Accès aux soins par l'engagement territorial des professionnels (Conclusions de la CMP)
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle l'examen des conclusions de la commission mixte paritaire (CMP) chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à améliorer l'accès aux soins par l'engagement territorial des professionnels.
Mme Corinne Imbert, rapporteure pour le Sénat de la CMP . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du RDPI et du RDSE) Après des échanges nourris avec le rapporteur Frédéric Valletoux, la CMP réunie le 7 décembre est parvenue à un texte commun, cohérent avec la ligne défendue par le Sénat : la confiance plutôt que la contrainte.
Ce texte préserve largement les apports du Sénat : vingt et un articles ont été adoptés dans notre rédaction, et huit articles supprimés par le Sénat ont vu leur suppression maintenue.
Sur plusieurs dispositions, les points de vue ont spontanément convergé. Ainsi, le Sénat a souscrit à la volonté de l'Assemblée nationale de renforcer le rôle du médecin coordonnateur en Ehpad et de créer un statut d'infirmier référent. Les dispositions étendant le contrat d'engagement de service public (CESP) aux étudiants de maïeutique et de pharmacie et la lutte contre le nomadisme médical nous ont réunis.
Sur d'autres articles, les positions du Sénat et de l'Assemblée divergeaient sensiblement. Citons l'article 3 sur l'adhésion automatique aux communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) et l'article 4 bis réintroduisant l'obligation de participation à la permanence des soins ambulatoires (PDSA), mais dont la portée juridique était nulle. Le maintien de leur suppression était pour moi une condition sine qua non de la réussite de la CMP.
L'article 1er témoigne de l'esprit de compromis qui nous a animés. Avec pour objectif de dynamiser la démocratie sanitaire à l'échelle locale, nous avons renforcé les pouvoirs du conseil territorial de santé (CTS), sans déposséder les acteurs de l'offre de soins de premier recours de leurs prérogatives actuelles et de leur capacité d'initiative.
À l'article 2 quinquies, le Sénat s'était opposé à la création d'un énième indicateur de l'offre de soins. Finalement, le texte prévoit une actualisation régulière du diagnostic territorial partagé ainsi que, sur notre initiative, des zonages déterminant les aides à l'installation.
La CMP a également conservé l'article inséré par le Sénat pour étendre à tout le territoire l'expérimentation des certificats de décès par les infirmiers. Le Gouvernement devra modifier au plus vite les récentes dispositions réglementaires pour lancer l'expérimentation.
Sur les praticiens à diplôme hors Union européenne (Padhue), les amendements du Sénat ont tous été maintenus.
Enfin, concernant l'hôpital, le texte préserve la rédaction du Sénat visant à engager un rééquilibrage de la permanence des soins entre établissements privés et publics et renforcer la gouvernance médico-administrative des hôpitaux.
Ce texte ne résoudra pas tous les problèmes d'accès aux soins, mais grâce au travail conduit avec le rapporteur de l'Assemblée nationale, il porte des mesures utiles et pragmatiques pour mieux valoriser l'engagement des professionnels sans les irriter inutilement. Je vous propose de l'adopter. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP, du RDSE et du RDPI)
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé . - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Avec Aurélien Rousseau, je salue cet accord et remercie la rapporteure Corinne Imbert. Nous avons eu des divergences, mais je sais la qualité du travail fourni dans une assemblée exigeante. Avec Frédéric Valletoux, vous êtes parvenus à un compromis. Je remercie le président Mouiller pour son écoute.
Je sais votre assemblée sensible à la problématique de l'accès aux soins et d'égalité entre les territoires. Notre réponse s'inscrit en complémentarité avec les politiques publiques menées, pour une collaboration renforcée entre les métiers et entre les acteurs locaux.
C'est la logique du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2024, qui comprend des mesures fortes pour l'attractivité hospitalière - j'en remercie Corinne Imbert et la rapporteure générale Élisabeth Doineau ; des négociations conventionnelles, qui suivent leur cours avec les médecins libéraux et s'ouvrent avec les pharmaciens ; des différentes propositions de loi votées ces dernières années, car l'actualité législative a été dense ; enfin, du plan d'action, présenté en juillet dernier, qui prévoit le recrutement de 10 000 assistants médicaux, la création de 4 000 maisons de santé pluriprofessionnelles (MSP), la généralisation des CPTS et le déploiement de cent médicobus pour faire le dernier kilomètre. D'ici à 2027, deux millions de Français supplémentaires auront accès à un médecin.
