Accession à la propriété
M. le président. - L'ordre du jour appelle le débat sur l'accession à la propriété, à la demande du groupe Les Républicains.
Mme Dominique Estrosi Sassone, pour le groupe Les Républicains . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Amel Gacquerre applaudit également.) Notre groupe a souhaité donner un signal fort, dès la reprise de nos travaux, en abordant la crise du logement. L'accession à la propriété est le rêve de la plupart de nos concitoyens. Rêve légitime, n'en déplaise à une certaine écologie punitive et collectiviste : chacun aspire à garantir un toit à sa famille - ce qui n'est pas sans lien avec la crise de la natalité.
Nos concitoyens aspirent également à cette sécurité protectrice pour leurs vieux jours. Être propriétaire de son logement est un atout pour maintenir son niveau de vie une fois à la retraite. C'est aussi une réponse aux difficultés de la jeunesse : les Français veulent pouvoir transmettre un capital à leurs enfants et petits-enfants.
Or ce rêve est de plus en plus difficile à concrétiser, avec des conséquences sur toute la chaîne du logement. Alors qu'il était en augmentation continue depuis les années 1970, le ratio de propriétaires - 57,7 % en 2022 - stagne depuis 2010. Les conséquences durables de la crise de 2008, la hausse continue des prix immobiliers et une politique de taux bas expliquent ces difficultés. S'y sont ajoutées, depuis le début de la guerre en Ukraine, l'inflation et la hausse brutale des taux d'intérêt, alors que les prix amorcent à peine une baisse.
Le marché connaît des tensions structurelles, notamment dans les grandes villes : il est de plus en plus difficile de construire ou de densifier l'existant, notamment en raison du zéro artificialisation nette (ZAN).
C'est une question macroéconomique, mais aussi sociale et politique : l'ascenseur social est bloqué et les Français ont un sentiment de déclassement. Impossible de reproduire le parcours des parents ou grands-parents, qui ont pu devenir propriétaires grâce au fruit de leur travail. De fait, 79 % des propriétaires occupants ont une maison ; leur moyenne d'âge est de 60 ans.
Le blocage de l'accession à la propriété a des répercussions en chaîne sur le parcours résidentiel : les ménages ne quittent plus leur logement locatif et la mobilité dans le parc social a fortement diminué dans les zones tendues.
L'accroissement sans limite du parc social - qui accueille déjà 17,7 % des ménages - ne peut constituer l'unique réponse. L'accession à la propriété, aujourd'hui menacée, doit être relancée.
Les jeunes, privilégiant l'usage ou le partage, n'aspireraient plus à être propriétaires ? J'en doute. Le recul de l'âge de la décohabitation témoigne des difficultés économiques de notre jeunesse.
Certains voudraient assimiler accession à la propriété et étalement urbain - ce qui a conduit aux résultats plus que décevants du Conseil national de la refondation (CNR) et justifié de nouvelles coupes budgétaires dans les aides au logement. Personne n'est dupe ! Le « recentrage » du prêt à taux zéro (PTZ) porte un coup direct à la capacité d'accession à la propriété de très nombreux ménages. (Applaudissements sur quelques travées des groupes Les Républicains et UC)
Souvenons-nous de nos efforts, en 2017, pour maintenir l'aide personnelle au logement (APL)-accession... Quel dommage pour les ménages qui ne bénéficient plus de ce coup de pouce !
Voici quelques pistes pour promouvoir l'accession à la propriété. Les intérêts d'emprunt pour la première acquisition doivent être déductibles, au moins partiellement. Ne faudrait-il pas aussi encourager à nouveau la transmission précoce du patrimoine pour permettre l'acquisition de la résidence principale ? (M. Louis-Jean de Nicolaÿ applaudit.)
Ne pas aborder cette crise, c'est risquer de détricoter durablement notre pacte social. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP)
Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité . - Je tiens à excuser Patrice Vergriete, qui accompagne le Président de la République en Allemagne.
Le Gouvernement est pleinement conscient de la crise immobilière des ventes, qui bloque le parcours résidentiel de nombreux ménages.
L'accession à la propriété se heurte à la hausse des taux d'intérêt, multipliés par trois ou quatre, alors que les prix ne diminuent pas encore. Conséquence : l'accès à un logement locatif est rendu plus difficile pour les nouveaux entrants, en particulier les étudiants et les jeunes actifs.
