Transport transmanche
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à lutter contre le dumping social sur le transmanche.
Discussion générale
M. Hervé Berville, secrétaire d'État chargé de la mer . - En mars 2022, P&O Ferries licenciait 786 marins sans préavis, par visioconférence, pour les remplacer par des marins payés deux fois moins, sans jour de repos et passant en mer quinze semaines d'affilée. Cette course au moins-disant social risque, telle une vague scélérate, d'emporter des pans entiers de notre transport maritime.
Nous sommes tous concernés, élus du littoral ou d'ailleurs ; je salue d'ailleurs l'engagement de la rapporteure, Catherine Procaccia, élue du Val-de-Marne. (Mme la rapporteure sourit.)
Cette proposition de loi est cruciale pour préserver notre modèle social, assurer la sécurité en mer et protéger nos espaces maritimes.
Pendant un an, nous avons travaillé avec les organisations syndicales et patronales pour trouver des solutions communes. Je salue notamment l'implication de Jean-Marc Roué. Nous avons ainsi construit une réponse collective pour mettre fin à un dumping social scandaleux.
Après que le Brexit a ouvert la voie aux pratiques dérégulées d'armateurs peu scrupuleux, nous avons d'abord mis en place une charte d'engagements volontaires, en concertation avec les autorités britanniques. Elle invite les armateurs à s'engager en faveur de conditions supérieures au minimum en matière de temps de travail et de respect de l'environnement. Je remercie Jean-François Rapin, Agnès Canayer et Michel Canévet pour leur contribution à ces travaux transpartisans.
Nous avons dressé un triple constat : aucune entreprise respectant le principe de concurrence libre et non faussée, cher à la rapporteure, ne peut s'aligner sur des pratiques proches de l'esclavage moderne ; aucune entreprise adoptant ces pratiques ne peut prétendre qu'elle ne fait pas courir de risques à ses équipages et ses passagers, ni prétendre s'engager d'un point de vue environnemental.
Face à ces constats, le Gouvernement a soutenu la proposition de loi du député Didier Le Gac, dont l'article 1er régule les liaisons internationales en imposant un salaire minimal horaire - aucun marin ne doit être moins payé qu'en France - et l'équivalence entre temps de travail et temps de repos pour garantir la sécurité en mer.
La commission des affaires sociales a clarifié le dispositif et renforcé sa robustesse. Nous avons déposé un amendement pour en limiter l'application à la zone transmanche, conformément à l'objet de la proposition de loi, qui ne traite pas de la Méditerranée. Par ailleurs, un décret paru ce matin interdit l'utilisation du registre international français (RIF) pour le transmanche, comme avec le Maghreb par le passé.
L'article 2 sanctionne pénalement le recours à des marins sans certificat médical.
Les articles 1er bis et 1er ter, supprimés par la commission, concernent toutes nos façades maritimes : les navires permettant la construction des éoliennes en mer appliqueront en partie le droit français, en vertu du principe de l'État d'accueil. Il s'agit de renforcer l'application de notre droit en alourdissant les sanctions pénales contre les contrevenants. Comment accepter un niveau de sanction moins élevé dans nos eaux territoriales que pour le transport transmanche ?
Dans un souci de cohérence et pour lutter efficacement contre le dumping social dans le déploiement des éoliennes en mer, nous proposerons le rétablissement de ces deux articles. De Fécamp à Fos-sur-Mer, armateurs et élus nous disent tous avoir besoin de ce dispositif renforcé.
Ce texte de justice sociale envoie un message clair : la France défend la sécurité en mer et sa souveraineté. Hissons haut le pavillon France pour le bien-être des gens de mer, la sécurité maritime et la protection de l'environnement. (Applaudissements sur les travées du RDPI, du RDSE et du groupe INDEP, ainsi que sur plusieurs travées du groupe SER ; M. Gérard Lahellec applaudit également.)
Mme Catherine Procaccia, rapporteur de la commission des affaires sociales . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Certains se demanderont pourquoi, élue d'un département qui n'est traversé que par la Seine et la Marne, je suis rapporteur de ce texte. Sans doute la présidente Deroche connaît-elle mon goût pour les sujets originaux - et les mers chaudes... (Sourires)
Dans le contexte du Brexit puis de la crise sanitaire, l'arrivée d'un nouvel opérateur a conduit certaines compagnies à optimiser leurs coûts en optant pour des pavillons offrant de faibles garanties pour les gens de mer. P&O Ferries a licencié 786 marins dans les conditions que le ministre a rappelées. Selon Armateurs de France, P&O Ferries et Irish Ferries, battant pavillon chypriote, emploient des marins pour un salaire inférieur de 60 % au salaire français, sans appliquer l'équivalence entre durée d'embarquement et temps de repos, contrairement à Brittany Ferries et DFDS.
Ces pratiques sont, hélas, légales. Elles laissent peu de marge aux États. La convention de Montego Bay et le droit européen permettent en effet le libre choix du pavillon, dont les règles prévalent. Pour autant, elles ne sont pas acceptables, car elles perturbent le marché du transport transmanche et fragilisent la sécurité de la navigation dans l'un des détroits les plus fréquentés au monde.
Le droit de l'Union européenne permet aux États d'adopter des lois de police, fixant des règles impératives pour la sauvegarde de leurs intérêts publics, quelle que soit la loi applicable au contrat. Je découvre, après dix-neuf ans de mandat, cet ovni juridique...
C'est l'objet de l'article 1er, qui impose le versement du salaire minimal de branche français et l'équivalence entre temps de travail et temps de repos.
Les restrictions à la liberté du commerce doivent être proportionnées. La commission a donc sécurisé le dispositif en veillant à la proportionnalité des peines. Les peines de 7 500 euros d'amende par salarié et de 15 000 euros et six mois de prison en cas de récidive sont dissuasives. Nous avons, en revanche, supprimé l'interdiction d'accoster dans tout port français après trois infractions, contraire à l'individualisation des peines et manifestement disproportionnée.
Nous avons fixé une date d'entrée en vigueur au 1er janvier 2024, qui coïncide avec l'entrée en vigueur de la loi britannique alignant les salaires des navigants sur ceux des personnels britanniques.
À l'article 2, nous avons renforcé les sanctions en cas de certificat médical non valide.
En revanche, nous avons supprimé les articles 1er bis et 1er ter, introduits à l'Assemblée nationale pour renforcer les sanctions pouvant être prononcées sur les liaisons nationales où s'appliquent les conditions sociales de l'État d'accueil, notamment entre la Corse et la France continentale.
Les risques de distorsion de concurrence existent entre les compagnies sous pavillon français et sous pavillon d'un autre pays européen, notamment italien, mais le droit de l'Union l'autorise. Toutefois, le dispositif de l'État d'accueil limite fortement les possibilités de dumping social sur les navires concernés. En effet, les règles applicables aux salariés employés sur ces navires sont les mêmes que pour les salariés des entreprises de la branche établies en France. Par ailleurs, les gens de mer bénéficient obligatoirement du régime de protection sociale d'un État membre.
Dès lors, la commission a considéré que les mesures proposées n'étaient pas de nature à répondre aux problématiques de concurrence sur le marché Corse-continent. Ces enjeux relèvent de l'Union européenne, notamment en ce qui concerne l'usage des pavillons internationaux sur les liaisons intra-européennes. En outre, il existe déjà un régime de sanctions pénales, et l'autorité administrative peut infliger des amendes en cas de non-respect du salaire minimum - encore faut-il que les contrôles aient lieu.
La commission n'a pas été convaincue de la nécessité de conserver les mesures sur le cabotage en Méditerranée : les intentions du législateur risquent d'être brouillées et le texte fragilisé.
Le Sénat, suivant sa position constante, a supprimé les demandes de rapport des articles 3 et 4.
Enfin, nous avons modifié l'intitulé de la proposition de loi pour y inclure la sécurité du transport maritime.
Nous entendons veiller à la proportionnalité des dispositions, d'autant que cette proposition de loi est déjà sous les fourches caudines de l'Union européenne, avant même son vote. Il faut nous assurer de son effectivité : voter une loi d'affichage ferait plus de mal que de bien. Je vous invite donc à voter le texte issu des travaux de la commission. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP, ainsi que sur des travées du groupe UC)
Mme Nadège Havet, rapporteure pour avis de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable . - Cinq minutes : c'est le temps dont je dispose pour vous faire part de mon avis sur cette proposition de loi de Didier Le Gac. C'est plus qu'il n'en a fallu à P&O Ferries pour licencier 786 marins, sommés de quitter leur navire sur-le-champ tandis que leurs remplaçants, moins bien rémunérés, attendaient sur le quai pour monter à bord... C'est dire si armateurs, syndicats et gens de mer attendent ce texte.
La concurrence déloyale place les opérateurs historiques devant cette alternative : disparaître ou adopter le nouveau modèle, au risque de voir disparaître le pavillon français.
