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Table des matières
Conventions internationales (Procédure simplifiée)
Programmation militaire pour les années 2024 à 2030 (Conclusions de la CMP)
M. Christian Cambon, rapporteur pour le Sénat de la CMP
M. Sébastien Lecornu, ministre des armées
Objectifs de « zéro artificialisation nette » au coeur des territoires (Conclusions de la CMP)
M. Jean-Baptiste Blanc, rapporteur pour le Sénat de la CMP
Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité
Discussion du texte de la proposition de loi élaboré par la CMP
Biens culturels spoliés entre 1933 et 1945 (Conclusions de la CMP)
Mme Béatrice Gosselin, rapporteure pour le Sénat de la CMP
Mme Rima Abdul-Malak, ministre de la culture
Ordre du jour du mardi 18 juillet 2023
SÉANCE
du jeudi 13 juillet 2023
8e séance de la session extraordinaire 2022-2023
Présidence de M. Vincent Delahaye, vice-président
Secrétaires : Mmes Esther Benbassa et Jacqueline Eustache-Brinio.
La séance est ouverte à 10 h 30.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.
Décès d'un ancien sénateur
M. le président. - J'ai le regret de vous faire part du décès de notre ancien collègue Pierre Martin, sénateur de la Somme de 1995 à 2014.
Conventions internationales (Procédure simplifiée)
M. le président. - L'ordre du jour appelle l'examen de deux projets de loi tendant à autoriser la ratification ou l'approbation de conventions internationales.
Le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant la ratification de la résolution A.1152 (32) relative aux amendements à la convention du 6 mars 1948 portant création de l'Organisation maritime internationale est définitivement adopté.
Le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant l'approbation du premier amendement à la convention adoptée à Espoo le 25 février 1991 sur l'évaluation de l'impact sur l'environnement dans un contexte transfrontière et du protocole à la convention adoptée à Espoo le 25 février 1991 sur l'évaluation de l'impact sur l'environnement dans un contexte transfrontière relatif à l'évaluation stratégique environnementale est définitivement adopté.
Programmation militaire pour les années 2024 à 2030 (Conclusions de la CMP)
M. le président. - L'ordre du jour appelle l'examen des conclusions de la commission mixte paritaire (CMP) chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2024 à 2030 et portant diverses dispositions intéressant la défense.
M. Christian Cambon, rapporteur pour le Sénat de la CMP . - (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP, du RDPI, du RDSE et du groupe SER) Nos soldats font admirablement leur devoir, et c'est pour eux que nous sommes réunis : je leur rends un hommage solennel.
Pour le Gouvernement, faire son devoir, c'était donner les moyens à nos armées de remplir leurs missions. Ce projet de loi de programmation militaire (LMP) marque la remontée des crédits et des effectifs pour nos armées : monsieur le ministre, nous vous en donnons acte et vous en remercions.
Pour le Parlement, faire son devoir, c'était soutenir cet effort en lui donnant l'assise démocratique la plus large possible, mais aussi en dissipant certains flous, grâce à un travail approfondi. Je salue les membres de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées et les rapporteurs pour avis des commissions des finances et des lois, ainsi que le président Thomas Gassilloud et le député Jean-Michel Jacques, avec qui nous avons échangé de manière constructive. Nous avons ainsi obtenu un consensus très large des groupes politiques.
Je vous remercie, monsieur le ministre, et je salue les efforts de la Première ministre pour lever certains obstacles. Les échanges ont été francs et directs, dans un esprit constructif et exigeant.
Le Sénat a enrichi le texte, sur la trajectoire financière tout d'abord : elle accélère, avec 2,3 milliards d'euros de plus inscrits sur 2024-2027.
Sur le contrôle parlementaire, ensuite : l'actualisation ne passera que par la loi - nous ne voulons pas revivre l'épisode de 2021 -, et nous avons obtenu une amélioration de l'information dans le domaine capacitaire. La délégation parlementaire au renseignement (DPR) voit ses compétences étendues. Cependant, monsieur le ministre, nous attendons de travailler avec vous sur la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR). Quant au contrôle des exportations, nous saluons le geste du Gouvernement.
Sur le financement des entreprises de défense, enfin : une partie de la ressource du livret A y sera affectée, fruit d'un compromis avec les députés. C'est une première étape, il faudra aller plus loin.
Nos armées attendaient cette loi de programmation, la nation en a besoin. Je vous invite à adopter les conclusions de la CMP. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP, du RDPI, du RDSE et du groupe SER)
M. Sébastien Lecornu, ministre des armées . - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Je quitte à l'instant les familles des morts pour la France, rassemblées autour de nous à l'hôtel de Brienne.
M. Christian Cambon, rapporteur. - Nous allons les recevoir au Sénat.
M. Sébastien Lecornu, ministre. - En cet instant si important, j'ai une pensée pour les femmes et hommes qui ont fait le choix de l'engagement.
Tous les cinq à sept ans, le Parlement fixe un cap à notre défense nationale et à nos armées. La nation prend alors la mesure du rôle fondamental que jouent nos militaires pour notre sécurité et notre prospérité. Les puissances étrangères, nos alliés, mais aussi nos compétiteurs nous observent et prennent acte de la puissance de notre République.
L'histoire militaire française est singulière, le contexte mondial l'est tout autant. Les sujets militaires ne sont toujours pas consensuels, même si un seul des quatorze précédents projets de loi de programmation militaire n'a pas été voté, en 1992. Le Sénat avait d'ailleurs rejeté le premier, en 1960.
Ce sont bien des sujets politiques. Des modèles s'affrontent : alliances, dissuasion, emploi des forces. Je suis honoré d'avoir mené ces débats avec les deux chambres, éclairage salutaire sur les positions de chaque groupe.
En grande majorité, nous nous retrouvons sur les fondamentaux. Toutefois, ici, et davantage à l'Assemblée nationale, le débat révèle des visions du monde irréconciliables, malgré certaines clarifications inédites et bienvenues. Ainsi, certaines tendances politiques restent floues sur notre modèle d'alliances et sur le rôle de notre dissuasion nucléaire.
Certaines critiques sont à entendre, mais les contre-propositions crédibles manquent, sur des sujets aussi essentiels que nos alliances bilatérales et multilatérales ou sur le bilan objectif de notre action, par exemple en Afrique.
Le Gouvernement réaffirme sa ligne de conduite en matière d'industrie de défense : privilégier les intérêts de la France. Je me suis engagé, monsieur Cambon, à revenir devant vous à chaque nouvelle phase des programmes comme le Scaf (Système de combat aérien du futur) ou le MGCS (Main Ground Combat System). Je m'engage également à débattre avec vous de la dissuasion nucléaire, si vous le souhaitez.
L'adhésion majoritaire du Sénat à notre modèle d'armée a concentré le débat sur sa dimension budgétaire - j'y vois une vertu du bicamérisme. J'ai entendu votre demande, qui consistait à amplifier l'effort en première période. Désormais, nous avons moins besoin d'un débat d'experts que d'un débat populaire.
Le Parlement a trouvé toute sa place dans la discussion. Le débat sur l'exécution de la LPM, avant chaque loi de finances, est un renforcement historique du contrôle parlementaire. Le Parlement s'assurera de l'adaptation des choix du passé aux menaces : trop souvent, l'observance stricte de la programmation nous donne un temps de retard - le précédent des drones ne peut être répété.
Le succès de la LPM tient à une forme de responsabilité budgétaire, au service d'une ambition militaire crédible : il nous faut des capacités concrètes, adaptées aux menaces actuelles et futures. Le compromis trouvé répond au besoin de cohérence d'une armée d'emploi, qui fidélise et entraîne davantage ses forces dans la durée. Je remercie Christian Cambon pour un dialogue franc et constructif, ferme et fiable. C'est précieux. Le Parlement, en CMP, a amplifié les moyens en début de période sans alourdir la facture globale.
Cette LPM n'est pas un aboutissement. Elle est le fruit de l'ambition du Président de la République, chef des armées, de réparer et transformer notre armée, dès 2017. Désormais, il faudra débattre de nouveaux sujets, comme la réarticulation de notre politique en Afrique. J'entends aussi l'appel de Rachid Temal à approfondir nos échanges sur l'Otan - je suis disponible. (M. Rachid Temal et Mme Marie-Arlette Carlotti s'en félicitent.)
Le contrôle démocratique sur nos services de renseignement devra faire l'objet de nouvelles discussions ; idem pour les exportations. Cela étant, il ne faut pas compromettre nos opérations ou menacer la sécurité de nos agents, à qui je rends hommage. (M. Pascal Allizard abonde.)
Le Parlement s'est aussi largement emparé du sujet du financement des entreprises de notre base industrielle et technologique de défense (BITD), en particulier des PME et ETI.
Sur les ressources humaines, tout est dans l'exécution ; le Parlement devra être associé.
Enfin, nous devons à nos concitoyens ultramarins de prendre au sérieux les enjeux des outre-mer.
Humblement, mais de manière engagée, ce fut un honneur pour moi de défendre cette nouvelle LPM. Nous nous sommes livrés à un exercice sans tabou, pour offrir à nos soldats et à nos concitoyens un débat à la hauteur des défis, dans la continuité de notre histoire, en lien avec les anciens combattants comme avec la jeunesse. Ce débat collectif a prouvé que la démocratie est efficace pour nous armer, quand tant d'autres vantent un modèle autoritaire.
Que cette LPM soit féconde pour le succès de nos armées et de la France ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP et SER, du RDPI et du RDSE)
M. Jean-Noël Guérini . - (Applaudissements sur les travées du RDSE et du RDPI) Malgré les difficiles négociations en amont de la CMP, je garde en mémoire les 314 voix exprimées en faveur de ce projet de loi de programmation, qui sont au diapason des attentes de nos militaires et révélatrices du consensus républicain autour de cet effort budgétaire de 413 milliards d'euros.
