Situation des finances publiques locales
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle le débat sur le rapport sur la situation des finances publiques locales remis en application de l'article 52 de la loi organique relative aux lois de finances à la demande de la commission des finances.
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances . - Je me réjouis de la tenue d'un second débat sur les finances publiques locales au Sénat, en amont du projet de loi de finances (PLF). C'est là l'une des avancées de la réforme de la loi organique relative aux lois de finances (Lolf).
Ces échanges doivent aboutir à un diagnostic commun sur la situation financière des collectivités territoriales. Nous devons leur proposer des solutions concrètes.
Cela suppose d'abandonner les postures stériles, comme celle présentant les collectivités comme dispendieuses et irresponsables. En réalité, leur solde est chaque année peu ou prou à l'équilibre. Leur dette ne représente que 8 % de la dette publique, soit 0,3 % du PIB. Celle de l'État, c'est dix-sept fois plus ! Les collectivités territoriales n'empruntent que pour investir. Elles sont bien gérées et ne sont pas responsables de l'endettement public.
M. André Reichardt. - Très bien.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Malgré cela, le Gouvernement leur demande une baisse de 0,5 % de leurs dépenses. Le Sénat est las d'un gouvernement qui demande des efforts aux collectivités et qui supprime les impôts des autres.
Je me réjouis que le Sénat ait obtenu l'abandon des pactes dits de confiance, après les contrats de Cahors de sinistre mémoire. Les collectivités ont démontré le sérieux de leur gestion : elles continueront de le faire, car elles sont responsables de l'efficacité des services publics locaux devant leurs électeurs. Elles n'ont pas besoin de ces usines à gaz technocratiques attentatoires au principe de libre administration.
J'espère que M. le ministre ne nous racontera pas que leur situation serait globalement favorable et que le Gouvernement serait le seul à se soucier de celles qui seraient dans le besoin... Ce discours convenu ne reflète pas la réalité. Bien maigre est le soutien apporté à la quinzaine de départements confrontés à une impasse financière, du fait notamment de l'effondrement des droits de mutation à titre onéreux (DMTO). Je proposerai dans le cadre du PLF une dotation exceptionnelle de 100 millions d'euros pour leur venir en aide. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Laurent Burgoa. - Très bien !
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Les départements ont besoin d'une réponse structurelle, dans le contexte lié à la perte de la taxe foncière. Le Gouvernement doit se saisir de cette question. Pour sa part, le Sénat a fait des propositions, notamment dans le cadre du groupe de travail sur la décentralisation présidé par Gérard Larcher.
Le discours sur la situation globalement favorable des collectivités territoriales ne reflète pas la réalité. (M. Thomas Cazenave le conteste.) Les collectivités ne sont pas des lignes sur un tableur !
Transition écologique, cohésion sociale et territoriale : les collectivités font face à un mur d'investissements. Dans leur rapport, Stéphane Sautarel et Hervé Maurey ont évalué à 110 milliards d'euros à l'horizon 2030 l'investissement nécessaire dans les transports du quotidien pour atteindre nos objectifs de baisse d'émissions. La commission des finances proposera lors du PLF un levier de financement pérenne : l'affectation aux autorités organisatrices de transport d'une fraction du produit de la mise aux enchères des quotas carbone. Nous proposerons aussi de consacrer une partie de la taxe sur les autoroutes que le Gouvernement veut instaurer à l'indispensable remise en état de notre réseau routier.
L'architecture globale du financement des collectivités est devenue illisible et inefficace. Le chantier prioritaire est la réforme de la DGF : quand allez-vous vous y atteler ? (M. Bruno Belin renchérit.) Vous nous trouverez à vos côtés pour bâtir un système plus simple et plus juste. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC ; M. Christian Bilhac applaudit également.)
M. Thomas Cazenave, ministre délégué chargé des comptes publics . - Alors que le Congrès des maires bat son plein, je salue le travail des élus locaux qui s'engagent au quotidien pour les Français ; ils peuvent compter sur le Gouvernement pour travailler avec eux au service de l'intérêt général.
Permettez-moi de partager avec vous quelques faits, pour que nous nous accordions sur un constat commun.
À la fin de l'année dernière, la Cour des comptes a estimé que la situation financière des collectivités territoriales était globalement satisfaisante : épargne supérieure de 9 milliards d'euros à son niveau de 2017, capacité de remboursement en hausse, nombre de communes en difficulté en baisse de 23 % par rapport à 2019.
M. Olivier Paccaud. - Tout va très bien...
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. - Je suis donc surpris par les propos alarmistes et sans nuances que j'entends parfois. (M. Franck Montaugé s'exclame.)
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Pas ici !
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. - Je n'ignore pas que des élus ont du mal à boucler leurs budgets. (On ironise à droite.) Je souhaite que le rapport sur les finances locales s'enrichisse l'année prochaine d'une analyse de la diversité des situations, en vue de construire des diagnostics partagés.
