SÉANCE

du vendredi 1er décembre 2023

37e séance de la session ordinaire 2023-2024

Présidence de Mme Sophie Primas, vice-présidente

Secrétaires : M. Jean-Michel Arnaud, Mme Catherine Conconne.

La séance est ouverte à 9 heures.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Financement de la sécurité sociale pour 2024 (Nouvelle lecture)

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle la nouvelle lecture du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), considéré comme adopté par l'Assemblée nationale en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, pour 2024.

Discussion générale

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé .  - Le budget de la sécurité sociale, supérieur à celui de l'État, permet de financer chaque jour le fonctionnement de nos hôpitaux, les remboursements de soins, les prestations sociales et les retraites.

Comme chaque année, son examen consiste en la recherche d'un équilibre dont l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam) est l'expression. Je suis consciente des réserves du Sénat sur l'Ondam rectifié 2023. Le contexte est marqué par la dégradation des comptes de la sécurité sociale, la hausse de dépenses de santé et l'inflation. Cette rectification de 2,8 milliards d'euros intègre le dynamisme des soins de ville et la revalorisation salariale des soignants.

L'inflation touche les établissements de santé. Plusieurs d'entre vous se sont inquiétés pour les hôpitaux. Le Gouvernement sera au rendez-vous pour qu'ils puissent supporter l'augmentation de leurs coûts de fonctionnement. Avec Aurélien Rousseau, nous nous y sommes engagés devant l'ensemble des fédérations hospitalières et les parlementaires.

Je sais aussi notre désaccord sur l'Ondam 2024, en hausse de 3,2 % hors dépenses de crise, soit une augmentation de 8 milliards d'euros, qui doit être gagée par une meilleure maîtrise des dépenses de santé. Si le déficit de la branche maladie, à 8 milliards d'euros, est moindre qu'en 2022, où il était de 21 milliards, il reste important.

L'objectif est de 3,5 milliards d'euros de réduction des dépenses, grâce aux efforts de tous et sans pénaliser personne, avec ces maîtres-mots : efficience, pertinence et responsabilisation de chacun.

Nous devons refaire de l'Ondam un outil de pilotage plutôt que de validation. Nous partageons cet objectif avec les sénateurs. Nous nous appuierons sur le dialogue exigeant et responsable avec le Sénat.

Malgré nos points de désaccord, nous nous rejoignons dans le soutien au système de santé et la protection de nos concitoyens. Il n'est pas nécessaire d'être d'accord sur tout pour débattre et avancer, mais il faut de la confiance, permise par la transparence. Le Gouvernement s'est toujours ouvert aux parlementaires sur les mesures envisagées, comme le travail sur la participation forfaitaire et les franchises. Le Parlement sera informé ; Aurélien Rousseau s'y est engagé.

Le Gouvernement a maintenu l'amendement de Corinne Imbert prévoyant que les projets de décret sur la participation forfaitaire ou la franchise annuelle soient présentés aux commissions des affaires sociales des deux assemblées. Nous voulons un débat démocratique institutionnalisé, essentiel pour les parlementaires et pour les assurés.

La soutenabilité se construit tout au long de l'année et des travaux doivent être engagés dès maintenant, comme sur les soins de ville et la lutte contre la fraude. Je sais que vous y êtes attachés.

Nous avons débattu des rendez-vous non honorés. Si le PLFSS n'est pas le meilleur vecteur, je m'engage à y travailler en lien avec la négociation conventionnelle.

Le PLFSS a cranté de nombreuses avancées concrètes, comme la généralisation des rendez-vous de prévention, la réforme de la tarification à l'activité (T2A), l'activité physique adaptée introduite par amendement au Sénat.

La CMP sur la proposition de loi Valletoux se tiendra prochainement. Un accord est possible et souhaitable.

Je me réjouis de la reprise des négociations conventionnelles avec les médecins libéraux, et bientôt les pharmaciens.

Le plan de l'accès aux soins se met en oeuvre, avec notamment une couverture totale de la population par des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS). Deux millions de patients supplémentaires auront accès à un médecin.

Sous l'impulsion d'Aurélien Rousseau, une charte de bonnes pratiques vient d'être signée par l'ensemble des acteurs de la chaîne du médicament, pour que les Français ne soient pas la variable d'ajustement d'un système qui s'est dérégulé. Nous continuons à investir dans notre souveraineté industrielle.