Il nous appartient désormais de veiller au respect des engagements. Je regrette que la CMP ait amputé des mesures proposées par le Sénat, comme la création d'une commission de vérification des exportations d'armement au sein de la DPR, remplacée par un dispositif flou.
Exit le livret souveraineté, qui ne serait pas, selon le ministère des finances, de nature à financer la BITD. Quant à déshabiller le livret A en pleine crise du logement, je vous dis : bravo, mais pas merci... Exit aussi le contrôle renforcé des techniques de renseignement. Exit encore nos demandes de matériels supplémentaires.
Cependant, je salue la progression régulière des crédits, conformément aux demandes de notre commission. Pour paraphraser M. Cambon, ce compromis répond à l'effet d'accélération demandé par nos armées, pour atteindre 67 milliards d'euros en 2030.
La CMP confirme une meilleure information du Parlement sur le soutien à l'Ukraine et retient des mesures mémorielles bienvenues, notamment un assouplissement des critères d'attribution de la mention « mort pour la France ».
Malgré des réserves, le RDSE, en responsabilité, estime que la LPM n'est pas qu'une farandole de chiffres : elle défend nos armées. Nous la voterons. (Applaudissements des travées du groupe Les Républicains jusqu'aux travées du RDPI)
M. Pascal Allizard . - Comme législateurs, nous savons que toutes les lois sont importantes, mais certaines le sont plus que d'autres. Ainsi, la LPM touche à l'essentiel ; elle est un socle sur lequel repose la vocation première de l'État : protéger les Français.
Ce texte clôt un cycle de sept mois. Notre commission, avec celles des lois et des finances, a oeuvré pour l'enrichir. Nous sommes allés au fond des choses, afin de produire un texte crédible et opérationnel pour les armées françaises, très sollicitées en Opex depuis quelques années.
L'accord trouvé en CMP est une bonne nouvelle. La plupart des orientations retenues par le Sénat ont été conservées. En particulier, le Sénat a obtenu que l'effort soit rehaussé dès l'année prochaine, avec 2,3 milliards d'euros supplémentaires mobilisés d'ici à 2027. C'était fondamental face aux menaces grandissantes, mais aussi à l'inflation - dépenser un peu plus vite, c'est économiser sur la totalité de la période.
Le renforcement du contrôle du Parlement rappelle que la défense est l'affaire de tous.
Le texte tient compte des difficultés de financement des entreprises de la BITD, notamment des PME et des ETI, tout comme des contraintes normatives. Nous devons absolument préserver un outil industriel performant pour ne pas devenir captifs de l'industrie américaine.
La création d'un environnement plus favorable pour les banques et les investisseurs se met en place. Le fléchage d'une partie du livret A vers les entreprises de la défense est une première étape - un bilan est prévu dans trois ans. Nous améliorons aussi la visibilité des entreprises sur les commandes.
Dans le nouvel ordre mondial, la France doit conserver un rôle de premier plan. La modernisation de notre dissuasion y concourt. Les conflits de haute intensité ou hybrides requerront plus d'agilité, mais aussi plus de moyens ; le Sénat a contribué à faire mieux dans ce domaine.
Le groupe Les Républicains votera cette LPM, jalon important sur le chemin de la restauration des armes de la France. Nous devrons rester vigilants sur son exécution. Nous devons cette exigence aux Français, ainsi qu'à tous ceux qui s'engagent pour défendre notre pays. En cette veille de 14 juillet, nous avons pour eux une pensée fraternelle et respectueuse. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC, ainsi que du RDPI et du RDSE)
M. Emmanuel Capus . - Foch disait : « Un homme sans mémoire est un homme sans vie ; un peuple sans mémoire est un peuple sans avenir ». La France sait que la sécurité n'est pas donnée, mais doit être acquise. Certains refusaient de voir qu'une prospérité sans défense ne protégeait pas des agressions. L'invasion russe de l'Ukraine marque la fin des illusions - le réveil est douloureux pour les Européens.
À moins de 3 000 kilomètres de Paris, deux armées modernes s'affrontent. La France doit désormais faire face à une menace de haute intensité. La guerre est de retour sur notre continent : 300 000 soldats auraient été mis hors de combat, 100 000 Russes et 200 000 Ukrainiens.
Changement de paradigme : la Russie a perdu 2 000 chars, la France en a 200 en tout et pour tout... Les femmes et hommes de nos armées ont cependant toujours réussi à remplir les missions délicates qui leur ont été confiées. Je leur rends hommage et salue la mémoire de ceux qui sont tombés.
Les menaces hybrides, émanant d'États comme d'acteurs asymétriques, nous imposent une massification et une montée en gamme. La trajectoire financière de la programmation a été renforcée en CMP, le contexte géopolitique imposait d'accélérer le calendrier. La dissuasion nucléaire est la clé de voûte de notre sécurité stratégique, elle doit être maintenue au plus haut niveau capacitaire.
Nos entreprises de la BITD ont besoin de commandes et doivent pouvoir exporter. Pour être souverains, les Européens doivent acheter européens. Nous nous réjouissons qu'une fraction du livret A soit fléchée vers nos entreprises de défense.
D'ici à 2030, les effectifs globaux seront portés à 275 000 et ceux de la réserve opérationnelle à 80 000, ce qui représente un coût élevé.
« L'État pourrait être efficace dans la police et la justice, s'il ne s'occupait pas de mille préoccupations accessoires », disait Frédéric Bastiat. Il en va de même de nos armées. Nous devrons y veiller. (Mme Joëlle Garriaud-Maylam applaudit.)
M. Guillaume Gontard . - (Applaudissements sur les travées du GEST) Nous saluons les avancées obtenues, notamment en matière de contrôle parlementaire sur ce domaine réservé de l'exécutif, véritable incongruité démocratique. Le Parlement se prononcera sur l'actualisation de programmation en 2027, et un Livre blanc préparera la prochaine. Nous regrettons cependant que la CMP ait amputé les compétences de la commission parlementaire de contrôle des exportations d'armes, qui devient une simple commission d'évaluation : c'est un net recul par rapport à l'ambition première du Sénat.
Cette LPM demande un effort budgétaire important à la nation : 118 milliards d'euros supplémentaires. Le président du Haut Conseil des finances publiques souligne les incertitudes sur le financement d'une partie des ressources extrabudgétaires : nous ne sommes pas rassurés.
Enfermé dans son dogmatisme, le Gouvernement refuse de faire contribuer les plus aisés à l'effort national et promet un retour du déficit public à 3 % à la fin du quinquennat. Nous ne savons toujours pas comment vous financerez cette LPM. Les crédits d'autres politiques publiques tout aussi essentielles seront amputés : les défis climatiques sont trop nombreux pour que nous laissions filer nos dépenses militaires.
Cette programmation ne répond que partiellement aux besoins, notamment à ceux de notre armée de terre. La France maintient un modèle d'armée globale reposant sur une dissuasion très coûteuse et inadaptée.
En refusant d'établir des priorités, le Gouvernement expose le pays à un double risque : échantillonnage des moyens ou augmentation exponentielle des dépenses dans les prochaines décennies. Pour nous, notre armée doit être rationalisée et intégrée à l'échelle européenne.
Si la LPM reste peu diserte sur plusieurs sujets, nous nous réjouissons de certaines avancées obtenues par les groupes écologistes des deux chambres : amélioration de l'inclusivité et de la mixité dans nos armées, affirmation de quelques ambitions en matière de transition énergétique, rappel de nos engagements de non-prolifération.
Dans l'ensemble, nous saluons le travail parlementaire sur ce texte et vous remercions, monsieur le ministre, pour nos échanges constructifs. (M. Sébastien Lecornu remercie à son tour l'orateur.) Il y a un an, nous étions en droit de croire que tous les textes législatifs de la mandature, sans majorité absolue, seraient examinés de la sorte... Néanmoins, étant donné nos réserves, nous nous abstiendrons. (Applaudissements sur les travées du GEST)
M. Ludovic Haye . - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Avec Nicole Duranton, que j'associe à mon intervention, je salue nos militaires en cette veille de Fête nationale : nous les remercions pour leur altruisme, leur professionnalisme et leur abnégation au service de notre protection.
Ce texte sert la souveraineté de la France et marquera notre politique de défense pour les sept prochaines années.
Dès 2017, le Président de la République a engagé une politique de rupture pour mettre un terme à plusieurs décennies de diminution de nos capacités militaires. Alors que la grammaire de la force fait son retour dans les relations internationales, la France devait renouer avec la grammaire de la puissance, renforcer ses moyens pour garantir son autonomie stratégique, assurer ses engagements envers l'Otan et l'Union européenne et s'affirmer comme puissance d'équilibre.
À l'horizon 2030, nous visons un modèle d'armée complet et équilibré, apte à répondre à des menaces protéiformes. Nous passons d'une loi de réparation à une loi de transformation de nos capacités de défense. L'excellence française doit reprendre toute sa place dans le monde.
Cette LPM prévoit un effort particulier pour l'outre-mer, de 13 milliards d'euros : notre groupe y est sensible. Nos forces de souveraineté bénéficieront d'un effort sur le plan capacitaire, afin de décourager toute tentative de déstabilisation ou de prédation.
Je salue l'exemplarité des travaux menés par nos deux chambres et remercie l'ensemble de nos collègues. Le travail parlementaire sur ce texte fera date. La concorde et l'écoute ont été les maîtres mots en CMP. Je salue le dialogue constructif avec le ministre des armées.
La CMP a acté une accélération des investissements sur les quatre premières années et trouvé un accord sur les augmentations annuelles, avec 2,3 milliards d'euros redéployés sur les années 2027-2030.
Cette LPM envoie le message clair d'une France qui répond aux besoins de transformation de ses armées, qui souhaite avancer sans s'interdire d'ambitieux programmes de coopération.
