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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Décès d'un ancien sénateur

Questions orales

Difficultés de montage des dossiers de subventions européennes

M. Fabien Genet

M. Olivier Becht, ministre délégué chargé du commerce extérieur, de l'attractivité et des Français de l'étranger

Saturation des services de visas en Afrique du nord et subsaharienne

Mme Hélène Conway-Mouret

M. Olivier Becht, ministre délégué chargé du commerce extérieur, de l'attractivité et des Français de l'étranger

Rupture d'égalité dans l'accès au service public de la rénovation thermique

M. Rémi Cardon

M. Olivier Becht, ministre délégué chargé du commerce extérieur, de l'attractivité et des Français de l'étranger

Nouveau financement pour remplacer la taxe pluviale

Mme Christine Herzog

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité

Routes nationales dans le Gers

M. Alain Duffourg

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité

Multiples nuisances occasionnées par les vélos-taxis à Paris

Mme Catherine Dumas

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité

Renouvellement des conventions France Services

M. Alain Marc

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité

Insuffisance de la protection sociale pour les enfants roms

Mme Brigitte Lherbier

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité

Difficultés d'application du fonds vert

M. Jean-Baptiste Blanc

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité

Accompagnement des commerçants rennais

Mme Sylvie Robert

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité

Vol de matériel agricole

M. Jean-Marie Mizzon

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité

Utilité des systèmes d'endiguement sur la Garonne

Mme Nathalie Delattre

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité

Reclassement de l'habitat inclusif en établissement recevant du public

M. Pierre-Jean Verzelen

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité

Transmission des informations pour le vote des budgets communaux

M. Stéphane Demilly

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité

Situation financière de Saint-Saulve

Mme Martine Filleul

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité

Moyens humains et financiers des collectivités

Mme Cathy Apourceau-Poly

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité

Lutte contre les violences faites aux femmes

Mme Amel Gacquerre

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité

Exclusion des chaudières à gaz du label « basse consommation »

Mme Kristina Pluchet

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité

Création d'un budget opérationnel de programme en Normandie

Mme Agnès Canayer

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité

Calamités agricoles et sécheresse de 2022

M. Max Brisson

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité

Rôle et moyens de l'Agence française anticorruption

M. Jean-Pierre Sueur

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité

Fichier des comptes bancaires et données personnelles des Français

M. Gilbert Roger

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État chargée de la jeunesse et du service national universel

Guichet unique

M. Gilbert-Luc Devinaz

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État chargée de la jeunesse et du service national universel

Automatisation du FCTVA et ras-le-bol des maires

M. Olivier Henno

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État chargée de la jeunesse et du service national universel

École nationale supérieure d'architecture de Normandie

Mme Catherine Morin-Desailly

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État chargée de la jeunesse et du service national universel

Conséquences du filet de sécurité pour les communes

Mme Céline Brulin

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État chargée de la jeunesse et du service national universel

Dépôt dématérialisé des comptes annuels des entreprises

M. Serge Babary

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État chargée de la jeunesse et du service national universel

Accès aux informations santé pour les jeunes sourds et malentendants

Mme Colette Mélot

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État chargée de la jeunesse et du service national universel

Accompagnants d'élèves en situation de handicap

Mme Nadège Havet

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État chargée de la jeunesse et du service national universel

Formation des enseignants et calcul des pensions de retraite

M. Olivier Rietmann

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État chargée de la jeunesse et du service national universel

Difficultés à venir pour les festivals et les spectacles

Mme Else Joseph

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État chargée de la jeunesse et du service national universel

Infrastructures sportives en milieu rural

M. Laurent Somon

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État chargée de la jeunesse et du service national universel

Complément de traitement indiciaire dans les établissements médico-sociaux autonomes

M. Bruno Sido

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé

Dépistage des cancers

Mme Valérie Boyer

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé

Inquiétudes des infirmiers libéraux

Mme Nathalie Delattre

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé

Urgences du centre hospitalier d'Ardèche méridionale

Mme Anne Ventalon

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé

Personnes handicapées et réforme des dispositifs médicaux

M. Philippe Mouiller

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé

Apprentissage dans la fonction publique hospitalière

M. Bernard Buis

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé

Pictogramme « femme enceinte »

Mme Jocelyne Guidez

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé

Exclus du fonds de garantie abondé par les professionnels de santé

Mme Catherine Deroche

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé

Accueil collectif des jeunes enfants

Mme Marie Mercier

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé

Situation des hôpitaux en Isère

M. Guillaume Gontard

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé

Ouvertures de casinos

Discussion générale

Mme Catherine Deroche, auteure de la proposition de loi

M. François Bonhomme, rapporteur de la commission des lois

Mme Sonia Backès, secrétaire d'État chargée de la citoyenneté

Mme Nathalie Goulet

Mme Nathalie Delattre

M. Claude Nougein

M. Emmanuel Capus

Mme Monique de Marco

Mme Nicole Duranton

M. Joël Bigot

Mme Cécile Cukierman

M. Stéphane Piednoir

M. Daniel Chasseing

M. Hussein Bourgi

M. Édouard Courtial

Discussion de l'article unique

Intervention sur l'ensemble

Mme Nathalie Goulet

Ferme France

Discussion générale

M. Laurent Duplomb, auteur de la proposition de loi

M. Pierre Louault, auteur de la proposition de loi

M. Serge Mérillou, auteur de la proposition de loi

Mme Sophie Primas, rapporteur de la commission des affaires économiques

M. Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire

Question préalable

M. Daniel Salmon

Discussion générale (Suite)

M. Jean-Claude Requier

M. Daniel Gremillet

M. Franck Menonville

Salut à une délégation parlementaire de la République portugaise

Ferme France (Suite)

Discussion générale (Suite)

M. Joël Labbé

Mme Patricia Schillinger

M. Jean-Claude Tissot

M. Fabien Gay

Mme Anne-Catherine Loisier

M. Guillaume Chevrollier

Mme Nadia Sollogoub

Mme Muriel Jourda

Discussion des articles

AVANT L'ARTICLE 1er

ARTICLE 1er

M. Stéphane Demilly

APRÈS L'ARTICLE 1er

ARTICLE 2

APRÈS L'ARTICLE 2

ARTICLE 3

APRÈS L'ARTICLE 3

ARTICLE 4

ARTICLE 5

M. Jean-Claude Tissot

ARTICLE 6

ARTICLE 7

ARTICLE 8

M. Jean-Claude Tissot

Mme Patricia Schillinger

APRÈS L'ARTICLE 8

ARTICLE 9

ARTICLE 10

APRÈS L'ARTICLE 10

ARTICLE 11

M. Marc Laménie

APRÈS L'ARTICLE 11

ARTICLE 12

ARTICLE 12 BIS

APRÈS L'ARTICLE 12 BIS

ARTICLE 13

ARTICLE 14

ARTICLE 15

APRÈS L'ARTICLE 15

ARTICLE 16

ARTICLE 17

ARTICLE 18

ARTICLE 19

ARTICLE 20

ARTICLE 21

ARTICLE 22

APRÈS L'ARTICLE 22

ARTICLE 23

ARTICLE 24

ARTICLE 25

TITRE VI : DISPOSITIONS DIVERSES

Ordre du jour du mercredi 17 mai 2023




SÉANCE

du mardi 16 mai 2023

87e séance de la session ordinaire 2022-2023

Présidence de M. Alain Richard, vice-président

Secrétaires : Mme Marie Mercier, M. Jean-Claude Tissot.

La séance est ouverte à 9 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu intégral, est adopté sous les réserves d'usage.

Décès d'un ancien sénateur

M. le président.  - J'ai le regret de vous faire part du décès de notre ancien collègue Roger Lise, sénateur de la Martinique de 1977 à 1995.

Questions orales

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.

Difficultés de montage des dossiers de subventions européennes

M. Fabien Genet .  - Je suis marqué par les difficultés des élus de Saône-et-Loire à boucler les plans de financement de leurs investissements. Au-delà de l'inflation, ils ont du mal à trouver des cofinancements, en particulier auprès des institutions européennes.

Dans notre département rural, les élus étaient habitués au Fonds européen de développement régional (Feder) et aux fonds Leader, gérés par la région. Mais le recours à ces fonds est devenu très complexe, au point que l'ingénierie requise dissuade bien souvent les élus de se lancer dans ces demandes, d'autant que le délai moyen de décaissement des aides est de deux à trois ans. Délaissant ces fonds, les élus s'efforcent de trouver d'autres financements ou reportent la réalisation de leurs projets.

Il semble, en outre, qu'il y ait d'importantes disparités régionales dans l'utilisation des fonds européens - notre collègue Colette Mélot l'a souligné dans son rapport d'information sur leur sous-utilisation chronique.

Comment sont utilisés ces fonds et comment sont-ils répartis sur le territoire ? À quels niveaux sont-ils consommés, notamment en Bourgogne-Franche-Comté ? Comment simplifier les démarches des collectivités territoriales ?

M. Olivier Becht, ministre délégué chargé du commerce extérieur, de l'attractivité et des Français de l'étranger .  - La France a bénéficié de 27,8 milliards d'euros au titre des fonds européens sur la période 2014-2020 et bénéficiera de 17,3 milliards d'euros pour 2021-2027. La région Bourgogne-Franche-Comté s'est vu allouer 1,49 milliard d'euros pour la première période ; les chiffres ne sont évidemment pas connus pour la seconde.

La programmation 2014-2020 a été marquée par plusieurs crises, dont la covid-19. Par ailleurs, dans le cadre de l'initiative React EU, lancée en 2020, le Feder, le Fonds social européen (FSE) et le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) ont été abondés à hauteur de 47,5 milliards d'euros. La France en a bénéficié à raison de 3,09 milliards d'euros en 2021 et de 822 millions d'euros en 2022. La région Bourgogne-Franche-Comté a ainsi reçu une enveloppe supplémentaire de 115 millions d'euros au titre du Feder et du FSE.

La programmation 2021-2027 a été l'occasion de plusieurs démarches de simplification. Au niveau européen, 80 mesures de simplification ont été récemment présentées par la Commission européenne. Au niveau français, la stabilité de la gouvernance des fonds et la réduction de 41 à 23 du nombre de programmes vont dans le même sens. En matière de simplification, beaucoup d'espoirs sont placés dans la technique des options de coûts simplifiés, qui facilite la justification des dépenses par les porteurs de projets.

Vous pouvez compter sur le Gouvernement pour continuer à défendre toute mesure facilitant l'instruction des dossiers.

M. Fabien Genet.  - Merci pour ces informations. Je regrette que vous ne m'ayez pas répondu sur la consommation de ces crédits, car c'est là que le bât blesse. Je partage avec vous l'espoir que ces crédits soient mieux consommés : il y va de l'aide aux collectivités territoriales et de l'image de l'Union européenne, deux défis majeurs.

Saturation des services de visas en Afrique du nord et subsaharienne

Mme Hélène Conway-Mouret .  - En octobre dernier déjà, je vous interrogeais sur les conséquences délétères pour les relations franco-africaines de la réduction drastique des visas alloués aux ressortissants du Maghreb.

Malgré l'annonce de la normalisation de notre politique de visas, les mesures de rétorsion prises par la France ont laissé des stigmates, et la situation ne semble toujours pas stabilisée. Ainsi, la baisse de 30 % du nombre d'apprenants à l'Institut français de Tanger illustre la lente dégradation de nos liens d'amitié et le ressentiment profond de familles pourtant francophones et francophiles ; certaines se tournent vers d'autres pays, qui leur accordent sans difficulté un visa Schengen.

Autre exemple parmi de nombreux autres : au Cameroun, les difficultés liées aux demandes de visas ne cessent de s'aggraver : chaque jour, seulement 50 places sont proposées pour environ 500 demandes ; le poste a sollicité des renforts et choisi de confier à un prestataire la gestion des rendez-vous, mais celui-ci semble injoignable ; et, à Yaoundé, des officines privées continuent de bloquer des créneaux pour les revendre à des tarifs exorbitants.

Les mesures annoncées en décembre dernier n'ont pas eu les effets escomptés, et je suis régulièrement saisie par des compatriotes dont le conjoint ou la conjointe ne parvient pas à obtenir de rendez-vous pour un visa de court séjour.

Une fois de plus, j'alerte sur l'urgence de renforcer les équipes consulaires, surchargées. Pourquoi ne pas permettre, au moins pour les demandes de visa de court séjour, le dépôt du dossier par voie électronique, l'entretien étant consacré à la vérification des pièces ?

M. Olivier Becht, ministre délégué chargé du commerce extérieur, de l'attractivité et des Français de l'étranger .  - Vous avez raison : certains services de visas sont engorgés. Nous suivons leur situation avec la plus grande attention et nous efforçons de l'améliorer.

À la hausse des demandes consécutives à la fin de la crise sanitaire s'ajoute l'exigence accrue en matière de lutte contre la fraude demandée par le ministère de l'intérieur. Il y a aussi le rôle joué par les officines dont vous avez parlé : le ministère se mobilise contre ce phénomène, en communiquant auprès du public et par la mise en place d'obstacles techniques - reste que ces officines ne sont pas illégales dans les pays concernés.

Je ne méconnais pas les enjeux d'organisation et de fonctionnement de notre réseau consulaire. La ministre de l'Europe et des affaires étrangères et le ministre de l'intérieur ont confié une mission à Paul Hermelin ; son rapport vient d'être remis, et des conclusions en seront rapidement tirées.

En outre, mon ministère déploie des personnels temporaires pour réduire les délais. Nous donnons aussi la priorité aux publics cibles de notre politique d'influence. La collecte des dossiers sera externalisée dans 46 pays, dont le Maroc et le Cameroun, à l'automne prochain, afin que les agents consulaires puissent se concentrer sur leur tâche régalienne d'instruction.

France-Visas, l'un des 50 projets stratégiques de l'État dans le domaine des systèmes d'information, vise à moderniser la gestion des demandes de visas, tout en renforçant sa sécurité. Grâce à ce projet, la transmission dématérialisée du dossier, déjà accessible pour les demandes de visa d'études, sera progressivement étendue.

Enfin, l'adoption prochaine d'un règlement européen sur la numérisation des visas marquera une nouvelle étape dans la dématérialisation des demandes de court séjour.

Rupture d'égalité dans l'accès au service public de la rénovation thermique

M. Rémi Cardon .  - Malgré l'alerte lancée en octobre dernier sur les dysfonctionnements de la plateforme MaPrimeRénov', la situation ne s'améliore toujours pas.

Il y a un mois, la Défenseure des droits, Claire Hédon, a affirmé devant la commission d'enquête sénatoriale sur la rénovation thermique que les difficultés d'accès n'étaient pas résolues. Depuis octobre dernier, des centaines de signalements supplémentaires ont été enregistrés, portant leur nombre total à près de 1 500.

Les graves dysfonctionnements techniques de la plateforme sont récurrents et identifiés : accès ou dépôt de pièces impossible, annonce d'inéligibilité après la réalisation des travaux, délais interminables, argent non versé. Ils ralentissent, voire bloquent, les travaux, alors qu'il y a urgence à rénover. Les conséquences peuvent être dramatiques pour les ménages concernés.

Malgré l'accompagnement renforcé de l'Agence nationale de l'habitat (Anah) pour les dossiers les plus anciens, la rupture d'égalité devant le service public persiste, avec le refus du Gouvernement de mettre en place des canaux alternatifs au 100 % numérique. Allez-vous enfin ouvrir des guichets physiques dans les espaces France Services ?

M. Olivier Becht, ministre délégué chargé du commerce extérieur, de l'attractivité et des Français de l'étranger .  - MaPrimeRénov', principale aide de l'État en matière de rénovation énergétique, a déjà bénéficié à plus de 1,5 million de personnes depuis son lancement, en janvier 2020.

Pour répondre à ce volume très important de demandes tout en s'assurant de l'éligibilité de chacune, l'Anah mobilise des équipes ad hoc pour l'instruction et le paiement des dossiers, autour d'une plateforme nationale dématérialisée.

Dans un contexte de montée en puissance du dispositif, avec l'extension des publics éligibles puis les primes exceptionnelles accordées dans le cadre du plan de résilience gaz, certaines demandes ont pu avoir du mal à aboutir dans les délais habituels. Mais le nombre de cas est très limité, rapporté aux 630 000 primes engagées l'année dernière.

L'Anah se mobilise très fortement pour fluidifier le parcours usagers : une équipe spéciale a été mise en place, et les situations signalées par la Défenseure des droits font l'objet d'un suivi individualisé - sur 500 dossiers signalés en octobre dernier, 91 ont déjà bénéficié de cet accompagnement.

L'Anah met en oeuvre tous les moyens nécessaires à un traitement rapide et de qualité des dossiers. Le délai moyen de traitement est inférieur à cinq semaines ; il est de deux semaines pour un dossier complet ne nécessitant pas de contrôle renforcé. Une demande de subvention est payée trois semaines après. Mais en cas de compléments ou de contrôles nécessaires, le délai peut atteindre trois mois.

Il convient de ramener les difficultés à leur juste proportion, alors que le succès du dispositif est indéniable. L'amélioration de l'information des usagers est aussi une priorité pour augmenter le nombre de projets. La création du service public France Rénov' et la montée en puissance de Mon Accompagnateur Rénov' sont ainsi destinées à faciliter les démarches des ménages.

M. Rémi Cardon.  - Vous n'avez pas répondu à ma question. Allez-vous, oui ou non, déployer des accompagnateurs dans les espaces France Services pour aider nos concitoyens à monter leur dossier ? Votre réponse ne va pas satisfaire un couple de retraités de la Somme qui a dû contracter un prêt à 15 %, faute de versement de l'aide et de nouvelles de vos services... On ne peut plus attendre : agissez !

Nouveau financement pour remplacer la taxe pluviale

Mme Christine Herzog .  - Abrogée en 2015, le coût de sa collecte étant supérieur à celui de son rendement, la taxe pluviale devait financer l'entretien, le renouvellement et l'extension des installations de gestion des eaux pluviales urbaines. Elle limitait le déversement de ces eaux dans les ouvrages publics.

Désormais, la gestion des eaux pluviales relève des communes et des EPCI, mais aucun moyen de financement n'a été prévu pour remplacer la taxe abrogée : c'est, compte tenu du coût élevé de cette gestion, un problème majeur pour les petites communes.

Ainsi, en Moselle, le syndicat mixte intercommunal d'assainissement sud de la Bisten doit budgéter 134 547 euros pour 2023. En l'absence de financement, il ne peut que refacturer ce coût aux communes : la facture est de 45 122 euros pour Ham-sous-Varsberg et de 13 651 euros pour Guerting, deux communes de moins de 3 000 habitants. Pourtant, vous le savez, le contexte est déjà difficile pour les communes rurales.

Quelles sont les bases de calcul utilisées pour déterminer le coût refacturé aux communes ? Pourquoi ce coût de gestion n'est-il pas intégré dans les charges d'assainissement ?

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité .  - La gestion des eaux pluviales urbaines est une compétence obligatoire des métropoles, des communautés urbaines et des communautés d'agglomération. Pour les communautés de communes, cette compétence est exercée à titre facultatif.

Compte tenu de sa faible utilisation et de sa complexité, la taxe de gestion des eaux pluviales a été supprimée par la loi de finances pour 2015.

Le service public de gestion des eaux pluviales ne peut être financé par une redevance : il est à la charge du budget général de la collectivité ou du groupement qui en assure l'exercice. De fait, il n'est pas possible d'identifier la consommation de chaque usager - chose possible en matière d'assainissement. C'est pourquoi la redevance finançant le service public d'assainissement ne peut pas financer aussi le service de gestion des eaux pluviales.

La piste de la taxe affectée ayant été expérimentée sans succès et le service public de gestion des eaux pluviales étant un service public administratif, il convient d'en rester au financement par le budget de l'EPCI ou de la commune.

S'agissant des bases de calcul utilisées pour déterminer le coût refacturé, le syndicat doit être en mesure d'isoler les dépenses relevant du seul service de gestion des eaux pluviales.

Je me tiens à votre disposition pour rencontrer les maires afin d'examiner ce que nous pouvons faire concrètement.

Mme Christine Herzog.  - Je retiens votre invitation et me mettrai en relation avec ces communes, qui ont besoin d'éclairages.

Routes nationales dans le Gers

M. Alain Duffourg .  - Le Gers est traversé par deux routes nationales, la RN124 et la RN21, mais son chef-lieu, Auch, n'est pas relié par une 2x2 voies à la capitale régionale, Toulouse.

En mai 2021, un protocole a été conclu entre l'État et le département, en présence du Premier ministre, en vue d'achever la mise à 2x2 voies de la route nationale entre Auch et Toulouse. Les travaux ont commencé et doivent se terminer en 2027.

La RN21, qui relie Limoges à l'Espagne, est particulièrement accidentogène. Rien n'est prévu à ce sujet dans les plans précédents.

Des fonds seront-ils prévus pour prolonger la mise à 2x2 voies de la RN124 jusqu'à l'A65 ? Ce serait un moyen de lutter contre le dépeuplement et le déclassement de l'ouest du département.

Sur la RN21, des aménagements importants sont nécessaires, notamment au niveau d'Auch dans le cadre de la construction d'un nouvel hôpital.

J'espère que vos réponses seront de nature à apaiser mes concitoyens gersois.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité .  - L'État entend permettre à chaque département de disposer d'un système de transport adapté aux besoins de mobilité de ses habitants.

Je vous confirme que la fin de l'aménagement à 2x2 voies de la RN124 entre Toulouse et Auch fait partie des priorités de l'État en Occitanie. Les travaux ont commencé grâce au protocole conclu en mai 2021 entre l'État, la région Occitanie et le département du Gers. Cet aménagement a vocation à être poursuivi dans le cadre de la future contractualisation du volet mobilité du contrat de plan État-Région. Une mise en service de l'infrastructure en 2027 est envisageable, si les collectivités territoriales confirment leur intérêt pour le projet dans un contexte de crédits routiers limités.