Le Gouvernement envisage plusieurs mesures, sans avoir de remède miracle.
Nous devons intervenir sur tous les segments de l'offre - dont l'accession à la propriété -, selon quatre axes.
D'abord, en facilitant l'accès au crédit. En France, il reste accessible, avec 70 000 ménages bénéficiaires chaque mois, pour un encours de 11 milliards d'euros - un niveau élevé, même s'il a baissé de moitié par rapport à la période 2019-2022. Le nombre de dossiers déposés auprès des banques a diminué de près de 40 %, car les acheteurs attendent la baisse des prix...
Le Gouvernement travaille avec les banques pour stimuler la production de crédit à l'habitat : le taux de l'usure a été mensualisé ; certaines dérogations aux règles en vigueur sur la durée maximale d'endettement ou le taux d'endettement maximal ont été autorisées ; des dispositifs innovants permettant de réduire la charge financière qui pèse sur les ménages - remboursement in fine, démembrement, accession progressive à la propriété - sont à l'étude.
Le Gouvernement agit également via le PTZ, qui sera élargi dans les zones où le logement neuf est le plus cher. Il sera notamment maintenu pour toute accession sociale neuve, et le prochain projet de loi de finances doublera la quotité pour la vente d'un logement social. Dès 2024, le montant d'emprunt gratuit sera ainsi deux fois plus élevé.
Le Gouvernement souhaite également dynamiser le bail réel solidaire (BRS), créé par la loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (Élan), et qui a fait ses preuves : 1 000 logements ont été construits, 11 500 sont à venir et 150 offices fonciers ont vu le jour. Les collectivités s'en sont saisies dans le cadre de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU). Un prochain arrêté augmentera le nombre de ménages éligibles ; un plan global simplifiera la réglementation et améliorera l'information.
Enfin, nous donnons des outils aux collectivités locales pour réguler leur parc de logement. À l'occasion d'un prochain débat sur la fiscalité locative à l'Assemblée nationale, j'espère trouver un consensus pour favoriser la location de longue durée, notamment en régulant le nombre de résidences secondaires accueillant de la location touristique de courte durée, via des compensations par exemple. Nous irons plus loin, afin de concrétiser les annonces du 18 juillet dernier.
Nous apportons donc des réponses variées pour faciliter l'accès à la propriété, et plus largement à une résidence principale. Elles sont complémentaires d'autres travaux en cours pour soutenir la production de logements et accompagner l'offre de logement dans les territoires en réindustrialisation ou en redynamisation. (M. Bernard Buis applaudit.)
M. Alain Marc . - Pour de nombreux concitoyens, l'accession à la propriété est synonyme de sécurité matérielle. C'est un investissement rentable en prévision de la retraite, un moyen de se constituer un patrimoine réputé sûr et transmissible. Or les jeunes actifs ne sont plus en mesure d'accéder à la propriété dans les territoires qui les ont vus naître. En cause, l'augmentation du coût des matériaux, du foncier et des taux d'intérêt.
Le mois dernier, la Banque centrale européenne (BCE) a de nouveau relevé ses taux directeurs : le prix du crédit continue à augmenter. Le ZAN est un obstacle supplémentaire et le nombre de mises en chantier dans le neuf s'effondre.
L'accès à la propriété connaît une crise sans précédent. Quelles mesures le Gouvernement compte-t-il mettre en oeuvre pour relancer la construction et faire en sorte que chacun ait accès à la propriété ?
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. - Nous partageons votre diagnostic et agissons pour relancer la production de logements.
Au-delà des mesures que j'ai déjà détaillées, nous avons signé avec le mouvement HLM un accord sur des prêts bonifiés à hauteur de 8 milliards d'euros sur trois ans pour la construction de logements locatifs très sociaux.
Avec la fin du dispositif Pinel, coûteux et inefficace, nous allons accroître le nombre de logements intermédiaires, en élargissant le périmètre des communes éligibles.
Mme Dominique Estrosi Sassone. - Nous parlons d'accession à la propriété !
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. - Je vous ai répondu dans ma déclaration liminaire, madame la sénatrice ; j'apporte des compléments.
M. Alain Marc. - Toutes les actions pour favoriser l'accès à la propriété, notamment en milieu rural, seront les bienvenues.
