Questions d'actualité
M. le président. - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement. Notre séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet. Chacun sera attentif au respect des uns et des autres, ainsi que du temps de parole.
Otages du Hamas
M. Cédric Chevalier . - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Nous nous réjouissons profondément qu'Eitan, Erez et Sahar, jeunes Français otages du Hamas, aient retrouvé leur famille. Leur libération suscite un immense soulagement. Madame la ministre des affaires étrangères, quel est l'état de santé de ces enfants ?
Parmi les 1 200 civils tués lors des attaques du 7 octobre dernier, quarante possédaient la nationalité française. Nous ne devons pas oublier nos compatriotes assassinés.
Parmi les dizaines d'otages aux mains des terroristes, cinq Français : l'incertitude pour leurs familles est insoutenable. Je rends hommage à notre corps diplomatique, qui travaille d'arrache-pied à leur libération. Pouvez-vous nous donner de leurs nouvelles ?
La trêve entre Israël et le Hamas a été prolongée jusqu'à demain, 30 novembre, permettant d'espérer une désescalade, même si les négociations sont très difficiles. Quelles sont les perspectives à cet égard ? (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP ; M. Bernard Buis et Mme Véronique Guillotin applaudissent également.)
Mme Catherine Colonna, ministre de l'Europe et des affaires étrangères . - Eitan, Erez, Sahar : la libération de ces trois enfants français est un immense soulagement pour nous tous. La libération de tous nos compatriotes otages est la priorité absolue du Président de la République et de notre diplomatie. Je remercie tous ceux qui ont oeuvré à cette libération, en particulier le Qatar, l'Égypte et, bien sûr, Israël. Nous avons été actifs jour après jour pour obtenir ce résultat. Merci d'avoir salué notre personnel diplomatique.
Nous avons partagé l'inquiétude des familles ; nous partageons à présent leur joie. Mais notre joie est mêlée de douleur, en pensant à ce que ces enfants ont vécu, qui est proprement inhumain. Ne perdons pas de vue la vraie nature du Hamas : une organisation terroriste dénuée de tout scrupule.
Nous poursuivons nos efforts pour obtenir la libération de tous nos compatriotes otages. La France n'abandonne jamais les siens.
Nous le disons depuis plusieurs semaines : nous souhaitons que la trêve soit prolongée et conduise à la libération de tous les otages, puis à un cessez-le-feu. Il faudra bien qu'une solution politique soit trouvée, nous y travaillons avec nos partenaires. Il y a urgence. (Applaudissements sur les travées du RDPI et du groupe INDEP, ainsi que sur quelques travées du groupe UC)
Manifestations de l'ultra-droite
M. Ahmed Laouedj . - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Les membres du RDSE adressent leurs plus sincères condoléances à la famille et aux amis de Thomas, ainsi qu'à tous ceux qui l'ont aimé. Sa disparition est une tragédie.
Il est tentant, en pareil moment, de céder à la colère, de chercher des boucs émissaires, de stigmatiser. C'est ce que veulent ceux qui ont pour seul horizon la division.
Rapidement, l'extrême droite a instrumentalisé l'affaire de Crépol. L'ultra-droite décomplexée a pris le relais dans les rues de plusieurs villes. Avec 1 300 fichés S, ces groupuscules représentent la deuxième menace terroriste en France : mesurons bien ce danger.
Les dissolutions de milices ne suffiront pas à combattre la haine, car elles renaissent de leurs cendres. C'est sur le terrain des idées qu'il faut porter la bataille, pour éloigner notre pays du risque de bataille rangée. Aidons les jeunes de tous les territoires à se réapproprier les principes républicains. C'est l'esprit de la proposition de loi de notre groupe tendant à renforcer la culture citoyenne. Nous devons aussi avoir confiance dans la justice et sa capacité à maintenir la paix sociale.
Certains soufflent sur les braises de la violence. Le Gouvernement doit condamner sans équivoque les discours de haine et de division. Face à une société fragmentée, restons unis. Comment comptez-vous empêcher les prochaines expéditions envisagées par l'ultra-droite ? (Applaudissements sur les travées du RDSE et du RDPI, du groupe SER et du GEST, ainsi que sur des travées du groupe CRCE-K)
Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d'État chargée de la citoyenneté et de la ville . - Tout ce que nous pourrons dire à propos du jeune Thomas ne sera jamais à la hauteur de sa perte.
Je vous prie d'excuser l'absence du ministre de l'intérieur.
Oui, les mouvements d'ultra-droite ont mené ces derniers jours des actions coups de poing dans plusieurs villes. Ils menacent profondément notre vivre-ensemble.
Nous condamnons avec la plus grande fermeté les groupuscules d'extrême droite qui prétendent faire la justice eux-mêmes. Ces porteurs de haine ne cherchent qu'à nous diviser.
La réponse de l'État sera implacable. Nous n'hésiterons pas à procéder à de nouvelles dissolutions. La semaine prochaine, le ministre de l'intérieur proposera au conseil des ministres la dissolution de la division Martel.
Les forces de l'ordre sont pleinement mobilisées pour arrêter les fauteurs de troubles et les traduire devant la justice. À Romans-sur-Isère comme à Lyon, de nombreuses interpellations ont eu lieu. Depuis 2017, nos services de renseignement ont déjoué treize attentats d'ultra-droite.
L'État ne transigera pas, et toutes les forces républicaines doivent se mobiliser pour ce combat. Quant à ceux qui ont tenté une récupération politique, procédé infâme, j'ai honte pour eux. (Applaudissements sur quelques travées du RDPI)
Violences de l'ultra-droite
M. Sébastien Fagnen . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; Mme Cathy Apourceau-Poly applaudit également.) « Mort aux bougnoules » : ces trois mots ont été peints, ce week-end, sur le portail de la mosquée de Cherbourg. Trois mots abjects pour une menace intolérable.
