Réforme de l'audiovisuel public (Suite)

Mme le président.  - L'ordre du jour appelle la suite de la proposition de loi relative à la réforme de l'audiovisuel public et à la souveraineté audiovisuelle.

Discussion des articles (Suite)

APRÈS L'ARTICLE 10

Mme le président.  - Amendement n°25, présenté par MM. Kern et Savin.

Après l'article 10

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article L. 222-16-2 du code de la consommation, il est inséré un article L. 222-16-... ainsi rédigé :

« Art. L. 222-16-... Les dispositions de l'article L. 222-16-1 ne s'appliquent pas aux retransmissions, en direct ou en différé, par des services de communications électroniques, d'évènements sportifs ou compétitions sportives se déroulant hors du territoire français, ainsi que les extraits ou résumés de ces évènements ou compétitions, dès lors que :

« 1° La législation du pays dans lequel se déroule l'évènement sportif ou la compétition sportive concerné autorise la publicité relative à la fourniture des services mentionnés à l'article L. 222-16-1 ;

« 2° L'éditeur du service de communications électroniques qui retransmet l'évènement sportif ou la compétition sportive concerné ne fait preuve d'aucune complaisance à l'égard des publicités relatives à la fourniture de services mentionnés à l'article L. 222-16-1, et n'a pas les possibilités techniques ou contractuelles de prévenir l'apparition de ces publicités. »

M. Claude Kern.  - Il s'agit de lever une insécurité juridique pour les organisateurs d'événements sportifs se déroulant à l'étranger. Il faut aménager les règles de publicité relatives aux services financiers lorsqu'elles sont différentes dans le pays d'accueil du match, comme cela se fait pour la publicité relative à l'alcool ou au tabac.

Le logo qui s'affiche sur le maillot d'un joueur de l'Atalanta Bergame ne s'adresse pas aux téléspectateurs français. Ceux-ci pourraient se voir priver de matchs européens disputés par des équipes françaises, au motif que des publicités illicites seraient diffusées.

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur.  - Un sponsor maillot peut être autorisé dans un pays et non dans un autre. Nonobstant mon admiration pour le président de l'Atalanta, nous avons une difficulté concernant un sponsor promouvant des placements spéculatifs à risque. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Rima Abdul-Malak, ministre.  - Une fois la dérogation admise, les annonceurs risquent de contourner la réglementation. Nous l'avons vu avec la loi Évin. C'est la régulation du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) qui a permis de régler la question, en distinguant les responsabilités des uns et des autres.

Privilégions la voie de la régulation souple. Avis défavorable.

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur.  - Avis défavorable.

M. Thomas Dossus.  - Mon amendement n°69, qui portait également sur la publicité, s'est vu opposer l'article 45, lui. Je tenais à le souligner.

M. Claude Kern.  - Je comprends la ministre, mais s'agissant de la publicité pour l'alcool, on pouvait flouter la marque ou de la modifier. C'est plus difficile sur le maillot d'un joueur qui court. Comment lever cette insécurité juridique et ne pas priver les spectateurs français de matchs européens joués par leur équipe dès septembre ?

L'amendement n°25 est retiré.

ARTICLE 11

Mme le président.  - Amendement n°73, présenté par M. Bargeton.

Supprimer cet article.

M. Julien Bargeton.  - Les évolutions technologiques remettent en cause la visibilité des services de télévision ou de radio. La présence d'un service audio, d'une appli sur l'interface d'un téléviseur relève d'accords internationaux. Il était donc nécessaire de réguler ces pratiques. Les dispositions introduites par cet article sont en cours de mise en oeuvre. L'Arcom a publié les interfaces éligibles à ce dispositif.

L'article 11 retire au dispositif actuel la souplesse nécessaire face aux évolutions très rapides du marché et empêcherait des chaînes de télévision associatives ou locales d'être qualifiées de services d'intérêt général (SIG). Bref, il rigidifie un dispositif que nous souhaitons assouplir.

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur.  - Avis défavorable.

Mme Rima Abdul-Malak, ministre.  - L'Arcom vient de lancer une consultation publique sur les SIG, auxquels nous voulons donner une meilleure visibilité. Avis favorable.

L'amendement n°73 n'est pas adopté.

Mme le président.  - Amendement n°56, présenté par Mme S. Robert et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Alinéa 4

Après les mots :

TV5 Monde

rédiger ainsi la fin de cet alinéa :

et les services à vocation régionale ou locale dont le capital est majoritairement détenu par l'État, une collectivité territoriale ou une personne de droit public, pour l'exercice de leurs missions de service public.

Mme Sylvie Robert.  - Les SIG peuvent exister à l'échelle locale. Il faut élargir leur définition aux médias régionaux ou locaux, sous certaines conditions : des capitaux majoritairement publics, et une mission de service public, notamment d'information. De plus en plus de collectivités investissent dans les médias locaux, encadrés par l'Arcom, qui rencontrent la confiance des Français.

Mme le président.  - Amendement n°46, présenté par M. Assouline et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Alinéa 4

Après les mots :

service public

supprimer la fin de cet alinéa.

