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Table des matières
Ouverture de la session extraordinaire 2022-2023
Douane (Conclusions de la CMP)
M. Gabriel Attal, ministre délégué chargé des comptes publics
Discussion du texte élaboré par la CMP
Code monétaire et financier et diverses dispositions relatives à l'outre-mer (Conclusions de la CMP)
M. Hervé Maurey, rapporteur pour le Sénat de la CMP
M. Gabriel Attal, ministre délégué chargé des comptes publics
Règlement du budget et approbation des comptes des années 2021 et 2022 (Procédure accélérée)
M. Gabriel Attal, ministre délégué chargé des comptes publics
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances
Discussion générale commune (Suite)
Approbation des comptes de la sécurité sociale pour l'année 2022 (Procédure accélérée)
M. François Braun, ministre de la santé et de la prévention
M. Gabriel Attal, ministre chargé des comptes publics
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales
M. Christian Klinger, rapporteur pour avis de la commission des finances
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales
Ordre du jour du mardi 4 juillet 2023
SÉANCE
du lundi 3 juillet 2023
1ère séance de la session extraordinaire 2022-2023
Présidence de M. Roger Karoutchi, vice-président
Secrétaires : Mme Jacqueline Eustache-Brinio, M. Loïc Hervé.
La séance est ouverte à 16 heures.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.
Ouverture de la session extraordinaire 2022-2023
M. le président. - J'ai reçu de Madame la Première ministre communication du décret de Monsieur le Président de la République en date du 19 juin 2023 portant convocation du Parlement en session extraordinaire.
Acte est donné de cette communication. Ce décret, qui vous a été adressé, a été publié sur le site internet du Sénat.
En conséquence, la session extraordinaire est ouverte.
Hommages
M. le président. - (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que M. le ministre, se lèvent.) Après l'attaque inacceptable contre le domicile du maire de L'Haÿ-les-Roses intervenue dans la nuit de samedi à dimanche, je souhaiterais réaffirmer, au nom du Président du Sénat, notre soutien déterminé à l'ensemble des élus pris pour cibles ces derniers jours.
Nous nous associons à l'appel lancé par l'Association des maires de France (AMF) au rassemblement, ce jour, devant toutes les mairies de France, en marque de ce soutien aux élus de la République et pour condamner les attaques contre les symboles républicains que sont nos mairies, nos écoles ou nos bibliothèques.
Par ailleurs, nous avons appris avec beaucoup d'émotion la mort, au cours de la nuit, d'un pompier de 24 ans en Seine-Saint-Denis qui luttait contre un incendie dans un parking. Au nom du Sénat tout entier, je souhaite lui rendre hommage et présenter à sa famille, ainsi qu'à ses collègues de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris, nos condoléances les plus attristées. Je vous propose d'observer un instant de recueillement.
(Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que M. le ministre, observent un moment de recueillement.)
Douane (Conclusions de la CMP)
M. le président. - L'ordre du jour appelle l'examen des conclusions de la commission mixte paritaire (CMP) chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi visant à donner à la douane les moyens de faire face aux nouvelles menaces.
M. Jean-François Husson, en remplacement de M. Albéric de Montgolfier, rapporteur pour le Sénat de la CMP . - Le Parlement a été efficace : le Sénat a examiné le texte en première lecture le 24 mai dernier et nous examinons déjà les conclusions de la CMP sur ce premier texte relatif aux douanes depuis plusieurs décennies. Le 22 septembre dernier, le Conseil constitutionnel avait déclaré le droit de visite contraire à la Constitution, laissant au législateur jusqu'au 1er septembre 2023 pour corriger la loi. Mais ce calendrier contraint ne devait pas empêcher d'autres modernisations.
Le Sénat a fondé son action sur un principe - encadrer les prérogatives des douaniers sans entraver leur action - et une approche : considérer ce texte dans son ensemble. Albéric de Montgolfier remercie Mme Nadia Hai, rapporteure à l'Assemblée nationale, avec qui les échanges ont été riches pour l'écriture d'un texte commun qui retient la majorité des apports du Sénat.
Nous regrettons cependant l'amendement du Gouvernement transformant le service d'enquêtes judiciaires des finances (SEJF) en un office national antifraudes. Sur la forme, l'absence d'étude d'impact pose problème ; sur le fond, l'extension du périmètre d'action de ce service déjà surchargé a lieu sans mention de moyens supplémentaires. Monsieur le ministre, ce n'est pas une bonne manière de procéder.
Ce texte contient néanmoins quatre apports majeurs.
Nous améliorons la lutte contre la fraude à la détaxe à la TVA, conformément aux recommandations de la commission des finances. Nous avons pu faire entendre nos arguments au Gouvernement ; enfin !
Nous avons renforcé les prérogatives des douaniers concernant les précurseurs non classés, qui peuvent servir à produire des drogues de synthèse, et qui pourront faire l'objet de retenues en cas non seulement d'absence de déclaration, mais aussi de fausse déclaration.
Nous avons encadré les dispositions relatives aux données personnelles, en cas de retenue douanière ou de visite domiciliaire, en permettant aux agents de conserver l'anonymat.
Enfin, concernant la prévention des infractions sur internet, les agents des douanes pourront demander une astreinte à l'encontre des plateformes qui ne retireront pas les contenus visés. Le Gouvernement a changé d'avis ; c'était primordial pour rendre le dispositif effectif.
Je vous invite à voter ces conclusions de la CMP.
M. Gabriel Attal, ministre délégué chargé des comptes publics . - Nous allons franchir ensemble la dernière étape de l'examen de ce texte. Je remercie ceux qui ont rendu ce compromis possible. Ce projet de loi a été voté à l'unanimité à l'Assemblée nationale le 21 juin dernier, une grande satisfaction pour nos 17 000 douaniers et pour moi. Bien sûr, cela n'efface pas nos différences, mais cela montre que nous sommes capables de faire bloc pour protéger les Français et soutenir celles et ceux qui servent l'État.
Je profite de l'occasion pour affirmer mon soutien aux policiers et gendarmes qui luttent contre ceux qui cassent, brûlent, saccagent et pillent. Les douaniers sont aussi très mobilisés, pour contrôler les produits comme les mortiers qui alimenteraient les violences et pour suppléer les forces de l'ordre pour le contrôle des frontières. Je salue leur courage. Nous ferons tout pour rétablir l'ordre républicain.
Ce texte donne de nouveaux outils aux douaniers pour lutter contre tous les trafics et pour protéger les frontières et les Français. C'est l'aboutissement de semaines de travail avec les organisations syndicales et le Conseil d'État - pour répondre aux exigences du Conseil constitutionnel. Le compromis trouvé est le meilleur possible.
Oui, nous devons faire bloc derrière la douane. Le contrat d'objectifs et de moyens (COM) 2022-2025 prévoit 148 millions d'euros supplémentaires et des effectifs stables. Des groupes, à la gauche de cet hémicycle, ont émis des critiques sur la réserve opérationnelle, mais j'espère que nous avons su lever les doutes sur cette force d'appoint mobilisée en cas de situation exceptionnelle. Les réserves opérationnelles de la police nationale et de la gendarmerie n'ont pas entraîné de baisse des effectifs.
Les principes dégagés par la Cour de cassation sur la visite sont rappelés dans les articles 1er à 5. Le droit de visite s'exercera pleinement dans un rayon fixé à 40 km de nos frontières et aux abords des ports, aéroports et gares internationales. Pour le reste du territoire, il faudra des raisons plausibles de croire à une infraction douanière ou une information préalable du procureur - et non une autorisation.
Je ne proposerai qu'un nombre limité d'amendements, trois étant issus des divisions des lois des assemblées et trois écrits en concertation avec les commissions du Sénat. Ce projet de loi assure une mise en conformité avec le droit constitutionnel, mais donne aussi des moyens d'action à nos douaniers contre les menaces d'aujourd'hui et de demain. Nous n'avons pas le droit de perdre la bataille contre la drogue. Plus de 70 % des 105 tonnes de stupéfiants saisies l'année dernière l'ont été par nos douaniers.
Nos douaniers pourront saisir plus facilement les précurseurs chimiques, substances légales qui peuvent servir à fabriquer des drogues de synthèse. Aux États-Unis, mes homologues m'ont sensibilisé contre le fléau des opioïdes de synthèse comme le fentanyl, dont le président Biden a parlé dans son discours sur l'état de l'Union, et contre lequel les pays européens doivent se prémunir. La CMP a amélioré la rédaction sur ce point.
Concernant la cyberdélinquance et la cybercriminalité, l'article 9 permettra de saisir des supports numériques lors des visites, avec possibilité de faire une copie. En outre, nous autorisons le gel des données stockées en ligne, à l'extérieur du lieu contrôlé.
Enfin, concernant les contrefaçons ou la contrebande de tabac, les agents pourront exiger des plateformes qu'elles retirent des contenus, le cas échéant sous astreinte. À défaut, nos agents pourront demander au moteur de recherche de déréférencer le contenu ou de suspendre le nom de domaine.
Les nouvelles technologies pourront être mises en oeuvre, avec la conservation des données des lecteurs automatiques de plaques d'immatriculation (Lapi) durant quatre mois. Les convois routiers organisés pourront ainsi être détectés.
Grâce à l'article 6, les techniques de sonorisation et de captation d'images seront mieux encadrées. Les organisations que nous combattons doivent être attaquées au portefeuille, avec la retenue temporaire d'argent liquide en cas de faisceau d'indices concordants. Les cryptoactifs seront inclus dans les cas de blanchiment douanier.
Oui, nous donnons à nos douaniers les moyens d'agir. Je refuse que le secret professionnel soit opposé à nos enquêtes. Un amendement du groupe Les Républicains, adopté à l'Assemblée nationale, va dans ce sens. Un amendement du Gouvernement précise le compromis trouvé en CMP.
L'identité des douaniers doit aussi être protégée, grâce au nouvel article 10 bis AA qui permet une anonymisation des agents. Un autre amendement du Gouvernement précisera ce dispositif.
Concernant les sanctions contre le trafic de tabac, nous durcissons les sanctions, et nous instaurons une interdiction de territoire pour les étrangers condamnés. Je rends hommage aux 24 000 buralistes, qui ont souffert de pillages ces derniers jours alors qu'ils sont souvent le dernier lieu de lien social dans certains villages et certains quartiers, et le dernier point d'accès aux services publics.
Il faut frapper les épiceries de nuit qui vendent du tabac sans autorisation, grâce au doublement de la durée de la fermeture administrative. La peine d'emprisonnement de deux mois en cas de non-respect a finalement été supprimée, le Gouvernement en prend acte.
J'ai récemment présenté une feuille de route contre toutes les fraudes aux finances publiques. À cet égard, l'office national de lutte contre les fraudes aux finances publiques remplacera le SEJF. Je me réjouis que la CMP ait conservé ces dispositions essentielles.
Voilà une belle mobilisation générale contre les trafics et les réseaux, et pour soutenir ceux qui, chaque jour, protègent nos frontières et nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées du RDPI, du RDSE et du groupe UC)
M. le président. - Je rappelle qu'en application de l'article 42, alinéa 12, du Règlement, le Sénat statue par un seul vote sur l'ensemble du texte.
Discussion du texte élaboré par la CMP
ARTICLE 2
M. le président. - Amendement n°5, présenté par le Gouvernement.
Alinéa 20
Supprimer les mots :
ou une même zone
M. Gabriel Attal, ministre délégué. - Tous ces amendements sont des amendements de précision ou rédactionnels.
M. Jean-François Husson, rapporteur. - Avis favorable.
ARTICLE 10 BIS AA
M. le président. - Amendement n°4, présenté par le Gouvernement.
Alinéa 2, dernière phrase
Remplacer les mots :
Cette autorisation est délivrée
par les mots :
Cette possibilité s'applique
M. Gabriel Attal, ministre délégué. - Pour l'anonymisation des agents, il faut renvoyer au bon article du code de procédure pénale.
M. Jean-François Husson, rapporteur. - Avis favorable.
ARTICLE 10 BIS AC
M. le président. - Amendement n°1, présenté par le Gouvernement.
Alinéa 7
1° Supprimer les mots :
troisième alinéa du
2° Remplacer les mots :
aux deux premiers alinéas
par les mots :
au premier alinéa
M. Gabriel Attal, ministre délégué. - Défendu.
M. Jean-François Husson, rapporteur. - Avis favorable.
ARTICLE 12
M. le président. - Amendement n°2, présenté par le Gouvernement.
Alinéa 11
Supprimer les mots :
retirés ou
M. Gabriel Attal, ministre délégué. - Défendu.
M. Jean-François Husson, rapporteur. - Avis favorable.
ARTICLE 12 TER
M. le président. - Amendement n°6, présenté par le Gouvernement.
Alinéa 2
Compléter cet alinéa par les mots :
et par le titre II du présent code
M. Gabriel Attal, ministre délégué. - Défendu.
M. Jean-François Husson, rapporteur. - Avis favorable.
ARTICLE 12 QUATER
M. le président. - Amendement n°3, présenté par le Gouvernement.
Alinéa 5
Supprimer cet alinéa.
M. Gabriel Attal, ministre délégué. - Coordination.
M. Jean-François Husson, rapporteur. - Avis favorable, soit 100 % de satisfaction pour le Gouvernement. Il faudra s'en souvenir ! (Sourires)
Explications de vote
M. Jean-Claude Requier . - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Je me réjouis de cet accord, essentiel pour l'administration des douanes, même si les délais d'examen ont été trop contraints pour un sujet si complexe.
La douane a une longue histoire, mais elle est aux prises avec des enjeux très contemporains. Les objets de trafics sont nombreux : stupéfiants, tabac, armes, antiquités, animaux, sans oublier le trafic d'êtres humains... La douane française intègre aussi les fraudes intraeuropéennes, alors que les techniques de fraude sont toujours plus sophistiquées et difficiles à combattre. La numérisation de l'économie démultiplie les possibilités de contournement.
La décision du Conseil constitutionnel du 22 septembre 2022 a invalidé l'article 60 du code des douanes, inchangé depuis l'après-guerre, alors que notre droit et notre monde ont évolué. La recherche des auteurs des infractions douanières reste cependant un objectif à valeur constitutionnelle.
La CMP a conservé les nombreux apports du Sénat, à l'instar de l'article 2 et de la notion d'abords pour les zones portuaires, aéroportuaires et les gares internationales.
Le travail de législation ne s'achève pas : l'article 15 accorde une habilitation pour un travail de codification de la jurisprudence de la Cour de cassation.
Nous avons rapproché le droit de visite de la douane avec la procédure pénale ; le rôle du procureur est renforcé.
La création d'une réserve opérationnelle à l'article 7 a suscité des débats.
Notre groupe émet des réserves, notamment le risque de conflit de compétences lors de la poursuite de personnes à travers plusieurs départements. Évitons de créer de nouvelles lourdeurs administratives.
Ce texte est essentiel à la pérennisation du cadre d'intervention des douaniers. Le RDSE votera ces conclusions. (Applaudissements sur les travées du RDSE ; M. Marc Laménie applaudit également.)
Mme Christine Lavarde . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le groupe Les Républicains se réjouit de l'accord trouvé en CMP le 28 juin dernier.
L'évolution des enjeux à nos frontières et de la fraude rendait nécessaire l'évolution du droit douanier, inchangé depuis 1948.
Au sein de la commission des finances, Claude Nougein et Albéric de Montgolfier avaient publié à l'automne dernier un rapport sur les moyens à donner à la douane pour lutter contre les stupéfiants.
Nous nous étions également étonnés que la fraude à la détaxe de la TVA ne figure pas dans le grand plan de lutte contre la fraude présenté par le Gouvernement. Albéric de Montgolfier et Philippe Dallier avaient pourtant publié dès 2013 un rapport d'information intitulé Les douanes face au commerce en ligne : une fraude fiscale importante et ignorée. En 2018, près de 98 % des sociétés étrangères opérant sur les plateformes en ligne n'étaient pas immatriculées à la TVA. Malgré nos alertes, rien n'a été fait jusqu'à présent. En 2021, 904 millions d'euros ont été recouvrés, alors que l'Insee estime que la fraude s'élève entre 20 et 25 milliards d'euros par an.
