SÉANCE

du mercredi 12 juillet 2023

7e séance de la session extraordinaire 2022-2023

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires : Mme Martine Filleul, M. Jacques Grosperrin.

La séance est ouverte à 15 heures.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Questions d'actualité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement. Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet. Chacun sera attentif au respect des uns et des autres, ainsi que du temps de parole.

Finances des collectivités territoriales

M. Patrice Joly .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; Mmes Raymonde Poncet Monge et Esther Benbassa applaudissent également.) La crise sociale suscite des attentes fortes, dans un contexte de défiance vis-à-vis des institutions. Tout cela rejaillit sur les élus locaux, victimes de violences verbales et physiques intolérables.

En première ligne pour créer de nouveaux services, souvent pour compenser les défaillances de l'État, les élus voient leurs marges de manoeuvre financières réduites par l'inflation, les revalorisations salariales nécessaires et l'évolution plus faible de leurs recettes, mises sous tutelle par l'État.

Les collectivités territoriales réalisent 70 % de l'investissement public : comment pourront-elles s'engager davantage dans les transitions, alors que les aides sont de plus en plus insuffisantes ? C'est aussi notre cohésion sociale et territoriale qui est en jeu - la Commission européenne a rappelé, en mai dernier, son importance pour le développement du pays tout entier.

Pouvez-vous nous garantir une évolution des dotations de l'État au moins égale à l'inflation à compter du prochain budget et un renforcement rapide de la péréquation ? La remise à plat de la fiscalité locale n'est pas moins urgente, alors que les collectivités territoriales ont perdu toute autonomie, au mépris de la Constitution.

Nous avons formulé des propositions, notamment à travers la proposition de loi constitutionnelle d'Éric Kerrouche visant à instaurer une loi annuelle de financement des collectivités territoriales, qui ne doivent plus être une variable d'ajustement. La position du Gouvernement peut-elle évoluer sur ce point ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

M. Gabriel Attal, ministre délégué chargé des comptes publics .  - J'ai l'habitude de dire qu'il ne faut pas opposer l'État aux collectivités locales. Le premier a besoin des secondes pour les services qu'elles fournissent à la population et leur part dans l'investissement public, donc dans la transition écologique. Les secondes ont besoin du premier, notamment en temps de crise : nous les avons soutenues à travers le filet de sécurité, au titre duquel 400 millions d'euros ont été dépensés en 2022. Beaucoup doutaient que ce dispositif trouverait son public : plus de 3 000 communes et EPCI en ont bénéficié. Vous avez d'ailleurs voté sa reconduction cette année, avec des critères assouplis.

Nous avons besoin que les collectivités territoriales investissent. C'est pourquoi nous avons tenu l'engagement pris par le Président de la République de sanctuariser la dotation globale de fonctionnement (DGF). Cette année, nous l'avons même augmentée de 320 millions d'euros, en sorte que 90 % des communes ont vu leur dotation augmenter, dans la Nièvre comme ailleurs. Nous avons aussi créé le fonds vert pour soutenir les investissements des collectivités territoriales dans la transition écologique.

S'agissant du prochain PLF, non, nous n'amputerons pas la DGF, contrairement à ce qui a été fait entre 2012 et 2017 par des gouvernements que nous soutenions tous les deux. (Exclamations sur les travées du groupe SER ; applaudissements sur les travées du RDPI ; M. Pierre Louault applaudit également.)

M. Franck Montaugé.  - Nous avions redressé les comptes ! Et vous ?

Prévisions du COR

M. le président.  - Président du groupe RDSE, Jean-Claude Requier a décidé de ne pas solliciter un nouveau mandat. Sénateur du Lot depuis 2011, vice-président de notre commission des finances, à la tête depuis six ans d'un groupe héritier de groupes qui ont façonné la République, il a contribué à faire vivre le pluralisme politique au sein de notre assemblée. Attaché à une certaine idée du Sénat faite de laïcité et d'ouverture, il s'est engagé au service de nos territoires, notamment des territoires ruraux, dont il s'est fait le porte-voix. Je le remercie au nom du Sénat tout entier. (Mmes et MM. les sénateurs se lèvent et applaudissent longuement, ainsi que Mmes et MM. les membres du Gouvernement ; M. Jean-Claude Requier porte la main à son coeur.)

M. Jean-Claude Requier .  - Merci, monsieur le président, mes chers collègues.

Dans quelques semaines, je pars en retraite. Ma dernière question d'actualité portera sur le sujet... (Rires)

Les prévisions sont un exercice difficile, surtout quand elles concernent l'avenir, disait Pierre Dac... Celles du Conseil d'orientation des retraites (COR) ne dérogent pas à la règle.

En juin 2017, il assurait que la France pouvait envisager l'avenir de son régime avec une sérénité raisonnable. Cinq mois plus tard, il changeait d'avis et prévoyait une explosion des déficits.

En 2023, le Président de la République et le Gouvernement, prévoyant un déficit de 13 milliards d'euros en 2030, programment une nouvelle réforme, avec un départ repoussé à 64 ans. Le président du COR affirme que les dépenses de retraite sont relativement maîtrisées et globalement stabilisées, pouvant laisser penser qu'il n'y aurait pas de problème de financement. La réforme, votée par le Sénat, a finalement été adoptée par l'Assemblée nationale, au forceps ; elle a suscité colères et violences.

Le 22 juin dernier, changement d'analyse : le dernier rapport du COR explique que la réforme ne rétablira pas l'équilibre financier en 2030 et annonce un retour durable des déficits.

Madame la Première ministre, que pensez-vous de ces diagnostics apparemment contradictoires ? L'efficacité des décisions publiques dépend de la véracité du diagnostic ! (Applaudissements sur les travées du RDSE et des groupes UC et INDEP, ainsi que sur des travées des groupes Les Républicains et SER ; M. Frédéric Marchand applaudit également.)

Mme Élisabeth Borne, Première ministre .  - Comme vous, je regrette que le COR, créé pour rassembler les acteurs autour de constats communs, n'ait pas pu pleinement jouer son rôle ces derniers temps. Je regrette en particulier que ses travaux aient pu prêter à toutes sortes d'interprétations et d'expressions, l'éloignant de sa mission.