Ce PLFSS répond à l'aspiration des Français pour un système de protection sociale équitable, ambitieux et pérenne.

Le débat budgétaire n'est pas une fin en soi, mais un préalable. Il y a d'autres sujets comme la lutte contre la financiarisation du système de santé, la santé mentale ou la santé des femmes.

Ce PLFSS est un socle sur lequel nous continuerons de construire avec réalisme et détermination. (Mme Véronique Guillotin applaudit.)

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales .  - (M. Olivier Henno et Mme Pascale Gruny applaudissent.) Après l'échec de la CMP, l'Assemblée nationale a examiné ce texte en nouvelle lecture, selon des modalités proches de celles de l'année dernière : en raison du 49.3, seuls l'article liminaire et la première partie ont été débattus en séance. Bis repetita...

Les apports du Sénat retenus, bien qu'insuffisants, ne sont pas négligeables : sur 300 amendements du Sénat, la moitié a survécu - contre un tiers pour le PLFSS 2022. Le Sénat a été le lieu du débat parlementaire, mais aussi de l'élaboration parlementaire de la loi.

Le Gouvernement a ainsi accepté trois apports politiques du Sénat : la suppression de la contribution des régimes complémentaires au régime de base ; le maintien de la consultation des deux commissions des affaires sociales sur toute modification des montants de la participation forfaitaire ou de la franchise annuelle ; la transformation en expérimentation de la fusion des sections soin et dépendance des Ehpad et des unités de soins de longue durée (USLD).

Je pense aussi à deux mesures techniques : l'amendement de Frédérique Puissat accordant un droit d'option aux branches professionnelles pour le recouvrement par les Urssaf de leurs contributions conventionnelles de formation professionnelle et de dialogue social ; l'inscription dans la loi d'un plancher de deux Smic de l'année en cours et non plus de 2023.

Certains apports du Sénat n'ont été conservés que partiellement : le soutien de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) aux départements pour le financement de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) ne sera que de 150 millions d'euros -  100 millions de moins que ce que proposait le Sénat.

Les auteurs d'amendements retrouveront dans mon rapport le sort de chacun d'eux.

Nous pouvons nous réjouir que le Gouvernement ait joué le jeu du débat au Sénat. Mais des points essentiels de désaccord subsistent - les mêmes que l'année dernière : le caractère peu réaliste et optimiste de la trajectoire financière quadriennale ; le montant des Ondam 2023 et 2024 ; le refus des mesures de régulation ou de renforcement du contrôle du Parlement, le refus que le Parlement se prononce sur les dotations des régimes obligatoires de base de sécurité sociale (Robss) versées aux fonds et organismes qu'il subventionne ; le refus du transfert de 2 milliards d'euros de la branche maladie vers la branche famille.

Enfin, le texte restreint la possibilité pour le Gouvernement de réduire par arrêté dès 2023 et sans plafonnement la compensation à l'Unédic du dispositif de réduction dégressive des contributions patronales d'assurance chômage. La demande du Sénat d'expérimenter la réforme du financement de l'activité de médecine-chirurgie-obstétrique (MCO) n'a pas été retenue.

Dès lors, poursuivre la navette serait inutile, d'où la motion opposant la question préalable proposée par la commission des affaires sociales. (Mme Pascale Gruny et M. Vincent Louault applaudissent.)

M. Bernard Jomier .  - Nous avons passé une semaine complète de débats sur ce texte. Je salue la qualité du dialogue avec la ministre et ses collègues. Il n'est pas scandaleux qu'à la fin d'un tel examen, les vues de la majorité l'emportent. Mais l'usage du 49.3 pour la deuxième année consécutive confirme qu'un examen en nouvelle lecture n'apporterait rien. Respecter le débat parlementaire, ce n'est pas faire semblant de le mener. Sans surprise, le groupe SER votera la question préalable.

On ne peut continuer ainsi. J'ai constaté un consensus : ce PLFSS ne pose pas les bases d'un nouveau mode de délibération. C'est une faiblesse congénitale. Ce budget trace le sillon dans lequel il est inscrit, dans son mode d'examen et ses tendances structurelles, qui nous font plonger dans le déficit.