Heureusement, nous avons enfin été entendus ! Nous nous réjouissons que d'autres de nos apports aient été retenus, comme sur l'encadrement de la copie et du traitement des données.
En outre, la CMP a réécrit l'article 60 du code des douanes : il était urgent d'adapter notre droit pour garantir la fouille de véhicules et des marchandises à nos douaniers.
Le groupe Les Républicains votera ce texte issu de la CMP. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du RDSE)
M. Jean-Pierre Grand . - À titre liminaire, je rends hommage à la douane française : je salue l'engagement sans faille de ces 17 000 agents qui protègent les Français.
En 2022, le nombre de saisies atteste de leur rôle majeur, notamment en Occitanie, sur l'autoroute A9.
Les douaniers font face à des menaces nouvelles. Ce texte est le premier en la matière depuis plus d'un demi-siècle. Sans lui, les douaniers auraient pu se voir privés du droit de visite, en raison de la décision du Conseil constitutionnel du 22 septembre 2022.
Avec ce texte, les douaniers pourront mieux contrôler nos frontières et mieux protéger nos concitoyens.
Je me réjouis qu'un accord ait été trouvé en CMP. La concurrence déloyale et les contrefaçons causent des dommages considérables non seulement à notre économie, mais aussi à la santé publique. Le groupe Les Indépendants votera ce texte à l'unanimité, car il allie respect du droit et efficacité opérationnelle.
Comment enfin ne pas dénoncer les émeutes qui défigurent notre démocratie depuis quelques jours ? Nous avons une pensée pour le maire de L'Haÿ-les-Roses et sa famille, et adressons notre soutien le plus ferme aux forces de l'ordre et aux sapeurs-pompiers. (Applaudissements sur les travées du RDPI et du RDSE)
M. Daniel Breuiller . - En tant que sénateur du Val-de-Marne, j'adresse un message de fraternité et de soutien à Vincent Jeanbrun et à sa famille. J'associe à ce message toutes les victimes, les habitants, les commerçants, les élus et les agents des services publics, et en premier lieu les pompiers endeuillés cette nuit. Je pense aussi à Nahel et à sa famille.
Le GEST soutient toutes les dynamiques améliorant le cadre d'action du service public, pour faire face aux fraudeurs. Le travail du Parlement a été utile, mais il aurait pu l'être davantage : telle était la raison de notre abstention le 30 mai dernier.
Cela dit, nous saluons la réécriture de l'article 60 du code des douanes : les douaniers doivent pouvoir agir, mais en respectant le droit d'aller et venir et le droit à une vie privée. Nous saluons la lutte contre la fraude à la TVA. Nous sommes aussi favorables au droit de visite. Mais soyons vigilants sur les moyens accordés aux agents, tant les go fast se développent, facilités par la suppression des gares de péage routier.
Nous avons toujours de sérieuses réserves sur la réserve opérationnelle. Elle peut être utile, mais la bonne réponse est surtout le renfort des effectifs. Certes, les agents font face à des surplus d'activité temporaires, mais surtout à une complexification de leurs missions, tant les trafiquants et les fraudeurs ont recours à de nouvelles techniques. Tous les services publics méritent des moyens à la hauteur de leur mission. On voit dans les quartiers ce que leur recul engendre. Monsieur le ministre, recrutez !
Nous saluons le vote par l'Assemblée nationale de la remise d'un rapport sur l'efficacité de la réserve opérationnelle, notamment ses effets sur le recrutement.
J'en viens au renforcement des sanctions contre la contrebande : c'est bien de lutter contre les fourmis, mais quid des têtes de réseau ?
La police et la gendarmerie sont seules à être autorisées par le Conseil constitutionnel à utiliser des drones. Nous n'en voulons pas pour une politique coûteuse de surveillance des frontières. À titre personnel, l'idée de surveiller des hommes et des femmes qui tentent de survivre en migrant me bouleverse. Notre groupe s'abstiendra, une abstention constructive, mais vigilante.
M. Alain Richard . - Nous concluons un travail coopératif entre le Gouvernement et les deux assemblées. L'accord en CMP n'a pas été trop difficile à trouver. Tous les parlementaires sont conscients de la nécessité de lutter contre des trafics en constante évolution.
Une décision du Conseil constitutionnel nous forçait à réviser le droit de visite douanière : nous avons opté pour la préservation de nos libertés individuelles et l'efficacité des moyens à la disposition des agents. La codification à laquelle nous habilitons le Gouvernement s'étendra à d'autres domaines.
Ce projet de loi améliore d'autres secteurs de lutte contre la fraude. Nous avons offert aux douanes des moyens d'action nouveaux : surveillance sélective des flux routiers, accès aux données numériques pour combattre la cyberdélinquance, mise en demeure des plateformes pour mettre fin aux pratiques commerciales frauduleuses, techniques spéciales d'enquête pour lutter contre les fraudes les plus graves, autant de mesures qui sont le fruit d'un travail constructif.
Notre groupe votera ce texte ainsi complété. Le Gouvernement a écouté les parlementaires : nous avons travaillé en bonne entente avec lui.
C'est une bonne entrée en matière pour le travail de réécriture du code des douanes, pour lequel nous avons donné mandat au Gouvernement : rendez-vous d'ici deux à trois ans pour examiner la situation.
M. Thierry Cozic . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) C'est le premier texte entièrement consacré aux douanes depuis 1965. Je me réjouis de l'accord trouvé en CMP, qui a été guidée par l'intérêt supérieur des douanes.
Les douaniers exercent un rôle central dans la lutte contre les trafics de toute nature et la criminalité organisée : ils ont ainsi saisi en 2022 104 tonnes de stupéfiants pour une valeur supérieure à un milliard d'euros, 640 tonnes de tabac et 11,5 millions d'articles de contrefaçon.
Cela dit, les douanes sont confrontées à une intensification des flux illégaux et à une adaptation de plus en plus rapide des criminels. Elles gèrent la frontière numérique, en plus des frontières physiques.
Le code des douanes, inchangé depuis 1948, était largement daté face à ces nouvelles menaces. Le projet de loi précise le droit de visite des douanes, censuré par le Conseil constitutionnel en septembre 2022.
Ce texte technique et opérationnel ne pose que peu de problèmes politiques. Néanmoins, nous demeurons dubitatifs quant à la création de la réserve opérationnelle : nous craignons qu'elle se substitue peu à peu à l'embauche pérenne des douaniers, qui ont perdu 6 000 postes depuis 1993, et une centaine encore en 2021.
En outre, ces réservistes seront habilités au port et à l'usage des armes, alors qu'ils ne bénéficieront que d'une formation de 128 heures, loin d'être exclusivement consacrée à cet exercice. La direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI) souffre d'un déficit d'attractivité : ce pansement est inopérant. Mieux vaudrait des revalorisations pérennes et une amélioration des conditions de travail des agents que des primes.
Cette réserve opérationnelle ferait double emploi, pour faire face au surcroît temporaire de travail, avec le service Paris-spécial, composé de 315 agents. Je me réjouis que l'amendement du député Mickaël Bouloux ait été conservé : le rapport qu'il demande confirmera ou infirmera nos craintes.
Ces réserves ayant été exprimées, le groupe SER votera le texte. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST)
M. Éric Bocquet . - Il est inacceptable que le compte rendu de la CMP ne soit pas publié au moins vingt-quatre heures avant notre séance. Ces conditions de travail sont non seulement néfastes, mais elles mettent l'opposition de côté et renforcent l'impression d'un conclave duquel nous serions exclus.
La sincérité du débat parlementaire est également mise à mal par l'absence d'étude d'impact. Si le Conseil constitutionnel a repoussé dans sa décision numéro 2014-690 le grief qu'une disposition introduite par voie d'amendement puisse engendrer un contournement de l'exigence d'étude d'impact, ce texte fait apparaître une véritable collusion entre le Gouvernement et sa majorité à seule fin de s'exonérer d'une documentation fine et d'un débat plus ample.
Ce projet de loi est indispensable : il fallait sauver le « soldat 60 » pour que les douaniers puissent exercer leur métier correctement.
Mais ce texte n'apporte aucun douanier supplémentaire ; seules quelques avancées technologiques sont programmées, comme la Lapi.
C'est un pas de plus vers une société de surveillance généralisée. La conservation accrue des données du système de lecture de plaques minéralogiques constitue une atteinte particulièrement disproportionnée pour traiter les seuls go fast.
Le numéro deux de la DGDDI nous indiquait que les douanes étaient contraintes de faire appel au privé, faute de moyens humains. Ce manque obère toute politique. Le texte privilégie le numérique au physique, une douane 2.0 au lieu de douaniers physiquement présents. Plutôt que des agents nouveaux, on fait appel à une armée de réserve, ou réserve opérationnelle, que l'extrême droite a voulue interdite aux binationaux - c'est insupportable.
Découvrant pendant le débat à l'Assemblée nationale le contenu de ses propres annonces, le Gouvernement a déposé un amendement pour transformer le SEJF en Office national antifraude ; son champ d'attribution sera défini par décret, mais l'obsession du ministre pour la fraude sociale devrait écarter l'Office de l'évasion fiscale, seul véritable enjeu financier à la hauteur des besoins de financement de la puissance publique. Cette dilution des missions fiscales s'inscrit dans un phénomène plus large de perte de prérogatives fiscales des douanes, véritable pillage en règle pour lequel nous demandions un rapport et un moratoire sur les transferts de fiscalité. Cet amendement adopté à l'Assemblée nationale a été finalement délaissé par le rapporteur du Sénat qui n'a pas voulu le défendre.
La douane ne protège pas les frontières, mais les populations. Elle protège non pas contre les migrants, mais contre les malfaçons et les trafics. Elle doit lutter contre les atteintes à la biodiversité dans les outre-mer. Ces nobles objectifs ne seront pas atteints par ce texte manquant d'ambition. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER, ainsi que du GEST)
M. Michel Canévet . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Le groupe UC salue le travail mené par la commission des finances depuis plusieurs années en vue d'identifier les fraudes gangrénant la vie de notre pays, contre lesquelles nous devons lutter sans relâche. Les recettes doivent entrer dans les caisses de l'État et des collectivités territoriales.
Nous nous réjouissons de l'accord trouvé en CMP sur un sujet aussi important. Ce texte offre un cadre de travail approprié à nos douaniers.
Les douaniers doivent disposer de moyens de travail modernes. Il ne faut pas demander des effectifs supplémentaires en permanence : il faut aussi utiliser les moyens technologiques modernes pour améliorer les choses. Ce texte y pourvoit, même s'il reste beaucoup de travail à accomplir.
Les peines relatives à la contrebande sur les produits du tabac sont accrues. Selon KPMG, 40 % des cigarettes consommées dans notre pays en seraient issues, ce qui constitue la moitié du trafic en Europe. Nous devons agir plus efficacement contre ce phénomène, très prégnant dans notre pays.
Nous traversons une période particulièrement troublée, comme en témoigne l'actualité de ces derniers jours. Celle-ci est sûrement liée à la consommation illicite de drogues dans notre pays. Les enjeux financiers qui en découlent posent de nombreux problèmes dans l'ensemble du territoire. Ainsi, nous devons lutter contre la hausse de la consommation de drogues : les douanes jouent à cet égard un rôle majeur. Nous devons donner aux douaniers tous les moyens d'affronter cette situation : simplifions les procédures et donnons-leur les moyens d'agir.
Nous devons agir rapidement. Les douanes ne doivent pas être seules à lutter contre la prolifération des stupéfiants. Les moyens de la police, de la gendarmerie et de la douane doivent être coordonnés. Le groupe UC votera bien entendu pour ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et du RDSE ; M. Marc Laménie applaudit également.)
M. le président. - Conformément à l'article 42, alinéa 12, du Règlement, je vais mettre aux voix l'ensemble du projet de loi dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire.
Le projet de loi est adopté.
Code monétaire et financier et diverses dispositions relatives à l'outre-mer (Conclusions de la CMP)
M. le président. - L'ordre du jour appelle l'examen des conclusions de la CMP chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi ratifiant les ordonnances relatives à la partie législative du livre VII du code monétaire et financier et portant diverses dispositions relatives à l'outre-mer.
M. Hervé Maurey, rapporteur pour le Sénat de la CMP . - Examiné en première lecture dans des délais très contraints, dans le cadre de la procédure de législation en commission, ce texte répond à une exigence constitutionnelle, car, en l'absence de ratification, l'une des ordonnances serait caduque le 26 août prochain.
Le Sénat a apporté des corrections formelles à des dispositions essentiellement techniques et validé la ratification de trois ordonnances, dont deux de recodification des dispositions du code monétaire et financier applicables en outre-mer, qui étaient devenues illisibles.
Le Sénat a soutenu la modernisation des missions de l'Institut d'émission d'outre-mer (Ieom) et de l'Institut d'émission des départements d'outre-mer (Iedom). Il a en revanche supprimé l'article 9, qui visait à donner un fondement législatif au fichier des comptes d'outre-mer (Ficom), contrairement à ce qui existe pour le fichier national des comptes bancaires et assimilés (Ficoba) et celui des contrats d'assurance vie (Ficovie).
Enfin, nous avons prolongé de deux ans l'expérimentation du financement participatif obligataire pour les collectivités territoriales. En effet, alors que le Parlement avait voté en octobre 2021 une expérimentation de trois ans, l'arrêté n'a été publié qu'en janvier 2023, qui plus est avec des conditions d'éligibilité impossibles à remplir, comme disposer de prévisions de ressources jusqu'en 2031... L'arrêté fixait un délai limite de candidature au 31 mars 2024, faisant de facto passer la durée de l'expérimentation de trois ans à un an à peine. Preuve de la mauvaise volonté que met trop souvent l'administration à se conformer à la volonté du législateur ! Nous ne pouvons modifier les critères d'éligibilité, qui relèvent du domaine réglementaire, mais le ministre Barrot nous a indiqué être prêt à les assouplir. C'est indispensable, pour que les collectivités puissent se saisir de l'expérimentation.
Les députés ont poursuivi le travail d'adaptation du droit monétaire et financier aux outre-mer, avec deux nouvelles dispositions sur les délais d'encaissement des chèques et l'application du règlement européen sur les infrastructures de marché reposant sur la blockchain.
L'Assemblée nationale a conservé la prolongation de deux ans de l'expérimentation, mais a rétabli l'article 9.
Six articles restaient donc en discussion. La CMP en a adopté cinq dans la rédaction de l'Assemblée nationale et a suivi le Sénat sur la suppression de l'article 9, car la création d'un fichier de données ne relève pas du domaine de la loi. Bien entendu, le fichier continuera à fonctionner, avec la contribution des deux instituts d'émissions.
Je vous invite à voter les conclusions de la CMP.
M. Gabriel Attal, ministre délégué chargé des comptes publics . - La version finale de ce texte est le fruit d'un compromis et d'un travail transpartisan. En raison de son caractère technique, ce projet de loi a été examiné selon la procédure de législation en commission. Il vient achever les travaux de codification du livre VII du code monétaire et financier relatif à l'outre-mer, visant à répondre aux exigences de clarté et de lisibilité du droit. Depuis la crise financière de 2008, de nombreuses règles ont été édictées. Une réorganisation et une clarification étaient nécessaires. Dans un souci de simplification, nous avons opté pour une nouvelle présentation et réécriture du livre VII plutôt que pour la création d'un nouveau code.
Pour mémoire, le projet de loi est applicable de plein droit aux collectivités relevant de l'article 73 de la Constitution, ainsi qu'à Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon. Pour les collectivités du Pacifique, soumises au principe de spécialité législative, relevant de l'article 74, il est applicable sur mention expresse.
Le projet de loi ratifie des ordonnances, dont celle du 15 février 2022, qui devait impérativement l'être avant le 26 août 2023, sous peine de caducité.