L'enjeu est la sécurité de la navigation : les navires transmanche accostent dix fois par jour et naviguent de façon perpendiculaire dans l'un des détroits les plus fréquentés au monde. Les journées de travail des marins dépassent souvent seize heures. C'est pourquoi les gens de mer alternent entre une à deux semaines à bord et une à deux semaines de repos. Dans le low cost, ils embarquent pendant six semaines, voire jusqu'à dix-sept, les deux tiers de l'année.
L'épuisement des marins multiplie les risques : n'attendons pas un drame humain pour légiférer.
En outre, la marine marchande sous pavillon français est régulièrement mobilisée lors des interventions militaires françaises ou pour des exercices. Pour cette raison aussi, il est essentiel de la préserver.
Parce que ce texte répond à une urgence, je suggère une adoption conforme, d'autant que, la procédure accélérée n'ayant pas été engagée, le temps pourrait manquer pour une entrée en vigueur au 1er janvier prochain.
La commission des affaires sociales a fait un choix différent, mais je me réjouis qu'elle n'ait pas apporté au texte de modifications substantielles et que le texte ait été inscrit à l'ordre du jour de la session extraordinaire. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; Mme Françoise Gatel, MM. Jean-Michel Houllegatte et Philippe Mouiller applaudissent également.)
Mme Mélanie Vogel . - (Applaudissements sur les travées du GEST) Le 8 décembre dernier, au petit matin, le capitaine Michael Michieli et ses deux matelots embarquent sur leur bateau de pêche à Jersey. Au même moment, le ferry Commodore Goodwill, battant pavillon des Bahamas et qui effectue des liaisons régulières entre les îles anglo-normandes, le Royaume-Uni et la France, fait route, transportant des camions et cinq passagers. À 5 h 30, le ferry percute le bateau de pêche, qui sombre instantanément. Les trois corps seront retrouvés plus tard.
Cet incident n'est pas isolé dans la Manche, traversée par 25 % du trafic maritime mondial ; 300 000 bateaux de pêche y naviguent, rien que côté français. Or employeurs et armateurs font tout pour réduire le coût de la main-d'oeuvre. Le licenciement en quatre minutes et par vidéo de 786 marins de P&O Ferries en témoigne : contraints de débarquer en trente minutes, ils ont été remplacés par des intérimaires employés dans des conditions dégradées. Quant à Brittany Ferries, elle aurait supprimé 250 emplois en CDI.
Ce dumping est néfaste et dangereux. Il dégrade les conditions de travail, le salaire et la protection sociale. Le remplacement d'employés expérimentés par des intérimaires ou des prestataires connaissant mal les navires accroît les risques.
Le GEST salue cette proposition de loi visant à stopper la course au moins-disant. Je remercie la rapporteure, qui a notamment tenu à ce que le décret intègre la lutte contre la pollution maritime.
Le dumping affectant tous les aspects de l'organisation du travail, un cadre plus complet serait nécessaire, incluant d'autres droits sociaux. Je ne doute pas que nous aurons de riches discussions sur le champ d'application du texte, qui a été étendu à l'Assemblée nationale. La lutte contre le dumping doit être la plus large possible.
Nous regrettons que ce texte ne soit pas accompagné d'une étude d'impact et d'un avis du Conseil d'État.
Quel que soit son point d'arrivée, il marquera une avancée : nous le voterons donc. (Applaudissements sur les travées du GEST)
M. Bernard Buis . - (Applaudissements sur les travées du RDPI) La proposition de loi du député Le Gac vise à lutter contre le dumping social, à la suite du licenciement brutal, par visioconférence, de 786 marins de P&O Ferries, remplacés majoritairement par des marins philippins, les navires passant sous pavillon chypriote.
La concurrence déloyale est brutale dans le transport transmanche et le Brexit aggrave la situation, sortant les liaisons franco-britanniques du cadre de l'Union européenne.
Cette proposition de loi restaure la justice sociale et renforce la protection des marins, imposant le salaire minimum français quel que soit le pavillon et un repos au moins équivalent à la durée d'embarquement. Un certificat d'aptitude médicale à la navigation est également prévu.
Les députés ont entendu profiter de ce véhicule législatif pour étendre le dispositif antidumping aux liaisons entre deux ports français ou traversant les eaux françaises, sans oublier les navires de travaux et de service pour l'éolien en mer. L'article 1er ter améliore la capacité de sanction de l'administration : nous en proposerons le rétablissement. Nous espérons aussi l'adoption de l'amendement du Gouvernement.
Nous voterons ce texte, en espérant que la navette aboutisse le plus rapidement possible. (Applaudissements sur les travées du RDPI et du groupe INDEP)
M. Jean-Luc Fichet . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) L'intitulé de la proposition de loi a été complété par notre rapporteur, dont je salue le travail. Ce texte fait suite au licenciement scandaleux par P&O Ferries, battant pavillon chypriote, de 786 marins anglais, sans consultation syndicale, pour les remplacer par une main-d'oeuvre à bas coût et sans respect du droit du travail et du salaire minimum britanniques.
Le 5 novembre 2022 à Saint-Malo, les acteurs français de la liaison transmanche et les élus ont lancé un appel contre le dumping social, relayé par les parlementaires bretons.
La Manche est la zone de transport maritime la plus dense d'Europe, avec l'équivalent d'un camion toutes les cinq secondes, un navire entrant et sortant toutes les trois minutes, et 91 000 personnes traversant quotidiennement. La bonne nouvelle, c'est que la volonté de légiférer est partagée des deux côtés de la Manche.
Le Brexit a permis ces licenciements scandaleux. Le texte protégera tous les marins, peu importe le pavillon, sur les lignes définies par décret. Il prévoit un salaire minimum et un repos équivalent à la durée d'embarquement et luttera aussi contre les pollutions marines. Nous serons attentifs à la rédaction des décrets.
Cette proposition de loi est contrainte, car elle doit respecter la Constitution et le droit de l'Union européenne, notamment du point de vue de la proportionnalité des sanctions.
De plus, ne brouillons pas le message avec des mesures sans lien avec l'objet du texte. Il y a des formes d'esclavage moderne.
Autre disposition à laquelle le groupe SER est favorable, l'alignement des sanctions pénales vis-à-vis des certificats d'aptitude médicale étrangers non conformes. L'adoption de l'amendement de la rapporteure étend cette mesure aux gens de mer autres que les marins.
Favorables à cette proposition de loi, nous serons vigilants sur les décrets, instruits que nous sommes par la propension du Gouvernement à passer en force. Nous le serons aussi sur l'adoption des textes britanniques : une loi a été adoptée, mais les textes réglementaires sont en attente.
Monsieur le ministre, comment le Gouvernement français promouvra-t-il cette législation ?
Le groupe SER votera la proposition de loi. (M. Joël Bigot et Mme Nadège Havet applaudissent.)
Mme Cathy Apourceau-Poly . - J'ai une pensée pour les 78 personnes qui ont trouvé la mort et pour les centaines de disparus au large du Péloponnèse, la semaine dernière. Je pense aussi à tous les migrants qui laissent leur vie chaque année dans la Manche.
La proposition de loi fixe des normes minimales pour les marins du transmanche, pour lutter contre les compagnies qui tirent les droits sociaux vers le bas, ce qui affecte nos compagnies au départ de la Bretagne, de Normandie, des Hauts-de-France et du port sec de Calais-Eurotunnel. Ce dumping massif s'est fait sous l'égide de l'Union européenne, la concurrence libre et non faussée ayant brisé bien des normes.
Les compagnies ont cassé les prix et les droits sociaux, adoptant le pavillon chypriote, pour s'imposer sur le cabotage transmanche. Le point de départ est le licenciement par visioconférence des marins de la P&O Ferries, remplacés par des équipages payés 6 dollars de l'heure et qui passent jusqu'à 17 semaines consécutives à bord pour 82 heures de travail hebdomadaires, sans prise en compte des repos compensateurs ni des congés payés.
Dès 2014, dans son rapport Le droit en soute : le dumping social dans les transports européens, Éric Bocquet recommandait d'appliquer le droit du pays du port.
En janvier dernier, les députés Jumel et Lecoq ont déposé une proposition de loi qui allait plus loin que celle que nous examinons. Cette dernière représente néanmoins un progrès. Elle prévoit notamment un salaire minimum équivalent au Smic et un temps de repos équivalent au temps en mer. Toutefois, nous restons au milieu du gué, la proposition de loi ne prenant pas en compte le rythme de travail.
Le groupe CRCE votera cette proposition de loi, car il y a urgence. Elle ne réglera pas tout, mais nous la prenons comme un premier pas et demandons, monsieur le ministre, qu'un travail soit mené contre le dumping social. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE ; M. Joël Bigot et Mme Mélanie Vogel applaudissent également.)
M. Jean-Marie Vanlerenberghe . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) La Manche est l'une des mers les plus fréquentées du monde. Elle est au coeur de la relation franco-britannique. Le transport de passagers et le fret y sont importants.