S'agissant d'un éventuel aménagement à 2x2 voies de la RN124 à l'ouest d'Auch, la loi d'orientation des mobilités préconise des aménagements ponctuels plutôt que des mises à 2x2 voies systématiques pour le désenclavement. L'opportunité de ce projet, qui n'a fait l'objet d'aucune étude par les services de l'État, reste à confirmer. Le département du Gers, futur gestionnaire, peut, s'il le souhaite, mener des études en ce sens.

Les autres aménagements que vous avez évoqués, en particulier sur la RN21, sont en discussion entre les acteurs locaux, en vue de permettre au département de disposer d'une stratégie d'aménagement partagé pour la voirie, qu'il a souhaité se voir transférée.

Multiples nuisances occasionnées par les vélos-taxis à Paris

Mme Catherine Dumas .  - Les tuk-tuks sont des vélo-taxis entraînant de multiples nuisances à Paris, surtout dans les secteurs touristiques. Ils commettent de nombreuses infractions au code de la route. Ces derniers mois, leur nombre a explosé. Les pratiques commerciales abusives, dont sont victimes de nombreux touristes français et étrangers, se multiplient.

Le 27 avril dernier, une trentaine d'engins illégaux ont été détruits. Le préfet de police m'a informée que l'action des forces de l'ordre se heurtait à un vide juridique. L'application de certains articles du code des transports suppose l'adoption d'un décret en Conseil d'État. Les forces de l'ordre doivent disposer de tous les moyens nécessaires pour arrêter ce fléau : quand ce décret sera-t-il enfin publié ?

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité .  - Les tuk-tuks recouvrent deux types de véhicules distincts dans le code des transports : d'une part, les véhicules motorisés à deux ou trois roues ; d'autre part, les cycles à pédalage assisté avec assistance électrique inférieure à 0,25 kilowattheure. Les premiers sont régis par l'article L. 3123-1 du code des transports, tandis que l'article L. 3123-2 encadre le transport de personnes à titre onéreux.

L'usage de tous ces véhicules est soumis au respect des règles du code de la route.

Les cycles à pédalage assisté ne sont pas autorisés à circuler ou à stationner sur la voie publique en attente de clientèle : c'est une prérogative réservée aux taxis. Des sanctions sont prévues par les articles L. 3124-11 et L. 3124-12 du code des transports. En outre, les sanctions prévues par le code de la route et les dispositions relatives au transport de particuliers sont pleinement applicables sans nouveau texte.

Le préfet de police multiplie les contrôles. Je transmettrai personnellement votre question au ministre délégué aux transports.

Mme Catherine Dumas.  - Il convient de régler ce problème rapidement, alors que près de vingt millions de personnes sont attendues dans notre pays pour les jeux Olympiques de l'année prochaine.

Renouvellement des conventions France Services

M. Alain Marc .  - L'accessibilité aux services publics constitue un enjeu d'égalité et de cohésion sociale. Face à l'évolution des modes de vie et des technologies, leur organisation doit être repensée.

Le réseau France Services vise à rapprocher les usagers du service public en leur proposant une offre élargie de prestations, au plus près de tous les territoires. Piloté par l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), il se compose de près de 2 400 guichets uniques de proximité regroupant plusieurs administrations. Les financements de l'État se poursuivront à l'issue des conventions en cours.

Quelle sera la durée d'engagement de l'État ? Quel sera le montant de sa participation ?

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité .  - Le réseau France Services représente un nouveau modèle d'accès au service public pour chaque citoyen, qui doit pouvoir être accueilli dans un lieu unique pour effectuer les démarches du quotidien, où qu'il vive.

Depuis 2020, le Gouvernement accompagne les collectivités territoriales. Nous tiendrons l'engagement du Président de la République : 2 750 espaces seront opérationnels d'ici à la fin de l'année.

Nous souhaitons pérenniser ce dispositif, qui a fait ses preuves : 12,5 millions d'euros supplémentaires ont été investis en 2023 afin de renforcer la participation de l'État, à hauteur de 5 000 euros pour chaque maison, hors agence postale. Le projet de loi de finances pour 2024 contiendra toutes les précisions utiles.

M. Alain Marc.  - Quand quelque chose ne va pas, nous le disons. Quand quelque chose fonctionne bien, nous le disons aussi : c'est le cas pour les maisons France Services.

Certaines conventions arriveront à leur terme à la fin de l'année : que deviendront les agents si les financements ne sont pas maintenus ? Nous veillerons à leur reconduction lors de l'examen de la prochaine loi de finances.

Insuffisance de la protection sociale pour les enfants roms

Mme Brigitte Lherbier .  - Lors d'une récente visite dans le Nord, Mme la secrétaire d'État chargée de l'enfance a constaté combien la situation des enfants en détresse était désespérante : 270 enfants sont en attente de placement, faute de places dans les foyers et de personnels en nombre suffisant.

Dans ce contexte, la protection des enfants issus de la communauté rom n'est absolument pas assurée. Ces populations, très vulnérables, vivent une grande précarité médicale. À Lille, des enfants sont contraints à la mendicité, parfois dès le berceau. Pis encore, des cas de proxénétisme de mineurs ont été recensés.

L'État doit s'emparer à tout prix de ce sujet. Sans une action forte de notre part, ces enfants - et, ensuite, leurs enfants - resteront des victimes de l'exclusion et de la délinquance. Ne les abandonnons pas ! Ces enfants vulnérables sont là, sous nos yeux.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité .  - Le Gouvernement partage pleinement vos préoccupations. Conformément à ses principes inscrits dans la Constitution, la France ne désigne pas une communauté sur la base de son origine.

En 2018, une profonde transformation de l'action publique a été engagée au profit de ces populations originaires d'Europe de l'Est vivant dans des bidonvilles. L'instruction, signée par huit ministres, vise à résorber définitivement ces campements, par le biais d'une approche sociale globale. Cette action de longue haleine participe d'un équilibre entre accès au droit et respect des lois de la République. Elle se heurte à des résistances, notamment l'antitziganisme, combattu par le plan de lutte contre le racisme présenté en janvier dernier.

Nous constatons des progrès : près de 3 000 personnes ont quitté ces bidonvilles et près de 3 200 enfants ont été scolarisés grâce à la création récente de 42 postes de médiateurs scolaires.

Difficultés d'application du fonds vert

M. Jean-Baptiste Blanc .  - La création du fonds vert suscite de fortes attentes chez les élus locaux.

Très enthousiastes, les élus réclament toutefois une simplification des procédures et plus de transparence. Les clés de répartition entre les territoires et au sein d'un même territoire ne sont pas toujours connues. Or le succès du fonds vert repose sur un partage équitable des crédits. Les élus reprochent aussi une trop grande liberté laissée aux préfets de région dans le choix des critères retenus.

La Première ministre vient d'annoncer la reconduction du fonds vert : je m'en réjouis, car les défis sont immenses. Mais ne faut-il pas aller plus loin ? Plutôt que de les flécher projet par projet, pourquoi ne pas créer une enveloppe pluriannuelle ?

Cette fois, le Gouvernement a annoncé une concertation avec les associations d'élus locaux. Il serait utile de résoudre les problèmes informatiques rencontrés lors de l'instruction des dossiers et de recentrer le fonds sur certaines priorités.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité .  - Comme le souhaitait Christophe Béchu, le dispositif du fonds vert est souple et transparent : des cahiers d'accompagnement facilitent les échanges entre les porteurs de projets et les instructeurs chargés de leur analyse. Il est également déconcentré : le fonds vert s'appuie sur le dialogue territorial.

L'État engage 4 milliards d'euros pour accompagner les collectivités territoriales dans la transition écologique, dont 2 milliards d'euros au titre du fonds vert et deux milliards d'euros au titre de la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) et de la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL). On compte 1 417 projets situés en zone de revitalisation rurale (ZRR), 578 dans des quartiers prioritaires et les deux tiers sont défendus par des communes de moins de 10 000 habitants.

Le site démarches-simplifiées est à la disposition des porteurs de projets. Avec Christophe Béchu, je recevrai demain les associations d'élus locaux afin d'améliorer les procédures. Le 3 avril, la Première ministre a annoncé la pérennisation du fonds vert en 2024.

Accompagnement des commerçants rennais

Mme Sylvie Robert .  - Le 24 avril, la maire de Rennes et les associations de commerçants de la ville écrivaient à la Première ministre pour lui faire part de leurs grandes difficultés, à la suite des dégâts importants subis lors de la mobilisation contre la réforme des retraites. Ces dégradations ne doivent faire l'objet d'aucun amalgame avec les manifestations, parfaitement organisées par les syndicats. Les artisans et les commerçants doivent faire face à d'importants préjudices matériels, mais aussi à une baisse importante de leur chiffre d'affaires. En outre, les assureurs ont résilié unilatéralement leurs contrats.

Rennes a déjà été confrontée à une situation similaire en 2016. Le gouvernement de l'époque avait remboursé les franchises et débloqué une aide exceptionnelle. Madame la ministre, le Gouvernement fera-t-il de même cette fois-ci ? Êtes-vous prête à faire évoluer la loi pour que les assureurs ne puissent plus rompre unilatéralement les contrats lors de dégradations commises par des casseurs isolés ?

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité .  - La loi et la jurisprudence reconnaissent déjà aux victimes de casseurs la possibilité d'obtenir de plein droit la prise en charge, par l'État, des préjudices qui n'auraient pas été indemnisés par leurs assureurs.

L'article L. 211-10 du code de la sécurité intérieure ouvre un droit à indemnisation pour les victimes de dommages intervenus lors d'attroupements ou de rassemblements. Il en va de même grâce au régime jurisprudentiel de responsabilité sans faute pour rupture d'égalité devant les charges publiques, dès lors que la victime établit qu'elle a subi un préjudice grave et spécial.

Depuis 2019, l'État a indemnisé les victimes de dommages causés lors de manifestations à hauteur de 14,5 millions d'euros, dont plus de 6,7 millions d'euros en 2022. Dans la plupart des cas, ces procédures ont été conclues de façon amiable, démontrant ainsi que ces régimes de responsabilité sont suffisants pour assurer l'indemnisation des victimes.

Vol de matériel agricole

M. Jean-Marie Mizzon .  - Les vols de matériel agricole se multiplient, notamment en Moselle : les agriculteurs sont victimes de nombreux délits, comme le vol de fioul ou de tracteurs ou la dégradation de véhicules, entre autres. Ces faits sont commis par de jeunes délinquants, comme à Bouzonville récemment.

Les GPS, qui permettent aux agriculteurs de gagner du temps et de l'argent, sont fréquemment dérobés. Or ils coûtent en moyenne 10 000 euros : ces appareils s'écoulent très facilement sur le marché noir.

Le phénomène va croissant. Madame la ministre, comptez-vous instaurer une politique de sécurité spécifique à nos territoires ruraux, avec davantage d'effectifs spécialisés de gendarmerie ?

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité .  - La gendarmerie nationale décline une politique de sécurité ambitieuse en matière de lutte contre les atteintes aux exploitations agricoles.

Localement, comme à la compagnie de Boulay-Moselle, les agriculteurs bénéficient de l'accompagnement des correspondants sûreté, présents au sein de chaque brigade de gendarmerie. À l'échelon départemental, les référents Sûreté contribuent à la sécurisation des exploitations.

Les enquêtes diligentées par les unités de police judiciaire de la gendarmerie mettent un coup d'arrêt aux activités de groupes criminels.

Actuellement, la gendarmerie développe un dispositif de prise de plainte en mobilité : les agriculteurs victimes ne doivent plus se déplacer.

La création des 200 nouvelles brigades de gendarmerie renforcera également la sécurité, notamment en milieu rural.

M. Jean-Marie Mizzon.  - Merci pour votre réponse, très satisfaisante sur le plan intellectuel, mais celle-ci ne réglera pas tous les problèmes sur le terrain. Le secteur des bâtiments et travaux publics (BTP) est lui aussi très touché. Vous ne ferez pas l'économie d'un nouveau renforcement des effectifs de gendarmerie pour faire face à ces drames qui déchirent nos campagnes.

Utilité des systèmes d'endiguement sur la Garonne

Mme Nathalie Delattre .  - La loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles (Maptam) précise la compétence des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) en matière de gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations (Gemapi). En métropole, il y a 6 000 km de digues à entretenir. Or certaines communes gestionnaires parviennent difficilement à faire reconnaître l'utilité des systèmes d'endiguement aux EPCI compétents à terme.

Dans le Sauternais, depuis 150 ans, les digues de Toulenne-Preignac et Preignac-Barsac, situées entre les communautés de communes Convergence Garonne et Sud-Gironde, protègent plusieurs infrastructures. Les collectivités et l'État ont fait d'importants efforts financiers pour les entretenir et même les reconstruire après la crue de 2021.

L'une des deux intercommunalités s'est prononcée contre la prise de compétence sur ces digues, l'autre doit décider prochainement. Les maires sont inquiets : que faire face à un refus de compétence ? Comment débloquer cette situation et éviter le sentiment d'une gabegie des deniers publics, ou, pire, une catastrophe humaine ?

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité .  - La compétence Gemapi a été confiée par la loi Maptam aux EPCI à fiscalité propre, afin d'assurer la bonne gestion des ouvrages protégeant des inondations, souvent situés entre plusieurs communes. Sa gouvernance doit donc s'adapter pour garantir la cohérence de l'action publique. Dans le respect du principe de libre administration des collectivités, la loi Maptam donne aux EPCI à fiscalité propre la possibilité de déléguer la compétence à un syndicat mixte spécialisé.

Par ailleurs, une digue non reprise dans un système d'endiguement doit être neutralisée pour éviter tout accident. En dialoguant avec les collectivités territoriales, les préfets de département veillent à ce que la pérennisation des endiguements ne soit pas menacée. Le Gouvernement a récemment défini les critères du fonds vert en ce sens.

Reclassement de l'habitat inclusif en établissement recevant du public

M. Pierre-Jean Verzelen .  - Un avis du Conseil d'État du 20 février 2023 reclasse l'habitat inclusif en établissement recevant du public (ERP), imposant aux bailleurs de respecter une réglementation stricte de sécurité incendie.

Lancé en 2017 pour les personnes âgées dépendantes ou en situation de handicap, le logement inclusif constitue un intermédiaire entre le logement ordinaire et l'accueil en établissement. Alors que le Gouvernement a récemment réaffirmé sa volonté de développer ce modèle sur l'ensemble du territoire, l'avis du Conseil d'État interroge.

La mise en conformité concernera les habitats regroupant plus de six personnes, nombre nécessaire pour permettre la mutualisation des ressources et le recrutement d'une personne présente en permanence. Les bailleurs sociaux risquent d'être plus frileux quant au risque de loger des personnes âgées dépendantes ou en situation de handicap.

Enfin, cette décision remet en cause la transformation de l'offre au bénéfice de l'inclusion. Le Gouvernement doit mettre en cohérence les réglementations et assurer aux occupants des habitats inclusifs un soutien indéfectible.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité .  - La juridiction administrative considère que la concentration en un seul lieu de personnes dont l'aptitude à se soustraire à un incendie est diminuée constitue un paramètre à retenir pour apprécier les mesures assurant la sécurité de ces personnes, en vertu de l'article L. 143-3 du code de la construction et de l'habitation.

Les habitats inclusifs constituent donc des établissements destinés à recevoir du public au sens de la réglementation de sécurité contre l'incendie. Mes services ont engagé des travaux interministériels pour faire évoluer la réglementation applicable à ces logements : des échanges avec les ministères en charge de la construction, de la solidarité, de l'autonomie et des personnes handicapées ainsi qu'avec les acteurs du secteur sont en cours pour aboutir à une solution juridique complète. Il faut concilier le développement légitime de l'habitat inclusif et la sécurité de ses habitants. Le cadre juridique devra prévoir un niveau de sécurité adapté à ce public.

Transmission des informations pour le vote des budgets communaux

M. Stéphane Demilly .  - Le code général des collectivités locales dispose que le budget primitif des collectivités doit être adopté avant le 15 avril. Il établit la liste des documents devant être transmis par l'État aux décideurs concernés avant l'adoption du budget, afin notamment de contribuer à la sincérité du scénario budgétaire.

Or le délai entre la réception de ces informations et la date limite du vote officiel se réduit comme peau de chagrin - mon collègue Jean Hingray vous avait d'ailleurs alerté l'année dernière.

L'exemple de la dotation globale de fonctionnement (DGF) est emblématique. Depuis plusieurs années, son montant est communiqué aux conseils municipaux la première semaine d'avril, ne laissant plus qu'une semaine pour planifier la séance de conseil municipal. Ce n'est plus une peau de chagrin, c'est une vraie seringue.

Il est bien sûr possible de repousser la date de vote en cas de réception tardive des « informations indispensables à l'établissement du budget », mais cela la rapproche du milieu de l'année civile, ce qui est inacceptable. Des aménagements sont-ils prévus afin que les collectivités reçoivent ces informations dans un délai raisonnable ?

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité .  - Les collectivités territoriales et leurs groupements doivent voter leurs budgets avant le 15 avril, quinze jours après transmission des éléments utiles par l'État. Si ces éléments utiles sont transmis après le 31 mars, la date limite de vote est décalée afin de laisser un délai de quinze jours aux collectivités territoriales.

Ce délai est également contraint pour les services de l'État : certaines données sont disponibles tardivement, et la répartition des 27 milliards d'euros de la DGF est extrêmement complexe. J'ai insisté pour avancer cette date, et les services de la direction générale des collectivités territoriales font des efforts considérables. En 2020, la publication des résultats de la répartition de la DGF a eu lieu le 6 avril ; en 2021, le 2 avril ; cette année, elle a eu lieu le 31 mars, pour la première fois. Pour 2024, j'ai demandé leur transmission le 24 mars. Petit à petit, nous allons vers un délai proche d'un mois et non de quinze jours.

Situation financière de Saint-Saulve

Mme Martine Filleul .  - Dans mon département du Nord, la commune de Saint-Saulve vit une situation difficile du fait de la baisse de sa dotation globale de fonctionnement (DGF). Son maire Yves Dusart le dénonce depuis plusieurs années, députés ou sénateurs sont intervenus ; à chaque fois, le Gouvernement reconnaît que la situation est anormale, mais rien n'est fait. Ne dites pas encore qu'il s'agit du poids de l'histoire, n'entrez pas dans des explications techniques connues : de fait, c'est une question d'égalité de traitement, d'autant que le Président de la République a déjà débloqué des fonds exceptionnels, pour Marseille notamment.

Allez-vous apporter une aide immédiate à la commune de Saint-Saulve ? Son maire vous écoute.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité .  - Saint-Saulve perçoit une DGF par habitant inférieure à la moyenne des communes de même strate : 40,40 euros par habitant en 2023, contre une moyenne de 168,60 euros. Ce niveau faible est lié à son attribution au titre de la dotation forfaitaire, qui s'établit à 8,80 euros par habitant en 2023, contre 93,30 euros en moyenne.

Cette inégalité provient en partie de la consolidation de composantes historiques figées dans la dotation forfaitaire à la suite des réformes successives. Les modes de calcul ont été simplifiés autour de l'évolution de la population communale, mais des écarts historiques sont maintenus, ce qui ne nous satisfait pas.

Depuis 2017, le poids de la dotation forfaitaire a été réduit au profit de dotations de péréquation, réparties en fonction de critères objectifs indépendants des choix de gestion des communes, qui permettent d'ailleurs à la DGF de Saint-Saulve de progresser de 4,40 % en 2023.

Nous travaillons à une réforme de la dotation forfaitaire, mais de nombreuses variations seraient induites. Une large concertation a lieu dans le cadre de l'agenda territorial. Nous y travaillons, avec Christophe Béchu et la direction générale des collectivités locales (DGCL).

Mme Martine Filleul.  - Votre réponse ne me satisfait pas : rien de concret et de précis face à l'urgence. Vous ne vous engagez pas à venir au secours de la commune de Saint-Saulve.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - Contrairement à ce que vous dites, je m'y engage : je suis à la disposition du maire pour le recevoir avec la DGCL, et voir comment aider cette commune si elle est en difficulté.

Moyens humains et financiers des collectivités

Mme Cathy Apourceau-Poly .  - J'ai une pensée pour le maire de Saint-Brevin-les-Pins. De nombreux élus du Pas-de-Calais m'interpellent, eux aussi victimes d'individus ou de groupuscules : il faut des mesures plus énergiques pour ne pas les laisser en souffrance.

En 2022, le Gouvernement a décidé d'aider les collectivités les plus fragilisées par la hausse des coûts de l'énergie et la revalorisation du point d'indice des fonctionnaires, en instaurant le filet de sécurité. De nombreux maires risquent pourtant de devoir rembourser l'acompte perçu. Comment ne pas pénaliser les efforts consentis ? Combien de communes du Pas-de-Calais sont-elles concernées ?

Par ailleurs, la revalorisation de la dotation globale de fonctionnement (DGF) pour 2023 ne s'accompagne pas de celle de la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale (DSU), qui augmente moins vite que l'inflation, réduisant les capacités financières des villes les plus pauvres.

Enfin, les maires ruraux manquent de moyens humains, notamment de secrétaires de mairie. La question d'un guichet unique se pose, pour faciliter l'accès aux aides, aux subventions et aux interlocuteurs. Qu'avez-vous prévu ?

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité .  - Pour soutenir les collectivités territoriales face à l'inflation et les aider à investir dans la transition écologique, une hausse de la DGF de 320 millions d'euros a été prévue en 2023, pour la première fois depuis treize ans.

L'État a renforcé ses dotations dans les territoires : les dotations de soutien à l'investissement local sont maintenues en 2023 à leur haut niveau historique de 2 milliards d'euros, et le fonds d'accélération de la transition écologique des territoires, créé et doté de 2 milliards d'euros supplémentaires, sera reconduit.

Contre la hausse des dépenses d'énergie, le Gouvernement a établi le bouclier tarifaire, l'amortisseur électricité, le filet de sécurité. Dans le budget rectificatif pour 2023, 430 millions d'euros d'acomptes ont été versés, en fonction de critères à respecter ; il est normal que des acomptes versés à tort soient repris.