Plusieurs articles ont fait l'objet de consultations des collectivités concernées, comme l'article 5, relatif aux retraits aux distributeurs automatiques, ou les articles 7 et 8, relatifs à l'Ieom et l'Iedom.
Six articles restaient en discussion. L'article 2 rend applicable de façon expresse en outre-mer des modifications intervenues postérieurement aux ordonnances. L'article 3 bis rend applicables à Saint-Pierre-et-Miquelon, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française ou à Wallis et Futuna le règlement européen relatif aux infrastructures de marché. L'article 4 bis corrige des erreurs sur l'encaissement des chèques dans certaines collectivités.
L'article 9 a été supprimé, ce que je regrette. Néanmoins, en l'état actuel des dispositions du code monétaire et financier, l'Ieom et l'Idom pourront continuer de contribuer au Ficom.
Derrière l'intitulé austère de ce texte, l'objectif du Gouvernement est de rendre plus lisible le droit bancaire et financier dans les territoires d'outre-mer. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
M. le président. - Je rappelle qu'en application de l'article 42, alinéa 12, du Règlement, le Sénat statue par un seul vote sur l'ensemble du texte.
Mme Christine Lavarde . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Sans surprise, la CMP est parvenue à un accord sur ce projet de loi très technique, qui ne présentait pas de réelles difficultés.
Il nous est proposé de ratifier des ordonnances visant à recodifier plus de 500 articles du droit monétaire et financier en outre-mer. Nous gagnerons en lisibilité et rendrons la loi plus intelligible.
Six articles restaient en discussion. L'Assemblée nationale avait adopté conforme l'article prolongeant de deux ans l'expérimentation concernant le financement participatif pour les collectivités territoriales, qui pourront ainsi se saisir de ce dispositif méconnu.
La CMP a également retenu les deux nouveaux articles introduits à l'Assemblée nationale : l'article 3 bis sur l'application outre-mer du règlement européen du 30 mai 2022 sur les infrastructures de marché et l'article 4 bis sur l'encaissement des chèques à Saint-Pierre-et-Miquelon, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie et à Wallis et Futuna.
Le débat portait sur l'article 9, qui donnait une base législative au Ficom. La CMP s'est ralliée à l'analyse de notre rapporteur Hervé Maurey, dont je salue le travail. Le groupe Les Républicains votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et au banc des commissions)
M. Jean-Pierre Grand . - Les territoires ultramarins sont un pilier de la souveraineté nationale et un atout stratégique. Nous devons veiller à ce que notre droit y assure la cohésion nationale.
Ce texte technique a vocation à y rendre notre droit mieux applicable. Il parachève un travail engagé de longue date pour simplifier le code monétaire et financier. L'accord trouvé en CMP répond à l'urgence de la situation. Je m'en réjouis, d'autant que nous avons été saisis dans des délais contraints.
Je me réjouis aussi que la CMP ait conservé l'apport du Sénat à l'article 1 bis, relatif au financement participatif pour les collectivités territoriales. Notre groupe est favorable à tout ce qui permet de mobiliser des capitaux privés au bénéfice des collectivités, qui pourront bénéficier d'un effet de levier. C'est une nouvelle liberté pour elles, qui signifie davantage de moyens, donc davantage d'actions pour nos territoires.
Le groupe INDEP votera ce texte. (MM. Christian Bilhac et Alain Richard applaudissent.)
M. Daniel Breuiller . - Je me réjouis que la CMP ait trouvé un accord sur ce texte très technique. L'article 9 que nous avions supprimé et que les députés avaient rétabli est à nouveau supprimé, c'est tant mieux.
Vous avez, hélas, corrigé l'erreur heureuse qui maintenait la gratuité des retraits d'espèce dans les distributeurs automatiques de Nouvelle-Calédonie et de Polynésie française. La proposition de résolution du député socialiste Johnny Hajjar souligne pourtant le coût de la vie outre-mer, où les frais bancaires, notamment, pèsent plus lourd que dans l'Hexagone. L'inflation touche plus brutalement encore nos compatriotes ultramarins. La vie chère, le manque d'emploi, une jeunesse en déshérence et l'absence de perspectives sont leur quotidien.
Un exemple, l'eau : en Nouvelle-Aquitaine, le prix moyen est de 4,63 euros, contre 6,52 euros en Guadeloupe et 5,45 euros en Martinique. Un quart des Guadeloupéens n'a pas accès tous les jours à l'eau, du fait des nombreuses coupures ! Pourtant, l'eau est un droit fondamental tout autant qu'un bien commun.
Selon le Giec, l'accélération du réchauffement climatique entraînera la disparition de 70 à 90 % du récif corallien d'ici vingt ans, ce qui aura des répercussions en termes de pêche, de tourisme et d'érosion côtière. Les cyclones seront plus intenses, les submersions pousseront les populations insulaires à migrer. La seule solution : réduire drastiquement nos émissions de gaz à effet de serre.
Vous me direz que je suis hors sujet : je vous l'accorde. Sur ce projet de loi, il n'y a pas de désaccord, notre groupe le votera. Sur les enjeux climatiques et d'adaptation, en revanche, le Gouvernement n'a pas encore pris conscience des dégâts. Cessons les petits pas et soyons ambitieux. Tel est le message que je voulais faire passer - en effraction au livre VII du code monétaire et financier ! (Sourires)
M. Georges Patient . - Au préalable, j'adresse mes condoléances à la famille de Nahel et apporte mon soutien au maire de L'Haÿ-les-Roses.
Ce texte technique ne révolutionnera pas la vie de nos compatriotes ultramarins. Il s'agit de rendre le code monétaire et financier plus lisible afin de simplifier le travail des opérateurs et des entreprises.
Il prolonge également la période d'expérimentation en matière de financement participatif pour les collectivités territoriales.
Certes, l'extension des missions de l'Iedom et l'Ieom est nécessaire pour renforcer l'information économique et le contrôle prudentiel, mais je regrette que l'on n'en ait pas profité pour renforcer l'Observatoire des tarifs bancaires. Pourquoi nos concitoyens ultramarins payent-ils plus cher ? À voir la baisse rapide des frais bancaires depuis que cet observatoire existe, cela s'explique plus par un manque de transparence que par un manque de concurrence... Il aurait fallu étendre le contrôle sur l'ensemble des services et tarifs. Malgré les progrès, l'écart est entre 10 et 30 % selon les territoires, pour les frais de tenue de comptes ou de carte bancaire. Selon l'association de consommateurs CLCV, les tarifs sont 10 % plus élevés en outre-mer. L'accès aux services bancaires y est également plus difficile, en raison d'une moindre présence physique ou d'exigences de solvabilité et de revenus plus élevées.
Il y a donc encore du travail. Ce texte est certes nécessaire, mais ne suffira pas. Néanmoins, le groupe RDPI le votera. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
M. Rémi Féraud . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Après comme avant la CMP, ce texte reste technique et ne nous pose pas de problème de fond, la position du Sénat ayant été prise en compte sur l'article 9. Notre groupe y sera favorable. Je regretterai néanmoins un examen précipité.
L'article 5 corrige une erreur qui prévoyait la gratuité de tous les retraits de liquidité aux distributeurs automatiques de Polynésie française et de Nouvelle-Calédonie. N'aurait-il pas mieux valu instaurer des règles différentes dans ces territoires où le maillage des distributeurs est bien plus faible qu'en métropole ? Nous revenons au problème de l'accessibilité bancaire, sur lequel le groupe SER a déposé une proposition de loi, tant il reste à faire.
Ensuite, nous approuvons les dispositions relatives aux instituts d'émission outre-mer, bien qu'insuffisantes. Nous prônons un véritable observatoire bancaire dans les outre-mer. Plutôt que de naviguer à vue, il fournirait des informations utiles et faciliterait des politiques pertinentes.
Les frais bancaires devraient mobiliser le Gouvernement, pour prendre en compte la situation sociale dégradée des outre-mer.
Enfin, j'appelle votre attention sur la parité entre l'euro et le franc CFP, en circulation en Nouvelle-Calédonie, à Wallis-et-Futuna et en Polynésie française.
Le conflit en Ukraine a fait baisser l'euro à un niveau historiquement bas ; il faudrait une clause de revoyure au sujet de cette parité, pour l'adapter aux besoins des territoires.
Comme en première lecture, le groupe SER votera ce texte, que les compromis de la CMP n'ont pas dénaturé. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)
M. Éric Bocquet . - Je ne peux taire les mots froids de l'assemblée de la Polynésie française : « la méthodologie employée par l'État continue de nuire gravement à l'intelligibilité du droit en matière monétaire et financière, car elle rend impossible, faute de temps et de concertation, d'évaluer les effets des modifications proposées ». D'autant que M. le ministre affirmait, devant l'Assemblée : « le projet de loi est l'aboutissement d'un travail de recodification de plus de trois ans », un délai insuffisant pour créer le consensus. C'est incompréhensible.
La copie finale conserve la possibilité pour des entreprises privées de financer de façon « participative », c'est-à-dire directe, des services publics locaux. Ainsi, les entreprises d'armement pourraient financer n'importe quel service public, hors missions de police et de maintien de l'ordre public... Laissons-les plutôt financer la transition de leurs moyens de production. Mais aucun de nos arguments ne vous a convaincus, que ce soit le coût, plus onéreux, ou la non-utilisation par les collectivités.
Cet article porte une conception sociale aux antipodes de la nôtre. Nous avions voté le texte en espérant sa suppression par l'Assemblée, cela nous semble impossible aujourd'hui.
Pourquoi ne pas avoir instauré la gratuité totale des retraits aux distributeurs ? Le Gouvernement recule, prétextant une erreur... Or Odoxa rappelle que 58 % de nos concitoyens d'outre-mer ont du mal à faire valoir leurs droits, notamment au compte : seulement 1 142 bénéficiaires selon l'Iedom, avec une baisse des désignations de 38 % entre 2019 et 2021. L'Observatoire de l'inclusion bancaire constate, froidement, que 0,49 pour 1 000 habitants bénéficient du droit au compte dans l'hexagone, contre 0,39 en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et à Wallis-et-Futuna. On n'y relève d'ailleurs que 10 103 clients dits fragiles, bien en deçà des chiffres de la pauvreté.
Le montant moyen des frais liés aux comptes est de 326 euros, signe que les inégalités s'accroissent. Dans son rapport de septembre 2019, le Défenseur des droits citait un homme modeste vivant à La Réunion : « un conseiller de banque m'a dit qu'il fallait fermer le compte parce qu'ils ne veulent plus les gens comme moi à faible revenu. » La chasse aux pauvres est un mauvais chemin, il faut consacrer les droits.
Le groupe CRCE s'abstiendra sur ce texte, une occasion manquée. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE)
M. Michel Canévet . - Ce texte est si technique qu'il nous a fallu un excellent rapporteur pour réussir à l'étudier dans des délais si courts ! (Sourires) Les deux tiers des articles ont été votés conformes par l'Assemblée, signe de ce travail préparatoire excellent.
Le texte a été examiné selon la procédure de législation en commission (LEC), inventée au Sénat, qui fonctionne parfaitement. Nous pouvons nous en féliciter.
L'article 1er ratifie trois ordonnances : c'est important et correspond aux souhaits du Sénat, alors que moins de la moitié l'avait été au cours de la précédente législature.
L'article 2 rend le code monétaire et financier plus lisible. Plusieurs mesures sont louables, comme la limitation des frais de rejet.
L'accès aux données doit respecter les droits des personnes : nous saluons donc la suppression de l'article 9. Soutenant le compromis trouvé, le groupe UC votera ce texte. (M. le rapporteur applaudit.)
M. Christian Bilhac . - Ce projet de loi est certes technique, mais pas mineur. Il a été déposé en avril, au cours de la suspension de nos travaux, avec la procédure accélérée et a fait l'objet de la procédure de législation en commission : nous l'examinons presque selon une procédure d'examen simplifié...
Les territoires d'outre-mer ont un niveau de vie d'un tiers de celui de la métropole, alors qu'ils sont une richesse incomparable en matière de biodiversité et de domaine maritime. Il est urgent que les habitants y deviennent acteurs de leur développement.
Le livre VII du code monétaire et financier est consacré aux outre-mer, qui ont des statuts divers, entre les départements et régions d'outre-mer, la Nouvelle-Calédonie, collectivité sui generis, les anciens territoires d'outre-mer et les territoires du Pacifique, à l'autonomie plus poussée : ils ne font pas partie de l'Union européenne et ont leur propre monnaie, le franc pacifique.
Ce texte ratifie trois ordonnances, une obligation selon l'article 74 de la Constitution.
À l'article 5, le retrait d'espèces est gratuit dans les distributeurs des seules banques où l'on détient un compte, contrairement aux règles en vigueur en métropole.
L'accord en CMP n'est guère surprenant, l'Assemblée ayant voté conformes huit articles sur quatorze, avec des modifications surtout rédactionnelles. La suppression par le Sénat de l'article 9 est maintenue, tout comme l'article 1er bis, qu'il a introduit, qui prolonge l'expérimentation du financement participatif obligataire.
Les outre-mer sont à la une de l'actualité, de l'opération Wuambushu à Mayotte au décès d'un gendarme lors d'une opération de lutte contre l'orpaillage en Guyane, sans oublier aux Antilles la défiance à l'égard des autorités, alimentée par des scandales comme celui du chlordécone.
Notre groupe votera ce texte.
M. le président. - Conformément à l'article 42, alinéa 12, du Règlement, je vais mettre aux voix l'ensemble du projet de loi dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire.
Le projet de loi est adopté.
La séance est suspendue quelques instants.
Règlement du budget et approbation des comptes des années 2021 et 2022 (Procédure accélérée)
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion des projets de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes des années 2021 et 2022, rejetés par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée.
Discussion générale commune
M. Gabriel Attal, ministre délégué chargé des comptes publics . - Les projets de loi de règlement pour les années 2021 et 2022 ont été rejetés début juin par l'Assemblée nationale, et la semaine dernière par la commission des finances du Sénat. Notre pays risque de rester sans loi de règlement et d'approbation des comptes. Or ces textes ne sont pas un quitus donné au Gouvernement : ils ne font que traduire l'exécution budgétaire.
Ce rejet ne mettra pas nos comptes en péril ni ne nous empêchera de voter la prochaine loi de finances, mais aura des conséquences comptables. Ainsi, l'an dernier, la Cour des comptes a certifié le bilan. Qu'en sera-t-il cependant si les lois de règlement sont rejetées année après année ?
Le plus important reste ce que cela dit de notre débat politique. Je ne comprends pas le rejet d'un texte qui ne consiste qu'à acter une exécution budgétaire. Dans ma commune, où je siège dans l'opposition, je vote souvent contre les budgets, mais pas contre le compte administratif - c'était il y a quelques semaines. Il en va de même aujourd'hui.
Nous avons des désaccords, que nous exprimons lors de l'examen des projets de loi de finances. Ici, nous nous trompons d'exercice. Il ne s'agit pas de se rassembler sur le fond, mais pas non plus de trouver des prétextes pour nous diviser. On peut regretter le passé, mais pas le changer, simplement en tirer les conséquences pour l'avenir.
Dans les conseils municipaux, les élus le disent : cela n'a pas de sens de voter contre un compte administratif. Je ne comprends pas votre rejet pavlovien et le regrette, même si je n'arriverai sans doute pas à vous convaincre... (Marques d'ironie au banc des commissions)
Depuis la Monarchie de juillet, un tel rejet est inédit. Nous aurons le même débat pour le projet de loi de règlement et d'approbation des comptes de la sécurité sociale, pourtant une première consacrée au niveau organique en 2021... À nouveau, nous n'avons pas la DeLorean qui nous permettrait de changer le passé.
L'exécution budgétaire 2021 marque une bascule entre la crise covid et celle de l'inflation. Le déficit est passé de 8,9 % à 6,5 % du PIB, et la dette publique est revenue à 112,5 % du PIB, une baisse de deux points. Nous ne dévierons pas de notre trajectoire de réduction de la dépense publique, enjeu de souveraineté.
Nous ne proposons qu'un amendement à l'article liminaire, pour tenir compte des derniers chiffres de l'Insee sur la croissance.