Les indicateurs de résultat du système de santé se dégradent, et les acteurs vivent des situations très difficiles : les usagers n'arrivent plus à accéder à un ensemble de soins et l'hôpital est en grande difficulté, comme la médecine de ville.

On ne peut allouer 255 milliards d'euros sans reprendre le processus de construction de cette allocation.

Dans les départements, quels qu'ils soient, les acteurs comprennent qu'il faille s'organiser face aux pénuries, mais ils veulent comprendre comment cela se passe. Sans concertation, ils se révoltent contre la désorganisation de l'offre de soin et un pilotage ultra-centralisé. Il est vrai que le dialogue a été réel avec le Sénat, qui se fait l'écho des territoires. Mais il faudrait décentraliser davantage, sous peine de ne rencontrer que l'incompréhension et le rejet.

Le 49.3 à répétition fragilise notre démocratie. Nous n'avons jamais été autant sollicités pour déposer des amendements, car les différents acteurs savent qu'ils ne trouveront aucun écho à l'Assemblée nationale. Nous n'avons aucune fierté à tirer de ce déséquilibre, qui explique pourquoi notre assemblée a de plus en plus de mal à tenir les délais d'examen des textes.

Nous ne pouvons nous satisfaire de ce mode d'examen du PLFSS. Il faut renoncer au 49.3 et peut-être redonner la parole au peuple. Nous voterons la motion.

Mme Pascale Gruny .  - Les PLFSS se suivent et se ressemblent : une fois de plus, seules les dispositions retenues par le Gouvernement sont examinées.

Certains apports du Sénat sont conservés : la suppression de la contribution de l'Agirc-Arrco, la consultation des commissions des affaires sociales de l'Assemblée nationale et du Sénat sur toute modification de la participation forfaitaire ou des franchises annuelles, l'expérimentation des fusions des sections soins et dépendance des Ehpad et des USLD, l'extension de la pension d'orphelin.

Mais plusieurs de nos amendements adoptés n'ont pas été retenus : clause de retour devant le Parlement en cas de dépassement de l'Ondam, qui aurait permis au Parlement d'exercer son rôle de contrôle ; suppression de l'article 43 - rétabli à l'identique sans prise en compte de l'inflation ni de la probable augmentation des dépenses, ce qui est insincère ; transfert de 2 milliards d'euros de la branche maladie à la branche famille, à laquelle le Gouvernement porte un nouveau coup, alors qu'il faut relancer la politique familiale.

La prise en compte des horaires atypiques de garde n'a pas été retenue, pas plus que la taxe lapin, la transformation en expérimentation de la réforme du financement de la MCO ou la substitution complète des médicaments biosimilaires, alors que cela aurait représenté une source d'économie.

Je vous cite : « La dispensation à l'unité est très complexe pour les officines, et surtout elle paraît inefficace. » Dès lors, pourquoi l'avoir rétablie ?

Nous regrettons que le Gouvernement veuille affecter une partie des ressources de l'Unédic vers l'apprentissage et Pôle emploi, ce qui freinera son désendettement.

Nous ne comprenons pas votre refus d'expérimenter un dispositif de transition pour les jeunes adultes, afin de les sortir des établissements pour enfants et de mieux les accompagner.

En matière de lutte contre la fraude, les mesures sont bien timides et moins ambitieuses que celles du Sénat.

Nous sommes très préoccupés par ce PLFSS qui abandonne tout objectif de retour à l'équilibre. Dans un contexte de vieillissement de la population, la branche autonomie va aggraver son déficit. Une remise à plat du financement de la branche maladie est nécessaire.

Le groupe Les Républicains votera donc pour la question préalable. (Mme Élisabeth Doineau applaudit.)

M. Pierre Jean Rochette .  - (M. Vincent Louault applaudit.) Nous sommes peu nombreux, après la première lecture le 17 novembre, à vouloir débattre de nouveau du PLFSS. Le groupe Les Indépendants ne votera toutefois pas la question préalable, car nous sommes attachés au débat.

Ce PLFSS contient des avancées concrètes : vaccination contre le papillomavirus, prise en charge des préservatifs pour les jeunes, rendez-vous de prévention aux âges clefs de la vie, délivrance sans ordonnance de certains médicaments par les pharmaciens, renforcement du contrôle des arrêts de travail - tout abus doit être sanctionné, ils sont un frein pour notre économie et décrédibilisent les arrêts justifiés.