L'État et les collectivités territoriales doivent avoir des cadres pour échanger - je pense notamment au Haut Conseil des finances publiques locales. Ne laissons pas prospérer l'idée que l'État étranglerait financièrement les communes !
Leur bonne situation financière est d'abord le fait des élus locaux. Elle résulte aussi de la politique constante de soutien menée depuis 2017. Nous avons compensé la réforme des financements à l'euro près et par des recettes dynamiques. La Cour des comptes estime que la compensation de la suppression de la taxe d'habitation et de la CVAE s'est traduite par 6 milliards d'euros de recettes supplémentaires. Les bases locatives ont été indexées sur l'inflation, ce qui contribue au dynamisme des recettes.
Après cinq années de baisse, la DGF a été stabilisée en 2017, puis augmentée par deux fois.
M. Bruno Belin. - C'est l'effet de la démographie !
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. - Durant la crise sanitaire, 10 milliards d'euros de soutien ont été accordés aux collectivités. Quant au bouclier tarifaire,...
Plusieurs voix à droite. - Les communes doivent le rembourser !
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. - ... il a bénéficié à 2 426 communes.
M. André Reichardt. - Vous en aviez annoncé 25 000...
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. - En 2023, l'épargne brute du bloc communal a ainsi continué de progresser.
La situation est moins bonne pour les départements, affectés par la baisse des DMTO.
M. Bruno Belin. - Et la hausse des dépenses sociales !
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. - Rappelons toutefois que ceux-ci avaient doublé en dix ans. La Première ministre a annoncé une aide de 230 millions d'euros pour les départements les plus fragiles.
Nous traçons un chemin de baisse progressive du déficit public, afin de le ramener sous les 3 % du PIB d'ici à 2027, comme nous y étions parvenus avant la crise sanitaire. Il est légitime que les collectivités contribuent à cet effort collectif (vives exclamations à droite et sur certaines travées à gauche), comme les opérateurs de sécurité sociale et l'État. L'État les a massivement protégées depuis 2020, et s'est endetté pour cela. Cet effort ne consiste au demeurant qu'à modérer la progression des dépenses de fonctionnement.
Nous devons inventer une méthode nouvelle pour identifier les économies qui bénéficieront à tous. Bien entendu, le Sénat sera associé à ce travail : qui mieux que lui peut réfléchir au financement des collectivités territoriales ?
Le redressement de nos finances publiques est une nécessité, et nous avons collectivement des marges de progression. Commençons par nous pencher sur la complexité de nos organisations : elle nous coûte cher. Je salue le travail de Françoise Gatel à cet égard.
En 2024, nous voulons réduire le déficit - une première étape. Le PLF n'en est pas moins favorable aux collectivités territoriales, dont nous voulons soutenir l'investissement. Le fonds vert est ainsi porté à 2,5 milliards d'euros. Le plan France Ruralité permettra d'améliorer l'ingénierie dans les départements. S'agissant des zones de revitalisation rurale (ZRR), à la lumière des travaux de M. Delcros, Mme Espagnac et M. Pointereau, je suis favorable à une extension du zonage pour inclure un plus grand nombre de communes. Entre la DGF, le fonds biodiversité et le FCTVA, les concours financiers aux collectivités augmenteront de plus de 1 milliard d'euros.
Les communes nouvelles doivent être encouragées : aucune ne doit perdre en DGF. Enfin, la décorrélation de la taxe d'habitation sur les résidences secondaires et de la taxe foncière était attendue.
Nous avons de nombreux chantiers devant nous, à commencer par la réforme de la DGF. Nous ne gagnons jamais à opposer l'État et les collectivités territoriales. Le dialogue est la seule méthode qui marche. Vous pouvez compter sur ma détermination à faire avancer le débat et à trouver des solutions au service des Français.
Mme Marie-Claude Lermytte . - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Voilà plusieurs années que les finances des collectivités sont sous pression. La DGF a baissé durant cinq ans, puis a été stabilisée et légèrement réaugmentée. Mais c'est insuffisant face à la hausse des coûts, notamment de l'inflation.
Le filet de sécurité a permis de faire face à l'urgence. Toutefois, les critères retenus sont trop complexes. Beaucoup d'élus qui ont cru pouvoir en bénéficier se trouvent dans l'obligation de rembourser l'acompte reçu. Dans le Nord, Crochte, Saint-Pierre-Brouck, Wemaers-Cappel, Zuydcoote ou Ghyvelde sont concernées.
Leur situation est alarmante, et les élus parlent de perte de confiance ; il faut les comprendre. Qu'entend faire le Gouvernement pour restaurer la confiance ? (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et Les Républicains)
M. André Reichardt. - Très bien !
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. - Nous avons augmenté la DGF à deux reprises : cela va dans le sens d'une relation de confiance. Nous devons aussi veiller à maîtriser nos finances publiques, c'est un équilibre permanent.