Je vous invite à voter ce texte. Il y va de la grandeur de la France. Un grand homme nous a appris qu'une seule attitude nous est permise : viser haut et se tenir droit. (Applaudissements sur les travées du RDPI, du RDSE, des groupes INDEP et UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains)
M. Rachid Temal . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Le groupe SER votera ce texte avec satisfaction et exigence. La LPM a été un exemple de coconstruction avec les deux chambres - puissent d'autres ministres s'en inspirer...
La CMP a retenu de nombreux apports du Sénat, portés notamment par notre groupe. Ainsi, il était important de commencer par définir les objectifs de cette LPM, tout en gardant une certaine souplesse. Sur le plan financier, nous étions satisfaits des 400 plus 13 milliards d'euros. Nous nous réjouissons que la « bosse » prévue pour 2027-2030 ait été ramenée à 2023-2027. Ces sommes supplémentaires devront aller à l'entraînement, à la fidélisation des postes et à l'entretien du matériel.
De même, nous nous satisfaisons des mesures visant à améliorer la vie de nos troupes, notamment sur le plan indiciaire.
La précédente LPM faisait l'impasse sur le contrôle parlementaire. Nous saluons donc le principe d'un bilan et d'un Livre blanc, ou kaki pour ceux qui préfèrent, pour préparer la prochaine LPM. C'est un élément important du lien armées-nation.
Le groupe SER se réjouit également que le principe d'une évaluation des ventes d'armes ait été conservé, sous la forme d'une commission parlementaire. Nous soutenons notre industrie de défense et souhaitons que la France conserve son rang, voire progresse en la matière, mais il est essentiel que le débat démocratique ait lieu. À cet égard, nous saluons le compromis trouvé : c'est une première.
Comme nous l'avons fait sur la politique de la France en Afrique, il faudra tenir des débats sur l'Otan ou la politique européenne de défense - je pense notamment à l'aide à apporter à nos amis ukrainiens.
Pour conclure, je veux souligner le travail des deux chambres et saluer la méthode du président Cambon, qui a su associer tous les groupes, ainsi que la capacité d'écoute et de discussion « à l'ancienne » du ministre des armées.
Enfin, je rends hommage aux femmes et aux hommes qui composent nos armées et qui, parfois, donnent leur vie pour la France. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du RDPI, ainsi que sur quelques travées des groupes UC et Les Républicains)
M. Pierre Laurent . - C'est donc un projet coécrit par le Gouvernement et la droite sénatoriale qui a été adopté en CMP. Les différends budgétaires ont été résolus, et la CMP a consacré l'augmentation accélérée des dépenses militaires. Au moment où Gabriel Attal annonce un serrage de vis, la LPM prévoit, elle, 48,5 milliards d'euros dès 2024, 69 milliards en 2030 - 413 milliards au total, auxquels s'ajoutent les Opex et les dépenses pour Ukraine. Celles-ci vont durer, le sommet de l'Otan venant de consacrer la perspective d'une guerre longue et coûteuse, au lieu de la recherche de la paix...
M. Sébastien Lecornu, ministre. - Ce n'est pas l'Otan qui fait la guerre.
M. Pierre Laurent. - Cette LPM s'inscrit dans un contexte d'escalade militaire mondiale qui, loin de réduire l'insécurité collective, la nourrit : surarmement, militarisation des espaces communs...
Malgré l'augmentation des crédits, des paradoxes demeurent dans l'équipement de nos forces. On privilégie la dissuasion nucléaire, avec 54 milliards d'euros supplémentaires, mais l'opacité est totale. Alors que cette stratégie est censée être le socle de notre protection, aucun débat n'a eu lieu sur cette question. Notre proposition d'accéder au statut d'observateur du Traité sur l'interdiction des armes nucléaires (Tian) a été repoussée sans ménagement. Nous avons passé plus de temps à débattre de la tenue des futurs réservistes... Rien non plus sur la promotion de la paix, le désarmement multilatéral ou la stratégie de prévention des conflits ; la ministre des affaires étrangères n'a d'ailleurs pas assisté à nos débats.
Cette LPM consacre aussi un tournant vers une stratégie militaire agressive et totalement otanienne. Le sommet de Vilnius vient de confirmer que les Américains mènent le bal : ce sont eux qui ont annoncé l'accord honteux avec la Turquie pour faire entrer la Suède dans l'Otan, eux qui fixent les calendriers ou la stratégie indopacifique d'hostilité à la Chine. La France en est réduite à jouer les bons élèves, livrant à l'Ukraine des missiles Scalp alors que les États-Unis annoncent la livraison d'armes à sous-munitions, bannies par la convention d'Oslo.
M. Sébastien Lecornu, ministre. - Quel est le rapport ?
M. Pierre Laurent. - Autre problème, la LPM fait reposer le financement de notre souveraineté industrielle sur l'augmentation des ventes d'armes. Nous faisons ainsi du Premier ministre indien Modi l'invité d'honneur du 14 juillet, après avoir reçu Mohammed ben Salmane. C'est sans doute ce que vous appelez défendre le camp de la démocratie...
Bref, nous avons de nombreuses raisons de voter contre cette LPM, comme nos collègues de l'Assemblée nationale.
Le texte entérine le principe d'un contrôle parlementaire des ventes d'armes, même si son périmètre est insuffisant. Nous entendons réclamer la transparence, car les ventes d'armes ne sauraient être la variable d'ajustement de notre balance commerciale. Plus largement, de nombreuses étapes de contrôle parlementaire sont prévues. Le groupe CRCE y participera activement, car nous entendons rester fortement impliqués dans ce débat. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE)
M. Olivier Cigolotti . - (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains et du RDPI) Avec cette LPM, il s'agit de préparer un modèle pour nos armées dans un contexte international en profonde mutation. Nous devons moderniser la troisième génération de la dissuasion et renouveler des équipements conventionnels majeurs sans négliger les nouveaux défis technologiques.
La grande majorité des sénateurs partagent l'ambition du Gouvernement de redresser nos capacités et d'en prévoir la transformation. Le texte permet d'importants investissements dans le spatial, les drones, le cyber, le renseignement. Il renouvelle notre arsenal de dissuasion nucléaire, océanique comme aérienne, afin de conserver une capacité d'intervention - ce qui exige dès à présent un budget substantiel. Je salue les 5 milliards d'euros alloués au programme de porte-avions nouvelle génération, qui devrait donner un successeur au Charles-de-Gaulle.
Je salue le travail du Sénat, tant en commission qu'en séance. La CMP a largement repris ses apports, notamment sur le contrôle parlementaire de l'exécution de la programmation, la souplesse dans les marchés publics de défense et de sécurité et l'adoption d'une trajectoire ambitieuse de hausse des effectifs de la réserve opérationnelle.
Cependant, reports de charges et marges frictionnelles ont rendu les discussions difficiles. Les marches d'évolution budgétaire très progressives repoussaient après 2027 la plus forte hausse des dépenses. Le compromis trouvé en CMP répond à la principale demande du Sénat, en actant un effort significatif de 3,3 milliards d'euros dès 2024 et 2025, puis de 3,2 milliards en 2026 et 2027. Cet ajustement est très attendu par nos armées, notamment pour le maintien en condition opérationnelle du matériel et la préparation opérationnelle de nos forces.
Le travail collectif sur cette LPM améliore aussi les conditions de vie du personnel de la défense et des familles, bonifie le statut des réservistes et renforce notre crédibilité stratégique.
Le groupe UC votera ce texte majeur. À la veille du 14 juillet, ayons une pensée pour ceux qui, au quotidien, assurent notre sécurité. Le défilé militaire de cette année mettra à l'honneur les forces morales de la France. C'est un thème porté par toutes les générations, notamment par la jeunesse, qui incarne le présent et l'avenir de nos armées. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains et du RDPI ; M. Rachid Temal et Mme Hélène Conway-Mouret applaudissent également.)
À la demande de la commission et du groupe SER, le projet de loi est mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°331 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 330 |
Pour l'adoption | 313 |
Contre | 17 |
Le projet de loi est définitivement adopté.
(Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP, du RDSE et du RDPI, ainsi que sur quelques travées du groupe SER)
La séance est suspendue quelques instants.
Objectifs de « zéro artificialisation nette » au coeur des territoires (Conclusions de la CMP)
M. le président. - L'ordre du jour appelle l'examen des conclusions de la commission mixte paritaire (CMP) chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à renforcer l'accompagnement des élus locaux dans la mise en oeuvre de la lutte contre l'artificialisation des sols.
M. Jean-Baptiste Blanc, rapporteur pour le Sénat de la CMP . - (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP) Jeudi dernier, nous sommes parvenus à un accord en CMP sur cette proposition de loi. L'Assemblée nationale en a adopté les conclusions hier.
Trouver un accord n'a pas été sans mal, et la CMP a failli ne pas aboutir. Le chemin de ce texte a été semé d'embûches, et bien des compromis ont été nécessaires pour le porter sur les fonts baptismaux... Je salue l'engagement et la ténacité de la présidente Valérie Létard (applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP et CRCE, du RDSE et du RDPI) et des membres de la commission spéciale. Les territoires leur doivent beaucoup.
Nous avons défendu ce texte dans un esprit transpartisan, dès la mission conjointe de contrôle dont il est l'aboutissement, puis au sein de la commission spéciale. Dès son adoption, en mars, nous avons bataillé pour son inscription à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale.
Le ministre Christophe Béchu nous a fait une proposition assez baroque : faire passer la moitié des articles par voie réglementaire. Cela revient à demander au législateur de se dessaisir de son pouvoir. Après des échanges nourris, nous avons accepté, faisant le choix de la responsabilité et de la confiance.