Nous saluons les outils de lutte contre la fraude aux cotisations sociales. Nous devons mobiliser tous les leviers pour assurer la pérennité de la sécurité sociale, pilier de notre République.

Face aux déficits - 8,8 milliards d'euros en 2023, 11,2 en 2024, 17,5 en 2027 -, la tâche est loin d'être aisée. Ce déficit, c'est autant de dettes pour les générations futures qui pourraient avoir des difficultés à se soigner ou toucher une retraite. Il est urgent de revenir à des dépenses maîtrisées, tout en investissant, notamment en matière de prévention : le remboursement de l'activité physique adaptée pour les patients atteints d'un cancer est une bonne chose.

Contrairement à une majorité de l'hémicycle, notre groupe était favorable à une plus grande contribution de l'Unédic à l'apprentissage.

En revanche, ce texte ne va pas assez loin en faveur de l'autonomie des personnes âgées : nous partageons les objectifs, mais pas le calendrier qui ne va pas assez vite. Nous en reparlerons lors de l'examen de la proposition de loi « Bien vieillir ». (M. Vincent Louault applaudit.)

M. Olivier Henno .  - (Applaudissements sur le banc des commissions ; M. Laurent Somon applaudit également.) Je renouvelle mes remerciements à notre rapporteure générale, tout comme aux ministres pour la vérité de nos échanges.

Je note les apports du Sénat, notamment en faveur de la défense du paritarisme, à l'instar de la conservation du droit d'option ou les mesures sur les franchises. Le groupe UC est très attaché au dialogue social : nous avons respecté nos fondamentaux.

Mais nous voterons la question préalable. Sur la forme, les 49.3 à répétition posent la question du débat parlementaire. Cela rend notre débat stérile, et nous le regrettons. Sur le fond, nous sommes inquiets de l'évolution de la branche famille et de l'absence de politique familiale alors que les naissances ont chuté de 850 000 à 700 000 en moins de dix ans : le transfert de 2 milliards d'euros ne fait que masquer une sous-consommation des crédits.

Vous ne prévoyez presque rien contre la fraude, ou bien peu, contre les actes redondants notamment.

Que de confusion sur l'Unédic et l'apprentissage ! Enfin, l'ampleur du déficit est inquiétante, même à 100 millions d'euros de moins que prévu, surtout si l'on considère la trajectoire budgétaire. Le Gouvernement attend avec angoisse les notes des agences de notation. Il faudrait aborder la question avec plus de vigueur, sans quoi les jeunes générations nous le reprocheront. La trajectoire du PLFSS est encore pire que celle du PLF ! Nous débattons d'une manière désenchantée... Le PLFSS ne doit pourtant pas devenir un marronnier... Ce n'est pas parce que c'est un texte financier qu'on ne pourrait pas y aborder la question du pilotage.

Médecine de ville, suradministration des hôpitaux, management, couple direction-médecin, grand âge, psychiatrie, innovations en matière de santé, autant de sujets dont nous devrions débattre en profondeur pour mieux les financer. Sinon, nous risquons une forme de déclassement. Ne plus garantir l'accès des plus modestes aux innovations serait dramatique, l'universalité étant un pilier de notre système. Le ministre avait cité Ambroise Croizat... Il faut être à la hauteur de ces pionniers.

Une loi de programmation est nécessaire. (Applaudissements sur les travées des groupeUC et Les Républicains)

Mme Anne Souyris .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) Sans surprise, le PLFSS n'a pas fait l'objet d'un vote à l'Assemblée nationale et le Gouvernement n'a pas retenu les apports du Sénat. Pendant une semaine, nous avons débattu et amendé, mais le Gouvernement nie notre travail. Quelle approche antidémocratique !

Les désaccords, dans cette assemblée, sont certains, et un débat respectueux permet de trouver des consensus qui améliorent la vie de nos concitoyens. Mais le Gouvernement balaie tout !

Le GEST a déposé 109 amendements : pour une santé écologique, une protection sociale renforcée, la lutte contre les addictions, les droits des Français de l'étranger, les départements. Grâce à des débats éclairés et apaisés, nous avons fait avancer la sécurité sociale - un peu.

