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Table des matières



Douane (Procédure accélérée - Suite)

Explications de vote

M. Thierry Cozic

M. Pascal Savoldelli

Mme Sylvie Vermeillet

M. Jean Louis Masson

M. Christian Bilhac

M. Albéric de Montgolfier

Mme Vanina Paoli-Gagin

M. Guy Benarroche

M. Didier Rambaud

M. Gabriel Attal, ministre délégué chargé des comptes publics

Accord en CMP

La France rurale face à la disparition des services au public

M. Jean-Marc Boyer, pour le groupe Les Républicains

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité

Mme Michelle Gréaume

Mme Daphné Ract-Madoux

M. Éric Gold

Mme Pascale Gruny

M. Franck Menonville

M. Bernard Buis

Mme Viviane Artigalas

Mme Sylvie Vermeillet

M. Bruno Sido

M. Éric Kerrouche

M. Stéphane Sautarel

M. Christian Redon-Sarrazy

Mme Sylviane Noël

M. Guillaume Chevrollier

Mme Catherine Belrhiti

M. Bruno Belin, pour le groupe Les Républicains

Mise au point au sujet d'un vote

Bourses d'études et parent en situation de handicap

Mme Toine Bourrat, rapporteure de la commission de la culture

Mme Sylvie Retailleau, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche

M. Claude Kern

M. Bernard Fialaire

M. Jean-François Rapin

Mme Colette Mélot

Mme Monique de Marco

M. Bernard Buis

Mme Sabine Van Heghe

M. Pierre Ouzoulias

Reconnaître et soutenir les entrepreneurs français à l'étranger

Discussion générale

Mme Évelyne Renaud-Garabedian, auteur de la proposition de loi

M. Serge Babary, rapporteur de la commission des affaires économiques

M. Olivier Becht, ministre délégué chargé du commerce extérieur, de l'attractivité et des Français de l'étranger

M. Henri Cabanel

M. Olivier Rietmann

M. Alain Marc

M. Daniel Salmon

M. Jean-Baptiste Lemoyne

M. Yan Chantrel

M. Fabien Gay

M. Olivier Cadic

M. Édouard Courtial

M. Marc Laménie

Discussion des articles

ARTICLE 1er

Mme Hélène Conway-Mouret

M. Jean-Yves Leconte

ARTICLE 2

Mme Hélène Conway-Mouret

APRÈS L'ARTICLE 2

ARTICLE 3

APRÈS L'ARTICLE 3

INTITULÉ DE LA PROPOSITION DE LOI

Ordre du jour du mercredi 31 mai 2023




SÉANCE

du mardi 30 mai 2023

91e séance de la session ordinaire 2022-2023

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires : Mme Martine Filleul, M. Jacques Grosperrin.

La séance est ouverte à 14 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Douane (Procédure accélérée - Suite)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les explications de vote des groupes et le vote par scrutin public solennel sur le projet de loi visant à donner à la douane les moyens de faire face aux nouvelles menaces.

Explications de vote

M. Thierry Cozic .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Ce texte est le premier consacré aux douanes depuis 1965. Un toilettage était nécessaire. Ce vote est important : il s'agit de sécuriser l'action des douanes juridiquement tout en rendant le droit de visite douanière conforme à la Constitution.

Le code des douanes est très ancien : il manquait des garanties en matière de protection des droits des personnes et de libertés individuelles. Nous devrions reprendre la proposition de M. Breuiller de créer un code de procédure douanière.

La commission lois et la commission des finances se sont donné pour mission de sécuriser les procédures de visite, de fouille et de perquisition. Hormis l'article 7 relatif à la réserve opérationnelle sur lequel nous sommes en désaccord, ce texte pose peu de difficultés techniques.

Mais il subsiste des doutes, malgré vos précisions, monsieur le ministre.

Le texte prévoit la remise des personnes à un officier de police judiciaire (OPJ) ou à un officier de douane judiciaire (ODJ), sur instruction et sous contrôle du procureur de la République, en cas d'infraction flagrante de droit commun. Sonorisations et captations d'images seront permises - mais sous l'autorité d'un magistrat. Ce contrôle du juge va dans le bon sens.

La révision du code de douanes autorise des visites pour rechercher toute infraction douanière sur l'ensemble du territoire douanier et à l'encontre de toute personne se trouvant sur la voie publique.

Monsieur le ministre, vous nous avez affirmé que les transferts de personnels vers la direction générale des finances publiques (DGFiP) étaient justifiés par le transfert de l'activité de recouvrement, et dégageraient un gain de productivité qui bénéficierait pour moitié aux douanes. Mais je n'ai pas été convaincu. J'entends que le recrutement de 300 douaniers réservistes vise à répondre à des besoins ponctuels. Mais selon le rapporteur, cette réserve est l'occasion de se doter de compétences rares. Bref, on est dans le flou. À se demander si cela ne sert pas surtout à justifier un gel ou une baisse des effectifs.

Pour le reste, le texte est équilibré ; les rapporteurs en ont renforcé les qualités légistiques. Le groupe SER le votera.

Mais ce vote n'est pas un blanc-seing. Faute de majorité, le Gouvernement présente surtout des textes essentiellement techniques, assortis de moyens financiers nouveaux, afin de neutraliser toute critique politique et taxer les oppositions d'irresponsabilité si elles votent contre...

La loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (Lopmi) accorde certes 15 millions d'euros supplémentaires sur cinq ans pour les policiers et les gendarmes, mais comporte aussi des dispositifs plus sécuritaires. Le recours à des textes techniques et complexes évite de mobiliser l'opinion, qui peine à trier le bon grain de l'ivraie. La neutralisation des oppositions se double de l'argument d'autorité. On l'a vu avec le projet de loi relatif aux jeux Olympiques et Paralympiques, dont l'article 7 introduit la vidéosurveillance assistée par l'intelligence artificielle.

Nous serons vigilants, lors du prochain projet de loi de finances, à ce que vous joigniez les actes aux paroles et donniez des moyens aux douanes pour qu'elles s'acquittent de leurs missions cruciales. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur quelques travées du groupe CRCE)

M. Pascal Savoldelli .  - (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE) Un compromis suppose des consultations - or notre groupe n'en a pas bénéficié. Il suppose un arbitre - or la réécriture de l'article 60 est démesurément restrictive et trop grandiloquente. Elle pénalise par ses failles les agents des douanes. L'arbitre sera le Conseil constitutionnel, qui appréciera si les principes de droit au respect de la vie privée et de recherche des auteurs d'infractions sont proportionnés. Sur chaque procédure, nous attendons une jurisprudence longue, mais indispensable. Il faut s'attendre à de nombreuses nullités, notamment faute d'un code de procédure douanière qui harmoniserait les pratiques.

Notre groupe avait choisi le camp de l'intérêt général. Contre la libre circulation des marchandises prohibées et des capitaux, et pour lutter contre les trafics en tout genre, nous appelions à élargir le champ d'action des douanes. M. le ministre se vante d'avoir doublé leur rayon ? Nous voulions le tripler pour le porter à 60 km !

Notre amendement a été rejeté, tout comme celui qui l'étendait à certains axes secondaires ou tertiaires à risque.

L'équation est simple : moins de brigades, plus de paperasserie, et, finalement, moins de contrôles. Ce texte correspond à une vision de la société déshumanisée, celle d'un capitalisme fraudeur sans frontière. Les contrôles aux frontières priment sur le contrôle des flux de capitaux et des marchandises.

L'expérimentation pour le contrôle du trafic de drogue s'apparente à une surveillance généralisée, qui n'a rien à envier à la loi Sécurité globale. Vous dites vouloir mettre le paquet sur l'e-commerce, dont acte ! Mais en coulisses, cela passe par une ubérisation et une plateformisation de la profession.

La réserve opérationnelle vise à lutter contre l'immigration illégale, nullement à acquérir des compétences rares. Vous répondez aux injonctions de l'Union européenne et de Frontex pour faire des douanes des gardes-frontières corvéables en urgence.

Pourquoi ne pas avoir consulté les organisations syndicales ? (Monsieur le ministre s'indigne.) Elles sont toutes contre, voilà la réponse. Les réservistes seront des retraités aux faibles retraites, conséquence des faibles rémunérations au cours de leur carrière - un agent de catégorie C encadre parfois dix agents ! Ou des volontaires.

Certes, 8 000 à 10 000 des douaniers allemands sont chargés de la lutte contre le travail illégal ; mais 25 000 douaniers sont chargés de contrôler les marchandises et de lutter contre la fraude, contre 17 000 en France. La CGT demande une cartographie des besoins. Faites-la !

Aucun engagement n'a été pris en matière d'effectifs, vous n'annoncez que des redéploiements. Quel rendez-vous manqué !

Les douaniers rapportent moins depuis que vous les avez dépossédés, depuis 2018, de 81 milliards d'euros de recettes dont ils géraient l'assiette, le contrôle et le recouvrement, transférant 95 % des recettes à la DGFiP. Ministre et rapporteur, de concert, niaient toute perte de recettes : 12, 6 milliards d'euros collectés au titre de la TVA pétrole en 2021, contre 11 milliards d'euros en 2019. Nous ne pouvons vérifier ces chiffres, mais à cause de ce transfert, 28 % des contentieux douaniers - soit 5 milliards d'euros sur trois ans - vont faire l'objet d'une « admission en non-valeur », c'est-à-dire d'un abandon de créance.

Notre groupe votera contre ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur quelques travées du groupe SER)

Mme Sylvie Vermeillet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe INDEP) Le 22 septembre dernier, le Conseil constitutionnel a consacré la protection des libertés individuelles au détriment du cadre d'intervention des douanes. Les douaniers risquent de ne plus pouvoir ouvrir un coffre de voiture. Le tribunal de Lille a récemment relaxé un automobiliste britannique qui transportait dans sa voiture 20 kilos d'ecstasy.

Nos travaux doivent clarifier la législation et donner aux agents les moyens de travailler, dans le respect de la Constitution et du droit européen : encadrer sans entraver.

Avec la refonte du régime de la visite douanière, l'amélioration du contrôle des flux financiers, des outils d'enquêtes et l'adaptation des pouvoirs douaniers aux réalités numériques, le texte initial offrait des perspectives attendues.

Parmi les soixante amendements adoptés, nous saluons la création des agents de douane judiciaire (ADJ), qui assisteront les ODJ et renforceront l'Office national antifraude. Les douaniers pourront accéder aux informations de la DGFiP pour lutter contre la fraude à la détaxe de TVA. La levée du secret professionnel pour les obligations de non-prolifération chimique et la création d'un dispositif d'échange d'information entre douanes et police aux frontières sont aussi bienvenues. L'utilisation de drones pour lutter contre le trafic du tabac est une avancée réelle, dans la droite ligne de la jurisprudence récente du Conseil d'État, qui, mercredi dernier, a rejeté le recours en référé contre le décret du 19 avril relatif à l'utilisation de moyens aéroportés.

Un de nos amendements, qui s'est heurté à l'article 45 de la Constitution, confiait au seul ministre des douanes la responsabilité de fixer par arrêté le montant des redevances perçues à l'importation sur les denrées alimentaires d'origine non animale, pour permettre une évolution plus fine. J'y reviendrai en loi de finances.

M. Kern avait déposé un amendement pour prendre en compte les chaînes parallèles de distribution du tabac, notamment sur internet, et responsabiliser les plateformes pour qu'elles signalent et suppriment les contenus illicites, avec une sanction en cas de manquement. Vendre du tabac en ligne est interdit. Là aussi, il faudra y revenir. L'amendement n°79 d'Albéric de Montgolfier, qui a été adopté, tend à sanctionner les moteurs de recherche quand ils ne rendent pas inaccessibles les contenus porteurs d'infraction.

Monsieur le ministre, je vous remercie pour votre écoute. Le groupe UC votera en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe INDEP et du RDPI)

M. Jean Louis Masson .  - Je suis élu d'un département frontalier, très concerné par le trafic de drogues. Longtemps, quand on repérait des trafiquants, dans les zones rurales notamment, les gendarmes ne pouvaient spontanément fouiller les voitures : il fallait s'organiser en duo entre gendarmes et douaniers.

Je trouve la décision du Conseil constitutionnel aberrante. Les douaniers ne peuvent même plus contrôler les voitures. On se plaint tous du trafic de drogue, et le Conseil constitutionnel met à mal la lutte contre ce fléau ! Cour européenne des droits de l'homme, Cour de justice de l'Union européenne et maintenant Conseil constitutionnel... On ne peut plus rien faire ! On ne peut plus faire respecter l'ordre !

Je me réjouis de ce texte, même s'il est loin d'être parfait. Il ne sera toujours pas possible de fouiller spontanément une voiture. On ne décide rien, en fait. Entre protection de la vie privée des trafiquants de drogue et intérêts de la collectivité, doit-on donner la priorité aux premiers ?

Mais ces organismes wokistes acceptent tout aujourd'hui ! Monsieur le ministre, je suis très inquiet. Après les Pays-Bas, le Luxembourg s'apprête à autoriser la libre consommation de certaines drogues. Or dans mon département, cent mille travailleurs franchissent la frontière tous les jours. Au lieu de renforcer les contrôles, le Conseil constitutionnel, fier comme Artaban, supprime les moyens de contrôle ! (Mme Laurence Rossignol s'exclame.)

M. Christian Bilhac .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) L'espace Schengen regroupe 27 États européens, depuis le cercle arctique jusqu'au caillou de Gibraltar, avec chaque jour 3,5 millions de traversées des frontières. Assurer la lutte contre la fraude est un défi de taille, de même que coordonner l'action des forces de sécurité tout en préservant les libertés individuelles.

Le texte vise à corriger l'inconstitutionnalité de l'article 60 du code des douanes mais aussi à pérenniser le cadre des agents des douanes.

La direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI) compte 16 000 agents pour un budget de 1,6 milliard d'euros. Les contrôleurs sont confrontés à la multiplication de trafics de plus en plus complexes et difficiles à détecter, des stupéfiants au trafic des êtres humains. La numérisation des procédures multiplie les moyens d'investigation, mais aussi les possibilités de contournement. Je suis persuadé qu'il faut renforcer les moyens humains.

Le texte réécrit le droit de visite douanière, renforce les moyens d'action numérique et crée une réserve opérationnelle. Il rapproche le code des douanes du code de procédure pénale, avec l'information du procureur. L'article 1er fixe le rayon douanier à 40 km. Mais qu'en est-il si la zone ne correspond pas à la territorialisation du procureur ?

L'article 2 rend conforme à la Constitution l'article 60 du code des douanes. Quelles sont les conséquences opérationnelles de l'information du procureur, et par quels moyens ? Comme le demandait Nathalie Delattre, est-ce le procureur de Gironde ou celui des Landes qui sera compétent au premier péage de l'A63 à Arcachon ?

Je crains que nous soyons obligés d'embaucher pour des tâches administratives plutôt qu'opérationnelles, quitte à faciliter la vie des trafiquants. Les procédures pénales ne manqueront pas...

L'article 6 autorise la retenue temporaire d'argent liquide, afin d'appréhender les circuits financiers des activités criminelles. Le titre 2 rénove le cadre d'enquête des douanes, en vue de démanteler les réseaux criminels.

L'article 10 prévoit le gel des données numériques, l'article 10 bis facilite les échanges entre la douane et la justice. C'est important alors que la blockchain, par exemple, crée de nouvelles opportunités.

L'article 11 porte à quatre mois la durée de conservation des données des lectures automatisées des plaques d'immatriculation (Lapi).

À l'article 11 bis, l'échange d'informations entre services est facilité.

L'article 12 vise à lutter contre les trafics sur internet, notamment via les plateformes en ligne.

L'article 13 réforme le délit de blanchiment douanier correspondant au financement du terrorisme.

Déformation professionnelle oblige, quel est le rapport coût-bénéfice de chaque agent des douanes ? Ces professionnels évoluent dans un environnement pénible et dangereux. Nous saluons leur travail. Même si nos amendements n'ont pas été retenus, et malgré nos réserves, le groupe RDSE votera majoritairement ce texte, en espérant une mise en oeuvre rapide.

M. Albéric de Montgolfier .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Je ne pensais pas que la réforme du code des douanes susciterait un tel enthousiasme...

Mme Pascale Gruny.  - Si, si !

M. Albéric de Montgolfier.  - Je suis ravi de vous voir si nombreux. La décision du Conseil constitutionnel a été vécue comme un électrochoc - nous nous en serions passés. Mais cela a été l'occasion d'aller plus loin en vue de réformer un code des douanes très ancien. Je salue le travail d'Alain Richard, rapporteur pour avis au nom de la commission des lois, à cet égard.

Outre la réforme du droit de visite, le Gouvernement a proposé de nombreuses autres modifications. Monsieur le ministre, vous vouliez procéder par ordonnances lors du dernier projet de loi de finances : reconnaissez que la censure de ce cavalier par le Conseil constitutionnel nous offre l'occasion d'aller plus loin. (M. le ministre sourit.)

Nous avons eu des échanges constructifs, je vous en remercie.

Nous répondons à deux principales évolutions : la révolution technologique et le changement de comportement des organisations criminelles. L'article 6 donne la possibilité aux douaniers de retenir temporairement l'argent liquide circulant sur le territoire national en cas d'indices concordants. La lutte contre les flux illicites passe aussi par la lutte contre les flux financiers.

Les organisations criminelles se jouent des frontières et recourent à la technique des collecteurs de fonds. Nous devons étendre le périmètre du délit de blanchiment douanier. Le périmètre de la lutte contre le blanchiment inclura le recours aux crypto-actifs.

Le Sénat souhaitait défendre l'action des douaniers tout en leur offrant les garanties nécessaires : encadrer sans entraver. Cet équilibre n'est pas une contrainte, il garantira le bon fonctionnement des douanes.

Nous avons clarifié le droit au recours en matière de retenue temporaire et encadré la nouvelle prérogative permettant aux douaniers de geler les données informatiques en cas de visite domiciliaire.

L'obtention du retrait de contenus permettant des infractions en ligne - tabac, contrefaçon entre autres - est salutaire. Ces trafics sont nombreux et les petites infractions se multiplient. La commission des finances a encadré le dispositif et prévu des sanctions pour les intermédiaires en ligne ne respectant pas les injonctions des douanes.

Notre groupe soutient la réserve opérationnelle, la recodification par ordonnance ou le renforcement des sanctions contre le trafic de tabac - avec une saisie record de 650 tonnes l'année dernière.

Nous ne sommes pas naïfs : le renforcement des sanctions n'asséchera pas tous les flux illicites, mais nous en attendons beaucoup.