Mme Amel Gacquerre . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Mme la ministre annonce un arsenal de mesures techniques, or ce sujet est éminemment politique. Devenir propriétaire est un rêve pour de nombreux Français. C'est un moteur de progression sociale. Or depuis 2010, la part des Français propriétaires de leur logement stagne à 57 %.
Le Gouvernement se dit favorable à l'accession à la propriété, mais sa politique provoque tout l'inverse : difficultés d'accès au crédit, mise en extinction de dispositifs, explosion du prix de la pierre, raréfaction du foncier...
Quelles sont vos véritables intentions ? Quelle est votre vision ? Êtes-vous réellement favorables à une France de propriétaires ? Quid des ménages les plus modestes ?
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. - Oui, c'est un sujet social, économique et politique complexe, dont les différents aspects sont imbriqués. Nous subissons diverses difficultés conjoncturelles : hausse des taux d'intérêt, rareté du foncier, etc.
L'élargissement du PTZ aidera les classes moyennes à acquérir un logement dans les zones tendues. Les prix dépassent 6 000 euros du mètre carré en Île-de-France, en région Paca ou dans certaines zones frontalières... Cela rend les choses difficiles.
Certaines collectivités imposent aux promoteurs de consacrer une partie de leurs programmes à des logements en accession à prix maîtrisé ou abordable. Le prêt social location-accession (PSLA) entre dans le cadre de la loi SRU : c'est aussi de l'accession à la propriété.
Mme Amel Gacquerre. - Vous tombez toujours dans le même travers : je vous demande vos orientations politiques, vous me répondez technique. Quelle France de propriétaires voulez-vous : 60 ou 80 % de propriétaires dans dix ans ? Nous ne sommes pas rassurés. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)
M. Yannick Jadot . - (Applaudissements sur quelques travées du groupe SER) Le logement connaît une crise historique, résultat du fiasco de votre gouvernement depuis six ans : 30 % de construction de logements neufs en moins cette année, avec 90 000 logements construits, contre 125 000 à l'époque. Je pense aussi aux 10 milliards d'euros pris sur Action Logement.
Or il y a des élus locaux qui font bien leur boulot !
Mme Sophie Primas. - Beaucoup !
M. Yannick Jadot. - La ville de Lyon planifie 1 000 BRS par an. (Marques d'ironie sur les travées du centre et de la droite) Comment la Banque des territoires va-t-elle massifier ses financements en direction des offices fonciers ?
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. - Je ne répondrai pas à votre prise de parole politique sur le même ton : je serai précise.
Vous accusez le Gouvernement, mais qui a instauré le BRS ? C'est notre gouvernement !
Plusieurs voix sur les travées du groupe SER. - Non, c'était en 2015 !
M. Patrick Kanner. - C'était un gouvernement socialiste !
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. - Dans les zones tendues, le BRS est très utile et la Banque des territoires joue déjà son rôle puisqu'elle est actionnaire de tous les offices fonciers.
Peut-être voudriez-vous que l'État dicte aux collectivités territoriales leur action ? (M. Yannick Jadot fait non de la tête.) Ce serait contraire à la libre administration des collectivités territoriales. Nous sommes là pour poser le diagnostic et proposer des outils, et nous y travaillons assidûment.
M. Yannick Jadot. - Vous prétendez répondre techniquement. Je n'ai pourtant pas entendu un seul chiffre sur le budget de la Banque des territoires pour atteindre 40 000 BRS par an...
Aujourd'hui, c'est la journée nationale de lutte contre le sans-abrisme. De nombreuses villes ont déposé plainte contre l'État qui ne remplit pas ses obligations en matière d'accueil d'urgence. Quelque 330 000 sans-abri sont bien loin de l'accession à la propriété... Paris, Grenoble, Lyon (marques d'impatience à droite), Bordeaux et Rennes attendent que l'État fasse son travail ! (Applaudissements sur quelques travées du groupe SER)
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. - Les offices fonciers sont portés par les collectivités territoriales. La Banque des territoires les finance massivement. Elle est parfaitement efficace, à condition que les collectivités territoriales se saisissent de ces outils.
M. Yannick Jadot. - J'aurais aimé une réponse sur nos 330 000 concitoyens qui sont sans abri.
Mme Marianne Margaté . - Je me réjouis que le grave problème du logement ouvre notre session parlementaire : 2,4 millions de personnes sont en attente d'un logement social, 4 millions souffrent de mal-logement, 330 000 sont sans abri. En théorie, faciliter l'accès à la propriété, c'est libérer des logements locatifs et des places d'hébergement. Mais c'est la théorie, car la propriété reste un rêve lointain.