Sur tous ces chantiers, nous avançons main dans la main avec les acteurs pour mieux utiliser les compétences de chacun en incitant au partage des tâches et à l'élargissement de compétences. En deux ans, vingt nouvelles délégations de tâches ont été décidées ; il faut maintenant les déployer et surtout les faire connaître des patients.
Cette proposition de loi s'inscrit dans cette dynamique. Ainsi de l'article 1er sur les territoires de santé, qui redonne la main aux acteurs du territoire pour porter un diagnostic et des solutions, dans une logique graduée de responsabilisation.
À l'article 3, le Sénat a supprimé l'adhésion obligatoire des professionnels de santé aux CPTS. Reste qu'il est nécessaire que les professionnels de santé se coordonnent mieux, notamment grâce aux CPTS, au bénéfice des patients. D'ici la fin de l'année, 85 % de la population sera couverte, soit vingt points gagnés en un an. Il nous faut poursuivre notre travail d'information et d'accompagnement sur le terrain.
Pour donner envie à nos étudiants de s'installer dans les territoires, le Sénat a élargi le CESP aux étudiants en maïeutique et pharmacie. Un amendement de Patricia Schillinger a étendu le bénéfice des aides des collectivités locales aux étudiants en santé non couverts, notamment en chirurgie dentaire. Grâce à Véronique Guillotin, vous avez inclus les représentants des étudiants dans le guichet unique d'aide à l'installation.
Nous devons renforcer la formation et mieux prendre en compte la santé physique et mentale des internes en stage : après Stéphanie Rist à l'Assemblée nationale, votre rapporteur l'a fait pour le deuxième cycle. Prendre soin de ceux qui nous soignent est un impératif qui me tient particulièrement à coeur.
L'article 2 quater C élargit l'expérimentation des certificats de décès par les infirmiers à l'ensemble du territoire.
M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales. - Ah !
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée. - Je comprends votre impatience, mais le décret et les arrêtés permettant d'engager la mise en oeuvre de l'expérimentation sur six régions viennent juste d'être publiés, le 7 décembre. Une extension, qui plus est sur de l'Ondam, poserait des problèmes opérationnels.
Nous devons rééquilibrer la charge de la responsabilité de la permanence des soins entre établissements publics et privés, pour réduire la pression sur l'hôpital. Chaque citoyen doit pouvoir obtenir une réponse, là où il se trouve, quand il en a besoin.
Le secteur hospitalier attendait que l'on dote les groupements hospitaliers de territoire (GHT) de la personnalité morale et que l'on facilite les regroupements. Je salue les efforts de régulation et d'encadrement de l'intérim médical, désormais interdit en début de carrière - non pour stigmatiser, mais pour sécuriser le passage du statut d'étudiant à celui de professionnel de santé. Du côté des fins de carrière, la prise en compte des émoluments hospitaliers des personnels hospitalo-universitaires dans le calcul de la retraite est une juste reconnaissance sociale de leur exercice.
Nous supprimons la majoration du ticket modérateur pour les patients sans médecin traitant, renforçons le rôle des médecins coordonnateurs en Ehpad et créons la fonction d'infirmier référent.
Je regrette le rejet de l'article 10 sur les Padhue, qui était complémentaire de l'article 9. Vous êtes nombreux à vouloir favoriser la venue des praticiens étrangers dans vos départements. La carte de séjour pluriannuelle prévue à l'article 10 était un facteur d'attractivité. C'est une occasion perdue pour l'accès aux soins.
Les articles 9 et 10 bis assouplissent la réalisation des stages de consolidation des compétences, dont la durée sera modulable, et pourra être limitée à six mois. C'est une avancée pour les Padhue, et pour l'accès aux soins. Je salue les apports du Sénat et du RDPI sur les Padhue outre-mer.
Le Gouvernement vous invite à adopter ces conclusions. (Applaudissements sur les travées du RDPI et du RDSE)
M. le président. - En application de l'article 42, alinéa 12, du Règlement, le Sénat statue par un seul vote sur l'ensemble du texte.