Les échanges d'information avec la justice et la police, le recours aux drones, la lutte contre la fraude à la détaxe de la TVA sont autant d'avancées dues au Sénat. La fraude à la TVA représente 20 à 25 milliards d'euros de pertes de recettes, selon la Commission européenne. J'espère que vous souscrirez à notre point de vue.

Le groupe Les Républicains votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Évelyne Perrot applaudit également.)

Mme Vanina Paoli-Gagin .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Avec l'augmentation des échanges, par ailleurs bénéfique, la contrebande menace de nombreux secteurs. La fraude gangrène notre contrat social : le Gouvernement l'a compris et je le remercie de nous avoir associés à ce travail de réflexion préalable.

La contrefaçon représente 10 milliards d'euros de fraude par an. Elle vole le fruit des efforts de créativité et d'innovation de nos entreprises. Elle nuit à la santé des consommateurs. On trouve des médicaments contrefaits, des plaquettes de frein kamikazes.

Le travail des douaniers protège à la fois la santé de nos concitoyens et notre balance commerciale. Les volumes interceptés augmentent : 11 millions de produits contrefaits, 104 tonnes de stupéfiants, 650 tonnes de tabac saisies en 2022.

Dans un monde toujours plus connecté, les agents des douanes doivent disposer d'outils ultramodernes. Ce texte y pourvoit, avec la captation audiovisuelle et les Lapi. Il faut aussi améliorer les capacités de renseignement des douanes. Le texte prévoit ainsi la saisie d'actifs numériques issus d'infractions. Immatériels ou non, les paiements frauduleux ne doivent pas échapper à la douane. La retenue temporaire d'argent liquide s'impose également. L'étape du blanchiment est cruciale.

Le texte renforce les pouvoirs des douaniers en créant une présomption de complicité : on participe à une fraude dès lors qu'on en tire un bénéfice. En achetant des marchandises illicites, les consommateurs portent atteinte à la sécurité et à la santé économique de leur pays. Ils financent des organisations violentes qui gangrènent nos quartiers : à Marseille, 32 homicides l'an dernier, et c'est encore la drogue qui est derrière la tuerie de Villerupt. Les consommateurs doivent en prendre conscience.

Les missions de la douane sont très variées, portent sur un volume croissant de marchandises et nécessitent des compétences pointues. À cet égard, la réserve opérationnelle est une avancée.

J'ai proposé d'expérimenter les conteneurs intelligents pour favoriser le suivi et la décarbonation : j'espère que cela sera pris en compte.

Le groupe INDEP votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, du RDPI et du groupe UC)

M. Guy Benarroche .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) Daniel Breuiller l'avait dit en discussion générale, ce texte est nécessaire. Nous ne voulons pas entraver l'action des douaniers, qui manquent cruellement de moyens.

Nous prônons l'adaptation, en matière climatique comme ailleurs. Nous saluons donc la réécriture de l'article 60 du code des douanes, à la suite de la censure du Conseil constitutionnel du 22 septembre.

La saisie de documents numériques est une avancée : nous veillerons à ce que les nouvelles missions des procureurs soient prises en compte dans les moyens qui leur seront alloués.

La réécriture de l'article 12 en commission est bienvenue, car les voleurs en ligne ont trop souvent un sentiment d'impunité. Il faut impliquer les opérateurs. La réforme d'ampleur prévue par l'Union européenne devrait s'appliquer à partir de février 2024.

Les réponses apportées par le texte sont pertinentes. Toutefois, nous resterons vigilants sur l'équilibre entre la lutte contre la fraude et le nombre de postes alloués à ces missions, d'une part, et le respect de la vie privée et des libertés individuelles, d'autre part.

J'émettrai deux réserves. La réserve opérationnelle ne nous semble pas justifiée, hormis pour des motifs budgétaires. Mieux vaudrait renforcer les effectifs permanents. À force de sous-doter les services publics, le Gouvernement finit par devoir pallier les carences - avec des personnels moins formés, sans statut. Nous sommes opposés à cette politique de ressources humaines au rabais. Les services publics doivent disposer de moyens à la hauteur de leurs missions.

La douane est une administration essentiellement civile. La création d'une réserve, ici comme ailleurs, présage une dérive. Quels moyens pour la formation et le transfert de compétence, alors qu'il n'y a que deux écoles de douane ?

Second point de vigilance, l'utilisation des drones doit être limitée à la police et à la gendarmerie. Il semble aventureux, comme l'a dit le rapporteur Alain Richard, que le Conseil constitutionnel valide l'utilisation de ces caméras pour faire la chasse aux migrants. Au-delà de considérations politiciennes, la surveillance de la frontière par drone est une gabegie financière, on l'a vu à la frontière mexicaine.

Nous ne voulons pas du tout-surveillance et plaidons pour une réflexion globale sur les mouvements migratoires à l'échelle européenne. Le projet de loi Immigration et intégration aurait dû en être l'occasion. Sans surprise mais avec déception, nous constatons que le Gouvernement privilégie la surveillance autoritaire. Certaines peines sont multipliées par cinq et vous interdisez de territoire des voleurs à la sauvette de cigarettes - alors que nombre d'obligations de quitter le territoire français (OQTF) ne peuvent être exécutées. Au lieu de stigmatiser les étrangers les plus précaires, traquons plutôt les têtes de réseaux, qui exploitent la misère ! Cette répression qui ne s'intéresse qu'à l'étranger délinquant rappelle la proposition de loi poujadiste des députés d'extrême droite, faite pour séduire les buralistes. Monsieur le ministre, ce n'est pas vous : ne flirtez pas avec ces idées dangereuses !

Nous resterons vigilants sur l'équilibre avec les droits et libertés, ainsi que sur les moyens. Compte tenu de ses réserves, le GEST s'abstiendra. (Applaudissements sur les travées du GEST)

M. Didier Rambaud .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Au nom du groupe RDPI, je salue la qualité du travail des deux rapporteurs sur ce texte qui est le fruit d'un compromis. La pratique n'étant plus conforme à la jurisprudence du Conseil constitutionnel, il fallait permettre aux agents de lutter contre des pratiques frauduleuses qui évoluent, sans jamais renoncer à la protection des libertés individuelles.

Encadrer sans entraver : voilà notre préoccupation. Le Conseil d'État, dans sa langue si particulière, appelle le législateur à assurer « une conciliation équilibrée entre la recherche des auteurs d'infractions et la liberté d'aller et de venir et le droit au respect de la vie privée ». Il est urgent de voter ce texte car le Conseil constitutionnel nous impose de rénover le cadre juridique avant l'échéance fatidique du 1er septembre 2023.

La balle est dans le camp de l'Assemblée nationale : j'espère qu'elle enrichira le texte, malgré la volonté de certains qui s'opposent aux projets de loi les plus nécessaires. Si le texte n'est pas adopté avant septembre, la douane n'aura plus les moyens d'agir. Le ministre l'a rappelé : la décision du Conseil constitutionnel ne doit pas servir de prétexte fallacieux aux malfrats pour faire annuler des condamnations.

La décision du Conseil constitutionnel fut un « électrochoc », selon les termes mêmes de la DGDDI : en votant ce texte, nous enverrons un signal positif aux agents chargés de cette mission si importante. Votre réforme, monsieur le ministre, est d'une ampleur inédite depuis 1948.

M. Rachid Temal.  - Au moins !

M. Didier Rambaud.  - C'est pour toutes ces raisons que le RDPI votera ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; Mme Évelyne Perrot applaudit également.)

M. le président. - Voici le résultat du scrutin public solennel n°292 :

Nombre de votants 340
Nombre de suffrages exprimés 328
Pour l'adoption 313
Contre   15

Le projet de loi est adopté.

(Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées des groupes INDEP, UC et Les Républicains)

M. Gabriel Attal, ministre délégué chargé des comptes publics .  - Je remercie le Sénat pour son vote, ainsi que les deux rapporteurs. La douane méritait ce premier projet de loi qui lui était consacré depuis 65 ans, pour préserver le droit de visite mais aussi pour faire face aux nouvelles menaces, dont le cyber.

Votre vote à une très large majorité adresse un message fort de soutien aux douaniers, dont nous sommes fiers. (Applaudissements sur les travées du RDPI, du groupe INDEP, du RDSE, ainsi que sur plusieurs travées des groupes UC et Les Républicains)

La séance est suspendue à 15 h 35.

Présidence de Mme Laurence Rossignol, vice-présidente

La séance reprend à 15 h 45.

Accord en CMP

Mme la présidente.  - J'informe le Sénat que la commission mixte paritaire (CMP) chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à encadrer l'influence commerciale et à lutter contre les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux est parvenue à l'adoption d'un texte commun.

La France rurale face à la disparition des services au public

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle le débat sur la France rurale face à la disparition des services au public à la demande du groupe Les Républicains.

M. Jean-Marc Boyer, pour le groupe Les Républicains .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Voilà six ans, je présentais une proposition de loi pour promouvoir la ruralité comme grande cause nationale ; malheureusement, je n'ai pas été entendu.

La diagonale du vide ne doit pas être une fatalité ; hélas, elle s'étend et la France continue à se fracturer, suscitant la colère des ruraux, qui subissent les déserts médicaux, la fracture rurale, le zéro artificialisation nette (ZAN), la défiguration des éoliennes, le recul de la présence postale, le transfert imposé de la compétence Eau et assainissement aux intercommunalités, l'accessibilité insuffisante des territoires.

Quelques chiffres : 80 % des communes rurales gagnent des habitants. Deux millions de néoruraux se sont installés dans des communes de moins de 2 000 habitants en vingt ans : les zones rurales accueillent donc 100 000 habitants par an. Il faut les soutenir contre la disparition des services au public, dans une démarche globale associant l'agriculture, le commerce et le développement économique. Nous ne voulons plus de trains à petite vitesse et d'autres à grande vitesse ; plus de territoires premiers de cordée et d'autres méprisés.

Les dix-sept millions d'habitants du Grand centre Auvergne-Massif central doivent s'asseoir sur la mobilité ferroviaire. En 2018, Élisabeth Borne, alors ministre des transports, affirmait au Sénat que les enjeux d'aménagement du territoire seraient pris en compte. Quelle déception de découvrir ensuite que les projets inscrits dans le Grenelle de l'environnement étaient balayés d'un revers de la main !

Voici la difficile vérité des territoires enclavés, aggravée par la loi NOTRe (Nouvelle organisation territoriale de la République) : sentiment d'abandon, augmentation des inégalités, raréfaction des services au public. Il faut un véritable plan Marshall pour nos territoires, qui pérennise les lignes aériennes de service public face aux impératifs de rentabilité et à l'écologisme qui négligent l'humain. Pour certains territoires, pas d'avion, c'est une condamnation à rester isolés.

L'emploi est de plus en plus connecté : le monde rural doit pouvoir saisir cette occasion, de même qu'il en a besoin pour la télémédecine. Ainsi, la 5G doit se déployer sur tout le territoire, sinon nous accentuerons les fractures. Garder nos territoires accessibles est la condition de leur développement, ou plutôt de leur survie.

Le service public de l'éducation est en tension : les classes et les écoles ferment, et 2 000 postes ont été supprimés en zone rurale. Les maires qui, mieux que quiconque, connaissent leur territoire, veulent une concertation qui prenne en compte les contraintes territoriales, avec notamment un indice d'éloignement. L'école rurale, proche et de qualité, est une chance pour nos enfants. Les zones rurales devraient elles aussi bénéficier du dédoublement des classes.

Le ZAN doit prendre en compte les spécificités des territoires ruraux et de montagne. Aucune commune ne doit être sacrifiée sur l'autel du ZAN, surtout les communes rurales ayant peu consommé de foncier par le passé.

M. André Reichardt.  - Très bien !

M. Jean-Marc Boyer.  - Battons-nous pour un droit au projet et pour que cesse le déclin des services publics.

Enfin, battons-nous contre les dogmes technocratiques : la Cour des comptes s'en est prise à nos bêtes, dont les pets et les rots nous conduiraient à notre perte. C'est une cabale hystérique : un animal émettrait autant de CO2 qu'un réacteur ? Comment comparer notre France rurale, et ses quelques millions d'habitants, à Pékin ou Delhi, où le bleu du ciel n'existe plus ?

Agents de la Cour des comptes, venez écrire vos rapports dans nos champs ! Vous voulez réduire le cheptel : il y a 17 millions de bovins en France, 17 milliards dans le monde, et le cheptel se réduit déjà depuis quelques années, alors que des méthaniseurs se créent pour produire de l'énergie propre à partir des déjections de vaches.

Soyons sérieux : vous aurez encore la chance de manger une bonne viande française et les meilleurs fromages au monde, ce que de plus en plus de Français n'ont plus dans leur assiette - leur viande vient d'Argentine, d'Écosse, du Brésil, qui n'appliquent pas les mêmes normes sanitaires. La France rurale doit se développer pour ne pas disparaître. Valorisons ses richesses ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur plusieurs travées du groupe UC)

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité .  - Je vous remercie d'avoir organisé ce débat. Les services au public sont au coeur de la promesse républicaine, des banlieues aux campagnes, en métropole comme dans les outre-mer.

La question cruciale des services ruraux attire votre attention comme la nôtre. Espérons que nous aurons d'autres occasions de débattre pour trouver les solutions les plus adaptées.

Ce débat est ainsi l'occasion de rappeler certains points de l'action du Gouvernement. Notre pays a fait évoluer ses services publics en regard des évolutions démographiques et sociologiques de notre territoire. Certes, certains services ferment ou se transforment. Cependant, nous veillons à ce qu'ils restent à proximité de tous nos compatriotes, notamment en assurant l'équilibre de la couverture numérique.

La dématérialisation s'accompagne ainsi de l'ambition d'une couverture totale d'ici à 2025. Comme le rappelle Stanislas Guerini, numérisation ne doit pas rimer avec déshumanisation. Nous avons déjà prévu 250 millions d'euros dans le cadre de France Relance pour financer 4 000 conseillers numériques dans les maisons France Services, avec le déploiement parallèle d'Aidants Connect et de kits d'inclusion numérique.

Le maillage territorial est garanti par les 2 600 maisons France Services installées en trois ans, qui mettent tous les Français à moins de trente minutes d'un service au public. Nous en visons 2 750 d'ici à la fin 2023. France Services fonctionne : 14 millions de demandes depuis leur création et 600 000 accompagnements chaque mois, quatre citoyens sur cinq qui reçoivent une solution dès la première visite, avec un taux de satisfaction de 94 %. Les plus fragiles - personnes âgées, jeunes isolés - sont les premiers concernés.

Au total, neuf services au public sont présents dans les maisons France Services, dont les centres des finances publiques, les caisses d'allocations familiales, La Poste, la Mutualité sociale agricole. Stanislas Guerini travaille à y implanter la Banque de France.

Il faut y ajouter les 145 bus labellisés France Services, qui sillonnent nos campagnes dans une logique « d'aller vers ». Nos concitoyens se familiarisent avec eux : sept Français sur dix les connaissent déjà.

Les collectivités territoriales sont mobilisées. Pour assurer la pérennisation des maisons France Services, l'État a relevé la subvention aux collectivités territoriales à 35 000 euros en 2023.

Ainsi, ce dispositif participe d'un véritable retour de l'État dans les territoires, après trente années qui ont nourri un sentiment d'abandon. Les 2 600 maisons France Services en témoignent. Nous rouvrons cinq sous-préfectures, nous créons une sous-préfecture à Saint-Georges-de-l'Oyapock, en Guyane, et nous déployons plus de 200 brigades de gendarmerie dans les territoires ruraux et périurbains.

La création de l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT)...

M. Laurent Duplomb.  - Cela ne sert à rien !

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - ... marque cette volonté forte du Gouvernement de rapprocher les moyens des collectivités territoriales et de l'État. La nouvelle plateforme centralisée permet de rapprocher les élus des aides existantes.

Depuis 2019, l'agenda rural, doté de 10 milliards d'euros, propose un véritable schéma d'ensemble, en matière de formation, de transition écologique ou de commerce, avec des avancées notables : le programme Petites villes de demain apporte ainsi un soutien à l'innovation, à l'accompagnement au numérique, au lien social.

Dans quelques semaines, le plan France Ruralité prendra le relais de l'agenda rural, avec de nouveaux programmes d'ingénierie pour les petites communes rurales, et une pérennisation des zones de revitalisation rurale (ZRR) ; cela vous sera présenté dans un projet de loi à l'automne. Il s'agira de mieux valoriser ces zones et de protéger les aménités rurales. Cent chefs de projets chargés des questions de ruralité ont déjà été recrutés pour contribuer à cette dynamique.

L'État ne laissera pas la ruralité au bord du chemin. L'accessibilité aux services publics est au coeur de nos préoccupations, dans une logique interministérielle. Nous savons qu'il nous reste du chemin à parcourir, mais nous savons aussi ce qui a été fait.

Pour renforcer la relation de confiance qui nous lie à nos citoyens, l'accessibilité des services au public est essentielle. Un débat comme celui-ci contribue à la mobilisation de tous. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées du groupe UC)

Mme Michelle Gréaume .  - L'accès aux services publics en zone rurale n'a pas progressé depuis 2019 et la crise des gilets jaunes. La casse des services publics continue, ils se réduisent à peau de chagrin, le sentiment d'abandon empire alors que la demande sociale augmente. Le mouvement de désertification s'étend aux services au public. La solidarité nationale se matérialise dans des dispositifs de plus en plus complexes alors que 21 000 communes, soit 62 %, n'ont plus de commerces, contre 25 % en 1980 : cela approfondit les inégalités.

Les habitants doivent ainsi faire face au dilemme entre accessibilité et qualité. En matière de santé, la ségrégation par le revenu crée une distance physique comme sociale. Voilà qui sape les fondements de notre démocratie.

Commençons par évaluer les dispositifs existants avant de passer de l'agenda rural à France Ruralité : en quoi cela changera-t-il la donne ?

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - Les services en ruralité pourraient être plus performants, j'en ai bien conscience. En revanche, nous divergeons sur l'évaluation. Nous sommes tout à fait intéressés par une évaluation objective des maisons France Services.

Le pilotage par la donnée fait l'objet d'une attention forte de la direction du programme. Tous les dispositifs de l'ANCT font l'objet d'évaluations, à l'instar du programme Petites villes de demain.

Mme Daphné Ract-Madoux .  - L'État n'est pas resté inactif. Avec France Services et les schémas départementaux d'amélioration de l'accessibilité des services au public (SDAASP), l'État a agi. Dans l'Essonne, nous avons 24 maisons France Services, et bientôt un bus itinérant dans le Sud rural.