Responsabilité, parce que les élus attendent la garantie communale de développement, le droit de préemption élargi, le sursis à statuer et le décompte à part des grands projets.
Confiance, parce que c'est un travail partenarial qui a été mené avec le ministère pour rédiger les décrets, sur des dispositions essentielles comme la non-prescriptivité du schéma régional d'aménagement et de développement durable du territoire (Sraddet), la prise en compte des efforts passés et le traitement des jardins pavillonnaires.
Les décrets ont été ouverts à la consultation publique le 13 juin, et le Conseil national d'évaluation des normes (Cnen) va se prononcer. Nous resterons très vigilants jusqu'à leur publication. Idem pour le décret sur la commission de conciliation sur les grands projets. Les décrets ne sauraient être la variable d'ajustement des imperfections de la loi Climat et résilience. À la première alerte, nous rouvrirons le chantier législatif.
La CMP a préservé les points essentiels. Nous avons obtenu le report de la modification des documents de planification et d'urbanisme, préservé le rôle central des collectivités territoriales dans la gouvernance du ZAN, avec une conférence régionale pour piloter sa mise en oeuvre, et le droit pour les régions de proposer les projets d'envergure nationale.
Nous avons redonné des marges de manoeuvre aux élus locaux avec le sursis à statuer, le droit de préemption élargi, la prise en compte de la renaturation dès 2021. Nous avons aussi rétabli l'universalité de la garantie communale. Les grands projets seront comptabilisés à part. Certes, ils ne sont pas exclus, mais un bon compromis, n'est-ce pas quand tout le monde est mécontent ? La loi précise que la mutualisation sera limitée à 10 000 hectares, pas un de plus.
Il faudra maintenant beaucoup de pédagogie pour que nos élus s'emparent pleinement de ces nouveaux outils. Le levier de la fiscalité sera le prochain grand chantier. (Applaudissements sur toutes les travées à l'exception de celles du GEST)
Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité . - Je vous prie d'excuser Christophe Béchu, retenu en Conseil des ministres pour présenter le projet de loi d'urgence d'accélération de la reconstruction des bâtiments dégradés ou démolis au cours des émeutes.
La lutte contre l'artificialisation des sols est décisive pour limiter notre empreinte environnementale : un sol artificialisé ne stocke plus de CO2 ; il est stérile pour la biodiversité ; imperméable, il dérègle le cycle de l'eau.
Depuis 1981, les terres artificialisées seraient passées de 3 à 5,1 millions d'hectares - bien plus que la croissance de la population.
Face à cette urgence, le Parlement a adopté la trajectoire « zéro artificialisation nette » dans la loi Climat et résilience. L'engagement est double : diviser par deux la consommation d'espaces naturels, agricoles et forestiers (Enaf) sur la décennie 2021-2031, ce qui revient à prolonger la baisse avec un effort supplémentaire, mais limité, pour un objectif moyen de consommation de 12 500 hectares par an d'ici 2031.
La marche d'après, c'est de parvenir au ZAN à l'horizon 2050. Cela revient à faire le solde entre surfaces nouvellement artificialisées et surfaces rendues à la nature.
Nous ne sommes pas seuls : de nombreux pays européens ont pris des mesures en ce sens. L'horizon fixé au niveau européen est le ZAN en 2050.
Notre objectif constant a été de garantir l'application de la trajectoire, mais aussi de privilégier la concertation avec les élus locaux pour sa mise en oeuvre territorialisée.
La proposition de loi a fait l'objet de plus de treize heures d'examen en séance au Sénat, quinze heures à l'Assemblée nationale et six heures en CMP. Mais un chemin de consensus s'est dessiné, nourri d'échanges avec les associations d'élus.
Ce texte contient des mesures de bon sens : prise en compte de la renaturation avant 2021, droit de préemption élargi et sursis à statuer pour les communes, anticipation du recul du trait de côte, notamment.
Il y avait aussi des dispositions d'ordre réglementaire, comme les liens juridiques entre documents d'urbanisme ou la prise en compte des efforts passés. Elles ont été intégrées dans la réécriture des décrets du 29 avril 2022, soumis à consultation publique.
Comme la Première ministre l'avait annoncé lors du Congrès des maires, la prise en compte des communes les plus petites est assurée, avec une garantie rurale universelle fixée à un hectare.
Les plus grandes villes sont aussi prises en compte, avec la comptabilisation spécifique des grands progrès d'envergure nationale, comme les LGV ou le canal Seine-Nord, qui consomment beaucoup d'espace. Selon le compromis trouvé en CMP, la liste des projets restera définie par l'État, après consultations, avec un droit de proposition des régions. Au sein du forfait de 12 500 hectares, 10 000 hectares seront mutualisés entre les régions couvertes par un Sraddet.
C'est bien un texte de compromis, qui adapte la loi Climat et résilience aux réalités des territoires, sans revenir sur les objectifs et la trajectoire collectivement fixés en 2021. Souhaitons que les territoires se l'approprient : c'est la condition de son efficacité.
Nous nous reverrons sur ces sujets. L'État sera au rendez-vous pour accompagner les collectivités, notamment les plus petites, en matière d'ingénierie. Il faut également poursuivre la réflexion sur la fiscalité comme outil de lutte contre l'artificialisation. La transition écologique est un défi qui mérite que l'on dépasse les clivages. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe UC, ainsi qu'au banc des commissions)
Discussion du texte de la proposition de loi élaboré par la CMP
M. le président. - En application de l'article 42, alinéa 12 du Règlement, le Sénat examinant le texte après l'Assemblée nationale, il se prononce par un seul vote sur l'ensemble en ne retenant que les amendements présentés par le Gouvernement.
ARTICLE 1er
M. le président. - Amendement n°1, présenté par le Gouvernement.
Alinéa 4
Après les mots :
du 5°,
insérer les mots :
les mots : « et le plan » sont supprimés et
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. - Tous ces amendements sont rédactionnels.
M. Jean-Baptiste Blanc, rapporteur. - Avis favorable.
ARTICLE 3
M. le président. - Amendement n°2, présenté par le Gouvernement.
I. - Alinéa 1
Remplacer cet alinéa par trois alinéas ainsi rédigés :
I. - L'article 194 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 précitée est ainsi modifié :
1° À la seconde phrase du 4° du III, les mots : « au V » sont remplacés par les mots : « à l'article L. 1111-9-2 du code général des collectivités territoriales » ;
2° Le V est abrogé.
II. - Après l'alinéa 1
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
II. - Après l'article L. 1111-9-1 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un article L. 1111-9-2 ainsi rédigé :
III. - Alinéa 2
Remplacer la référence :
V.
par la référence :
Art. L. 1111-9-2. -
IV. - Alinéa 15
Supprimer les mots :
le président du conseil exécutif de la collectivité de Corse,
V. - Après l'alinéa 15
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« En Corse, la chambre des territoires prévue à l'article L. 4421-3 du code général des collectivités territoriales se substitue à la conférence régionale de gouvernance de la politique de réduction de l'artificialisation des sols.
IV. - Alinéa 16
Après le mot :
mentionnées
Rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
selon les cas aux articles L. 4251-5, L. 4424-13 et L. 4433-10 du présent code et à l'article L. 123-7 du code de l'urbanisme.
V. - Alinéa 17
Après le mot :
prévues
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
au 8° du III de l'article 194 n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets.
VI. - Alinéa 18
Remplacer la référence :
V
par le mot :
article
VII. - Alinéa 20
1° Première phrase
Remplacer les mots :
du code général des collectivités territoriales
par les mots :
du présent code
2° Deuxième phrase
Après le mot :
infrarégionaux
supprimer la fin de cette phrase ;
3° Troisième phrase
Remplacer la référence :
V
par le mot :
article
VIII. - Alinéa 24
Remplacer les mots :
mentionnée au deuxième alinéa de l'article L. 4251-1 du code général des collectivités territoriales, au quatrième alinéa du I de l'article L. 4424-9 du même code, au troisième alinéa de l'article L. 4433-7 dudit code et au dernier alinéa de l'article L. 123-1 du code de l'urbanisme
par les mots :
prévue pour les documents de planification régionale
IX. - Alinéa 27
1° Remplacer les mots :
1er juillet et le 31 décembre 2027
par les mots :
1er janvier et le 30 juin 2027
2° Remplacer la référence :
V
par le mot :
article
X. - Alinéa 28
Supprimer cet alinéa.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. - Défendu.
M. Jean-Baptiste Blanc, rapporteur. - Avis favorable.
ARTICLE 4
M. le président. - Amendement n°3, présenté par le Gouvernement.
I. - Alinéa 14
Après le mot :
opérations
insérer les mots :
de construction ou
II. - Alinéa 17
1° Première phrase
Remplacer les mots :
au V
par les mots :
à l'article L. 1111-9-2 du code général des collectivités territoriales
2° Deuxième phrase
Compléter cette phrase par les mots :
qui présentent un intérêt général majeur
III. - Alinéa 18
Remplacer la référence :
au V
par les mots :
à l'article L. 1111-9-2 du code général des collectivités territoriales
IV. - Alinéa 21
Remplacer la première occurrence du mot :
et
par le signe :
,
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. - Défendu.
M. Jean-Baptiste Blanc, rapporteur. - Avis favorable.
ARTICLE 7
M. le président. - Amendement n°4, présenté par le Gouvernement.
I. - Alinéa 6
Supprimer les mots :
mentionnées au présent 3° bis
II. - Alinéa 8
Supprimer cet alinéa.
III. - Alinéa 9
1° Au début
Supprimer la référence :
G. -
2° Après le mot :
conférence
insérer les mots :
régionale mentionnée à l'article L. 1111-9-2 du code général des collectivités territoriales
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. - Défendu.