L'émoi est grand dans notre ville, peu habituée aux expressions de haine. Comme le dit l'un des fidèles de la mosquée, les auteurs de ces mots cherchent à exclure ceux qu'ils menacent de la communauté nationale, car c'est bien notre communauté nationale dans son ensemble qui est meurtrie.
Hélas, cet acte n'est pas isolé. Au printemps dernier, notre collègue Jérôme Durain a déposé une proposition de résolution pour dénoncer les violences de l'ultra-droite, qui se multiplient depuis des mois. Après Saint-Brieuc, Saint-Brevin-les-Pins et bien d'autres communes, c'est Lunas, dans l'Hérault qui est touchée : des croix gammées ont été découvertes hier sur la mairie.
Depuis la mort tragique du jeune Thomas à Crépol, des individus peu scrupuleux utilisent ce drame, qui nous atteint toutes et tous, pour mettre à exécution la guerre civile et ethnique qui est leur obsession. Nous déplorons sincèrement que le chef d'un grand parti républicain se refuse à condamner l'expédition punitive menée à Romans-sur-Isère. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K, du GEST et du RDSE)
Quand la cohésion nationale se fissure et que la concorde républicaine est menacée par des groupuscules fascisants, aucun républicain ne doit manquer à l'appel. Face à la recrudescence des actes racistes, antisémites et antimusulmans, préservons la fraternité républicaine !
Comment comptez-vous faire front contre la haine et restaurer l'ordre républicain face à l'ultra-droite ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et du GEST, ainsi que sur plusieurs travées du RDSE ; M. Olivier Bitz applaudit également.)
Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d'État chargée de la citoyenneté et de la ville . - Le Gouvernement condamne fermement ces tags racistes. L'État est au côté de nos compatriotes de confession musulmane.
Ces croix celtiques sont emblématiques de l'ultra-droite. Face à ces milices, la République sera toujours intransigeante. Une enquête est en cours, et les forces de l'ordre sont mobilisées pour retrouver les auteurs de ces actes racistes.
L'article 1er de notre Constitution garantit le respect de toutes les croyances. Nous n'abandonnerons pas nos compatriotes de confession musulmane qui vivent leur foi dans le respect des valeurs de la République. Jamais nous ne laisserons l'ultra-droite piétiner la cohésion nationale !
Nous ne céderons jamais à ceux qui ont pour seul objectif le chaos par la guerre de tous contre tous. La République leur fera face partout. (Applaudissements sur quelques travées du RDPI)
Banalisation de l'expression raciste, antisémite et xénophobe
M. Ian Brossat . - Nous avons tous en tête l'effroyable assassinat de Thomas, qui a suscité dans le pays une émotion sincère et légitime.
Dans les minutes qui ont suivi, alors que le sang de Thomas était encore chaud (nombreuses marques de réprobation à droite), l'extrême droite s'est livrée à une ignoble tentative d'instrumentalisation et à un racolage électoral répugnant. Mme Maréchal-Le Pen a parlé d'une guerre ethnique, M. Zemmour d'une guerre de civilisation. Marine Le Pen a parlé des « petits blancs » contre les « personnes de couleur ».
Après les mots, les actes. Des individus cagoulés et armés de barres de fer sont descendus dans un quartier populaire de Romans-sur-Isère pour casser du noir et de l'arabe. Ce ne sont pas des zozos, mais des ennemis de la République, des néonazis ! Face à eux, la République doit se protéger pour protéger la concorde républicaine. (Applaudissements à gauche et sur des travées du RDSE et du RDPI)
Vous avez annoncé la dissolution d'un certain nombre de groupes d'extrême droite : nous nous en réjouissons. Reste que les donneurs d'ordres ont micro ouvert sur certaines chaînes de télévision pour répandre leur bile raciste. Quand le Gouvernement se saisira-t-il de la proposition de résolution des parlementaires communistes appelant à rendre inéligibles les auteurs de propos racistes et antisémites ? (Applaudissements sur les mêmes travées)
Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d'État chargée de la citoyenneté et de la ville . - Oui, l'ultra-droite est un danger pour la République et ses valeurs universelles.
Nous devons tous condamner avec la dernière fermeté ces groupuscules identitaires, qui ne cherchent que l'affrontement. Les Irlandais ont pu le constater ces derniers jours.
Nous n'avons pas attendu les événements récents pour prendre la menace au sérieux et agir avec la fermeté nécessaire. Je le redis, les forces de sécurité intérieure ont déjoué treize attentats d'ultra-droite depuis 2017. Près de 1 300 personnes sont fichées S. Au cours des récentes manifestations sauvages, des individus violents ont été interpellés. Nous avons dissous de multiples associations ou groupements de fait s'inscrivant dans cette mouvance. Gérald Darmanin a annoncé que trois autres groupuscules le seraient, dont la division Martel, au nom éloquent.
L'ultra-droite et l'ultra-gauche sont des poisons pour notre démocratie. Nous continuerons de les combattre avec fermeté.
Trafic de drogue
Mme Anne-Catherine Loisier . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Ce week-end, à Dijon, des tirs en rafale ont retenti dans le quartier Stalingrad. Ils visaient non pas à intimider, mais à tuer - vraisemblablement de jeunes dealers, notoirement installés dans l'entrée de l'immeuble.
Ces jeunes ont pris la fuite, mais un homme qui vivait au premier étage a été tué dans son sommeil. L'émotion est forte à Dijon, comme à Nîmes en août dernier et à Marseille en septembre. Comment peut-on être tué chez soi par une balle perdue ? Est-il possible qu'on ne soit plus en sécurité jusque chez soi ? L'incompréhension et la peur font place à la colère, car, semble-t-il, tout le monde connaissait ce point de deal et l'usage grandissant des armes dans le quartier.