Onze amendements de mon groupe, sur l'initiative de Raymonde Poncet Monge, ont été adoptés : sur les pensions de retraite, les industries gazières, un nouveau financement des Ehpad, les arrêts de travail, la continuité de prise en charge des Français qui se réinstallent en France, une meilleure contribution à la CNSA, les publicités de jeux d'agent et de hasard... Autant d'avancées.

Des amendements de nos collègues Mélanie Vogel, Grégory Blanc et Thomas Dossus ont aussi amélioré le texte.

Je comprends que proposer la suppression de l'Ondam ait déplu au Gouvernement, mais quid des autres amendements ? Le texte qui nous est soumis aujourd'hui étant peu ou prou le même qu'en première lecture, notre avis sera aussi le même. Notre modèle de sécurité sociale ne sera pas préservé, au contraire, il est fragilisé. Enfin, la méthode n'est pas digne d'une démocratie moderne. Nous voterons la question préalable. (Applaudissements sur les travées du GEST)

Mme Cathy Apourceau-Poly .  - Cet exercice est si frustrant ! Quelle est l'utilité du Parlement, après quatre 49.3 ? Le mépris du Parlement sur un budget si important est inacceptable. Le PLFSS n'est pas un gadget financier réservé aux technocrates de Bercy et de Bruxelles !

Ce devrait être un débat sur les stratégies d'amélioration de la société à travers les prestations sociales financées par le salaire socialisé. Au lieu de cela, les Gouvernements successifs ne font qu'imposer l'austérité et réduire la part du financement des entreprises à la sécurité sociale : en 2024, les exonérations de cotisations patronales représentent 87,9 milliards d'euros compensés par la TVA, la CSG et d'autres impôts. Notre système bascule ! À rebours de ce que lui demandent associations, fédérations, syndicats, experts, le Gouvernement refuse d'augmenter les recettes, et préfère piquer dans les poches de l'Unédic, des patients et des contribuables.

En refusant d'entendre que la hausse des dépenses de santé est insuffisante, vous pratiquez la stratégie de l'autruche : votre budget est en quasi-stagnation.

La majorité sénatoriale déplore le manque de crédits, mais prône l'austérité budgétaire. Pour prendre conscience de ce grand écart, lisez l'interview du président Retailleau dans L'Opinion le 23 novembre : le déficit de la sécurité sociale ne serait pas le résultat du marchandage entre la droite et le Gouvernement sur les mesures de compensation de la réforme des retraites, mais dû au mythe de la gratuité qui a plombé notre système social ; il faudrait « donner toute sa place au privé dans le secteur de la santé et supprimer le statut dans la fonction publique ». On retrouve le programme de François Fillon de 2017 ! (Mme Pascale Gruny et M. Xavier Iacovelli ironisent.) Un libéralisme exacerbé illustrant la proximité idéologique entre le Gouvernement et la droite sénatoriale.

Nous préférons défendre l'émancipation de tous par un haut niveau de protection sociale : il faut augmenter les recettes, supprimer les exonérations de cotisation, taxer les revenus financiers et les établissements lucratifs qui s'enrichissent sur le dos de nos anciens. Ainsi, nous pourrons lutter contre les pénuries de médecins, en abondant les budgets des universités et en développement les centres de santé. Voilà qui serait digne des Jours heureux !

Nous en sommes loin : nous voterons la question préalable. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K)

Mme Véronique Guillotin .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Nous ne pouvons nous satisfaire de ce mode d'examen du texte. Après le 49.3, le travail de compromis n'ira pas à son terme. Pourtant, notre groupe préfère toujours le débat et le consensus, aussi minimes soient-ils. Aussi nous ne voterons pas la question préalable.

Comme nos collègues, nous réclamons une loi de programmation. Les acteurs veulent de la visibilité. Des désaccords persistent, sur la trajectoire de l'Ondam et sur l'insuffisance du budget de 2023 pour les hôpitaux. Mais des avancées sont à saluer, comme la limitation du transfert des surplus de l'Agirc-Arrco vers les seuls régimes spéciaux en extinction, l'expérimentation sur quatre ans de la fusion des sections soins et dépendance dans les Ehpad et les USLD, ou comme la transparence des modifications réglementaires, avec la consultation du Parlement.