M. Jean-Baptiste Blanc, rapporteur. - Avis favorable.
ARTICLE 10
M. le président. - Amendement n°5, présenté par le Gouvernement.
I. - Alinéa 1
Rédiger ainsi cet alinéa :
I. - Après l'article L. 321-15 du code de l'environnement, il est inséré un article L. 321-15-1 ainsi rédigé :
II. - Alinéa 2
1° Remplacer la référence :
3° ter
par la référence :
Art. L. 321-15-1. -
2° Après le mot :
sols
insérer les mots :
dans les documents de planification régionale et d'urbanisme
3° Remplacer les mots :
code de l'environnement
par les mots :
du présent code
III. - Alinéa 3
Remplacer les mots :
Pour l'évaluation des objectifs chiffrés de lutte contre l'artificialisation des sols fixés dans les documents de planification et d'urbanisme
par les mots :
Pour l'atteinte de ces objectifs
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. - Défendu.
M. Jean-Baptiste Blanc, rapporteur. - Avis favorable.
ARTICLE 12
M. le président. - Amendement n°6, présenté par le Gouvernement.
I. - Alinéa 7
Après le mot :
artificialisation
insérer les mots :
des sols
II. - Alinéa 15
Remplacer les mots :
de l'article L. 101-2-1 du code de l'urbanisme
par les mots :
du 5° du III du présent article
III. - Alinéa 17
Après les mots :
sursis à statuer
insérer les mots :
mentionné à l'alinéa précédent
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. - Défendu.
M. Jean-Baptiste Blanc, rapporteur. - Avis favorable.
ARTICLE 14
M. le président. - Amendement n°7, présenté par le Gouvernement.
Alinéa 4
1° Après le mot :
européenne
insérer les mots :
qui présentent un intérêt général majeur
2° Remplacer la référence :
7°
par la référence :
8°
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. - Défendu.
M. Jean-Baptiste Blanc, rapporteur. - Avis favorable.
ARTICLE 15
M. le président. - Amendement n°8, présenté par le Gouvernement.
Deuxième phrase
Remplacer les mots :
de zéro artificialisation nette
par les mots :
d'absence de toute artificialisation nette des sols mentionné au 6° bis de l'article L. 101-2 du code de l'urbanisme
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. - Défendu.
M. Jean-Baptiste Blanc, rapporteur. - Avis favorable.
Explications de vote
M. Jean-Claude Anglars . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Ce vote marque l'aboutissement d'un long processus. La seule constance fut celle du Sénat, qui a toujours voulu une mise en oeuvre pragmatique du ZAN, sans idéologie.
Les limites de la loi Climat et résilience sont vite apparues : calendrier trop contraint, manque d'association des communes... Nous étions dans l'impasse. D'où ma proposition de loi de décembre 2021, puis celle de Philippe Bas, suivies d'une consultation des élus locaux et des travaux de Jean-Marc Boyer, Daniel Laurent et Anne Ventalon.
Les travaux de la mission préfigurant la commission spéciale, présidée par Valérie Létard et rapportée par Jean-Baptiste Blanc, ont abouti à la proposition de loi que nous examinons. De nombreux apports du Sénat sont conservés, dont la mutualisation entre régions et la forfaitisation des grands projets nationaux, réduite à 10 000 hectares, ou encore le droit au projet avec la garantie rurale d'un hectare. Les maires auront six mois supplémentaires pour inscrire le ZAN dans leurs documents d'urbanisme.
En revanche, les bâtiments agricoles devaient être exclus des surfaces artificialisées, à la suite de mon amendement et selon l'accord trouvé en CMP : le risque qu'ils ne le soient pas demeure du fait de la rédaction du décret prévue par le Gouvernement. Pourquoi ? Est-ce une volonté du Gouvernement ou de l'administration ? Le Gouvernement sera seul responsable de ce coup porté aux agriculteurs.
Considérant l'urgence, Les Républicains voteront en faveur du texte, non comme un satisfecit du Gouvernement, car nous ne partageons pas sa vision d'une France sous cloche, mais comme validation des travaux du Sénat. Nous restons vigilants. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et du RDSE)
M. Emmanuel Capus . - Heureusement, la sobriété foncière fait aujourd'hui consensus. Mais fin juin 2021, Pierre Médevielle, lors des explications de vote de la loi Climat et résilience, exprimait déjà des inquiétudes en matière de développement des territoires.
Nos amendements visaient alors à rééquilibrer cette politique. Il s'agit, depuis, de trouver la ligne de crête : aider les élus et les services de l'État à mettre en pratique les objectifs, sans qu'aucun territoire ou document d'urbanisme ne prennent le pas sur les autres, sans opposition entre rural et urbain.
Oui, le sujet est complexe. C'est pourquoi je salue le travail de la présidente Valérie Létard et du rapporteur Jean-Baptiste Blanc, ainsi que des membres de la mission et de la commission spéciale. Je sais aussi l'engagement de Christophe Béchu, dont l'écoute, la connaissance de cette maison et des dossiers ont permis de trouver un terrain d'entente - je salue la ministre Faure, aujourd'hui au banc.
Le texte améliore l'application du ZAN. La chambre des territoires se devait de faciliter l'action des élus locaux : ils auront plus de temps pour adapter les Sraddet et la conférence régionale décentralisera la gouvernance.
Je me réjouis que les projets industriels majeurs pour la souveraineté de la nation soient rattachés aux projets nationaux d'envergure, comme c'est le cas en Maine-et-Loire, à Noyant-Villages notamment. Cette commune nouvelle bénéficiera d'ailleurs de la garantie rurale, rassurante. Le droit de préemption urbain est bienvenu. Les Indépendants voteront ce texte, qui compense un déséquilibre. (M. Ludovic Haye applaudit.)
M. Ronan Dantec . - (Applaudissements sur les travées du GEST) Réduire, puis stopper l'artificialisation est une priorité écologique : la diminution des espaces naturels, agricoles et forestiers (Enaf) est une cause majeure de perte de biodiversité et de stockage de CO2. Une priorité économique aussi : les défenseurs de la ferme France et de notre autonomie alimentaire devraient être en première ligne pour accélérer le ZAN.
Proposition de la Convention citoyenne pour le climat, il en est l'une des rares mesures ayant passé le tamis serré qu'est devenu le fameux « sans-filtre »... mais sa mise en oeuvre est complexe. Le Sénat a donc fait oeuvre utile avec sa proposition de loi - j'en remercie Valérie Létard et Jean-Baptiste Blanc.
Mais de l'amélioration au détricotage, il n'y a parfois qu'une virgule... Le Sénat en a fait perdre son calme olympien à Christophe Béchu. Ainsi, les pelouses des pavillons individuels n'étaient même plus considérées comme artificialisées à partir de 2031, une aberration. (M. Laurent Burgoa proteste.)
L'Assemblée nationale a donc bien amélioré le texte... À saluer tout de même, le Sénat a voté une enveloppe nationale de grands projets, mutualisée au niveau régional par l'assemblée. À l'État de ne pas dépasser les 12 500 hectares, madame la ministre.
L'Assemblée nationale a aussi ramassé le calendrier des schémas de cohérente territoriale (Scot) et des plans locaux d'urbanisme (PLU), avec une proposition assez proche de mon amendement, monsieur Blanc...
J'entends le scepticisme de la Fédération des Scot, mais ne revenons pas en arrière : la somme des intérêts communaux n'est pas l'intérêt régional. Ce qui compte est la robustesse des Sraddet et des Scot : les premiers doivent être prescriptifs.
La nomenclature reste floue : sortir les pelouses avec 25 % de plantation du décompte ouvre la porte aux contournements. J'aimerais des clarifications sur ce point. En outre, elle changera en 2031 : mieux valait conserver la logique de préservation des Enaf, au lieu d'inventer une autre manière de comptabiliser. (M. Jean-Claude Anglars applaudit.)
Des plus, des moins, et surtout des points qui seront décidés par décret : le GEST s'abstiendra, par prudence. (Applaudissements sur les travées du GEST ; M. Jean-Pierre Corbisez applaudit également.)
M. Ludovic Haye . - L'accord en CMP est utile aux élus locaux. La lutte contre l'artificialisation est un combat dans nos territoires et pour eux, sans quoi ils en subiront les conséquences, comme l'amplification des inondations.
La captation de carbone est essentielle, comme la souveraineté alimentaire. Or l'artificialisation consomme les Enaf. La guerre en Ukraine et le changement climatique nous en rappellent l'urgence.
Le plan Biodiversité de 2018, la Convention citoyenne et la loi Climat et résilience portent la lutte contre l'artificialisation, qui suppose une approche territorialisée et pragmatique. Mais il n'y a pas une ruralité monolithique. L'honneur du Parlement est de trouver le plus petit dénominateur commun : c'est chose faite.
Je salue l'écoute du Gouvernement et remercie les ministres concernés.
La souplesse d'application du ZAN n'obère pas les objectifs, ni le développement du territoire. Ainsi de la garantie rurale et de la mutualisation entre communes.
Quant aux grands projets, ils ne sauraient être entravés ni bloquer les plus petits : le compromis de la forfaitisation nationale offre donc une visibilité, sans renoncement.
Nous avons aussi abouti sur les délais de modification des documents d'urbanisme, les communes littorales et la prise en compte de l'effort de renaturation, tout en simplifiant la conférence régionale du ZAN.
Une partie du texte initial sera mise en oeuvre par voie réglementaire, pour gagner du temps. Nous avons dépassé nos divergences : le RDPI votera ce texte de consensus. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et UC ; Mme Maryse Carrère applaudit également.)
M. Christian Redon-Sarrazy . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi qu'au banc des commissions) Depuis deux ans, notre assemblée s'investit pour répondre aux préoccupations des élus sur le ZAN. La difficile articulation entre sobriété foncière et développement des territoires suscite des craintes : freins aux projets, répartition des efforts entre les territoires, association des communes aux Sraddet et place des grands projets.