M. David Assouline.  - Encore un cadeau aux groupes privés ! Vous justifiez l'absence de publicité sur le service public pour lui donner une visibilité particulière, et vous voulez que toutes les chaînes d'actualité - donc tout le privé - bénéficie du label SIG. On ne peut pas prétendre renforcer le service public et dire que son intérêt n'est pas supérieur à celui des chaînes privées. Vous banalisez le service public en lui enlevant son avantage concurrentiel. Le label SIG doit lui être réservé.

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur.  - Je le répète, l'intérêt du service public est d'inclure l'ensemble des chaînes de la TNT dans le SIG. Avis défavorable à l'amendement n°56.

Quant à l'amendement n°46, il irait contre le droit européen. L'élargissement à toutes les chaînes de la TNT est défendu par France Télévisions, afin de pouvoir peser face aux fabricants de télévisions connectées. Il n'y a aucune chance que ces industriels acceptent un bouton TNT réservé aux chaînes publiques. Avis défavorable.

Mme Rima Abdul-Malak, ministre.  - Avis défavorable également. L'article 20-7 de la loi de 1986 est clair : après consultation publique, l'Arcom peut inclure dans les SIG d'autres services de communication audiovisuelle, au regard notamment de leur contribution au pluralisme. La directive SMA aussi autorise cet élargissement. La consultation prévue est en cours.

M. David Assouline.  - Je suis encore plus choqué... (Murmures à droite) La directive et la loi de 1986 le permettent, dites-vous. Oui, mais il est possible aussi d'aller dans un autre sens !

Vous parlez de pluralisme, mais j'ai cru vous entendre dire, madame la ministre, que certaines chaînes de la TNT ne le respectaient pas scrupuleusement... Allez-vous donner le label SIG à CNews ? Ça, c'est du concret !

M. le rapporteur voudrait que toutes les chaînes de la TNT profitent de ce label. Nous ne sommes pas contre un élargissement, notamment aux chaînes locales, mais on ne peut pas prendre une décision de cette importance à la va-vite, à la veille de l'été.

L'amendement n°56 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°46.

Mme le président.  - Amendement n°47, présenté par M. Assouline et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Alinéa 4

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Pour les éditeurs de services diffusant plus de 20 % de leur temps de diffusion à des oeuvres audiovisuelles, la part du chiffre d'affaires consacrée à des dépenses contribuant au développement de la production d'oeuvres audiovisuelles européennes ou d'expression originale française dans des oeuvres relevant des genres énumérés au second alinéa du 3° de l'article 27 de la loi du 30 septembre 1986 susvisée ne doit pas être inférieur à 12,5 %.

M. David Assouline.  - Cet amendement de repli précise les critères ouvrant droit à la mise en avant sur les supports connectés. Un lien doit être créé entre la qualité de SIG et l'exigence éditoriale en matière de création patrimoniale, la plus ambitieuse. Nous proposons de réserver la qualité de SIG aux diffuseurs qui consacrent la totalité de leurs obligations ou 12,5 % de leur chiffre d'affaires au financement de la création patrimoniale. Si l'on élargit la qualité de SIG, il faut élargir aussi les obligations !

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur.  - L'élargissement du périmètre des SIG à l'ensemble des chaînes de la TNT doit leur permettre de peser face aux distributeurs et fabricants de télévisions connectées. Ne créons pas de contraintes qui iraient contre cet objectif. Avis défavorable.

Mme Rima Abdul-Malak, ministre.  - Avis défavorable. La consultation publique menée par l'Arcom sur le périmètre des SIG a démarré hier. Monsieur Assouline, nous en reparlerons bientôt.

M. David Assouline.  - Il y a aussi un problème de méthode. Hier, madame la ministre, vous étiez défavorable à tous nos amendements, étant contre la holding. Et voici que, ce soir, vous changez de pied : vous donnez des avis comme si vous construisiez la loi. Je relève l'incohérence, mais ce n'est sans doute pas important...

L'amendement n°47 n'est pas adopté.

Mme le président.  - Amendement n°57, présenté par Mme S. Robert et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Alinéa 7

Après le mot :

terrestre

insérer les mots :

sur leur bassin de réception hertzienne

Mme Sylvie Robert.  - Cet amendement précise que, pour les SIG locaux, l'audience est mesurée à l'échelle du bassin de réception hertzienne, pour correspondre à la demande de proximité de nos concitoyens et à la plus-value apportée par ces chaînes.

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur.  - Il n'est pas utile de préciser outre-mesure les critères qui seront utilisés par l'Arcom. La numérotation logique est appelée à prévaloir. Avis défavorable.

Mme Rima Abdul-Malak, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°57 n'est pas adopté.

Mme le président.  - Amendement n°98, présenté par Mme de Marco, MM. Dossus, Benarroche, Breuiller, Dantec, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

« La qualification de service d'intérêt général est retirée à tout service audiovisuel privé dont l'un des programmes a fait l'objet d'une mise en demeure ou d'une sanction de l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique. »

Mme Monique de Marco.  - Le SIG est à l'audiovisuel ce que l'IPG (information politique et générale) est à la presse. La mise en avant doit être fondée sur l'intérêt général. La qualité de SIG, qui emporte un devoir d'exemplarité, doit être immédiatement retirée aux sociétés visées par une sanction ou une mise en demeure de l'Arcom.

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur.  - Aucune précision n'est donnée sur la gravité des faits qui pourraient entraîner cette double peine. Même France Télévisions a fait l'objet d'une mise en demeure du CSA, en 2018, pour défaut de mesure dans le traitement d'une procédure judiciaire. Cet amendement créerait une nouvelle asymétrie entre chaînes privées et publiques. Avis défavorable.