Mme Anne Souyris . - (Applaudissements sur les travées du GEST ; Mme Émilienne Poumirol applaudit également.) Cette proposition de loi fera oeuvre utile, mais sans apporter de véritables réponses aux difficultés d'accès aux soins. Depuis 2019, le Gouvernement préfère des mesures éparses à un projet de loi pourtant nécessaire. Alors que la stratégie nationale de santé 2023-2033 est soumise à consultation, je regrette l'absence de texte correspondant.
Même si je regrette que les termes de démocratie sanitaire disparaissent du code de la santé publique, l'article 1er va dans le bon sens. J'invite le Gouvernement à prendre en compte nos remarques dans l'application de cette mesure.
La communication aux ARS d'une cessation d'activité sur un territoire est certes bienvenue, mais pour garantir l'accès aux soins, nous ne pourrons faire l'économie d'une véritable régulation, et d'un effort massif de formation aux métiers du soin.
Il y a 197 000 médecins actifs en France ; ils seront 188 000 l'année prochaine, alors que les besoins de santé augmentent. Nous manquons de professionnels de santé. La suppression du numerus clausus ne fera effet qu'en 2030. Les jeunes sont pourtant attirés par les métiers du soin, mais bloqués par Parcoursup ! Vous avez hélas refusé la création d'écoles normales des métiers de la santé. Le Sénat a rejeté la semaine dernière notre proposition pour créer une allocation d'autonomie d'études. Le Gouvernement devrait à tout le moins étudier une extension aux études de santé du dispositif des écoles normales supérieures.
Je salue la création du groupement hospitalier de territoire, et celle du statut d'infirmier référent. Je regrette cependant que notre proposition d'aligner les conditions de cumul d'activité des professionnels de santé territoriaux sur celles des hospitaliers ait été rejetée.
Sur la permanence des soins, on donne davantage de responsabilité aux ARS en dernier recours, mais sans proposer de vraie réforme.
Je salue l'auteur de la proposition de loi, la rapporteure Corinne Imbert et le Gouvernement. Dommage que ces débats importants aient accouché d'une souris. Nous ne pouvons nous contenter de rafistolages, certes utiles. Le GEST, sans s'opposer à la proposition de loi, s'abstiendra. (Applaudissements sur les travées du GEST)
Mme Céline Brulin . - (Applaudissements à gauche) Un compromis a été trouvé. Malheureusement, il n'y a pas grand-chose dans ce texte fourre-tout. Son titre laisse à penser que c'est l'engagement territorial qui ferait défaut. Or le premier problème est que les médecins ne sont pas assez nombreux ! Cela exige une vraie politique de santé publique assortie de moyens humains et financiers.
Les Français ne se satisferont pas de rustines. Or il n'y a pas l'ombre d'un début de régulation de l'installation des praticiens pour lutter contre les déserts médicaux. De même, vous refusez d'encadrer les dépassements d'honoraires, de plus en plus incontrôlés : selon l'UFC-Que Choisir, 70 % des gynécologues, 66 % des ophtalmologues et 48 % des pédiatres sont concernés, en hausse de dix points en cinq ans.
Déception aussi sur la permanence des soins : les hôpitaux publics continueront d'assumer seuls les gardes de nuit et le week-end, les cliniques privées n'étant sollicitées qu'en cas de carence persistante. En pleine renégociation de la convention avec les médecins libéraux, il aurait été judicieux d'imposer des gardes le soir et le week-end en contrepartie d'une revalorisation des tarifs. Il ne peut y avoir de citoyens de seconde zone.
Certes, quelques mesures vont dans le bon sens, comme les indicateurs territoriaux ou l'accès au CESP dès la deuxième année, utile pour inciter les jeunes de familles modestes à se lancer dans des études de médecine - mais il est injuste qu'ils soient les seuls à subir des contraintes d'installation.
Il est nécessaire de former dès à présent beaucoup plus de professionnels de santé pour faire face aux besoins de la société. Il faut augmenter le nombre d'étudiants, de formateurs, de tuteurs. En attendant que les futurs professionnels de santé soient formés, il faut freiner les démissions en revalorisant les carrières, les rémunérations et surtout les conditions de travail.