Le filet de sécurité 2022 a été bâti selon des critères transpartisans et connus des élus. Sur ces bases, les communes ont pu recevoir des acomptes. La situation est finalement meilleure qu'anticipée, notamment parce que les prix de l'électricité ont baissé.
Nous accompagnerons les communes concernées en lissant le remboursement des acomptes. Annuler le remboursement romprait l'égalité entre celles qui en ont demandé et les autres. J'ai transmis aux directions des finances publiques des consignes de grande souplesse.
Mme Céline Brulin. - Ce n'est pas ce qui se passe sur le terrain !
Mme Marie-Claude Lermytte. - Ma collègue a raison : sur le terrain, les choses ne sont pas aussi simples. (On renchérit à droite.)
M. Hervé Maurey . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Quoi qu'en dise le ministre, le mandat municipal en cours est rude pour les élus. Conséquences de la crise sanitaire, inflation galopante, double revalorisation du point d'indice : les finances locales sont mises à mal du fait de compensations insuffisantes.
Le filet de sécurité concernera moins de 2 500 communes. Pis, de nombreuses communes ayant reçu un acompte doivent le rembourser...
Alors que l'augmentation annuelle des dépenses de fonctionnement est supérieure à 5 %, allez-vous prendre des mesures pour aider réellement les communes ? (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains)
M. Olivier Paccaud. - Analyse lucide !
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. - Je me fonde sur les travaux de la Cour des comptes. (Exclamations à droite)
M. Laurent Burgoa. - Nous parlons de la réalité !
M. Olivier Paccaud. - Allez sur le terrain, dans la vraie vie !
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. - On ne peut pas dire qu'il y a la réalité d'un côté, les rapports de la Cour des comptes de l'autre.
M. Olivier Paccaud. - Et pourtant, si !
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. - La situation des finances locales est meilleure en novembre 2023 qu'en novembre 2022. Le bloc communal est la strate qui a le mieux résisté.
Les crédits prévus pour le filet de sécurité ont bien été consommés, de manière concentrée sur un nombre plus réduit de communes : c'est un effet automatique de l'amélioration de la situation.
Je suis prêt à travailler à une réforme de la DGF, mais, de grâce, mettons-nous d'accord sur un diagnostic conjoint !
M. Hervé Maurey. - Votre propos liminaire m'a stupéfié ; je ne suis pas déçu par votre réponse... Venez avec moi sur le terrain pour rencontrer les maires ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains ; M. Thomas Cazenave s'exclame.)
Le comité des finances publiques a dit qu'il manquerait 1 milliard d'euros pour les communes l'année prochaine. Qui décide paie : cessez de prendre des mesures dont vous faites peser le financement sur les communes ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains ; M. Jean-Noël Guérini applaudit également.)
M. Grégory Blanc . - (Applaudissements sur les travées du GEST) Dans votre réponse au rapporteur général, monsieur le ministre, vous avez souligné le bon état des finances locales en 2022 et les difficultés de nombreuses collectivités territoriales en 2023 - légitimement dans les deux cas.
Ce que vous n'avez pas dit, c'est que les collectivités territoriales sont confrontées à des hausses de dépenses, un maintien relatif des dotations et un retournement des cycles des DMTO et de la TICPE. C'est le triple effet kiss cool...
Vous ne dites pas non plus que la transition écologique nécessitera des moyens considérables ; l'I4CE et La Banque postale évaluent à 77 milliards d'euros d'ici 2030 les investissements nécessaires pour respecter notre stratégie bas-carbone.
Vous ne dites pas davantage qu'il faut repenser la fiscalité locale, y compris en modulant l'impôt au regard de l'enjeu environnemental.
Comment comptez-vous faire évoluer la fiscalité locale pour répondre aux enjeux de transition écologique ? (Applaudissements sur les travées du GEST)
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. - Je partage votre volonté de garantir le financement de la transition écologique. Les collectivités assurent 70 % des investissements civils : elles sont au coeur de la planification écologique.
Le fonds vert sera doté de 2,5 milliards d'euros, un effort inédit. Plus largement, nous devons rassembler les financements, de l'État, des collectivités, de la Caisse des dépôts, des certificats d'économies d'énergie et de la responsabilité élargie des producteurs. Dans cet esprit, nous présenterons au Parlement au printemps prochain la première stratégie pluriannuelle de financement de la transition écologique.
M. Grégory Blanc. - Je m'étonne que, alors que la priorité est de clarifier les finances locales, vous demandiez un rapport sur les compétences. Vous prenez le problème à l'envers.