Face à l'augmentation de 57 % des homicides et tentatives d'homicide en un an, face aux trafics qui gangrènent nos quartiers et nos campagnes, que comptez-vous faire ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)
Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d'État chargée de la citoyenneté et de la ville . - Un père de famille de 55 ans a été tué par balle dans son sommeil, victime collatérale d'un règlement de comptes sur fond de trafic de drogue : je pense à sa famille.
Lorsqu'un point de deal est particulièrement visé par les forces de l'ordre, ce qui était le cas, les batailles de territoires redoublent. L'État ne reculera pas dans la lutte contre le trafic de drogue. Gérald Darmanin a envoyé sur place la compagnie CRS 8 ; ces renforts resteront autant que nécessaire.
Les services de l'État sont fortement mobilisés dans l'agglomération de Dijon, autour du préfet, pour lutter pied à pied contre le trafic de stupéfiants. Des moyens très importants sont mis en oeuvre. Depuis le début de l'année, 1 252 opérations ont été menées en Côte-d'Or, conduisant à la saisie de 2,4 tonnes de stupéfiants. À l'échelle nationale, 14 410 démantèlements de point de deal ont été menés, en hausse de 30 % par rapport à l'an dernier.
Nous devons être intraitables aussi avec les consommateurs : sans consommateurs, il n'y a pas de dealers. Le Gouvernement met tout en oeuvre pour lutter contre la délinquance et le trafic de stupéfiants. (Applaudissements sur quelques travées du RDPI)
Mme Anne-Catherine Loisier. - Je salue l'action du préfet Franck Robine...
M. Jean-Baptiste Lemoyne. - Excellent préfet !
Mme Anne-Catherine Loisier. - ... et l'envoi de la CRS 8 pour faire place nette.
Mais, au-delà d'une opération coup de poing, la population a besoin d'une présence dans la durée. Les effectifs des brigades spécialisées doivent être accrus, les campagnes en direction des consommateurs relancées, les amendes forfaitaires rendues plus dissuasives et la réponse pénale doit être à la hauteur, pour ne pas décourager les forces de l'ordre et nourrir le sentiment d'impunité des délinquants. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)
COP28 et forages pétroliers en France
M. Yannick Jadot . - Avant de poser ma question, je rends hommage à une infatigable écologiste, députée européenne, Michèle Rivasi, disparue brutalement ce matin.
Demain s'ouvre la COP28 à Dubaï. C'est peu dire que les engagements des États sont insuffisants. Nous nous dirigeons vers une augmentation de 3 degrés, deux fois plus que les engagements de Paris. « L'humanité est en train de se suicider », selon les mots du secrétaire général des Nations unies.
Pour les scientifiques du Giec, une seule solution : sortir des énergies fossiles dès maintenant et stopper tous les projets dans ce domaine. Cela devrait être la seule boussole d'Emmanuel Macron à Dubaï et de la Première ministre ici.
Bloquerez-vous le projet d'extraction de gaz de houille en Moselle et les huit nouveaux forages prévus à La Teste-de-Buch en Gironde, à l'endroit même où 7 000 hectares de forêt sont partis en fumée l'an dernier ? (Applaudissements sur les travées du GEST)
M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires . - (« Ah ! » à droite) Je partage votre pensée pour Michèle Rivasi.
Le 30 décembre 2017, c'est sous cette majorité que la France a décidé d'interdire tout nouveau projet d'exploitation d'hydrocarbure sur son sol. (Protestations sur quelques travées du groupe SER) Cela n'avait pas été fait par les majorités de gauche comportant des écologistes. (Murmures à gauche)
M. Rachid Temal. - Et l'accord de Paris ?
M. Christophe Béchu, ministre. - Être sortis de toute exploitation d'hydrocarbure en 2040, voilà l'engagement. Vous évoquez La Teste-de-Buch : c'est un renouvellement de concession, qui a fait l'objet d'une enquête publique ; aucun riverain ne s'est plaint.
Dire qu'il faut sortir des énergies fossiles c'est bien, dire comment on le fait, c'est mieux. Deux piliers à cette politique : accélération des énergies renouvelables et relance de notre programme nucléaire.
Monsieur le sénateur, votre discours sur les énergies fossiles serait plus crédible si votre idéologie ne vous conduisait à rejeter en bloc le nucléaire - exactement comme l'Allemagne qui a dû, pour cela, rouvrir des mines de charbon ! (Applaudissements sur les travées du RDPI et du RDSE, ainsi que des groupes INDEP, UC et Les Républicains)
M. Yannick Jadot. - Donc pour sortir des énergies fossiles, on continue à forer ? (Protestations à droite ; Mme Antoinette Gühl applaudit.) L'État français n'est pas à la hauteur du défi climatique. (Protestations à droite) Il a été condamné deux fois pour inaction climatique - sans doute sera-t-il condamné une troisième fois.
TotalEnergies est au second rang des porteurs de projet sur les énergies fossiles. BNP Paribas et Crédit Agricole font partie du top 10, des plus gros investisseurs dans ce domaine. (Huées à droite)
Sanctionnez-les en taxant leurs superprofits et en supprimant toute aide publique. (Les huées redoublent à droite.)
On ne gagne pas la bataille du climat en signant des armistices avec ceux qui le détruisent ! (Applaudissements sur les travées du GEST et du groupe SER, ainsi que sur quelques travées du groupe CRCE-K ; huées sur les travées du groupe Les Républicains)
Mercosur
Mme Dominique Estrosi Sassone . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Nous n'avons jamais été aussi proches d'un accord avec le Mercosur : c'est ce qu'a déclaré la présidence espagnole du Conseil de l'Union européenne. De quoi faire bondir nos concitoyens, en particulier les agriculteurs, qui risquent une nouvelle fois d'être les dindons de la farce ! Pas moins de 100 000 tonnes de boeuf non européen introduiront une concurrence déloyale sur le marché.
Le Président de la République avait pourtant promis qu'il n'y aurait pas d'accord tant que nos concurrents ne respecteraient pas les mêmes normes environnementales et sanitaires. Le Brésil, c'est trois fois plus de pesticides par hectare qu'en France, et je ne parle pas des poulets aux médicaments.