Les Padhue sont indispensables dans nos hôpitaux mais ils ne sont ni rémunérés ni reconnus à la hauteur de leurs compétences. Certains vont se retrouver sans contrat et sans droits au 31 décembre. Alors que six millions de Français n'ont pas de médecin traitant, que les urgences sont débordées, nous ne pouvons pourtant nous passer d'eux !
Le groupe CRCE-K ne soutiendra pas ce texte. (Applaudissements à gauche)
Mme Véronique Guillotin . - (Applaudissements sur les travées du RDSE, du RDPI et du groupe UC) Nous avions abordé cette proposition de loi avec scepticisme en octobre. Le calendrier d'examen était regrettable, juste avant le PLFSS et la reprise des négociations conventionnelles. Pourtant, la majorité du RDSE a voté pour en première lecture, certains irritants ayant été supprimés. Je salue le travail de la rapporteure qui a permis d'aboutir à un texte consensuel.
L'expérimentation encourageant l'orientation vers les études de santé des lycéens de zones rurales diversifiera les origines des étudiants en santé et favorisera les implantations en zone sous-dotée. La région Grand Est est partante pour déployer un projet que je porte.
Une autre mesure consensuelle comporte en réalité des écueils : l'affiliation à l'Ircantec, sur leur activité hospitalière, des praticiens hospitaliers universitaires (PHU). Le rapport Uzan a mis en évidence les inégalités en matière de calcul de pension de retraite des PHU. Une réforme était attendue, mais celle votée va pénaliser les plus jeunes et ne sera pas applicable pour les praticiens en poste. L'attractivité déjà faible de ces métiers pourtant essentiels mérite une attention particulière. Les jeunes PHU sont inquiets.
Je me réjouis, pour les professionnels de santé libéraux, que le bon sens ait prévalu sur les CPTS, avec le rejet de l'inscription automatique, qui était un irritant majeur.
La participation des établissements privés à la permanence des soins va dans le bon sens, et répartira la charge.
J'ai des réserves sur l'interdiction de l'intérim en début de carrière. Mieux vaudrait améliorer l'attractivité des carrières hospitalières.
L'ARS est au courant de l'évolution de la démographie médicale, le préavis de six mois ne sera pas très utile. Il faut anticiper bien en amont.
Nous soutenons l'extension à tout le territoire de l'expérimentation des certificats de décès par les infirmiers et la désignation d'un infirmier référent pour les patients en affection de longue durée (ALD). Il faut agir pour l'attractivité des métiers, mais j'insiste sur le rôle pivot du médecin généraliste, pour ne pas déstabiliser le parcours de soins.
Je salue la possibilité de désigner le médecin coordonnateur en Ehpad comme médecin traitant. Cela évitera des allers-retours à l'hôpital pour les personnes âgées dépendantes.
Cette loi ne résoudra pas tout mais nous n'en attendions pas plus. Il faut plus de prévention et de décentralisation.
En attendant, le RDSE votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du RDSE, du RDPI et du groupe UC)
M. Martin Lévrier . - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Merci aux deux rapporteurs de l'Assemblée nationale et du Sénat et aux membres de la CMP, qui sont parvenus à un accord. L'accès aux soins est difficile, mais la majorité présidentielle et le Gouvernement s'attellent depuis six ans à résoudre le problème : développement des exercices coordonnés, délégations de compétences, instauration de la quatrième année d'internat, par exemple. C'est en continuité avec ces mesures que nous avons travaillé à un texte pragmatique et méthodique.
Nous voulons susciter des vocations chez les jeunes : c'est le sens de l'expérimentation d'options santé dans les lycées.
Nous nous félicitons de la création du statut d'infirmier référent, qui crée un triptyque autour du patient avec le médecin et le pharmacien.
Nous sommes parvenus à un compromis satisfaisant sur la permanence des soins. Cliniques et hôpitaux seront mobilisés pour y participer. Sans créer une obligation de garde, le texte octroie aux ARS des pouvoirs gradués leur permettant d'intervenir en cas de carence.
Nous nous félicitons de l'encadrement de l'intérim médical en début de carrière. Certes, le modèle de l'intérim n'a pas vocation à supplanter une offre de soins stable, continue et garantie, mais il permet aux étudiants de financer leurs études.