Stanislas Guerini et moi-même travaillons à une revalorisation globale du métier de secrétaire de mairie, à un renforcement de la formation, à une reconnaissance de la contribution aux élus. Nous verrons comment proposer aux maires de nouvelles promotions de secrétaires de mairie.

Lutte contre les violences faites aux femmes

Mme Amel Gacquerre .  - Le 9 mars dernier, à Béthune, Nadège a été tuée à son domicile par son ancien compagnon, sous les yeux de sa fille de 12 ans. Il y a près d'un an, deux enfants de 4 et 7 ans ont été retrouvés morts dans une voiture incendiée par leur père. Point commun entre ces deux drames : l'auteur des crimes était connu par les services de police et de gendarmerie. Les dispositifs de protection existants sont insuffisants : Nadège avait porté plainte pour menaces de mort, huit mois avant son assassinat.

Selon le collectif Féminicides, 31 femmes ont été tuées par leur conjoint depuis le début de 2023. La plupart des auteurs avaient fait l'objet de dépôts de plaintes, voire de condamnations. Trop souvent, le délai entre le dépôt de plainte et la réponse du parquet place la victime en danger. Pour sécuriser la situation des femmes portant plainte, il est impératif de fixer un délai maximal.

L'État a augmenté les moyens alloués à la lutte contre les violences conjugales, mais ces violences et les inégalités territoriales demeurent - les Hauts-de-France sont les plus touchés. Il faut territorialiser les politiques et augmenter les moyens : quels outils et moyens supplémentaires pour lutter contre les violences faites aux femmes ? Comment renforcer la protection des victimes et éviter de nouveaux drames ?

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité .  - Depuis 2017, le Gouvernement a lancé une mobilisation générale pour lutter contre les violences intrafamiliales. En mars a été déployé le « pack nouveau départ », pour une réponse coordonnée, rapide et individualisée aux besoins des victimes de violences conjugales. La détection sera améliorée, les aides seront priorisées, et une aide financière d'urgence a été créée. Le dispositif sera élargi à la France entière en 2025.

Par ailleurs, le 8 mars, le Gouvernement présentait le plan « Tous et toutes égaux », qui prévoit notamment le déploiement de pôles spécialisés dans chaque juridiction et le renforcement des formations de l'ensemble des acteurs. En cas de danger grave et imminent, une ordonnance de protection immédiate pourra être délivrée en vingt-quatre heures. Le fichier de protection des victimes de violences familiales sera enrichi de données relatives à la vie de la victime, pour mieux la protéger.

Enfin, chaque département sera doté d'une structure médico-sociale de prise en charge des femmes victimes de violence, afin de généraliser le recueil de plaintes. Le Gouvernement consacre des moyens sans précédent à cette lutte : le budget du ministère de l'égalité entre les femmes et les hommes a été multiplié par deux ces cinq dernières années. Pour autant, il nous faut encore accélérer.

Exclusion des chaudières à gaz du label « basse consommation »

Mme Kristina Pluchet .  - Le Gouvernement a lancé une consultation en vue d'exclure les « chaudières majoritairement alimentées en combustibles fossiles » du label basse-consommation, qui conditionne notamment l'accès au dispositif MaPrimeRénov'.

Cette mesure va dans le sens du projet de la Commission européenne, qui souhaite interdire dès 2029 toutes les chaudières, y compris compatibles avec des biocombustibles, en dépit du compromis trouvé par les parlementaires européens.

Alors que les parlementaires français doivent se saisir de la stratégie française sur l'énergie et le climat, le Gouvernement prend des orientations stratégiques en amont du législateur.

Madame la ministre, quels sont les résultats de l'étude d'impact que vous avez bien évidemment menée avant d'envisager d'exclure tout un vecteur énergétique, pourtant performant ? Il serait dommage qu'on s'aperçoive a posteriori que cette décision aux lourdes conséquences financières pour les ménages repose, une fois encore, sur des projections dogmatiques et incomplètes.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité .  - Il n'y a, à ce jour, pas d'interdiction des chaudières à gaz dans les logements existants. Depuis début 2022, la réglementation impose le recours à une part importante d'énergies décarbonées dans les logements neufs.

Le développement du biogaz doit être encouragé. La prochaine revalorisation des tarifs d'achat s'accompagnera de mesures de simplification, et le dispositif des certificats de production de biométhane obligera progressivement les fournisseurs à augmenter la part de biométhane. Réduction de la consommation de gaz et développement du biogaz sont compatibles. Nous devons à la fois décarboner notre économie et renforcer notre souveraineté énergétique.

La décision d'interdire les chaudières à gaz ne saurait s'envisager qu'après une concertation large et documentée. Ne laissons aucun ménage dans l'impasse et offrons de la visibilité à tous les professionnels !

Mme Kristina Pluchet.  - Nous devons tirer les leçons de l'hiver dernier. Soyons pragmatiques !

Création d'un budget opérationnel de programme en Normandie

Mme Agnès Canayer .  - Si la Normandie est réunifiée depuis 2015, l'organisation de la justice en Normandie est tout sauf normande : elle est tantôt nordiste, tantôt bretonne, l'unité opérationnelle de Rouen étant rattachée au budget opérationnel de programme (BOP) Grand Nord, celle de Caen au BOP Grand Ouest. La cour d'appel de Rouen est, par ailleurs, subordonnée à quatre cours d'appel selon les thématiques.

Cette situation amenuise, voire entrave l'efficacité judiciaire, alors que les états généraux de la justice ont souligné la discordance entre les cartes judiciaire et régionale. La création d'un BOP normand est indispensable et serait cohérente avec le schéma territorial des autres administrations de l'État. Quelles sont les intentions du Gouvernement ?

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité .  - Le Gouvernement est très attaché à la proximité de l'institution judiciaire avec les territoires. Les 7,5 millions d'euros supplémentaires sur cinq ans que le garde des sceaux propose d'accorder aux tribunaux et à l'administration pénitentiaire ont une évidente contrepartie, celle de la bonne gestion.

Aussi, le garde des sceaux a-t-il demandé à l'administration de mettre en place une grande opération de déconcentration au 1er janvier 2024. Nous ne pouvons, à ce stade, vous apporter une réponse ferme sur la Normandie, alors que nous réfléchissons à une solution plus globale. Nous vous suggérons de venir en discuter à la Chancellerie, afin d'avancer sur des propositions concrètes.

Mme Agnès Canayer.  - Vous remercierez M. le garde des sceaux pour sa réponse de Normand, qui n'est pas une réponse normande... L'enjeu de cette réorganisation est majeur pour notre région !

Calamités agricoles et sécheresse de 2022

M. Max Brisson .  - Après la sévère sécheresse de 2022, le département des Pyrénées-Atlantiques a obtenu le statut de calamités agricoles sécheresse. Si le Gouvernement a pris la mesure de la situation, en assouplissant notamment les critères d'éligibilité, près d'un exploitant sur trois a vu sa demande rejetée. Et pour cause : le dispositif est inadapté aux spécificités des exploitations d'élevage du département, liées notamment à la transhumance.

Pour répondre au désarroi des éleveurs, le Gouvernement est-il enclin à proposer de nouveaux critères d'éligibilité et notamment à fixer un nouveau seuil de perte à 8 % conformément à la motion formulée par la chambre d'agriculture des Pyrénées-Atlantiques ?

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité .  - Le Gouvernement s'est pleinement mobilisé face à la sécheresse de 2022, par exemple en accélérant les procédures ou en relevant le taux d'indemnisation de 28 % à 35 %.

Le comité national de gestion des risques en agriculture (CNGRA) a émis des avis favorables pour la reconnaissance du département des Pyrénées-Atlantiques en calamités agricoles.

Nous sommes conscients que les agriculteurs n'atteignant pas le seuil de 11 % de perte globale - déjà exceptionnellement abaissé en 2022 - sont exclus notamment du dispositif des calamités agricoles sur fourrages, qui est complexe à déployer et n'est pas un outil habituel dans le département.

Aussi Marc Fesneau a-t-il lancé un travail de vérification approfondi des paramètres de cette calamité et d'analyse des dossiers inéligibles. Ce critère n'existe plus dans le nouveau système d'assurance récolte en vigueur depuis le 1er janvier 2023.

M. Max Brisson.  - Les éleveurs de la montagne pyrénéenne poussent un cri de détresse. Je demande à nouveau au Gouvernement de regarder de près leur situation.

Rôle et moyens de l'Agence française anticorruption

M. Jean-Pierre Sueur .  - L'Agence française anticorruption (AFA), créée par la loi du 9 décembre 2016, devait répondre notamment aux critiques de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), qui pointait « la faible réactivité des autorités françaises et la faiblesse des moyens affectés aux enquêtes dans la lutte contre la corruption ».

Or depuis juillet 2022, les six membres de la commission des sanctions qui ont cessé leurs fonctions n'ont toujours pas été remplacés et la direction de l'agence est actuellement vacante. Par ailleurs, la circulaire dédiée au traitement des atteintes à la probité se fait toujours attendre.

Quelles décisions seront prises afin de donner à cette agence les moyens d'assumer sa mission ?

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité .  - L'AFA joue un rôle essentiel et les efforts de la France ont été reconnus par l'OCDE. De trente-six à sa création en 2017, l'AFA est passée à cinquante agents en décembre 2022. Cinq emplois supplémentaires seront créés en 2023-2024, afin de multiplier et renforcer les contrôles.

Des moyens spécifiques sont accordés à l'agence pour les dépenses d'expertises liées aux contrôles et aux programmes de mise en conformité.

Le décret portant nomination de membres de la commission des sanctions a été publié le 17 avril 2023 et la nomination d'un nouveau directeur est en cours.

Par ailleurs, une circulaire portant sur les relations entre l'autorité judiciaire et les juridictions financières devrait favoriser la détection des infractions ainsi qu'une réponse pénale dynamique. Enfin, un nouveau plan pluriannuel 2023-2025 de lutte contre la corruption est en préparation. Il sera au niveau des standards internationaux les plus exigeants.

M. Jean-Pierre Sueur.  - J'espère que les nominations interviendront rapidement. Selon l'ancien directeur de l'agence, ses capacités d'action et ses effectifs sont nettement inférieurs aux prévisions initiales. Il est nécessaire de les augmenter.

Fichier des comptes bancaires et données personnelles des Français

M. Gilbert Roger .  - Cette question est sans réponse depuis octobre 2022. La presse a révélé la tentative de la direction générale des finances publiques (DGFiP) de faire évoluer le fichier des comptes bancaires et assimilés (Ficoba) en 2021 pour y inclure toutes les informations bancaires des citoyens français.

Ni le Parlement ni la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil) n'ont été avertis de ces démarches. Nos concitoyens s'interrogent sur cette tentative de Bercy de s'arroger autant de données personnelles sans l'accord de la représentation nationale.

Pouvez-vous nous éclairer sur cette réforme, qui ne dispose d'aucune base légale ? Quelles sont les intentions de Bercy quant à l'utilisation des informations bancaires des Français ?

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État chargée de la jeunesse et du service national universel .  - Le Ficoba, créé en 1971, recense les comptes de toute nature ouverts sur le territoire national. Il est consultable par les services de la DGFiP ainsi que par les organismes dûment autorisés, à des fins notamment de lutte contre la fraude.

Mis à jour en 2002, le Ficoba 2 est aujourd'hui obsolète, tant sur le plan fonctionnel que technique. Sa refonte est essentielle en vue d'améliorer le recouvrement des créances publiques.

Dans le cadre du projet Ficoba 3, des réflexions internes à l'administration ont été conduites sur l'intégration ou non dans le fichier des données relatives aux soldes des comptes bancaires à une date donnée. Cela n'est pas une nouveauté conceptuelle : le fichier Ficovie permet déjà de connaître le solde des assurances vie et l'administration fiscale dispose des soldes des comptes bancaires détenus à l'étranger par des résidents fiscaux français. Une telle évolution du Ficoba ne serait toutefois possible qu'après avis de la Cnil et intervention du législateur.

M. Gilbert Roger.  - J'encourage le Gouvernement à déposer des projets en ce sens devant la représentation nationale, de manière à ne pas marcher sur nos plates-bandes.

Guichet unique

M. Gilbert-Luc Devinaz .  - En application de la loi Pacte, les centres de formalités des entreprises (CFE) viennent d'être regroupés sur un seul site. Ce guichet unique représente un défi colossal pour l'Institut national de la propriété industrielle (Inpi).

Sur le terrain, de nombreux dysfonctionnements sont apparus, plongeant des milliers d'entrepreneurs, mais aussi le réseau consulaire, dans le désarroi. Des erreurs d'orientation de déclarations d'entreprises ont été constatées, avec un impact important pour les chambres de métiers et de l'artisanat (CMA). Par ailleurs, la qualification professionnelle n'est pas vérifiée, ce qui peut porter préjudice aux consommateurs.

Comment comptez-vous sécuriser ces opérations ? Quand le guichet unique sera-t-il pleinement opérationnel ?

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État chargée de la jeunesse et du service national universel .  - Ce projet technique de très grande ampleur a connu des retards, que le Gouvernement s'est engagé à rattraper. Ouvert en janvier dernier, le guichet unique a déjà permis aux entreprises de réaliser plus de 845 000 formalités. Il prend en charge la totalité des formalités de création et, bientôt, de cessation et modification. Enfin, une nouvelle version simplifiée du dépôt des comptes est disponible depuis la fin avril.

Dans cette transformation, les CMA conservent un rôle déterminant pour vérifier le caractère artisanal de l'activité déclarée ou contrôler la qualification professionnelle. L'orientation des dossiers vers les organismes en charge de la validation, dont les CMA, repose exclusivement sur les informations fournies par les entreprises.

Soyez assuré de la pleine mobilisation du Gouvernement pour corriger les difficultés inhérentes à un tel projet.

M. Gilbert-Luc Devinaz.  - Si les chambres consulaires avaient été considérées comme des partenaires à part entière, les choses se passeraient beaucoup mieux.

Automatisation du FCTVA et ras-le-bol des maires

M. Olivier Henno .  - Avec gravité, je veux alerter sur le cafard, le ras-le-bol des maires.

Première cause : les violences, illustrées par la démission du maire de Saint-Brevin-les-Pins. Les maires veulent bien être à portée d'engueulade, mais pas de coups ! L'État doit agir.

Autre cause : la multiplication des normes, à l'image du ZAN (zéro artificialisation nette).

Enfin, l'insécurité et la dépendance financières. Les maires veulent une décentralisation de projet, pas d'exécution. Ils réclament autonomie fiscale et lisibilité financière.

L'automatisation du fonds de compensation de la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA) s'est accompagnée de l'exclusion de certaines dépenses, dont les comptes d'immobilisation 211, « terrain », et 212, « agencement et aménagement de terrain ». Pour la commune de Lambersart, cela signifie une perte de 350 000 euros, car les dépenses liées à la rénovation de deux terrains de sport en gazon synthétique ne seront plus prises en compte.

Inquiets, les élus ont besoin d'une réponse claire. Cette situation illustre bien l'insécurité financière à laquelle ils sont soumis.

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État chargée de la jeunesse et du service national universel .  - Vous avez rappelé à raison les actes de violence que subissent les maires : déjà 1 500 démissions depuis le début de la mandature ! Je redis notre plein soutien au maire de Saint-Brevin-les-Pins, qui a vu son domicile incendié et a subi insultes et menaces en présence de ses enfants. On ne saurait tolérer de telles violences et intimidations envers un représentant de la République et de la démocratie.

L'automatisation du FCTVA a conduit à revoir l'assiette des dépenses d'investissement éligibles. Certains comptes d'agencement et d'aménagements de terrains n'ont pas été retenus dans l'assiette automatisée, car ils comportent des dépenses « hors taxe », par nature inéligibles au FCTVA. Toutefois, les achats d'équipements sportifs et urbains, fixés au sol ou non, sont inclus dans l'assiette, de même que l'achat des machines d'entretien des terrains et du matériel d'éclairage des stades.

Les simulations montrent que la réforme entraîne un coût supplémentaire pour l'État et s'avère globalement favorable aux collectivités. Le sujet étant éminemment technique, je vous propose de compléter cette réponse par écrit, afin d'apporter aux maires la réponse la plus précise.

École nationale supérieure d'architecture de Normandie

Mme Catherine Morin-Desailly .  - Depuis la loi du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine, qui a contribué à réhabiliter le rôle et la place de l'architecture dans la cité, et face aux défis climatiques, d'aménagement équilibré du territoire et d'urbanisme, les écoles nationales supérieures d'architecture (Ensa) sont amenées à jouer un rôle croissant et à s'adapter en permanence.

Or, depuis plusieurs mois, l'École nationale supérieure d'architecture de Normandie (Ensan), située à Darnétal, rencontre de graves problèmes structurels, faute d'investissement dans la formation, l'accompagnement pédagogique et les locaux de l'école. Cela a eu pour conséquence une grève conjointe des enseignants et des étudiants en février.

Les services du ministère ont reçu une délégation de l'Ensan en mars, mais aucun rendez-vous n'est prévu concernant les futurs moyens accordés à l'école, malgré les efforts de la direction et du personnel enseignant, notamment pour mettre l'accent sur les formations en matière environnementale.

L'investissement public moyen par étudiant en Ensa est moindre que pour le reste de l'enseignement supérieur ; en outre, parmi les Ensa, celle de Normandie est dans la fourchette basse en termes de moyens et d'ETP.

Dans une logique d'équité, et vu l'importance des Ensa pour l'avenir, le ministère entend-il allouer des moyens à la hauteur des enjeux à l'occasion du prochain projet de loi de finances, voire dans le prochain projet de loi de finances rectificative ?

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État chargée de la jeunesse et du service national universel .  - Je connais votre engagement sur ce sujet et les alertes que vous avez déjà fait remonter.

Les Ensa ont vocation à former ceux qui apporteront des réponses aux grands enjeux actuels, notamment liés à la transition écologique. La ministre de la culture en a fait une priorité, avec une augmentation inédite de 20 % des crédits qui leur sont consacrés dans le projet de loi de finances pour 2023. S'ajoutent les 57 millions d'euros du plan de relance dans la rénovation des bâtiments. Au total, l'investissement programmé d'ici 2025 s'élève à 75 millions d'euros.

Rima Abdul Malak a rencontré dernièrement les représentants des étudiants, des enseignants-chercheurs, les directeurs et les présidents des Ensa. Après cette large concertation, elle a annoncé une aide immédiate de 3 millions d'euros consacrée à la vie étudiante. Le soutien en faveur de la recherche sera accru : les rémunérations des enseignants-chercheurs et des doctorants seront alignées dès la rentrée sur celles de leurs homologues de l'université.

Plus largement, la ministre a demandé à la nouvelle directrice de l'architecture d'engager une vaste concertation en vue d'actualiser la stratégie nationale pour l'architecture élaborée en 2015 et de l'inscrire dans les défis de notre temps. Elle vous tiendra évidemment informée.

Conséquences du filet de sécurité pour les communes

Mme Céline Brulin .  - Le « filet de sécurité » pour les dépenses énergétiques se traduit par le versement d'acomptes aux communes potentiellement bénéficiaires. Ce n'est qu'à l'établissement du compte administratif que les collectivités sauront si leur épargne brute a effectivement diminué de 25 %, condition pour bénéficier du filet de sécurité 2022.

Les premières régularisations tombent et certaines communes, comme Harfleur ou Maromme, en Seine-Maritime, doivent rembourser des centaines de milliers d'euros, ce qui met en péril leur équilibre budgétaire. C'est injuste, car la moindre diminution de leur épargne brute témoigne de leurs efforts de gestion. C'est contre-productif, car cela freine des investissements, par exemple dans la rénovation thermique, qui diminueraient durablement les coûts énergétiques.

À Eu, le contrôle de légalité pointe l'insuffisance de ressources propres de la commune au regard des coûts énergétiques. Mais, c'est tout le problème, avec des fluctuations qui rendent difficile l'élaboration des budgets...

Il faut repousser les régularisations, comme l'a laissé espérer le ministre des comptes publics, et garantir aux communes qu'aucun remboursement ne leur sera demandé avant qu'ait été examinée leur situation de 2023.

Nous avons réussi à abaisser à 15 % le critère de la perte d'autofinancement pour 2023, mais le décret d'application a été rejeté par le Comité des finances locales, car il excluait trop de collectivités. Quand ce décret sera-t-il republié, et dans quel sens ?

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État chargée de la jeunesse et du service national universel .  - Conscient des effets de l'inflation sur la situation financière des collectivités territoriales, le Gouvernement, en lien avec le Parlement, a prévu un filet de sécurité, à l'article 14 de la loi de finances rectificative du 16 août 2022, pour compenser certaines hausses de dépenses subies en 2022 et apporter un soutien financier immédiat aux collectivités. Le décret du 13 octobre 2022 en précise les modalités.

À leur demande, les collectivités pouvaient solliciter, jusqu'au 15 novembre 2022, un acompte allant de 30 à 50 % de la dotation prévue, à condition qu'elles anticipent, à la fin de l'exercice 2022, une baisse d'épargne brute de plus de 25 %.

Il a toujours été indiqué que les collectivités bénéficiaires pourraient être amenées à rembourser l'acompte en 2023 si, au vu de l'exécution budgétaire 2022, le montant définitif de la dotation calculé est inférieur à celui de l'acompte versé en 2022

À ce stade, les dotations définitives n'ont pas encore été totalement calculées et aucune demande de remboursement n'a été formulée.

L'article 113 de la loi de finances pour 2023 a reconduit ce filet de sécurité pour les dépenses de 2023, en élargissant le champ des bénéficiaires, afin de compenser les hausses de dépenses d'approvisionnement en énergie, électricité et chauffage urbain.

Les mesures de soutien prévues sont bien présentes. Le sujet étant technique, je compléterai cette réponse par écrit.

Mme Céline Brulin.  - Le dispositif est en effet fort complexe. Nous demandons que les demandes de remboursement soient repoussées et que l'on examine la situation des communes sur deux, trois ou quatre ans, pour éviter de les déstabiliser encore plus !