Ce dispositif soulève néanmoins des interrogations. Moins d'un quart des maisons France Services seraient accessibles en transports en commun. Le confirmez-vous ? À l'heure de la décarbonation, que prévoit le Gouvernement pour y remédier ? Ne faudrait-il pas multiplier les bus itinérants ?

Je souhaiterais également savoir si vous comptez élargir le panier de services disponibles.

Enfin, le financement du personnel employé dans les maisons France Services induit un fort reste à charge pour les collectivités. Prévoyez-vous un nouveau plan de financement entre celles-ci et l'État ?

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - Nous n'avons pas connaissance de la donnée que vous mentionnez. Quelque 95 % des Français sont à moins de 20 minutes d'une maison France Services, et 99 % à moins de 30 minutes ; mais nous allons bien développer les bus itinérants.

Je confirme également que le panier de services sera élargi.

M. Éric Gold .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE ; M. Patrick Chaize applaudit également.) Coeur battant des communes selon le ministre Stanislas Guerini, véritable couteau suisse des maires, ils sont 14 000 à exercer ce métier indispensable dans les 29 000 communes de moins de 3 500 habitants : les secrétaires de mairie. La mairie est le seul service public qui existe dans toutes les communes. C'est un service public connu de tous, compréhensible par tous, ce qui n'est pas le cas des maisons France Services.

Or le métier de secrétaire de mairie est celui de la fonction publique territoriale où les tensions de recrutement sont les plus importantes, avec 1 900 postes sont vacants et un tiers des agents qui partiront en retraite d'ici à 2030.

Les maires sont inquiets, face à une colère qui nourrit le vote sanction d'extrême droite. Les services publics se numérisent à outrance, alors que le sentiment d'abandon grandit. Il faut réinvestir les territoires ruraux en prenant garde aux signaux négatifs comme le ZAN.

Le Sénat, le 6 avril dernier, a adopté une proposition de loi sur les secrétaires de mairie, une deuxième sera examinée le 14 juin. Mon groupe préside une mission d'information sur l'avenir de la commune. Quel rôle futur envisagez-vous pour les secrétaires de mairie dans ce contexte ? (Applaudissements sur les travées du RDSE)

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - Je partage votre diagnostic. Nous avons pris le sujet à bras-le-corps avec Stanislas Guerini. Nous envisageons que les fonctions de secrétaire de mairie soient exercées a minima à un niveau d'emploi de catégorie B. Une proposition de loi sénatoriale du groupe RDPI, soutenue par le Gouvernement, prévoit d'ouvrir de nouvelles voies d'évaluation pour ces personnels, sous exigence de formation, en accélérant les carrières.

Ensuite, nous travaillons à un changement de nom, demandé tant par les intéressés que par leurs employeurs, afin de rendre justice aux responsabilités exercées.

Mme Pascale Gruny .  - Si la crise sanitaire a renforcé l'engouement des Français pour le milieu rural, les difficultés perdurent, tout comme le sentiment d'abandon, accentué par la hausse des dépenses de carburant.

Les services publics mobiles sont particulièrement adaptés - plusieurs rapports du Sénat préconisent leur développement. Dans l'Aisne, un camion-piscine permet de familiariser les élèves de maternelle à l'aisance aquatique.

Les initiatives locales sont nombreuses et ingénieuses, mais sont souvent fort coûteuses et peinent à couvrir les besoins. Comment encourager leur développement ?

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - La politique de soutien aux tiers-lieux est un modèle de coconstruction entre État et collectivités territoriales. Le GIP France Tiers-lieux a un budget de 1,498 million d'euros. Le programme Nouveau lieux nouveaux liens de l'ANCT permet aussi de prendre en compte de nouveaux enjeux, avec 45 millions d'euros mobilisés pour soutenir 300 fabriques de territoires, socles d'un développement territorial plus équilibré des tiers-lieux. Le fonds de soutien aux associations a été doublé en 2023, avec un budget de 2 millions d'euros.

Oui, il faut innover dans les territoires. L'ingénierie est prise en charge à 100 % par l'ANCT pour les communes de moins de 3 500 habitants et les intercommunalités de moins de 15 000 habitants.

Mme Pascale Gruny.  - Les tiers-lieux sont intéressants, mais il faut prendre son véhicule pour s'y rendre, et je parlais d'innovation pour les services itinérants ! Un camion-piscine, c'est 500 000 euros. Les dotations d'équipement des territoires ruraux (DETR) restent totalement à la main des préfets et ne correspondent pas à ce que l'on attend sur le terrain. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - Nous espérons développer 150 bus France Services et le fonds consacré au commerce rural de 12 millions d'euros pourra aussi bénéficier aux commerces ambulants.

Mme Pascale Gruny.  - Merci pour vos précisions, mais il faut soutenir les bonnes pratiques. Les dotations restent au même niveau, mais les charges flambent. Il faut nous accompagner. Cette semaine, les maires m'ont encore alertée à ce sujet. Les banques ne suivent plus les communes, et la population est en colère. Il faut y prendre garde ! Évitons l'installation de deux France complètement séparées, celle des métropoles et celle de la ruralité. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Franck Menonville .  - Notre niveau de prélèvements obligatoires est l'un des plus élevés d'Europe. Mais comme les services publics se dégradent, les Français ont le sentiment de ne plus en avoir pour leur argent. Ce phénomène est exacerbé dans les territoires ruraux. Les maisons France Services ne résolvent pas tout. La dématérialisation croissante renforce l'isolement de certaines populations ; il faut donc réarmer les services publics, notamment les services déconcentrés de l'État.

Les 34 000 communes de France et leurs secrétaires de mairie sont un réseau essentiel : il faut en faire la porte d'entrée des services. Cela suppose de la formation et un accompagnement par l'ANCT.

Comment favoriser les complémentarités entre maisons France Services et secrétaires de mairie ? Cela revaloriserait l'institution municipale.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - Nous devons toujours et encore travailler sur la crête entre accompagnement vers le numérique et accompagnement humain.

Souvent, un conseiller numérique accompagne les deux agents des maisons France Services.

Avec 250 millions d'euros déployés en deux ans, la médiation numérique connaît un nouveau souffle. Pour pérenniser ces conseillers, nous prévoyons 44 millions d'euros dans le programme 349 du projet de loi de finances pour 2023, dont 9 millions iront aux ZRR.

La complémentarité entre les maisons France Services et les secrétaires de mairie est au coeur de nos préoccupations. Nous travaillons à une formation de base pour que les secrétaires puissent orienter efficacement les citoyens qui ne les connaissent pas encore vers les maisons France Services.

M. Bernard Buis .  - Pierres angulaires de la relation entre citoyens et État, les services au public sont de précieux thermomètres de la cohésion des territoires. Les zones rurales représentent 88 % des communes françaises, 92 % du territoire et 33 % de la population avec 22 millions d'habitants - nous sommes le deuxième pays le plus rural de l'Union européenne, après la Pologne.

La présence des services publics en zone rurale est un enjeu considérable ; les maisons France Services sont un symbole de renouveau de la proximité entre citoyens et État. Le rapport de notre collègue Bernard Delcros a montré le caractère essentiel de sa dimension humaine.

Le réseau des maisons France Services, avec ses 2 538 structures, est aujourd'hui salué par une majorité d'usagers - 93 % sont satisfaits. Mais nous devons travailler ensemble pour améliorer le dispositif. Le modèle itinérant peut être une solution, comme les maisons France Services multisites - celle du Diois dessert ainsi 50 communes, celles de Die étant surchargée. Les secrétaires de mairie y ont un rôle essentiel pour la prise de rendez-vous.

Comment développer plus de maisons France Services multisites ou itinérantes ?

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - L'élargissement du bouquet de services est une priorité. Des expérimentations sont en cours avec le centre national des oeuvres universitaires et scolaires (Cnous) et la Banque de France ; nous y réfléchissons avec l'Agence nationale de l'habitat (Anah). Toutefois, il faut veiller à la soutenabilité de la charge de travail pour les agents, qui doivent déjà monter en compétence sur neuf services d'État. Ne détériorons pas la qualité de service.

La formation annuelle des agents des maisons France Services doit encore être renforcée. Un plan triennal d'évaluation des maisons France Services a été engagé : 900 seront auditées en 2023.

À partir de septembre 2023, nous déploierons 500 bornes de satisfaction et améliorerons leur exploitation.

Les maisons France Services doivent également participer à l'expérimentation Service Public plus avec une publication immédiate des résultats.

La présence d'un conseiller numérique dans les locaux d'une maison France Services est très efficace. Celles-ci sont parfois dotées d'une antenne itinérante, et nous travaillons avec Stanislas Guerini sur les maisons multisites.

Mme Viviane Artigalas .  - La disparition des services publics de proximité est l'une des principales causes de découragement des maires, dont l'engagement est motivé par le service rendu aux citoyens. Mon département des Hautes-Pyrénées est très touché, notamment par la fermeture des trésoreries qui allonge les déplacements des citoyens, compliqués sur les routes de montagne. De nombreuses collectivités territoriales se sont engagées dans un schéma départemental. La présence physique d'un agent est indispensable. Les élus et habitants des territoires ruraux ne peuvent se contenter d'annexes provisoires, qui ne compensent pas la perte de qualité.

Faire des économies en supprimant des services essentiels contribue au sentiment d'abandon. Comptez-vous mettre fin à ces fermetures ?

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - Je ne crois pas, pour ma part, que des trésoreries soient indispensables partout. Je connais le sujet dans les Hautes-Pyrénées, où j'ai rencontré les élus et les organisations syndicales, que je dois revoir. Le nombre de contribuables qui se rendent à la trésorerie s'est réduit vertigineusement, et s'il y a cinq ou six maires qui se déplacent, c'est le maximum : il leur suffit de téléphoner. Nous proposons de créer une fonction de conseiller financier qui se déplacera dans les mairies.

Je me suis engagée à échanger avec l'ensemble des acteurs, notamment avec les directeurs départementaux et régionaux des finances publiques ; mais à mes yeux, les trésoreries sont un service auquel on s'est habitué, mais pour lequel on peut être plus efficace.

Mme Viviane Artigalas.  - Ces fermetures impliquent d'avoir recours à un comptable pour établir le budget de la commune. Lorsque le maire téléphone, il ne tombe jamais sur la même personne. Auparavant, les deux fonctions de conseil et d'exécution étaient assurées par une seule et même personne.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - Ce sera toujours le même conseiller financier qui viendra voir les maires.

Mme Viviane Artigalas.  - Cette réorganisation a déjà été expérimentée : les maires m'ont confirmé qu'ils ne sont pas toujours en contact avec la même personne.

Ce phénomène s'inscrit dans un contexte de forte diminution des emplois dans les services des finances publiques. Certains secrétaires de mairie doivent gérer jusqu'à sept budgets ! Les communes rurales font face à des difficultés croissantes.

Mme Sylvie Vermeillet .  - (Mme Daphné Ract-Madoux et M. Franck Menonville applaudissent.) Dans les territoires ruraux, la santé est le premier sujet de préoccupation. Durant la crise sanitaire, on a beaucoup parlé de la première ligne. Dans le Jura, comme ailleurs, elle est de plus en plus fragile.

À chaque fermeture d'une ligne de structure mobile d'urgence et de réanimation (Smur), comme le dit l'agence régionale de santé (ARS), on fait avec ceux qui restent : des pharmaciens, des infirmiers, des aides-soignants, des sages-femmes. Ces équipes de paramédicaux se retrouvent seules dans les Ehpad, à vacciner ou à faire accoucher sur le bord d'une route... Ils ont le sens de l'intérêt général chevillé au corps, mais ils ont peur, car leur responsabilité peut être engagée. Il faut les revaloriser, mais aussi les protéger.

Comment articulez-vous les fermetures des Smur et la constitution des équipes de secours ? Quelle reconnaissance et quelles garanties juridiques pour ces personnels ?

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - Comment s'organiser face au manque de médecins ? Cette question est pertinente.

Pas moins de 657 maisons de santé pluriprofessionnelles (MSP) ont été ouvertes en zone rurale ; 5 000 communes rurales sont couvertes par un contrat local de santé.

Nous devons encore mieux faire, car nous sommes attendus sur ce sujet. Le pacte Santé est une solution. Rémunérer les médecins acceptant des missions supplémentaires est une autre piste, tout comme la télémédecine. Les 600 000 personnes souffrant d'une affection de longue durée ont besoin d'un médecin traitant. Des tiers-lieux en santé se développent, notamment autour de l'aidance et de l'accompagnement.

Oui, ces personnels ont l'intérêt général chevillé au corps : nous travaillons à améliorer la sécurité juridique de ces personnels.

Mme Sylvie Vermeillet.  - Merci pour votre réponse. J'attire votre attention sur l'urgence de certaines situations...

M. Bruno Sido .  - Dans la France rurale, les Français ont de plus en plus de difficultés à se faire soigner. Ils ne peuvent plus se rendre dans les trésoreries, qui ont fermé leurs portes pour des raisons financières, mais quand 20 % de la population ne sait pas se servir du numérique, la dématérialisation ne peut être la seule réponse. Dans la France rurale, les écoles ferment. Le Président de la République avait promis qu'aucune fermeture n'interviendrait sans l'accord du maire. Or c'est souvent l'intercommunalité qui gère les affaires scolaires et elle cherche avant tout à réduire les frais. Face à la baisse du nombre d'élèves, on crée des écoles de Parténia, sans élève ni professeur, ce qui est une fausse solution.

Où est la promesse de l'État d'assurer l'égalité d'accès aux services publics entre tous les Français ?

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - L'école constitue le premier service public de France avec un maillage territorial très dense : 63 000 implantations.

Les effectifs d'élèves baissent durablement, ce qui rend inéluctables les fermetures de classes. Le 31 mars, la Première ministre a annoncé un nouveau plan pour l'école en milieu rural, qui donne une visibilité de trois ans aux maires. Les élus locaux y seront associés systématiquement. Ainsi, l'école contribuera à l'attractivité des territoires. Une analyse d'impact de cette mesure dans les ZRR actuelles et futures est en cours. Nous ne voulons pas d'écoles sans élèves ni enseignants.

M. Bruno Sido.  - La situation est intenable : la parole du Président de la République doit peser. Or l'essentiel des compétences scolaires relève des intercommunalités, qui veulent faire des économies alors que les maires ne veulent pas fermer.

Maintenir le diocèse de Parténia, depuis longtemps inhabité, a été un moyen pour les papes d'y nommer des évêques gênants. Telle est la situation des écoles en milieu rural.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - Le président de l'intercommunalité, toujours avisé, n'informe pas forcément le maire d'une fermeture. Je prends devant vous l'engagement d'écrire à mon collègue ministre de l'éducation nationale pour lui transmettre votre demande ; peut-être cela passera-t-il par une circulaire aux directeurs académiques des services de l'Éducation nationale (Dasen)...

M. Bruno Sido.  - Merci !

M. Éric Kerrouche .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Les zones blanches - ou grises - deviennent des zones de relégation numérique, alors que de plus en plus de services publics sont dématérialisés.

L'égalité devant le numérique est une question majeure. En 2018, le New Deal mobile était conclu entre tous les acteurs. Le bilan est globalement positif, mais des inégalités demeurent alors que le terme approche. Ainsi, le déploiement de 5 000 sites était prévu d'ici à mai 2025, dont 2 000 en zone blanche. Or seuls 2 200 sites ont été déployés et les élus déplorent un manque de dialogue sur le terrain.

Certes, la crise sanitaire a joué un rôle, mais comment faire en sorte que les engagements des opérateurs soient tenus et que la fracture numérique se résorbe ?

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - Oui, la dématérialisation implique une meilleure couverture mobile.

Le dispositif prévoyait un échelonnement annuel de 5 000 sites par opérateur. Nos chiffres diffèrent un peu : aujourd'hui, 4 217 zones, identifiées avec les collectivités territoriales, restent à couvrir : 2 344 pylônes ont déjà été mis en service.

Nous avons collectivement conscience que certaines zones blanches pourraient demeurer après le New Deal. Jean-Noël Barrot fait pression sur les opérateurs pour que les engagements soient tenus.

M. Éric Kerrouche.  - Personne ne conteste les progrès, mais il ne faut pas qu'on laisse se multiplier les relégués de la relégation. Sinon, certains auront le sentiment que des territoires peuvent rester durablement dans l'oubli, ce que personne ne souhaite ici. (Mme la ministre acquiesce.)

M. Stéphane Sautarel .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) L'État s'incarne essentiellement dans ses administrations. C'est lui qui fixe le cadre juridique dans lequel les autres personnes publiques agissent. Aujourd'hui, les services publics, c'est l'école, les impôts, la téléphonie, la Poste. Or ils sont de moins en moins visibles - le numérique et l'évolution démographique y sont pour beaucoup, alors que le poids de la contribution publique ne cesse de croître : personne n'en a pour son argent.

Les maisons France Services sont utiles, mais elles ne sauraient masquer les fermetures.

Certes, des engagements ont été pris en faveur des gendarmeries, mais quid de la santé et de l'éducation ? Leur dimension d'aménagement du territoire est ignorée. Dépassons les seuls ratios de population.

Comment renouer avec un égal accès pour tous, une nécessité démocratique ?

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - Vous parlez des trésoreries : leur champ d'action est couvert par les maisons France Services, ce qui n'est pas le cas de l'école.

Nous avons avancé sur le sujet de la téléphonie. Sur la santé, la Première ministre devrait faire des annonces d'ici un mois dans le cadre de France Ruralité. En attendant l'effet de la quatrième année d'internat, nous aurons quatre années difficiles. Le site Solutions d'élus recense les initiatives qui fonctionnent.

Pour l'école, nous avons encore du travail : nous voulons donner de la visibilité aux maires sur trois ans. Nous continuons de travailler avec les élus.

M. Stéphane Sautarel.  - Merci pour ces réponses. Ma question portait sur la confiance : le lien s'est rompu. Il faut de vraies réponses en matière d'éducation et de santé, les plus prioritaires avec la sécurité. J'espère que France Ruralité répondra à nos attentes. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Christian Redon-Sarrazy .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) La disparition des services publics ne fait qu'accroître le sentiment d'abandon des territoires ruraux. Trésoreries, antennes de Pôle emploi et de la CAF : autant de disparitions compliquant la vie de nos concitoyens en France rurale. Les maisons France Services n'ont pas toujours l'expertise nécessaire et les Français ne savent pas tous surfer sur internet, sans compter qu'ils ne sont pas systématiquement dotés d'ordinateurs, tablettes ou smartphone dernier cri.