Jusqu'à présent, un équilibre entre compagnies françaises et britanniques garantissait des conditions de travail décentes pour les travailleurs, et la sécurité des passagers. Au printemps 2021, les choses ont changé lorsque le transporteur irlandais Irish Ferries a lancé des liaisons low cost sous pavillon chypriote. P&O Ferries a, de son côté, remplacé près de 800 marins par des intérimaires sous-payés, dont une partie étaient colombiens.
Cette concurrence déloyale nuit à la compétitivité des compagnies françaises, mais également aux conditions de travail des gens de mer, multipliant les risques d'accidents et de catastrophe écologique. Le droit en vigueur, insuffisant, le permet par l'application du droit du travail, moins protecteur, du pavillon.
La proposition de loi fait écho à un texte similaire adopté par le Parlement britannique et promulgué le 23 mars. La coordination des efforts des deux pays est nécessaire, pour appliquer les garanties sociales françaises et britanniques aux salariés des compagnies.
Je remercie Catherine Procaccia et Nadège Havet d'avoir éclairci et enrichi la proposition de loi. Ainsi, la sécurité et la pollution marine seront mieux prises en compte pour déterminer la durée d'embarquement des marins. Tous les gens de mer devront avoir un certificat médical valide.
Le groupe UC votera la proposition de loi, qui rétablira un juste équilibre. Les entreprises ne sauraient dicter le droit du travail aux États.
Reste à déterminer le cadre d'application de la loi, notamment les lignes concernées : le texte prévoit un décret en Conseil d'État. Monsieur le ministre, le critère de fréquence de toucher pourrait être aligné sur ce que prévoit le Royaume-Uni : 120 touchers par an.
Le texte doit s'appliquer en priorité, avec discernement, sur le transmanche.
Enfin, il faudra préciser lequel des salaires minimums français ou britannique s'appliquera. La différence est faible, mais il convient d'éviter l'incertitude et l'optimisation.
Le groupe UC votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; Mme Colette Mélot applaudit également.)
M. Christian Bilhac . - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Ce texte répond à la dégradation des conditions de travail embarquées sur le transmanche et à la concurrence déloyale installée par des armateurs étrangers. Il prévoit un double régime de sanctions administratives et pénales, en s'appuyant sur le mécanisme méconnu des lois de police.
Le droit du travail se limite à une simple recommandation de l'organisation internationale du travail (OIT) de fixer à 658 dollars le salaire minimum des gens de mer.
En 2021, l'arrivée d'Irish Ferries sur le marché a provoqué un séisme. La compagnie a embauché à moindre coût ; ses concurrents se sont alignés. La société P&O Ferries, passée sous pavillon chypriote, a licencié 786 salariés pour embaucher des marins principalement philippins dans des conditions moins-disantes : salaire inférieur de 60 % aux salaires français, coûts de production inférieurs de 35 %, durée d'embarquement largement supérieure au temps de repos.
Le droit européen nous autorise à voter des lois de police nationale. L'État côtier peut alors refuser à un bateau contrevenant l'accès à ses eaux. La loi de police est une disposition impérative, justifiée par la sauvegarde des intérêts publics, notamment sociaux et économiques, du pays.
Cette proposition de loi prévoit un salaire minimum et une parité entre temps de repos à terre et à bord. Un décret en Conseil d'État devra déterminer les lignes concernées et entrer en vigueur avant le 1er janvier 2024.
L'interdiction d'accoster dans un port français à la troisième violation de la loi a été abandonnée par la commission des affaires sociales. Je m'interrogeais sur le caractère dissuasif des amendes prévues. Le RDSE a proposé le rétablissement des articles 1er bis et 1er ter. Il faut sanctionner les actions contraires au droit social, mais aussi celles qui mettent en danger la sécurité maritime. Nous devons refuser les pratiques déloyales partout dans les eaux françaises et préserver le pavillon français. Le RDSE votera ce texte protecteur des droits des gens de mer. (Applaudissements sur les travées du RDSE ; Mme Colette Mélot applaudit également.)
Mme Agnès Canayer . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La Manche est hyperfréquentée, avec 17 millions de voyageurs. Mais le Brexit a ravivé la frontière franco-britannique, et depuis près de deux ans, rien ne va plus. L'exemple le plus frappant du dumping social à l'oeuvre aura été le licenciement de près de 800 marins de P&O Ferries par visioconférence.
Le droit international prévoit un salaire minimum de 658 dollars américains. Les compagnies visées utilisent un modèle social moins-disant : jusqu'à 80 % de différence de charges salariales au détriment des compagnies françaises.
La situation actuelle est inacceptable. Nos armateurs sont inquiets, notamment Brittany Ferries, qui ne peut rivaliser. Le trafic transmanche est une préoccupation du département de la Seine-Maritime, qui a soutenu la liaison Dieppe-Newhaven, aujourd'hui déléguée à DFDS. Mais l'équilibre financier précaire a été mis à mal par la crise sanitaire. Il a été décidé de rembourser l'intégralité des cotisations salariales des ferries battant pavillon français. Or la gestion en délégation de service public (DSP), renouvelée, de la ligne Dieppe-Newhaven exclut DFDS de ces aides. Je regrette que cette différence de traitement ne soit pas abordée dans la proposition de loi.
La Manche est un espace vital. Tout ce qui s'y passe intéresse la France. Je salue le travail de la rapporteure Catherine Procaccia, pour permettre une rémunération et un temps de repos acceptables. Le groupe Les Républicains votera en faveur de cette loi. Nos marins méritent de bien gagner leur vie pour un travail bien fait. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Cathy Apourceau-Poly et M. Yves Détraigne applaudissent également.)
Mme Colette Mélot . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Près de 800 personnes licenciées sans préavis par P&O Ferries en mars 2022 et des familles en difficulté : voilà le résultat du dumping social dans le transmanche.
Cette pratique est possible car les armateurs peuvent choisir les conditions sociales applicables via leur pavillon de rattachement.
Certaines compagnies ne se privent pas de cette opportunité ; trois d'entre elles ont établi leur pavillon à Chypre ou aux Bahamas. Les salariés souffrent de faibles rémunérations et d'un temps d'embarquement bien supérieur au temps de repos. Cela entraîne des risques en matière de sécurité.
Avec ce texte, il est proposé de recourir à une loi de police, seul outil permettant de faire appliquer des règles sociales à des compagnies sous pavillon étranger. Il faut veiller à respecter le critère de proportionnalité à l'objectif poursuivi, condition nécessaire au recours à une loi de police. Ainsi nous éviterons un risque d'inconstitutionnalité.
L'une des principales obligations proposées est le versement d'un salaire minimum, l'autre est le respect d'un temps de repos à terre au moins équivalent au temps d'embarquement.
Nous saluons aussi l'extension à l'ensemble des gens de mer des obligations relatives au certificat médical valide.
Demain, ce dispositif concernera davantage de façades maritimes, avec le développement de l'éolien en mer. Nous entendons les arguments ayant conduit à la suppression des dispositifs de sanction qui ne concernaient pas uniquement le transmanche. Élargir la portée d'un texte n'a rien d'inédit, nous pourrions très bien en étendre les mesures à toutes les façades maritimes françaises. Le groupe INDEP partage l'état d'esprit de ce texte et le votera. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et du RDPI)
M. Jean-Michel Houllegatte . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) La décision de P&O Ferries de licencier 786 marins britanniques pour les remplacer par des salariés venant de pays à bas coût de main-d'oeuvre a provoqué un avis de tempête sur le transmanche. Ce n'est pas le premier coup de tabac : la fin du duty free avait déjà obligé le secteur à revoir son modèle économique, le tunnel sous la manche l'avait fait douter de sa pertinence, la convention internationale pour la prévention de la pollution par les navires (Marpol) sur le soufre et les objectifs de réduction du CO2 lui ont fait revoir la motorisation des navires. Puis sont venus la crise covid et le Brexit, qui ont complètement reconfiguré les échanges. Touché, mais pas coulé.
Les licenciements de P&O Ferries s'assimilent à des actes de piraterie. La libre concurrence peut être faussée par le dumping social et environnemental.
Nous nous félicitions de la taxe carbone instaurée aux frontières de l'Union afin de rétablir un équilibre environnemental dans les échanges. Cette proposition de loi contre le dumping représente un marqueur : promouvoir un modèle européen respectueux de son modèle social, qui apporte une protection statutaire à ses salariés. Ne l'oublions pas : la directive Travailleurs détachés avait oublié les gens de mer.
En réglementant le temps de repos, cette proposition de loi apporte aussi une garantie en termes de sécurité maritime. La Manche est fréquentée par de très nombreux navires transportant parfois des matières dangereuses. Les flux en Manche sont divers : pêche, plaisance, extraction de granulats, pose de câbles, exploitations offshore sont autant d'usages de la mer. C'est aussi sous ce prisme de la sécurité qu'il convient d'examiner ce texte. Le SER y donnera une issue favorable en veillant à ce que l'élargissement de son périmètre ne retarde pas son application. Il y a urgence à agir. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE ; M. Bernard Buis applaudit également.)