Dépôt dématérialisé des comptes annuels des entreprises

M. Serge Babary .  - Si certaines des difficultés rencontrées sur le guichet unique aux entreprises ont été résolues avec la réouverture partielle d'Infogreffe, ce n'est hélas pas le cas pour le dépôt des comptes annuels des entreprises. L'Ordre des experts-comptables et de nombreux entrepreneurs nous ont signalé des bugs et anomalies rencontrés au moment de ce dépôt dématérialisé : demande de pièces non obligatoires, qui bloque l'examen des dossiers, difficultés dues au format PDF imposé par la plateforme...

L'inquiétude est réelle, sachant que la non-réalisation de cette formalité est susceptible d'emporter de graves conséquences : amendes ou refus de financement de la part des banques.

Quelles mesures comptez-vous prendre pour assurer la fiabilité du système ? Envisagez-vous un format de données informatisées, comme l'évoque l'Ordre des experts-comptables ? Que va-t-il se passer au 1er juillet, quand le guichet unique reprendra toutes ses missions ?

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État chargée de la jeunesse et du service national universel .  - Nous entendons les remontées du terrain. Des difficultés liées à l'utilisation du guichet unique ont en effet été identifiées, et des actions de remédiation ont rapidement été initiées.

Une deuxième version de cette procédure, simplifiée, a été ouverte fin avril par l'Institut national de la propriété industrielle (Inpi). Élaborée avec les experts-comptables et les mandataires, qui sont les principaux déposants, elle réduit notamment le nombre d'étapes préalables et limite ainsi les risques d'erreurs. Parallèlement, en lien avec les greffiers des tribunaux de commerce, de bonnes pratiques ont été élaborées, qui permettent aux déposants d'améliorer la qualité de leur dépôt.

Ces actions ont vocation à améliorer l'expérience utilisateur pour le dépôt des comptes en ligne sur le guichet unique. La voie récemment ouverte est d'ores et déjà la plus utilisée.

Vous pouvez compter sur la mobilisation du Gouvernement, tout comme nous savons pouvoir compter sur votre vigilance. Le ministre en charge de ce dossier vous tiendra informé.

M. Serge Babary.  - Merci. Cette affaire dure depuis un moment déjà. Interrogé le 18 juin, Bruno Le Maire promettait un site simple d'utilisation début mars au plus tard ! J'ai visité l'Inpi le 8 février, interpellé Olivia Grégoire le 22 mars lors des questions d'actualité au Gouvernement : elle m'a répondu que le projet était complexe, mais qu'on serait au rendez-vous fin juin...

Il faut prendre la mesure des difficultés rencontrées par les entrepreneurs dès maintenant, et prendre l'attache des experts-comptables.

Accès aux informations santé pour les jeunes sourds et malentendants

Mme Colette Mélot .  - La réduction des inégalités de santé est une priorité, or les campagnes de prévention sont difficilement accessibles aux malentendants.

Ainsi, pour les jeunes malentendants scolarisés, plus vulnérables, les informations santé - sur les addictions, l'alimentation, la santé sexuelle ou mentale, les écrans et réseaux sociaux ou le harcèlement scolaire - sont souvent parcellaires car les supports de prévention sont inadaptés à leur handicap. Les interprètes sont trop peu nombreux et des dispositifs comme le 114 ou Fil santé jeunes sont encore trop méconnus. Sachant que la maîtrise de la lecture peut être freinée par le handicap, il en résulte un isolement aux conséquences psychologiques parfois désastreuses.

Le service de santé de l'éducation nationale doit pouvoir interagir avec les jeunes et leurs familles, les interprètes, les codeurs, les accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH), les services de soins, afin de préparer et accompagner les actions de sensibilisation et favoriser l'accès à des supports adaptés.

Alors que les déserts médicaux s'étendent, comment créer les conditions nécessaires pour que les campagnes diffusées dans les établissements scolaires soient accessibles à ce public ?

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État chargée de la jeunesse et du service national universel .  - Je connais votre engagement pour une école inclusive. La promotion de la santé à l'école est essentielle. L'éducation est la mère des batailles, et c'est en promouvant un climat scolaire de qualité que l'on rend tangible la promesse républicaine d'égalité. L'objectif est de renforcer le pouvoir d'agir de tous les élèves et de lutter contre les discriminations.

Les élèves sourds, comme les autres élèves, ont un droit fondamental à l'éducation, qui impose au système éducatif de s'adapter.

La scolarisation en classe ordinaire, en unité localisée pour l'inclusion scolaire on en unité d'enseignement, les parcours de formation dans un pôle d'enseignement pour les jeunes sourds se développent.

Un programme d'enseignement bilingue en langue des signes française (LSF) - langue française écrite, devrait être publié prochainement. L'apprentissage de la lecture pour tous les élèves sourds est un enjeu fondamental pour l'expression d'une citoyenneté éclairée. L'enseignement de la LSF et en LSF par les professeurs garantit l'éducation à la santé.

Enfin, la transposition de la directive européenne sur l'accessibilité native des livres numériques va dans le sens d'une accessibilité universelle.

Je sais pouvoir compter sur votre mobilisation.

Accompagnants d'élèves en situation de handicap

Mme Nadège Havet .  - Depuis 2017, le nombre d'accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH) a crû de 40 % ; 430 000 enfants, 100 000 de plus qu'en 2017, bénéficient de cet accompagnement. Je salue l'engagement de ces professionnels et le soutien des pouvoirs publics à la politique d'inclusion. Cependant, ces 120 000 personnels correspondent dans les faits à 80 000 équivalents temps plein (ETP) : beaucoup n'ont pas de contrat plein, et perçoivent donc des rémunérations plus faibles. Comment leur proposer 35 heures hebdomadaires ? Le Président de la République a rappelé que la vraie difficulté était d'avoir un service complet.

Les élus finistériens m'ont interpellée sur les difficultés à recruter et maintenir en poste ces professionnels, notamment du fait de l'articulation difficile entre temps scolaire et périscolaire. La réponse pourrait passer par un dispositif global, afin d'éviter la rupture dans l'accompagnement des enfants et garantir la continuité et la cohérence des interventions des AESH, afin de consolider leurs contrats.

À la suite de la décision de 2020 du Conseil d'État, la proposition de conventionnement de mise à disposition des AESH recrutés par l'éducation nationale lorsque leur présence est requise sur le temps périscolaire pourrait être une réponse pertinente.

Il faut trouver la meilleure formule juridique et administrative, pour les collectivités territoriales et pour l'État. Où en est-on ?

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État chargée de la jeunesse et du service national universel .  - Je connais votre engagement sur ce sujet. L'accompagnement par un AESH est crucial pour garantir l'égalité et l'inclusion des élèves en situation de handicap.

Le Conseil d'État a rappelé, dans sa décision du 20 novembre 2020, qu'il ne revient pas à l'État d'organiser et de prendre en charge l'accompagnement pendant les activités périscolaires, mais aux collectivités. Quoi qu'il en soit, la priorité demeure l'intérêt de l'enfant et l'accompagnement des familles.

AESH, animateur, éducateur sont des métiers de vocation, qu'il faut sécuriser et rendre moins précaires, pour attirer et fidéliser. Éducation formelle, en classe, et informelle, sur le temps méridien ou périscolaire, sont complémentaires, et participent au développement des compétences transversales nécessaires à une scolarité épanouie. Nous avons besoin d'un trait d'union.

À la suite des annonces du Président de la République, le cabinet du ministre de l'éducation nationale s'est mobilisé. Dans les centres de loisirs accueillant des enfants de 3 à 17 ans, les caisses d'allocations familiales (CAF) déploieront un bonus périscolaire pour financer les adaptations et l'encadrement nécessaires à l'accueil des enfants en situation de handicap. Nous sommes en pleine négociation avec la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf).

Nous devons proposer à ces accompagnateurs, pépites de notre système, des formations complémentaires, des métiers à temps complet, plus attractifs et mieux rémunérés. Si l'on nomme les choses, on trouve des solutions.

Formation des enseignants et calcul des pensions de retraite

M. Olivier Rietmann .  - Le 6 mars, j'adressai un courrier au ministre Dussopt - qui s'était engagé la veille à trouver une solution avant l'été -, courrier transmis depuis à M. Guerini, à propos des 30 000 enseignants formés à l'institut universitaire de formation des maîtres (IUFM) dans les années 1990, dont la rémunération, selon la loi du 26 juillet 1991, devait compter pour la retraite - mais qui pâtissent de l'absence d'un décret d'application.

Le 30 mars, le ministre Ndiaye a déclaré que la situation ne pouvait plus durer, et que « des travaux interministériels avaient été relancés pour identifier les évolutions à apporter et les mettre en oeuvre dans les meilleurs délais ». À quelle date votre gouvernement publiera-t-il le décret manquant ?

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État chargée de la jeunesse et du service national universel .  - Votre question claire appelle une réponse claire... que je ne peux malheureusement pas vous fournir. (Sourires) Le ministre Ndiaye m'indique que les travaux sont effectivement en cours, et que l'engagement pris au banc sera tenu. Quant à la date exacte, je ne la connais pas, mais le ministre vous informera dès transmission du projet de texte. Il n'y a pas de raison que l'article 14 de la loi du 27 juillet 1991 ne s'applique pas.

M. Olivier Rietmann.  - Merci : cet engagement qui date de trente ans a été réitéré par les ministres Dussopt et Ndiaye. Les 30 000 enseignants concernés et moi vous avons entendue, et n'hésiterons pas à revenir à la charge.

Difficultés à venir pour les festivals et les spectacles

Mme Else Joseph .  - La récente poussée inflationniste, avec des prix de l'énergie multipliés par trois ou quatre, a forcé les spectacles à raccourcir les saisons. Le syndicat national des scènes publiques a ainsi annoncé plus de 100 000 spectateurs perdus pour cette année. Qu'en est-il ?

Il faut aussi compter avec l'augmentation du point d'indice et des salaires des intervenants, sans compter l'empilement des missions découlant des cahiers des charges : médiation culturelle, éducation artistique et projets avec les établissements scolaires ou pénitentiaires. Le soutien des collectivités territoriales ne suffit plus à couvrir les charges fixes.

Le 9 février dernier, des aides exceptionnelles ont cependant été annoncées ; dans le Grand Est, 17 équipements et structures recevraient de quelques milliers d'euros à 70 000 euros. Pouvez-vous me donner plus de précisions ? Il y va de la place que nous voulons donner à la culture dans notre pays.

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État chargée de la jeunesse et du service national universel .  - Je connais votre attachement au spectacle vivant, qui fait partie du génie de notre pays, avec ses plus de 7 000 festivals. Ce que j'ai lu sur le Cabaret Vert et le festival international des théâtres de marionnettes, dans les Ardennes, donne envie de venir !

Le ministère de la culture a soutenu 800 festivals en 2022 pour 31,24 millions d'euros ; le Centre national de la musique, quant à lui, a aidé 155 festivals de musique en 2022 pour 4,38 millions d'euros.

Face à l'inflation, Rima Abdul Malak a annoncé le 1er mars des aides exceptionnelles pour les structures culturelles labellisées les plus en difficulté ; dans le Grand Est, cela concerne effectivement 17 structures, de la Comédie de Reims à l'Orchestre national de Metz ou encore la Scène nationale de Mulhouse. Chaque structure aidée s'est vue communiquer par la Direction régionale des affaires culturelles (Drac) le montant alloué.

Mme Else Joseph.  - Merci ; il faut aider les festivals. Autre question : comment faire revenir les jeunes ? Madame la ministre, vous êtes la bienvenue dans les Ardennes !

Infrastructures sportives en milieu rural

M. Laurent Somon .  - Les grands événements sportifs internationaux sont utiles au rayonnement et à l'économie du pays, mais aussi aux territoires, à travers les accueils, l'engouement, voire les vocations, qu'ils suscitent. À quelques semaines des jeux Olympiques 2024, rappelons le projet de sport pour tous, dans tous des territoires. Les compétitions se tiennent dans une dizaine de villes, mais le reste du territoire demeure éloigné de ces grands moments de fête. Il faudrait éviter la désillusion à l'égard d'un événement sportif qui ne générerait pas d'équipements.

L'Agence nationale du sport (ANS) intervient dans l'élaboration et le déploiement de programmes d'intervention ; quelles actions mènera-t-elle en faveur des équipements sportifs en milieu rural - je pense en particulier aux gymnases dans les zones les plus éloignées ? Ces actions reposeront-elles sur un juste équilibre entre tous les territoires, de métropole et d'outre-mer ?

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État chargée de la jeunesse et du service national universel .  - Les jeux Olympiques sont un grand rendez-vous qui doit inclure tout le monde et laisser un héritage. Ce grand événement populaire doit irriguer le sport pour tous, les familles, les plus jeunes et être vécu par chacun au plus près de chez lui. L'État, le mouvement sportif, les collectivités territoriales se sont retroussé les manches dans ce but.

L'ANS a deux missions : la haute performance et le développement de la pratique sportive pour tous. À ce titre, elle doit corriger les inégalités territoriales. En 2021 et 2022, elle a soutenu près de 2 000 projets en zone rurale, pour plus de 117 millions d'euros ; 58 % des rénovations d'équipements au titre du plan de relance ont bénéficié à ces territoires, pour 34 millions d'euros, de même que 70 % des équipements financés dans le cadre du déploiement de 5 000 terrains de sport lancé par le Président de la République en octobre 2021, pour 51 millions d'euros.

Complément de traitement indiciaire dans les établissements médico-sociaux autonomes

M. Bruno Sido .  - Un complément de traitement indiciaire (CTI) de 183 euros a été institué pour le personnel des établissements de santé afin de mieux valoriser le secteur, mais les filières administratives, logistiques et techniques des établissements publics médico-sociaux autonomes en ont été exclues. C'est le cas, par exemple, des agents de services hospitaliers qui travaillent auprès des résidents de la maison d'accueil spécialisée d'Andelot, dans la Haute-Marne, et qui relèvent pourtant de la fonction publique hospitalière. A contrario, les agents des filières administratives, logistiques et techniques qui effectuent les mêmes tâches dans un Ehpad non rattaché bénéficient de ce CTI. C'est injuste.

De manière générale, il reste encore, en France, 3 000 agents de la fonction publique hospitalière privés de ce CTI. Comment expliquer cette différence de traitement ? Cette situation sera-t-elle régularisée ? Pour quels motifs les professionnels concernés n'ont-ils pas été revalorisés ?

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé .  - L'attractivité des métiers du secteur sanitaire, social et médico-social est une priorité de notre feuille de route. Nous entendons agir sur l'ensemble des leviers d'attractivité : accès à la formation continue, amélioration des conditions de travail, lutte contre la sinistralité.

L'État, au côté des départements, a pris des mesures fortes, à la fois au titre du Ségur mais aussi de la mission dite Laforcade, qui concernent près de 700 000 salariés. L'ensemble de ces mesures a fait l'objet de travaux préparatoires qui ont largement associé les acteurs concernés, avec des gains d'attractivité réels pour certains métiers en tension.

Mais il faut poursuivre : avec les représentants des employeurs et des salariés, nous devons parvenir à élaborer une convention collective unique pour le secteur social et médico-social, condition d'une revalorisation durable et générale. L'État et l'Association des départements de France ont annoncé le 18 février 2022 qu'ils sont prêts à mobiliser 500 millions d'euros pour faire aboutir ces travaux.

M. Bruno Sido.  - Merci, mais vous ne m'avez pas répondu.

Dépistage des cancers

Mme Valérie Boyer .  - Il y a plusieurs mois, la Caisse nationale de l'assurance maladie (Cnam) a annoncé son désir de reprendre, en matière de dépistage des cancers, le pilotage des invitations, sous prétexte de faire des économies et d'améliorer les résultats - ce que contestent les centres régionaux de coordination des dépistages des cancers (CRCDC), qui assurent cette mission en lien avec les agences régionales de santé (ARS).

De plus, l'assurance maladie indique qu'elle ne leur communiquera pas les fichiers des populations. C'est beaucoup de brutalité : ils ne pourront plus assurer le suivi, ce qui induira une dégradation du système de santé. Pourtant, ces centres, qui bénéficient d'une visibilité locale, sont prêts à orienter la majeure partie de leur activité autour de la prévention, veulent s'investir pour lutter contre les inégalités territoriales et sociales de santé, mais aussi optimiser la prise en charge des personnes à risque élevé de cancer.

Pourquoi une telle précipitation ? Pourquoi désorganiser ce qui fonctionne très bien depuis les années 1990 ? Envisagez-vous de revenir sur ce choix qui fera perdre des chances aux malades ?

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé .  - La prévention et le dépistage sont essentiels contre le cancer. C'est une priorité de notre action, avec le dépistage des cancers du sein, colorectal et du col de l'utérus et notre stratégie décennale de lutte contre le cancer 2021-2030.

Une nouvelle feuille de route a été annoncée en décembre 2022 par la Première Ministre, comprenant une évolution des missions des CRCDC : transfert début 2024 à l'Assurance maladie du pilotage des invitations et recentrage de leurs missions sur le suivi des résultats, l'information et la formation des professionnels. Sont aussi d'actualité des opérations systématiques « d'aller-vers » par les caisses d'assurance maladie, mobilisant tous les acteurs de prévention, sous pilotage des ARS.

La direction générale de la santé (DGS) a annoncé le 19 janvier dernier le lancement, en lien avec l'Assurance maladie, de plusieurs chantiers préparatoires auxquels les représentants de CRCDC sont évidemment associés. J'invite ces derniers à poursuivre leurs contributions à ces travaux.

Mme Valérie Boyer.  - Je n'ai toujours pas compris pourquoi vous cassez quelque chose qui marche. Vous le savez, les SMS aux personnes précaires, cela ne fonctionne pas.

Inquiétudes des infirmiers libéraux

Mme Nathalie Delattre .  - Je pose cette question au nom de M. Cabanel, qui s'est blessé sur son exploitation et à qui je souhaite un prompt rétablissement.

Pendant le covid, les infirmiers libéraux ont prouvé qu'ils étaient indispensables et démontré leurs facultés d'auto-organisation pour tester, soigner et surtout vacciner à domicile, dans des bateaux, dans des bus, sous des tentes, dans les écoles ou encore dans des centres de sans-abri - tout en continuant à prendre en charge leurs patients habituels. Bien souvent, ils se retrouvent contraints de travailler les week-ends en plus de la semaine, pendant leurs congés, voire même pendant leurs temps de pause.

Or les actes médicaux infirmiers (AMI) sont bloqués depuis l'augmentation de 15 centimes en avril 2009, et leurs indemnités kilométriques sont inférieures à celles d'autres professionnels de santé, ce qui est injuste, la hausse des carburants étant la même pour tous.

Envisagez-vous une revalorisation pour ces professionnels ?

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé .  - Je souhaite à mon tour un prompt rétablissement à M. Cabanel.

J'étais moi-même, vendredi dernier, avec une infirmière libérale pour sa tournée du matin.

Le bilan de soins infirmiers (BSI) a introduit depuis 2020 une rémunération forfaitaire journalière adaptée à l'état du patient. Il est prévu de le porter de 122 à 217 millions d'euros pour la période 2020-2024. Si le déploiement du BSI a été décalé en raison d'un impact financier supérieur aux prévisions, l'avenant de juillet 2022 comporte 22 millions d'euros de rémunérations, notamment pour les infirmiers en pratique avancée.

L'assurance maladie a revalorisé pour la seule année 2022 les indemnités kilométriques des infirmiers libéraux, afin de compenser la hausse du coût du carburant - en plus des remises accessibles à tout conducteur.

Plus largement, les infirmiers libéraux occupent une place centrale dans la transformation du système de santé que nous menons. Nous avons ainsi lancé une mission sur leur formation et leurs référentiels d'activités et de compétences. Nous travaillons notamment à l'intégration du mentorat, à l'encouragement du tutorat et au déploiement des cordées de la réussite.

Mme Nathalie Delattre.  - Merci. Il y a urgence à stopper l'hémorragie : 60 % des infirmiers libéraux envisagent de quitter la profession dans les cinq ans.

Urgences du centre hospitalier d'Ardèche méridionale

Mme Anne Ventalon .  - Le centre hospitalier d'Ardèche méridionale (CHARME) est en situation de pénurie médicale, d'autant qu'il n'a pas les moyens d'un CHU. Depuis le 1er avril, ses urgences sont fermées le soir et la nuit. Dans ce territoire à l'écart des autoroutes et des gares, les prises en charge se font ainsi dans des hôpitaux éloignés. Pour les radios, les patients sont parfois réorientés d'un département à l'autre. Ainsi leur état peut s'aggraver ou, faute d'imagerie médicale, des soins inadéquats sont parfois prodigués.

La position géographique d'Aubenas est un frein au recrutement d'intérimaires. Faudra-t-il un drame pour que l'on réagisse ? Quelque 300 000 personnes arrivent sur le territoire l'été, avec des activités de loisirs facteurs d'accidents. Allez-vous permettre la réouverture des urgences de nuit ? Allez-vous réquisitionner des médecins au niveau régional et, compte tenu de la situation particulière d'Aubenas, êtes-vous prête à activer la réserve sanitaire ?

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé .  - Des mesures ont été engagées de longue date : financement d'assistants à temps partagé avec le centre hospitalier de Valence, de la régulation PDSA (permanence des soins ambulatoires) au Samu en journée, d'infirmiers diplômés d'État (IDE) pour les transports interhospitaliers. Depuis avril, les urgences du CHARME sont fermées la nuit, en privilégiant le maintien du Smur : les urgences vitales sont bien prises en charge la nuit.

Pour répondre aux inquiétudes, l'Agence régionale de santé (ARS) met en place un plan d'action sur trois axes : doublement de la ligne des maisons médicales de garde, voire installation de maisons éphémères dans les zones touristiques, mise en place d'une seconde ligne de transports sanitaires urgents, évitement des passages aux urgences grâce à une communication sur le bon usage.