Les conseillers numériques offrent un accompagnement aux 13 millions de Français concernés. Il y a eu 4 000 recrutements, mais la question de la pérennité de leur financement inquiète les élus.

En outre, ils sont insuffisamment nombreux : il faut un déploiement plus ambitieux, mais qui le financera ?

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - En effet, tous nos concitoyens ne sont pas équipés d'un smartphone ou d'une tablette, mais un PC suffit généralement pour accéder aux services. Quelque 4 000 conseillers numériques ont été déployés pour former nos concitoyens. (Mme Martine Filleul est dubitative.)

Nous avons franchi une étape importante : 33 millions de locaux raccordés à la fibre, dont 10 millions dans les zones d'initiative publique. La dynamique est bien installée, mais il faut rester prudent : un fort ralentissement du déploiement est observé dans les zones d'initiative privée.

L'appropriation de la fibre par nos concitoyens se poursuit. On recense 17 millions d'abonnements FTTH ; 77 % des foyers et entreprises sont raccordés à la fibre. Pour les 6 % raccordés par le réseau cuivre, l'État a mis en place le dispositif Cohésion numérique des territoires, piloté par l'ANCT, afin d'assurer sur tous les territoires un accès de qualité à internet.

Mme Sylviane Noël .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Des services de qualité sont un facteur majeur de l'attractivité des territoires ruraux, s'agissant en particulier de l'accueil des jeunes enfants et de la couverture médicale. Or, dans ces deux domaines, les difficultés des territoires ruraux sont bien réelles.

L'accueil du jeune enfant, souvent associatif, représente une charge insurmontable pour les petites communes, dont le budget est déjà sous tension. Quel accompagnement l'État prévoit-il pour développer ces services essentiels aux familles ?

Sur le plan de la couverture médicale, la modification du calcul des indemnités kilométriques des infirmières libérales en zones rurales et de montagne entraîne pour elles des pertes financières pouvant atteindre 30 %. Nombre d'entre elles sont découragées et se rendent dans les zones plus denses. C'est un coup dur pour les territoires concernés et une rupture d'égalité criante. Comment le Gouvernement compte-t-il y remédier ?

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - Je le répète, nous aurons trois à quatre années difficiles en matière de santé, mais France ruralité devrait rassurer les élus qui mènent des projets dans ce domaine. Nous investissons et compensons les déficits de fonctionnement.

Je suis d'accord avec vous : l'indemnité kilométrique ne permet pas à nos infirmières de travailler dans des conditions convenables. (M. Jean-Claude Anglars abonde.) Je m'engage à signaler ce problème à mon collègue François Braun.

L'accueil du jeune enfant est une compétence municipale : DSIL, DETR et fonds vert contribuent au financement de ces services.

Mme Sylviane Noël.  - Votre réponse ne me satisfait absolument pas. S'agissant des infirmières, je vous parle d'un problème immédiat, notamment en Haute-Savoie. Si rien n'est fait, nous allons au-devant d'une catastrophe sanitaire. Songez que l'indemnité est de 14 euros pour vingt-quatre visites ! Qui se déplace pour 60 centimes le kilomètre, notamment en montagne ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Guillaume Chevrollier .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La disparition des services au public a pour corollaire la dématérialisation croissante des démarches.

Dans ce contexte, 99 % des Français vivraient à moins de trente minutes d'une maison France Services, 90 % à moins de vingt minutes. La Mayenne compte ainsi dix-sept de ces espaces. C'est une bonne chose, mais n'oublions pas les treize millions de Français qui souffrent d'illectronisme.

L'accès électronique exclusif à certains services, comme France Rénov', entraîne un risque de fracture. Il faut développer la formation au numérique : la plateforme Aidants Connect et le recrutement de plusieurs milliers de conseillers numériques vont dans ce sens.

L'illectronisme renvoie à des problèmes d'isolement, de précarité, de mobilité difficile. Les personnes âgées, pas toujours équipées en matériel informatique, ne peuvent pas toujours se déplacer jusqu'aux formations.

Pour assurer une proximité réelle, des dispositifs ciblés sont-ils prévus pour les ZRR ? Comment venir en aide aux populations qui ne se déplacent pas ? Et quels moyens pour aider les plus précaires à s'équiper ?

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - Le projet de loi France ruralité, qui comportera une dimension spécifique aux ZRR, bonifiera l'accompagnement financier de l'État aux collectivités territoriales, notamment pour augmenter le nombre de conseillers numériques. C'est le bon outil : encore faut-il l'associer à des navettes organisées au niveau communal pour conduire les seniors jusqu'aux ateliers des maisons France Services.

Mme Catherine Belrhiti .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) En matière de disparition des services publics, on oublie trop souvent de mentionner la fermeture massive de trésoreries. Or ces services sont des interlocuteurs de proximité essentiels pour les entreprises et nos concitoyens. En Moselle, près de la moitié ont fermé en dix ans, et le nombre d'agents des finances publics a été divisé par deux !

Nos concitoyens se retrouvent dans une situation ubuesque : payer leurs amendes, leurs impôts et jusqu'à la cantine de leurs enfants auprès des buralistes, eux-mêmes en voie d'extinction.

Le Gouvernement annonce 1 500 agents spécialisés pour lutter contre la fraude fiscale. Cet engagement, bien que tardif, est louable. Mais, alors que le manque d'agents des finances publiques n'a jamais été aussi criant, il ne doit pas conduire à abandonner encore plus les services fiscaux dans nos territoires.

Le projet de loi de finances pour 2024 prévoira-t-il des moyens pour remédier à ce problème ?

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - J'en suis à mon soixante-sixième déplacement, dont 80 % dans la ruralité : je ne constate pas de fermeture massive dans la période récente - ces quarante dernières années, oui. Je vous invite à échanger sur le cas de la Moselle.

La déprise démographique dans certains territoires, du fait notamment de l'attractivité des villes moyennes, doit être prise en compte. Le nombre de citoyens allant en trésorerie diminue drastiquement : ceux qui ont accès à une maison France Services plus proche se rendent dans cette dernière.

En outre, des conseillers financiers peuvent se rendre en mairie, à la demande du maire. Si ce n'est pas le cas en Moselle, je le signalerai à la direction régionale des finances publiques.

Mme Catherine Belrhiti.  - La disparition des trésoreries contribue au sentiment de délaissement dans la ruralité, qui explique sans doute que la moitié des maires ne souhaitent pas se représenter.

M. Bruno Belin, pour le groupe Les Républicains .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Ce débat, nourri de nos ressentis sur les territoires, s'est avéré passionnant. Il s'agit des services publics sur plus de 85 % du territoire national et pour vingt millions de nos concitoyens.

L'accès à la santé est une préoccupation majeure de tous les territoires : partout, on se demande comment trouver des médecins, des dentistes ; bientôt, on cherchera les pharmacies... La question des urgences, évoquée par M. Bouloux, est également centrale.

Il en va de même pour l'école en milieu rural. Dans le département que je connais le moins mal, quarante classes ferment : c'est la Saint-Barthélemy du monde rural ! Un moratoire est nécessaire pour laisser respirer le monde rural.

En matière de mobilité, je n'ai pas entendu beaucoup de réponses. Les élus attendent davantage aussi dans le domaine de la téléphonie mobile.

En matière d'accès au sport ou à la culture, la discrimination territoriale est terrible. Un collégien rural dépend, pour pratiquer un sport, des transports du mercredi soir pour rentrer dans sa commune...

Il y a des domaines où l'État est directement compétent, comme les instituts médico-éducatifs (IME). J'ai une pensée pour le maire de l'Eure en grève de la faim pour protester contre l'absence de solution pour un enfant. Combien de places ont-elles été créées ces dernières années ? On pourrait dire la même chose des établissements et services d'aide par le travail (Esat).

La loi NOTRe a ajouté de la complexité. On crée des machins, comme l'ANCT, mais le maire connaît son préfet et son sous-préfet.

On parle souvent des souffrances de la France rurale, mais c'est aussi la France de la résilience, grâce à l'inventivité des élus. En matière de commerces, ici le maire rachète une licence, là il organise le regroupement de services. L'État doit garantir des moyens pour encourager ces initiatives locales, celles d'une France de l'agilité qui est la ruralité de demain ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, du RDSE et du groupe SER)

Mise au point au sujet d'un vote

M. Guillaume Chevrollier.  - Lors du scrutin n°292, Jean-Jacques Panunzi souhaitait voter pour.

Mme la présidente.  - Acte vous est donné de cette mise au point. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l'analyse politique du scrutin.

Bourses d'études et parent en situation de handicap

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle les explications de vote et le vote sur la proposition de loi visant à verser automatiquement une bourse d'études (échelon 7) aux étudiants dont au moins l'un des deux parents est porteur d'un handicap (dont le taux d'incapacité est supérieur à 80 %), présentée par M. Jean François Rapin et plusieurs de ses collègues, à la demande du groupe Les Républicains.

Ce texte est examiné selon la procédure de législation en commission prévue au chapitre XIV bis du Règlement du Sénat.

Mme Toine Bourrat, rapporteure de la commission de la culture .  - (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et du RDPI) Je remercie Jean-François Rapin, dont l'initiative nous offre l'occasion de mettre en lumière une population méconnue et délaissée des pouvoirs publics : les étudiants confrontés au handicap d'un parent. Cette problématique nous préoccupe tous, dans un esprit transpartisan qui est la marque de fabrique de notre assemblée.

Le premier constat est celui d'une méconnaissance collective. Combien les étudiants aidants sont-ils ? Qui sont-ils ? Aucune donnée consolidée n'existe au niveau national. Madame la ministre, le travail statistique que vous avez annoncé va dans le bon sens.

Le deuxième constat est le manque de reconnaissance et d'accompagnement des jeunes adultes aidants en études supérieures, partagés entre leur désir d'être de bons étudiants et celui d'être de bons aidants.

M. Rapin estime, à raison, qu'il est urgent de leur apporter un soutien financier. Sa proposition de loi attribue à chaque étudiant dont un parent est handicapé à 80 %, quelles que soient ses ressources, le niveau maximum de bourse.

Cette initiative intervient dans le cadre du profond chantier de refonte des bourses que vous avez lancé, madame la ministre, et que le Sénat appelle de ses voeux par la voix du président Lafon depuis la mission d'information sur la vie étudiante de 2021, présidée par Pierre Ouzoulias. Il est important de tenir compte de ce contexte pour assurer l'opérationnalité du dispositif.

Le Président de la République a annoncé un accès facilité aux bourses pour les étudiants dans cette situation : comment ne pas y voir un effet de l'alerte lancée par le Sénat ?

Après un travail constructif avec vos services, madame la ministre, j'ai proposé une adaptation du dispositif qui a recueilli un assentiment unanime. La commission a rattaché l'aide au système de bourses sur critères sociaux, pour une mise en oeuvre dès la prochaine rentrée, tout en supprimant le seuil de 80 % de handicap. L'aide ne sera pas conditionnée à un justificatif d'aidance : tout étudiant dont un parent est en situation de handicap sera supposé aidant. C'est un principe fort, lisible et efficace.

En complément du soutien financier, il faudra améliorer l'adaptation des emplois du temps et l'accompagnement pédagogique de ces étudiants aux besoins très spécifiques.

Madame la ministre, vous avez annoncé une harmonisation nationale des schémas directeurs de la vie étudiante, qui devront inclure un volet handicap. Notre commission y sera attentive.

Je vous invite à adopter cette proposition de loi dans le texte de la commission. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC  et du RDSE ; M. Pierre Ouzoulias et Mme Cathy Apourceau-Poly applaudissent également.)

Mme Sylvie Retailleau, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche .  - L'examen de la proposition de loi de M. Rapin est un moment important. Je partage la préoccupation qu'elle concrétise.

Oui, les étudiants aidants de personnes présentant des handicaps lourds sont confrontés à des difficultés sociales plus importantes : besoins financiers accrus, difficulté d'exercer un job étudiant. Il faut des réponses adaptées à leur situation. Le président Rapin m'avait signalé ce problème, je l'en remercie.

Lors de la Conférence nationale du handicap, le Président de la République a annoncé une bonification de quatre points au bénéfice des étudiants aidants.

Si je n'étais pas favorable à la rédaction initiale, je salue le travail de la commission et soutiens son dispositif. Je maintiens toutefois une réserve : il s'agit d'une matière réglementaire, puisqu'un public particulier est visé. Reste que je partage votre ambition et que la réécriture opérée par la commission lève les difficultés rédactionnelles. Ainsi, la suppression de la référence à un échelon dans la loi était importante pour moi.

En effet, dans le cadre de la réforme ambitieuse des bourses sociales que je défends, je souhaite que nous sortions du système par échelon - comme le recommande le président Lafon.

Le texte laisse aussi au pouvoir réglementaire le soin de déterminer le niveau d'incapacité. Le barème retenu sera plus favorable à l'étudiant. Il sera supposé aidant a priori, sur présentation d'un justificatif de handicap du parent. Mes services travaillent à une amélioration de la prise en compte des situations de handicap : celles-ci ne se limiteront pas à un taux d'incapacité de 80 %. Nous travaillons aussi sur la définition du périmètre familial ouvert par la notion de parent.

Des actions d'accompagnement sont également menées pour prendre en compte ces situations, comme la levée de l'obligation d'assiduité.

Je réaffirme mon entière mobilisation pour prendre en compte de manière adaptée et efficace ces situations particulières. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et du RDSE ; M. Jean-François Rapin applaudit également.)

M. Claude Kern .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Lors de la sixième conférence nationale du handicap, en avril dernier, le Président de la République a rappelé les efforts à mener pour mieux accompagner les étudiants aidants, une population sous-étudiée. Le but de cette proposition de loi est tout à fait louable, et je salue l'initiative de M. Rapin.

Le constat est alarmant : l'accompagnement de ces jeunes est très en retard dans notre pays - voire inexistant, ou presque. Au niveau international, les mesures prises sont très variées : information renforcée, financement d'activités de loisirs...

Une réforme des bourses sur critères sociaux est en cours. Quelque 500 millions d'euros seront débloqués dès la rentrée prochaine. Plus d'étudiants des classes moyennes en bénéficieront, et des revalorisations pour tous les boursiers sont annoncées. Nous nous en réjouissons.

Ce texte est un début de réponse pour les jeunes proches aidants. Toutefois, plusieurs interrogations persistent.

Certaines dispositions du texte relèvent du domaine réglementaire. Quant à la référence à un échelon, elle était amenée à devenir caduque. Les amendements de la rapporteure ont permis d'affiner le dispositif : le groupe UC est donc favorable au texte de la commission.

La mesure proposée sera rattachée à la réforme en cours des bourses pour la rendre pleinement opérationnelle, avec une entrée en vigueur dès la prochaine rentrée universitaire.

Un travail de réflexion complémentaire sur l'aménagement des emplois du temps devra être mené. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains)

M. Bernard Fialaire .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE ; M. Jean Hingray applaudit également.) En 2015, la loi pour l'adaptation de la société au vieillissement a formalisé le statut d'aidant, reconnaissant leur dévouement par de nouveaux droits. Mais cette avancée était muette sur les étudiants aidants.

Quelque 8 % des aidants auraient moins de 25 ans. Le quotidien des jeunes étudiants aidants est difficile : ils doivent faire face à des difficultés financières, mais aussi à des responsabilités inhabituelles pour leur âge, avec des conséquences sur leurs études, leur vie sociale et leur santé. De fait, un jeune qui se consacre à l'aide d'un proche n'a pas les mêmes chances de réussite. Certains étudiants doivent travailler pour soutenir leur proche en situation de handicap.

M. Rapin l'a dit : le handicap d'un parent ne doit plus constituer un frein aux études.

Le 26 avril dernier, le Président de la République a annoncé quatre points supplémentaires pour le calcul des bourses des étudiants aidants. Je me félicite de la revalorisation financière des bourses, qui permettra d'inclure 35 000 nouveaux étudiants et de mieux prendre en compte les aidants.

Notre collègue Nathalie Delattre a proposé un accompagnement des apprentis en situation de handicap par un accompagnant d'élève en situation de handicap (AESH), au moins pendant les trois premiers mois de stage.

Les jeunes aidants ont quitté l'insouciance depuis bien longtemps. Ils incarnent la solidarité et le dévouement. Entendons leurs souffrances et accompagnons-les : ils sont une richesse dont notre Nation a besoin. (Applaudissements sur les travées du RDSE ; Mme Colette Mélot, MM. Claude Kern et Jean-Claude Anglars applaudissent également.)

M. Jean-François Rapin .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Ni dans Parcoursup ni dans le système de demande de bourse ou de logement un étudiant aidant un parent porteur d'un handicap ne peut se déclarer comme tel. Pour la prise en compte de ces situations, la France a été classée comme pays émergent...

Les jeunes adultes aidants sont une réalité invisible. Pourtant, ils ont eux-mêmes besoin d'être aidés. Ils accompagnent un parent dans l'ombre, souvent dans un contexte d'isolement, assumant en plus de leurs études une charge logistique, mentale et financière supplémentaire. Beaucoup se limitent dans leurs ambitions professionnelles. Culpabilité et solitude sont leur lot.

La rédaction initiale de cette proposition de loi prévoyait de verser automatiquement une bourse d'études d'échelon 7 aux étudiants dont au moins l'un des deux parents est porteur d'un handicap entraînant un taux d'incapacité d'au moins 80 %. La commission a élargi ce cadre, et je l'en remercie.

La rapporteure a supprimé la référence au taux d'incapacité, qui relève du réglementaire. Par ailleurs, l'étudiant devra simplement justifier de l'incapacité de son parent - je m'en réjouis.

Viser « l'étudiant aidant d'un parent » couvre plus de situations. La référence à un échelon de bourse est supprimée, ces derniers ayant vocation à disparaître dans la réforme en cours.

Le vote unanime en commission est une reconnaissance de la situation singulière de ces étudiants aidants, et témoigne de notre volonté de leur apporter un accompagnement adapté.

Je suis heureux que cette initiative législative ait créé un effet d'alerte, conduisant le Président de la République à annoncer, en clôture de la Conférence nationale du handicap, un accès facilité aux bourses pour ces étudiants par une bonification de quatre points de charges supplémentaires. J'espère qu'étant donné le calendrier, la mesure sera bien opérationnelle dès la rentrée 2023.