M. Didier Mandelli . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Président du groupe d'études Mer et littoral et rapporteur du texte Accélération des énergies renouvelables, je suis heureux d'aborder avec vous la concurrence déloyale dans le trafic de passagers transmanche.
La marine française est confrontée au défi de la compétitivité. Les mesures prises, à l'instar du Net wage, ne suffiront pas à lutter contre le dumping social observé sur le trafic transmanche. En 2021, Irish Ferries entrait sur le marché. En mars 2002, P&O Ferries licenciait massivement des employés britanniques, avec effet immédiat, pour les remplacer par des salariés à des conditions moins-disantes. Pour être légales, ces n'en sont pas moins préjudiciables : le risque est une moindre qualité de service, mais surtout des problèmes de sécurité dans l'un des détroits les plus dangereux du monde.
Les autres compagnies britanniques et françaises, plus respectueuses des droits des gens de mer, sont fragilisées. Il faut préserver le pavillon français et l'emploi maritime. Les Britanniques ont adopté un salaire minimum. Il faut une coopération entre nos pays. Nous aurions pu craindre un report vers la Belgique par exemple, mais cela n'a pas été le cas.
Il est de notre responsabilité collective d'éviter une guerre des prix. Le texte qui nous est soumis va dans la bonne direction. Je remercie Catherine Procaccia et Nadège Havet pour leur travail. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et au banc des commissions ; M. Yves Détraigne applaudit également.)
M. Pascal Allizard . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) En novembre dernier, certains d'entre nous étaient à Saint-Malo pour traiter de ce sujet. La maritimisation de l'économie est devenue une réalité sur les principales routes commerciales. Un bilan s'impose. Je pense aux conséquences environnementales du développement de ce trafic maritime avec la décarbonation et la lutte contre le dégazage sauvage.
Les conséquences sont également sociales, en raison d'une compétition acharnée. De nombreux gens de mer ont été recrutés dans des conditions peu avantageuses avec des rythmes de travail difficiles, en raison d'un droit européen peu exigeant. Les exigences appliquées aux compagnies battant pavillon étranger sont très faibles par rapport à celles qui battent pavillon français.
Les équipages de ces compagnies étrangères sont internationaux, avec des effectifs réduits : cela autorise des billets à prix très inférieurs. Les conditions sont précaires. Les ports de Cherbourg, Caen- Ouistreham, Le Havre et Dieppe sont particulièrement concernés. Depuis l'achat du Pirée par les Chinois, les Européens redécouvrent que les ports sont des actifs stratégiques à préserver. Il faut renforcer nos ports français, déjà devancés par Rotterdam, Anvers ou Hambourg.
Avec des effectifs moins reposés, les risques sont grands en matière de sécurité de navigation. La coopération avec le Royaume-Uni est essentielle. J'avais été rapporteur du projet de loi relatif à l'accord franco-britannique de coopération sur la sûreté maritime et portuaire.
Si la proposition de loi est adoptée et mise en oeuvre rapidement, elle préservera nos intérêts et ceux des salariés employés sous pavillon français. Nous devons résister. L'ubérisation du transport maritime n'est pas une fatalité.
Défendons notre modèle ainsi que notre souveraineté. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Yves Détraigne applaudit également.)
M. Hervé Berville, secrétaire d'État. - Je vous remercie pour votre implication sur ce sujet très complexe, qui conjugue droit européen, droit de la mer, géographie et urgence. La commission a su apporter des clarifications, et un consensus s'est dégagé sur trois points. D'abord, l'urgence à agir : tout le secteur nous regarde, avec un dumping social qui s'accélère. Ensuite, l'enjeu de souveraineté : voyez l'exemple du Pirée, et l'ubérisation de l'économie maritime. Enfin, au-delà du transmanche, le besoin d'outils pour toutes les façades maritimes.
Discussion des articles
ARTICLE 1er
Mme Céline Brulin . - Je regrette que la commission ait sorti du champ cet article les éléments sur le temps de travail, et le ratio entre temps passé à bord et à terre...
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. - Pas du tout !
Mme Céline Brulin. - ... au prétexte que ces dispositions iraient contre le droit européen. Or si nous votons ce texte, c'est bien pour faire bouger ce droit européen.
Le temps d'embarquement doit être égal au temps de repos. Or les disparités sont énormes entre compagnies dans ce domaine. Nous nous appuyons sur le véhicule d'une loi de police, qui autorise des dispositions très fortes en matière de sécurité. On nous dit que tout cela sera dans un décret, mais nous souhaiterions des éclaircissements sur le contenu dudit décret.
M. Michel Canévet . - La France est un grand pays maritime, et nous tenons bien entendu à ce qu'il le reste ! Nous disposons de grands opérateurs de transport maritime, comme Brittany Ferries, créé par des agriculteurs avec l'objectif de désenclaver le territoire. Mais cela ne peut se faire qu'à des conditions de concurrence non faussée avec les transporteurs étrangers.
Je suis heureux que les armateurs, réunis à Saint-Malo, aient réussi à appeler l'attention des parlementaires et des pouvoirs publics sur la nécessité d'agir. Je remercie tous ceux qui malgré les tempêtes, maintiennent le cap en bons capitaines. (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. Christian Bilhac applaudit également.)
M. le président. - Amendement n°3, présenté par le Gouvernement.
I. - Alinéa 3
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Conditions d'établissement et règles sociales applicables aux lignes régulières entre la France et le Royaume-Uni, ou les îles anglo-normandes
II. - Alinéa 6, première phrase
Remplacer les mots :
touchant un port français
par les mots :
entre la France et le Royaume-Uni, ou les i?les anglo-normandes
M. Hervé Berville, secrétaire d'État. - Il est souhaitable que les dispositions de l'article 1er ne visent que les liaisons transmanche.
Un consensus a émergé au cours de nos débats, et je prends l'engagement que le décret d'application visera clairement le transmanche. Je retire donc l'amendement.
L'amendement n°3 est retiré.
M. le président. - Amendement n°25, présenté par M. Bacchi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
I. - Alinéa 3
Compléter cet alinéa par les mots :
entre la France et le Royaume-Uni
II. - Alinéa 6
Après le mot :
internationales
insérer les mots :
entre la France et le Royaume-Uni,
M. Jérémy Bacchi. - L'attente est très forte. À Marseille, le syndicat CGT des marins, qui sont en grève reconductible, m'a alerté contre l'extension des règles de l'État d'accueil aux liaisons en Méditerranée. La concurrence des armateurs entraîne une pression sur les droits sociaux. La France devrait imposer des pavillons cohérents avec les liaisons, avec des règles de réciprocité.
M. le président. - Amendement n°18, présenté par M. Bacchi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Alinéa 6, première phrase
1° Après le mot :
applicable
insérer le mot :
exclusivement
2° Compléter cette phrase par les mots :
entre la France et le Royaume-Uni
M. Jérémy Bacchi. - Défendu.
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. - Le ministre ayant pris des engagements, retrait des amendements nos25 et 18.
M. Hervé Berville, secrétaire d'État. - Même avis.
M. Jérémy Bacchi. - Préserver un haut niveau de garanties sociales pour les marins est essentiel. L'application de la règle de l'État d'accueil entraînerait la fin du pavillon français du premier registre. Nous sommes donc satisfaits des intentions exprimées par le ministre.
Un accord de coopération entre la France et le Royaume-Uni reste plus que jamais d'actualité.
M. Hervé Berville, secrétaire d'État. - Le but de ce texte, et celui de mon action, est de renforcer le pavillon français et la protection sociale de nos marins. Le ciblage explicite de la liaison transmanche sera dans le décret, c'est pourquoi j'ai retiré mon amendement.
M. Jérémy Bacchi. - J'avais compris que l'amendement du Gouvernement excluant les autres façades maritimes était maintenu. S'il est retiré, nous maintenons les nôtres.
L'amendement n°25 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°18.
M. le président. - Amendement n°17, présenté par M. Bacchi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
I. - Après l'alinéa 7
Insérer quatre alinéas ainsi rédigés :
« Chapitre ...
« Établissement
« Art. L. 5591-.... - Tout armateur communautaire ou du Royaume-Uni peut constituer et gérer une entreprise maritime sur le territoire national afin d'y exploiter un ou plusieurs navires sur des services de cabotage maritime réguliers, à passagers, entre la France et le Royaume-Uni, et l'Irlande, dans les conditions prévues par la législation française pour ses propres ressortissants, sous réserve d'être en conformité avec la législation relative aux capitaux et aux paiements définie par le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, au titre de la libre circulation des personnes, des services et des capitaux dans le marché intérieur.