La CMP aura trouvé une issue favorable, mais les heures d'échanges montrent que les arbitrages n'avaient rien d'évident. Le groupe SER s'est attaché à l'équité entre territoires et à la mise en oeuvre apaisée d'une réforme structurante.
La première avancée majeure est le report des dates d'entrée en vigueur des Sraddet de neuf mois, au 22 novembre 2024. Les Scot et les PLUi devront être à jour respectivement en février 2027 et février 2028.
Le dialogue territorial est renforcé grâce à la conférence régionale, qui assurera la gouvernance. Les associations seront consultées en tant que personnalités associées. La garantie rurale d'un hectare doit permettre aux petites communes de dessiner des perspectives. Aucune commune n'en sera exclue, qu'elle soit couverte ou non par un document d'urbanisme, et sans condition de densité. Les communes au règlement national d'urbanisme (RNU) doivent approuver un PLU ou une carte communale avant le 22 août 2026.
Enfin, le forfait national d'artificialisation de 10 000 hectares est important. In fine, le dialogue entre président du conseil régional, conférence régionale et État devrait prévaloir pour identifier les projets d'envergure nationale.
En parallèle de l'examen au Parlement, les négociations ont continué sur les décrets de nomenclature du ZAN et d'application des Sraddet. Le décret n°2022-763 a contourné nos travaux en prévoyant le caractère prescriptif du Sraddet, dans une logique de verticalisation. Cela a depuis été supprimé. Nous saluons les efforts de négociation.
L'accompagnement des élus et le financement restent en suspens. Le groupe SER défend depuis des années ce sujet en projet de loi de finances, notamment sur la revalorisation des friches et du bâti ancien des communes rurales. Satisfaits d'un compromis équilibré, nous voterons le texte. (Applaudissements)
Mme Cécile Cukierman . - (Applaudissements au banc des commissions) Nous voulions tous clarifier les objectifs du ZAN sans entraver la libre administration des collectivités territoriales. Il fallait garantir aux élus une meilleure prise en compte des déséquilibres, sans fragiliser les territoires. Il fallait agir clairement pour pérenniser la transition écologique et les Enaf. Il y a urgence à préserver la perméabilité des sols, les nappes phréatiques et la biodiversité.
Cette loi ne fera pas tout. Le droit à l'hectare est important, mais sans financement, sans rééquilibrage des investissements, même avec des droits à construire, il ne se construira rien.
Ainsi, 67 % des intercommunalités ont refusé des projets faute de foncier, selon le Cerema. Rapprocher le salarié de son lieu de travail, mieux aménager pour moins polluer : voilà un enjeu qui demeurera, comme la préservation des sols.
Il n'y a pas d'écologie sans égalité : les grands projets d'intérêt national sont au coeur de ces enjeux. Pour une planète vivable, les collectivités doivent avoir leur voix. Il faudra aussi des moyens, mais avec le fonds d'investissement, nous en sommes très loin - d'autant qu'il serait utilisé pour la reconstruction à la suite des émeutes. Je renvoie aussi aux propos de Cédric Vial sur le fonds de compensation pour la TVA (FCTVA)...
Ainsi, nos travaux ne sont pas l'alpha et l'oméga de la lutte contre le réchauffement climatique. Mais le Sénat aura rendu le texte plus efficace. Madame la ministre, le droit à l'hectare doit demeurer communal, et les grands projets doivent relever des 10 000 hectares, avec un droit de proposition et de contestation pour les régions.
Le droit de préemption étendu est aussi un progrès, comme les six mois supplémentaires pour décliner les objectifs du ZAN.
Restent des points de vigilance, comme le décompte des bâtiments agricoles, la réindustrialisation, la souveraineté alimentaire, le logement.
Au-delà du dogmatisme, le texte fera date dans notre façon de penser l'aménagement du territoire. Notre groupe le votera et salue le travail de la présidente et du rapporteur : le consensus, sans nivellement par le bas, permet une sortie par le haut. Madame la ministre, je fais le voeu que cette méthode du travail soit l'occasion de repenser la politique dans notre pays. (Applaudissements sur toutes les travées, à l'exception de celles du GEST)
Mme Valérie Létard . - (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP, du RDSE et sur plusieurs travées du groupe Les Républicains) Avant tout, je remercie particulièrement le rapporteur Jean-Baptiste Blanc pour le travail passionné et inlassable accompli ces derniers mois. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)
Je remercie également l'ensemble des membres de la commission spéciale : notre travail transpartisan, c'est la marque du Sénat, pour travailler à la défense de l'intérêt général. Merci aussi à la présidente de la commission des affaires économiques, qui a toujours alerté sur la nécessité de conserver cette boussole. Je remercie enfin nos administrateurs, qui ont joué leur rôle avec ardeur en tandem avec les élus.
Madame la ministre, avec votre collègue Christophe Béchu vous avez également contribué à l'atteinte de ce compromis. Il était essentiel de faire en sorte que nos collectivités puissent agir et non subir. Agir en partenariat avec l'État, mais sans devenir des agents privés du droit de penser.
Ce texte est une victoire, une avancée pour nos territoires. Ses dispositions sont acceptables, soutenables et équilibrées. L'Assemblée nationale a introduit des améliorations utiles, comme la possibilité de mutualiser 7 hectares à l'échelle de l'intercommunalité. L'objectif de sobriété foncière devient atteignable. Il faudra soutenir financièrement les collectivités pour qu'elles améliorent leurs documents d'urbanisme.
Sursis à statuer, allongement des délais, droit de préemption élargi, décompte de l'artificialisation nette dès 2021 et non 2031, ces avancées étaient attendues. Le point sur lequel nous avons buté le plus durement est l'incidence des grands projets d'envergure nationale ou européenne.
Notre ambition était que l'objectif intermédiaire de 2031 puisse être atteint.
Ce texte est une première étape nécessaire, mais non suffisante. Je quitterai l'aventure, mais les textes futurs, projet de loi de finances notamment, feront la réussite du projet ZAN. Il faut des moyens. L'État ne doit pas oublier qu'il a besoin de sa deuxième jambe, les collectivités. (Mme Sonia de La Provôté renchérit.) L'État doit travailler non pas à leur place, mais avec elles, solidairement.
Mes chers collègues, je vous souhaite le meilleur pour la suite, avec un pincement au coeur au moment de terminer cette ultime intervention. (Applaudissements nourris et prolongés ; Mme Valérie Létard est saisie d'une vive émotion.)
Présidence de Mme Laurence Rossignol, vice-présidente
Mme la présidente. - Il ne sied pas à la présidence, d'ordinaire, de se joindre aux applaudissements de l'hémicycle, mais je suis, moi aussi, très émue par votre dernière intervention.
Mme Valérie Létard. - Merci, madame la présidente, mes chers collègues. (Applaudissements)
M. Jean-Pierre Corbisez . - Il aurait mieux valu que Mme Létard parle en dernier...
Cette proposition de loi est une illustration parfaite du rôle du Sénat. L'objectif du ZAN a été imposé sans réelle concertation avec les élus locaux. Ses modalités de mise en oeuvre ont inquiété, crispé même. Le Sénat s'est saisi de cette question, dans une démarche transpartisane. Le texte issu de la CMP conserve plusieurs de ses apports. Le ministre a proposé de retirer certaines dispositions de la proposition de loi pour les renvoyer au domaine réglementaire, avec la promesse d'y associer les parlementaires. Nous serons vigilants.
Sur le fond, nous saluons la préservation de certains acquis : le fameux hectare communal, l'allongement des délais, la mutualisation de l'artificialisation induite par les grands projets, la suppression de la condition de la densité pour la garantie communale...
Nous saluons la comptabilisation nette dès la première décennie ou encore le sursis à statuer.
Nous regrettons de ne pas être allés au bout des attentes des maires sur les périmètres de densification, le recul du trait de côte ou les dents creuses, mais je me félicite du texte auquel nous sommes parvenus. Notre groupe le votera.
Je conclurai par un message tout particulier à Mme Létard. Plus jeune maire d'une grande ville du Nord-Pas-de-Calais en 1995, je vous ai accueillie dans ma commune quelques années plus tard, quand vous étiez secrétaire d'État à la solidarité. Nous avons partagé la même passion pour l'aménagement du territoire au sein de l'aire métropolitaine de Lille. Vous retrouver ici en 2017 a été un vrai bonheur. Vous nous quittez - comme disait Alain Barrière, « Tu t'en vas... » -, mais n'allez pas trop loin ! Nous aurons encore besoin de votre oeil avisé. (Applaudissements)
À la demande de la commission spéciale, le texte élaboré par la CMP est mis aux voix par scrutin public.
Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°332 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 327 |
Pour l'adoption | 326 |
Contre | 1 |
La proposition de loi est définitivement adoptée.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. - Au nom du Président de la République, de la Première ministre et du Gouvernement, je remercie Mme Létard pour sa compétence, sa persévérance, sa sincérité dans son engagement et sa contribution à l'adoption de ce texte à la quasi-unanimité. (Applaudissements)
Biens culturels spoliés entre 1933 et 1945 (Conclusions de la CMP)
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle l'examen des conclusions de la commission mixte paritaire (CMP) chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la restitution des biens culturels ayant fait l'objet de spoliations dans le contexte des persécutions antisémites perpétrées entre 1933 et 1945.
Mme Béatrice Gosselin, rapporteure pour le Sénat de la CMP . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) C'est avec une vive émotion que je prends la parole pour l'adoption définitive de ce texte, dont nos débats ont démontré combien il était attendu. Si les crimes de la Shoah sont irréparables, nous devons faire preuve de justice et d'humanité en proposant des solutions conformes aux principes de Washington.
Les spoliations ne peuvent être dissociées de la politique d'extermination conduite pendant cette période. La restitution des biens spoliés est un impératif faisant partie intégrante du devoir de mémoire.