Notre groupe votera bien entendu ce texte transpartisan. Je remercie la rapporteure pour les compromis trouvés. C'est ce qui fait la grandeur du Sénat. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, du RDPI et du GEST)

Mme Colette Mélot .  - La famille est le socle fondateur par excellence. L'éducation, la transmission de valeurs ont lieu en son sein. La structure familiale est plurielle ; il faut en tenir compte, notamment quand un parent est en situation de handicap. Le vécu de l'enfant qui aide un parent est différent de celui de ses camarades. Au moment des études, les difficultés peuvent s'accumuler. Ces jeunes, qui seraient de 10 à 20 000, peuvent être démunis face à la détresse de leur parent. Nous sommes dans un angle mort de nos politiques publiques.

Pour eux, comment être aidé lors de leur premier déménagement ? Comment mener à bien leurs études ? Obtenir un diplôme suppose une assiduité sans faille. Ces jeunes aidants doivent être accompagnés face à un risque d'échec scolaire accru. Certains syndicats étudiants appellent à généraliser l'aménagement de leurs emplois du temps.

Le Gouvernement a engagé une large refonte des bourses d'études sur critères sociaux, que le Sénat appelle de ses voeux de longue date. Les étudiants aidants doivent en bénéficier. Outre l'aide financière, il faut aussi travailler sur l'accès aux résidences étudiantes, au restaurant universitaire, au soutien psychologique et au tutorat.

La nouvelle rédaction du texte répond aux réserves exprimées en commission, et a été adoptée à l'unanimité. Je salue le travail de M. Rapin et de Mme Bourrat. Une large réflexion doit être menée pour adapter le système des études à ces situations. Nous voterons ce texte, qui ouvre le débat sur la notion d'aidant chez les jeunes. (Applaudissements au banc des commissions)

Mme Monique de Marco .  - Méconnus, invisibles, voire ignorés, les jeunes aidants sont mal identifiés. Ils seraient entre 500 000 et 1 million à accompagner au quotidien un parent. Cette charge mentale a des répercussions sur leur vie personnelle et scolaire : risques pour la santé psychique et physique, décrochage...

En France, la reconnaissance du jeune aidant est un angle mort de nos politiques. Un classement international la place parmi les pays émergents dans ce domaine.

La reconnaissance et l'accompagnement des jeunes aidants sont un angle mort de nos politiques publiques. Des associations agissent, à l'instar de Jeunes Aidants-Ensemble (Jade), mais le monde associatif ne peut compenser les défaillances de l'État.

Merci à M. Rapin et à Mme Bourrat : il était temps de s'emparer du sujet. Cette proposition de loi est une première avancée, qui se limite à l'accompagnement financier, alors les syndicats étudiants demandent des adaptations des rythmes études : dispense d'assiduité, offre d'enseignement à distance de qualité, accompagnement pédagogique.

Il faut un cadrage national, et une campagne nationale de sensibilisation des professionnels de l'éducation nationale et de la santé.

Plus largement, il faut mettre fin aux injustices en matière de bourses étudiantes. Un quart des étudiants seraient sous le seuil de pauvreté ; ils sont de plus en plus nombreux à devoir travailler pour financer leurs études. Quel recul, en quelques décennies !

Trois étudiants sur quatre n'ont pas accès à une bourse, alors que la précarité augmente. Nous attendons beaucoup de la réforme annoncée, mais à quand une réponse structurelle ? Dans les pays scandinaves, chaque étudiant reçoit une allocation individuelle, indépendante des revenus de ses parents. Cela coûte cher, certes, mais c'est un investissement dans la réussite des jeunes, pour casser le déterminisme social et accompagner l'ensemble de notre jeunesse. Madame la ministre, il est temps d'entamer une vraie réflexion sur ce sujet.

Ce texte ouvre la voie. Il faut poursuivre le travail. Le GEST votera pour. (Applaudissements sur les travées du GEST et au banc des commissions ; Mme Cathy Apourceau-Poly applaudit également.)

M. Bernard Buis .  - Certains sujets dépassent les clivages. En France, un étudiant sur dix serait aidant, soit 290 000 jeunes au moins. La survenue du handicap dans une famille bouleverse les repères et les projets familiaux. Les conséquences pour les jeunes sont importantes : sentiment d'obligation, responsabilisation accrue, impact majeur sur leur vie scolaire et sur la situation financière de la famille. Le handicap d'un parent peut être un frein à la poursuite d'études.

La proposition de loi apporte une première réponse, grâce au versement automatique d'une bourse d'études aux étudiants aidants. Réécrit en commission, le texte a été voté à l'unanimité. Un consensus était nécessaire. Toutefois, ce n'est qu'une première pierre.

Le 29 mars 2023, Mme la ministre a présenté l'acte premier de la réforme des bourses annoncée par le président de la République en janvier 2021 à Saclay, avec 500 millions d'euros d'aides autour de quatre axes. La revalorisation de 6 % des barèmes de revenus des parents signifiera 35 000 nouveaux boursiers ; un sur cinq basculera dans l'échelon supérieur.

Les bourses augmenteront de 37 euros par mois, soit 444 euros par an, quel que soit l'échelon. Les effets de seuil dus à une augmentation du revenu des parents seront neutralisés.

Les étudiants aidants ou handicapés bénéficieront de quatre points de charge dès la rentrée 2023. Conformément aux engagements du Président de la République pris le 26 avril dernier, cette mesure augmentera le nombre de bénéficiaires.

Nous voterons cette proposition de loi sans hésitation. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP)

Mme Sabine Van Heghe .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; Mme Monique de Marco applaudit également.) Merci à M. Rapin et au groupe Les Républicains pour cette proposition de loi qui met en lumière la situation des étudiants aidants.

À l'initiative de la rapporteure, le dispositif a évolué, et donc son titre. L'article unique initial dérogeait au principe légal d'octroi de bourses sur critères sociaux, en fonction du niveau de revenu des étudiants ou de leurs parents, en attribuant d'office une bourse d'échelon 7, soit 6 500 euros sur dix mois, lorsque l'un des parents est porteur d'un taux de handicap d'au moins 80 %.

Lors des auditions, certaines organisations étudiantes ont plaidé pour une allocation universelle d'autonomie et pour un maintien des bourses sur critères sociaux. Le Conseil national consultatif des personnes handicapées a quant à lui redouté que ce texte ne soit l'occasion pour le Gouvernement de maîtriser les dépenses liées au handicap.

La nouvelle rédaction proposée par la rapporteure supprime la référence au taux de 80 %, qui relève du pouvoir réglementaire. Nous serons très vigilants sur le décret d'application. La suppression de l'automaticité de l'aide restreint le champ d'application et risque de provoquer des déceptions.

La commission a également supprimé la mention de l'échelon 7. Certes, les taux seront prochainement supprimés, mais ils sont toujours en vigueur : là encore, nous serons vigilants.

En commission, la rapporteure nous a assuré que la qualité d'aidant serait reconnue à tout étudiant sur simple production d'un justificatif de handicap de l'un des deux parents. Il aurait tout de même été préférable de l'inscrire dans la loi.

Les présidents d'université s'interrogent encore sur la façon dont ils pourront repérer ces étudiants aidants. Nous comptons sur vous, madame la ministre, pour que cette réforme ne reste pas lettre morte. La balle est dans le camp du Gouvernement : la loi doit être rapidement complétée par son volet réglementaire.

Le groupe SER votera cette avancée, même insuffisante. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST ; M. Bernard Buis et Mme Colette Mélot applaudissent également.)

M. Pierre Ouzoulias .  - (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et UC) Merci à Jean-François Rapin d'avoir déposé ce texte. La mission d'information sur la vie étudiante rapportée par Laurent Lafon, que je présidais, a mis en lumière la complexité, le manque de progressivité, l'inadéquation des aides aux étudiants. La dégradation de leurs conditions de vie appelle une refonte complète du système. Vous vous y attelez, madame la ministre, et avez obtenu un demi-milliard d'euros dès la rentrée 2023 pour réévaluer le montant des bourses et corriger certaines inégalités d'attribution.

Cette proposition de loi y concourt en posant la question des étudiants aidants.

Selon l'article L. 821-1 du code de l'éducation, les conditions d'attribution des bourses sont déterminées « par voie réglementaire ». La rapporteure a conservé ce caractère réglementaire en ajoutant un nouveau critère général. Compte tenu des sommes en jeu, nous estimons toutefois que le Parlement devrait être mieux informé lors de la discussion budgétaire. De même qu'il fixe le plafonnement de la contribution de vie étudiante, il ne serait pas aberrant que le Parlement déterminât aussi le barème des droits d'inscription. Nous appelons donc à une discussion plus large sur le rôle du Parlement en la matière.

Selon le code de l'éducation, une bourse est « une aide servie à l'étudiant sous condition de ressources afin de réduire les inégalités sociales ». La formule est vague. La réussite pédagogique ne peut être dissociée des conditions matérielles, psychiques et sanitaires des études. L'État doit corriger les inégalités en aidant l'étudiant qui serait dans l'impossibilité de correctement se nourrir, se loger, se soigner.

L'aide financière est efficace si les étudiants peuvent accéder à des logements abordables, à des services du Crous, à des transports peu onéreux. Or dans les métropoles, c'est de moins en moins le cas. Avec la Cour des comptes, nous appelons à réfléchir à une nouvelle organisation territoriale de l'offre d'études. C'est dans des universités à taille humaine installées dans des villes moyennes que les étudiants réussissent le mieux. La réforme des bourses doit être accompagnée d'un renforcement du maillage universitaire national et des services de la vie étudiante. En attendant, nous voterons ce texte. (Applaudissements)

La proposition de loi est adoptée.

Mme la présidente.  - C'est l'unanimité. (Applaudissements)

Reconnaître et soutenir les entrepreneurs français à l'étranger

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi visant à reconnaître et à soutenir les entrepreneurs français à l'étranger, présentée par Mme Évelyne Renaud-Garabedian, M. Jean-Pierre Bansard et plusieurs de leurs collègues.

Discussion générale

Mme Évelyne Renaud-Garabedian, auteur de la proposition de loi .  - Le monde a changé, l'économie n'est plus la même qu'il y a cinquante ans, dix ans, un an. Les distances ne sont plus un obstacle, la technologie, les échanges, les modes de production évoluent constamment, grâce à des hommes et à des femmes pour lesquels la mondialisation n'est pas un concept, mais une réalité.

C'est le cas pour les 3,5 millions de Français établis hors de France. Ils ne partent pas pour fuir le fisc ou parce qu'ils n'aiment plus leur pays. Leur départ est le fruit d'une rencontre amoureuse, d'un voyage marquant, d'une opportunité professionnelle ou de l'expatriation de leur conjoint.

S'installer à l'étranger amène à se poser des questions : quel est mon savoir-faire, mon talent ? Quel est le tissu économique local ? Quelle activité développer ? Ces interrogations les poussent à donner un sens à leur nouvelle vie, à oser. Bref, à entreprendre.

Je pense au trentenaire épris d'une Brésilienne, qui crée à Rio une boulangerie française. À la guide de voyage fascinée par les temples cambodgiens, qui constate que personne n'organise la visite pour les francophones. À l'aventurière qui crée en Afrique du Sud une entreprise de tourisme, devenue leader, pour vendre la destination France. Au cuisinier installé en Chine, qui fait découvrir notre gastronomie et notre terroir. À l'architecte formé par Jean Nouvel qui développe à l'étranger des techniques architecturales françaises.

Ces entrepreneurs sont un atout précieux pour la France. Ils connaissent le tissu économique et les rouages administratifs. Profondément français, ils sont reconnus comme tels et très intégrés. Ils distribuent des produits et services français, emploient des Français, ils deviennent les ambassadeurs du savoir-faire français.

Alors que nous nous questionnons sur notre rayonnement et que nous cherchons à redresser notre commerce extérieur, ce levier doit être exploité. Avec Jean-Pierre Bansard, nous avons voulu susciter une prise de conscience.

Ce texte est le fruit d'un travail profondément collectif : entrepreneurs locaux, conseillers et délégués des Français de l'étranger, direction générale de CCI France International, conseillers du commerce extérieur, les sénateurs Jacky Deromedi, Jean Hingray et Jean-Baptiste Lemoyne. Chacun a enrichi notre réflexion. Sophie Primas et Serge Babary ont amélioré le texte. Merci enfin à Bruno Retailleau, qui a permis son inscription à l'ordre du jour.

Notre philosophie est la suivante : définir, identifier, soutenir. Nous disons à nos entrepreneurs : nous vous connaissons et vous reconnaissons.

Fort de son expérience d'entrepreneur, Jean-Pierre Bansard a voulu créer, pour la première fois en droit français, le statut d'entrepreneur français à l'étranger. Ne sont visés que les entrepreneurs français qui dirigent ou contrôlent une entreprise de droit local ne disposant d'aucun lien capitalistique avec la France, ce qui exclut les filiales des grandes entreprises françaises.

En plus de les définir, il faut les recenser et leur apporter des outils : un label, gage de l'excellence française, un répertoire, dispositif marketing. Le comité chargé de les identifier doit connaître la réalité locale. La rédaction est suffisamment large pour s'adapter à chaque situation locale et adapter la composition. Pour autant, ces comités ne doivent pas détenir un pouvoir arbitraire. Dans un second temps, les prescripteurs pourront s'emparer de cette loi pour développer d'autres outils d'accompagnement.

Cette proposition de loi n'a qu'un but, ambitieux : initier un tournant pour notre diplomatie économique. Utilisons nos forces et le réseau de nos entrepreneurs !

Monsieur le ministre, ces entrepreneurs sont une chance et une richesse pour la France. Je sais que vous en êtes conscient : nous espérons pouvoir compter sur vous pour mener ce texte jusqu'à l'Assemblée nationale.

Leur réussite, c'est la réussite de la France. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP, RDSE et RDPI.)

M. Serge Babary, rapporteur de la commission des affaires économiques .  - Nous connaissons peu les entrepreneurs français à l'étranger - ils seraient 130 000, sur les 2,5 millions de nos compatriotes établis dans 169 pays. Nous remédions aujourd'hui au flou juridique et statistique les entourant, en formulant, pour la première fois en droit, une définition de l'entrepreneur français à l'étranger.

Qu'ils ouvrent un restaurant en Amérique latine, qu'ils vendent nos vins en Asie, qu'ils créent une société de conseil en Afrique, ces entrepreneurs contribuent à notre commerce extérieur et au rayonnement de notre pays, en faisant connaître notre culture, nos produits. Mais leur valeur ajoutée est difficile à mesurer, faute de définition claire.

Ils ont besoin d'être reconnus, identifiés et valorisés. À plus de 70 %, leur chiffre d'affaires annuel est inférieur à 2 millions d'euros. Faute de reconnaissance, certains sont découragés d'investir en France.

Mieux connaître ces entrepreneurs, c'est mieux structurer les réseaux et communautés d'affaires à l'étranger, au service du développement international de nos entreprises. Pour les recenser, il faut les définir, donc leur donner une existence juridique.

L'article 1er définit les conditions : être un ressortissant français inscrit au registre des Français hors de France - critère qui témoigne d'un engagement minimal envers la France.

La commission a pris en compte la diversité des situations professionnelles. Initialementn les Français ayant créé une entreprise de droit local dont ils détiennent plus de 50 % des parts étaient visés. Or un entrepreneur peut créer une entreprise sans en être l'actionnaire majoritaire, ou la diriger sans l'avoir créée. Nous avons donc élargi la définition aux Français qui ont créé une entreprise de droit local, en exercent la direction générale ou en ont le contrôle effectif. Nous réduisons ainsi l'effet de seuil. Les entrepreneurs individuels sont également pris en compte.

L'article 2 porte sur le recensement des entrepreneurs, confié aux CCI et aux conseilleurs du commerce extérieur. Le comité pourra s'appuyer sur les services économiques des ambassades, qui seront informés du recensement.

À l'article 3, la commission a affiné le dispositif du label, car tous les entrepreneurs ne représentent pas la même valeur ajoutée pour la France. Le label ne sera pas automatique mais conditionné à une activité contribuant à la promotion d'un savoir-faire français, à la distribution de biens ou services français ou au rayonnement international de la France. Le comité appréciera ces critères qualitatifs. Il ne s'agit pas de créer de nouvelles contraintes. Laissons les acteurs locaux s'organiser. Je leur fais confiance pour promouvoir la marque France.

Le nom du label mérite une concertation pour que tous se l'approprient : nous ne le mentionnons pas dans la loi.

Enfin, la commission a conservé le principe d'un répertoire des bénéficiaires du label, en supprimant son caractère unique, afin qu'il puisse être mis en oeuvre au niveau de chaque pays.

Ainsi, nous créons un cadre qui donne l'impulsion à une meilleure connaissance et reconnaissance des personnes qui contribuent à la valorisation de la France dans le monde. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Hélène Conway-Mouret applaudit également.)

M. Olivier Becht, ministre délégué chargé du commerce extérieur, de l'attractivité et des Français de l'étranger .  - Nos entrepreneurs français à l'étranger sont des acteurs de notre influence économique, diffusant et promouvant nos produits et notre savoir-faire.

Depuis onze mois, j'ai pu mesurer, dans les 35 pays que j'ai visités, leur contribution au rayonnement de notre pays, qui mérite reconnaissance. C'est pourquoi le Gouvernement accueille avec bienveillance l'esprit de votre proposition de loi. Je remercie Mme Renaud-Garabedian, auteure de ce texte, et Serge Babary, rapporteur et président de la délégation aux entreprises.

Les entrepreneurs contribuent à notre balance commerciale, en se fournissant auprès d'entreprises françaises, en valorisant l'image de notre pays, ou encore en exerçant un mandat de conseiller du commerce extérieur ou en adhérant à CCI France International.

Le Gouvernement salue le caractère transpartisan de votre proposition, similaire à celle des députés Anne Genetet et Stéphane Vojetta. Comme eux, vous proposez un label pour les valoriser.

Il était temps de témoigner notre reconnaissance à ces entrepreneurs, mais gare à ne pas confondre entreprise de droit étranger et entreprise française. La complexité n'effraie certes pas le législateur, fort de son appréhension fine des spécificités locales, mais si nous souhaitons valoriser nos entrepreneurs, les identifier et les définir, légiférer sur le statut de dirigeant ou de détenteur d'une entreprise qui ne relève pas du droit français soulève des difficultés.

Durant la crise, le Gouvernement a aidé les entrepreneurs en tant que personnes, via les aides sociales consulaires, et en tant qu'entrepreneurs en les aidant à accomplir les démarches dans leur pays d'installation. Il a aussi soutenu l'envoi de 26 volontaires internationaux en entreprise (VIE), porté à titre expérimental par EFE International. Les entrepreneurs français à l'étranger ont enfin accès à des dispositifs ciblés comme l'initiative Choose Africa.