Parmi les causes, il y a les bas salaires. Nos concitoyens sont nombreux à ne pas pouvoir terminer le mois : alors comment voulez-vous qu'ils épargnent et investissent ?
Le prix du foncier est le premier facteur du coût exorbitant du logement. Des solutions existent, comme le BRS. Mais il faut aussi lutter contre la spéculation, sinon les inégalités se creusent. L'héritage d'un patrimoine est le meilleur moyen de devenir propriétaire, sans parler des multipropriétaires...
Que comptez-vous faire pour lutter contre la spéculation immobilière afin de garantir le respect du droit au logement ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-Kanaky et sur quelques travées du groupe SER)
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. - Les établissements publics fonciers locaux (EPFL) et les établissements publics fonciers de l'État (EPFE) favorisent la maîtrise du foncier et la lutte contre l'inflation de son prix. Nous partageons le constat et nous connaissons les outils pour favoriser l'accession à la propriété.
Mme Annick Girardin . - (Applaudissements sur les travées du RDSE) La pénurie de logements est une bombe sociale. Les blocages sont connus : nombre de logements locatifs sociaux et privés insuffisant, panne de l'accession à la propriété, taux d'intérêt élevés... Pourtant, l'habitat est l'une des conditions d'une vie digne. Le plein logement, comme le plein-emploi, doit être une priorité.
Nous sommes attachés au droit au logement comme au droit à la propriété, car c'est grâce à l'alliance des travailleurs et des petits propriétaires que notre République sociale a émergé.
Des solutions existent : le PSLA, le BRS, l'aide à l'accession sociale à la propriété et à la sortie de l'insalubrité dans les outre-mer, etc. Mais la situation ne s'améliore pas.
Le Gouvernement vient de décider du relèvement des plafonds de revenu des ménages éligibles et de l'élargissement du PTZ.
Comment faciliter le déploiement massif et urgent du BRS, tant outre-mer que dans l'Hexagone ? (Quelques marques d'impatience, l'oratrice ayant épuisé son temps de parole)
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. - Oui, les solutions existent. Le mouvement HLM réalise 14 000 logements en accession sociale chaque année. Le BRS connaît aussi un réel engouement : laissez le temps aux collectivités territoriales de se l'approprier. Un agrément a été accordé à plus de 100 organismes fonciers solidaires. Certains projets doivent comporter un quota minimal de BRS. Nous soutiendrons le développement de ce produit abordable et non spéculatif.
M. Bernard Buis . - Les crises s'accumulent, et le logement n'y échappe pas. Pourtant, l'accès à la propriété doit rester une liberté pour les Français.
Je vois deux solutions : le PTZ et le BRS, qui seront prochainement modifiés si l'on en croit les déclarations du ministre dans la presse.
Dans quelle mesure les conditions d'accès au PTZ seront-elles modifiées et pour quelles communes ?
Le BRS permet à des ménages modestes d'accéder à un logement en zone tendue, grâce à la dissociation du bâti et du terrain. Comment accompagner les communes pour le développer ?
Quelles autres solutions pourraient-elles être envisagées ?
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. - Voici quelques chiffres qui auraient pu répondre aux attentes du sénateur Jadot, qui malheureusement nous a quittés... Nous entendons atteindre 40 000 PTZ en 2024. L'arrêté de zonage a permis d'inscrire 154 communes supplémentaires en zone tendue et de faire passer 55 communes de la zone B1 à la zone A - cela représente cinq millions d'habitants.
De nombreuses collectivités introduisent des quotas de BRS dans leurs programmes de logements neufs. Les services déconcentrés de l'État promeuvent les 150 organismes de foncier solidaire (OFS) et les associations régionales de bailleurs sociaux sont aussi à la disposition des élus pour les aider à monter des opérations innovantes.
Le Gouvernement lancera un plan pour développer les BRS, tout en laissant la liberté aux collectivités territoriales.
Mme Viviane Artigalas . - L'accession à la propriété est particulièrement complexe dans les zones touristiques, où les jeunes ménages n'ont plus les moyens de se loger dans leur région d'origine ou à proximité de leur lieu de travail.