J'en appelle à un minimum de cohérence, à la veille de la COP28. Où en sont les clauses miroirs et le contrôle de nos importations ? La France s'opposera-t-elle à cet accord ? Aurons-nous l'insigne honneur, en tant que parlementaires, de nous prononcer sur sa ratification ? (Vifs applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP, ainsi que sur quelques travées du GEST, des groupes SER et CRCE-K)
Mme Catherine Colonna, ministre de l'Europe et des affaires étrangères . - La France défend une politique commerciale équilibrée (marques d'ironie à gauche et à droite), donc au service de notre souveraineté économique, mais qui diversifie nos chaînes d'approvisionnement, tout en étant en ligne avec nos exigences en matière de développement durable.
Les exigences de la France sont claires, s'agissant de l'accord avec le Mercosur. Nous ne pouvons accepter l'accord tel qu'il a été négocié en 2019. Il doit être complété par des dispositions contraignantes et ambitieuses, en lien avec l'accord de Paris et la lutte contre la déforestation. Nous portons cette position auprès de la Commission européenne, qui travaille avec le Mercosur - assez désuni récemment - pour intégrer ces garanties indispensables.
Nous devons aussi veiller à la réciprocité, ce qui implique de compléter les dispositions européennes par des mesures miroirs. Les efforts consentis par nos agriculteurs européens ne doivent pas être remis en cause par des importations venues de pays aux normes moins exigeantes que les nôtres.
Je vous l'assure : sans le respect de ces exigences, pas d'accord ! (Applaudissements sur les travées du RDPI)
M. Jean-Baptiste Lemoyne. - C'est clair !
Mme Dominique Estrosi Sassone. - Votre réponse n'est pas, pour autant, très rassurante. L'Australie a refusé de conclure un accord avec l'Union européenne car elle considérait qu'elle ne pourrait pas le défendre devant ses éleveurs. (Mme Catherine Colonna proteste.)
Faites de même, et veillez à ce que la voix de la France compte autant que celle des autres pays !
Agissez et défendez les intérêts de la France, si vous ne voulez pas que le peuple se braque encore davantage contre l'Union européenne et le libre-échange. (Applaudissements et acclamations sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC ; Mmes Silvana Silvani et Cécile Cukierman applaudissent également.)
Bilan d'étape du Ciom
M. Frédéric Buval . - Quel est le bilan d'étape du Comité interministériel des outre-mer (Ciom) ? Il s'agit de la traduction opérationnelle du renouveau des outre-mer demandé par le Président de la République, avec 72 propositions concrètes pour lutter contre la vie chère et donner des perspectives aux outre-mer.
Le ministre chargé des outre-mer a fait un inventaire. En dépit de quelques malentendus regrettables de fond et de forme, nous saluons la volonté manifeste de coconstruction du Gouvernement. Sur la forme, il est impératif de rassurer les professionnels : ils seront consultés.
Sur le fond, l'octroi de mer et la commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF) devraient être abordés avec précautions. Si une réforme est nécessaire, il faut prendre le temps d'écouter les élus locaux pour prendre en compte les spécificités de chaque territoire et bâtir des mesures adaptées et différenciées.
Vous connaissez mon engagement pour la jeunesse et l'environnement - particulièrement contre les sargasses. En Martinique, ces algues sont une réalité quotidienne pour les élus, les professionnels et surtout les habitants, qui voient les rivages souillés, souffrent des émanations et perdent régulièrement leur petit électroménager.
Réfléchissons ensemble pour transformer les territoires d'outre-mer et leur permettre de se projeter dans l'avenir. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées du groupe Les Républicains ; M. Stéphane Demilly applaudit également.)
M. Olivier Véran, ministre délégué chargé du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement . - Je vous prie d'excuser le ministre chargé des outre-mer. Le Gouvernement agit en transparence et en concertation pour une coconstruction productive. Le ministre des outre-mer recevra tous les acteurs ce lundi 4 décembre pendant trois heures. Chacun pourra poser ses questions.
Sur l'octroi de mer, le but est de faire baisser les prix des produits de grande consommation et de protéger les ressources des collectivités et les productions locales. Aucune réforme n'a été pré-écrite : elle se fera en concertation avec les élus.
Les préfets constituent des groupes de travail pour recueillir les propositions. Un point de situation sera fait fin février, début mars 2024.
Sur la CDPENAF, les territoires d'outre-mer sont soumis à l'avis conforme. Nous allons réfléchir avec toutes les parties prenantes. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
M. Jean-François Husson. - On a tout compris...
Agression à Crépol
Mme Jacqueline Eustache-Brinio . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Hélas, après l'expédition punitive de Crépol, deux France s'opposent : une France hors tout, où l'ivresse de la barbarie résulte d'une éducation défaillante, souvent biberonnée à l'argent public, vivant parfois de trafics, minoritaire, certes, mais revendicative et omniprésente. Et une France civilisée, respectueuse des lois, de l'autorité, qui aime s'amuser, s'instruire et s'engager, tolérante, généreuse et ouverte d'esprit, qui subit quotidiennement la première. Face à ce constat désolant, nous méritons mieux que des leçons de morale ou des procès en récupération. Les Français n'acceptent plus ce déni. Vos litanies ne font qu'attiser les rancoeurs et l'inquiétante envie de se faire justice.
Une voix à gauche. - C'est donc normal ?
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. - Face à face, nous y sommes ! Quand le Gouvernement écoutera-t-il enfin les Français qui n'ont qu'un seul but : l'unité et la paix civile ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Daniel Chasseing applaudit également.)
M. Olivier Véran, ministre délégué chargé du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement . - Quand on prône l'unité de la France, on ne peut pas dire que deux France s'opposeraient l'une à l'autre. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER, du GEST et du RDPI ; protestations sur quelques travées du groupe Les Républicains)
Il n'y a qu'une seule France, celle des villes, des champs, des cités, des coeurs de ville. Dans cette France unie, il y a des délinquants, qui doivent être punis, et la population, qui doit être protégée.