Nous regrettons l'abandon des nouvelles taxes comportementales, qui ont fait preuve de leur efficacité. La hausse du prix fait partie du plan tabac du Gouvernement ; il faudrait adopter la même approche avec l'alcool, deuxième cause de mortalité évitable.

L'activité physique adaptée pour les patients atteints de cancer sera enfin financée, je m'en réjouis.

Parmi les bonnes nouvelles, je relève la sortie dès 2024 de la T2A pour la MCO, la limitation des arrêts de travail prescrits en téléconsultation ou la délivrance à l'unité de médicaments en cas de pénurie.

D'autres mesures sont importantes, comme la vaccination contre le papillomavirus, sur laquelle je regrette les réticences de certains parents et établissements privés. Sur les rendez-vous non honorés, des solutions rapides doivent être trouvées, tout comme sur les fraudes, la suradministration ou la financiarisation du système de santé.

Une plus grande décentralisation, voilà qui serait une source de souplesse et d'économie... (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe INDEP ; Mmes Élisabeth Doineau et Pascale Gruny applaudissent également.)

M. Xavier Iacovelli .  - Le contexte est difficile, mais ce PLFSS est réaliste, ambitieux et soutenable.

Réaliste, car le Gouvernement a pointé du doigt l'ensemble des difficultés de notre système de santé.

Ambitieux, car le Gouvernement a été clair, notamment en freinant la hausse des coûts ou en préservant le pouvoir d'achat des soignants.

Soutenable, car ce texte renforce les mesures qui témoignent de notre engagement à garantir un accès équitable aux soins et à protéger la santé de tous en accentuant le volet de prévention.

L'Ondam augmente plus que l'inflation. L'opposition a critiqué un manque de sincérité, mais ce PLFSS prévoit 640 milliards d'euros, soit 30 milliards de plus que l'année dernière, consolidant notre modèle social.

La situation de crise demande une réponse forte et la mobilisation de tous. Pertinence et responsabilité doivent être les maîtres-mots. Ainsi, nous avançons vers la sortie de la T2A.

Nous entendons les désaccords. Cette nouvelle lecture permettrait d'en débattre. Mais la majorité sénatoriale ne le veut pas, alors que la moitié des amendements du Sénat ont été retenus. Le Gouvernement a montré sa volonté de travailler avec nous.

À titre personnel, j'ai un regret : que l'amendement sur le sucre et les taxes comportementales n'ait pas été repris. Quand on veut, on peut. (Mme Raymonde Poncet Monge renchérit.)

La majorité sénatoriale veut s'exonérer d'un nouveau débat, nous le regrettons. Vous persistez dans une posture, celle du refus de dialoguer. Les Français ne s'en satisferont pas.

Notre devoir, c'est de débattre et de faire vivre la démocratie...

Mme la présidente. - Après un 49.3... ?

M. Xavier Iacovelli.  - Oui, madame la présidente, après un 49.3 à l'Assemblée nationale, nous avions la possibilité au Sénat de poursuivre le débat. Vous alimentez la conviction de certains selon laquelle le Sénat n'aurait pas vraiment d'utilité  - à tort.

La sécurité sociale aurait dû nous rassembler. Nous ne voterons pas la question préalable.

Question préalable

M. le président.  - Motion n°1, présentée par Mme Doineau, au nom de la commission.

Considérant que si un accord est intervenu entre les deux assemblées sur certains articles du projet de loi de financement de la sécurité sociale, des points de désaccord subsistent sur des aspects essentiels ;

Considérant que la trajectoire financière quadriennale du texte considéré comme adopté en nouvelle lecture prévoit le passage du déficit des régimes obligatoires de base de sécurité sociale de 8,7 milliards d'euros en 2023 à 17,2 milliards d'euros en 2027 ;

Considérant que ce texte reprend les montants des Ondam pour 2023 et 2024 que le Sénat a respectivement modifié et rejeté en première lecture, en estimant qu'ils étaient sous-évalués ;

Considérant, de surcroît, qu'aucune des mesures de régulation ou de renforcement du contrôle du Parlement en cas de dépassement de l'Ondam n'a été intégrée dans ce texte ;

Considérant qu'il est indispensable que le Parlement se prononce sur le montant des dotations que les régimes obligatoires de base de sécurité sociale versent aux fonds, organismes et agences qu'ils subventionnent ;