Mme Rima Abdul-Malak, ministre.  - Monsieur Assouline, je suis en effet défavorable à ce texte de manière générale. Mais je prends la peine de répondre aux amendements d'appel qui ouvrent des débats de fond.

Cet amendement ne vise que le service audiovisuel privé. En outre, prévoir le retrait pour une seule sanction ou mise en demeure, sans gradation, serait disproportionné.

Pour ces raisons, avis défavorable.

Mme Monique de Marco.  - Certes, l'amendement est un peu raide. Reste qu'on ne peut attribuer la qualité de SIG à vie ! Il faut pouvoir y revenir quand des services outrepassent les règles. Je suis ouverte à un sous-amendement qui adoucirait mon dispositif...

L'amendement n°98 n'est pas adopté.

L'article 11 est adopté.

APRÈS L'ARTICLE 11

Mme le président.  - Amendement n°50, présenté par M. Assouline et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Après l'article 11

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le douzième alinéa de l'article 28 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« ...° La part minimale d'investissement consacrée à l'information ; ».

M. David Assouline.  - Mon amendement n°51 a été déclaré irrecevable au titre de l'article 45, de manière absolument injustifiée. Je trouverai un moyen d'en parler.

M. Laurent Burgoa.  - On n'en doute pas...

M. David Assouline.  - L'amendement n°50 a été adopté à l'unanimité par la commission d'enquête sur la concentration des médias. Il est important que les obligations légales d'engagement s'étendent à l'investissement dans l'information. L'information est un enjeu fondamental dans le monde où nous vivons.

Mme le président. - Merci, mon cher collègue.

M. David Assouline.  - D'où notre proposition d'une part minimale d'investissement dans l'information.

Mme le président.  - Le temps de parole est de deux minutes. À ma place, vous ne laissiez pas non plus les orateurs dépasser... (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Laurent Burgoa.  - Très bien !

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur.  - L'avis de la commission devrait adoucir les moeurs, puisqu'il est favorable... C'est une des rares mesures à avoir fait l'unanimité au sein de la commission d'enquête. L'information constitue un point fort des chaînes par rapport aux plateformes. (M. Max Brisson renchérit.) Renforçons cet avantage comparatif.

Mme Rima Abdul-Malak, ministre.  - Je comprends ce débat, mais il y a deux difficultés. Comment contraindre une chaîne musicale à investir dans l'information ? Et comment définir les dépenses d'information ? Sagesse sur cette question complexe.

M. David Assouline.  - En effet, il faudra définir précisément les contraintes.

Madame la présidente, lorsque j'étais à votre place, j'interrompais les orateurs à 2 minutes et 10 secondes, quand la chute ne venait pas. Vous m'avez coupé à 2 minutes et 3 secondes, alors que j'achevais. Si vous interrompez brutalement à 2 minutes pile, faites-le pour tout le monde. (Protestations à droite et sur certaines travées au centre)

Mme le président.  - C'est bien ce que je fais.

M. David Assouline.  - Ce n'est pas ce que vous faites. (Les protestations redoublent.) Ce concert ne m'impressionne pas. Vous avez rempli votre rôle, soit - je n'insiste pas davantage sur la manière.

M. Max Brisson.  - Encore faut-il avoir des choses à dire...

Mme le président.  - Chacun sait comment je préside, je ne reviendrai pas dessus.

L'amendement n°50 est adopté et devient un article additionnel.

ARTICLE 11 BIS

Mme le président.  - Amendement n°71, présenté par M. Assouline et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Supprimer cet article.

M. David Assouline.  - Je m'interroge sur le bien-fondé de cet article introduit en commission sur l'initiative de Mme Morin-Desailly. Il ne nous paraît pas opportun de prévoir un allongement des délais d'autorisation en vue de l'arrivée des services en ultra-haute définition (UHD) lors des renouvellements d'autorisation des chaînes TNT payantes en 2025.

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur.  - La loi du 25 octobre 2021 prévoit les conditions d'expérimentation de l'UHD. L'Arcom peut réorganiser les multiplex afin, par exemple, de créer une chaîne UHD consacrée aux JO. Or la probabilité de l'arrêt des chaînes payantes de la TNT en 2025 n'était pas prise en compte. L'UHD est appelée à jouer un rôle essentiel pour assurer l'avenir de la TNT. Avis défavorable.

Mme Rima Abdul-Malak, ministre.  - Même avis. Nous sommes favorables à l'UHD, qui marque une nouvelle étape dans la modernisation de la TNT.

L'amendement n°71 n'est pas adopté.

L'article 11 bis est adopté.

APRÈS L'ARTICLE 11 BIS

Mme le président.  - Amendement n°24 rectifié bis, présenté par Mme Morin-Desailly, MM. Lafon et Henno, Mme Guidez, M. Levi, Mme Gatel, MM. J.M. Arnaud, Duffourg et Chauvet, Mme Saint-Pé, MM. Hingray et Capo-Canellas, Mmes Herzog, Billon et Devésa, MM. Détraigne et Longeot et Mme de La Provôté.