La CMP a adopté un texte de compromis qui responsabilise sans contraindre, développe l'exercice coordonné sans enfermer les praticiens, concilie le droit à l'accès aux soins et l'aspiration légitime à de meilleures conditions de travail. Le RDPI le votera.
Mme Émilienne Poumirol . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Voilà des années que nous vous alertons sur la désespérance de nos concitoyens qui ne trouvent pas de médecin et sur la nécessité d'une réorganisation complète du système de santé pour garantir l'accès aux soins. Chaque année, 1,6 million de personnes renoncent à se soigner.
Certes, nous avons soutenu certaines mesures de ce texte : lutte contre le nomadisme médical, CESP dès la deuxième année, consécration du statut d'infirmier référent pour les ALD. Mais la problématique de l'attractivité de la médecine générale n'est pas abordée, non plus que celle de la formation des médecins. Ces leviers sont pourtant fondamentaux pour lutter contre la désertification médicale. La question de l'exercice coordonné en équipe pluriprofessionnelle n'apparaît pas davantage, alors que l'Ordre des médecins le préconise, et que cela permettrait de dégager du temps médical.
De nombreuses mesures sont inefficaces : création d'un conseil de territoires inutile, qui ne favorise pas la démocratie sanitaire, obligation de déclarer son départ à la retraite six mois avant, dénuée de portée.
La mise en place du volontariat a dégradé la permanence des soins et entraîné l'engorgement des urgences ; il est indispensable de rétablir la PDSA obligatoire, mais, là encore, le texte manque d'ambition.
Le mercenariat pratiqué par certains à l'hôpital est indécent. Pour autant, ne cibler que les jeunes en fin d'études entraîne une discrimination par l'âge qui n'est pas souhaitable.
Enfin, nous regrettons la disparition du nouvel indicateur territorial de l'offre de soins.
Ce texte manque cruellement de vision. Le 21 novembre dernier, l'UFC-Que Choisir a déposé un recours devant le Conseil d'État pour dénoncer l'inaction du Gouvernement face aux inégalités d'accès aux soins et lui enjoindre d'agir, au nom du droit constitutionnel à la santé.
Il appartient à l'État d'apporter une réponse ambitieuse aux territoires abandonnés par le service public de la santé, car ce sentiment d'abandon nourrit l'abstention ou le vote d'extrême droite.
Mme Sophie Primas. - Et l'extrême gauche ?
Mme Émilienne Poumirol. - Partout en France, des centres de santé de soins primaires à but lucratif ouvrent leur porte avec pour seul objectif la rentabilité financière, pour verser des dividendes à leurs actionnaires. Ce n'est pas le modèle de santé que nous défendons. Nous voterons contre l'adoption de ce texte malgré ses quelques avancées. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE-K)
Mme Florence Lassarade . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Nous saluons le travail de la rapporteure, dont la détermination a payé. (Mme Corinne Imbert sourit.) L'accord reprend les principales orientations du Sénat.
Nous avons soutenu la suppression des mesures inutilement irritantes pour les professionnels de santé, notamment l'adhésion obligatoire aux CPTS, définitivement retirée. Laissons les professionnels s'organiser dans les territoires !
Idem pour l'obligation de participer à la PDSA, quelques mois à peine après l'adoption de la loi Rist sur l'accès aux soins. Ce n'est guère sérieux. En outre, cette question relève de la négociation conventionnelle.
De nombreuses données statistiques permettent déjà de documenter les inégalités d'accès aux soins ; pas besoin d'un indicateur de plus.
Nous nous félicitons en revanche de plusieurs apports du Sénat, comme l'autorisation faite aux infirmiers de signer des certificats de décès, la création du statut d'infirmer référent pour les ALD et l'expérimentation des antennes d'officines dans les communes faiblement peuplées. Là encore, le texte de la CMP rejoint le nôtre.
L'article 1er affiche l'objectif ambitieux de consolider la démocratie sanitaire en s'appuyant sur les CTS. L'organisation de l'offre de soins sur les territoires souffre en effet de la diversité des acteurs et de la superposition des périmètres d'action, d'où un manque de lisibilité. Sur la composition des CTS, le Sénat ajouté la participation des conseils des ordres professionnels. Nous sommes parvenus à un compromis permettant de renforcer les missions du CTS en l'associant à l'élaboration des projets territoriaux de santé ; la CMP a conservé le recentrage opéré par le Sénat.