« Les navires effectuant ces liaisons et services maritimes de transport à passagers, au sens de la règlementation française, doivent être immatriculés au pavillon français de premier registre, conformément aux conditions définies par la législation française pour ses propres ressortissants. Le registre international français est exclu. »
II. - Alinéas 10 à 14
Rédiger ainsi ces alinéas :
« Art. L. 5592-1. - Les dispositions du présent chapitre s'appliquent aux contrats de travail de tous les salariés employés sur les navires des entreprises maritimes établies au Royaume-Uni ou en Irlande, effectuant des liaisons régulières à passagers avec la France, au sens de la règlementation française.
« Les dispositions légales et les stipulations conventionnelles applicables aux salariés employés sur les navires mentionnés a? l'article L. 5591-1 sont celles applicables aux salariés employés par les entreprises de la même branche d'activité établies en France, pour :
« 1° La détermination du salaire minimum horaire et mensuel sur la base de 8 heures de travail par jour ;
« 2° La détermination et l'acquisition des jours minimums de repos et de congés.
« Les obligations mentionnées au premier alinéa ne s'appliquent que pour les périodes ou? les navires sont exploités sur les lignes régulières internationales mentionnées a? l'article L. 5591-1. »
M. Jérémy Bacchi. - Plutôt que de recourir à une loi de police, la CGT propose d'imposer aux compagnies des pavillons en rapport avec les liaisons. Les compagnies de transport devraient être domiciliées dans les pays où elles opèrent. La libre prestation de service doit être encadrée. Le Gouvernement doit imposer à Bruxelles une dérogation aux règles de la directive Services ou obtenir une révision des règles en faveur d'un haut niveau de protection sociale.
M. le président. - Amendement n°19 rectifié, présenté par Mme Apourceau-Poly et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Alinéa 10
Après le mot :
horaire
insérer les mots :
, le paiement du salaire, y compris les majorations pour les heures supplémentaires, ainsi que pour la durée du travail, les repos compensateurs, les jours fériés, les congés annuels payés et le travail de nuit des jeunes travailleurs
Mme Céline Brulin. - Nous voulons élargir la prise en compte des heures supplémentaires, et améliorer les conditions salariales et de travail dans le trafic maritime. Les compagnies transmanche font parfois plusieurs rotations journalières - les manoeuvres sont nombreuses, le travail est long, la fatigue persistante, au détriment de la sécurité. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous confirmer que le ratio entre temps à terre et temps à bord sera fixé dans le décret ?
Les 800 marins licenciés par P&O Ferries ont été invités à s'inscrire dans de nouvelles agences - l'une d'entre elles est domiciliée à Malte, à la même adresse que 320 autres sociétés... Et on leur demande de revoir leurs exigences à la baisse.
M. le président. - Amendement n°21 rectifié, présenté par Mme Apourceau-Poly et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Alinéa 10
Après le mot :
horaire
insérer les mots :
et pour le paiement du salaire, y compris les majorations pour les heures supplémentaires
Mme Céline Brulin. - Défendu.
M. le président. - Amendement n°20 rectifié, présenté par Mme Apourceau-Poly et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Alinéa 10
Après le mot :
horaire,
insérer les mots :
ainsi que pour la durée du travail, les repos compensateurs, les jours fériés, les congés annuels payés et le travail de nuit des jeunes travailleurs
Mme Cathy Apourceau-Poly. - Défendu.
M. le président. - Amendement n°5, présenté par Mmes M. Vogel et Poncet Monge, MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco et MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé, Parigi et Salmon.
Alinéa 10
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Pour la détermination des indemnités de congés, les articles L. 3141-24 à L. 3141-29 du code de travail et pour la détermination des indemnités compensatrices de congés, l'article L. 3141-28 du même code sont applicables aux salariés employés sur les navires mentionnés à l'article L. 5591-1 du présent code.
Mme Mélanie Vogel. - Nous souhaitons élargir le socle de protection sociale garanti aux congés payés. C'est un droit fondamental ; les temps de repos ne suffisent pas.
M. le président. - Amendement n°26 rectifié, présenté par Mme Apourceau-Poly et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Alinéa 12
Rédiger ainsi le début de cet alinéa :
« Art. L. 5592-2. - Dans l'intérêt de la sécurité de la navigation et de la lutte contre les pollutions marines, (le reste sans changement)
Mme Cathy Apourceau-Poly. - Voici un amendement d'appel. Nous ne comprenons pas le renvoi à un décret en Conseil d'État de l'égalité entre durée de repos à terre et durée d'embarquement ; mais nous y souscrivons si nous sommes assurés que les objectifs de sécurité de la navigation et de la lutte contre la pollution marine sous-tendent bien la loi de police.
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. - L'amendement n°17 rectifié crée deux régimes distincts de liaison. Aux armateurs français, il impose le pavillon français et le droit du travail de notre pays, et aux opérateurs irlandais et britanniques, il impose le Smic et des règles de repos et de congés payés. C'est contraire au droit européen et au droit international maritime. Avis défavorable.
Sur le fond, nous comprenons les propositions portées par les nos19 rectifié, 21 rectifié, 20 rectifié et 5, mais ils vont bien au-delà de la lutte contre le dumping social et de la défense des intérêts nationaux. Ils seront difficilement applicables aux contrats étrangers et nous mettent en porte-à-faux avec le droit européen. Avis défavorable.
L'amendement n°26 rectifié revient sur la position de la commission, qui préfère à l'affichage d'objectifs sans impact normatif une durée maximale d'embarquement fixée dans le décret. L'amendement est satisfait. Retrait ou avis défavorable.
M. Hervé Berville, secrétaire d'État. - Avis défavorable aux six amendements, non sur le fond, mais pour des raisons d'opérationnalité.
Le texte de la commission mentionne bien l'égalité entre temps de travail et temps de repos. Ce qui a été supprimé, c'est la justification. L'essentiel, c'est que le dispositif existe - nous sommes le premier pays européen à agir ainsi.
Salaire minimum équivalent au Royaume-Uni et en France, temps égal en mer et à terre, décret présenté au Conseil supérieur de la marine marchande : tout cela sera dans le dur de la loi.
Monsieur Bacchi, imposer une nationalité de pavillon aux armateurs est contraire au droit européen. En revanche, vous avez raison de dire qu'il faut des conditions de travail alignées.
Mesdames Vogel, Apourceau-Poly et Brulin, concernant les heures supplémentaires et les congés payés, qui trop embrasse mal étreint, comme disait ma grand-mère : vos propositions ne seraient pas conformes au droit européen.
L'amendement n°17 n'est pas adopté, non plus que les amendements nos19 rectifié, 21 rectifié, 20 rectifié, 5 et 26 rectifié.
M. le président. - Amendement n°8, présenté par Mmes M. Vogel et Poncet Monge, MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco et MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé, Parigi et Salmon.
Alinéa 17
1° Remplacer les mots :
ainsi que les langues dans lesquelles ces documents doivent être disponibles sont fixées
par les mots :
est fixée
2° Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Les documents que l'employeur a l'obligation de mettre à disposition sont établis dans plusieurs langues comprenant notamment le français et l'anglais. Le non-respect de cette obligation est punie d'une sanction dont les modalités sont définies par décret.
Mme Mélanie Vogel. - Les documents obligatoires destinés aux équipages doivent être au moins disponibles en français et en anglais.
On a beaucoup parlé des salariés de P&O Ferries licenciés par vidéoconférence ; on a moins dit que ces personnes venaient majoritairement de Colombie, et qu'ils ne comprendront pas le français.
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. - Il semble difficile de déterminer par décret un minimum de deux langues. De plus, le terme « notamment » est traditionnellement proscrit au Sénat, car trop imprécis. Enfin, un décret ne peut définir un régime de sanction. Avis défavorable.
M. Hervé Berville, secrétaire d'État. - Je comprends l'intention, mais avis défavorable. Je m'engage à ce que les documents transmis soient compréhensibles par les équipages, qui comptent souvent quatre à cinq nationalités, avec une attention particulière pour le français et l'anglais. Il y va de la sécurité.
L'amendement n°8 est retiré.
M. le président. - Amendement n°9, présenté par Mmes M. Vogel et Poncet Monge, MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco et MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé, Parigi et Salmon.
Après les alinéas 23 et 26
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Le fait de porter atteinte a? l'exercice re?gulier des fonctions et missions des agents charge?s des contro?les est puni d'un emprisonnement de six mois et d'une amende de 3 750 euros.
Mme Mélanie Vogel. - Faire obstacle au contrôle de la durée de repos et du salaire minimal doit être puni. Aujourd'hui, les sanctions ne sont prévues qu'en cas d'irrégularités constatées lors du contrôle : c'est absurde. Il faut dissuader les armateurs de s'opposer au contrôle.