Après l'article 11 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le premier alinéa du I de l'article 34-2 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication est complété par une phrase ainsi rédigée : « Les dispositions du présent alinéa ne sont pas applicables lorsque ces services sont distribués par contournement. »

M. Pierre-Antoine Levi.  - Cet article exclut les services distribués par contournement, car ce mode de distribution n'apporte pas de couverture supplémentaire du territoire.

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur.  - Voilà qui devrait permettre à France Télévisions de mieux maîtriser la reprise de son signal par les plateformes. Avis favorable.

Mme Rima Abdul-Malak, ministre.  - Retrait ou avis défavorable. La notion de distribution par contournement est complexe et non définie. En outre, certains de nos compatriotes sont peut-être dépendants des distributeurs over the top.

L'amendement n°24 rectifié bis est adopté et devient un article additionnel.

ARTICLE 12

Mme le président.  - Amendement n°21, présenté par M. Assouline et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Supprimer cet article.

M. David Assouline.  - Cet article me déçoit. Par le passé, le Sénat a su être à l'origine d'avancées en matière audiovisuelle. Ainsi, pour lutter contre les reventes spéculatives de fréquences, nous avions doublé le délai de revente, à cinq ans. Mme Morin-Desailly et moi-même avions mené ce combat ensemble.

En proposant deux ans, vous revenez en arrière sur un point qui faisait consensus. Seule explication possible, votre volonté de faire un cadeau au privé. Où est la défense du service public ?

Recevoir une chaîne de la TNT est un privilège qui implique des devoirs : ce n'est pas pour faire du pognon.

Mme le président.  - Amendement identique n°74, présenté par M. Bargeton.

M. Julien Bargeton.  - J'irai dans le même sens. Les fréquences audiovisuelles appartiennent au domaine public de l'État. L'usage de ces fréquences est accordé à titre gratuit. Dès lors, il est inconcevable que les opérateurs puissent en tirer profit en cas de vente d'une chaîne. Pour lutter contre la spéculation, le législateur a fixé ce délai de cinq ans, en réaction à une affaire qui avait défrayé la chronique.

Cet article remet en cause un objectif d'intérêt général. (Mme Sylvie Robert et M. David Assouline abondent.) Je le dis avec gravité, d'autant que de nombreuses autorisations arriveront à échéance en 2025.

M. David Assouline.  - C'est juste !

M. Julien Bargeton.  - Cette mesure est donc contestable sur le fond et particulièrement peu opportune. Je vous invite à supprimer l'article.

Mme le président.  - Amendement identique n°95, présenté par Mme de Marco, MM. Dossus, Benarroche, Breuiller, Dantec, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.

Mme Monique de Marco.  - Il semble qu'il ne s'agisse que d'accélérer le calendrier de vente de M6 et de son éventuelle fusion avec TF1. Ce genre de dispositions affaiblit la valeur de la loi et la confiance des citoyens dans le législateur.

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur.  - L'adoption de ces amendements vitrifierait le secteur des médias privés jusqu'en 2032 en rendant impossible toute évolution du contrôle du capital des chaînes. Vous interdiriez à de nouveaux investisseurs de long terme de concourir au développement des médias français. Avis défavorable.

Mme Rima Abdul-Malak, ministre.  - Avis favorable. Depuis 2011, les gouvernements et le Parlement n'ont eu de cesse de lutter contre ces opérations. N'envoyons pas un mauvais signal, alors que l'Arcom doit accorder quatorze nouvelles autorisations de TNT en 2025.

M. David Assouline.  - Le patron de Canal+ m'a confirmé qu'il pourrait céder des chaînes de TNT. Ce n'est donc pas un cas d'école. Imaginez qu'il le fasse juste après avoir obtenu l'autorisation !

Je n'accuse pas le rapporteur d'avoir cela à l'esprit, mais je ne comprends pas pourquoi il parle de vitrification, ni pourquoi il évoque 2032. Deux ans, c'est rien. Le délai de cinq ans est correct. Nos collègues de droite et du centre qui ont défendu cette exigence de base devraient réfléchir avant de défaire ce que le Sénat a fait, dans un monde des médias de plus en plus sauvage.

M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture.  - Ce débat illustre les différences de points de vue sur les asymétries de concurrence créées par nos législations et l'affaiblissement qui en résulte pour nos acteurs.

Cet article était pleinement justifié à l'époque, mais le contexte a changé : il y a quelques mois, quand M6 a essayé de vendre, ce ne sont pas des spéculateurs qui se sont présentés.

Avec cette règle, M6 ne pourra être vendue avant 2032. Contraindre un propriétaire à conserver aussi longtemps une chaîne qu'il veut vendre n'a aucun sens économique. Le président de l'Arcom a même demandé qu'on aille plus loin, en supprimant la règle et en réformant la taxation des plus-values.

Les amendements identiques nos 21,74 et 95 ne sont pas adoptés.

L'article 12 est adopté.

APRÈS L'ARTICLE 12

Mme le président.  - Amendement n°80, présenté par M. Bargeton.