Depuis le 1er mai, un dispositif de garde postée du service départemental d'incendie et de secours (Sdis) avec des infirmiers formés aux protocoles d'urgences fonctionne dans la zone d'Aubenas.

Enfin, concernant l'intérim, mentionnons la majoration de la prime de solidarité territoriale.

La permanence des soins sera assurée partout, grâce à des solutions organisationnelles locales.

Mme Anne Ventalon.  - Mesurez combien, avec l'éloignement et l'enclavement, les difficultés de l'hôpital sont accrues. Le personnel est épuisé, les soignants souffrent du climat anxiogène. N'attendons pas un drame pour agir.

Personnes handicapées et réforme des dispositifs médicaux

M. Philippe Mouiller .  - Le projet de réforme des aides à la mobilité prévoit que le choix entre l'acquisition et la location du fauteuil roulant ne reviendrait plus à l'utilisateur, mais au prescripteur.

D'autres dispositions inquiètent : les modalités de restitution du fauteuil, les délais entre deux renouvellements de prise en charge, et surtout le reste à charge. Les représentants des personnes en situation de handicap demandent une redéfinition de la notion de remise en bon état d'usage (RBEU) d'un dispositif médical, et attendent toujours une réunion de consultation sur le décret.

Les récentes annonces du Président de la République ont été bien accueillies mais suscitent des interrogations : les personnes concernées demandent non pas une extension du 100 % santé au fauteuil roulant, mais un remboursement de tous les modèles de fauteuil sans reste à charge. Quelles suites allez-vous donner à ces demandes ?

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé .  - La réforme était nécessaire pour compléter l'offre de fauteuils remboursés, car 60 000 personnes en situation de handicap ont encore plus de 5 000 euros de reste à charge. C'est pourquoi nous travaillons avec les associations pour mieux les équiper.

Le remboursement du fauteuil, à l'achat ou en location, se fait sur prescription, dans un dialogue avec l'utilisateur. Seuls l'achat et, dans de rares cas, la location de courte durée sont possibles aujourd'hui ; demain les deux seront possibles, avec un essai d'une semaine. La consultation publique menée par la Haute autorité de santé (HAS) a permis de préciser la nomenclature ; le texte définitif est en cours de finalisation.

Le décret en consultation auprès de la Commission européenne permettra d'apporter toutes les garanties quant à la sécurité et à la performance des fauteuils roulants remis en bon état d'usage. Enfin, nous travaillons à une norme avec l'Afnor.

M. Philippe Mouiller.  - Je vous remercie, mais vous n'avez pas répondu à ma question sur le reste à charge, ni à la problématique du libre choix.

Apprentissage dans la fonction publique hospitalière

M. Bernard Buis .  - L'apprentissage apparaît comme une solution pour renforcer l'attractivité de la fonction publique, en particulier hospitalière.

Le décret du 27 septembre 2021 a créé une prime de 500 euros pour les maîtres d'apprentissage dans la fonction publique d'État. En revanche, dans la fonction publique hospitalière (FPH), les décrets des 9 et 20 septembre 2021 prévoient des incitations financières, mais pour les établissements et non les maîtres d'apprentissage. Dans la Drôme, où le conseil départemental a décidé de promouvoir l'apprentissage, certains employeurs sont contraints de payer les maîtres en heures supplémentaires ou en primes de service.

Quelles solutions envisagez-vous pour mettre fin à cette discordance ?

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé .  - L'apprentissage dans la FPH renforce l'attractivité des carrières hospitalières pour les jeunes : le Gouvernement a bien identifié sa promotion comme un enjeu de premier plan.

Pour atteindre l'objectif de 4 000 contrats d'apprentissage dans la FPH d'ici à 2027, une aide de 3 000 euros par an et par apprenti sera mise en place. Nous travaillons aussi à la création d'une allocation aux maîtres d'apprentissage dans la FPH, qui serait effective avant la fin de l'année.

M. Bernard Buis.  - Merci pour ces précisions, qui seront appréciées.

Pictogramme « femme enceinte »

Mme Jocelyne Guidez .  - La révision du pictogramme « femme enceinte barrée » a été annoncée par l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) au mois de janvier 2023.

Ce pictogramme était obligatoire depuis 2017 sur certains médicaments, après plusieurs scandales sanitaires, notamment autour de la Dépakine, du Distilbène et du thalidomide. Il informe les femmes enceintes de la tératogénicité d'un médicament, leur permettant de réévaluer les traitements avec un professionnel de santé et de se tourner, le cas échéant, vers des alternatives thérapeutiques. C'est capital, notamment pour éviter les avortements médicaux.

Or la révision intervient sans que des difficultés de compréhension particulières par les patients aient été constatées. Comment le conseil scientifique temporaire constitué par l'ANSM entend-il réviser ce dispositif pourtant simple, clair et utile ? Je m'interroge aussi sur la méthodologie de réévaluation. Un observatoire ou un service dédié ne serait-il pas préférable ?

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé .  - Les retours de terrain sur ce pictogramme ont montré qu'il amenait certaines patientes à arrêter brusquement leur traitement, mettant ainsi en danger leur santé. Saisie, l'ANSM a mis en place un comité scientifique temporaire pour dresser un état des lieux de la compréhension du pictogramme et envisager un aménagement du dispositif réglementaire existant.

Le conseil s'appuiera sur les résultats d'une enquête d'opinion et sur les auditions et contributions des parties prenantes : usagers, professionnels, industriels, revues scientifiques. À ce stade, l'association d'aide aux parents d'enfants souffrant du syndrome de l'anticonvulsivant (Apesac), le Conseil national de l'ordre des médecins, France Assos Santé et les syndicats des industries pharmaceutiques ont été entendus.

Le cas échéant, des propositions de révision seront soumises au ministère et une campagne de communication sera conduite par l'ANSM pour accompagner l'appropriation du nouveau pictogramme par le public.

Exclus du fonds de garantie abondé par les professionnels de santé

Mme Catherine Deroche .  - La loi dite Kouchner du 4 mars 2002 a rendu obligatoire l'assurance responsabilité civile des professionnels de santé, en prévoyant des plafonds de garantie. La loi dite About du 30 décembre 2002 a substitué au principe dit « base fait générateur » celui de « base réclamation » : les contrats ne couvrent plus indéfiniment les conséquences des actes passés, mais seulement les faits dommageables, non connus de l'assuré, qui font l'objet d'une première réclamation par la victime pendant la période de validité du contrat.

Ces deux lois créant des trous de garantie, la loi de finances pour 2012 a créé un fonds de garantie des dommages consécutifs à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins dispensés par des professionnels de santé exerçant à titre libéral (FAPDS), pour couvrir les indemnisations qui pourraient en découler.

Tout en saluant cette réforme, Catherine Procaccia, dans son rapport sur l'assurance responsabilité civile médicale présentée en 2021, s'interrogeait sur les cas où la réclamation a été portée par la victime avant le 1er janvier 2012 ou en 2012 avant la date de conclusion, de renouvellement ou de modification du contrat d'assurance. Au total, cinq médecins ayant fait l'objet d'une plainte seraient exposés à ce risque, principalement gynécologues et anesthésistes.

Que fait le Gouvernement pour ces exclus ?

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé .  - Je suis sensible à la situation des praticiens concernés, mais, au vu du nombre limité de cas, la situation n'appelle pas d'évolution des textes - ce que Mme Catherine Procaccia avait conclu. De plus, cela pourrait entraîner un impact non maîtrisé sur l'équilibre financier du fonds.

Une évaluation prospective est toutefois nécessaire pour préciser le besoin de financement et envisager un financement alternatif au FAPDS ou l'élargissement de certains critères de prise en charge.

Accueil collectif des jeunes enfants

Mme Marie Mercier .  - Quel accueil collectif voulons-nous pour nos enfants ? Vous savez qu'ils ne peuvent pas manger entre leur arrivée et 11 h 30, même si le pédiatre l'a recommandé... C'est une aberration ! Il y a d'autres façons de lutter contre l'obésité.

Dans un rapport du mois dernier, l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) révèle des dysfonctionnements très graves dans certains établissements : privation d'eau, enfants non changés, absence de prise en compte du rythme du nourrisson ... Pourquoi ? Parce que la logique comptable a prévalu sur le bien-être. Les professionnels sont quelquefois démotivés, fatigués ; ils ont besoin d'être formés.

La Fédération française des crèches a mis en avant ses difficultés de recrutement. Comment fabriquer 200 000 places d'accueil alors que l'on manque de professionnels ? Où en est le service public de la petite enfance ?

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé .  - Lors du précédent quinquennat, les règles d'administration des médicaments ont été clarifiées ; un référent Santé-accueil inclusif a été mis en place, ainsi qu'une charte sur la qualité d'accueil.

Le rapport de l'Igas nous invite à aller plus loin, en soulignant l'hétérogénéité territoriale de la qualité de l'accueil, l'intégration insuffisante des connaissances sur le jeune enfant et les limites des contrôles. Le ministre s'est engagé à y donner suite dans les prochaines semaines.

Le Gouvernement a deux priorités dans ce domaine.

D'abord, nous devons garantir aux familles la meilleure qualité d'accueil dans tous les établissements. Si le manque de personnel rend impossible le respect du cadre réglementaire, il faut réduire la capacité d'accueil.

Ensuite, il nous faut lutter contre la pénurie de professionnels. Le Gouvernement y travaille avec un comité de filière dédié, une campagne de promotion des métiers et la construction d'un socle social commun.

C'est l'ambition de la garantie d'accueil du jeune enfant, à laquelle travaille mon collègue Jean-Christophe Combe et qui fera l'objet d'annonces très prochainement.

Mme Marie Mercier.  - Les crèches sont une chance pour le développement des enfants. Ce devrait être l'honneur d'un État digne de ce nom de protéger les plus vulnérables. Rendez la filière attractive !

Situation des hôpitaux en Isère

M. Guillaume Gontard .  - Les hôpitaux isérois sont dans une situation alarmante. Un bâtiment entier de l'hôpital de Voiron est vide. Le centre hospitalier universitaire (CHU) Grenoble-Alpes est, lui, en grande difficulté : les représentants du personnel, en grève illimitée, ont déposé un signalement auprès du procureur pour mise en danger de la santé d'autrui.

Avec la fermeture de celles de Voiron et Bourgoin-Jallieu, les urgences du CHU de Grenoble sont saturées. Depuis décembre 2022, trois personnes dont le pronostic médical n'indiquait pas d'urgence sont décédées en attente d'un lit. Dans l'équipe de chirurgie pédiatrique, six arrêts de travail ont obligé à annuler des interventions.

On vient d'apprendre que 123 lits seraient rouverts en septembre, mais cela ne compense pas les lits fermés. À quand des mesures efficaces, en particulier en Isère ?

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé .  - Le Gouvernement a pris de nombreuses mesures pour le système de santé : Ségur, revalorisation des primes de nuit et astreintes de garde, notamment.

Le CHU Grenoble-Alpes souffre d'une pénurie de ressources humaines plutôt que d'un manque de moyens. Le signalement que vous mentionnez a été classé sans suite.

Le service des urgences de Voiron n'a pas fermé, mais ses horaires ont été adaptés. Ce n'est pas un bâtiment, mais une unité qui n'est pas utilisée, en raison d'un projet d'installation d'une clinique voisine qui n'a pas été mené à terme. Cette unité sera affectée en fonction des besoins et ressources de l'établissement. Le CH de Bourgoin-Jallieu continue à offrir une solution alternative pour les patients.

De plus, les mesures d'urgence issues de la mission flash sont mises en oeuvre en Isère, comme l'envoi d'infirmiers à domicile par le Samu pour les levées de doutes et la revalorisation des rémunérations pour les gardes.

Enfin, l'agence régionale de santé coordonne les acteurs, fluidifiant les filières de soins : ainsi, la filière psychiatrique a pu soulager les services d'urgences du CHU.

M. Guillaume Gontard.  - Tout va bien, à vous entendre... Mais à Voiron, Bourgoin-Jallieu et Grenoble, la situation est dramatique ! Avec les démissions et les difficultés de recrutement, le CHU fonctionne avec la moitié de ses effectifs. Il est urgent d'augmenter le nombre de places en médecine et de faciliter la reconnaissance de l'équivalence de formation des médecins étrangers.

La séance est suspendue à 12 h 35.

Présidence de M. Vincent Delahaye,vice-président

La séance reprend à 14 h 30.

Ouvertures de casinos

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi visant à réduire les inégalités territoriales pour les ouvertures de casinos, présentée par Mme Catherine Deroche, MM. Stéphane Piednoir, Claude Nougein et plusieurs de leurs collègues, à demande du groupe Les Républicains.

Discussion générale

Mme Catherine Deroche, auteure de la proposition de loi .  - Cette proposition de loi, cosignée par MM. Piednoir et Nougein, reprend en partie un texte déposé en avril 2019 par les quatre sénateurs de Maine-et-Loire, sollicités par le maire de Saumur, qui étendait l'installation de casinos aux communes comportant un ou plusieurs éléments du patrimoine de l'Institut français du cheval et de l'équitation (IFCE).

Cette année, le texte a été travaillé avec les députés des circonscriptions des communes de Saumur et d'Arnac-Pompadour. J'y associe MM. Capus et Chasseing, ainsi que Laëtitia Saint-Paul, députée de Maine-et-Loire, présente en tribune.

Un casino participe de l'attractivité du territoire, crée des emplois et contribue grandement au budget communal.

Les jeux d'argent sont prohibés. Toutefois, les dérogations comprennent les stations thermales, balnéaires ou climatiques, de même que les villes principales des agglomérations de plus de 500 000 habitants ayant des activités touristiques, participant pour plus de 40 % au fonctionnement d'entités comme une scène nationale ou orchestre national, ainsi que les communes disposant déjà d'un casino avant la mise en oeuvre de la loi de 2006 et les communes touristiques de plus de 15 000 habitants en Guyane.

Cet encadrement strict est normal, mais cantonne les casinos aux bords de mer et aux départements urbanisés, ce qui crée des inégalités injustifiées.

Les départements ruraux du centre de la France ont d'importantes activités équestres dont les liens avec le monde du jeu et des paris justifieraient l'implantation de casinos. Cela pallierait le problème de répartition.

Notre proposition autorise donc la création de casinos dans des communes « sites historiques du Cadre noir et des haras nationaux » qui ont organisé annuellement au moins dix événements hippiques de renommée nationale ou internationale au cours des cinq dernières années. Seules deux communes sont concernées : Saumur et Arnac-Pompadour. L'IFCE assure la gestion du Cadre noir à Saumur et dispose également d'une vingtaine de haras nationaux, qu'il doit valoriser.

L'État se désengage progressivement des deux derniers sites labellisés « haras nationaux » auxquels il participe. Uzès est encore un haras national, mais ne reçoit plus de compétitions.

Conditionner l'ouverture d'un casino au patrimoine équestre soutiendra l'ensemble de la filière cheval.

Je vous remercie du soutien que vous voudrez bien apporter à ce texte, amélioré par la commission. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP)

M. François Bonhomme, rapporteur de la commission des lois .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) L'article unique de cette proposition de loi répond aux attentes anciennes des maires souhaitant accueillir un casino. Les équipements ancestraux d'Arnac-Pompadour et de Saumur ont des besoins immenses, mais, depuis dix ans, l'État se désengage de la filière équestre. Les collectivités sont esseulées alors que le patrimoine équin est un atout, notamment touristique.

L'ouverture d'un casino municipal est par principe prohibée pour préserver l'ordre public et la santé des mineurs. Les exceptions sont anciennes, mais n'ont pas évolué. Les communes pouvant accueillir un casino sont mentionnées à l'article L. 321-1 du code de la sécurité intérieure : il s'agit principalement de communes littorales et thermales et des villes dotées de certains équipements. Il est de plus interdit d'exploiter un casino à moins de 100 kilomètres de Paris, hormis à Enghien-les-Bains. Toutefois, des cercles de jeu sont en cours d'expérimentation dans la capitale, jusqu'en 2024.

Une double autorisation, municipale et du ministère de l'intérieur, précède l'ouverture d'un casino. À ce jour, il en existe 203.

La commission est favorable à la dérogation introduite par la proposition, qui accroîtrait les ressources et compléterait l'offre touristique des communes concernées. Les maires d'Arnac-Pompadour et de Saumur soulignent l'importance de financer les activités équestres.

Notre commission a rendu le texte plus opérationnel en l'étendant aux communes accueillant soit un site historique du Cadre noir soit un haras national. Selon l'IFCE, huit communes justifient d'un haras national. Par ailleurs, la commission maintient la condition d'activité équestre régulière et ancienne, avec dix événements par an entre 2018 et 2022. Enfin, la commune doit comporter le siège d'une société de course hippique. Ces trois critères sont cumulatifs.

Le texte ouvre ainsi la possibilité d'ouvrir de nouveaux casinos, mais de manière réduite. Nous voulons restreindre au maximum les activités de jeux et de hasard tout en répondant à l'urgence de financer les infrastructures équines et en rééquilibrant la répartition des casinos sur le territoire.

À l'avenir, il faudra mener une réflexion globale sur les critères d'implantation des casinos. La fin de l'expérimentation de clubs de jeux parisiens sera l'occasion pour le Gouvernement d'une remise à plat.

Je remercie les auteurs de la proposition de loi, avec lesquels j'ai régulièrement échangé (M. Stéphane Piednoir acquiesce) pour la qualité de nos échanges. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP)

Mme Sonia Backès, secrétaire d'État chargée de la citoyenneté .  - Avec plus de 200 établissements, la France compte 40 % des casinos de l'Union européenne. C'est un atout considérable pour notre territoire, qui profite directement aux 196 communes, en termes d'attractivité, d'emploi et de fiscalité.

Toutefois, l'offre est inégalement répartie : elle se concentre sur les zones littorales et urbanisées, alors que 38 départements en sont dépourvus. C'est le fruit de deux siècles d'encadrement des jeux d'argent et de hasard par l'État.

Actuellement, seules les communes thermales, climatiques ou balnéaires, ainsi que les villes principales d'agglomérations de plus de 500 000 habitants dotées d'établissements culturels spécifiques peuvent accueillir un casino.

La démarche des élus locaux et des parlementaires témoigne d'une volonté de changement, mais il convient de faire preuve de prudence et de sagesse. L'évolution doit rester maîtrisable.

Le ministère de l'intérieur est vigilant, compte tenu des enjeux de sécurité et de santé publiques : la direction des libertés publiques et des affaires juridiques procède aux interdictions de jeux et habilite les employés, et le service central des courses et jeux de la police judiciaire réalise des audits réguliers. Préserver les capacités du ministère est donc fondamental.

Gare également à ne pas fragiliser le réseau excitant. Une remise à plat du cadre légal supposerait une concertation de ce secteur singulier.

Le texte prévoit une nouvelle dérogation au profit des communes comportant le siège d'une société de courses hippiques ainsi qu'un site du Cadre noir ou un haras national organisant suffisamment d'événements. Trois seraient éligibles : Arnac-Pompadour, Saumur et Segré-en-Anjou Bleu.

Le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat sur ce texte qui crée une ouverture limitée tout en répondant à une attente forte. Cela dit, nous souhaitons qu'il soit amélioré au cours de la navette.

L'ajout de critères répondant à des intérêts particuliers d'un territoire ne doit pas aboutir à un inventaire à la Prévert. Implanter un casino suppose une vigilance accrue.

Cet enjeu touche au coeur de nos territoires et aux loisirs de nos concitoyens.

Mme Nathalie Goulet .  - (Mme Françoise Gatel applaudit.) La manne des casinos représente un peu plus de 1 milliard d'euros au 31 octobre 2021 et, selon l'observatoire économique et social du cheval (OESC), la filière équine engendre plus de 11 milliards d'euros de flux. L'idée d'utiliser ces filières pour aider les collectivités n'est pas nouvelle. Le Loto du patrimoine du célèbre Stéphane Bern en témoigne.

Les collectivités territoriales manquent de budgets : rapprocher ces deux activités pour combler un désert ludique est donc logique.

L'article unique introduit une sixième dérogation à l'interdiction des jeux d'argent et de hasard, selon le double critère d'accueil d'un site historique du Cadre noir et d'un haras national, ainsi que de l'organisation régulière d'événements. La commission en a étendu le champ aux communes détenant l'un ou l'autre des deux sites, tout en prévoyant la présence du siège d'une société de courses hippiques. Elle retient d'ailleurs le terme d'événements « équestres », plus large que « hippiques », lié aux seules courses.

Mon département, l'Orne, comprend le haras national du Pin, propriété du département depuis la loi 3DS, et le casino de Bagnoles-de-l'Orne. Me voici comblée !

Cependant, l'extension proposée par la commission fragilise le texte. À l'issue des auditions, le rapporteur estime qu'il faut « envisager une réflexion plus globale sur les critères » d'implantation d'un casino. En outre, assimiler l'hippisme, qui relève des courses, et l'équestre, qui relève du sport et des concours équestres, est une facilité peu évidente pour les spécialistes.

La proposition de loi, malgré ses mérites, est un texte de circonstance. Le débat mérite d'être approfondi avec l'ensemble des acteurs de la filière.

L'extension opérée par la commission complexifie la rédaction. Il nous faut un débat global pour parvenir à un bon équilibre. L'ouverture du casino de Saint-Gervais-les-Bains a affaibli ceux de Megève et de Chamonix : ne nous précipitons pas.

Le sujet doit être retravaillé : le groupe UC s'abstiendra sur ce texte.

Mme Nathalie Delattre .  - L'implantation des casinos pourrait apparaître comme un sujet anecdotique, mais nous aurions tort de nous désintéresser de ce texte. Mon département, la Gironde, compte six casinos. Celui de Bordeaux, ouvert depuis vingt ans, contribue significativement au budget de la mairie, et alimente notamment des lignes consacrées au social. L'intérêt économique est certain : les 200 casinos du pays représentent des dizaines de milliers d'emplois.

Cela dit, l'implantation d'un casino ne saurait apporter une solution pérenne aux difficultés financières des collectivités territoriales. Il faut une réponse budgétaire et de politique économique.