Nos deux chambres s'étaient déjà accordées, voilà un an et demi, sur un cadre général pour accélérer et simplifier les restitutions. Le texte n'a que peu évolué depuis lors : l'Assemblée nationale n'a remis en cause ni l'architecture de la restitution ni les apports du Sénat visant à améliorer la transparence de la procédure de restitution.
Le texte prévoit désormais la possibilité de solliciter le concours de l'État pour octroyer une compensation financière aux victimes ou à leurs ayants droit en échange d'un maintien dans les collections publiques. Le rapport au Parlement ne sera transmis que sur un rythme bisannuel, mais inclura des données qualitatives qui peuvent nous satisfaire. Convaincue que le travail sur la provenance est la clé de voûte de cet édifice, la commission de la culture y sera particulièrement vigilante chaque année, lors de l'examen du projet de loi de finances.
En première lecture, l'Assemblée nationale a voulu mieux reconnaître la responsabilité du régime de Vichy dans les persécutions. Nous sommes parvenus à un compromis en retenant l'expression « l'État français entre le 10 juillet 1940 et le 24 août 1944 », soit entre le vote des pleins pouvoirs au maréchal Pétain et le dernier Journal officiel de l'État français. Il ne fallait pas revenir en arrière après la reconnaissance de cette responsabilité par le président Jacques Chirac en 1995.
J'espère que ce texte recueillera votre approbation unanime. Ce n'est pas renier le caractère inaliénable des collections que de prévoir leur restitution. Veillons à ce que ce texte hautement symbolique trouve sa traduction concrète, pour qu'il soit l'instrument de justice auquel nous aspirons. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP ; M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture, applaudit également.)
Mme Rima Abdul-Malak, ministre de la culture . - Voilà un an et demi, je défendais devant vous ce projet de loi - mon premier texte. L'Assemblée nationale ayant adopté plus tôt ce matin les conclusions de la CMP, je reviens devant vous pour son adoption définitive.
À quelques jours du 16 juillet, journée nationale à la mémoire des victimes des crimes racistes et antisémites de l'État français et d'hommage aux « Justes » de France, également anniversaire de la rafle du Vel' d'Hiv', ce 13 juillet s'inscrira dans le calendrier comme une date symbole.
Vous avez fait vôtre ce projet de loi. Je salue le travail de la sénatrice Corinne Bouchoux, qui, dès 2013, a formulé des propositions en ce sens.
C'est la première loi depuis la Libération qui reconnaît la spoliation spécifique des biens juifs par l'Allemagne nazie et les autorités qui lui étaient liées. Nous avons eu de nombreux débats sémantiques. En la matière, chaque mot compte, et notre rapport à l'histoire nécessite une grande précision. Je salue la rigueur, la solennité et le grand sens éthique de nos débats, qui donnent une force politique particulière à cette loi de justice et de mémoire, mais aussi d'action, qui ouvre une nouvelle ère dans le travail de la Mission de recherche et de restitution des biens culturels spoliés entre 1933 et 1945 (M2RS). Je sais pouvoir compter sur vous pour inviter les acteurs de vos circonscriptions à s'inscrire dans cette démarche.
Vous m'avez interpellée sur les moyens consacrés à cette mission. Je tiens à saluer ses six agents, tous présents en tribune. Elle a bénéficié de 220 000 euros de budget, plus 100 000 euros pour l'aide aux musées territoriaux en 2023. Nous irons plus loin encore en 2024.
Le Musée du Louvre compte trois postes consacrés à la recherche de provenance ; le musée d'Orsay et le musée de la musique viennent d'en créer chacun un. Je salue Ines Rotermund-Reynard, également présente en tribune, qui travaille sur ces problématiques à l'Institut national d'histoire de l'art (INHA). Je salue les efforts dans ce domaine des musées Faure d'Aix-les-Bains et des Beaux-Arts de Rouen.
Nous serons aussi au rendez-vous pour la formation : la recherche de provenance est enseignée à tous les élèves conservateurs du patrimoine, conservateurs de bibliothèque et commissaires-priseurs. Un diplôme a été créé à Nanterre et un master 2 le sera à l'école du Louvre à la rentrée : nous avançons à pas de géant.
Lors du 75e anniversaire de la libération du camp d'Auschwitz-Birkenau, le Président de la République a insisté sur l'impératif catégorique que représente le « plus jamais » : « La Shoah ne doit pas cicatriser. Elle doit rester une plaie vive au flanc de l'humanité, au flanc de notre République. Notre vigilance doit sans cesse être éclairée par notre mémoire ». Cette loi répond bien à cette nécessité ; c'est un texte de mémoire et d'action. (Applaudissements)
M. Emmanuel Capus . - En mai dernier, nous nous félicitions de l'adoption unanime de ce texte essentiel pour tendre la main aux familles victimes de spoliations, pour réparer, apaiser. La France fait face à ses responsabilités. Je salue la décision de la CMP, qui clarifie la responsabilité de l'État français. Ce projet de loi démontre une nouvelle fois l'engagement mémoriel de la France. Notre pays est précurseur.
Le chemin a été semé d'embûches, et de nouveaux défis apparaissent : comment continuer à faire exister des oeuvres après leur départ des collections, comment les reproduire sans les dénaturer ? Comment l'art numérique peut-il nous y aider ?
Cette loi-cadre simplifiera le départ des collections publiques des oeuvres spoliées en dérogeant au principe d'inaliénabilité. Rappelons que 72 000 domiciles appartenant à des familles juives ont été entièrement pillés, dont 38 000 à Paris. Nous devions réparer cette forme de violence supplémentaire.
Nous avions rendu hommage à la résistante Rose Valland, dont la bravoure a permis la restitution de nombreuses oeuvres juste après la guerre. Je salue également le travail de Corinne Bouchoux, ancienne sénatrice de mon département et comme moi élue de la majorité à Angers, dont les recherches ont inspiré nos travaux.
Le groupe Les Indépendants salue l'adoption de ce texte si important, qui a donné lieu à des échanges d'une grande humanité, empreints d'une profonde émotion. Nous les garderons en mémoire.
M. Thomas Dossus . - L'adoption à l'unanimité de ce projet de loi marque l'attachement de la représentation nationale aux restitutions - une question défrichée il y a dix ans par notre ancienne collègue Corinne Bouchoux.
Ce texte était attendu, près de trente ans après que le discours du Vél'd'Hiv' a reconnu la responsabilité de l'État français dans la persécution des Juifs de France. Les spoliations sont liées au génocide, qui, en plus de l'effacement des individus, visait à effacer leur patrimoine et leur histoire. Au moins 100 000 oeuvres et objets d'art ont été spoliés, certains n'ayant toujours pas retrouvé leur propriétaire. Certains sont dans nos collections nationales ; or le régime d'inaliénabilité est extrêmement contraignant pour des restitutions pourtant consensuelles.
Réparation impossible, restitution nécessaire : tel était notre état d'esprit. Des progrès ont été accomplis depuis 2013 : les archives ont été mécaniquement rendues accessibles à l'échéance du délai pendant lequel elles étaient classifiées. La mission mise en place au ministère facilite les choses.
Le GEST avait proposé de renforcer les obligations des collections privées labellisées « musées de France » ; or elles sont seulement encouragées à procéder aux restitutions, alors qu'elles bénéficient de subventions publiques et d'avantages fiscaux.
Nous voterons ce texte, mais cette opération « musées propres » ne nous dispense pas de poursuivre notre travail de mémoire, de longue haleine. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE)
M. Julien Bargeton . - Nous voici au terme d'un débat important et consensuel : après la loi sur la restitution des restes humains et avant une loi sur la restitution des biens culturels, nous examinons la restitution des biens juifs spoliés pendant les persécutions nazies. Je salue l'union sacrée qui s'est fait jour dans les deux chambres et salue la détermination sans faille de la rapporteure et de la ministre.
Cette loi apporte une simplification bienvenue, en nous dispensant d'une loi particulière pour chaque restitution. Le Parlement ne se dessaisit pas pour autant du sujet : un amendement du Sénat a prévu que les avis de la Commission pour l'indemnisation des victimes de spoliations intervenues du fait des législations antisémites en vigueur pendant l'Occupation (CIVS) seraient publics ; nous débattrons également des moyens attribués à cette commission, non pour réparer l'irréparable, mais pour faire preuve de justice et d'humanité face à l'indicible.
Le débat a aussi porté sur la dénomination du régime de Vichy. Philippe Collin, sur France Inter, a consacré deux séries à Léon Blum et Philippe Pétain, remarquables.
M. Pierre Ouzoulias. - Elles font l'honneur du service public !
M. Julien Bargeton. - Les historiens qui y sont interrogés utilisent cette expression ; mais c'est l'État français qui, en collaboration avec l'Allemagne nazie, a rendu possibles ces spoliations. À rebours de certaines thèses révisionnistes, il faut, à la suite de Jacques Chirac, le rappeler. Je ne reviendrai pas sur les travaux d'Henry Rousso et Robert Paxton sur la question. Nous avons, je le crois, trouvé une formule très adéquate en visant « l'État français entre le 10 Juillet 1940 et le 24 août 1944 ».
Le RDPI se félicite de l'adoption dans le plus parfait consensus de ce texte qui répond au devoir de mémoire. (Applaudissements)
M. Lucien Stanzione . - Avec ce texte, nous honorons notre engagement envers les victimes des persécutions antisémites. Les biens spoliés ne sont pas seulement matériels : ce sont les témoignages poignants de vies bouleversées.
Je remercie Laurent Lafon, Béatrice Gosselin et Rima Adbul-Malak pour leur travail acharné et leur dévouement, pour assurer la réduction des délais, inacceptables, et l'efficacité des restitutions.