Nous avons aussi actualisé l'article liminaire du projet de loi de règlement pour 2022 avec une croissance de 2,5 %, et non 2,6 %. Nous mettons à jour les composantes structurelle et conjoncturelle du déficit, qui est pour cette année de 4,7 % du PIB.
Pour l'exécution 2022, nous avons cassé la spirale inflationniste et préservé la croissance. Le dynamisme des recettes réduit le déficit, passé de 6,5 % en 2021 à 4,7 %. De plus, les recettes ont crû, avec 15,8 milliards d'euros supplémentaires au titre de l'impôt sur les sociétés, qui atteint un record de 62,1 milliards d'euros malgré la baisse du taux. De même, les recettes de l'impôt sur le revenu, portées par le prélèvement à la source et le prélèvement forfaitaire unique, ont crû de 10,3 milliards d'euros, et celles de la TVA de 5,3 milliards d'euros.
Comme pour le covid, nous avons fait le choix de la protection des Français, tout en redressant les comptes. L'extinction des mesures de soutien sanitaire et la montée en charge des mesures portant sur l'énergie et l'aide à l'Ukraine expliquent le niveau des reports de crédits : je pense au chèque énergie et aux aides aux entreprises notamment. Les reports, de 18,3 milliards d'euros en 2023, restent certes élevés, mais ils diminuent : ils étaient de 37,2 milliards d'euros en 2021. Nous voulons revenir à 3 milliards annuels, les montants d'avant la crise.
Le solde des administrations publiques demeure très dégradé. Pour 2021 et 2022, nous avons mis 34,5 milliards d'euros nets - contribution au service public de l'électricité (CSPE) et contribution sur les rentes inframarginales (CRI) comprises - sur la table pour casser la spirale inflationniste. Le coût des boucliers sera toujours moins élevé que celui de deux points d'inflation supplémentaires.
En 2027, nous visons un déficit de 2,7 % du PIB et une dette réduite de 4 points de PIB. Grâce à notre méthode éprouvée de la revue des dépenses publiques, nous pourrons agir dans les domaines de la santé, du logement et de l'emploi, mais aussi pas la chasse aux niches fiscales favorisant les énergies brunes.
Pas l'austérité, mais la responsabilité : nous avons besoin de tous pour réussir. Selon l'engagement de la Première ministre, nous ne choisissons pas la contrainte pour les collectivités territoriales, mais la confiance. Ainsi, le programme de stabilité prévoit désormais un effort de l'État de 0,8 % en volume contre 0,4 % auparavant, alors que nous restons sur une diminution de 0,5 % des dépenses de fonctionnement pour les collectivités.
Maîtriser nos finances, c'est maîtriser notre destin. L'an dernier, nous avons lancé les dialogues de Bercy. Cette année, je voudrais débuter ces travaux plus tôt encore.
M. le rapporteur général et les groupes politiques regretteront un niveau de déficit et des reports trop élevés...
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Ne répondez pas aux questions avant qu'elles n'arrivent !
M. Gabriel Attal, ministre délégué. - Comme je l'ai dit, rejeter le texte ne fera que rendre des opérations comptables plus complexes et est incohérent avec ce qui se passe dans les collectivités, en tout cas pour les élus constructifs...
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Que nous sommes !
M. le président. - Je ne doute pas que votre réponse sera constructive, monsieur le rapporteur général.
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances . - Une fois n'est pas coutume, nous examinons deux projets de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes. C'est d'autant plus extraordinaire que le premier texte est en substance identique à celui déjà rejeté à l'été 2022 par les deux assemblées.
L'an dernier, les conséquences du rejet se sont limitées à de nouvelles procédures comptables.
L'article liminaire évolue légèrement pour tenir compte des chiffres à jour, mais les raisons du rejet demeurent : des comptes dégradés, des dépenses historiquement élevées et trop de reports de crédits. La commission des finances propose donc de rejeter les deux textes.
Lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2022, j'avais souligné le caractère optimiste des prévisions du Gouvernement, avec une croissance de 4 %. Avec la guerre en Ukraine, la hausse des prix de l'énergie et une inflation à 5,2 %, la croissance s'est finalement élevée à 2,5 %. Les 38 milliards d'euros de dépenses ont certes limité la casse, mais la situation des finances publiques est inquiétante.
Pour 2022 le déficit s'élève à 4,7 % du PIB : c'est certes mieux que la prévision initiale, mais nous sommes bien loin du 0,3 % prévu par la loi de programmation des finances publiques 2018-2022. Les crises ne suffisent pas à expliquer cet écart : le Gouvernement a cessé de tenir ses promesses de maîtrise des finances publiques dès la crise des gilets jaunes. Les dépenses hors mesures de crise ont augmenté plus rapidement durant le quinquennat 2017-2022 que lors du précédent. La hausse de 16 milliards d'euros de la charge de la dette nous alerte.
En outre, la légère baisse de l'endettement public est uniquement due à la croissance. Notre dette comme notre déficit sont parmi les plus importants de l'Union européenne, ce n'est pas un motif de fierté.
Certes, les recettes fiscales sont bonnes, mais n'espérons pas trop que ces vents favorables se poursuivent.
Le déficit s'établit en 2022 à un niveau de 151,4 milliards d'euros. Certes, le Gouvernement relève une amélioration de 20 milliards d'euros par rapport à 2021, ce n'est pas un motif de satisfaction alors que cela ne s'explique que par l'extinction de mesures de relance et d'urgence. L'écart entre les recettes et les dépenses du budget général atteint désormais 55 %. Le déficit est proche de la prévision du fait de la surestimation des dépenses et de la sous-estimation des recettes. Les écarts de prévision existent depuis trois ans alors que les recettes sont connues : la Cour des comptes recommande d'en analyser les causes.
L'année 2022 marque une forte dégradation du compte de résultat, de 19 milliards d'euros : les décisions prises en 2022 ont des conséquences sur les dépenses futures et engagent l'avenir. Les restes à payer ont augmenté de 87 %, sans compter les 163 milliards d'euros au titre du programme d'amortissement de la dette. En outre, en euros constants, le niveau des recettes est comparable à celui de 2017.
Les recettes non fiscales augmentent depuis deux ans, en raison des versements européens et de la vente des quotas carbone : ces derniers représentent 1,4 milliard de rentrées en 2022, sans compter les 500 millions d'euros affectés à l'Agence nationale de l'habitat (Anah). Ces montants devront contribuer à la transition écologique.
Les recettes augmentent, mais les dépenses aussi. La crise de 2020 amène un nouveau plancher de dépenses supérieur de 25 % à celui de 2019. En 2022, hors missions plan de relance et plan d'urgence qui baissent, les dépenses augmentent significativement.
Les effectifs sont en baisse, non par choix, mais en raison d'une pénurie de main-d'oeuvre, alors même que la masse salariale augmente en raison de la hausse du point d'indice.
Le budget exécuté apparaît de plus en plus éloigné de l'autorisation parlementaire. Mais cette année, vous avez innové : une partie des crédits de 2021 n'ont été reportés que pour équilibrer artificiellement le décret du 21 avril 2022 ! Il fallait y penser... De même, la création d'un programme de remboursement de la dette covid brouille la notion d'autorisation d'engagement.
En outre, certaines mesures votées au Sénat n'ont pas été exécutées : je pense à la carte Vitale biométrique, avec 4,3 millions d'euros dépensés sur 50 millions d'euros. Il en va de même pour 50 millions d'euros affectés au réseau routier des collectivités, affectés aux ouvrages d'art du réseau national. C'est scandaleux : les accords trouvés en CMP doivent être respectés. Vous ne nous y reprendrez pas.
Le budget est de plus en plus flou, les lois de finances ne donnent que des visions biaisées : c'est contraire à la loi organique relative aux lois de finances (Lolf). Voilà pourquoi nous avons appelé au rejet des deux textes, sans que cela constituât un réflexe pavlovien, monsieur le ministre. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Question préalable sur le projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2022
M. le président. - Motion n°1, présentée par M. Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération du projet de loi, rejeté par l'Assemblée nationale, de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2022 (n° 684, 2022-2023).
M. Pascal Savoldelli . - (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE) Malgré un refus argumenté du Parlement l'an dernier, le Gouvernement nous soumet de nouveau le projet de loi règlement pour 2021, faisant fi des 235 votes contre et des 68 abstentions exprimées l'an dernier. Vous persistez : nulle surprise au nouveau rejet par l'Assemblée en première lecture.
Monsieur le ministre, comment expliquez-vous le dépôt de votre projet de loi de règlement 2021 hors délai, alors que vous avez vous-même réduit ces délais ?
Le projet de loi de règlement pour 2022 a, lui, été déposé dans les temps. Mais, par constance politique, nous réitérons la même critique : c'est un budget exécuté de manière insincère.
Voilà quatre ans que nous rejetons les projets de loi de règlement les uns après les autres. Il faut un geste fort. Jusqu'ici, nous n'avions pas déposé de motion. Aujourd'hui, notre question préalable exprime un « plus jamais ça » du piétinement de l'autorisation budgétaire. Ce parking politique ne peut plus durer et l'art de l'anti-catastase doit cesser. Les finances publiques sont gérées à la petite semaine. Le déficit atteint 151,4 milliards, soit 4,7 % du PIB.
Nous ne nous trompons pas d'exercice : on n'arrêterait pas de se tromper. On se tromperait, à l'Assemblée nationale, on se tromperait au Sénat depuis des années d'ailleurs, on n'arrêterait pas de se tromper. (M. Julien Bargeton ironise.) Mais les recettes sont massivement sous-évaluées ! Plus 27,5 milliards d'euros par rapport à 2021, plus 35,7 milliards d'euros par rapport au projet de loi de finances initiale, plus 7,5 milliards par rapport au dernier collectif budgétaire : les rentrées fiscales sont bien supérieures à ce que vous escomptiez. Erreur ou tour de passe-passe ?
Selon l'exposé des motifs du texte, « les recettes d'impôt sur le revenu net sont en ressaut de 6,6 milliards d'euros par rapport à la loi de finances initiale, essentiellement en lien avec le dynamisme de la masse salariale et des dividendes ». Les recettes de l'impôt sur les sociétés augmentent de 45 % par rapport à 2019. La première insincérité est cette négation des profits, pour feindre de ne pouvoir les distinguer des superprofits. Selon le FMI, la hausse des bénéfices des entreprises a été le principal moteur de l'inflation au cours des deux dernières années. (M. Éric Bocquet acquiesce.)
Chers collègues, il faut parler de la cupidité de certains, qui s'enrichissent grâce à la guerre. Le bouclier tarifaire a représenté une dépense de 18,3 milliards : on n'aide que le capital, qui se gave. L'État providence est devenu l'État ambulance.
Les recettes et les dépenses supplémentaires représentent 59,8 % du déficit constaté pour l'année civile 2022. L'argent existe, mais nous sommes passés du « quoi qu'il en coûte » au « quoi qu'il advienne ». Pour quels progrès sociaux ? En 2022, les classes populaires ont eu droit à un chèque, qui laisse 1,3 million d'oubliés.
Le Gouvernement multiplie les affichages. Le plan de relance devient un plan de communication. La diminution de crédits de 7,3 milliards est imputable aux aides à France Compétences et à Pôle emploi : rien à voir avec la relance. C'est aussi le symbole d'annonces non suivies d'effets, avec 6 milliards d'euros de reports de crédits « en raison de dispositifs au financement plus complexe que prévu ou qui ne trouvent pas leur public », selon la Cour des comptes.
Monsieur le ministre, la comparaison avec les comptes administratifs des collectivités ne tient pas, parce qu'elles n'ont pas les moyens de l'État. En outre, rares sont celles qui mettent en avant des comptes administratifs insincères. Vous n'avez pas d'exemples...
Cette année encore, les reports de crédits, de 14,3 milliards d'euros, marquent votre politique de la cagnotte.
Cette motion de rejet est un outil pour envoyer un message clair : le Gouvernement est défaillant dans ses prévisions et ses conceptions de mesures, s'appuyant sur une volonté politique insincère. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et du GEST)
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Avis défavorable. Certes, nous pouvons partager quelques-uns des arguments qui viennent d'être développés, mais nous voulons débattre. En outre, monsieur le ministre, on ne peut pas tout comparer, comme vous le faites sur un ton gentiment professoral. (Sourires)
M. Éric Bocquet. - Soyons sérieux !
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Les reports ne sont pas un sujet mineur. Pourquoi le Gouvernement souhaite-t-il conserver autant de réserves ? Cela manque de rigueur. Ces questions méritent d'être débattues.
M. Gabriel Attal, ministre délégué. - Avis défavorable. Monsieur le rapporteur général, je n'ai pas adopté un ton professoral. J'ai simplement établi un parallèle entre un compte administratif et un projet de loi de règlement. Cela vous dérange peut-être... (Marques d'ironie sur les travées du groupe CRCE)
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Aucunement !
M. Gabriel Attal, ministre délégué. - Si les projets de loi de règlement étaient de véritables textes budgétaires, leur rejet aurait des conséquences concrètes. (M. Pascal Savoldelli proteste.) Or ce n'est pas le cas : le texte est une photographie de l'année précédente. Bien sûr, vous pouvez rejeter le texte. Assumez-le. Mais je vous le répète : je ne comprends pas une telle attitude.
M. le président. - Je vais consulter le Sénat sur la motion tendant à opposer la question préalable.
Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du texte en discussion.
En application de l'article 59 du Règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.
Voici le résultat du scrutin n°322 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 279 |
Pour l'adoption | 27 |
Contre | 252 |
La motion n'est pas adoptée.
Discussion générale commune (Suite)
Mme Vanina Paoli-Gagin . - Pierre Mauroy disait : « la rigueur, c'est l'austérité plus l'espoir ». En termes mathématiques, cela revient à : espoir = rigueur - austérité.
Chacun des textes financiers que nous examinons confirme cette équation. Ils suivent des procédures millimétrées et respectent un ensemble de règles, notamment liées au cadre européen. Tous ces textes « Canada dry » ont la couleur de la rigueur, sans le goût de l'austérité : ils entretiennent l'espoir d'une amélioration prochaine, mais en réalité, c'est plutôt l'ivresse des profondeurs...
Je connais l'énergie que vous déployez pour maîtriser nos comptes et la volonté de notre rapporteur général de diminuer les dépenses publiques. Mais nous devons prendre acte d'un échec collectif. Il nous faut changer de logiciel pour reprendre la maîtrise de nos comptes.
En 2022, la charge de la dette a augmenté de 12 milliards d'euros. Son montant dépasse les crédits du plan de relance. Ne pas réduire notre dette publique, c'est compromettre les investissements nécessaires dans nos services publics, les technologies du futur et la transition énergétique.
Nous devons baisser drastiquement certaines dépenses, c'est-à-dire opérer des arbitrages - en d'autres termes, faire des choix. C'est l'objet du débat budgétaire annuel, qui se tient à l'automne.
Un projet de loi de règlement ne devrait pas faire l'objet de débats politiques : ce n'est pas un règlement de comptes politiques. Il s'agit de prendre acte des mesures passées, en responsabilité. J'ai exprimé les réserves de notre groupe quant à l'évolution des finances publiques, mais je doute que nous améliorions quoi que ce soit en rejetant les projets de loi de règlement.
Notre seule préoccupation doit être de faire repasser nos dépenses sous nos recettes, pour limiter nos prélèvements obligatoires et préserver la compétitivité du site France. J'espère que le Gouvernement concrétisera les économies récemment annoncées et que la commission aussi sera force de propositions. Le groupe INDEP, en tout cas, le sera. Nous voterons les deux projets de loi de règlement des comptes.
M. Daniel Breuiller . - Monsieur le ministre, je vous donne raison : le rejet des projets de loi de règlement dit quelque chose de notre démocratie mal en point ; en revanche, il n'a rien de pavlovien.
Comme il n'est pas sûr que nous nous retrouvions pour la discussion budgétaire - j'ai entendu parler d'un éventuel remaniement... - , je vous dis ma conviction profonde : vos choix budgétaires ne permettent de relever ni les défis climatiques ni les défis sociaux.