M. Ian Brossat . - Le Gouvernement répète sur tous les tons que les finances locales se portent au mieux. Il le disait en 2017 des bailleurs sociaux, qu'il a largement ponctionnés. Résultat : on n'a jamais construit aussi peu de logements.
M. Bruno Belin. - Exact !
M. Ian Brossat. - Les services publics locaux craquent de partout. Les dotations ont baissé de 15 milliards d'euros depuis 2012. Nos communes, sentinelles de la démocratie, sont fragilisées.
Pourtant, chaque fois que l'exécutif est en difficulté, c'est vers les maires qu'il se retourne : quel paradoxe !
Allez-vous donner enfin au service public local les moyens de fonctionner correctement, notamment en indexant la DGF sur l'inflation ?
M. André Reichardt. - Bonne question !
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. - Vous évoquez une baisse de la DGF de 15 milliards d'euros depuis 2012. Elle n'est pas imputable à notre majorité, puisque, depuis 2017, nous l'avons stabilisée, puis augmentée à deux reprises. Nous avons tout fait pour restaurer la confiance avec les collectivités territoriales.
On évoque souvent le dynamisme des dépenses des collectivités territoriales, mais les recettes ne sont pas moins dynamiques : les recettes de fonctionnement du bloc communal ont augmenté de 9 % cette année ! Il n'y a pas d'étranglement du bloc communal, ayons l'honnêteté de le dire. La baisse des DMTO porte préjudice aux départements, mais les communes se portent bien.
M. Christian Bilhac . - Comme vous, je rencontre régulièrement les maires de mon département. Peu à peu, nous avons installé dans l'esprit de nos concitoyens que la sécurité leur incombait, alors qu'il s'agit d'une compétence de l'État.
Les communes doivent consacrer à la sécurité des moyens croissants, compte tenu du désengagement de l'État : installation de caméras de vidéosurveillance, recrutement de policiers municipaux. Les polices municipales remplissent des missions de plus en plus larges pour pallier les carences de l'État.
L'État va-t-il se donner les moyens d'assurer sa mission régalienne de garantir la sécurité des Français ?
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. - La sécurité et la tranquillité publiques sont l'affaire commune de l'État et des maires. (M. Christian Bilhac le conteste vigoureusement.) Je crois au continuum de sécurité, à la coopération entre la police nationale et les polices municipales et aux contrats de sécurité intégrée.
État et communes ont des responsabilités différentes, mais complémentaires. Un maire ne peut se désintéresser de la tranquillité publique, compétence ancienne.
Le PLF prévoit un effort supplémentaire pour le recrutement de policiers nationaux partout sur nos territoires.
M. Christian Bilhac. - Ne mélangeons pas tout. La sécurité est l'affaire de l'État. Ce qui est l'affaire des maires, c'est la tranquillité publique, pas la lutte contre la délinquance ou le trafic de drogue ! Aujourd'hui, les maires pallient les carences de l'État, qui, par exemple, ne prend plus en charge les caméras de vidéosurveillance. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Victorin Lurel. - Absolument !
Mme Nadège Havet . - La Lolf prévoit un rapport sur les finances locales annexé au projet de loi de finances initial. Ce rapport dresse un état des lieux des budgets locaux, des transferts de l'État et de la péréquation.
Les transferts sont en progression depuis 2018. L'augmentation sera l'année prochaine de plus de 1,15 milliard d'euros.
Le PLF pour 2024 prévoit plus de 7 milliards d'euros supplémentaires de dépenses favorables à l'environnement. Les collectivités aussi prendront toute leur part pour relever le défi du siècle, mais cet engagement suppose des investissements inscrits dans le temps et des ressources propres dédiées. Dans le même temps, la démarche des budgets verts locaux doit être précisée.
Quel cadre d'équilibre financier prévoyez-vous pour une planification écologique territoriale réussie ?
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. - Réussir la transition écologique, c'est le chantier du siècle.
Première étape, le PLF pour 2024 augmente de 10 milliards d'euros les dépenses qui y sont consacrées. Mais il n'y aura pas de transition écologique sans les investissements des collectivités territoriales. C'est pourquoi nous augmentons le fonds vert, pour accompagner la renaturation, la rénovation de l'éclairage public ou des réseaux d'eau.
La stratégie de financement des collectivités doit jouer sur plusieurs leviers. Le rapport d'I4CE mentionne les dotations de l'État, mais aussi la capacité des collectivités à dégager des ressources propres et à réorienter leurs dépenses. Nous devons nous doter d'une boussole commune avec les budgets verts. L'endettement local est aussi un levier d'action.
Nous présenterons en juin prochain le premier rapport sur le financement pluriannuel de la transition écologique.
Mme Isabelle Briquet . - Alors que l'État compte sur les collectivités pour relever le défi de la transition écologique, il doit tenir ses engagements et accompagner les acteurs locaux.