Mme Élisabeth Doineau.  - Exactement !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.  - Comme vous, nous nous en tenons à ce qui est écrit. Au moment de la réforme, le COR disait que le système était déficitaire et qu'aucun scénario ne nous ramenait à l'équilibre d'ici à 2030. Il confirme aujourd'hui que, sans la réforme, les déficits auraient été importants et que, grâce à elle, le niveau des pensions augmentera, notamment pour les retraités modestes.

À mon tour, je tiens à saluer votre engagement. Vous êtes un sénateur écouté et un président de groupe respecté. Vous êtes un défenseur inlassable de la laïcité, engagé pour votre territoire, les élus et nos compatriotes, notamment dans la ruralité. À l'image de votre groupe, vous êtes un partisan du dialogue et un artisan de compromis. Je vous remercie pour tout le travail accompli. (Applaudissements sur les travées du RDSE, du RDPI, des groupes INDEP, UC et Les Républicains et sur quelques travées du groupe SER)

M. Jean-Claude Requier.  - À l'avenir, il faudra clarifier le son du COR... (Sourires) Pour conclure poétiquement, je dirai, avec Alfred de Vigny : j'aime le son du cor, le soir, au fond des bois ! (Sensation et applaudissements amusés)

Associations d'aide alimentaire

Mme Raymonde Poncet Monge .  - (Applaudissements sur les travées du GEST ; Mme Annie Le Houerou applaudit également ; marques d'ironie à droite) Près d'un Français sur six déclare ne pas manger à sa faim. Alors que les dépenses alimentaires représentent une part essentielle du budget des plus modestes, les Restos du Coeur constatent une hausse de 25 % des personnes ayant recours à l'aide alimentaire.

Au fil des réformes du Gouvernement, les publics s'élargissent : travailleurs pauvres, jeunes, familles monoparentales, retraités, enfants de moins de 3 ans. Aucun territoire n'est épargné.

L'inflation déséquilibre aussi les associations : les achats sont plus coûteux et les dons diminuent en quantité comme en qualité, forçant les associations à puiser dans leurs fonds propres. Si rien n'est fait, le budget d'achats alimentaires des Restos du Coeur aura presque doublé en deux ans. Emmaüs refuse cinq personnes par semaine et par communauté, et, face à l'affluence, certains Restos du Coeur ont mis en place des listes d'attente...

Les associations s'alarment et risquent de ne plus pouvoir nourrir convenablement les plus démunis. Comment comptez-vous restaurer leur capacité à faire face à l'extrême pauvreté ? (Applaudissements sur les travées du GEST et sur des travées du groupe CRCE)

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée chargée des personnes handicapées .  - L'inflation fragilise une partie de nos concitoyens, notamment les plus modestes, même si les chiffres récents montrent un début d'éclaircie.

Le trimestre anti-inflation, mis en place à la demande du Gouvernement, a contribué à rendre la consommation plus aisée. Nous avons aussi agi pour contenir la hausse des prix de l'énergie - 46 milliards d'euros ont été dépensés à cette fin. Les prestations ont été revalorisées de façon anticipée, à hauteur de 5,6 % sur un an.

En matière d'aide alimentaire, les moyens des associations ont été renforcés de manière exceptionnelle : les crédits de l'État ont triplé l'année dernière, à 156 millions d'euros, dont 10 millions pour l'aide d'urgence aux étudiants cet hiver. Des réponses spécifiques ont été apportées en outre-mer.

En 2023, année d'amorçage, le programme Mieux manger pour tous est doté de 60 millions d'euros, destinés au financement de paniers et de chèques verts et solidaires. Jean-Christophe Combe travaille avec les 18 associations nationales agréées pour flécher ces crédits.

Je tire mon chapeau à tous les bénévoles de ces associations, dont le travail est extraordinaire. (Mmes Françoise Gatel et Évelyne Perrot abondent ; applaudissements sur les travées du RDPI)

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Vous parlez de 2022, je vous parle d'aujourd'hui. Les associations demandent une augmentation du fonds d'aide alimentaire durable ou du fonds européen, comme pendant la pandémie. Il faut un React-EU II ! Plus durablement, il convient de porter les minima au seuil de pauvreté, sans condition. (Applaudissements sur les travées du GEST et sur quelques travées des groupes SER et CRCE ; Mme Esther Benbassa applaudit également.)

Harcèlement scolaire

Mme Colette Mélot .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP ; MM. Pierre Louault et Jean-Paul Prince applaudissent également.) J'associe à ma dernière question d'actualité mon collègue Jean-Pierre Decool, qui, comme moi, ne sollicitera pas un nouveau mandat.

Mon engagement contre le harcèlement scolaire et le cyberharcèlement est sans faille. Voilà quelques semaines, j'ai, une fois encore, interpellé le ministre de l'éducation nationale, après le décès de Lindsay, qui faisait suite à celui de Lucas.

Madame la Première ministre, vous avez fait de la lutte contre le harcèlement scolaire la priorité absolue de la rentrée. Nous saluons le déploiement d'un grand plan d'action contre ce fléau.

À la mi-juin, une heure de sensibilisation devait avoir lieu dans les collèges : quels en sont les retours ?

Sur l'initiative de mon groupe, le Sénat a publié en 2021 un rapport d'information comportant 35 préconisations. Depuis, le harcèlement continue de faire des victimes, malgré le programme pHARe. Les équipes éducatives restent inégalement mobilisées. Il est urgent d'agir.

Un grand plan mettra du temps à se déployer, mais des mesures simples peuvent être mises en place dès les premiers jours de septembre : sensibilisation des enseignants lors de la pré-rentrée, présence des numéros d'aide dans les carnets de correspondance, information lors de la première réunion des parents d'élèves.

Quelles mesures concrètes comptez-vous mettre en oeuvre à la rentrée ? (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur des travées du RDPI)

Mme Élisabeth Borne, Première ministre .  - Je sais combien ce sujet vous tient à coeur : il a été l'un des fils rouges de votre engagement d'élue et vous lui avez consacré un rapport important.

Je tiens moi-même tout particulièrement à la lutte contre le harcèlement scolaire, qui est insupportable : ce sont la violence et la bêtise qui s'abattent sur un jeune, le poursuivant jusque chez lui à travers les réseaux sociaux, le poussant parfois à l'irréparable. Lucas, Lindsay, Chanel et Dinah ont ainsi mis fin à leurs jours.

J'ai voulu que la lutte contre ce fléau révoltant soit une priorité absolue de la rentrée 2023. Beaucoup a été fait depuis six ans, notamment grâce au programme pHARe, mais nous devons aller plus loin. La semaine dernière, j'ai réuni mes ministres sur ce sujet.