Je suis circonspecte sur la rédaction du texte, qui ajoute à l'article L. 321-1 du code de la sécurité intérieure une catégorie liée aux événements hippiques. Il y a certes un lien entre paris et jeux, mais cela concerne avant tout les courses. Sont concernées les communes de Saumur et d'Arnac-Pompadour. La commission a étendu le dispositif à une dizaine de communes. D'autres, en Gironde, seraient volontaires...

Mais ne faut-il pas repenser le système dans sa globalité ?

Sans moralisme excessif, rappelons que la dépendance aux jeux est un phénomène préoccupant, à l'heure où les paris sportifs en ligne entraînent de nombreux problèmes, notamment chez les jeunes. Le législateur ne doit pas donner l'impression d'accompagner le phénomène, alors que la fréquentation des casinos a baissé par rapport à 2019.

Certains, comme à Bordeaux, se chargent des addictions, mais la pandémie a favorisé les jeux d'argent en ligne malgré l'interdiction des jeux de hasard sur internet. Une étude d'impact approfondie s'imposerait, ce que ne permet pas ce texte : je le regrette.

Cela dit, le RDSE reste dans l'ensemble favorable à cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du RDSE, du RDPI et du groupe INDEP, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains)

M. Claude Nougein .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; MM. Jean-Claude Requier, Emmanuel Capus et Daniel Chasseing applaudissent également.) Nos territoires ruraux, si dynamiques et innovants, sont trop souvent abandonnés. Malgré son image positive, la vérité du monde rural reste mal connue et mal comprise.

Les lois récentes, comme le ZAN (Zéro artificialisation nette), accentuent la désertification rurale et le désengagement de l'État.

La filière cheval est une composante importante du développement des territoires ruraux. Elle crée des emplois et engendre du lien social. C'est un allié du développement rural comme du développement durable.

Le cheval est un acteur majeur de la culture française, et l'équitation de tradition française est inscrite depuis 2011 au patrimoine culturel immatériel de l'humanité.

Le haras national d'Arnac-Pompadour, en Corrèze, est un trésor, qui abrite encore aujourd'hui le siège de l'IFCE. L'État souhaite, pour se concentrer sur ses missions régaliennes, se désengager. Alors, comment sauver la filière ?

Les élus ruraux ont l'innovation chevillée au corps. Les départements ruraux du centre de la France ont pour attrait touristique les activités équestres, qui pourraient constituer un support pour le développement d'infrastructures touristiques telles que des casinos. Ainsi il serait possible de pallier l'inégale répartition des casinos sur le territoire tout en sauvant la filière cheval. La législation en vigueur bénéficie à des communes littorales et thermales qui possèdent déjà de nombreux atouts touristiques. De plus, un casino est une source importante d'emplois et contribue au développement, à l'animation et à l'attractivité de la commune. Grâce à la redistribution fiscale, il contribue aussi au budget communal.

Avec cette proposition de loi, il s'agit de maintenir en vie une filière dans les communes comportant un stade équestre et un établissement de l'IFCE, et ayant organisé de façon récurrente des événements équestres de rayonnement international. À Arnac-Pompadour, plus de 160 journées équestres seront maintenues : c'est la vie du territoire !

Seules quelques communes rentrent dans ce cadre, dont Saumur, site historique du Cadre noir. Notons qu'il n'y a pas de casino à proximité.

Il s'agirait de petits établissements, mais viables, qui paieraient des taxes permettant de sauver la filière équestre locale, et assureraient des retombées économiques pour les communes.

Vous l'avez compris : je ne défends pas la multiplication de casinos, mais la survie de la filière équestre dans des villes historiques du cheval. Le groupe Les Républicains votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; MM. Emmanuel Capus et Alain Duffourg applaudissent également.)

M. Emmanuel Capus .  - (M. Daniel Chasseing applaudit.) Les communes d'Arnac-Pompadour, comme celle de Saumur, dans mon département de Maine-et-Loire, sont deux hauts lieux de l'équitation, associés à une longue tradition d'élevage et d'activités équestres. Leur réputation dépasse nos frontières. Le Cadre noir participe au rayonnement international de l'art équestre à la française.

Mme Nathalie Goulet.  - Tout à fait !

M. Emmanuel Capus.  - Son patrimoine, ses compétitions, ses infrastructures irriguent l'ensemble des secteurs d'activité locaux. Le désengagement du ministère de l'agriculture menace la filière. Ce texte vise à introduire une dérogation à la loi afin de permettre l'ouverture d'un casino à Arnac-Pompadour et à Saumur, en réponse aux demandes d'élus locaux, au premier rang desquels le maire d'Arnac-Pompadour et la députée de Saumur, que je salue.

Ces deux communes sont liées au monde équestre. Cette proposition de loi, soutenue par l'ensemble des sénateurs de ces deux départements et amendée par le rapporteur, vise à pallier l'implantation déséquilibrée des casinos, concentrés sur le littoral. Les territoires ruraux du centre du pays sont laissés de côté, malgré l'atout que ces établissements représenteraient pour le développement des territoires.

Les casinos sont des sources importantes d'emplois à l'année et d'attractivité ; les retombées rejaillissent sur toute l'activité économique du territoire. L'implantation d'un casino dans ces deux communes serait une excellente chose : à Saumur, le casino le plus proche est à 106 km, et il n'y a donc pas de risque de concurrence.

La majorité du groupe Les Indépendants votera donc ce texte, que j'ai d'ailleurs cosigné avec Daniel Chasseing. J'ajoute que c'est peut-être la dernière proposition de loi déposée par Mme Deroche : raison supplémentaire de lui manifester notre reconnaissance, pour son travail lors de ses trois mandats. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Nathalie Delattre, MM. Daniel Chasseing et Alain Duffourg applaudissent également.)

M. François Bonhomme, rapporteur.  - « Bravo ! » (Sourires)

Mme Monique de Marco .  - Notre ordre du jour réserve parfois des surprises.

Cette dérogation au principe d'interdiction générale des jeux d'argent et de hasard reposant sur l'existence d'infrastructures et d'activités équestres bénéficierait à deux communes, situées dans les départements d'élection des auteurs du texte. Outre l'opportunité de déposer un tel texte à six mois des sénatoriales, cette proposition de loi soulève plusieurs problèmes.

L'implantation des casinos est très inégale sur le territoire, on le sait. Outre les emplois induits, les casinos représentent une manne financière pour les 200 communes d'implantation : 1,4 million d'euros en moyenne, soit 30 % du budget des villes concernées.

Nous entendons les besoins de la filière équestre, et l'appel à une réflexion plus globale sur les critères d'implantation des casinos, mais nous ne pensons pas que la solution proposée soit la bonne.

Les emplois et les revenus espérés, non plus que le soutien à la filière équine, ne sauraient cacher les enjeux liés aux casinos, notamment en matière de santé publique. Les jeux d'argent et de hasard sont régis par un principe de prohibition. Leur interdiction est justifiée par le motif d'intérêt général qu'est la prévention des « risques d'atteinte à l'ordre public et à l'ordre social, notamment en matière de protection de la santé et des mineurs ».

L'addiction aux jeux d'argent peut avoir des conséquences dramatiques : 48 000 personnes sont interdites de jeu en France, selon le sociologue Jean-Pierre Martignoni. Selon SOS Joueurs, 78 % de ces victimes d'addiction sont endettées. Évitons d'ouvrir une brèche supplémentaire !

La baisse de la DGF, la mainmise des préfets sur de trop nombreux financements, la suppression de la CVAE : voilà les problèmes qui limitent les capacités d'action des territoires et qui exigent des réponses structurelles et pérennes. Nos collectivités territoriales doivent retrouver une plus grande autonomie financière.

Faciliter l'ouverture de casinos n'est pas une solution : nous ne voterons pas ce texte.

Mme Nicole Duranton .  - (MM. Bernard Buis et Emmanuel Capus applaudissent.) La proposition de loi vise à réduire les inégalités territoriales en permettant l'ouverture de casinos dans des terres de cheval qui drainent un public nombreux. Les courses hippiques faisant déjà l'objet de jeux d'argent, il n'y a pas de différence majeure. Et puis, passion du jeu et cheval sont liés ; l'une offre la chance d'un instant, l'autre incarne la force et la beauté en mouvement. (Mme Catherine Deroche apprécie.)

Les casinos, implantés dans 190 communes - sur 36 000 - ont un rôle économique majeur : leur contribution représente près de 10 % du budget communal, et jusqu'à 80 % pour certaines. Le secteur représente 50 000 emplois, dont 18 200 emplois directs. Ces établissements contribuent au dynamisme des territoires.

La Normandie, pays du cheval, offre un exemple de la richesse qu'apportent les activités équestres. Les centres équestres normands attirent des passionnés de chevaux du monde entier, comme le Haras du Pin, proche du casino de Bagnoles-de-l'Orne.

Mme Nathalie Goulet.  - Oui !

Mme Nicole Duranton.  - La proposition de loi a été modifiée en commission pour garantir son opérationnalité et permettre à Saumur et Arnac-Pompadour, célèbres pour leurs activités équestres prestigieuses, d'accueillir un casino.

Bien sûr, les jeux d'argent sont aussi un enjeu de santé publique. Le Gouvernement s'engage pour la protection des citoyens et la transparence et l'intégrité dans le domaine des jeux d'argent et de hasard ; l'ordonnance d'octobre 2019 a notamment créé l'Autorité nationale des jeux et encadré la privatisation de la Française des Jeux.

Le titre II du livre III du code de la sécurité intérieure prévoit déjà le dispositif par lequel les communes peuvent demander l'ouverture d'un casino. Tout en étant d'accord sur le principe, nous pouvons interroger le véhicule législatif retenu.

D'autres territoires touristiques méritent un tour de roulette, ouvrons-leur les portes de la chance. (Sourires) Cette ouverture permettrait de développer les infrastructures touristiques et contribuerait à l'épanouissement économique local.

Au nombre des garanties, les communes éligibles devront avoir organisé au moins dix événements hippiques de rayonnement national ou international, pendant une période d'au moins cinq années avant le 1er janvier 2023. L'amendement adopté en commission précise que les communes doivent disposer soit du site historique du Cadre noir soit d'un haras national, et être le siège d'une société de courses hippiques. Elles doivent avoir organisé annuellement au moins dix événements équestres au cours des cinq dernières années.

Les casinos offrent une grande variété d'emplois, des croupiers aux serveurs. Ils permettent à ces territoires d'offrir des animations et événements culturels, et auront un impact positif sur les commerces locaux. On crée ainsi un cercle vertueux de développement.

Les amendements de Franck Menonville sur les plans d'eau et d'Else Joseph sur les départements transfrontaliers méritent aussi d'être discutés.

Cette proposition de loi envoie un message sur notre engagement en faveur de l'équité des territoires ; elle peut toutefois être perçue comme un effort trop sectoriel. Les membres du RDPI voteront en toute liberté. Pour ma part, je voterai pour. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées des groupes Les Républicains et INDEP)

M. Joël Bigot .  - (Applaudissements sur quelques travées du groupe SER) Cette proposition de loi très spécifique vise à permettre à Saumur et Arnac-Pompadour - cela ne s'invente pas ! - d'ouvrir un casino.

En 2019, j'avais déposé, avec mes collègues de Maine-et-Loire, un amendement visant le même objectif, afin de préserver le patrimoine équestre de ces communes en leur apportant des moyens financiers. Il avait été déclaré irrecevable.

Nous espérons l'adoption de ce texte consensuel, qui devrait recueillir l'assentiment du Gouvernement. Interpellé lors du grand débat national par le maire de Saumur, le Président de la République avait promis que la commune recevrait l'autorisation avant la fin du premier quinquennat, et indiquait ne pas comprendre les freins juridiques à la réalisation d'un tel projet.

Les modifications actées en commission améliorent le texte : les difficultés posées par l'exigence cumulative du Cadre noir et d'un haras national sont levées. Préciser que la commune devra être le siège d'une société de course hippique et avoir organisé annuellement au moins dix évènements équestres au cours des cinq dernières années me semble suffisamment restrictif.

La version actuelle clarifie et rend opérationnelle la volonté des auteurs de la proposition de loi, à laquelle je souscris, et qui devrait inspirer les députés pour adopter ce texte au plus vite. Les retombées attendues pour le Maine-et-Loire et la ville de Saumur sont importantes : entre 200 000 et 300 000 visiteurs supplémentaires par an, une centaine d'emplois, 1 à 2 millions d'euros de recettes fiscales.

Ce texte apporte des solutions aux territoires qui n'entraient pas dans le périmètre actuel de la loi. Le Sénat, toujours attentif aux enjeux locaux, est dans son rôle en rappelant l'exécutif à ses promesses.

Tous les feux sont au vert : collègues députés, tâchez donc d'assurer un dénouement heureux. Je voterai ce texte, avec certains de mes collègues ; la majorité du groupe SER ne s'y opposera pas. (Applaudissements sur quelques travées des groupes SER, Les Républicains et INDEP)

Mme Cécile Cukierman .  - (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE) Cette proposition de loi se présente comme un outil pour réduire les inégalités territoriales. Nous n'en avons manifestement pas la même définition, puisque votre texte ne concerne que deux communes sur 36 000. En changeant un mot, le rapporteur a élargi le dispositif à treize communes. La dérogation reste cantonnée aux villes qui accueillent des événements équestres.

Il faudrait une réflexion d'ensemble sur les règles d'implantation des casinos et cesser de parler d'inégalité territoriale entre communes, quand Saumur reçoit plus de 7 millions d'euros de dotation globale de fonctionnement, pour 26 000 habitants !

Enfin, on ne peut utiliser les casinos pour pallier la baisse des ressources des collectivités et le désengagement de l'État. L'indexation sur l'inflation de la DGF, votée par le Sénat, a été retirée par le 49.3, ce qui est regrettable. (Mme Françoise Gatel acquiesce.) Ce n'est pas une délégation de service public via les casinos qui résoudra le problème...

Le rapport de la Cour des comptes a souligné les risques d'une dépendance trop forte de certaines collectivités à cette ressource, en cas de retournement de la conjoncture : on l'a vu lors de la crise sanitaire, quand les recettes ont chuté de 20 à 50 %. Sachant que le prélèvement sur le produit brut des jeux représente 30 % du budget des collectivités, je vous laisse faire le calcul.

En l'absence d'une loi d'envergure pour repenser les règles d'installation des casinos, prendre en compte les effets de l'addiction aux jeux et élaborer une réelle politique de prévention, notre groupe ne peut voter cette proposition de loi. ?uvrons pour être utile aux collectivités et donner les moyens à nos communes de bâtir sereinement leurs budgets. (Mme Monique de Marco applaudit.)

M. Stéphane Piednoir .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La France compte 200 casinos, répartis dans 63 départements ; 38 en sont donc dépourvus. Ces établissements sont également des complexes de loisirs, intégrant spectacles, animations culturelles et artistiques, restauration.

Créés par Napoléon en 1804 afin de lutter contre les jeux d'argent clandestins, les casinos sont régis par une vieille loi de 1906, qui limite leur implantation aux villes thermales ou balnéaires. D'où une implantation très hétérogène, avec une forte concentration sur le littoral, dans les grandes stations touristiques et les villes d'eau.

Avec Catherine Deroche et Claude Nougein, nous avons souhaité élargir le champ des possibles et rectifier une inégalité territoriale tout en restant fidèles à la caractéristique touristique.

Ceux qui connaissent la ville de Saumur savent qu'elle remplit tout à fait ce critère. On dit souvent que cette belle ville est endormie. Nul doute que l'implantation d'un casino contribuerait à son rayonnement touristique et à son développement économique. Les retombées économiques seraient importantes - des centaines d'emplois pourraient ainsi être créés - de même que les retombées financières pour le budget communal : elles s'élèvent à 30 % à Deauville, par exemple.

Saumur, ville du cheval, accueille le siège social de l'IFCE, qui assure la gestion du Cadre noir et des haras nationaux. Or ce patrimoine matériel et immatériel unique souffre d'un désengagement de l'État qui fragilise la filière équine. C'est en collaboration avec l'IFCE que nous avons écrit ce texte.

Comme dans toute modification dérogatoire d'un texte de loi existant, il convient d'être mesuré. La dérogation ne concernerait que quelques villes, tout particulièrement Saumur et Arnac-Pompadour. Je salue l'excellent travail du rapporteur.

Dans l'absolu, on peut considérer que toute mesure facilitant des jeux d'argent favorise l'addiction, mais ce serait ne pas tenir compte de l'évolution des pratiques depuis dix ans. Rien de plus facile, y compris pour les plus modestes, que d'acheter un jeu à gratter ou de jouer en ligne. Le buraliste et le croupier connaissent les risques et savent mettre les clients en garde contre des dépenses excessives. Je sollicite votre soutien plein et entier pour adopter ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; MM. Emmanuel Capus et Franck Menonville applaudissent également.)

M. Daniel Chasseing .  - (M. Emmanuel Capus, Mme Catherine Deroche et M. Claude Nougein applaudissent.) Saumur et Arnac-Pompadour ont des activités équestres mondialement connues.

On doit à la famille de Pompadour la construction du château, de style flamboyant, et de ses écuries. En 1728, Louis XV l'achète et l'offre à sa favorite, qui deviendra la marquise de Pompadour

M. François Bonhomme, rapporteur.  - Déjà !

M. Daniel Chasseing.  - Le haras de Pompadour est réquisitionné à la Révolution pour devenir bien national. Il est vendu puis réquisitionné par Napoléon Bonaparte pour être un bien public. Sous Napoléon III, le sénateur Brunet empêche la privatisation du château. La République conservera le haras pour la guerre et l'activité équestre. Par la suite, le domaine a accueilli plusieurs organismes équestres, jusqu'à l'IFCE.

L'activité d'élevage et les activités sportives ont des retombées importantes sur la commune et sur ce territoire rural.

L'implantation d'un casino à Pompadour se justifie par le nom et l'histoire du lieu, mais aussi par l'absence de casino dans un rayon de 100 km. Les retombées financières permettront de maintenir les 160 journées d'activités équestres, si importantes pour le tourisme.

Je vous invite à voter cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; MM. Emmanuel Capus, Franck Menonville et Jean-Claude Requier applaudissent également.)

M. Hussein Bourgi .  - (M. Joël Bigot et Mme Martine Filleul applaudissent.) La France compte environ 200 casinos. Cette proposition de loi permettrait à deux communes, Arnac-Pompadour en Corrèze et Saumur dans le Maine-et-Loire, de se doter d'un casino, objectif recevable.

L'ouverture de tels établissements est strictement réglementée et leur implantation limitée à certains territoires et conditionnée à certains critères, aux termes de l'article L. 321-1 du code de la sécurité intérieure. Il en résulte une surconcentration sur le littoral, oubliant de nombreux territoires.

Jugeant que les critères cumulatifs proposés rendaient la proposition de loi peu opérationnelle, le rapporteur a proposé une modification de l'article unique ouvrant à près de douze communes cette possibilité. Cette nouvelle rédaction nous inquiète. Si deux nouveaux casinos n'étaient pas de nature à bouleverser l'équilibre actuel, quid d'une douzaine ?

Nous refusons cette libéralisation excessive. La filière s'en trouverait d'autant plus fragilisée - elle l'est déjà par l'essor des jeux en ligne. La pratique des jeux d'argent est source de dépendance et d'endettement ; ces cinq dernières années, les dépenses de jeux des Français ont augmenté de 12,5 %, et 1,6 % de nos concitoyens, surtout les plus défavorisés, ont développé une pratique excessive.

Ces réserves exprimées, les sénateurs du groupe SER bénéficieront d'une liberté de vote sur ce texte. Pompadour et Saumur, oui ; une extension à d'autres communes, non.

La majorité des sénateurs du groupe SER s'abstiendra sur cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

M. Édouard Courtial .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Faire plus avec moins est le casse-tête des élus locaux. Il est naturel de chercher de nouvelles sources de revenus.

Le principe salutaire de prohibition des jeux d'argent et de hasard est justifié. Nous pouvons néanmoins nous interroger sur les inégalités territoriales qu'ont entraînées les dérogations.

Il n'est pas question de supprimer l'interdiction de principe et de transformer les villes françaises en autant de mini Las Vegas. L'extension proposée se limite aux communes ayant un lien particulier avec le milieu hippique. Un casino ne ferait que compléter une offre déjà présente, et serait une manne financière pour la commune.

Cette nouvelle opportunité ne concerne que deux communes, Arnac-Pompadour et Saumur. Sont exclues des communes de premier plan en matière hippique, comme Compiègne ou Chantilly, par exemple. Chantilly est pourtant la capitale du cheval, avec un musée vivant du cheval accueillant 200 000 visiteurs par an, 197 courses hippiques par an, dont le prix de Diane et le prix du Jockey Club... Deux mille personnes y vivent de la filière hippique.

Cette proposition de loi a de bonnes intentions, mais elle est trop restrictive. J'avais envisagé de l'amender, mais j'y ai renoncé pour ne pas rompre un équilibre fragile. Je lance donc un appel en faveur d'une rédaction plus large qui bénéficierait également à cette terre de chevaux qu'est l'Oise. (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains)

Discussion de l'article unique

M. le président.  - Amendement n°1 rectifié, présenté par M. Menonville, Mme Paoli-Gagin et MM. Wattebled, Decool et A. Marc.

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

« ...° Des communes riveraines des étangs salés et des plans d'eau intérieurs d'une superficie supérieure à 1 000 hectares. »

M. Franck Menonville.  - Il s'agit d'offrir aux communes riveraines d'un étang salé ou d'un lac d'une superficie de plus de 1 000 hectares la possibilité d'implanter un casino.

L'ouverture d'un tel établissement contribue au développement économique d'un territoire et à son animation touristique. Un casino compléterait l'offre touristique proposée autour des bases de loisirs.

M. François Bonhomme, rapporteur.  - La proposition de loi vise certes à trouver de nouvelles sources de financement, mais s'appuie sur l'existence d'un lien avec les courses hippiques, ce qui n'est pas le cas ici. Retrait, sinon avis défavorable.

