Compléter l'intitulé de la commission de la culture
Discussion générale
M. le président. - L'ordre du jour appelle l'examen de la proposition de résolution tendant à modifier le Règlement du Sénat afin de compléter l'intitulé de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, présentée par M. Laurent Lafon et plusieurs de ses collègues.
M. Laurent Lafon, auteur de la proposition de résolution . - Je me réjouis que la Conférence des présidents ait accepté d'inscrire à l'ordre du jour l'examen de notre proposition de résolution visant à compléter l'intitulé de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, que j'ai l'honneur de présider depuis octobre 2020, pour y ajouter le mot sport. Grâce au soutien du président du Sénat, cette modification que plusieurs d'entre nous appellent de leurs voeux de longue date est sur le point de se concrétiser.
Je remercie trois de nos collègues particulièrement attachés au sport, au fonctionnement de ses instances et à la préservation de ses valeurs : Jean-Jacques Lozach, rapporteur pour avis des crédits du sport ; Michel Savin, président du groupe d'études sur les pratiques sportives ; et Claude Kern, rapporteur de différents textes sur les jeux Olympiques et Paralympiques (JOP) de Paris 2024.
Au-delà de la variation sémantique, il s'agit surtout de souligner la place que notre assemblée accorde désormais au sport au sein de ses travaux.
Depuis vingt ans, le sport est devenu une matière législative à part entière : ce n'est ni le président de la commission des lois, qui a obtenu l'examen au fond du dernier projet de loi sur les JOP, ni celui de la commission des affaires sociale, chargée d'examiner les amendements au PLFSS consacrés à la prise en charge du « sport-santé », qui me contrediront.
Le rapport du président Buffet le rappelle : depuis 2000, 24 textes consacrés au sport ont été examinés sur le fond ou pour avis par notre commission, soit 10 % de son activité annuelle. Voilà qui illustre la place grandissante prise par le sport, son économie et parfois ses dérives dans la vie de notre pays, de nos collectivités territoriales et de nos concitoyens.
La matière est riche et révélatrice de notre temps. Les textes visent aussi bien le sport amateur que professionnel, les joueurs que les arbitres, la lutte contre le dopage et le hooliganisme que les encadrants bénévoles et la protection des mineurs.
Le sport occupe une place importante aussi dans nos activités de contrôle : nous traitons de sujets transversaux, comme la situation des conseillers techniques sportifs (CTS), comme de questions d'actualité - en témoigne notre mission d'information commune avec la commission des lois sur les incidents en marge de la finale de la Ligue des champions au Stade de France, le 28 mai 2022.
Le groupe Les Indépendants, de M. Malhuret, nous a emboîté le pas : il a fait valoir son droit de tirage sur la gouvernance des fédérations sportives.
Enfin, notre commission s'est saisie du thème des JOP, en lien étroit avec la Cour des comptes, pour en contrôler les modalités d'organisation et en comprendre les conséquences sur d'autres pans de ses compétences - je pense en particulier à l'organisation des événements culturels du printemps et de l'été prochains.
Au moment où notre pays s'apprête à accueillir le principal événement sportif de la planète, j'espère que le Sénat adoptera cette proposition de résolution à l'unanimité. (Applaudissements)
M. François-Noël Buffet, rapporteur de la commission des lois . - La commission des lois a adopté sans modification cette proposition de résolution. Il s'agit de la deuxième modification de l'intitulé de la commission de la culture sous la Ve République : de 1959 à 2009, elle s'est appelée commission des affaires culturelles.
La volonté du Sénat, en 2009, de compléter cet intitulé se justifiait par le choix fait en 1959 de ne pas préciser au sein du Règlement les compétences des commissions permanentes, contrairement à la pratique de l'Assemblée nationale. Ce choix, gage de souplesse et de dialogue entre commissions, confère une importance d'autant plus grande aux dénominations des commissions, qui doivent exprimer leurs attributions sans excès d'exhaustivité mais de façon claire et englobante. La commission des lois a conservé le même état d'esprit pour statuer sur cette proposition de résolution.