Pap Ndiaye et moi-même avons décidé de déployer pHARe dans tous les établissements, dès la rentrée. Un coordonnateur sera nommé dans chaque établissement, pour libérer la parole. L'ensemble des personnels de l'éducation nationale, de la protection judiciaire de la jeunesse et des forces de l'ordre seront sensibilisés aux enjeux du harcèlement.

Autour du ministre de l'éducation nationale, un plan interministériel sera bâti pour la rentrée. Il permettra une meilleure prévention, à travers la sensibilisation des élèves et la responsabilisation des parents, une meilleure détection des cas et un meilleur accompagnement des victimes, ainsi qu'un suivi plus rigoureux des auteurs. Nous devons mieux coordonner les acteurs, faire connaître et simplifier les dispositifs.

Madame la sénatrice, je rends hommage à votre travail et à votre volonté d'agir au long de vos dix-huit ans de mandat. Je salue également Mmes Catherine Deroche, Laurence Cohen et Françoise Férat et MM. André Gattolin, Jacques Le Nay, Charles Guené et Bernard Fournier. (Applaudissements)

Comptez sur nous pour poursuivre le combat contre le harcèlement et prendre toutes les mesures nécessaires pour veiller à la civilité et protéger les enfants. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur des travées du groupe INDEP ; Mmes Amel Gacquerre et Nassimah Dindar applaudissent également.)

M. le président.  - Madame Mélot, vous êtes sénatrice depuis 2004, au sein de la commission de la culture puis des affaires sociales, également vice-présidente de la commission des affaires européennes. La lutte contre le cyberharcèlement a toujours été au coeur de votre engagement.

Je salue également Jean-Pierre Decool, qui, à l'Assemblée nationale puis au Sénat, a représenté le département du Nord avec une petite prédilection pour la Flandre... (M. Jean-Pierre Decool sourit.) Il a été, dès 2018, rapporteur d'une mission d'information sur la pénurie de médicaments, sujet sur lequel Laurence Cohen a également travaillé, comme rapporteure de la commission d'enquête créée sur l'initiative de son groupe. (Applaudissements)

Confiance entre les soignants et les patients

M. le président.  - Je salue Catherine Deroche, qui a décidé de ne pas se représenter. (Marques d'estime sur de nombreuses travées)

D'abord rapporteure du PLFSS pour la branche assurance maladie, elle a ensuite présidé la commission des affaires sociales avec courtoisie et efficacité, porteuse de valeurs et d'une dimension spécifiquement angevine, faite de douceur et de détermination... (Sourires) À la suite d'Alain Milon, elle a conduit la commission vers des rivages qui n'étaient pas aussi calmes que la Loire ; quand elle avait des choses à dire, c'étaient un peu les crues de la Loire... (Mme Catherine Deroche sourit.)

Au nom du Sénat tout entier, je la remercie pour le travail accompli, notamment pendant la période complexe du Covid. (Mmes et MM. les sénateurs se lèvent et applaudissent longuement, ainsi que Mmes et MM. les membres du Gouvernement.)

Mme Catherine Deroche .  - Merci, monsieur le président, mes chers collègues.

Depuis un an, monsieur le ministre de la santé, votre feuille de route est chargée : urgences, pédiatrie, psychiatrie, réforme hospitalière, prévention, pour ne citer que ces chantiers.

Des colloques et tables-rondes récemment organisés au Sénat ont mis en lumière des retards administratifs importants, par exemple en matière d'innovation en cancérologie ou de prise en charge de la douleur chronique.

Plus largement, les soignants souffrent d'une perte de sens dans leur métier, et les Français d'une perte de confiance. C'est comme si quelque chose s'était brisé dans la politique sanitaire.

Au sortir de la guerre, le docteur Louis Portes disait, dans la tradition de l'humanisme médical, que la médecine est une confiance, celle du patient, qui rejoint librement une conscience, celle du médecin. Représentant de la puissance publique, comment comptez-vous réenchanter cette rencontre ? (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC et sur des travées du groupe CRCE ; M. Jean-Pierre Sueur applaudit également.)

M. François Braun, ministre de la santé et de la prévention .  - Merci de l'honneur que vous me faites de me poser votre dernière question d'actualité. Je rends hommage à votre travail à la tête de la commission des affaires sociales. J'ai toujours rencontré chez vous une écoute, et nos échanges ont été apaisés et constructifs. Vous avez, en effet, une douceur et une autorité naturelles... (Sourires ; on renchérit à droite.)

La relation de confiance entre les soignants et les soignés est essentielle. La crise sanitaire, avec son flot d'informations et les contradictions qu'on a pu entendre chez les professionnels de santé, a certainement contribué à l'éroder. Or c'est cette relation qui donne leur sens aux métiers du soin. Le numérique ne doit pas nous éloigner de cette relation, mais, au contraire, libérer du temps pour elle.

J'ai mis l'éthique au centre de la refondation de notre système de santé. C'est dans cet esprit que nous déployons les CNR Santé, en associant les soignés au côté des élus et des professionnels, mettons en oeuvre le dispositif des patients partenaires et développons des indicateurs de perception de la qualité des soins par les patients, qui seront un des éléments clés du nouveau financement de la sécurité sociale. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; M. Pierre Louault applaudit également.)

Mme Catherine Deroche.  - Je forme un voeu : puissiez-vous, pour le dire familièrement, secouer le cocotier de l'administration de la santé et de Bercy. Et n'hésitez pas à vous appuyer sur les rapports du Sénat : vous gagnerez du temps, car nous sommes souvent précurseurs - c'est à l'urgentiste que je m'adresse... Ce conseil vaut pour l'ensemble des ministères ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP et du RDPI)

Otan et Ukraine

M. Philippe Folliot .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; Mme Nicole Duranton applaudit également.) Voilà quelques jours, avec le député allemand Marcus Faber, j'étais en Ukraine, tout près de la ligne de front, pour la seconde fois en quelques mois. Nous avons rencontré les soldats de la 47e brigade, équipée de chars Léopard II flambant neufs, et de la 37e brigade marine, équipée de nos antiques AMX-10 RC.