L'accroissement de la charge de la dette n'est pas une bonne nouvelle, parce qu'il diminue la capacité d'agir de l'État. Les 13 milliards d'euros de hausse de la charge de la dette auraient suffi à éviter l'injuste réforme des retraites que vous avez imposée aux Français malgré leurs protestations constantes.
La dette n'est pas mauvaise en soi, dès lors qu'elle finance des investissements pour réduire notre dépendance au fossile, rénover nos logements ou décarboner les transports. Selon le rapport Pisani-Ferry et Mahfouz, il y a une bonne dette.
Vous nous privez de recettes, notamment par la suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), sans contrepartie. Vous réduisez les moyens des services publics, puis faites dire à nos concitoyens, à travers la plateforme « En avoir pour mes impôts », que les services se dégradent...
Petits pas et demi-mesures sont de mise, alors que le dérèglement climatique avance à grands pas. Il nous faut entre 25 et 34 milliards d'euros par an d'ici à 2030 pour lutter contre le dérèglement climatique et nous y adapter. Vous avez balayé notre proposition d'ISF climatique, entendez celle de taxer les 10 % les plus aisés, qui sont aussi les principaux pollueurs. Il faut avancer vers un budget vert et sensible aux inégalités.
La Cour des comptes a qualifié le budget vert annexé au projet de loi de règlement de « démarche inaboutie ». C'est le moins qu'on puisse dire : le bouclier tarifaire n'a pas été intégré dans les dépenses défavorables au climat, alors qu'il constitue une aide à la consommation d'énergies fossiles. Donnons-nous les moyens d'évaluer réellement nos actions et de les infléchir. Nous demandons une loi de programmation et de financement de la transition écologique.
Notre groupe défend aussi nos services publics, le patrimoine de ceux qui n'en ont pas. Leur dégradation nourrit un sentiment d'abandon et de désespérance que les gilets jaunes et la crise actuelle révèlent avec violence. Il faut plus de solidarité quand l'inflation, en grande partie spéculative, attaque le pouvoir d'achat de nos concitoyens.
Dans un contexte d'urgence climatique et d'augmentation des inégalités, les budgets 2021 et 2022 sont des occasions manquées pour les services publics et la transition. Nous avons besoin d'une véritable bifurcation environnementale et sociale. La crise climatique ne repassera pas les plats, et nos insuffisances d'aujourd'hui se traduiront par des crises aggravées demain.
Le GEST votera contre les projets de loi de règlement.
M. Julien Bargeton . - Je serai bref : le ministre n'ayant pas réussi à vous convaincre, j'aurai du mal à le faire... (M. le ministre sourit.)
Il n'y a jamais eu de rejet de la loi de règlement par l'Assemblée et le Sénat depuis 1833 - il y a 190 ans, donc. Depuis lors, pourtant, la France a vécu des périodes politiques tendues...
Je ne puis donc voir qu'un acte politique dans le vote de ce soir. Cela se produit parfois dans nos collectivités territoriales, mais pas toujours. J'ai été adjoint aux finances d'une grande collectivité : certains opposants, parfois virulents, ont pu considérer que le compte administratif n'était pas leur affaire, qu'il s'agissait de la gestion de l'exécutif.
La majorité sénatoriale ne fait pas ce choix. C'est un parti pris politique : il est honorable, mais ne cherchez pas à le justifier par des raisons de fond.
Sur le fond, je soutiens le budget 2021, celui de la relance, et le budget 2022, celui de la lutte contre l'inflation. Je me réjouis des mesures prises par le Gouvernement dans les deux cas.
La baisse de l'impôt sur les sociétés a permis d'engranger 22 milliards d'euros de recettes supplémentaires : le moindre taux a donc accru le rendement, comme c'est souvent le cas. En 2022, la croissance a été de 2,6 %, preuve que les actions entreprises ont porté leurs fruits.
Nous voterons donc ces projets de loi. En ne prenant pas part au vote ou en s'abstenant, les oppositions permettraient au moins de régler les questions administratives. J'ai entendu le mot « insincérité » : je le récuse, car la Cour des comptes a certifié les comptes et aucune insincérité ne justifierait un rejet inédit depuis 1833.
Vous voulez en faire un moment d'opposition au Gouvernement, d'une manière peu pertinente, alors que la discussion budgétaire permettra le débat démocratique. Je regrette la position du Sénat et j'espère que le Gouvernement trouvera des solutions pour que le bilan des comptes soit dressé, comme il est nécessaire.
M. le président. - En 1833, mon cher collègue, il y avait une Chambre des pairs et une Chambre des députés...
Mme Isabelle Briquet . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Monsieur le ministre, vous comparez les lois de règlement aux comptes administratifs de nos collectivités territoriales. Il est fréquent, en effet, que les oppositions adoptent les comptes administratifs, mais à une condition : que l'exécution corresponde aux prévisions. En l'espèce, tel n'est pas le cas.
Nous avons déjà rejeté le projet de loi de règlement pour 2021 l'année dernière : nous voterons à nouveau contre. La Cour des comptes a soulevé une atteinte aux principes d'annualité et de spécialité budgétaires. Les reports de crédits importants et la confusion des exercices nuisent à la lisibilité de ce texte : aurait-on voulu cacher l'échec de la politique menée ?
Les points de défaillance sont nombreux. La situation inédite sous la Ve République - rejet du texte par les deux chambres - aurait dû alerter le Gouvernement. Mais aucun enseignement n'a été tiré, puisque le projet de loi de règlement pour 2022 reproduit les mêmes pratiques budgétaires. Les mêmes causes entraînant les mêmes effets, le groupe SER ne le votera pas.
Au désarmement fiscal s'ajoute le manque d'ambition réelle en matière de cohésion sociale et territoriale et de transition écologique. Le projet de loi de règlement pour 2022 entérine des montants disproportionnés d'annulations et de reports de crédits, au détriment de politiques publiques essentielles. Ainsi, la mission Écologie est amputée de 714 millions d'euros, qui manqueront à la transition écologique. Nos propositions d'équilibrage fiscal, comme l'ISF vert, permettraient d'assurer l'acceptabilité sociale de la transition ; nous ne manquerons pas d'y revenir.
La réduction du déficit public de 6,5 à 4,7 % est à noter, mais l'importance du déficit structurel, à 3,4 %, témoigne de l'impasse dans laquelle est engagé le Gouvernement du fait de son refus obstiné de rééquilibrer les recettes. Le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) alerte même sur un risque de dégradation supplémentaire du déficit structurel.
Vu l'état des finances publiques, la question des recettes ne pourra être indéfiniment occultée. Si l'on peut partager le souci de maîtriser les dépenses, le refus du Gouvernement de faire contribuer les entreprises et les plus aisés interroge, alors que, rapport après rapport, la théorie du ruissellement est démentie.
Ces dernières années, le Gouvernement a renoncé à 50 milliards d'euros de recettes. Et de nouveaux cadeaux fiscaux sont envisagés... Jusqu'à quand nos finances supporteront-elles cette vision idéologique, alors que notre dette atteint 3 000 milliards d'euros ?
S'agissant de la progression nette du produit de l'impôt sur les sociétés, il faut rappeler que ces recettes sont très sensibles à la conjoncture, donc fluctuantes. Ce qui est sûr, c'est que la poursuite du désarmement fiscal ne permettra ni de rétablir nos finances publiques, ni de renforcer nos services publics, ni de remédier aux inégalités qui fracturent notre société.
Comme l'an passé, la Cour des comptes souligne que l'ampleur des annulations et reports de crédits pose problème, notamment au regard du principe d'annualité budgétaire. Le projet de loi de règlement pour 2022, comme le précédent, marque une exécution éloignée de l'autorisation parlementaire et signe l'entêtement du Gouvernement dans une politique purement libérale.
Le groupe SER rejettera ces deux projets de loi.
M. Éric Bocquet . - À l'heure où les associations d'élus ont refusé de participer à la grand-messe de l'austérité sous la bannière des « Assises des finances publiques », nous leur apportons tout notre soutien. Nous nous opposerons aux mesures non concertées, comme la revalorisation du point d'indice, indispensable mais décidée sans moyens nouveaux.
Le concept très « bercyen » d'auto-assurance vise les recettes des collectivités. En bref, on leur dit : vous ne pourrez compter que sur vous-mêmes...
Bruno Le Maire, dans une formule dont il a le secret, affirme que l'assureur en dernier ressort des collectivités territoriales serait l'État. C'est présumer l'irresponsabilité des élus. Les collectivités territoriales n'ont pas besoin d'un tel assureur, qui les a abandonnées face aux méandres des marchés de l'énergie et de l'inflation alimentaire, pour moitié liée à la course au profit.
Sous les acclamations de cet hémicycle, Bruno Le Maire avait annoncé que plus de la moitié des communes seraient éligibles au dispositif de protection. Mais sur les 430 millions d'euros du filet de sécurité, seuls 106 millions d'euros ont été versés.
La situation est pourtant très grave pour les collectivités territoriales, dont les dépenses de fonctionnement ont grandement augmenté : 15,1 % pour l'énergie. Près de 4 milliards d'euros supplémentaires ont été dépensés par les communes pour leur énergie, alors que la dotation globale de fonctionnement (DGF) baisse sous l'effet de l'inflation. Les dépenses de personnel bondissent également du fait de la revalorisation du point d'indice. Les collectivités territoriales outre-mer connaissent elles aussi une explosion de leurs charges, de plus de 11 % à La Réunion.
Les dépenses d'investissement ont augmenté de 10,7 %, du fait de l'envolée des prix des matériaux ; l'autofinancement des communes a été réduit à 0,5 milliard d'euros.
Il faut un moratoire sur les baisses de fiscalité locale et un nouveau pacte financier, respectueux des collectivités, sans injonction. Là serait la vraie sécurité financière !
Les mesures prises n'ont pas permis aux collectivités d'affronter les aléas des marchés mondiaux et une conjoncture défavorable dans un cadre de gel des dotations. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE)
M. Michel Canévet . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Je n'aurai pas une lecture aussi négative de ces textes que les orateurs précédents...
Des éléments positifs existent. Ainsi, le déficit du budget de l'État est assez proche de celui qui était prévu en loi de finances initiale. De surcroît, l'inflation a été maîtrisée par rapport aux autres pays européens, notamment grâce à l'intervention de l'État.
La situation, toutefois, reste inquiétante. Le déficit - 170 milliards d'euros en 2021, 151 milliards en 2022 - est très important. Notre dette a atteint 3 000 milliards d'euros voilà peu. Dans le contexte de hausse des taux, la charge de la dette s'alourdit, pour atteindre 50 milliards d'euros. Elle est en passe de devenir le poste de dépense le plus important du budget de l'État, alors qu'il nous faut investir pour préparer l'avenir.
S'agissant des recettes, la trajectoire de réduction des impôts est souhaitée par tous, car la France a l'une des fiscalités les plus élevées au monde. La baisse du taux de l'impôt sur les sociétés a permis d'en accroître le rendement, dans une conjoncture certes favorable.
Nous aurions souhaité préserver en 2022 certaines recettes, comme la redevance audiovisuelle. Sa suppression avait été promise par le Président de la République, mais son report aurait permis de supprimer le décalage de deux ans dans la récupération de la TVA par les collectivités territoriales. Nous avions proposé aussi que la suppression de la CVAE soit décalée, pour retrouver des marges de manoeuvre. Il faudra trouver entre 8 et 10 milliards d'euros d'économies l'année prochaine - la Cour des comptes évoque même 60 milliards d'ici à 2027 !
Nous avons des besoins importants à financer. Je pense à la loi de programmation militaire, à la justice, à la police ou à l'aide publique au développement, mais aussi à la politique de la ville pour répondre au mal-être ambiant. La transition écologique suppose des investissements considérables. Ce ne sera possible que si l'État préserve les recettes.
Dans sa très grande majorité, le groupe UC s'abstiendra sur ces textes ; nos collègues Vincent Delahaye et Jean-Marie Mizzon, partisans d'une réelle orthodoxie budgétaire, voteront contre. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)
M. Christian Bilhac . - Mercredi dernier commençaient les soldes : avec deux projets de loi pour le prix d'un, nous y sommes ! (Sourires)
En 2021, il a fallu payer le « quoi qu'il en coûte », nécessaire pour répondre à une situation exceptionnelle. Aujourd'hui, l'incertitude reste une certitude. Notre pays est tributaire d'aléas internationaux et est confronté à des soubresauts internes révélateurs d'une crise sociale profonde. Dans ce contexte, la responsabilité du législateur est d'assurer la continuité de nos institutions. Ce qui passe aussi par le vote du règlement des budgets 2021 et 2022.
Le budget 2022 se résume à 151 milliards d'euros de déficit et au non-respect des grands principes de la comptabilité publique.
Sur les 34 milliards d'euros du plan d'urgence sanitaire, une partie a été réinjectée vers la mission Écologie, développement et mobilité durables et le bouclier énergétique. L'objectif de redressement des finances publiques s'éloigne : entre 2019 et 2022, les dépenses du budget général ont crû de 23,7 %.
La hausse des concours aux collectivités territoriales est en trompe-l'oeil, car il ne s'agit que de compenser des suppressions d'impôt.
En matière de recettes, l'écart entre prévisions et réalisations est devenu une tradition.
Le budget 2022 se clôt sur une situation très dégradée des comptes publics. L'endettement atteint des sommets. Or la hausse des taux d'intérêt en alourdit le coût.
Les trois premiers postes de dépenses sont l'éducation nationale, puis la dette - 54,3 milliards d'euros - et la défense - 51,7 milliards. Il faut garder en tête l'objet de redressement des finances publiques. Nous en sommes loin.
Le RDSE, dans sa majorité, votera le projet de loi de règlement pour 2021 et s'abstiendra sur le projet de loi de règlement pour 2022. (Applaudissements sur des travées du groupe UC)
Mme Christine Lavarde . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Oui, monsieur le ministre, le projet de loi de règlement est une photographie de nos finances publiques : mais on voudrait que l'image soit plus belle à voir...
L'amélioration, relative, du déficit repose sur la dynamique très forte des recettes fiscales et la baisse des prélèvements sur recettes au profit de l'Union européenne et des collectivités territoriales. Ces dernières sont financées à 93,4 % par des impôts affectés et des prélèvements sur recettes.
Les prélèvements obligatoires atteignent 45,3 % du PIB, un niveau historique dont il n'y a pas lieu de se réjouir !
Le déficit structurel est de 4 %. Le déficit structurel attendu pour 2023 est du même montant. Il n'y aurait donc aucune amélioration du déficit structurel entre 2022 et 2023, à moins d'une très bonne surprise. Le HCFP tire la sonnette d'alarme sur la nécessité de réduire ce déficit structurel, alors que de nouvelles dépenses devront être financées, notamment en faveur de la transition énergétique et des investissements pour la croissance. Et je ne parle pas des annonces du Président de la République à Marseille ni des événements de ces derniers jours...
L'amélioration affichée du solde budgétaire ne résulte pas d'un effort en gestion, mais d'un effort en paiement. En effet, 25 milliards d'euros de crédits n'ont pas été consommés et 18,7 milliards ont été reportés. La Cour des comptes constate ainsi, en 2022 comme les années précédentes, une tendance marquée à la budgétisation d'enveloppes importantes, sous-consommées, reportées et parfois en partie redéployées. Elle considère que ce phénomène porte atteinte au principe d'annualité, pose question au regard du principe de spécialité et nuit à la lisibilité de l'autorisation parlementaire.
Les dépenses de fonctionnement ont augmenté de 15,6 milliards d'euros par rapport à 2021, dont 10 milliards pour la renationalisation d'EDF et 4 milliards de subventions à France compétences, dont le sous-financement est structurel. Ce ne sont pas des dépenses pour l'avenir, mais pour sauver des bateaux en train de couler.
Les dépenses de l'État en 2022 sont en hausse de 31,9 % par rapport à 2019, alors que l'inflation a été de 8,6 % sur cette période.