À Crépol, ce sont des délinquants qui ont attaqué, tué le jeune Thomas et blessé ses camarades à l'occasion d'une fête. Je l'ai dit : ce n'était pas une rixe, mais une attaque, et il y a eu meurtre. Le motif de bande organisée a été retenu par le procureur. L'auteur risque la perpétuité.
L'État de droit est fort et ferme, il est le même pour tout le monde. Aucun facteur aggravant ne sera éludé ni caché. Je salue la police et la gendarmerie, qui ont permis, en moins de trois jours - c'est rarissime - d'arrêter neuf des auteurs, dont sept prévoyaient de fuir en Espagne.
Personne ne nie qu'une grande partie de nos compatriotes ont peur face à la violence. Mais ceux qui en souffrent le plus sont les habitants des mêmes quartiers dont sont issus les délinquants. C'est aussi pour eux qu'il faut rétablir la sécurité. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
M. Fabien Genet. - Vous le faites mal !
M. Olivier Véran, ministre délégué. - Ils font partie de cette France unie, indivisible, que nous protégeons et à laquelle nous tenons ! (Applaudissements sur les travées du RDPI)
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. - L'omerta engendre la colère. Nous n'avons pas la même notion de la lucidité. Les morts de Samuel Paty, Dominique Bernard ou Lola créent la colère dans une France qui aspire à l'autorité.
Diriger, c'est ne pas céder à la minorité, c'est enfin accepter d'écouter ceux qui se taisent. Essentialiser les citoyens de ce pays, comme l'a fait le garde des sceaux hier, est inacceptable. Réveillez-vous, tant qu'il est encore temps ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Infanticide d'Alfortville
Mme Laurence Rossignol . - Dimanche dernier, nous avons été bouleversés par un triple infanticide commis dans le Val-de-Marne ; un père a tué ses trois filles, âgées de 4 à 11 ans. Il avait été condamné pour violences sur conjoint et sur mineur à dix-huit mois de prison, dont douze avec sursis, avec une ordonnance de protection.
Sa femme avait déposé une plainte pour viol conjugal, classée sans suite - comme souvent. Les parents étaient en instance de divorce. La mère, qui n'était plus protégée depuis le printemps, a signalé deux fois au commissariat des problèmes lors de la remise des enfants.
Voilà... Quelles conclusions tirez-vous de ce drame pour notre politique de lutte contre les violences familiales, madame la Première ministre ? (Applaudissements)
Mme Aurore Bergé, ministre des solidarités et des familles . - Trois petites filles ont été assassinées : elles avaient 4, 10 et 11 ans. Je ne m'étendrai pas sur l'enquête en cours, dont j'espère qu'elle fera toute la clarté nécessaire.
La proposition de loi d'Isabelle Santiago, adoptée avec le soutien du Gouvernement à l'Assemblée nationale, pose des principes essentiels sur la possibilité de retrait de l'autorité parentale en cas de dépôt de plainte.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Ce n'est pas la question.
Mme Aurore Bergé, ministre. - Si : la garde des enfants peut être un levier de chantage entre les parents et un moyen d'exercer des pressions, notamment sur les mères.
Cette proposition de loi permet la suspension de l'autorité parentale en cas de plainte et va même jusqu'à son retrait en cas de condamnation. Elle reconnaît aussi que l'enfant est covictime des violences conjugales. Il reste des pas essentiels à franchir, mais il s'agit d'une étape importante dans la protection des enfants.
J'ai une pensée pour la mère des trois petites filles, qui va devoir survivre à ce drame absolu. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées du groupe INDEP et du RDSE ; M. Stéphane Demilly applaudit également.)
Mme Laurence Rossignol. - En 2020, 2021 et 2022, j'ai défendu des amendements pour allonger la durée de l'ordonnance de protection de six à douze mois, dissimuler l'adresse de la mère et des enfants pendant l'enquête et suspendre le droit de visite et d'hébergement. À chaque fois, ils ont été rejetés par la majorité sénatoriale et le Gouvernement. (Murmures désapprobateurs à droite)
Mme Marie-Claire Carrère-Gée. - Et vous, quand vous étiez ministre ?
Mme Laurence Rossignol. - Après le drame d'Arras, le ministre de l'intérieur a dit que ce meurtre n'aurait pas été commis si sa loi Immigration avait été votée. Permettez-moi de penser la même chose pour le drame de ce week-end avec mes amendements. (Applaudissements à gauche, ainsi que sur plusieurs travées du RDSE)
Élections en Nouvelle-Calédonie
M. Georges Naturel . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Pour ma première prise de parole, je rends hommage à mes prédécesseurs : Dick Ukeiwe, Simon Loueckhote, Hilarion Vendegou, Pierre Frogier et Gérard Poadja. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur plusieurs travées du groupe UC) Ils ont inlassablement défendu ce qui sera le sens de mon action : garder la Nouvelle-Calédonie au sein de notre République ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur plusieurs travées du groupe UC ; M. Thani Mohamed Soilihi applaudit également.)
Madame la Première ministre, la Nouvelle-Calédonie est à un carrefour décisif de son histoire. La décolonisation nous a engagés sur la voie d'une autonomie accrue, respectueuse de son identité dans la République.
Le ministre de l'intérieur et des outre-mer rentre de son cinquième déplacement en Nouvelle-Calédonie. Je salue l'engagement du Gouvernement. Le dégel du corps électoral est une condition nécessaire pour la tenue d'élections provinciales justes et représentatives. Quand allez-vous y procéder ? Les dizaines de milliers de Néo-Calédoniens veulent le savoir : quand seront-ils citoyens à part entière ? Quand se dérouleront les prochaines élections provinciales ? Elles devront être irréprochables. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC ; M. Thani Mohamed Soilihi applaudit également.)