Le sport est une compétence traditionnelle de la commission de la culture. Depuis 2000, elle a été saisie au fond ou pour avis de 24 textes sur le sujet, soit en moyenne un par an, 12 % des textes législatifs. Entre 2003 et 2023, elle a publié dix rapports d'information sur le sujet, soit 7,2 % des rapports publiés au Sénat. La proposition qui nous est faite est donc cohérente avec l'activité de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication - c'est la dernière fois que j'emploie cet intitulé bientôt incomplet... (M. Laurent Lafon sourit.)
À huit mois des JOP, ce nouvel intitulé contribuera à démontrer l'attachement de notre assemblée à la réussite de cet événement.
Enfin, ce changement d'intitulé n'a aucune incidence sur le périmètre des autres commissions permanentes et recueille un assentiment transpartisan.
Nous vous invitons donc à adopter cette proposition de résolution à l'unanimité. (Applaudissements)
M. Michel Savin . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Cette proposition de résolution ajoute une cause qui nous est chère à l'intitulé de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication.
À la veille des JOP, il était temps de donner au sport une place qui reflète celle qu'elle prend dans le coeur de nos concitoyens et au Sénat.
Le Sénat n'a pas attendu les JOP pour s'intéresser de près au sport. C'est sur le temps long qu'il s'est investi, pour préparer les JOP, démocratiser le sport en France, accompagner les fédérations dans la réforme de leur gouvernance.
Nous avons voté des textes plus généraux, comme le rachat de trimestres pour les retraités sportifs de haut niveau, dans le projet de loi retraites. Nous avons voté 38,8 millions d'euros supplémentaires pour le budget de l'Agence nationale du sport (ANS), contre l'avis du Gouvernement. Nous avons participé au dispositif Terre de jeux, aux cent ans du maillot jaune ; nous avons accueilli la journée olympique dans le jardin du Luxembourg, et une exposition photo sur nos grilles.
Moins de 0,2 % du budget est consacré au sport. Il faut renforcer la part des paris sportifs alloués au sport. Nous devons être vigilants pour contrôler l'application des lois votées par le Parlement, sur l'éthique ou la lutte contre les violences.
Il faut un plan Marshall, en partenariat avec les régions et autres collectivités, sur les équipements structurants, comme les piscines.
Notre pays accueillera les JOP en 2024 et en 2030. Profitons-en pour développer le sport à l'école, en entreprise, déployer le sport-santé... Ne ratons pas la marche de l'héritage, au risque d'attendre des décennies pour donner au sport la place qui lui revient.
Le Sénat est la seule assemblée à avoir un groupe d'étude aux pratiques sportives, et à offrir une reconnaissance dans l'intitulé de cette commission. Je remercie le président Lafon et le président Larcher de leur soutien - notre président est le seul médaillé olympique à présider une telle institution !
M. Max Brisson. - Très bien !
M. Michel Savin. - Il était logique de signifier symboliquement la place du sport en modifiant l'intitulé de notre commission. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains)
Mme Laure Darcos . - Chaque année, le sport a été au coeur des réflexions de la commission de la culture. Le contexte est particulièrement favorable, avec la Coupe du monde de rugby et les JOP. La France pourrait en outre organiser les JOP d'hiver de 2030. Ces événements d'envergure mondiale nous invitent à nous projeter dans l'avenir, pour faire de la France une grande nation sportive.
Je souhaite rendre hommage à toutes les collectivités, aux élus locaux, aux bénévoles et à tous les acteurs du sport.
Nous devons maintenant généraliser la pratique du sport dans les territoires : c'est un enjeu de cohésion comme de santé publique. Je salue le renouvellement du plan « 5 000 terrains de sport » en 2024.
Le lien entre sport et éducation et entre sport et santé est indéniable. La commission se mobilise pour la prise en compte du sport à tous les âges de la vie. Sa constance n'a jamais été prise en défaut : l'enjeu est inhérent à notre travail, ce que le nom de la commission doit refléter. C'est pourquoi le groupe Les Indépendants votera cette proposition de résolution. (Applaudissements)
M. Claude Kern . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Cette proposition de résolution modifie l'article 7 de notre Règlement. Elle reflète l'évolution de l'environnement dans lequel évoluent les commissions. Certains diront que tout est dans tout, et réciproquement ; d'autres dénonceront la vacuité de la démarche, en comparaison avec la substance de nos travaux. Toutefois, le poids des mots vaut mieux qu'une interprétation. Nous entérinons une compétence traditionnelle de la commission.