La hausse du service de sa dette n'est qu'un apéritif, compte tenu de l'évolution des taux. Une augmentation de 1 % nous coûte 31,4 milliards d'euros à 10 ans. Par ailleurs, la moitié de la dette à moyen et long termes devra avoir été remboursée en 2028.
Le schéma d'emplois est aussi une source d'inquiétude. La baisse constatée, plus forte qu'en 2021, est supportée par les ministères de l'éducation nationale et des armées, alors que leurs effectifs auraient dû augmenter. La situation devient critique dans l'éducation nationale, et les concours traduisent encore une aggravation.
Il est urgent d'avoir une trajectoire de référence, avec une loi de programmation des finances publiques qui engage l'État et l'ensemble des acteurs publics dans une stratégie de redressement.
Cette année encore, le groupe Les Républicains votera contre la loi de règlement, traduction d'un budget qu'il n'a pas soutenu. Nous dénonçons aussi le mépris du Parlement par la remise en cause des principes d'annualité et de spécificité.
Comme rapporteur spécial de la mission Écologie, je souligne la gestion opportuniste des charges de service public de l'électricité et le changement de programme en cours d'exécution du dispositif de soutien à la consommation de carburant. Par ailleurs, le rattachement à la mission des dispositifs visant à atténuer les conséquences de la hausse du prix des énergies est contestable.
La démarche de budget vert, sur laquelle nous avons émis des réserves méthodologiques, s'arrête au milieu du chemin, faute de cotation des crédits réellement dépensés. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Très bien !
M. Stéphane Sautarel . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le projet de loi de règlement ne s'apparente pas au simple constat des comptes administratifs des collectivités territoriales : sa portée est bien plus grande.
Les députés ont à nouveau rejeté ceux de 2021 et de 2022. En ce 3 juillet, date de l'appel des maires - qui marquera sans doute davantage l'histoire -, il nous appartient de nous prononcer sur les deux.
Crise énergétique et inflation ont contribué à l'augmentation des dépenses de l'État, mais la dépense ordinaire aussi n'a cessé de croître. L'état de nos finances publiques est dégradé, et vous faites peu de cas, cette année encore, de l'autorisation parlementaire. Or la dette risque d'être insoutenable.
Les recettes sont exceptionnelles, ce qui limite le déficit du budget de l'État : on peut s'en réjouir, mais cela risque d'être ponctuel. En outre, l'effet recette est totalement gommé par les dépenses, en hausse de 24 % en euros constants entre 2019 et 2022. Les dépenses de presque tous les ministères augmentent. Les crédits de la mission Écologie ont plus que doublé depuis 2020, sans que la nécessaire transition écologique soit financée. Le choc d'offre en matière de mobilité demandera des efforts considérables, et nous n'avons rien amorcé.
La charge de la dette est en hausse de 13 milliards d'euros. Lors des assises des finances publiques, vous avez annoncé 10 milliards d'économies, mais la Cour des comptes préconise au moins 60 milliards d'euros de baisse. Il semble qu'on ne soit pas encore sorti du « quoi qu'il en coûte »...
Les collectivités territoriales ont mal vécu les 5,5 milliards d'euros annoncés par le Président de la République à Marseille, qui contrastent avec les quelques millions d'euros annoncés par la Première ministre au titre du nouvel agenda rural.
Annualité et spécialité budgétaires sont mises à mal. La Cour des comptes a certifié les comptes de l'État pour 2022, mais en relevant des anomalies.
Le besoin de financement de l'État s'élève à 280 milliards d'euros en 2022, ce n'est plus soutenable. Le poids de la dette nous plombe et l'effet taux va nous frapper en 2024. Le stock a dépassé 3 000 milliards d'euros, soit 112 % du PIB, ce qui ne semble plus effrayer personne. Ce n'est pas ainsi qu'on prépare l'avenir !
La Cour des comptes veut une réduction de la dépense. Nous ne cessons de vous proposer des pistes, à commencer par une revue des dépenses exigeantes. Pour des raisons de sincérité et de respect de l'autorisation parlementaire et en l'absence de mesure sérieuse de redressement, le groupe Les Républicains ne votera pas les projets de loi de règlement. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Discussion des articles du projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2021
ARTICLE LIMINAIRE
M. le président. - Amendement n°1, présenté par le Gouvernement.
Alinéa 2, tableau
Rédiger ainsi ce tableau :
(en points de produit intérieur brut - PIB)
|
|
Loi de finances initiale 2021 |
Loi de finances initiale 2021 |
Loi de programmation des finances publiques 2018-2022 |
Loi de programmation des finances publiques 2018-2022 |
|
Exécution 2021 |
Soldes prévus |
Écart |
Soldes prévus |
Écart |
Solde structurel (1) |
- 4,4 |
- 3,8 |
- 0,6 |
- 1,2 |
- 3,1 |
Solde conjoncturel (2) |
- 2,0 |
- 4,5 |
2,5 |
0,3 |
- 2,3 |
Mesures ponctuelles et temporaires (3) |
- 0,1 |
- 0,2 |
0,1 |
0,0 |
- 0,1 |
Solde effectif (1 + 2 + 3) |
- 6,5 |
- 8,5 |
2,1 |
- 0,9 |
- 5,6 |
M. Gabriel Attal, ministre délégué. - Il s'agit d'actualiser l'article liminaire en fonction du chiffre du PIB publié par l'Insee le 31 mai dernier. Le déficit reste inchangé, mais le partage entre solde structurel et solde conjoncturel est modifié.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Avis défavorable.
L'amendement n°1 n'est pas adopté.
L'article liminaire n'est pas adopté.
L'article 1er n'est pas adopté, non plus que les articles 2, 3, 4, et 5.
M. le président. - Nous en arrivons à l'article 6.
Je vous rappelle que, si cet article n'était pas adopté, il n'y aurait plus lieu de voter sur l'ensemble du projet de loi, dans la mesure où tous les articles qui le composent ont été supprimés.
Or, en application de l'article 59 du Règlement, le scrutin public est de droit sur l'ensemble du projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2021.
En conséquence, l'article 6 va être mis aux voix par scrutin public.
Voici le résultat du scrutin n°323 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 289 |
Pour l'adoption | 54 |
Contre | 235 |
L'article 6 n'est pas adopté. En conséquence, le projet de loi n'est pas adopté.
Discussion des articles du projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2022
ARTICLE LIMINAIRE
M. le président. - Amendement n°2, présenté par le Gouvernement.
Alinéa 2, tableau
Rédiger ainsi ce tableau :
(en points de produit intérieur brut - PIB)
Loi de finances initiale 2022 |
Loi de finances initiale 2022 |
Loi de programmation des finances publiques 2018-2022 |
Loi de programmation des finances publiques 2018-2022 |
||
Exécution 2022 |
Soldes prévus |
Écart |
Soldes prévus |
Écart |
|
Solde structurel (1) |
- 3,3 |
- 4,0 |
0,7 |
- 0,8 |
- 2,5 |
Solde conjoncturel (2) |
- 1,4 |
- 0,8 |
- 0,6 |
0,6 |
- 1,9 |
Mesures ponctuelles et temporaires (3) |
- 0,1 |
- 0,2 |
0,2 |
0,0 |
- 0,1 |
Solde effectif (1 + 2 + 3) |
- 4,7 |
- 5,0 |
0,3 |
- 0,3 |
- 4,5 |
M. Gabriel Attal, ministre délégué. - Là encore, cet amendement actualise la croissance et les mouvements macroéconomiques constatés par l'Insee le 31 mai 2022.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Avis défavorable.
L'amendement n°2 n'est pas adopté.
L'article liminaire n'est pas adopté, non plus que les articles 1er, 2 et 3.
ARTICLE 4
M. Marc Laménie . - Le budget de l'État compte 33 missions et les crédits de paiement s'élèvent à 578 milliards d'euros pour 2022, contre 557 en 2021. Les principaux postes de dépense sont l'enseignement scolaire, avec 78 milliards d'euros, les engagements financiers de l'État - dont la charge de la dette -, avec 54 milliards, et la défense, à 51 milliards. Les collectivités territoriales souffrent d'un manque d'autonomie, même si l'État reste leur premier partenaire. Je m'abstiendrai sur cet article, comme sur l'ensemble du texte.
L'article 4 n'est pas adopté, non plus que les articles 5 et 6.
M. le président. - Nous en arrivons à l'article 7.
Je vous rappelle que, si cet article n'était pas adopté, il n'y aurait plus lieu de voter sur l'ensemble du projet de loi, dans la mesure où tous les articles qui le composent ont été supprimés.
Or, en application de l'article 59 du Règlement, le scrutin public est de droit sur l'ensemble du projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2021.
En conséquence, l'article 7 va être mis aux voix par scrutin public.
Voici le résultat du scrutin n°324 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 275 |
Pour l'adoption | 41 |
Contre | 234 |
L'article 7 n'est pas adopté. En conséquence, le projet de loi n'est pas adopté.
La séance est suspendue quelques instants.
Présidence de Mme Laurence Rossignol, vice-présidente
Approbation des comptes de la sécurité sociale pour l'année 2022 (Procédure accélérée)
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, rejeté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, d'approbation des comptes de la sécurité sociale pour l'année 2022.
Discussion générale
M. François Braun, ministre de la santé et de la prévention . - À l'image du flux sanguin, les finances publiques sont un fluide circulant dans l'État et irriguant la société. (Sourires)
Les dépenses et les recettes de la sécurité sociale brassent des masses financières supérieures à celles du budget de l'État. Le budget de la sécurité sociale est l'un des coeurs battants de notre démocratie : l'effort solidairement consenti par la nation en faveur de la santé, de la famille, de l'autonomie ou des retraites.
Depuis 1996, les lois de financement de la sécurité sociale sont devenues le principal outil de contrôle parlementaire des finances sociales, un moment majeur du débat démocratique.
La naissance des lois de financement de la sécurité sociale a marqué un virage important et la première étape d'un renforcement du contrôle du Parlement. Alain Lambert, prédécesseur de Gabriel Attal, qui a longtemps siégé ici, disait : « Le contrôle parlementaire sur les finances publiques est une ardente obligation sans laquelle les fonctions du Parlement ne sauraient être réellement exercées ».
Ce contrôle recoupe deux réalités : le suivi des crédits budgétaires et l'évaluation de l'effet de la dépense publique, pour vérifier que celle-ci atteint ses objectifs.
L'évaluation est gravée depuis 2008 dans la Constitution, et je me réjouis de l'intérêt croissant qu'elle suscite.
L'année 2023 est ainsi à marquer d'une pierre blanche dans nos finances sociales. Le Parlement examine pour la première fois un projet de loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale (Placss), ce qui est une véritable avancée.
Sa création procède d'une initiative parlementaire : je salue le travail du rapporteur général de la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale, Thomas Mesnier, auteur de la proposition de loi organique qui en est à l'origine, et de son homologue Jean-Marie Vanlerenberghe, qui l'a rapportée au Sénat.
Ce projet de loi a été créé par vous et pour vous. C'est pourquoi je regrette le symbole de son rejet par l'Assemblée nationale, même si les implications concrètes en sont limitées.
L'approbation des comptes de la sécurité sociale fait désormais l'objet d'un texte séparé, qui favorise la participation des représentants de la nation aux travaux d'évaluation. Ce schéma correspond mieux à la réalité temporelle des dépenses sociales.
Pour la branche maladie, 2022 est le dernier véritable budget covid. Les surcoûts liés à la crise sanitaire sont désormais résiduels en 2023.
Le solde négatif de 21 milliards d'euros, loin d'être le résultat d'une mauvaise gestion, s'explique par les chocs exogènes de la crise sanitaire et de l'inflation. Il fallait garantir l'accès aux soins de tous les assurés et prendre en compte le dépassement des dépenses de santé.
En outre, il faut lire ces chiffres dans leur contexte temporel : 2 022 s'inscrit dans un retour progressif à la normale. Les comptes de cette année répondent ainsi à l'impératif de maîtriser l'évolution des dépenses tout en améliorant l'offre de santé pour nos concitoyens. Il faut noter que la branche AT-MP dégage un excédent de 1,7 milliard d'euros.
Les fortes dépenses de ces dernières années reflètent aussi un investissement dans les infrastructures et les ressources humaines, notamment grâce à une hausse du point d'indice, à la revalorisation du Ségur ou à la mission flash de l'été dernier sur les urgences et soins non programmés. En 2022, la situation des régimes de base s'est améliorée, avec un déficit de 19,6 milliards, soit une réduction de 4,1 milliards par rapport à 2021. Les effets de la crise sanitaire diminuent et les résultats économiques s'améliorent, d'où de nouvelles recettes.
Le Gouvernement réaffirme sa détermination à réduire les déficits et à garantir le financement de notre protection sociale.
Ce nouveau rendez-vous estival est un outil supplémentaire pour améliorer l'information du Parlement, renforcer l'appropriation de la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) et rationaliser les débats.
C'est un rendez-vous utile, que l'on partage ou non les positions du Gouvernement, pour tirer les leçons du passé et préparer l'avenir. Le Sénat a voté à une large majorité le projet de loi organique créant les Placss. Je vous invite à voter ce texte pour vous saisir pleinement de ce nouvel instrument.
M. Gabriel Attal, ministre chargé des comptes publics . - Les déficits se résorbent, mais l'équilibre est encore loin : telle est l'image des finances de la sécurité sociale que je vous présente.
Je tiens, au nom du Gouvernement et de la nation à témoigner ma gratitude aux 120 000 agents des caisses de la sécurité sociale, au million et plus de fonctionnaires hospitaliers et aux centaines de milliers de professionnels de santé. Ils sont notre fierté et donnent corps à notre devise de liberté - d'entreprendre sa vie en étant accompagné, notamment au niveau familial - d'égalité, dans l'accès aux soins, et de fraternité, avec les dispositifs de solidarité nationale.
Je salue ceux qui consacrent leur vie professionnelle aux moments importants de la vie : petite enfance, parentalité, maladie, retraite.
Nos débats, prévus et encadrés par la loi organique du 14 mars 2022, permettent pour la première fois d'examiner dès le printemps les comptes de l'année passée, comme pour le budget de l'État.
Trois branches sur cinq affichent un solde positif. La branche autonomie, créée par une loi d'août 2020, affiche notamment un excédent de 200 millions d'euros. Toutefois, la branche maladie et la branche retraites sont en déficit.
En 2022, les recettes de la sécurité sociale ont progressé de 30 milliards d'euros, à la suite d'une hausse de la masse salariale de 8,9 % grâce à 337 000 créations nettes d'emploi. Depuis 2017, 1,7 million d'emplois nets ont été créés, ce qui correspond à 25 milliards de plus pour les caisses de la sécurité sociale. C'est le résultat de la politique constante menée en faveur de la baisse du chômage. Plus d'emplois, moins de chômage, c'est plus d'argent pour nos hôpitaux et nos Ehpad.
Oui, c'est le travail qui crée la richesse. Je n'ai pas rencontré un seul salarié ou patron qui me demande une hausse des cotisations sociales. On me demande avant tout moins d'impôts, une aide pour recruter ; les indépendants réclament moins de bureaucratie.
Les dépenses induites par la crise sanitaire sont passées de 18,3 milliards d'euros à 11,7 milliards en 2022. Elles ont notamment financé 139 millions de tests de dépistage. Nous avons poursuivi en 2022 le soutien aux entreprises affectées par le covid, avec 9 milliards d'exonérations de cotisations au total entre 2020 et 2022, compensées par le budget de l'État.
Car l'État continue d'honorer ses dettes vis-à-vis de la sécurité : pour la troisième année consécutive, il est même créditeur de 100 millions d'euros, c'était loin d'être le cas auparavant.
En 2022, des mesures d'économies ont été décidées. Nous avons dégagé 200 millions d'euros avec un travail sur la pertinence des soins. La baisse des prix des médicaments, grâce à des brevets tombés dans le domaine public, a permis une économie de 1 milliard d'euros, dont 400 millions ont été alloués à la stimulation de la production de médicaments innovants en France.