Mme Élisabeth Borne, Première ministre . - Le processus politique de l'accord de Nouméa est allé à son terme. Les Calédoniens ont choisi de rester français. Le Gouvernement s'attache à un dialogue constructif avec les indépendantistes et non indépendantistes. Nous le devons à tous les Calédoniens, en particulier aux jeunes. Notre méthode demeure : dialogue avec toutes les parties prenantes et main toujours tendue de l'État, y compris vers ceux qui s'éloignent de la table des négociations.
Nous voulons un avenir institutionnel pour la Nouvelle-Calédonie. Les prochaines élections provinciales devront avoir lieu avec un corps électoral dégelé, exigence démocratique rappelée par Gérald Darmanin lors de son récent déplacement. Nous voulons un accord politique.
Le Conseil d'État a été saisi pour préciser les règles d'organisation des élections. Fin décembre, un texte procédera au dégel du corps électoral et au report des élections provinciales, qui se tiendront de toute façon en 2024.
Avec mon gouvernement, nous recherchons un accord sur la citoyenneté, l'autodétermination, le statut et les institutions. Je compte sur la responsabilité de chacun, dans un esprit d'ouverture. Il y va de l'avenir de la Nouvelle-Calédonie. (Applaudissements sur des travées du RDPI)
Loi Grand âge et autonomie
Mme Jocelyne Guidez . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) L'annonce d'une loi Grand âge avant la fin de l'année est une bonne nouvelle.
Pour un accueil digne, la Défenseure des droits, la Cour des comptes et le Haut Conseil de la famille, de l'enfance et de l'âge (HCFEA) préconisent un ratio de huit professionnels pour dix résidents, ce qui devrait être le cas depuis 2012.
Accompagner le virage domiciliaire suppose d'aller au-delà de la toilette et du ménage. J'appelle votre attention sur les pénuries de ressources humaines, qui menacent la survie de certains établissements.
Il faut donc des mesures de long terme. Comptez-vous répondre à ces besoins par une loi pluriannuelle ? Quand ? Comment ? Avec quelles mesures concrètes ? Nous espérons une réponse engagée. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains et INDEP ; Mme Raymonde Poncet Monge applaudit également.)
Mme Aurore Bergé, ministre des solidarités et des familles . - En 2030, un Français sur trois aura plus de 60 ans ; les plus de 65 ans seront plus nombreux que les moins de 15 ans. C'est un bouleversement démographique, auquel nous devons nous préparer.
La Première ministre a proposé, et vous avez voté, un soutien aux départements de 150 millions d'euros supplémentaires dès 2024, pour qu'aucun ne soit compensé à moins de 40 % de ses dépenses d'autonomie.
Nous devrons coconstruire la loi de programmation. Je consulterai l'ensemble des groupes politiques, des associations d'élus, des acteurs du grand âge et des représentants des personnes concernées. La loi abordera les questions clés de la gouvernance et des moyens, sans totem ni tabou.
À l'Assemblée nationale a adopté très largement la proposition de loi Bien vieillir, qui sera examinée prochainement au Sénat et comprend des mesures importantes comme le droit de visite opposable pour les familles et une meilleure reconnaissance des professionnels.
Nous avons une belle feuille de route ! (Applaudissements sur plusieurs travées du RDPI)
Mme Jocelyne Guidez. - Un actif sur quatre sera aidant en 2030, et sera obligé de s'arrêter de travailler. Comment trouver le personnel manquant ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur plusieurs travées du groupe Les Républicains ; Mme Raymonde Poncet Monge applaudit également ; Mme Laurence Rossignol proteste.)
Directive Emballages
Mme Marta de Cidrac . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le 22 novembre 2023 est un jour noir pour l'économie circulaire en Europe. La proposition de règlement Emballages a été adoptée par le Parlement européen dans une version amoindrie par rapport au texte initial de la Commission européenne. Pour le Sénat qui a tant oeuvré pour lutter contre le tout jetable, c'est une grande déception. A-t-elle été partagée par le Gouvernement ? Permettez-moi d'en douter : les députés européens Renaissance ont en effet apporté leur soutien à l'amoindrissement de la consigne pour recyclage ! (« Oh ! » sur les travées du groupe Les Républicains)
Monsieur le ministre Béchu, vous aviez pourtant repris point par point les arguments de notre rapport. Faut-il chercher la cause de ce revirement à l'Élysée ?
La balle est dans le camp du Conseil européen, au sein duquel il vous faudra sortir de l'ambiguïté. La voix de la France sera-t-elle celle de son ministre, ou celle de l'Élysée ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; MM. Jacques Fernique et Yannick Jadot applaudissent également.)
M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires . - Vous regrettez certaines propositions du groupe Renew. En ce qui me concerne, mes regrets sont liés aux votes obtenus avec le soutien du PPE...
Vous avez été la rapporteure, sous la houlette du président Longeot, d'une mission flash et avez formulé 28 propositions. Vous dénonciez les effets pervers de la consigne. Ces positions sont les miennes, je l'ai dit lors des Assises des déchets fin septembre. La consigne pour recyclage ne figure pas dans le cahier des charges de la filière à responsabilité élargie des producteurs (REP) Emballage.
Un dispositif de préfiguration de consigne régionale avait été testé. Les taux de collecte varient d'un territoire à l'autre, entre 40 et 90 % - dans ce domaine, nos villes devraient plutôt copier les performances des campagnes, et du Grand Ouest de manière générale... (MM. Emmanuel Capus, Philippe Grosvalet et Bruno Retailleau apprécient.)
Mme Françoise Gatel. - Très bien !
M. Christophe Béchu, ministre. - Je dirai le 18 décembre que la France n'est pas favorable à la généralisation d'une consigne pour recyclage.