Nous attendons le rendez-vous de 2024 et la fin de l'expérimentation des clubs de jeux à Paris pour remettre à plat le cadre légal.

Mme Sonia Backès, secrétaire d'État.  - De nombreuses communes sont riveraines de tels étangs et pourraient prétendre à l'implantation d'un casino. Or votre amendement ne prévoit aucun mécanisme de régulation.

Nous vous proposons de travailler sur l'élargissement des critères, mais de manière plus encadrée, au cours de la navette parlementaire. Retrait ou avis défavorable.

L'amendement n°1 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°2 rectifié ter, présenté par Mme Joseph, M. Laménie, Mme Gruny, M. Anglars, Mme Borchio Fontimp, MM. Pellevat, Bascher et Klinger, Mme Belrhiti, MM. Darnaud et Belin, Mmes Berthet et Dumont, M. Meurant, Mme Ventalon, MM. Cadec, Charon et Moga, Mme Lassarade, M. Folliot, Mme Muller-Bronn, MM. Cambon, Lefèvre et Genet, Mme Di Folco, M. Détraigne, Mme Micouleau, MM. C. Vial, Calvet et Levi, Mmes Imbert et Eustache-Brinio, MM. Chatillon et Mandelli et Mme Bellurot.

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

« ...° Des communes, à raison d'une par département frontalier, où aucun casino n'est autorisé à la date de la demande d'une commune classée commune touristique, membre d'une intercommunalité à fiscalité propre de plus de 100 000 habitants. »

Mme Else Joseph.  - L'amendement envisage l'implantation d'un casino pour chaque département frontalier qui en serait dépourvu, mais dans une ville classée commune touristique, membre d'une intercommunalité à fiscalité propre de plus de 100 000 habitants.

Cet amendement, cosigné avec mon collègue des Ardennes Marc Laménie, vise à éviter la fuite fiscale vers la Belgique ou le Luxembourg. Un refus du Gouvernement serait incompréhensible, compte tenu des engagements pris lors de la signature du Pacte Ardennes le 15 mars 2019. Il n'entraîne pas de dépense publique, constitue un atout touristique et favorise la consommation en France plutôt que dans les pays frontaliers.

M. François Bonhomme, rapporteur.  - Je comprends l'intention de notre collègue, qui prévoit trois conditions cumulatives. Veillons cependant à ne pas bouleverser l'existant. Attendons 2024 et la clause de revoyure prévue pour étudier une implantation plus équilibrée sur le territoire, après l'expérimentation menée à Paris. Avis défavorable.

Mme Sonia Backès, secrétaire d'État.  - Votre amendement est encadré et permettrait d'éviter que des joueurs aillent jouer à l'étranger. Sagesse.

Mme Nathalie Goulet.  - J'ai indiqué dans la discussion générale que nous attendions une étude plus poussée. Mais je voterai bien sûr contre cet amendement : nous avons suffisamment de problèmes de blanchiment de fraude fiscale, ne créons pas une lessiveuse à la frontière avec le Luxembourg ! (Sourires)

Mme Else Joseph.  - Merci pour votre avis de sagesse, madame la ministre. J'encourage chacun à voter cet amendement. Un rapport, demandé par le ministère de l'intérieur en 2019, conclut à la nécessité de donner une base législative pour l'ouverture de casinos ; il cite les villes de Saumur et de Sedan. C'est l'occasion de revenir sur la carte des casinos en France, qui résulte de textes anciens.

M. Marc Laménie.  - Je voterai bien entendu cet amendement. Le Luxembourg n'est pas loin des Ardennes, madame Goulet, mais la frontière la plus proche est la Belgique. Le Pacte Ardennes signé avec le Gouvernement évoquait l'implantation de casinos dans les secteurs frontaliers. La ville de Sedan a de forts arguments. Merci, madame la ministre, pour votre avis de sagesse.

L'amendement n°2 rectifié ter est adopté.

Intervention sur l'ensemble

Mme Nathalie Goulet .  - La position de notre groupe n'est pas dirigée contre la proposition initiale, mais plutôt contre son extension. Nous devons débattre davantage. Le ministère de l'intérieur doit poursuivre les négociations avec les opérateurs.

J'espère que ce texte ne sera pas frappé de l'urgence, et que nous aurons les études d'impact nécessaires. Nous nous abstenons favorablement.

La proposition de loi, modifiée, est adoptée.

(Applaudissements sur quelques travées des groupes Les Républicains et INDEP)

La séance est suspendue quelques instants.

Ferme France

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi pour un choc de compétitivité en faveur de la ferme France, présentée par MM. Laurent Duplomb, Pierre Louault, Serge Mérillou et plusieurs de leurs collègues, à la demande de la commission des affaires économiques.

Discussion générale

M. Laurent Duplomb, auteur de la proposition de loi .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; MM. Pierre Louault, Alain Duffourg et Franck Menonville applaudissent également.) Après six ans de travail scrupuleux sur la question, dans la tradition du Sénat, je peux affirmer que la France agricole décline. Si nous continuons ainsi, nous nous retrouverons non seulement face au problème de la souveraineté alimentaire, mais bien à celui de la sécurité alimentaire.

Cette proposition de loi a pour but de mettre fin à ce déclin et à cette naïveté coupable bien française qui nous conduit à interdire des productions ici tout en fermant les yeux lorsqu'elles viennent d'ailleurs.

Nous ne pouvons plus nier les évidences : à force d'interdire, de stigmatiser, de ne pas regarder la réalité, la France devient de plus en plus dépendante des autres. Désormais, 71 % des fruits sont importés, comme 85 % du coulis de tomate et 56 % de la viande de mouton.

La débâcle de notre agriculture a les mêmes causes que la chute de l'industrie et de la production d'électricité.

La stratégie malthusienne du tout « montée en gamme » quand le pouvoir d'achat est en berne nous conduit à déclasser 40 % du lait bio, qui ne trouve pas preneur, et à importer l'entrée et le moyen de gamme.

Notre sécurité alimentaire implique de répondre aux besoins du marché de masse et de nous opposer au projet Farm to fork, qui conduira à la dépendance et à la famine. Ce texte peut y contribuer.

Je remercie les 174 sénateurs qui l'ont cosignée et je leur dis : n'ayez pas peur ! Vous êtes élus de toutes les campagnes de France. N'ayez pas peur de redonner de l'espoir à nos paysans. N'ayez pas peur du chantage et de l'intimidation sous couvert d'écologisme.

Comme le disait Clemenceau, nous avons eu le courage de le dire, il faut maintenant avoir le courage de le faire ! (Acclamations et applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP)

M. Pierre Louault, auteur de la proposition de loi .  - L'agriculture française est de moins en moins compétitive, les jeunes se détournent du métier, certains travaillent 70 heures par semaine pour gagner un demi Smic. Il y a urgence : l'agriculture française doit redevenir compétitive.

Nous avons laissé s'effondrer notre industrie et notre production nucléaire, avec de graves conséquences sur notre souveraineté. En ira-t-il de même pour notre agriculture et pour notre souveraineté alimentaire ?

Ce texte d'urgence a été enrichi par la rapporteur. Les mesures sont fortes, certes, mais c'est nécessaire quand la moitié des fruits et légumes ou des poulets sont importés. Elles sont aussi empreintes de bon sens : sécurisation de l'accès à l'eau, réduction des normes, baisse des charges, levée des freins à l'innovation.

Ces mesures ne sont pas anti-écologiques. Est-ce une régression que de permettre l'épandage de pesticides dans des zones très ciblées plutôt que d'arroser tout le champ ?

L'idée du livret Agri n'est pas nouvelle au Sénat. Il facilitera le rapprochement des Français avec leurs agriculteurs et leur offrira la possibilité de financer les investissements de ces derniers.

Le Gouvernement annonce un plan de relance pour l'industrie mettant en avant la réduction de moitié des délais administratifs. Il faut faire de même pour l'agriculture, qui souffre de la surréglementation.

Le moral des agriculteurs est au plus bas : il faut voter ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP)

M. Serge Mérillou, auteur de la proposition de loi .  - Répondre à l'urgence, à la crise, donner aux agriculteurs français les moyens de nous nourrir : tel est l'objet premier de ce texte, d'autant plus critiqué qu'il traite de sujets majeurs : notre agriculture, mais aussi l'alimentation, le changement climatique, les relations entre urbains et ruraux.

Difficile, voire impossible, de parvenir à un consensus. Ce texte est issu de compromis fondés sur les constats du rapport d'information que nous avons publié, Laurent Duplomb, Pierre Louault et moi-même.

La ferme France brûle, notre modèle décline, notre marché est submergé par les importations de denrées qui ne respectent pas nos règles environnementales et sociales. Nos agriculteurs ne parviennent plus à gagner leur vie.

Ce texte n'est pas parfait. J'ai moi-même des réticences sur l'article 13, qui concerne les pesticides. Mais il faut bien éteindre l'incendie et répondre à la détresse des agriculteurs. Mon département, la Dordogne, est rural : ce texte y a été bien reçu.

Nos concitoyens, notamment les plus modestes, comptent sur nous. Tous n'achètent pas bio, non pas par dogmatisme, mais parce qu'ils n'en ont pas les moyens : avec un Smic pour trois enfants, c'est impossible !

Être de gauche, c'est combattre les inégalités. La première d'entre elles concerne le contenu de l'assiette. Cette proposition de loi est un moyen concret pour nous diriger vers une agriculture nourricière, durable et relocalisée. Poursuivre la stratégie actuelle d'importations massives, c'est contribuer à l'érosion progressive de notre souveraineté alimentaire.

Ce texte parle de pesticides, mais aussi de compétitivité, d'innovation et d'adaptation au changement climatique. Je me réjouis par exemple qu'il propose un diagnostic carbone, premier pas de la transition des exploitations. Ce texte transpartisan a le mérite de remettre la souveraineté au coeur de nos débats. (M. Pierre Louault, Mmes Nadia Sollogoub et Sophie Primas applaudissent.)

Mme Sophie Primas, rapporteur de la commission des affaires économiques .  - (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP) La compétitivité est un impératif pour protéger notre modèle agricole, si singulier, si éloigné de l'agriculture industrielle. Nous voulons faire émerger de nouvelles générations d'agriculteurs, motivées par une juste reconnaissance et une juste rémunération.

La compétitivité exige la modernisation : hier, la mécanisation pour sortir les agriculteurs de la pénibilité ; aujourd'hui, l'adaptation au changement climatique et aux attentes des Français.

La compétitivité est aussi une obligation ardente si nous voulons rester maîtres de notre alimentation, en qualité et en quantité.

La compétitivité n'est pas l'ennemi d'une agriculture durable, et on ne saurait opposer la durabilité à la compétitivité.

Mme Françoise Gatel.  - Très bien !

Mme Sophie Primas rapporteur.  - Je sais que nous nous rejoignons sur ce point, monsieur le ministre. Mais pas sur d'autres...

D'une part, depuis la loi Égalim, le Gouvernement impose une exigence environnementale à nulle autre pareille, qui se traduit par une explosion en chaîne des normes et donc des charges pesant sur les agriculteurs. D'autre part, l'encouragement à la montée en gamme se traduit par une fuite en avant, bien décrite par le rapport sur la compétitivité de la ferme France.

En pleine crise du pouvoir d'achat, cette stratégie revient à pousser les plus modestes à acheter des produits importés de pays qui n'appliquent pas les normes françaises, ni même européennes. Résultat : une agriculture à deux vitesses, où l'alimentation de qualité produite en France est réservée aux plus aisés, tandis que les plus modestes doivent se contenter de produits d'entrée de gamme importés.

À force de ne plus jamais parler de compétitivité, on ne s'occupe ni de la fin du mois, ni de la fin du monde, ni de la faim dans le monde.

Mme Françoise Gatel.  - Très bien !

Mme Sophie Primas rapporteur.  - Cette proposition de loi transpartisane pose les jalons essentiels de l'agriculture de demain, compétitive, durable, sobre en intrants. Stockage et partage de l'eau, formation continue des agriculteurs, adaptation au changement climatique : autant de sujets fondamentaux pour définir la future place de notre agriculture dans le monde.

Je vous présente un texte cosigné par plus de la moitié de l'hémicycle, amélioré en commission, et j'espère que notre débat ne sera pas l'objet de caricatures stériles. Le monde agricole assume cette recherche de la compétitivité.

Ce texte lutte d'abord contre les distorsions de concurrence : les surtranspositions sont vécues douloureusement par nos agriculteurs, lorsqu'ils se rendent compte que des normes ne sont pas appliquées par nos concurrents, notamment européens. La commission a enrichi les compétences du haut-commissaire qui pourra être saisi et donner un avis public : il sera votre meilleur allié, monsieur le ministre.

À l'article 13, très commenté, le texte de la commission ne change pas les missions de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses), pas plus qu'il ne remet en cause son travail. Nous offrons simplement la possibilité au ministre de l'agriculture de suspendre temporairement une décision de l'Anses, lorsque celle-ci n'est pas en adéquation avec la politique des autres États membres ou que notre souveraineté alimentaire est menacée.

C'est le meilleur moyen pour pousser l'Union européenne à prendre des décisions communes en même temps, en vue d'assurer la sécurité alimentaire de toute l'Europe. Nous avons trouvé là un juste équilibre.

Ce texte s'attache ensuite à modérer les charges de nos agriculteurs pour que leur revenu ne soit plus la variable d'ajustement de la compétitivité : réduction pour épargne de précaution, pérennisation du dispositif travailleurs occasionnels-demandeurs d'emploi (TO-DE), exclusion des entreprises de production saisonnière du bonus-malus - autant de mesures que la commission a rendues budgétairement plus abordables.

Enfin, ce texte encourage le renouvellement des pratiques et l'innovation, avec un crédit d'impôt de trois ans pour l'investissement dans les secteurs les plus intensifs en main-d'oeuvre et la création d'un livret Agri.

Il faut y ajouter trois dispositions concernant l'usage de l'eau. Les drones pourront être utilisés pour des pulvérisations de précision de produits phytosanitaires : il ne s'agit pas d'autoriser les pulvérisations tous azimuts, mais d'accompagner l'innovation pour réduire les intrants. Nous sommes loin de la caricature.

L'attractivité des métiers agricoles passera par l'innovation.

Notre discussion en séance sera riche, si elle évite les effets de manche.

On n'attirera pas les jeunes si l'on étouffe la production par l'application d'un principe de précaution devenu principe d'inaction. Cessons de pointer du doigt une profession qui change ses méthodes. Une juste rémunération s'impose. Les agriculteurs ont une noble mission : nourrir les Français et une partie de la planète. Ils sont à la fois acteurs et bénéficiaires de la lutte contre le changement climatique.

La Nation doit les soutenir. Le Sénat défendra ces thématiques à l'occasion des prochaines échéances. (Acclamations et applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP)

M. Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire .  - Une lente et inquiétante érosion de notre souveraineté alimentaire : tel est le constat du rapport de la mission sur la ferme France, ayant abouti à ce texte, et qui faisait écho à un précédent rapport de Laurent Duplomb.

Je salue la qualité du travail mené par le Sénat, de la mission d'information jusqu'à cette proposition de loi, cosignée par plus de 170 parlementaires issus de cinq groupes, et de la rapporteure.

Ce débat est utile, alors que la concertation sur le pacte et le projet de loi d'orientation et d'avenir agricole lancée en décembre dernier s'achèvera prochainement.

Je souscris à une partie des constats de ce texte. Une partie, car nous n'aurons naturellement pas la même appréciation sur l'action du Président de la République et du Gouvernement depuis 2017. Je pense aux allègements de cotisations patronales, à la création d'un fonds de portage du foncier, au soutien à la modernisation de notre outil de production ou aux réformes structurelles comme la loi Égalim ou la réforme de l'assurance récolte. Les clauses miroir ont été pour la première fois mises à l'agenda européen : elles seront au coeur de la bataille pour offrir l'équité à nos agriculteurs.

Je ne présenterais pas la stratégie du Gouvernement comme le « tout montée en gamme ». Cette défense de la qualité ne date d'ailleurs pas de 2017 : je ne vous ferai pas l'offense de vous rappeler les dates des premières AOC et AOP. Ce sont d'ailleurs les produits de ce type qui sont le plus vendus à l'étranger. Nous considérons - comme vous, je crois - qu'il faut conforter toutes les gammes.

Cela fait soixante ans que nous développons des référentiels de qualité. Dans son discours de Rungis, le Président de la République présentait la qualité comme un facteur de rémunération supplémentaire. Assumons d'avoir ensemble porté cette ambition, par exemple pour le comté : c'est dans ces secteurs que s'installent le plus grand nombre de jeunes agriculteurs.

La perte de compétitivité date de la fin des années 1990. Ce qui a été défait pendant des années ne pourra être reconstruit du jour au lendemain. Évitons de tomber dans les caricatures, ayons de l'humilité. Nous défendons les mêmes choses : la compétitivité des agriculteurs.

Il est impératif de prendre en compte le changement climatique pour penser notre nouvelle souveraineté alimentaire, qui sera durable ou ne sera pas. Il faut adapter les systèmes de production aux sols et à l'eau, notamment, et donc assumer des transitions nécessaires : disons-le aux agriculteurs, d'autant plus qu'elles ne s'opposent pas à la souveraineté.

Compétitivité n'est pas un gros mot. Dire qu'une interdiction n'est pas toujours la solution ne remet pas en cause notre ambition environnementale. La France ne peut pas faire toute seule avant tout le monde : elle n'est pas une île.

Nous avons besoin d'une transition, ce n'est pas rabattre sur les objectifs que de le dire. À produire toujours, dans une course folle, de nouvelles normes, nous menaçons l'existence même des agriculteurs dans nos territoires. Il faut assurer l'accès à une alimentation suffisante pour tous, et préserver notre vocation exportatrice alors que la guerre en Ukraine nous rappelle cruellement l'enjeu de la sécurité alimentaire. Nous ne pouvons opposer impératif productif et impératif climatique.

La consultation sur le projet de loi d'orientation et d'avenir agricoles (PLOA) veille à préserver cet équilibre, sur la base de constats factuels. Les participants saluent un exercice réussi : j'ai voulu que les acteurs puissent se projeter à l'horizon 2040, mettre autour de la table des personnes d'horizons différents pour penser un chemin. Cette consultation a pris une dimension tant nationale que territoriale, et je salue l'implication des régions et des chambres d'agriculture. Elle se tient également dans les lycées agricoles et avec le grand public.

L'initiative du Sénat ne remet pas en cause cette concertation en cours (Mme le rapporteur le confirme), mais enrichit le débat. Le PLOA élargira le spectre, pour mieux armer notre agriculture face au réchauffement climatique. Comment massifier les transitions d'exploitations dans des territoires qui en auront besoin ? Comment assurer le financement des exploitations ? Comment améliorer l'attractivité du métier, et faire mieux connaître les contraintes du secteur dans la société ? La mobilisation des connaissances produites par la recherche, l'innovation seront clés.

Enfin, comment préserver un cadre soutenable de financement de la transition de l'agriculture et éviter toute concurrence déloyale ? La proposition de loi ouvre des champs utiles et nécessaires, qui entrent en résonance avec l'action du Gouvernement, dans les mois à venir.

« N'ayez pas peur ! », disait Laurent Duplomb. (Mme le rapporteur s'amuse.)

M. François Patriat.  - Ce n'est pas possible !

M. Marc Fesneau, ministre.  - J'aime l'expression : n'ayons pas peur de parler de compétitivité agricole, de trouver des consensus, de sortir des caricatures, d'affronter les grands défis, la transition et les défis climatiques. N'ayons pas peur de ce débat utile, que nous devons aux agriculteurs. (Applaudissements sur les travées du RDPI, du RDSE, ainsi que sur plusieurs travées des groupeUC et Les Républicains ; M. Serge Mérillou applaudit également.)

Question préalable

M. le président.  - Motion n°10, présentée par MM. Salmon, Labbé, Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard et Parigi et Mmes Poncet Monge et M. Vogel.

En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur la proposition de loi pour un choc de compétitivité en faveur de la ferme France (n° 590, 2022-2023).

M. Daniel Salmon .  - (Applaudissements sur les travées du GEST ; Mmes Annie Le Houerou, Nicole Bonnefoy et M. Joël Bigot applaudissent également.) Le GEST est viscéralement attaché au débat démocratique, mais a déposé une motion de rejet préalable, qui tient tant au calendrier qu'au fond, car ce texte comporte des régressions majeures. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Bruno Sido.  - Caricature !

M. Daniel Salmon.  - Alors qu'une concertation est en cours sur le PLOA, le Sénat estime inutile de s'appuyer sur les travaux des élus et des acteurs locaux. La société civile, qui se sent en décalage avec nous, nous demande de réfléchir...

M. Jean-Marc Boyer.  - Pipeau !

M. Daniel Salmon.  - La participation citoyenne est insuffisante (Mme Sophie Primas et M. le ministre ironisent) : organisée en toute discrétion, sur la base d'un questionnaire disponible en ligne quinze jours seulement... Mais la crédibilité importe peu pour les auteurs du texte, qui veulent verrouiller le débat pour faire valoir leur vision de l'agriculture.

Le rapport d'information dont ce texte reprend les recommandations semblait pourtant suffisant. Ce texte prétendument à vocation agricole modifie le droit du travail : cumul entre travail et RSA, orientation active des demandeurs d'emploi vers des secteurs en tension...

M. Jean-Marc Boyer.  - Au boulot !

M. Daniel Salmon.  - ... sans réflexion sur leur parcours ou sur les conditions de travail dans ces secteurs...

M. François Bonhomme.  - C'est le droit à la paresse ?

M. Daniel Salmon.  - Et cela à la veille de discussions sur une loi Travail ! Respectons le temps de la démocratie. Ces questions méritent mieux que les quelques heures de débat de ce soir.

Au-delà de ces questions de forme, la proposition de loi est dangereuse. Ce n'est pas au Parlement d'alimenter de fausses informations sur les supposées surtranspositions. (Exclamations à droite) Si l'Anses a retiré l'autorisation du S-métolachlore, c'est en application directe d'un règlement européen. Comme l'a montré un rapport du Gouvernement, les surtranspositions sont peu nombreuses, et correspondent à des choix politiques assumés.