Les préparatifs de la vraie contre-offensive battent leur plein. Les soldats ukrainiens sont fatigués, mais plus que jamais déterminés. Les défenses russes sont solides : il s'agit, pour le moment, de sonder les faiblesses du mur, pour, ensuite, y concentrer l'effort, afin d'ouvrir une brèche. Nous sommes à la croisée des chemins : enlisement ou percée, qui serait un pas décisif pour la victoire de la liberté.

L'Ukraine a urgemment besoin de plus d'avions de chasse, de chars lourds, de systèmes de défense antiaérienne, de missiles de courte et moyenne portées. Si nos canons Caesar jouent pleinement leur rôle, les vieux AMX-10 RC sont inadaptés.

Nous devons changer de braquet. La livraison de missiles Scalp est bienvenue, mais ensuite ? Serons-nous à la hauteur du soutien qu'attendent et méritent nos alliés Ukrainiens ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées des groupes Les Républicains et INDEP)

Mme Patricia Mirallès, secrétaire d'État chargée des anciens combattants et de la mémoire .  - Je vous prie d'excuser l'absence du ministre des armées, qui rentre du sommet de l'Otan pour se rendre à l'Assemblée nationale, pour l'examen des conclusions de la CMP sur la loi de programmation militaire.

Je connais votre engagement en faveur de l'aide à l'Ukraine. Depuis le début de la guerre, la France soutient l'Ukraine dans sa légitime défense contre l'agression russe, selon des critères clairs définis par le Président de la République : une aide utile, qui ne mène pas à l'escalade et n'affaiblit pas notre propre défense.

Une des spécificités de notre soutien est que nous fournissons des capacités complètes, incluant la formation et la maintenance. Nos matériels ont fait leurs preuves sur le terrain : canons Caesar, Mistral, Crotale, SAMP/T, VAB, chars légers AMX-10 RC, demandés par les Ukrainiens.

Le Président de la République a annoncé hier la livraison de missiles Scalp, d'une portée de 250 km et d'une grande précision. Ils ont vocation à servir exclusivement à l'intérieur du territoire ukrainien et apporteront un avantage significatif à l'Ukraine.

Les discussions de Vilnius ont porté sur des engagements supplémentaires et la perspective d'une adhésion de l'Ukraine à l'Otan, à terme. Ces discussions se poursuivent et des annonces suivront. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Pénurie de médicaments

M. le président.  - Notre collègue Laurence Cohen, sénatrice du Val-de-Marne depuis 2011, a décidé de ne pas briguer un nouveau mandat. Je la remercie pour son engagement au sein de la commission des affaires sociales et de la délégation aux droits des femmes, dont elle a été vice-présidente. Elle a contribué à de nombreux travaux du Sénat sur la santé des femmes au travail, la pénurie de médicaments, ou encore la pornographie. Je salue ses convictions très fortes. Nous avions ensemble visité l'institut Gustave-Roussy. Au nom du Sénat, merci. (Mmes et MM. les sénateurs se lèvent et applaudissent, ainsi que Mmes et MM. les membres du Gouvernement.)

Mme Laurence Cohen .  - Merci. À l'initiative de mon groupe, la commission d'enquête sur la pénurie de médicaments a rendu son rapport, riche de 36 recommandations. Je salue la présidente Sonia de La Provôté et toute la commission.

Les industriels pharmaceutiques français envisagent d'abandonner la production de 700 préparations thérapeutiques, dont des médicaments d'intérêt thérapeutique majeur. C'est la santé des malades qui est menacée : la responsabilité des industriels est grande. Comment comptez-vous rétablir notre souveraineté sanitaire et industrielle, mise à mal par la course à la rentabilité ? Lesquelles de nos recommandations allez-vous mettre en oeuvre en urgence ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur plusieurs travées du groupe SER)

M. François Braun, ministre de la santé et de la prévention .  - Merci de me réserver votre dernière question au Gouvernement, qui me donne l'occasion de saluer votre engagement. Nos discussions ont été parfois animées, mais toujours respectueuses.

Les tensions sur les médicaments sont un phénomène mondial. C'était le seul sujet à l'ordre du jour du dernier conseil des ministres de la santé de l'Union européenne.

Nous activons l'ensemble des leviers dans le cadre d'un plan de lutte contre les pénuries. Votre rapport sera une aide très importante.

La liste de 450 médicaments essentiels, qui sera amenée à évoluer, permet une cartographie précise de la production, de l'usine à l'étagère de la pharmacie. Avec plus de vingt États membres, nous soutenons une initiative belge pour une politique européenne du médicament, de soutien à la production, de transparence sur les prix.

Je salue aussi le milliard d'euros d'investissement des laboratoires en France dans le cadre de Choose France. Nous travaillons, avec Roland Lescure, à reconquérir cette souveraineté industrielle. Pas moins de 25 médicaments seront relocalisés dans un premier temps, puis 25 autres dans les années à venir. Enfin, nous travaillons sur les approvisionnements particulièrement innovants.

Nous sommes pleinement mobilisés, et votre rapport nourrira les possibilités de réaction.

Mme Laurence Cohen.  - J'espère que notre rapport vous inspirera. Le Gouvernement a manqué d'anticipation, mené une communication brouillée. Il manque un pilote dans l'avion. (Mouvements au banc des ministres) Sur 106 projets financés par le plan de relance et France 2030, seuls 18 portent réellement sur une relocalisation, 5 sur un médicament stratégique.

Il faut réorienter les aides publiques et incitations fiscales vers la production de médicaments essentiels, en France. Quelque 710 millions de crédit d'impôt recherche ont été versés en 2021, sans contrepartie. Il faut retrouver une maîtrise publique de la production du médicament et restaurer la capacité de façonnage de la pharmacie centrale de l'AP-HP.

Mon groupe plaide depuis des années pour un pôle public du médicament. Ce dernier n'est pas une marchandise, mais un bien commun de l'humanité. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER, du GEST et du RDSE)

TikTok face aux droits national et européen

M. le président.  - André Gatollin ne se représentera pas non plus. Sénateur des Hauts-de-Seine depuis 2011, vice-président de la commission des affaires étrangères et de la commission des affaires européennes, il a notamment été rapporteur de la mission d'information sur les influences étatiques extraeuropéennes dans le monde universitaire - sujet qui reste d'actualité. Merci à lui. (Applaudissements sur toutes les travées, ainsi qu'au banc des ministres)

M. André Gattolin .  - Voilà dix ans, le Sénat publiait un rapport de Catherine Morin-Desailly, intitulé « L'Union européenne, colonie du monde numérique ? ». Ce rapport reste une référence, même si le monde a évolué. À l'époque, l'espace numérique était dominé par quelques géants américains et l'Union européenne peinait à réguler le secteur. Ce n'est que trois ans plus tard que le règlement général sur la protection des données (RGPD) a été adopté.