Le BRS - créé non pas en 2018, comme vous l'avez dit, madame la ministre, mais en 2015 - a plusieurs avantages. La dissociation entre le foncier et le bâti représente entre 20 et 40 % d'économies. En outre, le bien acheté ne peut être utilisé qu'en résidence principale et ne peut pas changer de destination. Mais, point négatif, ce dispositif ne concerne que les zones tendues. Certes le zonage a été élargi, mais dans les Hautes-Pyrénées cela ne représente que 27 communes sur 469. Est-il envisagé de l'étendre au-delà des zones tendues ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER)
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. - Oui, le BRS permet de faire des économies. Vous parlez d'un point négatif, le financement ; mais il n'est pas particulier au BRS. Sur l'extension du BRS, échangeons, discutons, notamment dans le cadre du prochain PLF.
Certes, des communes n'ont pas accès aux financements. Nous avons fait le choix d'élargir significativement et je ne suis pas favorable à de nouvelles évolutions. Patrice Vergriete ne manquera cependant pas de prendre votre attache.
Mme Viviane Artigalas. - Les critères des zones tendues sont trop restrictifs face à la crise que nous connaissons.
La tension est partout, y compris dans les communes en périphérie de zones touristiques. Il y a un réel problème de logement en France. Les chiffres de Français en attente de logement n'ont jamais été aussi élevés. Le BRS permettrait d'y remédier, tout comme la relance de la construction de logements sociaux.
M. Max Brisson . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) En zone touristique tendue, l'accès à la propriété par le biais des BRS est une solution qui permet aux collectivités territoriales d'agir. Or le développement exponentiel des résidences secondaires rend très difficile la maîtrise du foncier par les bailleurs sociaux et les collectivités territoriales. La raréfaction du foncier se répercute directement sur l'accès à la propriété des classes moyennes et des jeunes ménages. Cause principale : la rentabilité. Le coût d'achat élevé est en effet rapidement amorti par la location saisonnière via des plateformes numériques, au détriment de la location à l'année.
Pourquoi ne pas supprimer les abattements fiscaux sur la location de meublés touristiques, notamment pour les multipropriétaires ? Pourquoi ne pas assujettir à la TVA le produit de ces locations saisonnières à partir d'un certain seuil ? Enfin, ne faudrait-il pas autoriser les communes à décorréler la taxe d'habitation sur les résidences secondaires (THRS) de la taxe foncière ?
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. - Nous sommes en phase sur l'objectif : favoriser l'accès à la propriété pour nos jeunes.
Pourquoi se limiter aux zones tendues ? Parce que le foncier y est deux ou trois fois plus cher. (Mme Dominique Estrosi Sassone s'indigne.)
Le travail sur la fiscalité est en cours, entre Bercy, MM. Vergriete, Béchu et moi-même. Nous verrons avec vous comment revoir la fiscalité qui pourrait s'appliquer aux différentes catégories de logements dans le cadre du PLF.
M. Max Brisson. - Nous sommes en phase, dites-vous ? Le Sénat a voté trois amendements l'année dernière dont le ministère des comptes publics avait dit tout l'intérêt, mais le 49.3 les a fait sauter lors de l'adoption du projet de loi de finances. Vos paroles ne sont pas conformes à vos actes. (Bravos et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Guislain Cambier . - Sans foncier, pas de politique du logement. Or sa raréfaction doit nous inciter à penser autrement notre politique d'accession à la propriété et au logement.
Quelles sont nos options ?
Nous devons investir massivement dans la rénovation énergétique, mais nous ne sommes pas encore à la hauteur du défi : seuls 10 % des dossiers déposés concernent des rénovations globales. Les ambitions annoncées par le Président de la République sont encourageantes, mais nous attendons les actes.
Nous devons aussi bâtir autrement. Malheureusement, nous faisons face à une crise sans précédent dans le logement neuf, avec une diminution de 30 % entre 2022 et 2023.
Enfin, nous devons lutter contre l'explosion du prix du foncier. Les Français les plus modestes doivent pouvoir accéder à la propriété, c'est un enjeu de justice sociale majeur. Comment comptez-vous rendre le foncier accessible à tous et bâtir une politique d'accession à la propriété digne de notre pays ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC)
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. - Nous consacrons près de 5 milliards d'euros à la rénovation du parc existant.