La suppression du fonds de soutien au développement des activités périscolaires (FSDAP), qui bénéficie aux communes ayant adopté la semaine de quatre jours et demi, est une erreur. Les communes concernées sont certes moins nombreuses, mais cela ne justifie pas de compromettre les programmes périscolaires.
Garantissons la poursuite d'activités dont la valeur pédagogique n'est plus à démontrer. L'État doit continuer à accompagner les communes pour garantir la qualité de l'offre périscolaire. (M. Christian Bilhac applaudit.)
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. - Le FSDAP s'adapte au nombre de communes concernées. Sa suppression a été envisagée, mais la Première ministre a annoncé sa prolongation, afin d'approfondir la concertation avec les associations d'élus. Je vous confirme le maintien de ce dispositif pour l'année qui vient.
M. Olivier Paccaud. - Sage décision !
Mme Isabelle Briquet. - Ce fonds correspond à la mise en oeuvre d'une réforme voulue par l'État. La question se reposera donc l'année prochaine.
M. Stéphane Sautarel . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Je remercie notre rapporteur général d'avoir pris l'initiative de ce débat durant le Congrès des maires.
La situation financière des collectivités territoriales dans le contexte de la reprise post-pandémie est très contrastée ; il faut plus que jamais sanctuariser la péréquation. La situation se dégrade rapidement sous l'effet de l'inflation, de la hausse du point d'indice et de la baisse des recettes fiscales. L'année 2024 sera compliquée, alors anticipons !
Les départements sont de nouveau confrontés à un effet ciseau délétère, en raison de la décorrélation entre leurs ressources et leurs compétences.
L'autofinancement des collectivités est en grand danger ; c'est le vrai sujet. Alors qu'elles ont un rôle décisif à jouer, notamment pour réussir la transition écologique, ne prenez pas le risque de casser le moteur social de proximité. Allez-vous leur donner de la liberté et de la lisibilité ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Christian Bilhac applaudit également.)
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. - Nous suivons avec attention la situation du bloc communal. Le nombre de communes en difficulté baisse, grâce à la bonne gestion des élus locaux et au dynamisme des recettes.
S'agissant de la liberté d'action, je suis très favorable à un nouvel acte de décentralisation qui clarifie les responsabilités, comme le Président de la République l'a évoqué dans le cadre des rencontres de Saint-Denis. L'entremêlement actuel des compétences nuit à la responsabilité des élus. Allons vers une décentralisation de clarté.
M. Jean-Marie Mizzon . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Vous avez raison d'insister : la DGF a baissé pendant dix ans. En 2022 et 2023, elle a augmenté, mais moitié moins que l'inflation. Le compte n'y est pas.
Les collectivités territoriales doivent faire face à un mur d'investissements. On a parlé du rapport Maurey-Sautarel sur la mobilité. J'évoquerai la rénovation du bâti scolaire : d'après Mme Faure, il faudra 55 milliards d'euros d'ici à 2030 pour atteindre le premier palier défini par le décret tertiaire. Des aides sont-elles prévues pour les collectivités ? Non, hormis le fonds vert, qui n'est pas extensible à l'infini...
Les aides forment un maquis, quand elles existent - mais pour la voirie, par exemple, il n'y en a presque plus. Allez-vous prévoir une aide digne de ce nom ? La voirie n'est pas un investissement dépassé !
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. - La DGF représente en moyenne 20 % des recettes des communes. Je le répète, les recettes de fonctionnement du bloc communal ont augmenté cette année de 9 %.
M. Jean-Marie Mizzon. - Grâce aux économies !
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. - Sans doute, mais aussi grâce au dynamisme de la taxe foncière, lié à la revalorisation de 7 % des bases. Nous avons résisté à la volonté de certains groupes politiques de plafonner l'évolution des bases à 3,5 % : c'est une protection majeure des ressources des collectivités territoriales.
Oui, le bâti scolaire est un chantier considérable pour les mairies, le personnel et nos enfants. La Caisse des dépôts et consignations a lancé un programme spécifique, EduRénov. Le fonds vert peut intervenir aussi, de même que le tiers financement. Nous avons enrichi l'arsenal au service des collectivités.
Quant à la voirie, elle relève de la responsabilité des départements. Nous réfléchirons à des dispositifs de secours.
Mme Frédérique Espagnac . - Le filet de sécurité devait aider les communes les plus en difficulté à faire face aux augmentations des coûts de l'énergie. L'Association des petites villes de France (APVF) dénonce la demande de remboursement de l'acompte, alors que les maires ont été sollicités directement par les services de l'État pour le demander. Les maires sont de bonne foi, il y a eu défaillance des services préfectoraux.
Il faut étaler le remboursement autant que possible et prolonger l'amortisseur électricité, ainsi qu'une forme ciblée de filet de sécurité, car les collectivités ont de plus en plus de mal à faire face à l'augmentation de leurs charges. (Applaudissements sur des travées du groupe SER)
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. - Je sais que vous êtes interpellés par les élus. Un peu plus de 3 000 communes doivent rembourser un acompte.