Je remercie donc Mme Renaud-Garabedian et M. Bansard dont le texte vise à recenser et labelliser les entrepreneurs français à l'étranger. Le Gouvernement salue cette initiative, mais s'en remettra à la sagesse. Ce label à vocation nationale présente un risque de non-conformité au droit de l'Union européenne, dès lors que l'État intervient dans sa mise en oeuvre. La Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a en effet considéré l'octroi d'un label de marque du terroir allemand à des produits fabriqués en Allemagne comme une restriction d'origine étatique aux échanges intracommunautaires.

Il convient aussi de respecter la liberté de choix des entrepreneurs à l'étranger, un recensement automatique risquant de contrevenir à la protection de leurs données personnelles. Je sais que vous tiendrez compte de ces difficultés pour enrichir ce texte.

M. Henri Cabanel .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE et du RDPI) Après la proposition de loi créant une résidence d'attache pour les Français établis hors de France présentée début avril, voici une nouvelle initiative de nos collègues Les Républicains, à quelques mois des élections sénatoriales.

La version initiale du texte était étonnante, avec un label automatiquement attribué à tout entrepreneur recensé, et un intitulé - Made by French - qui n'était guère heureux.

La version issue des travaux de la commission est plus acceptable : le label serait accordé sur candidature, et la contribution à la promotion des savoir-faire français et au rayonnement de la France serait évaluée.

Cependant, la priorité serait donnée aux CCI et aux conseillers du commerce extérieur : ne faudrait-il pas une plus grande concertation avec les services diplomatiques, économiques et consulaires ? Je pose la question à ceux qui connaissent le mieux les acteurs de terrain.

Plus largement, que signifie le rayonnement de la France à l'étranger ? Il existe des enjeux de souveraineté, comme les transferts de technologie. L'espionnage industriel de certains pays est établi.

J'appelle de mes voeux une meilleure articulation avec le tissu économique en France. Les autorités consulaires et les collectivités ont un rôle à jouer dans ce domaine : ainsi, la CCI de l'Hérault organise des rendez-vous de l'export, pour développer des partenariats au Proche et au Moyen-Orient. Les entrepreneurs français hors de France apportent une connaissance précieuse sur les opportunités et risques à l'étranger.

Selon les auteurs du texte, les entrepreneurs français à l'étranger créeraient de la valeur en France : ont-ils des chiffres pour étayer cette affirmation ? D'après un rapport de 2020 de la délégation aux entreprises, plus des deux tiers auraient un partenariat avec une entreprise française.

Cette proposition de loi peut compléter les dispositifs existants de promotion des activités françaises à l'étranger. Le RDSE la votera, malgré ces quelques réserves. (Applaudissements sur les travées du RDSE et au banc des commissions)

M. Olivier Rietmann .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Évelyne Perrot applaudit également.) La crise sanitaire a révélé des situations oubliées : celles des petits entrepreneurs français à l'étranger. Pour certains, la pandémie a emporté leur activité ; d'autres ont été fragilisés.

Certains diront que si l'entreprise n'acquitte pas d'impôt en France, rien ne justifie une assistance de l'État français. Ce serait une erreur, car ces entreprises sont des relais inestimables pour l'Hexagone. En décembre 2020, dans un rapport présenté au nom de la délégation aux entreprises, Jacky Deromedi estimait que 40 % des entreprises concernées utilisaient des biens français, et que 69 % étaient partenaires d'une entreprise française. Leur contribution au commerce extérieur est donc majeure.

En outre, ces entrepreneurs font vivre la France auprès des populations à l'étranger, qu'ils soient hôtelier à Battambang, producteur de poivre à Kampot ou restaurateur à Kuala Lumpur. Leur fragilisation nous a même fermé des débouchés à l'exportation.

Le Sénat a joué un rôle moteur dans ce dossier, avec la proposition de loi de Ronan Le Gleut créant un fonds d'urgence pour les Français victimes de catastrophes naturelles ou d'événements politiques majeurs, et en proposant d'augmenter les crédits du programme « Français de l'étranger et affaires consulaires ».

Ce texte est une confirmation de notre volonté. Saluons l'exigence de notre rapporteur et des auteurs pour créer des dispositifs lisibles et cohérents, avec des mesures de bon sens dont on peut s'étonner qu'elles n'aient pas été adoptées plus tôt.

S'agissant de la définition de l'entrepreneur français établi à l'étranger, la solution retenue à l'article 1er a le mérite de la simplicité et évite les effets de seuil. Le recensement, nécessaire, est confié aux représentants des CCI à l'étranger et aux conseillers du commerce extérieur de la France (CCEF), qui connaissent bien le terrain.

Enfin, j'approuve la réécriture de l'article 3 qui crée le label sur la base de la promotion des savoir-faire français, ce qui le crédibilise.

Le répertoire ainsi constitué sera propre à chaque pays, pour éviter la maladie française de l'hypercentralisation. L'aide aux entreprises à l'étranger souffre d'un excès de complexité administrative. Avec ce texte, nous inversons quelque un peu la vapeur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC ; M. Jean-Claude Requier applaudit également.)

M. Alain Marc .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP ; Mme Sophie Primas applaudit.) Voilà quarante ans que les déficits s'accumulent. Cela se traduit par le creusement de la dette, mais aussi par un actif extérieur net - la différence entre les avoirs détenus à l'étranger par des citoyens français et les avoirs détenus en France par des étrangers - de 800 milliards d'euros en notre défaveur, soit 33 % du PIB... Le solde positif de l'Allemagne est à 60 % de son PIB, celui du Japon à 66 %.

Cela nourrit le sentiment de dépossession des Français. Il n'y a pas de fatalité, puisque notre actif extérieur net était légèrement positif il y a vingt ans. Mais notre solde commercial est devenu structurellement déficitaire : il faut inverser la tendance.

Le Sénat a formulé des propositions ambitieuses dans ce domaine, notamment pour l'agriculture. Mais il faut aussi capitaliser sur nos atouts présents à l'étranger, dont les entrepreneurs français.

La proposition de loi part d'un constat : l'absence de définition juridique. Celle de l'article 1er est simple et efficace. Serge Babary a amélioré le dispositif, quantitativement d'abord, en étendant la définition de l'entrepreneur français à l'étranger. Qualitativement ensuite, en supprimant l'automaticité du label, qui sera ciblé sur les entrepreneurs promouvant nos savoir-faire et notre culture.

Les autres assouplissements apportés par la commission sont bienvenus, comme le choix de la dénomination du label en concertation avec les représentants des entrepreneurs.

Le groupe INDEP votera ce texte, et se réjouit du soutien annoncé par le ministre pour une mise en oeuvre rapide. C'est la première pierre d'un édifice amené à devenir plus ambitieux, en particulier en encourageant la réimpatriation des capitaux générés à l'étranger. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du RDPI)

M. Daniel Salmon .  - Ce texte définit en droit le statut des entrepreneurs français à l'étranger, organise leur recensement et crée un label pour les entreprises contribuant au rayonnement de la France. La plupart de ces entrepreneurs sont des commerçants, artisans, autoentrepreneurs peu connectés au réseau des CCI. Il n'y a pas, à ce jour, de données qualitatives et quantitatives sur eux. La demande de reconnaissance, déjà mise en avant dans le rapport de 2020 de la délégation aux entreprises « Renforcer la résilience des entreprises françaises à l'étranger », est légitime.

Cependant, le label proposé, dans sa version initiale, était octroyé automatiquement, sans critère environnemental, ce qui nous paraissait risqué et cosmétique. La commission a eu le mérite de le resserrer, avec un processus de candidature. L'élargissement de la définition de l'entrepreneur français à l'étranger est également bienvenu.

Nous aurions cependant préféré des conditionnalités éthiques, sociales et environnementales au label, notamment pour la contrefaçon. Ce sera l'objet de nos amendements.

Ce label sera bénéfique s'il valorise le même niveau d'exigence que pour les entrepreneurs établis en France, à l'image du label de responsabilité sociale des entreprises (RSE). Récompensons les activités vertueuses, sans discrimination. Les comités locaux d'attribution du label devront être vigilants sur l'optimisation fiscale, motivation réelle pour certains entrepreneurs. Nous rappelons aussi l'indispensable sobriété. Relativisons le « produire pour produire » ; le rayonnement de la France est secondaire au regard de l'impératif de résilience.

D'accord pour donner un cadre et une visibilité à ces entrepreneurs. Cependant, le label proposé ne changera pas leur vie et n'aidera pas les TPE et PME les plus exposées aux crises. Notre vote dépendra du sort réservé à nos propositions de bon sens.

Monsieur le ministre, il est en effet essentiel d'éviter la confusion entre entrepreneurs français et entreprises de droit français.

Présidence de M. Pierre Laurent, vice-président

M. Jean-Baptiste Lemoyne .  - (Mme Sophie Primas applaudit.) Je remercie les auteurs de la proposition de loi, Évelyne Renaud-Garabedian et Jean-Pierre Bansard, dont on connaît l'expérience entrepreneuriale, et nos collègues députés Anne Genetet et Stéphane Vojetta, qui ont déposé un texte similaire. Le travail pointu du rapporteur démontre l'intérêt transpartisan pour ce sujet complexe.

Je me souviens des demandes de soutien affluant durant la crise sanitaire : il n'était pas possible d'agir pour les entreprises de droit étranger, surtout en dehors des pays émergents. Il a fallu faire preuve d'ingéniosité pour les aider, en passant par des associations ; ce que nous avons fait en Israël.

Notre façon d'être au monde diffère certainement de celle des autres Européens, si l'on excepte l'Allemagne et son tropisme exportateur : les Français ont cette tradition forte d'une diaspora établie et insérée dans le tissu économique local, aux quatre coins du monde.

Le « fabriqué en France » occupe souvent le devant de la scène, mais le « fabriqué par les Français » n'est pas moins important. Je songe à la success story d'un fleuriste établi aux Émirats arabes unis qui a créé une chaîne de magasins désormais présente en France. Certains amendements traduisent une forme de défiance ; or il ne s'agit pas d'évitement fiscal, mais de passion. J'ai également en tête ces maisons, ces boulangers, fromagers, chefs, comme Éric Ripert, qui dirige Le Bernardin à New York.

Je veux aussi remercier les CCEF - gloire aux CCEF ! - ces quatre mille hommes et femmes au service de la France depuis 125 ans, qui assurent un rôle crucial de formation et de promotion. Je salue en particulier Alain Bentéjac, président du Comité national des CCEF. Je remercie également CCI France International, forte de 33 000 membres répartis dans 94 pays.

Il est légitime que ces parties prenantes soient l'ossature des comités d'identification ; mais l'administration ne saurait rester à l'écart.

C'est pourquoi j'ai déposé un amendement pour que les consulats assurent le secrétariat de ces comités, et je remercie le rapporteur pour son avis favorable. Le ministère des affaires étrangères doit assumer toutes ses compétences, y compris quand il ne les considère pas comme relevant de son coeur de métier.

Allons-y franchement. Monsieur le ministre, nous serons à vos côtés pour vaincre certains corporatismes et pour que les engagements du Président de la République soient tenus à l'étranger, à l'instar du pass culture ou du service national universel (SNU).

Le consensus semble large sur cette étape fondatrice, je m'en félicite. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC ; M. Jean-Claude Requier applaudit également.)

M. Yan Chantrel .  - Cette première définition jette les bases d'un recensement de nos entrepreneurs français. Une telle identification était demandée par notre délégation aux entreprises, qui alertait sur la situation préoccupante de nos entrepreneurs français à l'étranger dans un rapport publié en décembre 2020. Ils n'ont pas pu bénéficier des aides du Gouvernement aux entreprises établies en France, alors qu'ils contribuent à notre économie et à son rayonnement.

Des travaux sont menés sur ce sujet depuis longtemps, notamment à l'Assemblée des Français de l'étranger. À la commission du commerce extérieur de cette assemblée, nous avions déjà alerté sur le manque de reconnaissance des TPE. La majorité des structures créées par des entrepreneurs français à l'étranger sont de petite taille - artisans, autoentrepreneurs, TPE ou PME. Le manque de reconnaissance pourrait d'ailleurs décourager certains d'entre eux de revenir en France.

La plupart des entreprises françaises à l'étranger contribuent à la chaîne de valeur du commerce extérieur de la France, et donc à la préservation de l'emploi en France. De plus, depuis la pandémie, la tendance au retour en France se confirme.

Nous partageons le parti pris du rapporteur de privilégier une définition large, pour prendre en compte les réalités locales. Il reviendra in fine aux comités d'attribuer le label.

Les ambassades doivent participer au recensement des entrepreneurs : elles jouent un rôle pivot en matière de diplomatie économique et de stratégie, par exemple pour pénétrer des marchés. Elles oeuvrent à l'implantation des entreprises françaises à l'étranger et travaillent en étroite collaboration avec Business France.

Je défendrai un amendement pour que les conseillers élus des Français de l'étranger et les associations représentatives intègrent les comités de sélection, conformément à la loi du 22 juillet 2013 et au décret du 18 février 2014 relatifs aux conseils consulaires. Les conseillers des Français de l'étranger sont des acteurs de terrain, installés de longue date, alors que nos diplomates sont de passage. Il est donc essentiel d'associer ce réseau unique aux comités de sélection.

L'article 3 renvoie le nom du label au décret, c'est opportun. Il faut trouver un équivalent français au nom anglais, comme nous l'avons fait en traduisant « made in France » par « fabriqué en France ».

Enfin, nous défendrons des garde-fous, notamment contre les stratégies d'optimisation fiscale.

Le groupe SER votera ce texte, qui reconnaît les entrepreneurs français à l'étranger comme des maillons essentiels de notre commerce extérieur. (Applaudissements sur les travées du groupe SER  et sur le banc des commissions.)

M. Fabien Gay .  - Reconnaître les entrepreneurs français à l'étranger a du sens, car ils sont utiles à notre rayonnement international. Le groupe CRCE n'a donc pas d'opposition de principe, mais reste dubitatif sur les trois articles du texte. Sur la définition des entrepreneurs, les modalités de recensement et le label, les flous persistent.

Sur le public visé d'abord : les entrepreneurs français à l'étranger, c'est une myriade d'entrepreneurs...

M. Jean-Baptiste Lemoyne.  - C'est vrai !

M. Fabien Gay.  - ... et de raisons de s'installer à l'étranger. Cela peut être de rejoindre un conjoint ou sa famille, de vouloir s'épanouir dans une autre culture, en se prenant de passion pour un pays.

Mais parfois, la motivation est ailleurs, dans l'évitement ou évasion fiscale, avec des montages bien ficelés entre filiales et sociétés mères. Il n'y a rien d'illégal, certes, mais c'est un angle mort de la loi qui relève d'une complaisance politique. Soyons clairs sur l'identification des entrepreneurs, en posant la question des motivations de l'installation et de la réalité de l'activité économique.

L'article 3 soulève une question majeure : un label, certes, mais pour qui et pour quoi ? Les conditions ne sont pas suffisantes. Vous n'encouragerez pas ainsi le rayonnement de nos compétences. Le label pourra bénéficier à des personnes qui travaillent vraiment, mais aussi à celles qui ne se sont installées à l'étranger que pour éviter les impôts grâce à une société écran.

La question des influenceurs mérite aussi d'être posée : la différence est grande entre un boulanger et une agence de conseil pour influenceurs. C'est tout le problème d'un label unique.

La première étape prévue par le texte est un recensement. Certes, mais pour quoi faire ? Si le but est d'inciter à s'installer à l'étranger, alors nous serons absolument contre. Si le but est de faciliter le lien avec les autorités françaises, alors pourquoi ne pas travailler avec l'existant - chambres de commerce et d'industrie, France Business, French Tech ?

Ce texte n'est pas assez explicite sur sa portée. Mais, comme nous n'avons pas d'opposition frontale, nous nous abstiendrons. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE ; M. Jean-Yves Leconte applaudit également.)

M. Olivier Cadic .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC et du RDPI.) Depuis longtemps, nous cherchons à définir la nationalité d'une entreprise, pour savoir à quelles aides elle peut prétendre. Pendant la crise sanitaire, des alertes ont été lancées par Renaud Bentégeat, président de la chambre de commerce et d'industrie France international, et Alain Bentéjac, président des conseillers du commerce extérieur : de nombreux entrepreneurs français de l'étranger étaient en péril et avaient besoin d'un filet de sécurité pour que ne disparaissent pas des acteurs essentiels.

L'Association des Français de l'étranger avait proposé des pistes de réflexion intéressantes. (M. Jean-Baptiste Lemoyne le confirme.) Après une démarche comparable de collègues députés, cette proposition de loi propose de recenser les entrepreneurs français à l'étranger. J'y suis d'autant plus favorable que j'avais proposé cette piste lors d'une table ronde organisée par la délégation aux entreprises en 2020.

Quel est l'objectif de cette proposition de loi ? La reconnaissance et le soutien des entrepreneurs français à l'étranger. Convaincu que leur rôle est essentiel, j'avais fait adopter, en 2021, un amendement à la loi Développement solidaire et lutte contre les inégalités mondiales de Jean-Yves Le Drian pour apporter un soutien aux entrepreneurs français à l'étranger via l'Agence française de développement (AFD).

La loi reconnaît déjà le rôle actif des entrepreneurs français à l'étranger comme vecteur de notre politique de développement solidaire et de lutte contre les inégalités mondiales. Je propose donc de renommer ce texte : « Identifier et valoriser les entrepreneurs français à l'étranger ».

La proposition de loi d'Évelyne Renaud-Garabedian et Jean-Pierre Bansard comptait 187 mots : à trois mois d'une échéance électorale, je les félicite pour leur concision...

Le texte initial, en ne visant que les chefs d'entreprise majoritaires au capital - on est loin de la start-up nation -, excluait les entrepreneurs de la Tech, qui ont rapidement besoin de l'aide d'investisseurs. Les trois articles du texte ont été judicieusement remaniés par le rapporteur Babary, mais j'ai déposé huit amendements, issus de mon expérience d'entrepreneur français en Angleterre et des rencontres faites lors de mes 183 déplacements.

Il faut ainsi préciser la notion de directeur général. Il faut aussi veiller à ne pas créer un système intrusif, notamment pour les binationaux : quel sort auraient les données conservées ? Il n'est fait nulle part mention du volontariat : il convient de le préciser, même s'il faut évidemment une cartographie pour pouvoir identifier la cible avant de l'atteindre.

Le label de l'article 3 est une belle initiative. Le nom Made by French a été éliminé par la commission. Le nommer avant de savoir ce qu'il recouvre, c'était mettre la charrue avant les boeufs.