M. le président. - Sous-amendement n°35 à l'amendement n°9 de Mme M. Vogel, présenté par le Gouvernement.
Amendement n° 9, alinéa 3
1° Après le mot :
contrôles
insérer les mots :
mentionnés à l'article L. 5595-1
2° Remplacer les mots :
de six mois
par les mots :
d'un an
et le nombre :
3 750
par le nombre :
37 500
M. Hervé Berville, secrétaire d'État. - Avis favorable à l'amendement n°9, sous réserve de l'adoption de ce sous-amendement. Je vous remercie d'avoir repéré cette faille. En réalité, l'opposition au contrôle est déjà plus sévèrement punie, mais la disposition ne s'applique pas aux agents des contrôles maritimes. Cet amendement y remédie.
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. - Le code du travail punit déjà le fait de faire obstacle au contrôle d'un inspecteur du travail de 37 500 euros d'amende et d'un an d'emprisonnement.
De plus, le code des transports donne déjà à l'État du port des prérogatives en matière de contrôle des navires étrangers ; le principe du libre accès à bord y est garanti.
Troisièmement, la nature de l'infraction visée est imprécise : la notion « d'exercice régulier » va bien au-delà de l'obstacle au contrôle.
Enfin, la commission estime qu'alourdir les sanctions déjà prévues mettrait en cause la proportionnalité de la loi de police. Même s'il restreint le champ de l'amendement aux seuls agents des affaires maritimes, le sous-amendement ne lève pas ces réserves. Avis défavorable.
Le sous-amendement n°35 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°9.
M. le président. - Amendement n°27 rectifié, présenté par Mme Apourceau-Poly et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Après l'alinéa 23
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« À la troisième infraction constatée, une interdiction d'accoster dans un port français est prononcée à l'encontre des navires appartenant à la compagnie maritime en infraction. Un décret pris en Conseil d'État précise la durée de l'interdiction.
Mme Céline Brulin. - Nous voulons rétablir le durcissement des sanctions applicables en cas de troisième manquement.
Le montant de la sanction actuelle nous semble insuffisant pour prévenir les comportements de voyou. Nous entendons l'argument sur la fragilité juridique quant à l'interdiction d'accoster, mais l'absence d'équivalent pénal s'explique par la spécificité du droit maritime.
À la suite des affaires de l'Amoco Cadiz et de l'Erika, le principe avait été établi que la sanction des manquements à la réglementation devait être plus coûteuse que le respect de celle-ci.
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. - Avis défavorable, car l'amendement méconnaît les principes constitutionnels d'individualisation des peines et de légalité des délits et des peines. Il faut une loi applicable.
M. Hervé Berville, secrétaire d'État. - Même avis.
L'amendement n°27 rectifié n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°10, présenté par Mmes M. Vogel et Poncet Monge, MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco et MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé, Parigi et Salmon.
Alinéas 29 à 31
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
« Art. L. 5595-1. - Les infractions au pre?sent titre sont constate?es par les officiers et les fonctionnaires affecte?s dans les services exerc?ant les missions de contro?le de l'application de la le?gislation du travail dans le domaine du transport maritime, conforme?ment aux articles L. 5548-1 a? L. 5548-5.
Mme Mélanie Vogel. - L'inspection du travail doit être seule autorisée à constater les infractions au salaire minimum et au temps de repos. Or dans la rédaction de la commission, le contrôle serait effectué par des personnes qui ne sont pas spécifiquement formées au droit du travail.
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. - Les effectifs dévolus au contrôle sont faibles, et les cas sont complexes : contrats étrangers, embarquements sous des conditions différentes... Utilisons toutes les expertises. Les inspections du travail et des affaires maritimes seront mobilisées pour contrôler les dispositions de la loi.
Votre amendement est satisfait : ce qui compte, c'est qu'il y ait des contrôles. C'est multiplier les sanctions sans avoir les effectifs pour contrôler qui pose problème.
M. Hervé Berville, secrétaire d'État. - Devant l'augmentation du trafic maritime, nous devons utiliser toutes les forces en présence : il faut une vraie task force pour le contrôle des navires, et nous élargissons donc cette faculté aux agents des affaires maritimes. Nous allons maritimiser les spécialistes du droit du travail.
L'amendement n°10 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°6, présenté par Mmes M. Vogel et Poncet Monge, MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco et MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé, Parigi et Salmon.
Alinéa 38
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Lorsqu'une amende est prononcée en application du 1° de l'article L. 5596-1, l'autorité administrative informe par tout moyen les organisations syndicales représentatives de la marine marchande et du personnel portuaire.
Mme Mélanie Vogel. - Lorsqu'une amende est prononcée, l'autorité administrative doit en informer les organisations syndicales représentatives de la marine marchande et du personnel portuaire. En commission, on m'a indiqué que la liste de ces organisations n'était pas claire : quelles organisations, quels pays... Elle me semble au contraire assez précise.
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. - L'avis reste défavorable : à quelles organisations syndicales s'adresser lorsque le navire bat pavillon chypriote et que ses marins sont roumains ? Dans quelle langue ?
M. Hervé Berville, secrétaire d'État. - Faisons connaître ceux qui sont en infraction. Une convention sera signée entre le ministère de la mer et le ministère du travail afin d'informer le Conseil supérieur de la marine marchande, où siègent les syndicats, du bilan des contrôles. Avis défavorable.
L'amendement n°6 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°4, présenté par le Gouvernement.
Alinéa 43
Après le mot :
écrit
insérer les mots :
l'employeur ou
L'amendement rédactionnel n°4, accepté par la commission, est adopté.
M. Jérémy Bacchi. - Je regrette que l'amendement du Gouvernement n'ait pas été maintenu : il aurait évité des incompréhensions. Des marins, sur la Méditerranée, viennent de m'annoncer qu'ils se mettront en grève reconductible, ce qui risque de perturber les départs en vacances. (Murmures à droite et au centre) C'est bien dommage. À titre personnel, je ne voterai pas cet article.
M. Hervé Berville, secrétaire d'État. - Monsieur Bacchi, je vous remercie de votre engagement. Nous sommes clairs sur l'objectif. En l'espace de six mois, nous sommes passés de l'absence d'action politique à une proposition de loi que nous soutenons, et qui garantit la lutte contre le dumping social.
J'avais pris l'engagement d'obtenir un décret excluant le transmanche du RIF ; il est paru aujourd'hui : je tiens mes engagements.
Ce texte n'aura pas d'autres effets, et nous pourrons même être plus précis dans le décret d'application. Je prends l'engagement que sur les liaisons internationales, notamment envers le Maghreb, il n'y aura aucun changement. Nous maintiendrons les standards portés par les marins, les syndicats et les organisations patronales.
Ce texte de loi vise le dumping social dans le transmanche, véritable aberration, mais crée également des outils pour l'éolien en mer et les pratiques déloyales. J'ai tenu mes engagements sur le RIF, je les tiens sur le transmanche, et je les tiendrai sur la Méditerranée.
L'article 1er, modifié, est adopté.
ARTICLE 1er BIS (Supprimé)
M. le président. - Amendement n°7 rectifié, présenté par Mmes M. Vogel et Poncet Monge, MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco et MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé, Parigi et Salmon.
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Le chapitre VI du titre VI du livre V de la cinquième partie du code des transports est complété par des articles L. 5566-... et L. 5566-... ainsi rédigés :
« Art. L. 5566-.... - Est puni de 7 500 euros d'amende le fait pour l'armateur ou l'employeur de payer :
« 1° Des salaires inférieurs au salaire minimum de croissance prévu aux articles L. 3231-1 à L. 3231-12 du code du travail ;
« 2° Des rémunérations inférieures à la rémunération mensuelle minimale prévue à l'article L. 3232-1 du même code ;
« 3° Des salaires inférieurs à ceux fixés par la convention collective ou l'accord collectif étendu applicables aux navires battant pavillon français et exerçant dans la même activité.
« La récidive est punie de six mois d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende.
« Les infractions donnent lieu à autant d'amendes qu'il y a de salariés concernés.
« Art. L. 5566-.... - Est puni de 7 500 euros d'amende le fait pour l'armateur ou l'employeur de méconnaître les stipulations conventionnelles relatives aux accessoires du salaire prévus par la convention collective ou l'accord collectif de travail étendu applicables aux navires battant pavillon français et exerçant dans la même activité.
« La récidive est punie de six mois d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende.
« Les infractions donnent lieu à autant d'amendes qu'il y a de salariés concernés. »
Mme Mélanie Vogel. - Nous voulons rétablir l'article 1er bis, afin de sanctionner les armateurs ne respectant pas le salaire minimum.
La loi prévoit certes des sanctions, mais non dissuasives : 200 euros d'amende seulement. Quand on sait qu'Irish Ferries économise 60 % sur chaque trajet, il faut des amendes plus élevées.
Madame la rapporteure, vous avez dit craindre une fragilisation du texte, ces sanctions risquant d'être considérées comme non proportionnées.