La mission flash demandait une clause de revoyure en 2026. Le texte de la Commission européenne n'est pas loin de son rapport. (Applaudissements sur quelques travées du RDPI, M. Emmanuel Capus applaudit également.)
Mme Sophie Primas. - Et vos députés européens ?
Mme Marta de Cidrac. - Nous aimerions que cette position soit défendue devant le Conseil, et pas seulement pour que vous donniez votre avis !
M. Christophe Béchu, ministre. - C'est ce que je ferai !
Mme Marta de Cidrac. - Les bouteilles en plastique représentent 3 % de notre bac jaune, or ce sont les 97 % restants qui nous pénalisent par rapport à nos objectifs européens. Cela nous coûte un milliard d'euros. Défendez cette position devant le Conseil ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur plusieurs travées du groupe UC)
Travailleurs immigrés
M. Adel Ziane . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Le diagnostic posé samedi dans la presse par le ministre délégué à l'industrie nous laisse perplexes. Il souligne le rôle déterminant de l'immigration pour notre prospérité et rappelle que, dans les dix années à venir, 1,3 million d'emplois seront à pourvoir dans l'industrie : il faudra faire venir au moins 100 à 200 000 travailleurs étrangers tout en formant 800 à 900 000 jeunes.
Comment répondre à ces besoins pharaoniques et vitaux, alors que le projet de loi relatif à l'immigration réduira considérablement le rayonnement et l'attractivité de notre pays auprès des travailleurs et des étudiants étrangers ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST, ainsi que sur quelques travées du groupe CRCE-K ; murmures désapprobateurs sur les travées du groupe Les Républicains)
Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d'État chargée de la citoyenneté et de la ville . - Le projet de loi Immigration et intégration est en cours d'examen à l'Assemblée nationale. Le Gouvernement est attaché à ce que les étrangers qui contribuent à la vitalité de l'économie puissent être régularisés, selon des modalités à définir, particulièrement dans les secteurs en tension. Ils travaillent souvent depuis des années pour des patrons qui refusent de les régulariser ; nous voulons mettre fin à ce servage moderne. Comme vous, nous estimons que le travail est un facteur d'intégration puissant des primo-arrivants.
Il est de notre devoir de garantir les meilleures conditions d'intégration à celles et ceux qui ont obtenu l'asile dans notre pays.
M. Patrick Kanner. - Vous ne répondez pas à la question !
Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d'État. - Comme l'a rappelé le ministre de l'Intérieur, il faut être dur avec les étrangers délinquants et mieux intégrer ceux qui veulent travailler.
M. Hussein Bourgi. - Il n'a pas dit ça...
M. Adel Ziane. - Votre réponse confirme les dissonances au sein du Gouvernement. Le projet de loi Immigration et intégration aurait dû faire émerger une vision stratégique, car, oui, la France aura besoin de travailleurs étrangers pour écarter le risque de régression économique et de perte de prospérité et d'influence.
Nous ne sommes plus que le sixième pays d'accueil des étudiants étrangers, derrière l'Allemagne et le Japon, et vous alourdissez les démarches. Vous répondez aux départs massifs à la retraite qui se profilent en réduisant l'indemnisation chômage des seniors.
Agents de sécurité, aides-soignantes, médecins, employés agricoles : cette France qui se lève tôt, très tôt, contribue à la richesse nationale. Quand d'autres pays européens optent pour une politique intégratrice, le projet de loi Immigration prépare le déclassement économique de notre pays. Il est encore temps de rectifier le tir. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST et sur quelques travées du groupe CRCE-K)
Prévention des addictions
M. Didier Mandelli . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Ma question s'adresse au ministre de la santé, mais concerne aussi le ministre de l'intérieur et le ministre de la transition écologique. (Sourires)
Voilà un an, le Gouvernement créait, contre l'avis du Sénat, un Loto de la biodiversité, sur le modèle du Loto du patrimoine. Sur les 15 euros que coûte un ticket Patrimoine, 1,52 euro seulement revient à la Fondation du Patrimoine ; sur les 3 euros du ticket Mission Nature, 43 centimes seulement pour l'Office français de la biodiversité (OFB). Un don direct aurait permis d'obtenir une réduction d'impôt de 66 %...
Au-delà de l'aspect financier, l'addiction au jeu est devenue un problème de santé publique. Le nombre d'accros au jeu a doublé en dix ans, un tiers des adolescents jouent. Le jeu Mission Nature, facilement accessible aux jeunes, est une incitation malsaine. Comment l'État peut-il participer cyniquement à ce scandale sanitaire ? Comment le Président de la République peut-il jouer les VRP de la Française des jeux comme il l'a fait vendredi dans le Jura ?
Le Gouvernement créera-t-il demain de nouveaux jeux pour pallier les manques des politiques publiques ? À quand un Loto du handicap, du grand âge, des soins palliatifs ? Et pourquoi pas un Loto de la prévention des addictions ? (Marques d'amusement ; M. Mickaël Vallet rit.)
Pourquoi l'État a-t-il financé cette campagne de publicité ? Quel est son coût ? Est-elle légale ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Mathilde Ollivier applaudit également.)
M. Aurélien Rousseau, ministre de la santé et de la prévention . - Cette question s'adressait à trois ministres : c'est moi qui vous répondrai. (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains)
C'est vrai, les addictions ne portent pas que sur les substances ; on peut être addict aux écrans, aux jeux. Les politiques publiques doivent s'attacher à les réduire, car on finit toujours par payer l'addiction. (On apprécie diversement le bon mot.)
Cela dit, ne mettons pas tout sur le même plan. Les opérations que vous évoquez sont ciblées, ponctuelles, accompagnées.
La prudence est néanmoins de mise, car ces lotos ne doivent pas devenir une nouvelle façon de financer les politiques publiques. Ils sont toutefois un moyen pour les Français de manifester leur engagement sur des sujets qui leur sont chers. (M. Jacques Grosperrin s'exclame.)