Il n'y a pas eu défaillance des services de l'État. Le Parlement a voté des critères. Nous avons prévu la possibilité d'un acompte, en fonction des prévisions. Bonne nouvelle, la situation des collectivités est meilleure que prévu, car les prix de l'énergie sont plus faibles.
Comment gérer correctement les finances publiques si nous devions annuler des acomptes versés ? Ce serait, en outre, une rupture d'égalité. J'ai transmis aux services fiscaux une consigne de grande souplesse pour les étalements. Je souhaite que nous fassions du « cousu main » pour chaque commune. (M. Christian Bilhac s'en félicite.) N'hésitez pas à solliciter localement les directions des finances publiques.
Enfin, l'amortisseur électricité sera bien prolongé l'année prochaine pour les collectivités ayant signé des contrats au plus fort de la crise.
Mme Frédérique Espagnac. - Les collectivités territoriales sont volontaires pour relever bien des défis, mais attendent un dialogue équilibré et fiable avec l'État. Alors que s'ouvre le Congrès des maires, je m'inquiète du nombre de démissions d'élus. Ils ont le sentiment de ne plus avoir les moyens de remplir leur mission. Il faut endiguer ce malaise et prévenir la crise des vocations en 2026 - ce qui passe aussi par la création d'un statut de l'élu. (Applaudissements sur des travées du groupe SER)
M. Jean-Raymond Hugonet . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Ce volumineux rapport (L'orateur brandit le document) illustre à merveille le mal profond de notre pays. Il manifeste le décalage entre la théorie et la pratique, entre le verbe et la réalité. Les dynamiques sont historiques, les péréquations veillent sur nous... Encore un effort, et ce sera la félicité ! (Sourires et marques d'ironie à droite)
Mais la triste réalité, c'est que l'autonomie financière des collectivités territoriale est devenue une coquille vide. En vingt ans, le modèle de décentralisation à la française a perdu sa pertinence avec la tendance à la recentralisation et la restriction des financements.
Réconcilier pouvoir local et pouvoir central serait une oeuvre historique : y êtes-vous prêt ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. - Il n'y a pas de libre administration des collectivités territoriales sans autonomie financière.
Je rends hommage aux rédacteurs de ce volumineux rapport, qui ont oeuvré pour la bonne information de la représentation nationale. On y apprend que l'autonomie financière des communes est passée de 61 % en 2003 à 71 % aujourd'hui ; pour les départements, de 58 à 75 % et pour les régions, de 41 à 74 %.
L'autonomie financière a ainsi fortement progressé. Certes, l'autonomie fiscale, elle, s'est réduite. (M. Victorin Lurel s'en émeut.) Mais ce qui est garanti par la Constitution, c'est la capacité à mettre en oeuvre librement une politique, soit l'autonomie financière.
M. Jean-Raymond Hugonet. - Nous ne nous rejoignons pas du tout, et c'est grave. La réalité des chiffres indiqués n'est pas celle que nous vivons : nous sommes sous perfusion, et cette perfusion se ferme. Entendez la réalité vécue par les maires ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Victorin Lurel . - Je vais vous faire faire une traversée transocéanique... (M. Thomas Cazenave sourit.) Depuis quelques mois, une obsession hante les outre-mer : la réforme de l'octroi de mer. Depuis que le Gouvernement a annoncé une réforme en profondeur de cette taxe, les élus ne sont pas tranquilles. Ils craignent des surprises.
L'octroi de mer, c'est 1,6 milliard d'euros pour cinq collectivités d'outre-mer et 35 % à 45 % de leurs ressources.
Les rumeurs vont bon train. Quelles sont vos intentions, vos pistes ? Cette taxe sera-t-elle réservée uniquement aux importations n'ayant pas de concurrent local, comme le suggérait Bruno Le Maire ? Allez-vous la remplacer par une TVA recentralisée ? Allez-vous lever le secret fiscal, prévu par la loi de 1950 ? Avez-vous l'intention de compenser la perte de recettes pour les collectivités en taxant les services - ce qui serait contraire à la philosophie et à la nature même de l'octroi de mer ?
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. - Le comité interministériel outre-mer de juillet a décidé d'ouvrir ce chantier, avec une garantie claire : les ressources des collectivités territoriales ne seront pas impactées. Je veux tordre le cou aux rumeurs : il n'y aura pas de perte de recettes. La concertation a été lancée ce jeudi par le ministre Philippe Vigier, chacun pourra s'exprimer.
M. Jean-Claude Anglars . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La Cour des comptes a montré que la situation financière des collectivités était moins favorable en 2023 qu'en 2022, en raison de l'inflation, mais aussi de la suppression de la taxe d'habitation et de l'insuffisante compensation de la CVAE.