Après l'article 12

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article 95 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, il est inséré un article 95-... ainsi rédigé : 

« Art. 95-.... I.  -  Les services de communication audiovisuelle, les services de média audiovisuels à la demande et les services de partage de plateforme de contenus vidéo et/ou audio qui font appel à la publicité pour se financer ainsi que les annonceurs et agences média qui négocient et achètent des espaces publicitaires doivent, lorsqu'ils utilisent, de manière directe ou indirecte, des données d'audiences comparées entre services, recourir à des mesures d'audience réalisées par un ou des tiers qui, cumulativement :

« - ne fournissent eux-mêmes aucun service de communication audiovisuelle, de média audiovisuel à la demande ou de partage de plateformes de contenus vidéo et/ou audio ;

« - ne sont pas eux-mêmes des acheteurs réguliers et significatifs de publicité, pour leur compte ou le compte de tiers ;

« - assurent une concertation large des différents utilisateurs des mesures d'audience pour les élaborer ou les faire évoluer ;

« - assurent une transparence sur les méthodes employées et les soumettent régulièrement à des audits d'experts indépendants dont les conclusions principales sont rendues publiques.

«  L'autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique vérifie que les tiers qui réalisent les mesures d'audience respectent les principes du présent article. Les conditions et modalités de ce contrôle sont définies par décret. »

M. Julien Bargeton.  - La mesure d'audience s'est complexifiée, du fait de la numérisation de l'offre. L'accès aux données des plateformes est problématique, et, selon un récent rapport de l'IGF et de l'Igac, la prise en compte incomplète de l'audience sur les plateformes numériques constitue une limite méthodologique.

Plusieurs plateformes refusent de communiquer leurs données d'audience et leur méthode de calcul. Du fait de leur hégémonie, elles sont tentées par l'automesure, ce qui rend impossible toute vérification et analyse comparative.

Nous proposons de confier la mesure de l'audience sur les plateformes à un tiers indépendant.

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur.  - Les audiences revendiquées par les plateformes font rarement l'objet de publications et leur méthode de calcul est inconnue : c'est une nouvelle asymétrie avec les éditeurs de services traditionnels. Cet amendement rétablit l'équité. Avis favorable.

Mme Rima Abdul-Malak, ministre.  - Le sujet est d'importance, à telle enseigne qu'il fait l'objet d'un article dans le futur European Media Freedom Act. Ce règlement ira plus loin que ce que vous proposez et s'appliquera à l'ensemble des professionnels concernés. Retrait ?

M. Julien Bargeton.  - C'est le seul de mes amendements à avoir reçu un avis favorable de la commission : et voilà que le Gouvernement, que je soutiens, m'en demande le retrait... (Sourires)

M. Roger Karoutchi.  - Maintenez-le !

M. Julien Bargeton.  - Je le retire (Protestations amusées sur de nombreuses travées), pour ne pas embarrasser la ministre et en espérant que le Règlement européen le reprendra.

Mme le président.  - On a parfois raison trop tôt...

M. Julien Bargeton.  - C'est avoir tort ! (Sourires)

L'amendement n°80 est retiré.

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur.  - Mme la présidente parle d'or, et je ne veux pas laisser M. Bargeton dans l'embarras : je reprends donc l'amendement ! (Applaudissements et marques d'amusement sur de nombreuses travées)

Mme le président.  - C'est donc l'amendement n°103.

L'amendement n°103 est adopté et devient un article additionnel.

ARTICLE 13

Mme le président.  - Amendement n°22, présenté par M. Assouline et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Supprimer cet article.

Mme Sylvie Robert.  - Nous souhaitons supprimer cet article, qui assouplit les règles d'interdiction de la concentration verticale. Les chaînes publiques pourraient récupérer quelques moyens, certes, mais une telle modification est surtout dans l'intérêt des diffuseurs privés. En devenant producteurs, ils accentueraient encore la concentration, au détriment des producteurs indépendants.

L'amendement identique n°67 n'est pas défendu.

Mme le président.  - Amendement identique n°75, présenté par M. Bargeton.

M. Julien Bargeton.  - Défendu.

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur.  - Cet article est demandé par les chaînes privées comme publiques, afin de mieux résister aux plateformes. Pour France Télévisions, une meilleure valorisation de ses investissements dans la production est la seule alternative à la publicité. La BBC tire près de 1 milliard de livres de ses investissements. Avis défavorable.

Mme Rima Abdul-Malak, ministre.  - Avis favorable. Nous venons de rééquilibrer les règles du jeu en matière d'obligations de financement de la production. Cet article remettrait en cause le fruit des négociations entre la plupart des éditeurs et producteurs.

M. David Assouline.  - Là encore, ce débat a une histoire.

Les décrets Tasca ont favorisé le développement d'une production diverse. La créativité, que l'internalisation bloquait, en a été renforcée. Il y a eu des effets pervers, que le Sénat a réduits sans tuer la diversité de l'offre et toujours en encourageant la négociation.

Vous allez plus loin, à la demande des grandes chaînes privées, qui ne sont jamais rassasiées.

Les amendements identiques nos22 et 75 ne sont pas adoptés.

L'article 13 est adopté.

ARTICLE 13 BIS

Mme le président.  - Amendement n°23, présenté par M. Assouline et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Supprimer cet article.

M. David Assouline.  - Encore un cadeau au privé ! La troisième coupure autorisée après 20 heures profitera aux chaînes privées, qui couperont les fictions. Faudra-t-il se payer du McDo dans les écrans toutes les dix minutes, comme aux États-Unis ? Les possibilités de publicité ont déjà été augmentées. Ces coupures changent la perception de l'oeuvre. Toutes ces mesures vont contre la culture, mais rapportent de l'argent - pas au service public, bien sûr. Avec tous ces cadeaux, les chaînes privées vont vous être redevables...

