit. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains ; Mme Corinne Bourcier et plusieurs sénateurs du groupe INDEP se lèvent.)
M. Éric Kerrouche. - Cela se voit !
M. Guy Benarroche . - (Applaudissements sur les travées du GEST et du groupe SER) Nous sommes arrivés au bout du cheminement constitutionnel - ou anticonstitutionnel - de ce texte.
À tout seigneur, tout honneur : ce texte est une victoire de la majorité sénatoriale,...
Plusieurs voix sur les travées du groupe Les Républicains. - Très bien !
M. Guy Benarroche. - ... qui marque son intégration définitive dans la majorité présidentielle. (Applaudissements à gauche)
M. Jacques Grosperrin. - Et vous dans la Nupes !
M. Guy Benarroche. - Cette loi d'affichage est dangereuse : tout l'aspect intégration a été sacrifié, pour une victoire politicienne à la Pyrrhus. C'est bien un texte dicté par la majorité sénatoriale qui est sorti de la CMP. Mais les méthodes n'avaient rien de digne : réunions de couloir, à Matignon, à l'Élysée,...
M. André Reichardt. - Pourquoi est-ce indigne ?
M. Guy Benarroche. - ... comme au bon vieux temps des textes sur l'urgence sanitaire.
Il fallait donc un texte, sur injonction du Président de la République. « L'enjeu est trop important pour la nation pour faire de la politique politicienne », disait le ministre Darmanin. Vendredi, le Président de la République parlait d'un compromis intelligent.
Délit de solidarité, préférence nationale pour les allocations, délit de séjour irrégulier, caution pour les étrangers étudiants, restriction du droit du sol, limitation du regroupement familial... un équilibre, mais avec quelles mesures ? « La victoire idéologique du RN est chaque jour plus éclatante » a dit Jordan Bardella après l'accord en CMP.
Pas la peine de se cacher derrière des mesures « gentilles » : quel étranger prendra le risque de dénoncer son marchand de sommeil ? L'interdiction des mineurs en CRA n'est qu'un retour au droit (« Très bien ! » à gauche), puisque la France a été condamnée plusieurs fois par la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH).
La régularisation dans les métiers en tension a disparu, comme le ministre Dussopt, disparu au champ d'honneur... Comment ne pas permettre à des personnes qui travaillent de s'extirper de l'incertitude, de la peur du contrôle. Personne ne peut s'intégrer dans ces conditions.
Ce discours est nauséabond, il assimile l'immigration au danger. Et il n'y a rien dans la diminution des droits qui garantisse une meilleure application des OQTF - et vous le savez ! Vous entretenez l'image de l'étranger calculateur et profiteur.
La politisation outrancière de la question migratoire est un piège qui ne profite à personne - ou à qui ? Notre groupe dénonce autant les méthodes que le fond.
M. Bruno Sido. - C'est fini !
M. Guy Benarroche. - Nous voterons contre ce texte et appelons les parlementaires du centre et de la droite à peser ce texte à l'aune de leurs convictions intimes et de leur engagement politique, comme le font de nombreux députés et ministres. (Applaudissements sur les travées du GEST, des groupes SER et CRCE-K)
M. Ian Brossat . - Je ne m'étendrai pas sur les conditions chaotiques dans lesquelles nous examinons ce texte, alors que la CMP vient de se terminer, que des ministres envisagent leur démission, que des élus de la majorité annoncent qu'ils voteront contre... (Applaudissements sur les travées du groupe SER, du GEST et du groupe CRCE-K)
Souvenons-nous de ce que vous disiez il y a quelques mois : « Nous voulons être gentils avec les gentils et méchants avec les méchants ». Manquait un codicille : aux yeux de la majorité et de la droite, la seule qualité d'étranger vous range parmi les méchants. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains ; applaudissements sur quelques travées des groupes CRCE -K et SER)
Vous pouvez protester, mais sinon, comment comprendre qu'un texte présenté comme un texte de lutte contre l'immigration irrégulière et la délinquance s'attaque aux prestations sociales des étrangers en situation régulière ? (« Bravo ! » et applaudissements à gauche) Comment comprendre que vous vous en preniez aux allocations de rentrée scolaire d'enfants français, qui ont pour seul tort d'être nés de parents étrangers ?
M. François-Noël Buffet, président de la commission. - Ce n'est pas vrai !
Plusieurs voix au centre et à droite. - C'est faux ! C'est honteux !
M. Ian Brossat. - C'est tout sauf un texte d'intégration : c'est un texte de stigmatisation et de discrimination.
M. Bruno Sido. - Il radote !
M. Ian Brossat. - C'est un texte qui accroîtra la précarité en privant de ressources des familles. Des millions de pauvres, des millions qui vivent de l'aide alimentaire, cela ne vous suffit donc pas ?
Il n'est pas surprenant que l'extrême droite vote avec vous ! (M. Loïc Hervé proteste.) Voilà le résultat de vos concessions. (Applaudissements à gauche) Quel argument vous reste-t-il ? C'est ce que veulent les Français ? Cet argument, vous l'aviez pourtant oublié pendant le mouvement contre la réforme des retraites ! (Applaudissements à gauche)
Vous oubliez aussi un peu vite vos propos lénifiants, lorsqu'Emmanuel Macron venait mendier les voix des électeurs de gauche, au nom de la défense des valeurs de la République, pour faire barrage à l'extrême droite. Le résultat, c'est qu'il a été élu, et qu'on se retrouve avec le programme de l'extrême droite ! (Applaudissements à gauche ; M. Ahmed Laouedj applaudit également.)
Chacun doit mesurer la responsabilité qui est la sienne. Le sujet n'est pas qui vote avec qui, mais qui vote quoi, notamment chez les macronistes : voteront-ils pour des mesures proposées par le FN dans les années 1980 ? Ne nous faites pas croire que vous avez des principes. (Marques d'indignation à droite)
Mme Sophie Primas. - Vous non plus.
M. Ian Brossat. - Nous voterons contre ce texte. (Vifs applaudissements à gauche ; Mme Raymonde Poncet Monge se lève.)
À la demande du groupe Les Républicains, du GEST et du groupe SER, le projet de loi est mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°109 :
Nombre de votants | 340 |
Nombre de suffrages exprimés | 328 |
Pour l'adoption | 214 |
Contre | 114 |
Le projet de loi est adopté.
(Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et Les Indépendants ; huées à gauche)
La séance est suspendue à 20 h 15.
Présidence de Mme Sylvie Vermeillet, vice-présidente
La séance reprend à 21 h 45.