À huit mois des JOP, cette modification non seulement revêt une dimension symbolique, mais traduit aussi l'importance du sujet pour les acteurs du monde sportif, pour nos territoires et notre société. Ne pas le faire eût été problématique, alors que le Président de la République a fait du sport une grande cause nationale pour 2024.
Je m'inscris dans cette démarche et invite mes collègues à faire de même. Le groupe UC votera cette proposition de résolution. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains ; M. Jean-Jacques Lozach applaudit également.)
Mme Mathilde Ollivier . - (Applaudissements sur les travées du GEST et sur quelques travées du groupe SER) Le sport, ciment de notre société, occupe une place centrale dans le coeur des Françaises et des Français. Depuis 2000, le Sénat a examiné 24 textes, publié dix rapports d'information sur le sujet. Profitons de cette année qui voit le sport érigé en grande cause nationale ! Un tel ajout serait un symbole fort pour nos collectivités, qui accompagnent le monde sportif. Ce serait rendre hommage aux élus qui agissent sur le terrain.
Le sport n'est pas un sujet de niche, limité aux grands événements ; c'est un enjeu de santé publique, profondément politique. Le sport est un sujet global, une lutte de chaque instant, en phase avec les attentes de notre société : lutte contre la sédentarité, pour plus de tolérance, pour l'éducation populaire, contre les violences sexistes et sexuelles.
Quelle place pour le sport avec un réchauffement de 2,5°C d'ici à la fin du siècle ? À nous d'encourager une pratique du sport durable, et de soutenir les collectivités dans cette transition.
Le groupe écologiste votera cette proposition de résolution. (Applaudissements)
M. Jérémy Bacchi . - Alors que Paris s'apprête à devenir la capitale de tous les athlètes, il eût été paradoxal que notre commission ignore le sport dans son intitulé.
Le sport irrigue tous nos territoires, tous les milieux. Il participe au bon fonctionnement de la société. Respect des partenaires et des adversaires, mixité sociale et culturelle, le sport s'oppose au repli sur soi. Sous un même maillot, chacun peut s'épanouir. Cet espoir est porté par des centaines de milliers de bénévoles et des milliers de clubs.
J'ai aussi une pensée pour les professeurs d'EPS, qui ont une place particulière pour la diffusion de ces pratiques et de ces valeurs. Pour de nombreux élèves, le sport est un espace de confiance en soi, où déterminismes sociaux et familiaux s'effacent.
Par cet ajout, nous reconnaissons la place du sport dans notre société et le soutien que nous apportons à tous les acteurs du sport. Nous voterons cette proposition de résolution. (Applaudissements)
M. Bernard Fialaire . - Ce qui se conçoit bien s'énonce clairement. (M. François-Noël Buffet acquiesce.) Le sport n'est pas un mot honteux. C'est une partie de l'activité humaine, depuis que nos ancêtres préhistoriques se sont entraînés pour être plus performants à la chasse ; puis ils l'ont fait pour le plaisir, pour le jeu, en se dotant de règles. Après l'exhibition des vertus de la noblesse, c'est l'époque victorienne qui a codifié le sport, pour sélectionner les futures élites, au-delà des élites universitaires.
Depuis, le sport a été rattrapé par la marchandisation. Il ne peut plus être laissé à la sphère privée. La sphère publique doit en réguler les excès. Ce pan de notre activité sociale et économique doit être reconnu.
Ainsi, le Sénat s'honore d'ajouter ce noble mot à l'intitulé de la commission. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)
M. Didier Rambaud . - Je ne suis pas le seul à m'étonner que le sport soit encore exclu de l'intitulé de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, alors qu'une bonne partie de son travail concerne le sport : quinze textes examinés ces dix dernières années, dont trois sur les JOP. Pourquoi ne pas modifier le Règlement, alors que la commission a lancé cinq missions de contrôle ?
Cette exclusion a d'autant moins de sens qu'elle est contraire à ce qui caractérise le sport, l'inclusion. Les maires de Saint-Denis et de Reims le disaient au Monde hier : le sport est « un catalyseur de cohésion sociale ».