Mme le président.  - Amendement identique n°66, présenté par M. Bacchi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

M. Jérémy Bacchi.  - La troisième coupure publicitaire vise à satisfaire l'appétit des chaînes privées, au détriment des téléspectateurs et de l'offre culturelle. D'un côté on affaiblit les chaînes publiques, de l'autre on renforce le privé. Curieux, dans un texte qui prétend renforcer l'audiovisuel public...

Mme le président.  - Amendement identique n°77 rectifié, présenté par MM. Fialaire, Artano et Bilhac, Mme N. Delattre, MM. Gold et Guérini, Mme Guillotin, M. Guiol, Mme Pantel et MM. Requier et Roux.

M. Bernard Fialaire.  - Les coupures publicitaires dénaturent les oeuvres. De plus, elles lasseront le public, qui se tournera d'autant plus volontiers vers le streaming et la télévision à la demande, aux dépens de la diffusion linéaire.

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur.  - La limitation à deux coupures va réduire à la portion congrue la diffusion des films sur les chaînes privées, qui ne pourront plus compenser les coûts d'acquisition. De plus, en ajoutant une troisième coupure, on permet de mieux répartir les publicités, pour le confort du téléspectateur. (Marques de dérision sur les travées du groupe SER et du GEST.)

Enfin, la troisième coupure figurait dans le projet de loi de Franck Riester. Avis défavorable.

M. Max Brisson.  - Il y avait vraiment tout dans ce projet de loi !

Mme Rima Abdul-Malak, ministre.  - Je ne suis pas sûre que cela soit le meilleur moyen d'améliorer le confort de vision d'un film, mais je m'en remets à la sagesse du Sénat. Je suis, pour ma part, favorable au statu quo.

Les amendements identiques nos23, 66 et 77 rectifié ne sont pas adoptés.

Mme le président.  - Amendement n°70, présenté par M. Dossus, Mme de Marco, MM. Benarroche, Breuiller, Dantec, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.

Rédiger ainsi cet article :

Le premier alinéa de l'article 73 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 précitée est ainsi modifié :

1° À la première phrase, les mots : « de deux interruptions publicitaires » sont remplacés par les mots : « d'une interruption publicitaire » ;

2° La seconde phrase est supprimée.

M. Thomas Dossus.  - Je propose de revenir à une seule coupure.

C'est Silvio Berlusconi, décédé hier, qui avait introduit la coupure publicitaire sur La Cinq. Certains ont salué sa mémoire ; pour ma part, en tant que Lyonnais, je pense plutôt à Bertrand Tavernier, qui en signe de protestation contre ce saucissonnage intolérable, avait rendu sa médaille de chevalier des arts et des lettres.

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur.  - Cet amendement fragiliserait les chaînes privées face aux plateformes, alors que les films sont de plus en plus difficiles à rentabiliser. La publicité est leur seule ressource. Avis défavorable.

Mme Rima Abdul-Malak, ministre.  - Même avis. La seconde coupure a été introduite en 2009, et elle n'est pas contestée. De plus, avant 2009, le CSA autorisait des dérogations pour les films très longs...

L'amendement n°70 n'est pas adopté.

L'article 13 bis est adopté.

ARTICLE 14

Mme le président.  - Amendement n°79, présenté par M. Bargeton.

Supprimer cet article.

M. Julien Bargeton.  - La technologie HbbTV offre des perspectives de développement intéressantes, en combinant les avantages de la diffusion hertzienne et l'interactivité de l'internet.

Mais l'offre de services interactifs est encore très limitée. Les distributeurs seraient fragilisés s'ils devaient reprendre tous les services HbbTV. En outre, l'Arcom peut déjà encadrer la reprise par les distributeurs de toutes les composantes du flux hertzien émis par les éditeurs.

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur.  - Les éditeurs de services ont beaucoup de mal à obtenir des distributeurs la reprise de leur signal enrichi, comme le prévoit la norme HbbTV, preuve que le droit en vigueur ne suffit pas à corriger cette asymétrie. Avis défavorable.

Mme Rima Abdul-Malak, ministre.  - Avis favorable. L'obligation d'intégration dans les équipements prévus à l'article 14 me semble aller trop loin. D'abord, cet amendement est difficilement conciliable avec le droit communautaire. Ensuite, il est prématuré d'imposer de telles obligations, compte tenu de la faiblesse de l'offre de services interactifs sur la TNT. Enfin, la majorité des téléviseurs vendus en France sont compatibles.

L'amendement n°79 n'est pas adopté.

L'article 14 est adopté.

ARTICLE 14 BIS

Mme le président.  - Amendement n°96, présenté par Mme de Marco, MM. Dossus, Benarroche, Belin, Dantec, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.

I.  -  Alinéa 2

Remplacer le mot :

douze

par le mot :

trente-six

II.  -  Alinéa 3

Remplacer le mot :

dix-huit

par le mot :

quarante-deux

Mme Monique de Marco.  - L'Arcep a souligné que nous renouvelions trop fréquemment nos téléviseurs, premiers responsables de l'empreinte carbone du numérique. C'est le résultat d'une logique d'accompagnement de l'offre plutôt que de la demande.

Il convient donc de retarder le calendrier du déploiement du numérique UHD, pour mieux le concilier avec l'impératif de sobriété.