La semaine dernière, la commission d'enquête sur le réseau TikTok, emmenée par Claude Malhuret et Mickaël Vallet a publié son rapport. Ses conclusions sont édifiantes. Malgré l'adoption de nombreuses législations européennes et nationales visant à encadrer le développement anarchique des réseaux sociaux, certains acteurs, comme TikTok, sont loin de se plier à la loi.

Pis, cette entreprise est si opaque, ses liens avec Pékin si étroits, que nous proposons sa suspension pour raison de sécurité nationale si elle ne se conforme pas à des règles de transparence minimales d'ici 2024.

Monsieur le ministre, quelles mesures entendez-vous prendre pour que TikTok se conforme enfin aux droits national et européen ? (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées du GEST, du RDSE et des groupes UC et Les Républicains)

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué chargé de la transition numérique et des télécommunications .  - À mon tour de saluer l'action d'André Gattolin. Vos travaux sur le numérique et l'intelligence artificielle font honneur au Sénat et à la République.

Je salue également les membres de la commission d'enquête TikTok, notamment Claude Malhuret et Mickaël Vallet. Ce rapport fera date dans l'histoire du contrôle parlementaire. Le Gouvernement en partage le triple constat : TikTok enfreint les règles du RGPD ; ses algorithmes enferment et isolent ses utilisateurs, notamment les enfants ; enfin, son 1,7 milliard de téléchargements et ses liens avec la Chine soulèvent des questions géopolitiques.

J'ai demandé à TikTok de fournir un état des lieux sur l'avancement de la conformité aux règles européennes. Je m'engage à le présenter devant vous avant la fin de l'année.

En outre, comme les autres grandes plateformes, TikTok devra se soumettre aux obligations de transparence, d'audits algorithmiques et de prise en compte des risques sur la santé et la sécurité publiques dès le 25 août prochain, date de l'entrée en vigueur du règlement sur les services numériques.

C'est dans ce même esprit que le Gouvernement a présenté un projet de loi visant à réguler et sécuriser l'espace numérique, adopté la semaine dernière à l'unanimité du Sénat. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; Mme Colette Mélot et M. Olivier Cadic applaudissent également.)

Propos sur les médias

M. le président.  - Bernard Fournier a lui aussi décidé de ne pas se représenter, après 26 années comme sénateur de la Loire. (Mmes et MM. les sénateurs se lèvent et applaudissent, ainsi que Mmes et MM. les membres du Gouvernement.) Gaulliste convaincu depuis sa jeunesse au sein de l'Union des jeunes pour le progrès (UJP), attaché à la mémoire et au patrimoine, il a représenté le Sénat à l'assemblée parlementaire de la mer Noire et été un grand spécialiste de nos relations avec la Roumanie. Je l'en remercie. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Bernard Fournier .  - Monsieur le ministre de l'Éducation nationale, dimanche, sur Radio J, vous vous en êtes violemment pris à deux médias dont le tort est sans doute de ne pas toujours être le relais de ce que vous pensez. (Murmures désapprobateurs à gauche) Ultime mise en cause, ces médias seraient « d'extrême droite ». (Plusieurs voix à gauche : « c'est vrai ! ») Ils feraient du mal à la démocratie et menaceraient nos valeurs républicaines. L'heure est grave. Comment avez-vous pu vous laisser aller à une telle facilité ? Que faites-vous de la liberté des journalistes, de l'indépendance de la presse ?

M. David Assouline.  - C'est Bolloré !

M. Bernard Fournier.  - En jetant l'anathème contre ces médias, vous méprisez tous ceux qui les écoutent.

Plutôt que de vous en prendre à la liberté d'expression, apportez plutôt de vraies réponses à l'effondrement du niveau scolaire...

M. David Assouline.  - C'est vous qui l'avez provoqué !

M. Bernard Fournier.  - ... à la flambée des atteintes à la laïcité, aux difficultés de recrutement des enseignants, à leur sentiment d'abandon. L'Éducation nationale mérite mieux de son ministre que des anathèmes et des propos inutilement polémiques. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; huées à gauche)

M. David Assouline.  - C'est du Zemmour !

M. Pap Ndiaye, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse .  - Il y a la liberté de la presse, à laquelle je suis aussi attaché que vous (exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains), mais il y a aussi la liberté d'expression. (Applaudissements à gauche et sur les travées du RDPI) Il est de mon droit le plus strict de donner mon point de vue sur la ligne éditoriale d'une chaîne de télévision.

Si vous aviez écouté jusqu'au bout mon interview sur les grands chantiers de l'éducation nationale, vous m'auriez interrogé sur l'implication des parents...

Mme Pascale Gruny.  - Il serait temps !

M. Pap Ndiaye, ministre.  - ... sur l'orientation des élèves, avec la découverte des métiers, sur la réforme du bac et du troisième trimestre...

Mme Nadine Bellurot.  - Répondez à la question !

M. Cédric Perrin.  - Ce n'est pas la bonne fiche !

M. David Assouline.  - Laissez-le parler !

M. Pap Ndiaye, ministre.  - Vous m'auriez interrogé sur la question du niveau en français et la prise en compte de l'orthographe et de la syntaxe dans l'évaluation des copies du bac. (Nombreuses exclamations sur les travées du groupe Les Républicains, où l'on déplore l'absence de réponse du ministre.) Vous m'auriez interrogé sur le renforcement des disciplines fondamentales, sur le soutien en français et en mathématiques en 6e, sur l'augmentation inédite des professeurs et des personnels d'éducation et d'orientation. (Le brouhaha et les protestations à droite couvrent la voix du ministre.) Vous m'auriez interrogé sur l'autonomie des établissements, sur le Conseil national de la refondation. Ces sujets sont plus essentiels que la dérive d'extrême droite d'une chaîne de télévision... (Applaudissements à gauche et sur les travées du RDPI, ainsi que sur quelques travées du RDSE ; huées sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Max Brisson.  - Baratin ! Police de la pensée !