Mais l'article 25 de la Convention de Montego Bay consacre le principe de l'État d'accueil, le règlement Rome I autorise des sanctions pour préserver l'intérêt national et la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) accepte le principe des sanctions depuis 1999.
M. le président. - Amendement identique n°28 rectifié, présenté par MM. Guérini, Requier, Bilhac, Cabanel, Fialaire, Guiol et Roux.
M. Jean-Claude Requier. - Défendu.
L'amendement identique n°30 est retiré.
M. le président. - Amendement identique n°32, présenté par M. Canévet.
M. Michel Canévet. - Défendu.
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. - La commission est défavorable au rétablissement d'un article qu'elle a supprimé. Nous n'avons pas voulu nier les risques existant pour les liaisons Corse-continent, mais ils ne sont pas de même nature. Un régime de sanction exorbitant du droit commun serait injustifié, et le droit européen n'est pas nécessairement ce que nous voudrions pour la France en la matière - je n'ai jamais été une fanatique de l'Europe... (Sourires sur les travées du groupe CRCE)
Monsieur le ministre a parlé du RIF : certes, l'Italie permet une utilisation plus large de son pavillon. Mais la question doit être discutée avec nos voisins européens, et non dans le cadre de cette proposition de loi. Avis défavorable.
M. Hervé Berville, secrétaire d'État. - Avis défavorable, même si je partage l'intention. Il serait étrange de ne pas étendre à d'autres façades maritimes les outils dont nous avons besoin pour réglementer les activités liées notamment à l'éolien en mer. Mais nous aurons l'occasion d'en rediscuter autour du rétablissement de l'article 1er ter.
Les amendements identiques nos28 rectifié et 32 sont retirés.
L'amendement n°7 rectifié n'est pas adopté.
L'article 1er bis demeure supprimé.
ARTICLE 1er TER (Supprimé)
M. le président. - Amendement n°29 rectifié, présenté par MM. Guérini, Requier, Bilhac, Cabanel, Fialaire, Guiol et Roux.
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Le titre VI du livre V de la cinquième partie du code des transports est complété par un chapitre ... ainsi rédigé :
« Chapitre ...
« Sanctions administratives
« Art. L. 5568-1. - L'autorité administrative compétente peut, sur le rapport des agents de contrôle de l'inspection du travail mentionnés à l'article L. 8112-1 du code du travail, sous réserve de l'absence de poursuites pénales, soit adresser à l'employeur ou à l'armateur un avertissement, soit prononcer à l'encontre de l'employeur ou de l'armateur une amende en cas de manquement :
« 1° Aux règles relatives aux dispositions légales et aux stipulations conventionnelles applicables aux salariés employés par les entreprises de la même branche d'activité établies en France pour les matières mentionnées aux 3°, 4°, 6°et 8° de l'article L. 5562-1 ;
« 2° Aux règles relatives à la protection sociale mentionnée à l'article L. 5563-1 ;
« 3° À l'article L. 5562-2 relatif au contrat conclu entre l'armateur, l'employeur et chacun des salariés relevant des gens de mer ;
« 4° Aux règles relatives à la déclaration des accidents survenus à bord, mentionnées à l'article L. 5563-2 ;
« 5° À la présentation aux agents de contrôle de l'inspection du travail des documents sollicités en application de l'article L. 5565-2 ou de ne pas les présenter en français.
« Art. L. 5568-1-1. - L'autorité administrative compétente peut, sur le rapport des officiers et des fonctionnaires affectés dans les services exerçant des missions de contrôle dans le domaine des affaires maritimes sous l'autorité ou à la disposition du ministre chargé de la mer et des personnes mentionnées aux 1° à 3°, 8° et 10° de l'article L. 5222-1, sous réserve de l'absence de poursuites pénales, soit adresser à l'employeur ou à l'armateur un avertissement, soit prononcer à l'encontre de l'employeur ou de l'armateur une amende en cas de manquement :
« 1° Aux règles relatives aux personnels désignés pour aider les passagers en situation d'urgence mentionnées à l'article L. 5564-1 ;
« 2° À la présentation aux officiers et des fonctionnaires affectés dans les services exerçant des missions de contrôle dans le domaine des affaires maritimes sous l'autorité ou à la disposition du ministre chargé de la mer et des personnes mentionnées aux 1° à 3°, 8° et 10° de l'article L. 5222-1 des documents sollicités en application de l'article L. 5565-2 ou de ne pas les présenter en français.
« Art. L. 5568-2. - Lorsqu'une amende est prononcée en application des articles L. 5568-1 et L. 5568-1-1, l'autorité compétente informe par tout moyen le procureur de la République des suites données au rapport des agents mentionnés aux articles L. 5568-1 et L. 5568-1-1.
« Art. L. 5568-3. - Le montant maximal de l'amende prononcée en application des articles L. 5568-1 à L. 5568-1-1 est de 4 000 euros et peut être appliqué autant de fois qu'il y a de manquements constatés au titre du 5° de l'article L. 5568-1 et du 2° de l'article L. 5568-1-1 ou qu'il y a de travailleurs concernés au titre des 1° à 4° de l'article L. 5568-1 et 2° de l'article L. 5568-1-1.
« Le plafond de l'amende est porté au double en cas de nouveau manquement constaté dans un délai de deux ans à compter de la notification de l'amende concernant un précédent manquement de même nature.
« Il est majoré de 50 % en cas de nouveau manquement constaté dans un délai d'un an à compter de la notification d'un avertissement concernant un précédent manquement de même nature.
« Art. L. 5568-4. - Pour déterminer si elle prononce un avertissement ou une amende prévue aux articles L. 5568-1 et L. 5568-1-1 et, le cas échéant, pour fixer le montant de l'amende, l'autorité compétente prend en compte les circonstances et la gravité du manquement, le comportement de son auteur ainsi que ses ressources et ses charges.
« Art. L. 5568-5. - Avant toute décision, l'autorité compétente informe par écrit l'employeur ou l'armateur de la sanction envisagée, en portant à sa connaissance le manquement retenu à son encontre et en l'invitant à présenter ses observations dans un délai d'un mois.
« À l'expiration de ce délai, l'autorité compétente peut, par décision motivée, prononcer l'amende prévue aux articles L. 5568-1 et L. 5568-1-1 et émettre le titre de perception correspondant.
« Art. L. 5568-6. - La décision d'infliger une amende administrative ne peut être prise plus de deux ans après le jour où le manquement a été commis.
« Art. L. 5568-7. - La décision d'infliger une amende administrative ne peut pas faire l'objet d'un recours hiérarchique.
« Art L. 5568-8. - L'amende prononcée en application des articles L. 5568-1 et L. 5568-1-1 est recouvrée selon les modalités prévues pour les créances de l'État étrangères à l'impôt et au domaine. »
M. Jean-Claude Requier. - Nous voulons des sanctions administratives en cas de non-respect des normes sociales françaises dans nos eaux territoriales, afin de lutter contre le dumping, dans le trafic transmanche, l'éolien et le transport entre la Corse et le continent.
M. le président. - Amendement identique n°31, présenté par M. Hassani et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.
M. Bernard Buis. - Il faut des sanctions en cas de manquement concernant la durée du travail, le paiement des heures supplémentaires, la protection sociale, la déclaration des accidents et les personnels désignés pour aider les passagers en cas d'urgence.
M. le président. - Amendement identique n°33, présenté par M. Canévet.
M. Michel Canévet. - Défendu.
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. - Nous n'aimons guère rétablir des amendements supprimés en commission, mais vous proposez un texte mieux écrit que celui voté par l'Assemblée... (Sourires) La présidente Deroche et moi n'avons pas voulu réunir la commission en urgence ; l'avis de la commission était défavorable, mais à la lumière de ces éléments, je donne un avis de sagesse.
Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales. - Sagesse favorable...
M. Hervé Berville, secrétaire d'État. - Avis favorable. Je vous remercie d'avoir déposé ces amendements, et salue l'ouverture de Mme la rapporteure. La loi doit être opérationnelle et dissuasive, ce qui est le cas des sanctions administratives.
Sur les moyens, je m'engage à y revenir lors de l'examen des lois budgétaires. Des marins nous écoutent : saisissons cette opportunité législative. Je remercie votre éminente institution d'accepter le rétablissement.
Mme Mélanie Vogel. - Nous aurions aussi apprécié le rétablissement de l'article 1er bis, mais nous nous réjouissons de celui de l'article 1er ter. Paradoxalement, les sanctions administratives sont plus dissuasives encore, car elles s'appliquent rapidement. L'adoption de cet amendement rendra donc le texte plus efficace.
M. Jean-Luc Fichet. - Nous voterons ces amendements. Notre préoccupation, depuis le début, c'est la compatibilité avec le droit européen. Compte tenu de l'urgence, cette loi doit être votée et appliquée rapidement.
Les amendements identiques nos29 rectifié, 31 et 33 sont adoptés et l'article 1er ter est rétabli.