Quid de leur autonomie financière dans ces conditions ? Le coefficient correcteur, dit « coco », censé compenser le transfert de la taxe foncière aux communes, sanctionne les communes rurales qui reversent plus, en moyenne, que les communes urbaines.
Il est nécessaire de renforcer l'autonomie financière des collectivités territoriales, constitutionnelle depuis 2003. La suppression des impôts territorialisés a conduit à augmenter les transferts financiers de l'État, qui atteignent 36 milliards d'euros. L'autonomie fiscale des collectivités a été réduite au fur et à mesure de vos réformes, qui ont cassé le lien entre fiscalité locale et territoire. À trop poursuivre dans cette voie, on risque d'entraver leur libre administration.
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. - La suppression de la taxe d'habitation n'a pas eu d'impact sur la situation financière des collectivités, puisque nous l'avons compensée.
Selon la Cour des comptes, les compensations ont représenté 6 milliards d'euros de plus que si les collectivités avaient continué à percevoir directement ces impôts. Leur situation s'est donc bien améliorée - même si la Cour insiste sur les difficultés des départements.
Ne confondons pas autonomie financière et fiscale. L'autonomie fiscale est réduite, mais nous n'avons pas amputé l'autonomie financière des collectivités. C'est un ratio clair que nous suivons.
Peut-on réussir la libre administration sans autonomie fiscale ? Voyez l'exemple allemand : les Länder sont des collectivités très fortes, avec une forte autonomie financière, mais quasiment pas d'autonomie fiscale.
M. Fabien Genet . - Pour compenser la suppression de la taxe d'habitation, les collectivités ont reçu la part départementale de la taxe foncière. Pour assurer l'équilibre à l'euro près, l'État corrige l'écart en reversant aux communes sous-compensées un montant calculé sur la base d'un coefficient correcteur et prélevé aux communes surcompensées.
En Saône-et-Loire, 316 communes sur 564 reversent ainsi 33 millions d'euros de fiscalité locale à l'État, quand 148 reçoivent 5,7 millions. Belle évaporation ! Étrigny, 465 habitants, voit la moitié de sa fiscalité locale ponctionnée en application du coefficient correcteur ! Les communes rurales ont le sentiment de payer pour les communes urbaines. Bien sûr, nous ne contestons ni la compensation ni la péréquation, mais nous atteignons les limites de l'exercice.
À force d'empiler les réformes de fiscalité locale depuis vingt ans, assorties de différents mécanismes de compensation, plus personne n'y comprend rien !
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. - En effet, le financement des collectivités territoriales est devenu extrêmement complexe.
M. André Reichardt. - C'est le moins qu'on puisse dire !
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. - Nous sommes ouverts à ouvrir un chantier de refonte de la DGF. Il est technique, difficile, mais nécessaire.
Le « coco » permet d'assurer la neutralité de la réforme. L'État a rajouté 600 millions d'euros pour assurer l'équilibre global. Le « coco » embarque lui-même la dynamique. La suppression de la taxe d'habitation a été compensée à l'euro près et n'a pas privé les collectivités d'une ressource.
M. Fabien Genet. - Le « coco » embarque peut-être la dynamique, mais laisse à quai de nombreux contribuables qui ne comprennent pas pourquoi leurs impôts sont reversés à d'autres communes.
Méfiez-vous des effets euphorisants du rapport de la Cour des comptes. Les communes ne vivent pas la même réalité.
M. André Reichardt . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Contraintes à faire toujours plus avec moins, les communes ont du mal à se projeter financièrement. Or les sujets d'inquiétude ne manquent pas : filet de sécurité à rembourser, transferts de compétences non compensés, augmentation du point d'indice du jour au lendemain, entre autres.
La compensation par l'État de l'exonération des parts communale et intercommunale de la taxe foncière sur les propriétés non bâties pour les terrains situés sur un site Natura 2000 devait initialement être de 100 % ; elle est passée à 84 % en 2009 puis à 23 % en 2016. Les communes engagées dans la préservation de la biodiversité sont de facto pénalisées. Certes, des dispositifs de soutien à ces communes ont été créés depuis, mais ils ne compensent pas ces pertes fiscales. Pourquoi toujours complexifier ? Pourquoi ne pas simplement tenir l'engagement initial d'une compensation intégrale par l'État ?
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. - Les ressources des communes sont très dynamiques : 8,9 % en novembre 2023, grâce à la taxe foncière, dont les bases ont été revalorisées de 7 %. Les communes peuvent donc absorber des charges tirées à la hausse par l'inflation. L'augmentation du point d'indice compense aussi l'inflation pour les agents publics.
M. André Reichardt. - Bien sûr.
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. - Les recettes sont-elles suffisamment dynamiques pour compenser les charges ?