M. Cédric Perrin.  - Remaniement !

Pesticides

Mme Angèle Préville .  - Vents violents, orages destructeurs. Qui aurait pu prévoir ? Pourtant, le Giec nous alerte depuis des années. Et ce n'est que le début. En 1864, Élisée Reclus écrivait : « quelle que soit la liberté relative conquise par notre intelligence et notre volonté propre, nous n'en restons pas moins les produits de la planète : attachés à sa surface comme d'imperceptibles animalcules, nous sommes emportés dans tous ses mouvements. »

La réalité implacable, c'est l'effondrement des populations d'insectes. Le 29 juin dernier, le tribunal administratif de Paris a enjoint le Gouvernement de réparer le préjudice écologique et prévenir l'aggravation des dommages dus à l'utilisation des produits phytosanitaires.

Ce préjudice résulte de la contamination généralisée des eaux et des sols par les pesticides. La note scientifique de l'Opecst de 2021, sur laquelle s'appuie le tribunal, conclut que les pesticides sont une menace grave pour les insectes, dont un tiers des espèces risquent l'extinction. Vous n'avez plus le temps de tergiverser, tous les signaux sont au rouge. Que proposez-vous pour enrayer ce désastre ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST)

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires .  - Je m'autorise un salut particulier à Mme Deroche, avec qui j'ai eu le privilège de faire liste commune. Preuve que les convergences sont parfois possibles ! (Sourires)

M. David Assouline.  - Et le mariage pour tous ?

M. Christophe Béchu, ministre.  - Qu'a dit le tribunal administratif de Paris, dans son jugement du 29 juin ? Que malgré les engagements pris en 2009 lors du Grenelle de l'environnement, l'utilisation de pesticides n'a pas diminué. Entre 2009 et 2013, la quantité de doses-unités a augmenté de 13 %, puis à nouveau entre 2013 et 2018 : depuis 2009, c'est une hausse de 20 % en moyenne, malgré la baisse enclenchée en 2018, qui se poursuit depuis. L'honnêteté aurait voulu que vous mentionniez cette bascule, qui a commencé en nombre - moins 10 % de pesticides vendus depuis 2018 -, et en risques - baisse de 93 % des CMR-1, les plus cancérigènes. (M. François Braun le confirme.)

Qu'allons-nous faire ? Poursuivre l'accélération, dans le cadre du plan Écophyto, en repérant par anticipation les molécules susceptibles d'être interdites, avec comme double principe : pas d'interdiction sans solution, et pas de solution sans financement. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP)

Image de la France à l'étranger

M. Ronan Le Gleut .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Les images de la France qui brûle ont fait le tour du monde : immeubles incendiés, mairies et commissariats attaqués au mortier, centres-villes saccagés ... Partout sur la planète, les journaux télévisés ont montré ces images. Nos trois millions de compatriotes vivant à l'étranger ont été interrogés : la France est-elle toujours la France ? Que devient ce pays ? Voilà la question que les gouvernements étrangers posent à nos ambassadeurs.

M. David Assouline.  - C'est Bolloré ! (Mme Françoise Gatel s'agace.)

M. Ronan Le Gleut.  - Quelles réponses le Gouvernement leur fait-il ? Leur dites-vous de répondre, comme le Président de la République, que l'on va réfléchir ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Laurence Boone, secrétaire d'État chargée de l'Europe .  - Veuillez excuser l'absence de Mme Colonna, retenue au sommet de l'Otan.

Les violences qui ont suivi la mort dramatique de Nahel sont inacceptables. La destruction de mairies, de médiathèques, de biens publics...

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et du tourisme.  - Et de commerces !

Mme Laurence Boone, secrétaire d'État.  - ... et de commerces est inacceptable. Les forces de l'ordre ont ramené le calme très rapidement, en respectant la loi et en limitant le nombre de blessés.

Le Gouvernement a beaucoup communiqué, y compris à l'étranger, sur les mesures prises pour rétablir l'ordre. Nos ambassades, informées, ont pu rassurer, si bien qu'il n'y a pas eu de baisse de la fréquentation touristique ni d'annulations de séjour.

Cela dit, nous ne sommes pas dupes du cynisme de certains pays qui n'hésitent pas à instrumentaliser et à déformer, en utilisant ces images pour leur propagande interne et externe.

M. Olivier Cadic.  - Absolument !

M. David Assouline.  - La Russie !

Mme Laurence Boone, secrétaire d'État.  - Nous avons systématiquement répondu aux propos de l'Azerbaïdjan, de la Turquie, de l'Iran. Leurs leçons prêteraient à sourire si ces pays étaient moins défaillants en matière de droits de l'homme.

Le Royaume-Uni en 2011, un an avant les jeux Olympiques, la Suède, le Danemark ont eux aussi vécu de tels événements ; ils sont compréhensifs et prêts à partager leur expérience. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur plusieurs travées du groupe UC)

M. Olivier Cadic.  - Bravo !

M. Ronan Le Gleut.  - Vous vous défaussez, madame la ministre. Dans un an, le monde entier aura les yeux rivés sur la France.

M. David Assouline.  - Bolloré !

M. Ronan Le Gleut.  - Il est temps de restaurer l'autorité de l'État dans notre beau pays. Pensons aux images que nous enverrons lors des prochains jeux Olympiques. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. David Assouline.  - Et les émeutes de 2005, sous Sarkozy ?

Culture scientifique pour tous

M. le président.  - Je donne la parole à Françoise Férat, sénateur de la Marne depuis 2001, qui s'est particulièrement investie sur les enjeux agricoles et ruraux au sein de la commission des affaires économiques. Je la remercie pour son engagement au sein du Bureau et en sa qualité de secrétaire du Sénat. J'attire l'attention sur le rapport qu'elle a produit avec M. Cabanel, intitulé Suicides en agriculture : mieux prévenir, identifier et accompagner les situations de détresse. Je la remercie pour cet engagement, qui nous a invités à réfléchir collectivement à la place qu'occupent les agriculteurs dans notre société. (Mmes et MM. les sénateurs se lèvent et applaudissent, ainsi que Mmes et MM. les membres du Gouvernement.)

Mme Françoise Férat .  - Les compétences des élèves français sont en baisse et nous notons une désaffection pour les matières scientifiques. 80 % des élèves, en Grande-Bretagne ou en Allemagne, ont des activités scientifiques en dehors de l'école ; c'est 8 % en France.