Vous nous demandez une politique plus claire : tous nos outils sont là, ils sont clairs et lisibles. Rénovation et construction marchent ensemble. Il faut encourager le logement libre comme le logement social. Le diagnostic est posé, les solutions existent, même si elles ne sont pas parfaites. Vous voulez faire autrement, j'y suis prête, mais que proposez-vous ?
M. Guislain Cambier. - Vos réponses sont techniques et fragmentées. Or nous avons besoin d'une vision politique globale. (Applaudissements sur quelques travées du groupe UC)
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. - Je n'avais pas repris votre sémantique, selon laquelle notre politique est fragmentée. Si nous favorisions l'un de nos outils au détriment d'un autre, nous ferions montre de dogmatisme. Non, nous entendons agir sur tous les plans ! Oui notre politique vous semble fragmentée, car nos outils sont adaptés aux acteurs du logement et à leurs politiques. Non, notre politique n'est ni fragmentée ni dogmatique : elle sert le logement sous toutes ses formes.
M. Guislain Cambier. - Il faut savoir lire les chiffres. La crise du logement est réelle, nous sommes tous d'accord. Or elle ne fait qu'empirer. Les réponses sont trop ponctuelles. Amel Gacquerre vous a interpellée sur l'ambition d'une France de propriétaires. Où placez-vous le curseur ? Quelle est votre vision de long terme ? (Mme Amel Gacquerre acquiesce.)
M. Denis Bouad . - J'ai connu une époque où la notion de parcours résidentiel avait un sens : un jeune travailleur prenait son indépendance dans le parc locatif, déménageait souvent dans un logement plus grand, puis devenait propriétaire.
C'est désormais moins évident, et bien des entrées dans le parc social sont définitives. Certains ne peuvent acheter dans leur propre commune. En quarante ans, le taux de propriétaires a été divisé par deux chez les jeunes ménages modestes, d'où des interrogations sur l'identité des villages, mais aussi sur l'avenir des effectifs scolaires.
Développons les outils d'accession sociale à la propriété comme le PTZ, le BRS ou le prêt locatif social (PLS). Mais en vingt ans, les prix ont été multipliés par 2,5, alors que les coûts de construction n'ont augmenté que de 50 %. C'est bien la spéculation qui empêche l'accession à la propriété. Contre cela, quelles mesures structurantes envisagez-vous ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST)
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. - Nos outils visent à lutter contre la spéculation là où elle se trouve. Chaque mois, 70 000 crédits sont accordés : 30 % à des primo-accédants, 30 % à ceux qui déménagent, 20 % à des investisseurs locatifs.
Le PTZ sera étendu dans les zones tendues et maintenu dans les zones détendues, pour les logements anciens. Parallèlement, nous souhaitons mieux rénover les logements : le PLF pour 2024 renforce MaPrimeRénov', entre autres. Les opérateurs de logement intermédiaire pourront rénover de l'ancien. Nous répondons ainsi à la fois à l'urgence écologique et à l'urgence sociale.
M. Laurent Duplomb . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Votre Gouvernement n'a eu de cesse de tuer l'accession à la propriété, particulièrement dans les campagnes.
Premièrement, les communes ont détruit des routes pour la construction du réseau de gaz naturel. Or vous avez interdit le gaz pour le neuf en 2022, prenant les communes au dépourvu.
Deuxièmement, vous n'avez eu de cesse de durcir les normes écologiques : à Saint-Paulien, pour 35 lots construits, il faut en laisser un pour les grenouilles !
Troisièmement, le « quoi qu'il en coûte » a entraîné l'inflation du prix des matériaux.
Quatrièmement, les taux augmentent. Fini les taux négatifs ! À 5 %, les jeunes ne construisent plus.
Enfin, avec le ZAN, vous en rajoutez une couche : à partir de 2031, il faudra déconstruire pour construire ! Cela reviendra à dépouiller le rural des droits à construire pour les exporter ailleurs. Mais cette politique bobo-écolo parisienne ne revient-elle pas à faire, plutôt que l'aménagement, le déménagement du territoire ? (Marques d'ironie à gauche ; applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Amel Gacquerre applaudit également.)
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. - Voilà bien des propos à charge !
M. Laurent Duplomb. - Nous faisons de la politique !
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. - Nous assumons une planification écologique transversale. Le coût de la construction n'a augmenté que de 50 % en vingt ans. Vous nous accusez de mener une politique bobo-écolo, mais je suis fière d'appartenir à un gouvernement qui fait de la transition écologique un axe essentiel de sa politique, sans dogmatisme.