Les guichets uniques départementaux chargés d'accompagner les professionnels de santé leur offriront une assistance pour leurs démarches administratives ; espérons qu'ils seront en capacité de mener à bien leur mission.
Le groupe Les Républicains votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Véronique Guillotin applaudit également.)
Mme Corinne Bourcier . - Je félicite le député Frédéric Valletoux pour son texte ambitieux, enrichi par les débats parlementaires, et remercie la rapporteure Corinne Imbert pour son travail. Je me réjouis de l'accord trouvé en CMP sur ce sujet important ; il fait honneur au travail du Parlement.
Avec 6 millions de Français sans médecin traitant, la France est un grand désert médical. Il faut donc renforcer l'accès aux soins en motivant les professionnels et en encourageant les vocations.
Ce texte ne résoudra pas tout. Une grande partie de la solution réside dans la formation, qui demande plusieurs années, mais nous ne pouvons pas demander aux Français de s'armer de patience : nous avons besoin de mesures de court terme, c'est le sens de ce texte.
Il confère un rôle plus important aux CTS, améliore la prise en compte des situations locales et répartit mieux la permanence des soins entre établissements publics et privés.
Une majorité des membres du groupe Les Indépendants n'est pas favorable à l'adhésion automatique aux CPTS. Mais ces structures doivent être renforcées, car elles améliorent la coordination entre professionnels.
La lutte contre le nomadisme médical par la limitation des aides à l'installation une fois tous les dix ans est de bon sens.
Sur l'encadrement de l'intérim, nous préférions la version du Sénat. L'intérim peut apporter, notamment en début de carrière, un véritable enrichissement de la pratique professionnelle. Il correspond à la demande de flexibilité des jeunes générations. J'espère que le décret d'application en tiendra compte.
Enfin, le texte simplifie l'exercice des Padhue, mesure bienvenue pour renforcer l'accès aux soins.
Nous voterons pour cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du RDSE et du RDPI)
Mme Nadia Sollogoub . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC, du RDPI et du RDSE) La pénurie médicale généralisée est au centre des préoccupations des Français. Dans ce contexte, les initiatives se succèdent, parfois sans que les précédentes aient pu porter leurs fruits : la loi Rist n'est pas encore appliquée et des négociations conventionnelles sont en cours, et nous voici saisis de cette nouvelle proposition de loi.
Fidèle à sa ligne, le Sénat souhaite des mesures concertées avec les professionnels et susceptibles d'être opérationnelles. Tant de choses semblent simples sur le papier, mais la vraie vie en va autrement...
Dans un contexte de crise, il est essentiel de respecter les sensibilités de chaque profession. Nous n'avons rien à gagner à susciter le découragement des professionnels, voire leur départ.
Faire bouger les curseurs dans un contexte de pénurie est compliqué. Toutefois, ce texte peut apporter une bouffée d'oxygène dans un contexte d'asphyxie.
La création de l'infirmer référent est une bonne nouvelle. La majorité des propositions du Sénat a été retenue : limitation à une fois tous les dix ans des aides à l'installation, fermeture par l'ARS de centres de santé pour manquement, entre autres. Une rédaction de compromis a été trouvée sur les CTS et l'adhésion obligatoire à une CTPS a été abandonnée, à raison. Si certains certificats médicaux n'ont pas été supprimés, la possibilité pour les infirmiers de signer un certificat de décès est élargie.
Nous soutenons ces mesures ciblées, qui, certes, ne sont pas le grand soir : c'est la formation qui apportera une solution de long terme au problème de l'accès aux soins. La majorité du groupe centriste votera ce texte qui répond globalement aux attentes des professionnels, au service des patients. (Applaudissements sur les travées du RDPI et du RDSE)
À la demande du groupe Les Républicains, la proposition de loi est mise aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°106 :
Nombre de votants | 340 |
Nombre de suffrages exprimés | 322 |
Pour l'adoption | 241 |
Contre | 81 |
La proposition de loi est définitivement adoptée.
(Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur quelques travées des groupes UC et Les Républicains)
La séance est suspendue quelques instants.