Les Français ont confiance en la science. Les sujets scientifiques - nucléaire, pandémie, vaccin - alimentent le débat, mais aussi les suspicions en tout genre. La confusion entre l'opinion et les faits scientifiques menace nos démocraties et nos sociétés. Un rapport de l'Unesco affirme que la science et l'innovation ont les réponses pour relever les défis mondiaux les plus urgents. La science est aussi une clef pour asseoir notre puissance industrielle.

Les sciences et les mathématiques, qui forment l'esprit critique, ne doivent pas être réservées à une élite. Monsieur le ministre, qu'envisagez-vous pour développer la culture scientifique en France ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur plusieurs travées du groupe Les Républicains ; M. Stéphane Artano et Mme Évelyne Perrot applaudissent également.)

M. Pap Ndiaye, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse .  - Je m'associe à l'hommage qui vient de vous être rendu et vous remercie de votre proposition qui a réuni des sénateurs de tous les groupes. Nous sommes engagés dans une stratégie qui vise à promouvoir la culture scientifique dès le plus jeune âge. Nous avons une priorité : mobiliser les filles dans ces matières. Nous devons d'abord déconstruire les représentations - trop difficiles, élitistes - qu'on se fait des mathématiques.

L'excellence scientifique française, en touchant plus de personnes, doit permettre de lutter contre les intox et de répondre aux défis de la transition écologique et de la révolution numérique.

J'appelle votre attention sur le développement des clubs de mathématiques dans les collèges, pour favoriser la pratique collégiale des mathématiques, sous l'égide du lauréat de la médaille Fields, Hugo Duminil-Copin, et sur l'introduction d'une heure trente de mathématiques dans le tronc commun en première. Notre objectif est aussi d'atteindre 50 % de filles dans les principales spécialités scientifiques. Je suis plus que favorable à votre proposition de résolution, qui renforce notre stratégie. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées du groupe UC)

Accès aux données sur les hôpitaux

M. le président.  - Je souhaite maintenant saluer Charles Guené, sénateur de la Haute-Marne depuis 2001, qui s'est pleinement investi pour les collectivités locales, notamment en matière de fiscalité. Je salue son engagement comme vice-président de la commission des finances et de la délégation aux collectivités territoriales, et ancien vice-président de notre institution. Dans l'histoire de la commission des finances, il existe un binôme terrible qui a pour nom Guené-Raynal ! Je salue aussi en lui le président de l'Amicale gaulliste du Sénat. (Mmes et MM. les sénateurs se lèvent et applaudissent, ainsi que Mmes et MM. les membres du Gouvernement.)

M. Charles Guené .  - Suivant l'exemple du président Requier, qui finit par une question sur les retraites, j'évoquerai pour ma part l'état des maisons de santé. (Rires)

Un grand hebdomadaire, qui publie depuis vingt ans le palmarès des établissements de santé français, s'est vu refuser, cette année, l'accès aux données par un organisme indépendant. Pourquoi, alors que l'organisation de la santé sur le territoire prête à critique ? À l'époque de l'open data et de la transparence, que penser de cette situation, au regard des difficultés d'accès à l'information que rencontre la presse, mais aussi, parfois, le Parlement ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. François Braun, ministre de la santé et de la prévention .  - Merci de me donner l'occasion de rétablir une vérité, dans cette polémique qui n'en est pas une. Répéter ad nauseam une inexactitude n'en fait pas une vérité.

La loi du 24 juillet 2019 relative à l'organisation et à la transformation du système de santé a créé un organisme indépendant de contrôle des données de santé, le Comité éthique et scientifique pour les recherches, les études et les évaluations dans le domaine de la santé (Cesrees). Le 2 juin 2022, celui-ci a émis un avis défavorable à la méthodologie du journal en question pour le traitement des données qu'il recevait, avis confirmé par la Cnil.

J'ai suivi l'avis des experts et, dès le lendemain, écrit au rédacteur en chef du journal pour lui proposer l'aide des services du ministère. À ce jour, je n'ai pas reçu de réponse - le courrier date d'un an. Les faits sont têtus, et personne dans cette affaire n'a le rôle du censeur. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Charles Guené.  - Vos explications, bien que confortables, ne sont pas convaincantes. L'esprit du texte de 2019 n'était pas celui-là. Certains y voient l'énième expression d'un pouvoir vertical, qui veut contrôler l'information, quand il ne réunit pas des comités Théodule dont il pilote les conclusions. Respectez la pluralité de l'information et la liberté de la presse ! Nos hôpitaux sont malades. Plutôt que de briser le thermomètre, trouvons des thérapies. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Françoise Gatel applaudit également.)

Fonds Marianne

M. Rémi Féraud .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Coup politique et suivi désinvolte, sélection bâclée des dossiers, précipitation dans le cahier des charges, fait du prince, et pour finir, fiasco : la commission d'enquête sur le fonds Marianne, sous l'égide de Claude Raynal et Jean-François Husson, a établi un rapport accablant. Les conclusions de l'inspection générale de l'administration (IGA) sont tout aussi sévères.

Les dysfonctionnements sont d'autant plus graves qu'ils concernent une politique essentielle, la lutte contre la propagande islamiste. Son détournement est inacceptable.

Madame la ministre, comptez-vous appliquer les recommandations de la commission d'enquête du Sénat pour éviter que de telles dérives ne se reproduisent ? Quelles conséquences politiques le Gouvernement compte-t-il en tirer ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur quelques travées du groupe CRCE ; Mme Monique de Marco applaudit également.)

Mme Sonia Backès, secrétaire d'État chargée de la citoyenneté .  - Restons factuels. Le Gouvernement a fait preuve de réactivité et de transparence. (Marques d'ironie sur quelques travées du groupe Les Républicains) Réactivité, avec la demande faite à l'IGA de mener une enquête, en plus du signalement à la procureure de Paris, sur le fondement de l'article 40 du code de procédure pénale. Nous avons aussi transmis au Sénat et au parquet national financier tous les documents demandés.

Il faut tirer les conséquences de ce dossier : les manquements sont graves, les faits inacceptables. Nous devons sécuriser nos procédures et appliquer les recommandations tant de l'IGA que de votre commission d'enquête.

Mais nous devons aussi sécuriser la politique publique de lutte contre les séparatismes. Sur dix-sept associations ayant reçu des subventions du fonds Marianne, quinze ont fait un travail remarquable : nous devons faire la part des choses et les soutenir. Je suis convaincue que vous partagez ce point de vue. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. David Assouline.  - Et Marlène Schiappa ?