M. Rémi Cardon . - Le PTZ est central pour les primo-accédants. Bruno Le Maire a annoncé son extension à six millions de personnes supplémentaires, mais cela sera insuffisant pour les primo-accédants dans les territoires ruraux, confrontés à la flambée des prix et des taux.
Or les jeunes sont déjà exclus des zones tendues pour raisons financières. Vous êtes ministre de la ruralité, mais vous abandonnez les zones non tendues ! L'éviction des jeunes ménages des villages empêche le renouvellement de la population et conduit à des fermetures de classes. Comment le Gouvernement compte-t-il aider les jeunes ménages à s'installer dans les zones hors tension, notamment rurales ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE-Kanaky, ainsi que du GEST)
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. - Six millions de personnes supplémentaires bénéficieront du PTZ, qui sera ouvert au logement ancien dans les zones non tendues. On compte 800 000 logements vacants dans nos villages. Le Gouvernement assume d'encourager la rénovation de l'ancien pour faciliter l'accession de primo-accédants. Plutôt que des lotissements, nous privilégions la sobriété foncière.
M. Rémi Cardon. - Selon Bruno Le Maire, 154 communes sont concernées sur toute la France. Or le département de la Somme en compte 772 à lui seul !
Mme Martine Berthet . - Déficit naturel de foncier, pression touristique, obligations spécifiques : ce cocktail explosif explique la pénurie de logements dans les zones de montagne. À la clé, un envol des prix.
Les maires n'ont pas à leur disposition la boîte à outils adéquate pour réagir et trop de stations de montagne subissent un zonage non pertinent, qui les exclut des dispositifs comme le PTZ ou le BRS.
C'est pourquoi j'ai lu avec intérêt l'interview de Patrice Vergriete dans Le Monde et ses propos sur la liberté d'action des maires.
Il faut adapter les outils d'urbanisme pour favoriser le développement de l'habitat permanent. Êtes-vous favorable à une sous-catégorie habitat permanent dans les plans locaux d'urbanisme (PLU) ? Quels autres outils comptez-vous créer ?
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. - Nous poursuivons nos travaux sur la décentralisation du logement : toutes les propositions sont les bienvenues.
Vous appelez de vos voeux une adaptation des règles pour les zones de montagne. Le 18 juillet, le groupe de travail du Gouvernement a ouvert une réflexion en ce sens. Nous voulons y favoriser l'investissement grâce à des outils fiscaux.
Mme Martine Berthet. - Les groupes de travail, c'est bien, mais il faut des décisions concrètes. Pour le moment, c'est l'inverse.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. - Nous avons commencé voilà deux mois.
Mme Sylviane Noël . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Les maires se conforment aux objectifs des logements sociaux en dépit des difficultés financières croissantes et des injonctions contradictoires de l'État, qui stigmatise alors que la crise devrait fédérer les énergies.
En mars, un décret a porté le taux SRU de 20 % à 25 %, doublant mécaniquement la pénalité. Une décision rétroactive, injuste, sans délai ni préavis. Les élus ne voient pas leurs efforts récompensés dans des départements touchés par la rareté du foncier. Alors qu'il manquera 850 000 logements en 2030, l'État instaurera-t-il enfin une politique partenariale avec les collectivités territoriales ?
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. - Oui, nous entendons conduire une politique partenariale. La loi SRU a dynamisé la production de logements sociaux, dont plus de la moitié dans les communes déficitaires. Les tensions justifient la hausse du taux.
Les contrats de mixité sociale (CMS), créés par la loi 3DS, recensent tous les leviers de production de logements sociaux. Les logements en accession sociale sont comptabilisés dans la loi SRU.
Mme Sophie Primas. - Grâce à nous !
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. - En effet.
L'accession sera soutenue dans tous les territoires tendus. Les plafonds de ressources des ménages éligibles seront étendus.
Mme Marie-Claire Carrère-Gée . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) En dix ans, Paris a perdu 120 000 habitants, surtout pour des raisons liées au logement. Les jeunes nés à Paris savent qu'ils ne pourront pas y vivre. Qu'une ville rejette ses propres enfants est cruel. Quel mauvais augure pour l'avenir ! Elle devrait conserver ses talents - les policiers, les artisans, les personnels soignants.