M. Fabien Genet. - La fiscalité, ce n'est pas la taxation.
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. - Quand on regarde les deux, on observe que le bloc local tient bien.
M. André Reichardt. - Ce n'est pas ce que l'on entend sur le terrain.
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. - Les communes en site Natura 2000 sont éligibles à la dotation biodiversité. En 2020, celle-ci était de 4 millions d'euros ; peut-être cela ne couvrait-il pas l'exonération. Nous l'avons portée à 100 millions d'euros. Regardez les ordres de grandeur ! Je suis preneur de tout exemple de commune qui aurait subi un manque à gagner.
M. Hervé Reynaud . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La situation des départements n'est pas florissante. Dans la Loire, le reste à charge résultant du transfert du RMI était de 3,2 millions d'euros en 2003, il sera de 58 millions en 2024. Entre 2013 et 2023, la dotation de l'État est passée de 182 à 129 millions d'euros ; la fiscalité directe, de 225 millions d'euros à 48 millions.
Les dépenses de fonctionnement ne cessent d'augmenter. Le produit des impôts diminue en valeur absolue, les DMTO s'effondrent avec le retournement du marché immobilier, tandis que les dépenses, la rémunération des agents, les prestations sociales et les frais financiers augmentent. L'effet ciseau est particulièrement tranchant !
Les dépenses sont structurelles ; les recettes, volatiles et exogènes. La capacité d'investissement des départements se réduit dangereusement alors que les besoins croissent. Le désengagement de l'État, les transferts de compétences non compensés depuis une dizaine d'années rendent la situation intenable.
Sur quels leviers comptez-vous agir ? Réforme de la fiscalité ? Recentralisation de certaines compétences ?
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. - Lorsque j'annonce un constat global, on me répond que cela ne correspond pas à la réalité. On ne peut sans cesse remettre en cause les chiffres de la Cour des comptes ! Il nous faut réconcilier nos visions. Je demanderai que le rapport annexé sur la situation des finances locales donne des indicateurs de dispersion sur la situation hétérogène des collectivités.
Nous mesurons les difficultés que traversent les départements avec la baisse des DMTO, qui avaient atteint des niveaux historiques. Certains avaient fait des réserves, d'autres se retrouvent en difficulté. La Première ministre a annoncé un effort de 250 millions d'euros pour leur venir en aide. La mission confiée à Éric Woerth sur un nouvel acte de la décentralisation sera l'occasion d'y revenir.
M. Claude Raynal, président de la commission des finances . - Ce débat consacré à la situation des finances publiques locales ouvre l'examen du projet de loi de finances pour 2024, comme le prévoit désormais la loi organique.
Cet exercice est nécessaire, dans un contexte incertain. En 2023 et 2024, le ralentissement économique limitera la progression des recettes des collectivités. Les recettes nettes de TVA progresseraient de 4 % en 2023, soit à un niveau inférieur à l'inflation. Les recettes de TICPE pourraient diminuer sous l'effet d'une moindre consommation de carburant, avec la fin des aides à la pompe. Quant aux recettes des DMTO, elles chuteraient de 20 à 30 %.
En 2022, la Cour des comptes chiffrait à 4,8 milliards d'euros le supplément de recettes. Mais pour 2023, elle table sur une baisse de 2,6 milliards, et de 2,9 milliards en 2024. Le tableau n'est pas si rose !
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. - Cela dépend pour qui.
M. Claude Raynal, président de la commission. - En parallèle, les charges de fonctionnement augmentent : dépenses d'achat de biens et de services, revalorisation du point d'indice. Idem pour les charges sociales. Le vieillissement de la population expose les départements à une augmentation durable des dépenses en matière d'autonomie, sans oublier la hausse du RSA.
Enfin, les collectivités territoriales font face à un mur d'investissements pour la transition écologique et la modernisation des transports. Elles détiennent un patrimoine bâti de 225 000 bâtiments, contre 100 000 pour l'État : les investissements à réaliser sont colossaux.
Le projet de loi de finances prévoit certaines mesures d'accompagnement : fonds vert, fonds de reconstruction, hausse de la DGF. Seront-elles suffisantes ? J'en doute...
L'enjeu est de fournir des services publics de qualité, de faire face au changement climatique et d'aider les plus fragiles. Or les collectivités n'ont quasiment plus de ressources fiscales propres pour assumer leurs compétences. Dès lors, pour bâtir un budget, les élus ont besoin d'une vision pluriannuelle des dotations de l'État, sur la durée du mandat.
La Cour des comptes a mis ces éléments en exergue. Repensons le financement des collectivités et assurons une prévisibilité de leurs ressources, qui doivent être en adéquation avec leurs missions. Le défi est de taille et le succès ne sera possible que par le dialogue et la confiance retrouvée entre l'État et les élus locaux. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et Les Républicains, et du RDSE)