Si l'addiction au jeu est réelle, peu de Français souffrent d'addiction au Loto du patrimoine ou au Loto de la biodiversité... (M. Thani Mohamed Soilihi applaudit.)
M. Didier Mandelli. - C'est un jeu qui peut entraîner une addiction. D'autre part, vous n'avez pas répondu à ma question sur l'utilisation des fonds publics pour financer la campagne de promotion, qui aurait dû relever de la Française des jeux. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe SER ; MM. Henri Cabanel et Daniel Salmon applaudissent également.)
Fièvre catarrhale ovine
M. Jean-Jacques Panunzi . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La Corse est frappée par une épidémie de fièvre catarrhale ovine qui décime les troupeaux, avec une mortalité et une morbidité élevées. C'est la première fois que notre île est confrontée au variant 8. Particulièrement virulent, il n'existait qu'en France continentale. Signe d'une double faille dans le processus : dans le contrôle des exploitations infestées, malgré l'obligation de déclaration, et dans les ports d'accès à la Corse, notamment Marseille, où le contrôle sanitaire fait défaut.
L'AOP pour le brocciu impose que le lait soit issu de la race ovine endémique, qui ne compte que 80 000 têtes. Quand une partie du cheptel est décimée, il n'est pas aisé de le renouveler.
Si le vaccin a été pris en charge par les services préfectoraux et la collectivité de Corse, l'indemnisation des animaux morts ou atteints reste en suspens. On ne peut raisonner à enveloppe fermée avant de connaître l'étendue des dégâts ! L'indemnisation selon la règle de minimis, capée à 20 000 euros sur trois ans, est inadaptée. La seule voie est celle du règlement général d'exemption par catégorie, qui permet aux État membres d'octroyer des aides pour faire face à des impondérables - ici, une épidémie décimant une race sur laquelle repose toute une activité rurale. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Paul Toussaint Parigi applaudit également.)
M. Olivier Véran, ministre délégué chargé du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement . - Je réponds à la place de Marc Fesneau.
La fièvre catarrhale ovine, également appelée maladie de la langue bleue, ou blue tongue (M. Mickaël Vallet s'insurge), est une maladie virale qui touche les ruminants sauvages et domestiques, les ovins, les bovins et même les caprins. Elle n'affecte pas l'homme et n'a pas d'incidence sur la qualité sanitaire de la viande et du lait, mais a des répercussions économiques importantes, directes et indirectes.
Plus de 1 630 foyers cliniques de fièvre catarrhale ovine sérotype 8 ont été recensés en métropole depuis début août 2023, dont plus de 900 dans l'Aveyron. La vaccination préventive est volontaire.
La réglementation européenne prévoit que les mesures de prévention et de lutte relèvent de la responsabilité de la profession agricole. Ce n'est donc pas à l'État de prendre en charge la vaccination ni d'indemniser les pertes économiques. Les organisations professionnelles agricoles ont établi un document de recommandation aux éleveurs.
L'introduction du virus en Corse est récente : on y recense une vingtaine de foyers. L'impact sur le cheptel reste donc modéré. Le préfet a saisi le ministère de l'agriculture, qui est pleinement mobilisé. Les demandes des professionnels sont en cours d'examen, et une réponse leur sera bientôt apportée.
Pouvoir d'achat des Français
M. Christopher Szczurek . - L'explosion de l'insécurité ne doit pas nous détourner de la catastrophe économique et sociale : 32 % des Français ne peuvent se procurer une alimentation saine et suffisante ; 15 % sautent des repas ; 43 % se passent de fruits et légumes frais. Les prix de l'énergie ont bondi de 23 % et l'électricité augmentera encore de 10 % en février prochain, malgré les promesses de Bruno Le Maire. Depuis un an, le prix du carburant est bloqué à plus de 1,80 euro le litre.
Le taux de pauvreté atteint 15 % de la population, soit 10 millions de personnes. Le bilan du Gouvernement est catastrophique. Alors que le froid arrive, 44 % des Français disent se priver de chauffage. Quand on a de l'argent, on fait des choix ; quand on n'en a plus, on fait des sacrifices.
Vos politiques ne sont que des cataplasmes, alors que nous avons besoin d'un changement profond de système. Le Gouvernement pèche par orgueil, refusant de voir la réalité du déclassement français. La crise sanitaire et les conflits internationaux n'expliquent pas tout, et les causes de ce marasme sont aussi structurelles.
Vous ne maîtrisez rien, vous ne faites que du rafistolage budgétaire quand nos compatriotes vous demandent d'agir. À la veille de Noël, allez-vous leur laisser entrevoir la lumière au bout du tunnel, ou le couperet au-dessus du billot ? (MM. Aymeric Durox et Joshua Hochart applaudissent.)
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué chargé du numérique . - Le Gouvernement agit sur le coût de la vie. Si la France fait partie des pays européens à avoir le mieux résisté à l'inflation, ce n'est pas par l'opération du Saint-Esprit. (MM. Joshua Hochart et Christopher Szczurek ironisent.) Le Gouvernement a veillé à limiter les dépenses contraintes avec le bouclier énergie, les chèques carburant, l'extension du ticket-restaurant à toutes les denrées alimentaires, le plafonnement des loyers, le maintien des prix à l'université.
Parallèlement, nous avons relevé les revenus, notamment les plus petits : revalorisation du Smic, des enseignants, des personnels soignants et du médico-social, des stagiaires et des boursiers.
Je n'entends pas beaucoup de propositions dans votre question. (M. Christopher Szczurek proteste.) Notre cap est clair : poursuivre les réformes pour que chacun ait accès à un emploi. Preuve que nos politiques portent leurs fruits, le chômage recule ; dans votre département, il a reculé de trois points. La meilleure garantie de revenus, c'est l'emploi. C'est ce à quoi nous nous employons.
M. Bruno Sido. - Très bien !
Présidence de M. Loïc Hervé, vice-président
La séance reprend à 16 h 35.