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur.  - Il est au contraire essentiel de préserver l'attractivité de la TNT par rapport à la fibre, moins énergivore, et qui préserve l'anonymat de l'utilisateur. Avis défavorable.

Mme Rima Abdul-Malak, ministre.  - Même avis. Il faut rendre les téléviseurs compatibles avec les normes de diffusion et d'encodage UHD, qui consomment moins d'énergie.

L'amendement n°96 n'est pas adopté.

L'article 14 bis est adopté.

ARTICLE 15

Mme le président.  - Amendement n°2, présenté par M. Bargeton.

Rédiger ainsi cet article :

Au premier alinéa du V de l'article 19 de la loi n° 2007-309 du 5 mars 2007 relative à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur, après les mots : « terminaux de réception de services de radio de première monte », sont ajoutés les mots : « et les équipements terminaux de première monte permettant la réception de contenus audio ou audiovisuels ».

M. Julien Bargeton.  - Le DAB+ est une norme de diffusion radio qui enrichira l'offre tout en réduisant la consommation énergétique. Il faut donc faciliter son intégration dans les équipements. Une loi de 2007 impose déjà la réception en DAB+ pour les postes de radio hors entrée de gamme et les autoradios.

Aller plus loin ne serait pas conforme au cadre européen : nous proposons de supprimer les dispositions du texte en ce sens, tout en étendant l'obligation d'interopérabilité aux véhicules neufs équipés d'un dispositif multimédia permettant uniquement l'accès à des services et contenus par internet.

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur.  - Adopter une telle disposition ralentirait le déploiement de cette norme amenée à remplacer la FM. C'est l'avenir, et la présidente de Radio France, Sibyle Veil, en est une ardente défenseure. Avis défavorable.

Mme Rima Abdul-Malak, ministre.  - Avis favorable, car nous sommes favorables au déploiement du DAB+. (Le rapporteur manifeste son incompréhension.)

L'amendement n°2 n'est pas adopté.

Mme le président.  - Amendement n°53, présenté par M. Assouline et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

I.  -  Alinéa 3

Remplacer le mot :

dix-huit

par le mot :

vingt-deux

II.  -  Alinéa 4

Remplacer le mot :

vingt-quatre

par le mot :

trente

M. David Assouline.  - Je présenterai cet amendement et le suivant ensemble, si vous m'y autorisez.

Nous sommes tous favorables au déploiement du DAB+, mais seuls 3 % des foyers sont équipés de cette norme et, selon les acteurs du secteur, le taux montera à seulement 7 % d'ici à deux ans. Il convient d'assouplir les délais.

Mme le président.  - Amendement n°54, présenté par M. Assouline et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - Dans un délai de six mois après la promulgation de la présente loi, le Gouvernement présente un rapport au Parlement sur les possibilités d'aide à l'équipement des foyers et d'aide à l'investissement et au coût de double diffusion des éditeurs de radios et plus particulièrement de celles indépendantes et à faibles ressources publicitaires afin de permettre, sur l'ensemble du territoire, la réception effective des services de radio numérique terrestre, sur l'ensemble du territoire, dans les délais fixés au premier alinéa du IV bis et au premier alinéa du V de l'article 19 de la loi n° 2007-309 du 5 mars 2007 relative à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur.

M. David Assouline.  - Il faut aider les foyers à s'équiper. Comme nous ne sommes pas autorisés à déposer des amendements induisant de nouvelles dépenses, nous demandons un rapport sur le sujet. Nous pourrions imaginer pour le DAB+ quelque chose de similaire au dispositif d'aide mis en place pour la TNT.

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur.  - Le déploiement du DAB+ demandera du temps et une forte implication des pouvoirs publics. Toutefois, il doit se faire rapidement afin de limiter la double diffusion en DAB+ et en FM. Le délai de 24 mois que vous proposez me semble suffisant : l'important est de fixer une date limite. Avis favorable à l'amendement n°53.

Concernant l'amendement n°54, il est indispensable que le Gouvernement mette en place une politique d'accompagnement de l'équipement en DAB+ et aide les éditeurs radio à assumer le coût de la double diffusion. Avis favorable.

Anticipant la fin de notre discussion, je tiens à remercier David Assouline d'avoir défendu ses positions avec vigueur. Nous avons eu un débat équilibré, exposant des positions parfois radicalement différentes.

Mme Rima Abdul-Malak, ministre.  - Sagesse. Il convient en effet d'accompagner le déploiement du DAB+, mais la compatibilité de l'amendement n°53 avec le cadre européen, fixé par la directive de 2018 établissant le code des communications électroniques européen, n'est pas établie.

M. David Assouline.  - Ce n'est pas mon amendement qui pose un problème de compatibilité juridique, mais la mesure que nous nous apprêtons à inscrire dans la loi. Au contraire, je la tempère.

L'amendement n°53 est adopté.

L'amendement n°54 est adopté.

L'article 15, modifié, est adopté.

Interventions sur l'ensemble

M. Max Brisson .  - Je remercie le président Lafon d'avoir déposé cette proposition de loi, qui a suscité beaucoup de débats et d'amendements de M. Assouline. Je remercie également le rapporteur Jean-Raymond Hugonet et pour son flegme digne d'un animateur de la BBC ! (Sourires)

On attend une loi sur l'audiovisuel depuis dix ans. Il convenait de forcer le Gouvernement à sortir de la torpeur dans laquelle il est entré depuis le départ de M. Riester du ministère de la culture. Quelle déception ! Il n'y aura pas de réforme de l'audiovisuel, nous en resterons à la loi de 1986. Tout bouge autour de nous, sauf le cadre juridique !