Je propose d'ouvrir les comités pour diversifier les expertises et de prévoir une attribution automatique pour éviter l'arbitraire et les conflits d'intérêts. Je propose d'inclure des entrepreneurs qui, sans vendre un savoir-faire particulier, oeuvrent en faveur de l'attractivité de notre territoire, comme les conseillers financiers.

De plus, je proposerai la suppression de l'alinéa 4 de l'article 3, pour mieux protéger nos entreprises en cas de situation politique troublée.

Monsieur le ministre, je connais votre dévouement total. Toutefois, je sais que vous veillez à la préservation du droit européen. Par un amendement censuré au titre de l'article 40, je proposais que vous borniez votre action à désigner l'organisme chargé de ces opérations. Si nous souhaitons éviter au label le même sort que celui de Deutsche Qualität, restons prudents.

Pour les Philippins, leurs compatriotes établis à l'étranger sont des héros : ils savent combien leurs envois d'argent comptent dans leur économie. Je propose que le Gouvernement communique annuellement les données des entreprises labellisées sur ces flux financiers, pour que les Français réalisent à quel point les petits ruisseaux des entrepreneurs français à l'étranger font les grandes rivières de l'exportation française. (Applaudissements au banc des commissions ; M. Michel Canévet applaudit également.)

M. Édouard Courtial .  - La France ne manque pas de richesses pour rayonner à l'étranger : exception culturelle, gastronomie vivante, paysages, art de vivre... Mais aussi nos entrepreneurs, ces hommes et femmes qui portent des projets d'avenir au-delà de nos frontières : notre diaspora est une chance, comme l'a déclaré le Président de la République. Leur succès est celui de notre pays.

Ils entretiennent un esprit de communauté, faisant vivre notre pays au-delà des océans, et oeuvrent au service de notre commerce extérieur, qui en a tant besoin. Pourtant, ils souffrent d'un manque de reconnaissance, voire d'une indifférence coupable.

La crise sanitaire a montré combien il leur manquait un statut. J'apporte donc tout mon soutien à cette proposition de loi, qui leur offre une forme de reconnaissance et vise à une meilleure compréhension de leur situation.

L'exigence d'une inscription au registre des Français établis hors de France permet de témoigner d'une volonté de liens avec notre pays. L'assouplissement des critères par la commission permet de tenir compte de la diversité des profils.

Le recensement est primordial, car nous ignorons leur nombre, même si les acteurs du secteur l'estiment à 130 000. La création d'une liste claire participera d'un meilleur suivi. L'État pourra mieux les aider en cas de crise.

La commission a confié le recensement aux acteurs de terrain. En effet, une telle mission aurait alourdi la charge des consulats et des ambassades, et ils sont les mieux placés. Toutefois, veillons à la qualité du recensement et évitons un hypothétique détournement de ce label.

Nos entrepreneurs établis à l'étranger sont un atout majeur et une chance pour le pays : ils contribuent à la construction d'un tissu économique dense, mais aussi à la qualité de vie de la diaspora française. Ils méritent toute notre reconnaissance. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP et du RDPI.)

M. Marc Laménie .  - Je remercie nos collègues Évelyne Renaud-Garabedian et Jean-Pierre Bansard pour leur proposition de loi. Je salue le travail de la délégation aux entreprises, notamment celui de notre ancienne collègue Jacky Deromedi, qui, en 2020, avait rappelé que les entrepreneurs français à l'étranger, mal appréhendés, étaient pourtant essentiels à la vie économique du pays.

Quelque 2,5 millions de Français résident à l'étranger, dans 169 pays du monde.

Ce texte comporte trois articles : l'article 1er définit l'entrepreneur français à l'étranger, l'article 2 prévoit son recensement et l'article 3 vise à créer un label Made by French.

Dans nos départements, nous voyons bien que le mérite du développement économique revient aux chefs d'entreprise, quelle que soit la taille de celle-ci. Les entrepreneurs français présents aux quatre coins du monde sont des ambassadeurs de notre pays.

Les CCI à l'étranger et conseillers du commerce extérieur jouent un grand rôle dans le développement économique. Environ 130 000 entreprises pour 500 000 salariés français seraient concernées. Favorisons la collaboration entre l'État et le monde économique.

Je voterai, naturellement, cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP et du RDPI ; M. Jean-Claude Requier applaudit également.)

Discussion des articles

ARTICLE 1er

Mme Hélène Conway-Mouret .  - Je salue à mon tour l'initiative de nos collègues. Ce texte apporte une reconnaissance méritée à nos entrepreneurs établis à l'étranger, qui participent au rayonnement de la France. Un demi-million de nos compatriotes sont employés par ces entreprises, dont 69 % ont un partenariat avec une entreprise française.

Or, faute de définition claire, on peine à les appréhender. Le texte nourrira le cercle vertueux de nos échanges à l'étranger. Il posera les bases d'un accompagnement concret en faveur de ces entreprises. En effet, elles ont été ignorées alors qu'elles ont subi les mêmes difficultés que, par exemple, les secteurs de la culture et de l'éducation.

Ce texte est une première marche vers un statut pour ces acteurs, dont le rôle en faveur de l'environnement et de notre rayonnement économique n'est plus à démontrer.

M. Jean-Yves Leconte .  - Nous avons été incapables d'accompagner certains entrepreneurs français à l'étranger durant la crise sanitaire : certains n'ont pu être aidés, alors qu'ils ne bénéficiaient pas d'aides dans leur pays de résidence, parfois faute d'en avoir la nationalité. Malgré nos propositions, l'accès à un prêt garanti par l'État ne leur a pas été octroyé.

Le savoir-faire des entrepreneurs est indispensable pour améliorer le solde de notre commerce extérieur. Selon un rapport du Conseil économique et social de 2005, les entrepreneurs français à l'étranger créent plusieurs centaines de milliers d'emplois en France.

Nous nous heurtons à des problèmes de définition, non seulement pour ceux qui ouvrent leur capital à l'investissement (M. Olivier Cadic acquiesce.), mais aussi pour ceux qui choisissent la forme coopérative. Il faut encore élargir la définition pour mieux les accompagner - le rapporteur a commencé à le faire.

Je rappelle que 60 % de ces entrepreneurs ont eu besoin d'être accompagnés pour leur retraite ou l'éducation de leurs enfants, et 30 % pour l'obtention de visas pour leurs partenaires commerciaux.

M. le président.  - Amendement n°11 rectifié, présenté par MM. Cadic et J.M. Arnaud, Mme Billon, MM. Canévet et Delahaye, Mme Dindar, MM. Duffourg et Folliot, Mmes Guidez, Jacquemet et de La Provôté, MM. Le Nay, Levi, Maurey et Moga et Mmes Morin-Desailly et Sollogoub.

Remplacer les mots :

la direction générale

par les mots :

des fonctions de cadre dirigeant

M. Olivier Cadic.  - Les propos de Jean-Yves Leconte tombent à pic : il a défendu par anticipation mon amendement, qui tend à élargir la définition de l'entrepreneur français à l'étranger.

La commission a introduit la notion de direction générale. Je propose de l'étendre : les entrepreneurs de la Tech, par exemple, créent leur société, mais, compte tenu des besoins en capital, deviennent vite minoritaires.

M. Serge Babary, rapporteur.  - La commission a déjà élargi la notion d'entrepreneur français à l'étranger à trois critères : avoir créé l'entreprise, contrôler effectivement le capital ou en exercer la direction générale. Avis défavorable.

M. Olivier Becht, ministre délégué.  - Je comprends l'intention de M. Cadic. Toutefois, la notion de cadre dirigeant est très large en droit français. N'octroyons pas le label à une entreprise étrangère, dirigée par un étranger, qui comporterait seulement un cadre dirigeant français. Soyons prudents : sagesse.

M. Jean-Yves Leconte.  - Cet amendement, que nous l'adoptions ou non, montre qu'il nous reste du travail, car le texte ne concerne que les équivalents des SA ou des SARL. Prendre des risques : voilà la définition de l'entrepreneuriat. Pourquoi exclure ceux qui ont choisi de prendre des risques ensemble, dans une coopérative ? N'oublions pas l'économie sociale et solidaire !

Mme Mélanie Vogel.  - L'amendement a le mérite d'ouvrir le débat. S'il était adopté, un cadre dirigeant français de Monsanto permettrait à l'entreprise de recevoir le label... (Mme Sophie Primas sourit.) Il pourrait même couvrir des entreprises agissant contre les intérêts de la France. Certes, il faut élargir la définition, mais, en l'espèce, je trouve la démarche excessive.

M. Olivier Cadic.  - Je comprends les arguments du rapporteur Babary et l'appel à la sagesse du ministre : je retire mon amendement.

L'amendement n°11 rectifié est retiré.

M. le président.  - Amendement n°19, présenté par M. Babary, au nom de la commission.

Remplacer les mots :

entreprise française

par les mots :

entreprise de droit français

M. Serge Babary, rapporteur.  - Amendement rédactionnel.

M. Olivier Becht, ministre délégué.  - Sagesse.

L'amendement n°19 est adopté.

L'article 1er, modifié, est adopté.

ARTICLE 2

Mme Hélène Conway-Mouret .  - Les entrepreneurs français à l'étranger appartiennent à une catégorie d'entreprises qui n'est pas appréhendée par la statistique publique. Or 40 % de ces entreprises font appel à des produits français et 33 % utilisent la technologie française.

Je soutiens l'amendement n°5 rectifié bis de Yan Chantrel visant à intégrer les membres du conseil consulaire dans le comité de sélection.

Leur présence renforcerait les avis du comité de sélection - nous avons besoin de ces élus locaux.

M. le président.  - Amendement n°3 rectifié bis, présenté par Mme Blatrix Contat et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Alinéa 1

Après le mot :

pays

insérer les mots :

et en lien avec le service économique de chaque ambassade

Mme Florence Blatrix Contat.  - L'article 2 de la proposition de loi confie le recensement des entrepreneurs français à l'étranger à un comité d'identification, établi auprès de chaque ambassade dans la version initiale. La commission a supprimé cette disposition. Nous souhaitons la rétablir : les ambassades, et notamment leurs services économiques, jouent un rôle important en matière d'implantation des entrepreneurs français à l'étranger, de diplomatie économique et d'influence stratégique. Ces services sont l'outil idoine pour faire le lien avec les CCI et les conseillers du commerce extérieur.

M. Serge Babary, rapporteur.  - Les ambassades doivent être associées au processus de recensement. La rédaction actuelle de l'article n'empêche pas cet apport. Toutefois, la rédaction de l'amendement n°1 rectifié me semble plus opérationnelle. Avis défavorable.

M. Olivier Becht, ministre délégué.  - Nos ambassades sont bien évidemment impliquées dans le suivi des entrepreneurs français à l'étranger. Cela dit, faut-il associer directement, dans la loi, les services de l'État à cette procédure ? Dans un arrêt de 2002, la CJUE a estimé qu'une telle pratique était une aide d'État. (M. Olivier Cadic le confirme.) Avis défavorable.

L'amendement n°3 rectifié bis n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°5 rectifié bis, présenté par M. Chantrel, Mme Conway-Mouret et M. Leconte.

Alinéa 1

Après le mot:

notamment

insérer les mots:

des conseillers des Français de l'étranger, des associations représentatives au niveau national des Français établis hors de France,

M. Yan Chantrel.  - Cette proposition de loi vise à identifier les entrepreneurs français à l'étranger : dès lors, il nous paraît essentiel d'y associer les conseillers et les associations représentatives, reconnues d'utilité publique, des Français établis hors de France. Ces derniers vivent depuis de nombreuses années dans les pays étrangers : ne nous privons pas de leur expertise, qui relève aussi d'un contrôle démocratique. La loi du 22 juillet 2013 précise clairement que le conseil consulaire, dans lequel siègent aussi les associations reconnues d'utilité publique, est chargé de formuler des avis sur les questions d'intérêt social et économique.

M. le président.  - Amendement n°12 rectifié, présenté par MM. Cadic et J.M. Arnaud, Mme Billon, M. Canévet, Mmes de La Provôté, Devésa et Dindar, MM. Duffourg et Folliot, Mmes Guidez et Jacquemet, MM. Le Nay, Levi, P. Martin, Maurey et Moga et Mmes Morin-Desailly et Sollogoub.

Alinéa 1

Après le mot :

notamment

insérer les mots :

des conseillers des Français de l'étranger,

M. Olivier Cadic.  - Je propose que les conseillers des Français de l'étranger soient associés au comité de sélection. Les conseils consulaires ont une compétence économique, toutefois insuffisamment mise en valeur. Peut-être est-ce pour cela que la commission les a oubliés. Reconnaissons-les.

M. Serge Babary, rapporteur.  - L'intégration des conseillers des Français de l'étranger me semble suffisante : l'ajout des associations me semble superfétatoire, d'autant que les comités sont constitués sur une base locale et non nationale. Avis défavorable à l'amendement n°5 rectifié bis.

S'agissant de l'amendement n°12 rectifié, nous avions préféré un comité d'acteurs locaux aux membres peu nombreux, mais les conseillers pourront apporter leur expertise : sagesse.

M. Olivier Becht, ministre délégué.  - Même avis sur l'amendement n°5 rectifié bis ; sagesse sur l'amendement n°12 rectifié.

M. Yan Chantrel.  - Je propose de rectifier mon amendement en incluant uniquement les conseillers des Français de l'étranger. Il devient ainsi identique à l'amendement n°12 rectifié.

M. le président.  - Il s'agit donc de l'amendement n°5 rectifié ter.

Amendement n°5 rectifié ter, présenté par M. Chantrel, Mme Conway-Mouret et M. Leconte.

Alinéa 1

Après le mot:

notamment

insérer les mots:

des conseillers des Français de l'étranger,

M. Jean-Yves Leconte.  - Merci au rapporteur pour sa position sur les conseillers des Français de l'étranger. Il me permettra toutefois cette question taquine : il est difficile de définir les entrepreneurs français à l'étranger, mais, dès lors que l'article 1er comporte une définition, à quoi sert le comité d'identification ? N'a-t-il plus qu'un rôle de constatation ?

Mme Évelyne Renaud-Garabedian.  - Je remercie le rapporteur d'avoir accepté notre demande initiale d'intégrer les conseillers des Français de l'étranger. M. Cadic n'était pas tout à fait au courant des travaux de la commission...

Les amendements identiques nos5 rectifié ter et 12 rectifié sont adoptés.

M. le président.  - Amendement n°13 rectifié, présenté par MM. Cadic et J.M. Arnaud, Mme Billon, MM. Canévet et Delahaye, Mme Dindar, MM. Duffourg et Folliot, Mmes Guidez et Jacquemet, MM. Le Nay, Levi, P. Martin, Maurey et Moga et Mmes Morin-Desailly, Perrot et Sollogoub.

Alinéa 1

Compléter cet alinéa par les mots :

, qui souhaitent obtenir le label prévu à l'article 3

M. Olivier Cadic.  - Ce point me paraît très important : l'obtention du label doit répondre à une démarche volontaire.

Je suis un entrepreneur français à l'étranger. Mon label, c'est mon passeport et je n'ai pas besoin d'autre chose.

Je me fais l'écho d'entrepreneurs, notamment binationaux, qui s'inquiètent. Apparaître comme français pourrait leur poser d'énormes problèmes, voire remettre en cause leur activité. Je pense à un éditeur franco-américain de ma connaissance.

Il y aurait quelque chose d'inconséquent à identifier des personnes sans leur accord. Si cet amendement n'était pas adopté, je pourrais reconsidérer ma position sur l'ensemble du texte.

M. Serge Babary, rapporteur.  - Rassurez-vous : le recensement se fera sur la base du volontariat. L'inverse serait difficile à mettre en oeuvre, intrusif et parfois, comme vous l'avez expliqué, dangereux. Le dispositif ne prévoit aucune obligation. Avis défavorable.

M. Olivier Becht, ministre délégué.  - Ce qui va bien en le disant va encore mieux en l'écrivant : avis favorable.

M. Olivier Cadic.  - Puisque nous sommes d'accord, monsieur le rapporteur, pourquoi refuser de l'écrire expressément ? Je ne comprends pas ce qui vous gêne.

Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques.  - Parce que votre amendement est satisfait...

M. Olivier Cadic.  - Je ne suis pas d'accord. Il n'est écrit nulle part que la démarche doit être volontaire. Je le répète, certains entrepreneurs sont inquiets.

M. Jean-Yves Leconte.  - Au fond, on en revient à la question que j'ai posée : à quoi servira ce comité ? L'article 2 lui confie un recensement, l'article 3 une compétence de labellisation : ce sont deux choses différentes. On comprend l'esprit, mais le dispositif n'est peut-être pas totalement abouti...

M. Serge Babary, rapporteur.  - Comprenons-nous bien. La dimension volontaire n'est pas précisée dans le texte. Mais le comité se prononcera sur le rayonnement de l'entreprise et le respect de l'image de la France, à partir d'une demande de l'entrepreneur. Le label ne lui sera d'ailleurs pas nécessairement attribué : certains critères, y compris éthiques, devront être remplis. (M. Olivier Cadic manifeste que cela ne répond pas à sa question.) Le tiers de confiance, c'est la présence de l'État.

J'entends vos arguments, mon cher collègue, et nous allons dans le même sens : j'émets un avis de sagesse sur votre amendement.

M. Fabien Gay.  - Je voterai l'amendement de M. Cadic. Un recensement n'a pas lieu sur une base volontaire - songez au recensement national. Mieux vaut donc préciser que l'attribution du label, elle, le sera. J'entends que cela puisse préoccuper des entrepreneurs, et il est préférable de l'écrire. Mais, du coup, il ne reste pas grand-chose de la portée de cette proposition de loi...

L'amendement n°13 rectifié est adopté.

M. le président.  - Amendement n°1 rectifié, présenté par M. Lemoyne.

Alinéa 1

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Le secrétariat de ce comité d'identification est assuré par le service économique de l'ambassade de France.

M. Jean-Baptiste Lemoyne.  - Le comité d'identification doit bénéficier du soutien du service économique de l'ambassade de France. Il s'agit d'assurer l'effectivité du dispositif. Nous sommes au coeur des missions de ces services, régies par le décret du 3 mai 2002.

Levons certaines craintes : l'État délivre déjà des labels, comme « Entreprise du patrimoine vivant », sans remise en cause au niveau européen. Pendant la pandémie, jamais je n'aurais monté en quelques heures l'opération « SOS, un toit » si j'avais suivi les notes de la direction des affaires juridiques du ministère des affaires étrangères...