Les inégalités de patrimoine, et donc de revenu à la retraite, entre propriétaires et locataires sont terribles.
Le choix de société de Mme Hidalgo est d'avoir 40 % de logements sociaux, en préemptant à tout-va : cela tend le marché, notamment locatif. (M. Ian Brossat proteste.) Sans doute pour amuser la galerie, la mairie évoque le BRS. Mais c'est de la poudre aux yeux, car il n'y a pas de foncier disponible ! Autant jouer au loto, les chances sont similaires.
Comment aider Paris dans ce contexte ?
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. - J'ajoute à votre énumération les pompiers, eux aussi évincés de Paris.
Je ne porterai pas de jugement sur la politique de la maire de Paris.
M. Ian Brossat. - Très bien !
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. - Je me réjouis toutefois que cette dernière se soit saisie du BRS.
Mme Marie-Claire Carrère-Gée. - Pas suffisamment.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. - Peut-être... Nous multiplions les outils, qui s'appliquent aussi à Paris.
Mme Marie-Claire Carrère-Gée. - Les mesures que vous avez égrenées, madame la ministre, ne répondent pas aux besoins : il faut des actions spécifiques à Paris et une véritable stratégie. Nous voyons la boîte à outils, qui rappelle celle de M. Hollande contre le chômage, mais pas la politique.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. - Nous avons augmenté le plafond de ressources pour accéder aux prêts.
M. Jean-Claude Anglars . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Franck Menonville applaudit également.) Depuis une vingtaine d'années, l'accession à la propriété est problématique : en 2023, seuls 58 % des ménages sont propriétaires. Or parmi les 18-30 ans, 80 % souhaitent le devenir.
Le Gouvernement a fait le choix du ZAN. Mais quid des territoires ruraux ? Le ZAN est une politique comptable, utile pour l'État mais inadaptée aux communes rurales qui devront faire face à de nombreuses contraintes. Il empêchera les ménages modestes de s'y installer. Les travaux du Sénat montrent que le ZAN touchera particulièrement les classes moyennes modestes. Comment le Gouvernement soutiendra-t-il la propriété en milieu rural ?
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. - Nous mettons le paquet sur la rénovation des 800 000 logements vacants dans nos villages. France Ruralité accompagnera les maires en matière d'ingénierie pour rendre cet habitat attractif. (On en doute sur diverses travées.)
Quant aux difficultés des classes moyennes, je les comprends, mais le ZAN est construit à horizon 2030-2035. Laissons-lui le temps, avec notamment la garantie rurale, votée largement par le Sénat. Puis nous réévaluerons la situation.
M. Jean-Baptiste Blanc, pour le groupe Les Républicains . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Les chantiers sont nombreux, il faut repenser de nombreux outils juridiques.
Premièrement, la fiscalité locale doit être rééquilibrée entre finances locales et accès au logement. La suppression de la taxe d'habitation et l'augmentation de la taxe foncière sont néfastes pour les communes comme pour les habitants. Le jeu malsain entre l'État et les collectivités, auquel nous avons assisté cet été, doit cesser.
Deuxièmement, le CNR logement est insuffisant : il n'acte que votre absence d'ambition. Action Logement ne peut pallier les insuffisances de l'État. Il faut plus d'imagination.
Sur le modèle pavillonnaire, je rappelle les propos de la ministre lors de l'examen du projet de loi Climat et résilience. Le malaise vient aussi d'un décret sur l'artificialisation, annulé par le Conseil d'État, et d'un nouveau décret ZAN. En cherchant du foncier pour faire de la ville dense, vous nous avez fait craindre que vous souhaitiez en finir avec le modèle pavillonnaire. L'apport du Sénat en CMP préservait ce modèle sous une certaine forme, or le PTZ remet tout en cause. Au cas par cas, le pavillonnaire est parfois une réponse. Notre proposition de loi offrait une liberté aux élus. Elle a disparu, c'est regrettable.
Dernier chantier : les outils. Établissements publics fonciers (EPF), sociétés d'économie mixte à opération unique (Semop), sociétés publiques locales (SPL), autant d'outils à muscler et à mobiliser pour réinventer notre modèle. C'est ainsi que nous pourrons débloquer cette crise du logement, notamment pour les primo-accédants en milieu rural.
Bref, les chantiers sont nombreux. Il faut tout réinventer. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur plusieurs travées du groupe UC)
La séance est suspendue quelques instants.