Le conservatisme a un visage : celui des corporatismes, de la protection d'espaces de pouvoir. La mutualisation progresse à la vitesse de la tortue, les coopérations entre médias à la vitesse du Petit train de la mémoire de l'ORTF !

La gauche est devenue le gardien du temple. Merci à Laurent Lafon d'avoir fait tomber les masques. Nous, nous avançons. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Monique de Marco .  - Je regrette de ne pas avoir convaincu le Sénat des risques qui pèsent sur l'audiovisuel public et l'exception culturelle. Près d'un an après la suppression de la CAP, aucune piste ne se dégage pour satisfaire à la réserve d'interprétation du Conseil constitutionnel.

Une taxe affectée est la meilleure garantie d'indépendance de l'audiovisuel public sur le long terme. Il doit pouvoir remplir ses missions sans se retrouver chaque année au milieu du gué.

Autour de nous, on avance. L'Australie, le Canada, la Californie ont entrepris de taxer les recettes publicitaires des Gafam. Nous avons la possibilité de regarder le monde qui vient, plutôt que de raviver le fantôme de l'ORTF.

M. Loïc Hervé.  - C'est excessif !

M. David Assouline .  - Je remercie à mon tour le président Lafon. Il faut, bien sûr réformer la loi de 1986, pas dans son principe - la liberté de communication assise sur le pluralisme et l'indépendance des médias - mais dans ses outils.

Cette grande loi est percluse de rustines, au détriment de sa cohérence. Il faut organiser des états généraux des médias pour mettre en place un nouvel écosystème.

Il s'agit probablement de ma dernière intervention sur une loi audiovisuelle dans cet hémicycle. Depuis quinze ans, je demande un grand texte sur le secteur - j'ai toujours été déçu.

Depuis dix-neuf ans, je me bats pour la liberté et l'indépendance des médias, et la place du service public. Je suis fier d'avoir contribué à inscrire « la liberté, le pluralisme et l'indépendance des médias » à l'article 34 de notre Constitution lors de la révision constitutionnelle de 2008.

M. Jérémy Bacchi .  - Je remercie à mon tour le président Lafon.

C'est au moment où le service public de l'audiovisuel se porte bien que l'on décide de le déstabiliser. La création d'une holding, présentée comme une rationalisation, risque de le fragiliser. Vous ne nous avez pas convaincus, vous ne rassurez pas les salariés.

Au lieu de porter une mesure fiscale pour garantir l'indépendance de l'audiovisuel public, la majorité sénatoriale s'est fait le porte-voix des chaînes privées avec la troisième coupure publicitaire.

L'audiovisuel public a besoin de moyens forts et pérennes, non d'une holding. Pour l'ensemble des raisons déjà présentées, le groupe CRCE votera contre cette proposition de loi.

M. Julien Bargeton .  - Je ne suis pas certain que nos débats aient montré la pertinence de la holding. Une ambition et des objectifs similaires sont atteignables avec un socle commun aux contrats d'objectifs et de moyens (COM).

Chers collègues de la majorité sénatoriale, libre à vous de convaincre vos partenaires de l'Assemblée nationale d'inscrire cette proposition de loi dans le cadre d'une niche parlementaire...

M. Max Brisson.  - Il pourrait y avoir des surprises !

M. Julien Bargeton.  - Nous savons, en réalité, que ce texte avait surtout vocation à ouvrir le débat.

M. Bernard Fialaire .  - Moi non plus, je ne me fais guère d'illusions sur le devenir de ce texte. Tout le monde attend une grande loi, mais nous avons déjà du mal à voter les petites...

Je n'étais pas opposé à la création d'une holding, qui me paraissait cohérente et rationnelle. Mutualiser et secouer les inerties pour que les différents secteurs de l'audiovisuel travaillent mieux ensemble, voilà qui allait dans le bon sens.

Tout n'est cependant pas parfait : je songe à la troisième coupure publicitaire.

Madame la ministre, j'aimerais que vous nous rassuriez rapidement sur le financement de l'audiovisuel public.

La proposition de loi est adoptée.

M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture.  - Si j'étais d'humeur taquine, je dirais : « la majorité présidentielle a voulu la holding, la majorité sénatoriale l'a faite ». Une majorité s'est aussi dégagée à l'Assemblée nationale, dont la commission de la culture vient de voter un rapport qui prône sa création. Le Gouvernement, qui a longtemps voulu cette réforme, semble aujourd'hui changer de position.

Et la suite ? Pour certains, ce texte s'arrête ici ; mais nos collègues députés savent ce qu'ils ont à faire. Le revirement du Gouvernement sur la holding et son incapacité à définir le financement de l'audiovisuel public - budgétisation ou fraction de TVA - plongent l'audiovisuel dans le flou et l'incertitude.

Le Sénat a posé un cadre. Parions que dans quelques semaines, le Gouvernement se tournera vers le Sénat pour trouver une solution au problème qu'il a lui-même créé. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Roger Karoutchi.  - Très bien.