Considérant que ce texte rétablit la possibilité, pour le Gouvernement, de réduire par arrêté, dès 2023 et sans plafonnement, la compensation à l'Unédic du dispositif de réduction dégressive des contributions patronales d'assurance chômage, ce qui est contraire au principe de gestion paritaire de l'Unédic et remet en cause son désendettement ;

Considérant que le texte ne retient pas la proposition du Sénat d'ajuster la réforme du financement de l'activité de médecine, chirurgie et obstétrique des établissements de santé à l'issue d'une expérimentation en 2025-2027 ;

Considérant que ce texte supprime le transfert, institué par le Sénat, de 2 milliards d'euros de recettes de la branche maladie vers la branche famille, l'article 20 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 ayant réalisé un transfert de charges de 2 milliards d'euros de la branche maladie vers la branche famille, correspondant à 60 % de la charge des indemnités journalières (IJ) pour congé de maternité et à l'intégralité des IJ relatives à l'adoption et à l'accueil de l'enfant, sans transférer les ressources correspondantes ;

Considérant enfin que l'emploi systématique par le Gouvernement de la procédure définie à l'article 49 alinéa 3 de la Constitution ne permettra pas l'intégration, en lecture définitive, de nouvelles propositions du Sénat ;

Le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024, considéré comme adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales .  - Le budget du PLFSS atteint 640 milliards d'euros ; nous dépasserons bientôt les 650 milliards. C'est une fois et demie les crédits du PLF.

Je me félicite du débat serein et respectueux que nous avons eu et je remercie l'ensemble des ministres qui se sont succédé au banc.

Nous ne sommes pas satisfaits de déposer une question préalable, mais nous sommes à la fin de l'entonnoir, il n'y a plus rien à débattre. La CMP a montré qu'il n'y avait pas de solution consensuelle possible.

Nous ne pouvons pas accepter la trajectoire qui nous est proposée. Les déficits vont continuer à se creuser chaque année, de plus en plus - surtout avec la remontée des taux d'intérêt. Pour les générations futures, nous ne pouvons accepter cette course à la dette infinie. Cela suffit à motiver le vote de cette motion. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP)

M. Bernard Fialaire.  - Par tradition, le RDSE s'oppose aux questions préalables, car nous croyons aux vertus du débat. Certes, nous ne sommes pas dupes. (M. Michel Savin s'exclame.) Le Gouvernement a besoin qu'on lui rappelle avec insistance certaines vérités. Les dépenses de santé continueront à augmenter en raison du vieillissement de la population, des maladies chroniques, mais aussi des progrès médicaux... Il faut regarder le problème en face et trouver d'autres sources de financement de la sécurité sociale.

Nous souhaitions poursuivre le débat, et voterons contre la motion.

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée.  - Avis défavorable. Je salue la qualité des travaux en commission et en séance publique. C'est un budget important, Mme Doineau l'a dit, sur lequel nous arrivons à avancer ensemble, puisque 50 % des amendements proposés par le Sénat ont été retenus dans le texte définitif. Nous aurions aimé poursuivre des débats constructifs avec le Sénat.

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Nous voterons la motion. Nous rejoignons la rapporteure générale sur l'Ondam. Le Gouvernement a rétabli la ponction sur l'Unédic, ce qui empêchera son désendettement et occasionnera des coûts financiers.

Certains amendements du Sénat ont été retenus, mais aucun de ceux de notre groupe : 100 % supprimés ! Comment croire à la vertu d'un débat avec un Gouvernement qui ne respecte pas le Parlement ?

Ainsi, vous écartez le report de trois mois des candidatures des départements pour la fusion des sections soins et dépendance, demandé par les départements eux-mêmes, et notamment la Métropole de Lyon. Quelle rigidité ! Ce délai ne coûtait rien.

On ne dialogue pas avec un Gouvernement aussi autoritaire, qui se sert du 49.3 pour choisir ses amendements. Ce n'est pas démocratique, et commence à poser un réel souci. (Applaudissements sur les travées du GEST)

La motion n°1 est mise aux voix par scrutin public de droit

Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°80 :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 324
Pour l'adoption 286
Contre   38

La motion n°1 est adoptée.

En conséquence, le PLFSS est considéré comme rejeté.