L'année 2022 matérialise aussi l'effort du Ségur pour le sanitaire et le médico-social, à hauteur de 12,7 milliards d'euros. En un quinquennat, l'Ondam (Objectif national de dépenses d'assurance maladie) est passé de 79 à 98,4 milliards d'euros, soit une hausse de 25 % en cinq ans. C'est historique.
Nous tirons aussi les conséquences du refus de la Cour des comptes de certifier les comptes de la branche famille, lié à des erreurs dans l'évaluation des prestations des caisses d'allocations familiales (CAF) - le RSA et la prime d'activité principalement. Nous avons déjà engagé des mesures pour y remédier. La notion de montant net social apparaîtra dès ce mois de juillet sur le bulletin : ainsi, les erreurs de bonne foi seront réduites.
Nous expérimentons les premières étapes du chantier de la solidarité à la source, voulu par le Président de la République : d'ici à 2025, chaque allocataire verra ses ressources préremplies dans les formulaires. Cela réduira la fraude et améliorera l'accès aux droits.
Nous investissons également dans la modernisation des systèmes d'information des caisses de sécurité sociale : les CAF pourront ainsi récupérer plus facilement les sommes indûment versées.
Résorber nos déficits, rembourser notre dette : voilà une exigence de souveraineté pour notre génération, de justice pour les prochaines. Le déficit devra être réduit de 2 points de PIB d'ici à 2027. On ne peut pas à la fois défendre l'indépendance de la France et refuser de rembourser la dette, critiquer le poids des marchés financiers tout en émettant toujours plus de dette publique auprès d'eux. Réduire la dette, c'est aussi se libérer des marchés financiers.
Pour la quatrième année consécutive, nous restons le pays le plus attractif d'Europe pour les investissements étrangers : 13 milliards d'euros et 8 000 emplois, notamment dans les batteries et les panneaux photovoltaïques, soit autant de ressources nouvelles pour la sécurité sociale.
Nous devons lutter contre toutes les fraudes : sociale, fiscale et douanière. Il faut aller plus loin, et plus fort. Ainsi les redressements prononcés par les Urssaf ont augmenté de 50 % depuis 2017 ; pour l'assurance maladie, l'augmentation est de 30 %, comme pour les CAF.
Nous avons aussi amélioré l'estimation des fraudes. La branche famille les a évaluées à 2,8 milliards dans son domaine ; celle aux cotisations serait de 8 milliards. Dans les prochaines semaines, j'installerai le comité d'évaluation des fraudes, qui produira des évaluations régulières.
Nous sanctionnons aussi plus fermement : plus de 30 000 fraudes aux allocations versées par les CAF ont donné lieu à des sanctions, un dossier sur dix a donné lieu à des poursuites. Quelque 27 millions d'euros d'exonérations de cotisations sociales ont été remboursés par des entreprises pratiquant le travail illégal. Au total, 3,5 milliards ont été redressés au titre du travail dissimulé.
Avec mes collègues François Braun et Jean-Christophe Combe, je poursuivrai la lutte, car c'est la condition de la confiance de nos concitoyens dans la parole publique. Mon soutien est absolu à la sécurité sociale, et aux hommes et femmes qui la font vivre. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales . - Notre séance du jour marque une petite révolution dans l'examen des finances sociales par le Parlement. C'est en effet le premier examen d'un projet de loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale, dit Placss. La sécurité sociale est notre bien le plus précieux, monsieur le ministre, et je poursuis votre métaphore : la sécurité sociale est un peu sous perfusion, la dette continuant de courir... (Sourires)
Les Placss ont été instaurés par la loi organique du 14 mars 2022, portée par le député Thomas Mesnier, s'inspirant d'une proposition de loi organique de Jean-Marie Vanlerenberghe.
Les lois d'approbation des comptes de la sécurité sociale (Lacss) correspondent à l'ancienne première partie des LFSS débattues à l'automne. Le Placss doit être déposé avant le 1er juin pour un chaînage vertueux avec le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS). Le rapport sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale (Ralfss) de la Cour des comptes, jusqu'alors présenté à l'automne, est désormais conjoint au dépôt du Placss.
Mais les conditions d'examen de ce premier Placss sont loin d'être idéales. Je veux croire qu'il s'agit de difficultés passagères, en raison d'un nouveau contexte qui nécessitera des adaptations.
La commission a adopté une motion tendant à opposer la question préalable pour trois raisons, dont chacune suffit à la justifier.
La première est le refus de la Cour des comptes de certifier les comptes de la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf) et de la branche famille. Nous n'avons d'autre choix que de les rejeter.
La deuxième est l'absence de prise en compte, dans l'annexe patrimoniale, de la correction relative aux comptes 2021 réalisée par le Sénat. La Cour des comptes avait d'ailleurs refusé de certifier les comptes 2021 de l'activité de recouvrement. Le Conseil constitutionnel a confirmé notre approche.
Le troisième motif est l'absence de conformité de certaines annexes aux exigences de la loi organique. Les rapports d'évaluation des politiques de sécurité sociale (Repss) présentent des indicateurs dont les chiffres s'arrêtent avant 2022. Le chaînage vertueux n'est pas possible si les chiffres des Repss ne sont pas à jour. Comment débattre sans les chiffres des trois dernières années ?
Par ailleurs, l'annexe 2 ne comprend pas l'évaluation de l'efficacité d'un tiers des niches sociales pourtant prévue par la loi organique. Le rapport conjoint des inspections générales des finances et des affaires sociales formule dix propositions en la matière, notamment pour fixer le champ des mesures et évaluer la norme de référence. Là encore, la promesse n'est pas tenue.
Le grand débat souhaité ne pourra donc avoir lieu.
La commission constate également le dérapage des dépenses de santé, qui ne s'expliquent plus par la seule crise sanitaire. Elle souhaite rétablir le seuil d'alerte de dépassement de l'Ondam à 0,5 %.
Concernant la mise en oeuvre de la LFSS 2022, la commission a souhaité aborder quatre sujets. D'abord, la clause de sauvegarde des médicaments est devenue une taxe indiscriminée sur les entreprises de plus d'un milliard d'euros. Nous souhaitons que la mission interministérielle sur la régulation des produits de santé s'interroge sur la pertinence du dispositif.
Concernant la garantie de financement des hôpitaux, il faut préciser les conditions de sortie. On dépense plus que l'année de la mise en oeuvre, avec 7 milliards d'euros en 2022.
Dans le cas de la généralisation de l'intermédiation des pensions alimentaires, la commission appelle à la vigilance : il conviendra que les avocats assurent la bonne transmission des dossiers à l'agence de recouvrement et d'intermédiation des pensions alimentaires (Aripa) et que cette dernière soit en mesure de gérer l'afflux de demandes.
Enfin, le cahier des charges de la réforme des services d'autonomie à domicile devait faire l'objet d'un décret devant être pris au plus tard le 30 juin 2023. Où en sommes-nous ?
La commission s'est également intéressée au sujet de la fraude sociale. Nous savons désormais qu'elle coûte entre 6 et 8 milliards d'euros. Votre plan de lutte contre la fraude sociale annoncé le 30 mai semble aller dans le bon sens.
Il faudra éviter que la surmédiatisation des cartes Vitale surnuméraires ne nous éloigne des enjeux. Les dispositions législatives devront être bien appliquées pour ne pas en rester à l'effet d'annonce.
Nous sommes au milieu du gué. Le Placss n'est pas à la hauteur, mais ces problèmes n'ont pas vocation à se reproduire chaque année. Espérons que nous pourrons tenir à l'avenir à mi-année ce grand débat sur les finances sociales, qui est la raison d'être des Placss. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains)
M. Christian Klinger, rapporteur pour avis de la commission des finances . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Ce premier Placss est aux comptes sociaux ce que la loi de règlement est aux comptes de l'État. L'Assemblée nationale l'a rejeté, et la commission des finances, saisie pour avis, a donné un avis défavorable.
Le tableau de l'article 1er - les comptes des régimes obligatoires de base et du Fonds de solidarité vieillesse (FSV) - fait apparaître un déficit de 19,6 milliards d'euros de déficit, dont 21 milliards pour les régimes obligatoires, et un excédent de 1,3 milliard pour le FSV.
La situation de la branche maladie est préoccupante : son déficit de 21 milliards d'euros égale à lui seul celui de l'ensemble de la sécurité sociale.
Les ressources de la sécurité sociale et du FSV dépassent les prévisions. Cela résulte d'une conjoncture favorable : la masse salariale du secteur privé a crû de 7,8 % en 2022, mais c'était exceptionnel et la progression des recettes a vocation à ralentir.
Les charges se sont élevées à 591 milliards d'euros en 2022, soit 24,3 milliards d'euros de plus par rapport à 2021, et 21 milliards de plus par rapport à la LFSS 2022. La situation sanitaire dégradée du fait de la vague omicron, les mesures du Ségur et les revalorisations salariales en sont responsables.
Les dépenses de la branche maladie se distinguent par leur dynamisme. L'Ondam connaît ainsi un dépassement de 4,4 %.
La branche vieillesse est inquiétante, avec un déficit de 3,8 milliards d'euros en 2022, qui devrait encore s'aggraver.
Les branches famille et autonomie voient leur excédent se réduire, car la progression des dépenses est plus rapide que celle des recettes.
Les comptes de la sécurité sociale sont donc déficitaires, mais, de plus, certains sont de plus en plus insincères. La Cour des comptes a ainsi refusé de certifier les comptes de la Cnaf et de la branche maladie, en raison d'erreurs non corrigées longtemps après leur paiement. Nous ne pouvons donner quitus au Gouvernement de sa gestion dans ces conditions.
En 2022, la dette sociale a atteint un pic de 161 milliards d'euros. Nous craignons que l'horizon de son extinction ne soit repoussé au-delà de 2033. Le tableau est sombre. Dans ces conditions, la commission des finances vous invite à rejeter ce projet de loi.
Mme Raymonde Poncet Monge . - L'objet de ce premier Placss est d'approuver les comptes de la sécurité sociale, mais surtout de tirer les enseignements de l'année écoulée. Ce texte apparaît très politique et nous en ferons également une lecture politique.
La dynamique des comptes reste préoccupante : la sécurité sociale est très déficitaire, notamment à cause de sa branche maladie, toujours en attente du tournant préventif, mais aussi du fait de l'assèchement du financement social par des dispositifs alternatifs au salaire non soumis à cotisations.
Les rémunérations les plus fortes contribuent de moins en moins au financement de la sécurité sociale : les allègements et exonérations ont fortement augmenté. Le coût net des exemptions d'assiette dépasse ainsi 10 milliards d'euros.
Vous menez et accélérez une politique d'incitation à contourner les augmentations pérennes de salaires. Loi après loi, vous creusez méthodiquement le déficit de la sécurité sociale.
La loi organique du 14 mars 2022 a prévu une évaluation de l'efficience de chaque niche fiscale, sur un rythme triennal : chaque année, un tiers des niches doivent être évaluées, or ce n'est pas le cas dans ce texte. Compte tenu des pertes pour la sécurité sociale et du coût pour l'État, il est temps de produire cette annexe pour éclairer le Parlement.
Notons aussi l'absence de l'indicateur sur la création de places en crèche, alors qu'un objectif de 30 000 créations nettes avait été affiché pour la période 2018-2022.
Le dépassement de l'Ondam était fatal et s'avère programmé. La Cour des comptes le note : la progression entre 2023 et 2026 serait à peine à la hauteur de l'inflation. Nous savons que l'Ondam va augmenter, du fait du vieillissement de la population. Où est donc la sincérité des prévisions, comme le sens des dépassements ? Le seuil d'alerte est privé de son intérêt.
Quant aux excédents des branches famille, autonomie et AT-MP, ils traduisent aussi les insuffisances des politiques menées, notamment en matière de places en crèche et d'accidentologie. Il existe ainsi des excédents non vertueux.
Loin de permettre un chaînage vertueux, ce projet de loi suscite plus de questions que d'informations. Cette photo des comptes est aussi floue qu'incomplète. Le groupe GEST votera contre. (Applaudissements sur les travées du GEST)
M. Thani Mohamed Soilihi . - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Ce projet de loi correspond à la première Lacss qui consacre un cycle complet de contrôle et d'évaluation des lois de financement de la sécurité sociale.
La Lacss, déposée avant le 1er juin, permet de constater les moyens financiers mis en oeuvre l'année précédente et d'évaluer les politiques de sécurité sociale. Elle renforce le contrôle parlementaire, au service d'une analyse de l'exercice clos détachée de l'examen du PLFSS.
Les débats des PLFSS se concentraient à l'inverse sur les années à venir. Il s'agit ici d'un exercice formel, qui vise à acter les comptes des années précédentes.
Nous pouvons comparer ce texte aux comptes administratifs des communes, qui sont le plus souvent votés, même par l'opposition, à l'inverse du budget.
Sur le fond, la situation financière des comptes de la sécurité sociale doit être replacée dans son contexte : sortie de la crise sanitaire et surcoûts de l'énergie. Le contexte inflationniste continue de peser sur le pouvoir d'achat des ménages.
L'année 2022 a été marquée par une amélioration globale de la situation des finances de la sécurité sociale par rapport à 2021.
Le déficit des régimes de base et du FSV a diminué de 4,6 milliards d'euros en 2021 pour atteindre 19,6 milliards. Les raisons principales sont l'inflation, la bonne tenue de l'emploi, la surexécution des dépenses liées à la crise sanitaire et la revalorisation des prestations sociales. Trois branches sur cinq sont excédentaires, les branches vieillesse et maladie demeurent déficitaires. Nous devons rétablir l'équilibre de ces branches. L'amélioration de la situation de l'emploi nous rend optimistes.
Pour la septième année consécutive, le chômage diminue, s'établissant à 7,3 % en 2022. Il y a eu 337 000 créations nettes d'emplois en 2022, ce qui représente 5 milliards d'euros de recettes supplémentaires pour la sécurité sociale.
Il faut plus de travail, mais également une meilleure redistribution. En effet, la Cour des comptes a estimé que le coût de la fraude aux prestations sociales serait compris entre 6 et 8 milliards d'euros. Le Gouvernement a annoncé plusieurs mesures pour lutter contre la fraude : contre le travail non déclaré, notamment. Ces annonces très attendues rétabliront la confiance. Pour toutes ces raisons, le groupe RDPI votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
M. Bernard Jomier . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Ce Placss est une première, et un progrès dans la procédure parlementaire de délibération des comptes sociaux, même s'il reste mince. Mince, car le renforcement du rôle du Parlement passerait idéalement par une procédure en amont de l'adoption de la LFSS, qui ne se limiterait pas à l'octroi de délais d'examen rallongés. Ce parcours commencerait par un débat politique avant l'été, dans lequel les enjeux comme les chiffrages n'échapperaient plus aux parlementaires, comme aux acteurs concernés.
L'adoption du budget social et santé de la nation devrait être le temps de ce lien. Nous nous contentons de clore le cycle annuel des finances sociales pour constater les montants financiers effectivement mis en oeuvre l'année précédente, mais également évaluer les politiques de sécurité sociale.
Si nous devions limiter notre rôle à une forme de ratification administrative, les motifs de rejet seraient déjà patents : erreurs dans les comptes déjà relevées et non corrigées, refus de la Cour des comptes de certifier les comptes de la branche famille.
Les hypothèses du Gouvernement sont très optimistes : on doute de sa sincérité.
Le Gouvernement souhaite ajuster l'Ondam à l'inflation : c'est en fait une régression du fait de l'évolution de notre population.
Votre approche financière ne conduit même pas à l'équilibre : vous projetez des déficits à l'infini. C'est un choix politique : un système de sécurité sociale trop coûteux et les cotisations seraient donc des charges à réduire. Vous opposez soutien aux entreprises et protection sociale : voilà votre choix.
Pourtant, équilibrer les comptes est possible. Entre 2014 et 2018, le recul du passif net a été constant ! Il y a eu une vie avant 2017 ! (M. le ministre sourit.)