M. Serge Babary, rapporteur.  - La commission souhaitait éviter une trop lourde charge administrative pour les services économiques des ambassades, mais ils doivent d'une manière ou d'une autre être impliqués. Notre collègue propose un bon compromis. Avis favorable.

M. Jean-Baptiste Lemoyne.  - Merci !

M. Olivier Becht, ministre délégué.  - Je ne me contenterai pas de lire la note de la direction des affaires juridiques du ministère : je vous donnerai mon sentiment personnel.

Notre souhait est que les labels servent effectivement nos entrepreneurs. Or la CJUE, en 2002, a censuré un label facultatif créé par l'Allemagne pour mettre en valeur certains produits. Pourquoi fragiliser le label que nous souhaitons en l'inscrivant dans la loi, alors qu'il pourra être mis en oeuvre par décret ? Le label French Tech est un cas différent : il est délivré à des associations réunissant une communauté d'entreprises.

Réfléchissons bien avant de prendre une mesure qui risquerait de se retourner contre nos entrepreneurs. Je ne voudrais pas que nous travaillions en vain. Retrait ?

L'amendement n°1 rectifié est adopté.

L'article 2, modifié, est adopté.

APRÈS L'ARTICLE 2

M. le président.  - Amendement n°2, présenté par Mme Paoli-Gagin et MM. Capus, Malhuret, Menonville, Guerriau, Chasseing, A. Marc et Wattebled.

Après l'article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le recensement prévu à l'article 2 indique si l'entrepreneur a créé sa société à l'étranger :

- parce qu'il ne souhaitait pas la créer en France ;

- parce que les conditions pour la créer étaient plus favorables dans le pays où il l'a créée ;

- parce qu'il a identifié des opportunités de marché spécifiques dans le pays où il l'a créée ;

- pour des raisons personnelles.

Les données ainsi collectées, après avoir été anonymisées, sont transmises chaque année par chaque ambassade au ministre chargé du commerce extérieur. Le ministre chargé du commerce extérieur transmet au Parlement un rapport qui présente ces données de façon agrégée et en propose des explications structurelles et conjoncturelles. La remise de ce rapport peut donner lieu à un débat au Parlement sur la compétitivité et l'attractivité de la France pour la création d'entreprise.

M. Alain Marc.  - De nombreux Français s'expatrient faute d'opportunités dans leur pays ou à cause du contexte législatif français. Ces données, agrégées et anonymisées, intéressent le Parlement, dans la mesure où elles concernent la compétitivité de la France.

M. Serge Babary, rapporteur.  - Une telle collecte de données ne serait pas utile. Beaucoup d'entrepreneurs ont quitté la France pour des raisons personnelles et verraient ces questions comme une marque de défiance. Conservons un dispositif simple, sans bureaucratie excessive. Retrait.

M. Olivier Becht, ministre délégué.  - Même raisonnement, même avis.

L'amendement n°2 est retiré.

ARTICLE 3

M. le président.  - Amendement n°7 rectifié ter, présenté par Mmes Conway-Mouret et Poumirol, M. Tissot, Mme Monier et MM. Féraud, Leconte, Mérillou, Gillé et Chantrel.

I.  -  Alinéa 1

Après le mot :

label

insérer les mots :

intitulé France Entreprise

II.  -  Alinéa 3

Supprimer les mots :

nom, son

Mme Hélène Conway-Mouret.  - L'appellation « France Entreprise » nous paraît plus judicieuse, dans un esprit d'harmonisation avec les autres dénominations de l'équipe France : Business France, Choose France... Nous pourrions envisager aussi « France Entrepreneur », pour refléter le fait que 37 % de nos entrepreneurs à l'étranger choisissent la marque France. Cette proposition souligne la volonté du Sénat d'être associé aux suites du texte.

M. Serge Babary, rapporteur.  - La commission a estimé qu'une concertation aboutirait à un meilleur choix pour le nom du label. En outre, il ne faut pas confondre entrepreneurs et entreprises. Retrait, sinon avis défavorable.

M. Olivier Becht, ministre délégué.  - Même avis, pour les mêmes raisons.

L'amendement n°7 rectifié ter est retiré.

M. le président.  - Amendement n°14 rectifié, présenté par MM. Cadic et J.M. Arnaud, Mme Billon, M. Canévet, Mmes Devésa et Dindar, MM. Duffourg et Folliot, Mmes Guidez et Jacquemet, MM. Le Nay, Levi, Maurey et Moga et Mmes Morin-Desailly, Perrot et Sollogoub.

Alinéa 1

Après les mots :

services français,

insérer les mots :

à l'attractivité

M. Olivier Cadic.  - Élargissons le champ de l'article au principe d'attractivité. Je pense à un conseiller financier basé aux États-Unis qui incite des investisseurs à s'établir sur notre sol. Nous célébrons notre attractivité : elle est parfois due à nos entrepreneurs.

M. Serge Babary, rapporteur.  - On pourrait considérer que la notion de rayonnement de la France comprend l'attractivité, mais, pour dissiper les doutes, celle-ci peut être mentionnée comme critère à part entière... Avis favorable.

M. Olivier Becht, ministre délégué.  - En tant que ministre chargé de l'attractivité, je suis sensible à votre proposition. (Sourires) Avis favorable, donc.

L'amendement n°14 rectifié est adopté.

M. le président.  - Amendement n°15 rectifié, présenté par MM. Cadic et J.M. Arnaud, Mme Billon, MM. Canévet et Delahaye, Mmes Devésa et Dindar, MM. Duffourg et Folliot, Mmes Guidez et Jacquemet, MM. Le Nay, Levi, Maurey et Moga et Mmes Morin-Desailly, Perrot et Sollogoub.

Alinéa 2

Remplacer les mots :

de sélectionner les bénéficiaires de ce label

par les mots :

d'attribuer le label aux entrepreneurs français à l'étranger définis à l'article 1er qui remplissent les conditions fixées au premier alinéa du présent article

M. Olivier Cadic.  - Il est prévu que le comité sélectionne les bénéficiaires du label, mais ce système est source d'ambiguïtés et de potentiels dangers. En effet, un comité peut être soumis à des conflits d'intérêts : en fonction de compétitions locales, un entrepreneur pourrait se voir refuser le label injustement. C'est pourquoi je propose une attribution automatique, dès lors que les conditions sont réunies.

M. Serge Babary, rapporteur.  - L'article 3 énumère précisément des critères qualitatifs qui devront être appréciés, notamment pour préserver la marque France d'atteintes réputationnelles. L'octroi du label ne peut donc pas être automatique. Retrait, sinon avis défavorable.

M. Olivier Becht, ministre délégué.  - Même avis.

L'amendement n°15 rectifié est retiré.

M. le président.  - Amendement n°6, présenté par M. Salmon, Mme M. Vogel, MM. Labbé, Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard et Parigi et Mme Poncet Monge.

Après l'alinéa 2

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

Ce label est octroyé sous condition du respect de critères sociaux, environnementaux et sanitaires. Ces critères ne peuvent être moins exigeants que ceux définis en application de l'article 53 de la loi n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement.

M. Daniel Salmon.  - Nous conditionnons l'octroi du label au respect de normes sociales, sanitaires et environnementales, afin d'en renforcer la valeur. Pour servir vraiment le rayonnement de la France, ce label ne saurait être moins-disant par rapport aux labels de RSE. Les entrepreneurs français à l'étranger doivent a minima respecter le cadre national, dans un souci de non-discrimination.

M. Serge Babary, rapporteur.  - Le respect des mêmes règles que les entreprises françaises serait souhaitable, même si les règles diffèrent d'un pays à l'autre. Définir des critères pour chaque pays serait une procédure lourde et difficile à mettre en oeuvre. En outre, il est prévu que la marque France ne puisse être associée à des préjudices à l'environnement ou à la santé. Retrait, sinon avis défavorable.

M. Olivier Becht, ministre délégué.  - L'intention est louable, mais nous visons des entrepreneurs, et non des entreprises. Laissons les comités apprécier. Avis défavorable.

Mme Mélanie Vogel.  - Il est un peu étonnant, monsieur le rapporteur, de demander le retrait de notre amendement parce que son contenu doit être respecté...

Ce label ne doit pas être attribué lorsque les règles appliquées sont moins-disantes par rapport aux nôtres : nous pourrions nous mettre d'accord sur cet objectif, surtout dans le contexte de l'élaboration de la directive européenne sur le devoir de vigilance.

Nous n'inventons pas de nouveaux critères, nous reprenons ceux qui existent. Et nous n'exigeons pas des pratiques mieux-disantes : nous demandons simplement qu'elles ne soient pas moins-disantes.

Mme Évelyne Renaud-Garabedian.  - Cette proposition de loi sera mise en oeuvre par décret : nous pourrons y travailler avec le cabinet du ministre.

L'amendement n°6 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°9, présenté par Mme M. Vogel, MM. Salmon, Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi et Mme Poncet Monge.

Après l'alinéa 2

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

Est interdite la mention du label sur des produits mentionnés aux 4 et 5 de l'article 38 du code des douanes, sur les armes soumises à interdiction mentionnées au titre IV du livre III de la partie 2 de la partie législative du code de la défense et pour la commercialisation et la promotion des énergies fossiles.

Mme Mélanie Vogel.  - Nous visons le même objectif, avec une logique inverse : exclure explicitement du label certaines activités et certains produits, notamment ceux issus de l'extraction fossile ou contrefaits. Il serait étrange de valoriser des activités illégales en France ou allant à l'encontre de nos engagements.

M. Serge Babary, rapporteur.  - Vos préoccupations sont légitimes. En effet, la marque France ne doit pas être associée à des armes ou à de la contrefaçon : j'en appelle au bon sens du comité et du ministère de l'Europe et des affaires étrangères. Mais n'ouvrons pas la brèche à une multiplication des exceptions dans la loi. Mme Renaud-Garabedian a rappelé à juste titre le rôle du décret. Avis défavorable.

M. Olivier Becht, ministre délégué.  - Même avis.

M. Fabien Gay.  - Je voterai cet amendement, mais il faut un débat plus large, sur l'aspect social comme sur l'aspect environnemental. Un agriculteur français basé au Canada ou en Nouvelle-Zélande produira selon les normes locales. Mais les deux amendements sont justes : on ne peut, dans la compétition internationale, se lancer dans le moins-disant. Dès lors, comment faire ? De même, n'importe quel entrepreneur français à l'étranger, par exemple au Brésil, paiera ses salariés au Smic local, pas au Smic français.

Il ne s'agit pas de labelliser des activités consistant à faire ailleurs ce qu'on ne peut pas faire ici. Je pense à des entreprises françaises qui, lorsqu'elles opèrent en Afrique, ne respectent pas du tout le droit européen. (M. Yan Chantrel acquiesce.)

Je partage la philosophie de cet amendement, mais on ne réglera pas en quelques secondes ce débat complexe.

L'amendement n°9 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°4 rectifié, présenté par Mme Blatrix Contat et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Alinéa 3

Après le mot :

octroi

insérer les mots :

, qui sont notamment conditionnées au contrôle des phénomènes d'optimisation ou d'évasion fiscale,

Mme Florence Blatrix Contat.  - Nous voulons poser des conditions à l'obtention du label. Le développement d'une entreprise à l'étranger ne doit pas se traduire par un contournement de notre droit. Cela suppose d'imposer le respect d'exigences sociales, environnementales et éthiques. Certains entrepreneurs s'installent à l'étranger pour de mauvaises raisons, notamment fiscales. Évitons qu'ils ne ternissent l'image de ce label pour tous les entrepreneurs exemplaires qui méritent d'être valorisés.

M. Serge Babary, rapporteur.  - Le contrôle des pratiques d'optimisation et d'évasion fiscales ne relève ni des ambassades ni des CCI. Laissons les administrations compétentes et le ministère des comptes publics travailler. (M. le ministre acquiesce.)

Les entrepreneurs qui ne valoriseraient pas l'image de la France à l'étranger n'entrent pas dans le champ de ce texte : avis défavorable.

M. Olivier Becht, ministre délégué.  - Le Gouvernement est engagé dans la lutte contre la fraude fiscale, mais ce n'est pas l'objet du label : retrait. (M. Fabien Gay s'exclame.) À défaut de retrait, sagesse.

L'amendement n°4 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°17 rectifié, présenté par MM. Cadic et J.M. Arnaud, Mme Billon, M. Canévet, Mmes Devésa et Dindar, MM. Duffourg et Folliot, Mmes Guidez et Jacquemet, MM. Le Nay, Levi, P. Martin, Maurey et Moga et Mmes Morin-Desailly, Perrot et Sollogoub.

Alinéa 4

Supprimer cet alinéa.

M. Olivier Cadic.  - Je propose de supprimer la publicité du répertoire des bénéficiaires du label. Votre serviteur est sorti de l'Union européenne sans même déménager : ce qui est positif un jour risque de devenir négatif le lendemain.

Mme Renaud-Garabedian nous indique qu'elle est en mesure d'influencer un décret... Au minimum, il faut agir à ce niveau.

M. Serge Babary, rapporteur.  - Merci de soumettre cette préoccupation à notre réflexion. Toutefois, le label n'est pas automatique : seuls les entrepreneurs qui le souhaitent seront répertoriés. En outre, le répertoire ne contiendra pas d'informations personnelles comme l'adresse. Avis défavorable.

M. Olivier Becht, ministre délégué.  - Sagesse.

M. Olivier Cadic.  - Je remercie le ministre pour son avis et le rapporteur pour les précautions qu'il mentionne, mais rien n'est formalisé... Je m'en remets à la sagesse des députés et retire mon amendement.

L'amendement n°17 rectifié est retiré.

L'article 3, modifié, est adopté.

APRÈS L'ARTICLE 3

M. le président.  - Amendement n°18 rectifié, présenté par MM. Cadic et J.M. Arnaud, Mme Billon, M. Canévet, Mmes Devésa et Dindar, MM. Duffourg et Folliot, Mmes Guidez et Jacquemet, MM. Le Nay, Levi, P. Martin, Maurey et Moga et Mmes Morin-Desailly, Perrot et Sollogoub.

Après l'article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le Gouvernement communique annuellement les données globalisées des entreprises labellisées permettant d'évaluer les flux financiers réalisés avec la France.

M. Olivier Cadic.  - Aux Philippines, j'ai été frappé de voir à quel point les expatriés étaient considérés comme des héros, tant l'argent qu'ils renvoient au pays est important pour l'économie locale.

En tant qu'entrepreneur, je renvoie chaque année de l'argent vers la France, car je perçois des droits pour des éditeurs français. Je connais un grand nom de la boulangerie qui a des boulangeries aux quatre coins du monde : chacune ramène 100 000 euros à la France chaque année ! Les petits ruisseaux font les grandes rivières. Mesurons et valorisons cet apport pour notre économie.

M. Serge Babary, rapporteur.  - Avis défavorable : la commission n'a pas souhaité créer de charge administrative, ce qu'entraînerait la collecte de données sur les flux financiers de chaque entreprise. De plus, toutes les administrations auditionnées estiment qu'il est impossible d'évaluer la contribution directe comme indirecte des entrepreneurs au commerce extérieur de la France.

M. Olivier Becht, ministre délégué.  - Retrait ou avis défavorable.

M. Olivier Cadic.  - Je constate avec regret que notre administration n'est pas en mesure de faire ce que font les Philippines. Soit, je retire mon amendement.

L'amendement n°18 rectifié est retiré.

INTITULÉ DE LA PROPOSITION DE LOI

M. le président.  - Amendement n°10 rectifié, présenté par MM. Cadic et J.M. Arnaud, Mme Billon, MM. Canévet et Delahaye, Mmes Devésa et Dindar, MM. Duffourg et Folliot, Mmes Guidez et Jacquemet, MM. Le Nay, Levi, Maurey, P. Martin et Moga et Mmes Morin-Desailly, Perrot et Sollogoub.

Remplacer les mots :

reconnaître et à soutenir

par les mots :

identifier et à valoriser

M. Olivier Cadic.  - Je remercie les auteurs de la proposition de loi pour leur démarche. Toutefois, je relève que, depuis deux ans, la loi reconnaît déjà ces entrepreneurs et qu'ils sont soutenus par l'aide au crédit de l'AFD. Il s'agit aujourd'hui de les identifier et de reconnaître et valoriser tout ce qu'ils apportent à notre économie, d'où ma proposition d'intitulé.

M. Serge Babary, rapporteur.  - Le texte insiste sur la notion de reconnaissance, un sentiment présent dans l'intitulé de la proposition de loi. Les entrepreneurs français à l'étranger disposeront d'un statut défini et pourront être recensés. Le texte entend non seulement les reconnaître par le label, mais aussi les soutenir. Retrait ou avis défavorable.

M. Olivier Becht, ministre délégué.  - Sagesse.

Mme Évelyne Renaud-Garabedian.  - L'intitulé que nous avons retenu émane de nos échanges avec les entrepreneurs français à l'étranger, qui se plaignent d'un manque de soutien et de reconnaissance. La valorisation viendra après. J'ai souhaité respecter leur demande.

M. Olivier Cadic.  - Je retire mon amendement. Il appartiendra à l'histoire de dire en quoi ce label soutient les entrepreneurs français à l'étranger. En ce qui me concerne, mon passeport me suffit. Je suis entrepreneur français à l'étranger et ne demande aucun soutien au Gouvernement ou au contribuable français. Chaque année, j'envoie de l'argent en France, sans rien recevoir en retour - je considère que c'est naturel, car j'ai choisi d'entreprendre au Royaume-Uni.

L'amendement n°10 rectifié est retiré.

La proposition de loi est adoptée.

(Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Prochaine séance demain, mercredi 31 mai 2023, à 15 heures.

La séance est levée à 20 h 45.

Pour le Directeur des Comptes rendus du Sénat,

Rosalie Delpech

Chef de publication

Ordre du jour du mercredi 31 mai 2023

Séance publique

À 15 heures, 16 h 30 et le soir

Présidence : M. Roger Karoutchi, vice-président Mme Valérie Létard, vice-présidente

Secrétaires : Mme Esther Benbassa - M. Daniel Gremillet

1. Questions d'actualité au Gouvernement

2. Débat sur le bilan de l'application des lois

3. Débat sur la gestion des déchets dans les outre-mer (demande de la délégation sénatoriale aux outre-mer)

4. Proposition de résolution en application de l'article 34-1 de la Constitution, proposant au Gouvernement de renforcer l'accès aux services publics, présentée par M. Jean-Claude Requier et plusieurs de ses collègues (n°451, 2022-2023) (demande du groupe RDSE)