M. Rémi Féraud.  - Nous partageons les objectifs, mais votre réponse n'est pas convaincante. Réactivité, transparence, certes, mais quelles conséquences politiques ?

Se séparer de la ministre concernée n'était pas nécessaire, selon la Première ministre. Dans n'importe quel autre pays européen, Marlène Schiappa aurait déjà démissionné. Il est temps de faire respecter le principe de responsabilité politique. (Applaudissements sur les travées du groupe SER, sur plusieurs travées du groupe CRCE et sur quelques travées du groupe Les Républicains)

Moyens aériens des Sdis

M. Pierre Cuypers .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) En Seine-et-Marne, un hélicoptère Dragon, qui faisait l'objet d'une expérimentation, a été déplacé. Déployé dans un rayon de 100 km en Île-de-France, il assurait la sécurité de 15 millions de nos concitoyens. Quelle est la politique du Gouvernement pour assurer la sécurité des citoyens en Seine-et-Marne et sur l'ensemble du territoire ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité .  - Les moyens sont prépositionnés dans les secteurs où ils sont le plus utiles : lieux difficiles d'accès - milieux montagneux ou côtiers - ou régions à forte saisonnalité touristique. Nous sommes conscients de la nécessité d'adapter notre dispositif en permanence. La Première ministre a demandé un rapport au député Morel-À-L'Huissier sur le sujet.

L'hélicoptère en question a été déplacé momentanément, face aux contraintes de disponibilité. Les moyens adoptés dans la Lopmi (loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur) nous permettront néanmoins de renouveler intégralement la flotte. L'expérimentation ayant été concluante, un hélicoptère Dragon sera à nouveau présent à Melun dès le début de l'année prochaine.

M. Pierre Cuypers.  - Certes, le parc global des hélicoptères de la sécurité civile est d'environ 36 appareils. Mais cinq se sont crashés depuis 2003, douze sont cloués au sol par manque de pièces détachées. La durée des visites de maintenance est passée de 12 à 22 semaines. La découverte de fissures rend cinq appareils inutilisables. Enfin, rien n'est prévu pour externaliser l'entretien.

La sécurité civile n'est pas assurée pour la saison estivale 2023. Vous en porterez toute la responsabilité devant nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Malaise des élus

M. le président.  - C'est la dernière question de M. Jacques Le Nay, qui lui aussi a décidé de quitter le Sénat. Sénateur du Morbihan depuis 2017, il s'est beaucoup investi sur les questions militaires et internationales au sein de la commission des affaires étrangères, tout récemment encore pour examiner la loi de programmation militaire qui, je l'espère, aboutira. Il est également vice-président de la délégation sénatoriale aux entreprises, où il a mené des travaux importants, notamment un rapport sur la responsabilité sociale des entreprises. (Mmes et MM. les sénateurs se lèvent et applaudissent, ainsi que Mmes et MM. les membres du Gouvernement.)

M. Jacques Le Nay .  - Nous sommes très inquiets quant à l'engagement de nos concitoyens dans les fonctions électives, principalement locales. Le mandat s'exerce toujours plus au détriment de la vie familiale, de la vie professionnelle et de la santé des élus, et désormais de leur sécurité. Pas moins de 1 300 maires ont démissionné depuis 2020 ; beaucoup hésiteront sans doute à se représenter en 2026. Brutalité des réseaux sociaux, empilement de normes contradictoires - les règles d'urbanisme virent au cauchemar - demandes pressantes des concitoyens... Les maires sont pris en étau. Des associations de tous bords engagent des recours en tout genre, qui paralysent la gestion des communes.

Des annonces ont été faites à chaud après les violences urbaines, mais il faut redonner du sens à la fonction. Que ferez-vous pour répondre au malaise des élus locaux ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité .  - Je tiens à réaffirmer mon soutien et ma solidarité aux maires, aux services municipaux et aux forces de l'ordre, victimes de violences inexcusables. Nous présenterons la semaine prochaine des mesures pour accélérer les réparations.

Tous les maires que j'ai rencontrés m'ont fait part de leur épuisement et m'ont alertée sur la nécessité de travailler sur les conditions d'exercice du mandat d'élu local. Je puis aussi témoigner de leur engagement sans limites et de leur foi républicaine à toute épreuve. Il faut accompagner les maires, faciliter leur quotidien pour assurer une démocratie représentative qui fasse sens.

J'échange régulièrement avec les associations d'élus, notamment l'Association des maires de France. J'ai fait part à David Lisnard des initiatives qui seront prises pour que les maires puissent mieux exercer leur mandat.

J'ai conscience de la responsabilité qui m'incombe, comme Gérald Darmanin et Christophe Béchu. Nous allons réenchanter la fonction de maire, comme le disait Catherine Deroche (marques de sympathie amusée de Mme Catherine Deroche et M. Bruno Retailleau), par un travail partenarial et concret, en nous inspirant de votre rapport « Avis de tempête sur la démocratie locale ». Avant la fin de l'année, nous ferons des propositions. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. François Bonhomme.  - Nous aussi !

M. Jacques Le Nay.  - Un choc civique est nécessaire, à condition de lui donner consistance. Pour encourager nos élus et susciter des vocations, il faut la reconnaissance de la nation, des mesures crédibles et un soutien sans faille de l'État. (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. Jean-Claude Requier applaudit également.)

M. le président.  - Je tiens à rendre hommage à une présidente de groupe qui a beaucoup apporté au Sénat, Mme Éliane Assassi, désignée sénatrice de l'année 2022. (Mmes et MM. les sénateurs se lèvent et applaudissent, ainsi que Mmes et MM. les membres du Gouvernement.) Avec ses convictions, son engagement, son attachement à la République, son attention portée aux plus modestes et aux plus pauvres, elle incarne parfaitement la famille politique à laquelle elle est si attachée, mais aussi une richesse pour le Sénat et notre République. (Applaudissements nourris ; Mme Éliane Assassi est saisie d'une vive émotion.)

Enfin, je tiens à remercier Mme la Première ministre et M. le ministre chargé des relations avec le Parlement pour leur présence constante aux questions d'actualité.

La séance est suspendue à 16 h 25.

Présidence de M. Roger Karoutchi, vice-président

La séance reprend à 16 35.