Vous n'arriverez pas à cet équilibre, car vous faites un refus d'obstacles sur les recettes, et parce que votre approche des dépenses est comptable, avec autant d'illusions d'économies : indemnités journalières, arrêts de travail, toujours les mêmes vieilles lunes.
Or la Cnam précise que la hausse de 80 % en dix ans des indemnités journalières s'explique par la hausse de la population, l'augmentation des salaires, la crise sanitaire et le départ à la retraite plus tardif - cela ne va pas s'améliorer. Les propos de M. le ministre des comptes publics sur les arrêts du vendredi et du lundi relèvent de l'anecdotique. Votre chasse est vaine.
Quant à l'hôpital, quel écart entre votre satisfaction et la réalité ! Le Gouvernement doit revoir toute son approche du budget santé. Selon la Cour des comptes, l'enjeu principal est de mettre en oeuvre une stratégie territoriale qui associe hôpital public, cliniques privées, médecine libérale et collectivités territoriales. Vous persistez dans votre mauvaise gestion.
Mon groupe veut débattre au fond, jusqu'au bout, et ne votera pas la motion. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST)
Mme Laurence Cohen . - Rejet à l'Assemblée nationale par 134 voix contre 115 et dépôt d'une motion au Sénat présageant d'un sort funeste... Nous nous en réjouissons, d'autant que nous dénoncions dès l'examen de la loi Mesnier le rapprochement de la présentation des comptes de la sécurité sociale de celle du budget de l'État, au mépris de l'autonomie budgétaire de la sécurité sociale. Le texte ne fait que compiler des annexes du PLFSS.
Le ministre Attal - qui est parti - chantait les louanges des 120 000 agents des caisses de sécurité sociale. Mais, le 22 juin dernier, Le Canard enchaîné révélait que le Gouvernement souhaite supprimer 1 720 postes d'ici à 2027. Drôle de remerciement, qui suit les 800 CDI supprimés entre 2018 et 2022... Le refus de certification par la Cour des comptes n'est guère étonnant.
L'Ondam 2022 était de 2,2 %, pour une progression tendancielle des dépenses de soins de 4 %, alors que l'effet de l'inflation est estimé à 1,1 milliard d'euros et que la Fédération hospitalière de France (FHF) réclame 2 milliards d'euros pour financer la hausse du point d'indice.
L'austérité imposée à la branche maladie a conduit à la fermeture de 80 services d'urgences en 2022. Des milliers de soignants ont démissionné de l'hôpital. Voilà les résultats de l'obstination du Gouvernement à assécher les comptes de la sécurité sociale.
Selon l'Inspection générale des affaires sociales (Igas), 150 dispositifs, pour 67,5 milliards d'euros en 2022, contre 59,6 milliards en 2021, iront aux entreprises... La compensation par l'État n'a représenté que 91 %, laissant ainsi une ardoise de 2,5 milliards d'euros aux comptes de la sécurité sociale. Je ne parle pas de la facture du covid, transférée à la sécurité sociale.
Quant à la fraude sociale, elle concerne avant tout le travail dissimulé - 8 milliards d'euros - et les professionnels de santé - 4 milliards d'euros -, bien plus que les assurés - 2,5 milliards d'euros. Nous sommes loin des discours de certains, qui stigmatisent les précaires et les étrangers.
Vous refusez de mettre à contribution les entreprises et les grands groupes. Vous préférez ponctionner le contribuable pour mieux exonérer de charges les entreprises. Notre groupe votera contre cette Lacss. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER)
M. Michel Canévet . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Seize années après la première loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale, deux propositions de lois organiques avaient été déposées en 2021 par notre collègue Jean-Marie Vanlerenberghe et le député Thomas Mesnier : la réforme s'est faite sans difficulté, avec le soutien du Gouvernement. Olivier Dussopt, alors ministre des comptes publics, parlait d'avancées décisives pour les pouvoirs du Parlement.
Notre Constitution dispose, à son article 24, que « Le Parlement vote la loi » et, à son article 21, que le Premier ministre « assure l'exécution des lois ». La loi organique s'impose donc. Or contre toute attente, cette Lacss n'a pas été intégralement exécutée : les Repss n'indiquent pas les résultats des trois dernières années et l'annexe sur les niches sociales ne comprend pas d'évaluation des mesures. Pourquoi ? Les services ne seraient pas en mesure de fournir ces données ? L'information des Parlements ne serait-elle pas une priorité ?
Je rappelle que, selon mon groupe, le niveau des cotisations sociales nuit à notre compétitivité.
Je salue la qualité de l'analyse de Mme Doineau. Le vote de la question préalable nous paraît justifié.
Il est temps de s'attaquer au déficit de l'assurance maladie. Selon l'OCDE, citée par Jean-Marie Vanlerenberghe en 2017, 28 % des actes prescrits seraient jugés injustifiés par les médecins eux-mêmes, soit 50 milliards d'euros de dépenses vaines.
Nous regrettons que le cahier des charges sur l'exécution de la loi ne soit toujours pas publié - il aurait dû l'être avant le 30 juin dernier.
La grève actuelle des praticiens hospitaliers montre combien les attentes sont fortes sur le terrain, en dépit de l'action menée. Les établissements hospitaliers, sociaux et médico-sociaux connaissent de grandes difficultés financières. Il reste beaucoup à faire pour mettre en oeuvre efficacement les politiques de santé et de protection sociale.
Nous voterons dans notre grande majorité la motion tendant à opposer la question préalable déposée par la commission des affaires sociales. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)
Mme Véronique Guillotin . - L'approbation des comptes de la sécurité sociale fait l'objet d'un projet de loi à part, pour la première fois. L'objectif est d'améliorer le contrôle du Parlement. La Cour des comptes estime que la présentation d'ensemble est cohérente.
Toutefois, des éléments sont source de préoccupation : chiffres erronés, absence de mise à jour d'indicateurs essentiels, comme le nombre de places en crèches, rejet de certains comptes. Messieurs les ministres, quels moyens envisagez-vous pour réduire le nombre d'erreurs de paiements de la part des CAF ?
Cela dit, le groupe RDSE privilégie le débat et s'oppose par principe aux motions.
La branche maladie plombe les comptes, pour 21 milliards d'euros. Le déficit est moins élevé que prévu, de 4 milliards d'euros. Mais l'Ondam dépasse de 10 milliards d'euros la prévision de 2021 : avec les crises, l'anticipation est difficile, il faut donc rétablir le seuil d'alerte de 0,5 %.
La branche vieillesse est déficitaire de 4 milliards d'euros. Malgré la réforme des retraites, le Conseil d'orientation des retraites (COR) prévoit un déficit persistant en 2030. Une autre réforme doit-elle être envisagée ?
Pour la branche famille, les recrutements sont difficiles : il faudrait sans doute des revalorisations salariales.
Les Placss permettent de se poser la question d'une meilleure utilisation des dépenses de santé. Piloter l'Ondam de manière uniquement économique n'est plus suffisant. Prévention, éducation à la santé et innovation doivent être mises en avant. Les professionnels de santé sur le terrain ont des attentes fortes. Il faut aller plus vite pour la prévention, avec une loi pluriannuelle.
Dans sa majorité, le RDSE ne s'opposera pas à l'approbation des comptes. « Les hommes n'acceptent les changements que dans la nécessité et ils ne voient la nécessité que dans la crise », disait Jean Monnet. Le temps du changement est venu. (Applaudissements sur les travées du RDSE ; Mme Nadia Sollogoub applaudit également.)
Mme Corinne Imbert . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Je me réjouis que ce texte renforce a priori l'information du Parlement. Les finances publiques sont arides, le sentier est escarpé, mais il faut s'y avancer avec clarté. Cela consolide notre pacte républicain.
Comme le soulignait le ministre des comptes publics, l'économie crée la richesse, qui finance la solidarité.
Les chiffres reflètent des choix politiques : le déficit de la sécurité sociale est-il une fatalité ?
Je déplore la non-certification des comptes de la branche famille, en raison notamment de l'augmentation des paiements erronés.
Comme rapporteure de la branche maladie, je constate, non sans désappointement, que la quasi-totalité de l'augmentation du déficit depuis la crise sanitaire provient de l'assurance maladie. Les dépenses de santé n'ont pas diminué depuis la crise sanitaire, notamment en raison du Ségur.
L'Ondam n'est plus respecté depuis la crise sanitaire, notamment à cause de l'inflation. Le dépassement cette année est substantiel par rapport à la prévision, de 10,4 milliards d'euros. L'Ondam ne semble plus pilotable. Pis, il ne rend plus compte des choix politiques du Gouvernement : impossible pour le Parlement d'arbitrer. C'est vrai en loi de finances initiale comme en Lacss. Notre groupe demande un examen par sous-objectif, compte tenu des montants en jeu.
Le comité d'alerte doit aussi jouer pleinement son rôle. La situation actuelle n'est plus tenable : nous avons besoin d'un Ondam utile, avec un découpage fin des dépenses.
Nous ne devons pas perdre de vue la recherche de l'équilibre des dépenses, tout en améliorant l'état de santé des Français. De plus, la soutenabilité de la dette publique impose de revoir les dépenses. Il est loin le temps où la dette rapportait de l'argent... La Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades) est encore capable d'absorber une dette de 8,8 milliards d'euros, alors que le déficit annoncé de la sécurité sociale pour 2023 s'élève à 8,2 milliards.
Notre travail de contrôle doit jouer à plein. La médecine de ville est fragile, le niveau d'activité des hôpitaux inférieur à celui de 2019. Tous les établissements sont en déficit et font face à des difficultés de recrutement.
Faute d'annexes exactes, et compte tenu de la non-conformité à la loi organique, nous voterons la motion tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Mme Vanina Paoli-Gagin . - Ce texte est une première, issu de la loi organique du 14 mars 2022. Nous saluons cette nouvelle faculté offerte au Parlement.
Le projet de loi souligne quelques points positifs ; trois des cinq branches sont excédentaires : la branche famille de 1,9 milliard d'euros, la branche autonomie de 200 millions d'euros et la branche AT-MP de 1,7 milliard d'euros.
Les 337 000 emplois créés en 2022 représentent des cotisations supplémentaires pour la sécurité sociale. À cet égard, nous espérons que le projet de loi « France Travail » raccourcira notre chemin vers le plein emploi.
Pour autant, ces chiffres n'effacent pas les 19,6 milliards d'euros de déficit de la sécurité sociale pour 2022. Ce montant colossal comprend les 3,8 milliards de déficit de la branche retraites - preuve que la réforme était une nécessité. Mais le déficit s'explique surtout par celui de la branche maladie, qui atteint 21 milliards d'euros. Certes, les dépenses liées à la crise sanitaire diminuent, mais il faut aussi examiner l'explosion des arrêts maladie, car les indemnités journalières représentent 15 milliards d'euros par an, et sont en hausse tendancielle.
Il faut aussi lutter contre la fraude sociale et les erreurs. Le refus de la Cour des comptes de certifier les comptes de la branche famille en témoigne. S'ajoute à cela la fraude sociale : on ne saurait tolérer que 15 milliards d'euros destinés à la solidarité nationale soient ainsi détournés.
Nous ne doutons pas que le plan de lutte du ministre Attal améliorera les choses. Nous veillerons à la hausse des moyens consacrés au contrôle.
L'Ondam n'est certes pas respecté, pour la première fois depuis 2011, mais la pandémie et la période d'inflation qui a suivi étaient elles aussi sans précédent. Le budget des hôpitaux a été massivement revalorisé, après une longue période de sous-financement, mais la crise des hôpitaux est loin d'être terminée. Nous en discuterons à l'automne, en examinant les orientations du budget.
Le groupe INDEP est favorable au débat, c'est pourquoi nous voterons contre la question préalable.
Question préalable
Mme la présidente. - Motion n°1, présentée par Mme Doineau, au nom de la commission des affaires sociales.
En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale pour l'année 2022 (n° 705, 2022-2023), rejeté par l'Assemblée nationale.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales . - Ce premier projet de loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale ne doit pas être confondu avec un projet de loi d'appréciation de la politique de sécurité sociale. L'exercice est nouveau et j'ai senti, dans beaucoup d'interventions, le besoin d'exprimer un avis sur cette politique.
En l'espèce, il s'agit d'une loi d'approbation, qui implique évaluation : le moindre euro engagé doit être évalué. C'est pourquoi nous avions demandé une évaluation de l'efficience des niches fiscales. Avons-nous eu raison de les voter ? Ont-elles encore leur raison d'être ?
Je comprends la frustration des orateurs, qui voulaient débattre. Mais, pour débattre, il faut tous les éléments : tel n'est pas le cas.
M. François Braun, ministre. - Le refus de la Cour des comptes de certifier les comptes de la branche famille n'est pas une première. Nous avons répondu à ses observations, avec un investissement dans les systèmes d'information, une fiabilisation du calcul des prestations et une lutte renforcée contre la fraude.
Sur la cohérence, la Cour des comptes a validé les données présentes dans le tableau d'équilibre. Les annexes au projet de loi offrent l'information la plus exhaustive et la plus à jour. Vous auriez souhaité en savoir davantage : nous transmettons au Parlement les données les plus récentes, dès qu'elles sont disponibles.
Un travail d'ampleur sur les niches sociales a été engagé dès l'automne 2022 ; il a débouché sur le rapport de l'Igas.
Je remercie la direction de la Sécurité sociale, dont le travail a permis l'élaboration de ce texte. Avis défavorable.
Mme Raymonde Poncet Monge. - Aux termes de l'article 47-2 de la Constitution, « les comptes des administrations publiques sont réguliers et sincères. Ils donnent une image fidèle du résultat de leur gestion, de leur patrimoine et de leur situation financière. » Or ce texte ne répond pas à ces exigences.
Vous refusez de tenir compte des remarques du Parlement comme de la loi organique de mars 2022, qui prévoit une évaluation d'un tiers des niches sociales chaque année.
Le dépassement de l'Ondam n'a fait l'objet ni d'une loi de financement rectificative ni d'un débat.
Nous mesurons cependant l'intérêt d'un débat sur une loi d'application isolé de l'examen du prochain budget. Le GEST s'abstiendra.
M. Thani Mohamed Soilihi. - Le Placss est un outil de contrôle à la disposition des parlementaires. Ce texte est avant tout un exercice formel de constat des comptes de l'année précédente. C'est là notre mission, conformément à l'article 24 de la Constitution qui dispose : « Le Parlement vote la loi. Il contrôle l'action du Gouvernement. Il évalue les politiques publiques. »
Ce n'est pas un exercice politique : l'adoption de la motion ne remettra pas en cause les comptes de l'année 2022. Mieux vaut nous concentrer sur l'amélioration de la situation, en commençant par les deux branches déficitaires : ce débat aura lieu lors de l'examen du PLFSS pour 2024. Le RDPI votera contre la motion.
Mme la présidente. - Je vais consulter le Sénat sur la motion tendant à opposer la question préalable.
Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du texte en discussion.
En application de l'article 59 du Règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.
Voici le résultat du scrutin public n°325 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 315 |
Pour l'adoption | 200 |
Contre | 115 |
La motion est adoptée.
En conséquence, le projet de loi est considéré comme rejeté.
Prochaine séance demain, mardi 4 juillet 2023, à 9 h 30.
La séance est levée à 21 h 15.
Pour le Directeur des Comptes rendus du Sénat,
Rosalie Delpech
Chef de publication
Ordre du jour du mardi 4 juillet 2023
Séance publique
À 9 h 30, de 14 h 30 à 19 h 30, et le soir
Présidence :
Mme Pascale Gruny, vice-président, M. Pierre Laurent, vice-président
Secrétaires : M. Jean-Claude Tissot - Mme Marie Mercier
1. 45 questions orales
2. Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à renforcer la protection des familles d'enfants atteints d'une maladie ou d'un handicap ou victimes d'un accident d'une particulière gravité (texte de la commission, n°787, 2022-2023)
3. Projet de loi visant à sécuriser et réguler l'espace numérique (procédure accélérée) (texte de la commission, n°778, 2022-2023)