L'article 2 est adopté.
ARTICLE 3 (Supprimé)
M. le président. - Amendement n°23 rectifié, présenté par Mme Apourceau-Poly et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur l'état des pratiques relatives au « dumping social » sur les lignes régulières de ferrys au sein de l'espace communautaire européen.
Mme Cathy Apourceau-Poly. - Je demande le rétablissement de cette demande de rapport introduite par l'Assemblée nationale, sur l'initiative de notre collègue Sébastien Jumel : une grande opacité règne, ce qui favorise les pratiques de dumping social. Nous n'en légiférerons que mieux, tout en protégeant notre économie maritime.
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. - Avis défavorable. Les rapports ne sont jamais remis. Vous auriez pu au moins, sans déjuger votre collègue député, rétablir l'article avec un délai plus long : six mois, c'est vraiment très court !
Croyez-en mon expérience personnelle : rapporteur sur le service minimum dans les transports, j'ai demandé un rapport en 2007 ; je l'ai obtenu en 2012...
M. Hervé Berville, secrétaire d'État. - L'objectif me convainc, mais pas le chemin : six mois, c'est très ambitieux, et nous avons déjà accompli un énorme travail sur le dumping social dans le transmanche. Un groupe de travail sur la marine marchande, présidé par Jean-Marc Roué, y travaille. Je m'engage à ce que les sénateurs puissent participer à ces travaux, si vous le souhaitez.
Mme Cathy Apourceau-Poly. - Nous acceptons votre belle proposition. Je suis certaine que vous ferez de même avec Sébastien Jumel. De ce fait, nous retirons cet amendement.
L'amendement n°23 rectifié est retiré.
L'article 3 demeure supprimé.
ARTICLE 4 (Supprimé)
M. le président. - Amendement n°24 rectifié, présenté par Mme Apourceau-Poly et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport recensant les besoins humains et financiers des services en charge de l'inspection du travail maritime pour assurer leurs missions, notamment dans la lutte contre le phénomène de « dumping social ».
Le rapport précise également les pistes d'amélioration de la formation des agents en charge de l'inspection du travail maritime en matière de droit du travail maritime.
Mme Céline Brulin. - Mme la rapporteure, selon vos propres mots, plus que de nouvelles sanctions, nous avons besoin de renforcer le contrôle et d'appliquer les sanctions existantes.
C'est pour contourner l'article 40 que nous demandons des rapports. Monsieur le ministre, je ne doute pas que vous nous donniez rendez-vous aux prochains débats budgétaires. Un tel rapport vous donnerait des arguments, qui ne sont jamais de trop face à Bercy pour demander plus de moyens. Le Sénat, par conviction, ayant réintégré l'article 1er ter, je ne doute pas d'un même succès pour cet amendement.
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. - Avis défavorable.
M. Hervé Berville, secrétaire d'État. - Avis défavorable.
L'amendement n°24 rectifié n'est pas adopté.
L'article 4 demeure supprimé.
INTITULÉ DE LA PROPOSITION DE LOI
M. le président. - Amendement n°12, présenté par M. Hassani et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.
Supprimer les mots :
sur le transmanche
M. Bernard Buis. - Par cohérence avec l'amendement n°31, adopté, l'intitulé de la proposition de loi doit être modifié.
M. le président. - Amendement identique n°34, présenté par M. Canévet.
M. Michel Canévet. - La lutte contre le dumping s'entend sur l'ensemble du territoire national, pour refléter les travaux du Sénat.
M. le président. - Amendement n°11, présenté par Mmes M. Vogel et Poncet Monge, MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco et MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé, Parigi et Salmon.
Remplacer les mots :
sur le transmanche
par les mots :
du personnel des ferries internationaux
Mme Mélanie Vogel. - C'est la même idée : la proposition de loi comporte des dispositions ne s'appliquant pas au seul transmanche.
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. - Nous avons déjà intégré la sécurité maritime à l'intitulé. Avis défavorable. Je rappelle l'intitulé retenu par la commission, qui mentionne le dumping dans le transmanche, mais aussi la sécurité maritime, ce qui indique bien que le périmètre est plus large.
M. Hervé Berville, secrétaire d'État. - Le Gouvernement a retiré son amendement qui tendait à circonscrire explicitement le texte au transmanche.
Afin de calmer les inquiétudes de M. Bacchi, je propose aux auteurs des trois amendements de retirer leur amendement, afin que l'intitulé mentionne bien le transmanche. Toutes nos façades maritimes étant concernées par les enjeux de sécurité, nous conservons la mention indiquée par Mme la rapporteure. Nous voyons là combien le cheminement de ce texte au Sénat est important. Retrait.
M. Bernard Buis. - Même si les explications de M. le ministre sont tarabiscotées, je retire mon amendement... (Sourires)
Les amendements nos12, 34 et 11 sont retirés.
Interventions sur l'ensemble
M. Jacques Fernique . - Je salue ce texte, qui va dans le bon sens, tout en regrettant qu'il ne soit pas un projet de loi : une étude d'impact et un avis du Conseil d'État n'auraient pas été de trop. Ce texte manque d'ambition sur les sanctions pénales et sur les indemnités de congés. Il nous faudra encore évoquer la transition écologique.
Mme Céline Brulin . - Cette proposition de loi est un pas dans la lutte contre le dumping social dans le transmanche, où certaines compagnies redoublent leur offensive, tirant le droit du travail vers les fonds marins, ce qui est douloureux pour une activité économique importante dans les Hauts-de-France, en Bretagne ou en Normandie, où je suis élue.
La proposition de loi sera utile, mais elle n'épuise pas le sujet. Monsieur le ministre, il serait bon que ce texte soit promulgué en même temps que le texte britannique qui entre en vigueur en janvier prochain : aurons-nous les mêmes délais ? Pourquoi ne pas avoir engagé la procédure accélérée, pourtant fréquente ?
M. Jean-Luc Fichet . - Nous sommes satisfaits de ce texte. Nous revenons de loin : les conditions de travail des gens de mer sont souvent déplorables. La question de la convergence avec les législations britannique et européenne nous invite à la prudence : c'est pourquoi le groupe SER n'a pas voté certaines mesures, pour être sûr que le texte soit applicable au 1er janvier 2024, dans l'intérêt des marins. Nous souhaitons que cette proposition de loi soit votée à l'unanimité.
M. Bernard Buis . - Je salue à mon tour cette proposition de loi qui est une réponse au licenciement brutal de 786 marins en mars 2022, qui nous avait tous choqués : je souhaite qu'elle aille à son terme au plus vite.
Mme Colette Mélot . - Tout est bien qui finit bien. Les conditions de travail de tous les marins et gens de mer seront améliorées.
M. Pascal Allizard . - Je salue le travail de la commission et de nos deux rapporteures : l'équilibre est subtil, jusqu'aux arbitrages de dernière minute. Monsieur le ministre, nous comptons sur vos services pour rendre le texte opérationnel. Au-delà du signal politique, il fallait un texte qui fonctionne, notamment au regard du droit européen, même s'il a fallu sacrifier quelques bonnes intentions.
J'étais à la réunion de travail de Saint-Malo : nous avons fait un pas décisif.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe . - Moi aussi, je salue le travail des rapporteures. Nous sommes tous conscients qu'il fallait lutter, dans le cadre du droit européen, contre le dumping social. Je me réjouis de l'accord trouvé.
Monsieur le ministre, vous avez su couper la poire en deux sur l'article 1er bis : c'est ce que je souhaiterais voir pour d'autres textes, au bénéfice de nos concitoyens.
Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales . - Je remercie Catherine Procaccia, dont c'est le dernier texte, pour son travail remarquable. (Applaudissements) Après avoir obtenu satisfaction au bout de neuf ans sur les mutuelles étudiantes, je savais qu'elle travaillerait avec détermination. J'espère une adoption conforme par l'Assemblée nationale. (Applaudissements)
À la demande du RDPI, l'ensemble du texte est mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°310 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 342 |
Pour l'adoption | 342 |
Contre | 0 |
La proposition de loi est adoptée.
(Applaudissements)
M. Hervé Berville, secrétaire d'État. - Je vous remercie pour cette unanimité, qui fait honneur à votre institution et à la tradition maritime française. Madame la rapporteure Procaccia, je vous remercie de votre travail. On dit souvent qu'il faut des civils pour faire des militaires : il fallait une personne issue d'un territoire non littoral pour améliorer ainsi la vie de nos marins.
Je remercie Mme la présidente de la commission des affaires sociales et l'ensemble des sénateurs s'étant impliqués.
L'attractivité du secteur maritime, fierté de notre pays, sera renforcée. La puissance maritime ne dépend pas du nombre de navires, mais de l'attention qu'on porte à ceux qui la font vivre. Madame Procaccia, vous serez toujours bienvenue en Bretagne pour constater les avancées. (Applaudissements)
La séance est suspendue quelques instants.