Le texte déroge au principe d'interdiction d'aliéner applicable au domaine public. La délivrance automatique du certificat d'exportation simplifiera les démarches.
Le périmètre des spoliations est clarifié, et le régime de Vichy est identifié comme coauteur des persécutions. Les biens spoliés mais entrés dans les collections publiques sous la forme de dons et legs devront, eux aussi, faire l'objet de restitutions.
La transparence est fondamentale ; c'est pourquoi je salue l'amendement du Sénat qui prévoit la publicité des avis de la commission administration compétente.
Cette loi-cadre ne serait pas complète sans des modalités d'application ; elles seront précisées par décret, notamment la compétence et la composition de la commission, auxquelles l'Assemblée nationale a ajouté des modalités de réparation autres que la restitution.
En élargissant le processus de déclassement et de restitution des musées de France, nous permettons une restitution directe aux propriétaires ou ayants droit.
La loi prévoit aussi un rapport annuel au Parlement dressant l'inventaire des biens restitués ou ayant fait l'objet d'autres modalités de réparation. Cela souligne le soutien au développement de la recherche de provenance.
Le groupe SER soutient pleinement ce texte, qui relève d'un impératif moral. C'est un message puissant, une réaffirmation de notre engagement pour la justice et la dignité, pour que les leçons du passé ne soient jamais oubliées. (Applaudissements)
M. Pierre Ouzoulias . - Ce n'est pas la vocation du Parlement d'écrire l'Histoire, et cette loi n'est pas mémorielle. Elle pose les bases d'un processus administratif permettant la restitution des biens volés.
À ma connaissance, c'est pourtant la première fois que la loi mentionne le vote du 10 juillet 1940 par lequel 426 députés et 244 sénateurs accordaient les pleins pouvoirs au maréchal Pétain. Ce jour-là, la République n'a pas été assassinée, elle s'est suicidée. Douze jours plus tard, 6 000 Français de confession juive étaient privés de leur nationalité par la révision des naturalisations depuis 1927, point de départ des persécutions aboutissant à l'extermination. L'État pétainiste engagea l'aryanisation des entreprises et le pillage des biens appartenant à des familles juives - sans doute plus de 100 000.
Ce projet de loi va plus loin que la reconnaissance des spoliations, en identifiant aussi les vols et dols commis par des particuliers, profitant de la vulnérabilité des personnes persécutées - changement de doctrine acté depuis la restitution par le Musée d'Orsay d'une toile de Klimt passée par un intermédiaire qui l'avait acquise à vil prix.
Cet élargissement considérable du périmètre de recherche oblige les musées à s'assurer des conditions d'acquisition des oeuvres qu'ils conservent, en remontant jusqu'à 1933. La CIVS s'est déjà organisée en fonction. Aux institutions muséales de se donner les moyens d'un récolement général de leurs collections à la lumière de ce nouveau critère.
Une commission indépendante aura pour mission de proposer un avis sur les restitutions. C'est de bonne politique. L'indépendance de la CIVS confère à son avis un caractère essentiel. Elle se voit reconnue par la loi, placée auprès du Premier ministre, avec des attributions élargies, dont la proposition d'alternatives aux restitutions.
Je ne doute pas de l'adoption de ce texte dans le consensus, comme pour celui sur la restitution des restes humains. Restera à s'emparer du dossier plus complexe de la restitution des biens spoliés dans le monde. Les modalités d'instruction doivent être assurées dans les mêmes conditions de transparence que celles qui président aux travaux de la CIVS, dont les responsabilités pourraient être étendues.
Le groupe CRCE votera ce texte avec émotion et responsabilité. (Applaudissements)
M. Pierre-Antoine Levi . - Au terme de l'examen de ce projet de loi, le changement le plus notable par rapport au texte initial tient à la reconnaissance du rôle de l'État français, mettant fin à la distanciation hypocrite qu'opérait la périphrase « autorité de fait se disant gouvernement de l'État français ». Nous assumons ainsi pleinement notre passé. En inscrivant pour la première fois dans la loi cette responsabilité, nous faisons aussi de ce texte un texte mémoriel.
Le Sénat, et en particulier le groupe UC, peut être fier d'avoir joué un rôle moteur. Nous devons en effet à Nicolas About la première loi de restitution de restes humains en 2002 - ceux de la Vénus hottentote à l'Afrique du Sud -, puis à Catherine Morin-Desailly la loi de 2010 autorisant la restitution des têtes maories à la Nouvelle-Zélande.
Sur la question des biens spoliés par les nazis, notre ancienne collègue Corinne Bouchoux a lancé le débat voici dix ans - il aura fallu cette décennie pour que le Gouvernement se saisisse du problème, ce dont nous vous remercions, madame la ministre.
La loi du 21 juillet 2022 avait autorisé la restitution de quatorze oeuvres, mais il fallait créer un cadre permettant de se dispenser d'une telle procédure. Nous comprenons l'intérêt de distinguer des faits générateurs distincts.
Le travail continue, avec les restes humains et les restitutions coloniales. En attendant, nous voterons les conclusions de la CMP avec enthousiasme. (Applaudissements)
M. Jean-Claude Requier . - Ce dimanche 16 juillet aura lieu la journée nationale de la mémoire des victimes des crimes racistes et antisémites de l'État français et d'hommage aux « Justes » de France. C'est une étape dans le long chemin vers la reconnaissance des crimes antisémites commis par l'État français. La navette parlementaire a permis de caractériser les autorités françaises responsables des spoliations.
Au cours des auditions, nous avons été alertés sur le risque de ressentiment qu'une loi spécifique pouvait alimenter. L'enfer est pavé de bonnes intentions, dit-on. Nous devons aux victimes des persécutions antisémites et à leurs descendants de ne pas risquer d'entrouvrir la porte de l'enfer. C'est pourquoi ces réparations doivent s'intégrer dans un devoir de réparation plus vaste des spoliations réalisées à d'autres époques et en d'autres lieux.
Le Sénat a adopté la proposition de loi sur la restitution des restes humains. Le RDSE espère une unanimité semblable pour le futur texte, plus complexe, sur les biens spoliés à l'époque coloniale.
Nous soulevons la question des moyens consacrés à la recherche de la provenance des biens spoliés. La bonne mise en oeuvre du projet de loi passera par une meilleure sensibilisation des établissements culturels au travail de recherche des propriétaires spoliés et de leurs ayants droit - une tâche coûteuse, alors que seulement 200 000 euros y sont consacrés. Il faudra donc se montrer vigilant sur les financements.
Le RDSE salue les apports de l'Assemblée nationale et de la CMP : les moyens nécessaires sont financiers, mais aussi humains.
Un rapport bisannuel sur les restitutions est prévu à l'article 4, sur l'initiative de Bernard Fialaire, qui aurait bien voulu être présent aujourd'hui, mais qui est retenu à Belleville-en-Beaujolais pour l'arrivée du Tour de France... (Sourires) Nous voulions à l'origine un rapport annuel, mais c'est une avancée pour l'information du Parlement.
Le RDSE votera évidemment les conclusions de la CMP. (Applaudissements)
Mme Sabine Drexler . - L'an dernier, nous avons autorisé la restitution de quatorze oeuvres spoliées pendant la Seconde Guerre mondiale. Nous allons ici plus loin en fixant un cadre général pour ces restitutions.
Nous n'effacerons pas ce qui s'est passé : persécutions, spoliations, arrestations et extermination. Mais saisissons toutes les occasions de réparer et de rendre justice. Alors que disparaissent les derniers rescapés, espérons qu'ils trouveront ainsi une forme de repos.
Même si ces démarches n'effacent en rien les crimes commis, elles honorent un triple devoir : mémoire, reconnaissance, éducation. N'ayons de cesse de rappeler ce qui s'est passé, d'empêcher certains de réécrire l'Histoire ; entretenons la vigilance face à l'antisémitisme et à la xénophobie qui ressurgissent, insidieusement ou avec violence.
Dans la continuité du discours de Jacques Chirac en 1995, nous devons nous saisir de chaque occasion de panser la blessure ; ce texte en est une. Plus de 100 000 oeuvres auraient été spoliées en France pendant l'Occupation. Si 45 000 ont été restituées à l'issue de la guerre, 2 200 seraient toujours dans les collections publiques. Mais toutes les personnes spoliées n'ont pas forcément déclaré le vol ou la vente forcée : les chiffres pourraient être sous-estimés.
Permettre aux victimes de retrouver leurs biens familiaux n'est que justice. L'Alsace a une histoire complexe, liée à l'importante présence d'une communauté juive depuis le XIIe siècle. Élue d'un village que l'on appelle encore la petite Jérusalem du Sundgau, je suis particulièrement sensible à la question.
Je tiens aussi à saluer le travail de la rapporteure Béatrice Gosselin et de nos collègues, sénateurs et députés. Ils ont fait oeuvre d'humanité. Il est rassurant que nous ayons trouvé l'unanimité sur ce sujet.
Le groupe Les Républicains votera ce texte avec conviction et émotion. (Applaudissements)
Le projet de loi est définitivement adopté.
(Applaudissements)
Prochaine séance, mardi 18 juillet 2023, à 10 heures.
La séance est levée à 13 h 30.
Pour le Directeur des Comptes rendus du Sénat,
Rosalie Delpech
Chef de publication
Ordre du jour du mardi 18 juillet 2023
Séance publique
À 10 heures et, éventuellement, l'après-midi
Présidence :
M. Roger Karoutchi, vice-président, Mme Pascale Gruny, vice-président
Secrétaires : Mme Martine Filleul M. Jacques Grosperrin
1. Questions orales
2. Sous réserve de son dépôt, projet de loi relatif à l'accélération de la reconstruction des bâtiments dégradés ou démolis au cours des violences urbaines survenues du 27 juin au 5 juillet 2023 et au traitement des copropriétés dégradées