Le sport sera grande cause nationale de l'année 2024. Ainsi, 227 jours avant les JOP, prenons notre élan pour reconnaître le sport à sa juste valeur, et modifions le Règlement du Sénat. Le RDPI votera pour la proposition de résolution. (Applaudissements sur les travées du RDPI, du RDSE, du GEST et du groupe UC)
M. Jean-Jacques Lozach . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) « Mal nommer un objet c'est ajouter au malheur du monde », disait Albert Camus. Les parlementaires que nous sommes sont satisfaits de cette modification de l'intitulé. Je salue la détermination du président de la commission, accompagné par les présidents du Sénat et de la commission des lois.
Le sport, c'est 15,6 millions de licenciés, 360 000 clubs associatifs, 119 fédérations agréées, 71 milliards d'euros, 2,6 % du PIB - autant que l'hôtellerie-restauration. Il a toute sa place dans l'intitulé de notre commission.
Pourtant, sa place dans le débat public est insuffisante. Les liens entre sport et argent doivent être redéfinis. Le soft power développé par le Qatar, les Émirats arabes unis ou l'Arabie saoudite prend le relais de la Russie et de la Chine. La France, qui a inventé les JOP, la Coupe du monde de football et le Tour de France, trois des plus gros événements sportifs mondiaux, doit tenir son rang d'excellence.
Le sport est un fait social majeur, que le Parlement ne peut ignorer. Il est révélateur des bouleversements de notre société : mondialisation, violence, individualisme... Dans un tel maelström, nous devons être vigilants, et promouvoir des valeurs éthiques exigeantes.
Se joue la vision de la place du corps dans notre nation. Le sport-santé - physique, mentale et sociale - concourt à une vision unitaire de l'homme, loin du dualisme de Descartes, séparant l'âme et le corps.
Dans l'immédiat, l'avenir du sport français dépendra du succès des JOP et des 170 mesures identifiées pour que leur héritage soit pérenne. Que l'ajout de ce mot à l'intitulé de notre commission incarne la 171e résolution ! (Applaudissements)
Discussion de l'article unique
M. le président. - Amendement n°1, présenté par Mme Brossel et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Avant les mots :
et du sport
insérer les mots :
, de la vie associative
M. Yan Chantrel. - Nous sommes très satisfaits de cette proposition de résolution, qui permet de couvrir l'essentiel des champs d'activité de la commission - sauf un ! En tant que rapporteur pour avis du programme 163 « Jeunesse et vie associative », je regrette que la vie associative y échappe. Elle occupe 13 millions de bénévoles, et 1,8 million de salariés.
L'activité associative est souvent le fondement de la vie sociale locale, rassemblant des personnes isolées autour d'objectifs partagés. Elle sert le bien commun et participe au développement d'une société plus fraternelle. Le Sénat s'honorerait à l'inclure dans l'intitulé de la commission de la culture.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Avis défavorable. Le monde associatif relève de plusieurs autres commissions : commission des lois, des affaires sociales, des finances. De plus, l'exposé des motifs de M. Lafon vise déjà 360 000 associations sportives. Enfin, l'auteur de la proposition ne semble pas favorable à cet amendement.
Mme Laure Darcos. - Pourquoi ne pas citer aussi la recherche ? (M. Adel Ziane renchérit.) Notre commission aborde des sujets très variés : comment tous les citer ? Nous ne voterons pas cet amendement.
M. Laurent Lafon. - Merci, monsieur Chantrel, pour votre amendement, qui rappelle l'importance du tissu associatif.
Nous en traitons lors de l'examen du PLF. Notre commission a un champ d'étude très large, que notre intitulé ne résume pas : je pense à l'enseignement supérieur et à la recherche, ou à la jeunesse.
Le souci de lisibilité exige de réduire l'intitulé, même s'il nous semblait essentiel de mentionner le sport. Aller au-delà nuirait à la compréhension.
L'amendement n°1 est retiré.
L'article unique constituant la proposition de résolution est adopté.
M. le président. - En application de l'article 61 de la Constitution, la résolution sera soumise au Conseil constitutionnel.