Doit-on inscrire dans notre droit que la France ne peut être pionnière en matière de transition écologique ? On voudrait nous contraindre à ralentir, à faire marche arrière : plus de séparation du conseil et de la vente de pesticides (M. François Patriat renchérit) ; exit la loi de 2014 qui renforce l'indépendance de l'Anses dans l'autorisation de pesticides...

Vous remettez en cause le droit européen en faisant primer les intérêts économiques sur l'environnement et la santé : ainsi les pesticides sont abordés par le prisme d'une balance bénéfices-risques, entre la santé d'un côté et la distorsion de concurrence de l'autre. Quel cynisme ! (On s'indigne sur les travées du groupe Les Républicains.) L'association Phyto-Victimes a raison de nous demander : notre santé a-t-elle un prix ?

La Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a rappelé que l'objectif de protection de la santé humaine et de l'environnement devait primer sur l'objectif de croissance des rendements. Vous n'êtes pas les seuls : d'aucuns regrettent l'interdiction des néonicotinoïdes, de la phosphine, du glyphosate, qui procède pourtant d'études scientifiques, comme si elle ne visait qu'à créer de la norme pour la norme, et non à lutter contre une pollution généralisée et à enrayer l'effondrement de la biodiversité.

En agitant le chiffon rouge de la surtransposition des normes environnementales trop contraignantes, on évite de parler des vrais sujets : libre-échange, dérégulation des marchés, PAC inégalitaire et inefficace, répartition inéquitable de la valeur dans les négociations commerciales.

Le CETA n'a toujours pas été soumis au vote du Sénat, et l'accord avec le Mercosur inquiète. C'est en sortant l'agriculture du libre-échange, en régulant les marchés, avec une PAC juste qui accompagne la transition, que nous assurerons un revenu décent à des agriculteurs nombreux.

Nous voulons une vraie compétitivité qui ne se réduise pas à la compétitivité-prix, laquelle néglige les coûts cachés des pesticides, des nitrates et engrais azotés assumés par la collectivité, les importations massives d'intrants et les aides à l'exportation. Il faut prendre en compte les emplois générés, la qualité de l'alimentation, exporter pour garantir notre balance commerciale, accompagner la relocalisation de l'alimentation et des pratiques qui se passent d'intrants ou limitent la consommation d'eau.

Ces solutions sont pourtant absentes de ce texte, qui mise sur la mécanisation, la robotique, l'irrigation massive et les pesticides.

L'agroécologie, notamment l'agriculture bio, permet pourtant d'assurer l'autonomie et la résilience. Il faut garantir une alimentation de qualité à tous et toutes : la réponse se trouve dans une politique globale de justice sociale, alors que les inégalités explosent. Il faut une sécurité sociale de l'alimentation, comme le prônait Mélanie Vogel dans son rapport.

En votant cette motion, vous respectez le temps du débat démocratique. Ce texte propage de fausses informations. Ses mesures ne seront bénéfiques ni pour nos concitoyens ni pour nos agriculteurs. (Applaudissements sur les travées du GEST ; Mmes Annie Le Houerou, Marie-Claude Varaillas et M. Patrick Kanner applaudissent également ; plusieurs sifflets à droite.)

Mme Sophie Primas, rapporteur.  - La LOA est à l'étude, mais le Sénat peut tout de même travailler, et alerter par exemple sur l'excès de normes dont souffrent les agriculteurs. Nous avons été élus pour faire entendre cette voix : nous sommes légitimes pour débattre de cette proposition de loi, fruit d'un travail de longue haleine.

L'article 7 de la Charte de l'environnement dispose certes que « toute personne a le droit de participer à l'élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l'environnement » -  c'est le cas dans le cadre des discussions actuelles - mais ne dépossède pas le Parlement de ses prérogatives.

Est-ce remettre en cause l'environnement et la santé que de proposer un diagnostic carbone, l'expérimentation de drones pour diminuer les quantités de pesticides et protéger les agriculteurs ? (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP)

L'article 6 de la Charte énonce que les politiques publiques doivent concilier protection de l'environnement et développement économique ; l'article 9, que l'innovation doit concourir à la préservation de l'environnement. La proposition de loi y est conforme.

Le débat est sincère : nous jouons cartes sur table, le ministre s'expliquera, notre assemblée votera. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC ; « Bravo !» à droite)

M. Marc Fesneau, ministre.  - Monsieur Salmon, vous vous faites le défenseur du calendrier gouvernemental : je prends cela comme un moment de grâce... (Sourires) Vous remettez en cause notre questionnaire, qui a obtenu 40 000 réponses. Je ne l'ai jamais considéré comme une concertation citoyenne formelle.

Oui, la politique agricole est structurante pour notre société. Cela empêche-t-il le Sénat de se saisir de la question ? Non : nous travaillons sur une loi d'orientation à l'horizon bien plus vaste ; si cette proposition de loi porte sur la compétitivité à l'horizon de cinq ans, nous l'envisageons également à vingt ou trente ans.

Il n'y a pas d'un côté les défenseurs de l'environnement ou de la santé, et d'un autre ceux qui défendraient je ne sais quels intérêts. Nous avons tous des familles, et nous défendons tous l'intérêt général. (M. Daniel Salmon ironise ; applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP ; Mme Nathalie Delattre applaudit également.)

Vous avez demandé qu'on remette en cause l'avis de l'Anses recommandant le confinement contre la grippe aviaire ; vous l'avez fait pour des raisons économiques, avec raison. Nous ne faisons pas autre chose. Personne ne remet en cause les prérogatives de l'Anses, mais il faut un équilibre entre l'économique et les nécessités de santé publique.

Je connais bien le sujet de la phosphine. De l'autre côté de la Méditerranée, des gens attendent nos céréales pour se nourrir. (M. Daniel Salmon proteste.) Donner des leçons est risqué...

Il y a 25 ans, on se félicitait des exportations, dans tous les domaines. Vous parlez d'accords qui n'existaient pas encore, ou qui n'existent toujours pas, comme le Mercosur. La perte de compétitivité de la France est due à la concurrence de nos voisins européens, non aux accords de libre-échange.

Enfin, le bio aussi aura besoin d'eau. (M. Laurent Duplomb le confirme.) Caricaturer les agricultures en disant que certaines n'auront pas besoin d'eau ne sert à rien...

M. Joël Labbé.  - Et cela, ce n'est pas caricatural ?

M. Daniel Salmon.  - Je n'ai jamais dit le contraire.

M. Marc Fesneau, ministre.  - Concernant les néonicotinoïdes, certains, parmi vos amis politiques, disent avoir des solutions (M. Laurent Duplomb le confirme), mais j'espère que la filière betterave ne souffrira pas de la jaunisse !

M. François Bonhomme.  - Il faut le dire à Mme Pompili !

M. Marc Fesneau, ministre.  - Le jour où nous n'aurons plus de betteraves, il faudra importer et nous aurons alors besoin de l'accord du Mercosur que vous critiquez. Collectivement, nous avons besoin de cohérence. (Applaudissements sur les travées du RDPI et des groupes Les Républicains et UC)

M. Jean-Claude Tissot.  - La soirée sera longue, monsieur le ministre. Après seulement dix minutes de débat, je vous trouve bien vif !

Je serai cohérent : je me suis exprimé en commission, nous voterons cette question préalable. (M. François Bonhomme s'en émeut, M. Olivier Rietmann s'exclame.) Nous partageons pleinement les arguments de M. Salmon. Cette proposition de loi ne respecte pas la concertation en cours sur la future LOA. Elle modifie les pratiques agricoles, remet en cause le droit du travail et menace l'environnement : il aurait fallu solliciter les commissions des affaires sociales et des finances.

Vous invoquez de nombreuses incompatibilités avec le droit européen : quelle caricature ! Ce texte va à contresens, sur la forme comme sur le fond. (MM. Daniel Salmon et Joël Labbé applaudissent.)

À la demande du GEST, la motion est mise aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°283 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 338
Pour l'adoption   86
Contre 252

La motion n°10 n'est pas adoptée.

Discussion générale (Suite)

M. Jean-Claude Requier .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE ; MM. Franck Menonville et Pierre Louault applaudissent également.) J'interviens en lieu et place de M. Henri Cabanel, victime d'un accident de tracteur. Comme quoi, le métier d'agriculteur est utile et nécessaire, mais aussi dangereux. Je lui souhaite un prompt rétablissement.

Notre modèle agricole arrive à bout de souffle. Nous devons inverser la courbe du déclin ; arrêtons les critiques stériles. Le changement climatique bouleverse les équilibres. Cinquième exportateur mondial, la France était deuxième jusqu'en 2006 : du grenier de l'Europe, nous sommes réduits à en être la cave.

Au nom de la performance économique et écologique, nous produisons des produits haut de gamme, peu rémunérateurs pour les agriculteurs, à destination d'une clientèle de niche à haut pouvoir d'achat ; les ménages les plus modestes, eux, consomment des denrées importées, produites dans des conditions environnementales et sociales non satisfaisantes ou peu transparentes.

Sur 100 euros de produit, les agriculteurs perçoivent seulement 6,90 euros ! Un meilleur partage de la valeur est essentiel, or depuis dix ans nous prenons le chemin inverse : ce ne sont ni les consommateurs ni les producteurs, mais les intermédiaires qui sortent gagnants du système actuel. Rémunérons les producteurs à leur juste valeur et cessons de nous enfermer dans le carcan des surtranspositions.

Économie, santé et environnement, voilà le triptyque fondamental : ne sacrifions pas l'un au nom de l'autre. Tout est question d'équilibre.

Soyons attentifs aux accords de libre-échange. Le RDSE a déposé une proposition de résolution européenne dénonçant l'accord avec le Mercosur, accord qui porte en germe la déstabilisation de notre agriculture et fragilise les territoires ruraux. Il nous faut trouver des rustines, car la grande loi d'orientation agricole n'est pas au rendez-vous.

Le RDSE souhaite que la proposition de loi intègre des mesures de transition globale systématique des exploitations. Nous proposons un diagnostic de vulnérabilité des exploitations, ainsi qu'un diagnostic de réduction de l'impact carbone et des performances agronomiques des sols. Nous souhaitons aussi que les paiements pour services environnementaux (PSE) se démocratisent au sein du monde agricole.

Le RDSE s'est toujours passionné pour une agriculture durable, innovante et rémunératrice. Il sera attentif à l'examen de chaque article, avec un a priori favorable à cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du RDSE ; M. Daniel Chasseing applaudit également.)

M. Daniel Gremillet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Je salue les auteurs de la proposition de loi. Vous nous permettez d'apporter notre pierre à cette discussion ambitieuse sur la loi d'orientation de l'agriculture. Quand on pense que l'agriculture française fonctionne encore sur celle de 1962 !

Notre monde a changé, les attentes sont nouvelles. Nous devons contribuer à la réflexion ; cette proposition de loi y participe.

L'article 2 donne des perspectives, une feuille de route sur cinq ans, filière par filière. Une loi d'orientation vise le très long terme, des rendez-vous tous les cinq ans sur le positionnement de la ferme France en matière de compétitivité étaient donc nécessaires.

En 2015, lors de l'examen de la proposition de loi de Jean-Claude Lenoir, nous évoquions déjà le livret d'épargne populaire prévu à l'article 4. Avec le livret Agri, nous réussirons ce que nous avons fait avec la forêt. Nous ferons participer les Français aux choix stratégiques sur leur alimentation, nous les rendrons acteurs de la politique agricole et agroalimentaire de leur pays.

J'en viens à l'article 6. En réformant le régime des calamités agricoles, nous avons fait le choix assurantiel. En agriculture, les années se suivent et ne se ressemblent pas. Pour protéger les agriculteurs contre les aléas climatiques, il est nécessaire de modifier le plafond de la dotation pour épargne de précaution.

L'article 10 me fait plaisir. Nous évoquions déjà en 2015 l'information du consommateur. La France et l'Europe interdisent aux paysans français de produire des organismes génétiquement modifiés (OGM), mais le consommateur français en mange tous les jours. Faire oeuvre de transparence, c'est nous mettre face à nos responsabilités.

N'en déplaise à notre collègue, l'agriculture peut être une solution pour les personnes qui sont au bord du chemin de l'emploi.

Mme Sophie Primas, rapporteur.  - Très bien !

M. Daniel Gremillet.  - Les fils et filles d'agriculteurs ne sont pas en mesure de reprendre toutes les exploitations. Ouvrons le monde agricole, pour que des hommes et des femmes se lancent dans l'agriculture.

Le groupe Les Républicains votera ce texte. Nous avons besoin d'un cap, de donner envie. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP)

M. Franck Menonville .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur quelques travées du groupe UC) Comme l'a dit Christiane Lambert, ancienne présidente de la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA), notre agriculture dévisse. Depuis dix ans, notre balance commerciale ne cesse de se dégrader. Nos parts de marché reculent depuis 2000, notre solde commercial a chuté de 12 milliards d'euros en 2011à 8 milliards en 2021. En matière d'exportation, nous sommes passés de la deuxième à la cinquième place. Nos importations explosent : plus de 50 % de ce que nous consommons est importé.

Il est urgent de réagir. Ce texte vise à réduire les contraintes, encourager l'innovation et accompagner les transitions. Nous avons trop longtemps multiplié les injonctions en matière environnementale, sans tenir compte de la performance. Il faut combiner les objectifs d'innovation, de santé publique, d'investissement et de performance.

L'article 13 complète les missions de l'Anses qui sera chargée d'établir une balance bénéfices-risques. Or elle n'a pas les moyens de remplir cette mission. En commission, nous avons introduit un droit de veto : le ministre pourra suspendre la décision de l'Anses si la souveraineté alimentaire est en péril et en l'absence de solution alternative.

Le stockage du carbone est un enjeu essentiel. L'article 9 montre que l'agriculture est aussi porteuse de solutions.

L'article 12 lutte contre les surtranspositions, sources de distorsion de concurrence, et charge le Conseil d'État de les identifier.

Il faut redonner du sens aux investissements, d'où le livret Agri, le crédit d'impôt et le soutien aux investissements dans les outils de transformation. Performance, innovation et durabilité des produits ne sont pas incompatibles. C'est cela, l'agriculture de demain.

La séparation du conseil et de la vente était une erreur majeure, je n'ai pas le temps de m'y attarder.

Monsieur le ministre, je souhaite que ce travail transpartisan soit un élément constitutif de votre prochaine loi d'orientation. Comme l'a dit Laurent Duplomb, n'ayons pas peur ! (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, UC et Les Républicains)

Salut à une délégation parlementaire de la République portugaise

M. le président.  - (Mmes et MM. les sénateurs se lèvent, ainsi que M. le ministre.) Je suis heureux d'accueillir, dans notre tribune d'honneur, une délégation de l'Assemblée de la République portugaise, conduite par son Président, M. Augusto Santos Silva, et composée de membres du groupe d'amitié Portugal-France, présidé par Mme Emilia Cerqueira.

La délégation, qui vient de s'entretenir avec le Président du Sénat, est accompagnée par nos collègues M. Louis-Jean de Nicolaÿ, président du groupe d'amitié France-Portugal du Sénat, et M. Hervé Maurey, vice-président du groupe d'amitié.

La mission de nos homologues portugais porte en particulier sur nos relations économiques, culturelles et scientifiques. Elle fait suite à l'accueil, à Lisbonne, la semaine dernière, d'une délégation du groupe d'amitié France-Portugal.

La France et le Portugal, qui entretiennent des relations historiques étroites et denses, se sont encore rapprochés au sein de l'Union européenne. Quelques mois après la clôture de la saison culturelle portugaise en France, et un an avant la commémoration du cinquantenaire de la révolution des oeillets, qui a rétabli la démocratie au Portugal, nous espérons que votre visite aura contribué à consolider encore nos liens parlementaires.

En votre nom à tous, permettez-moi d'adresser un salut solennel et amical à la délégation conduite par le Président de l'Assemblée de la République du Portugal ! (Applaudissements)

Ferme France (Suite)

Discussion générale (Suite)

M. Joël Labbé .  - (Applaudissements sur les travées du GEST ; M. Joël Bigot applaudit également.) Nous voici, quelques mois avant les débats sur la loi d'orientation agricole, à discuter d'une pré-loi d'orientation, dans la version de la majorité sénatoriale. Les orientations proposées ne freineront pas la chute du nombre de paysans, l'effondrement de la biodiversité, la pollution de l'eau et l'épuisement des sols. C'est une fuite en avant.

Ce texte comporte des reculs majeurs. L'article premier propose de subordonner l'ensemble des politiques publiques agricoles à la compétitivité prix, au mépris des enjeux sociaux, environnementaux et sanitaires.

À l'article 8, on autorise largement l'épandage de pesticides par drones, sans prévenir les risques de dérive.

M. Laurent Duplomb.  - C'est mieux qu'avec un pulvérisateur.

M. Joël Labbé.  - Nous dénonçons les reculs sur les trop rares avancées de la loi Égalim, comme à l'article 11, qui revient sur la qualité alimentaire de la restauration collective. Les objectifs étaient de 20 % de bio et de 50 % de durable et local : nous sommes loin du compte ! La loi devrait plutôt réaffirmer ces objectifs avec force, en donnant aux territoires les moyens de les atteindre.

Nous sommes atterrés par l'article 12 qui subordonne la possibilité d'avancer en matière de protection de l'environnement et de la santé à l'absence de distorsion de concurrence européenne.

L'article 13 remet en cause l'indépendance de l'Anses...

Mme Sophie Primas, rapporteur.  - C'est faux.

M. Joël Labbé.  - ... actant, non sans cynisme, la primauté des intérêts économiques. On entrave tout progrès dans la protection de nos concitoyens et de l'environnement.

M. Marc Fesneau, ministre.  - Caricature !

M. Joël Labbé.  - À l'heure du réchauffement climatique, l'article 15 promeut le stockage de l'eau et l'irrigation, sans aucune réflexion sur leur encadrement.

Quant au volet social, il est antisocial ! Les cotisations sociales ne sont pas des charges, mais des outils de protection.

Sur tous ces points, nous serons attentifs à la position du Gouvernement, en espérant que le processus de concertation ne soit pas entravé.

Dans quelque temps, ce type de débat me manquera. Chaque fois, j'ai exprimé mes convictions.

M. Laurent Duplomb.  - Nous aussi.

M. Joël Labbé.  - Le rapport de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) de 2014 a reconnu la maladie de Parkinson et le cancer de la prostate comme maladies professionnelles. Le rapport de la Cour des comptes sur l'agriculture biologique montre qu'elle n'est pas suffisamment aidée. Le dernier rapport de l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Inrae) souligne que des politiques cohérentes et articulées permettraient de se passer des molécules chimiques. Selon Le Monde, la population d'oiseaux en Europe a chuté de 60 % en quarante ans.

Je dois vous dire mes regrets. L'agriculture biologique nécessite certes de l'eau, mais ce n'est pas une agriculture industrielle. Or pas un mot sur cette agriculture dans ce texte. Heureusement qu'il y a des gens pour la défendre ! (Applaudissements sur les travées du GEST et sur quelques travées du groupe SER ; M. Fabien Gay applaudit également.)

Mme Sophie Primas, rapporteur.  - Nous la défendons aussi !

Mme Patricia Schillinger .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI) La proposition de loi est issue du rapport de la mission d'information sur la compétitivité de la ferme France. Il ne s'agit pas d'opposer des modèles ni de remettre en question la stratégie de montée en gamme.

Il faut néanmoins tenir compte des grands enjeux. En plus d'assurer la souveraineté alimentaire, l'agriculture doit s'orienter vers des pratiques plus durables, respectueuses du climat et de l'environnement.

De nombreux agriculteurs ont fait le choix du bio, et la France fait figure de leader dans ce domaine en Europe. Lorsque nous réussissons, soyons-en fiers et persévérons, pour maximiser nos avantages comparatifs.

Les jeunes agriculteurs souhaitent être des acteurs de la transition. Leur réussite sera la nôtre. De fait, le renouvellement des générations est le principal défi de notre agriculture : sans agriculteurs, pas de ferme France !

Le dérèglement climatique nous impose d'évoluer en profondeur. Voilà pourquoi nous sommes, depuis six ans, au côté du Gouvernement, qui oeuvre pour que les transitions s'engagent rapidement, de manière pragmatique et efficace. Les concertations qu'il mène préfigurent une grande loi d'orientation pour l'agriculture.

Lutter contre la concurrence déloyale, rééquilibrer la fiscalité, favoriser l'innovation et les investissements : nous souscrivons à ces objectifs du texte, mais avons des réserves sur certaines mesures.

La bureaucratie et l'abondance de normes sont des freins à la compétitivité : de ce point de vue, la création d'un Haut-Commissaire et d'un plan pluriannuel est quelque peu étonnante...

Toutefois, nous saluons le travail de la rapporteure, notamment à l'article 8, relatif à l'expérimentation de la pulvérisation d'insecticides par des drones ; cette mesure lève les freins à l'innovation qui empêchaient le développement de toute filière.

Le RDPI a déposé deux amendements de suppression : sur l'article 15, relatif à la déclaration d'intérêt général majeur pour les ouvrages visant à prélever et stocker l'eau à des fins agricoles, et l'article 18, qui abroge deux avancées importantes de la loi Égalim - séparation de la vente et du conseil et ristourne sur les produits phytopharmaceutiques.

Les mesures de maîtrise des charges sociales nous paraissent pertinentes, mais relèvent, selon nous, du projet de loi Travail et du projet de loi de finances.

Des consensus se font jour en vue de la prochaine LOA : il faut le souligner, sans nier les désaccords. Les membres du RDPI disposeront de la liberté de vote sur ce texte. (Mme la rapporteure s'en félicite ; applaudissements sur les travées du RDPI.)

M. Jean-Claude Tissot .  - (Applaudissements sur certaines travées du groupe SER) Alors que les concertations sur la LOA viennent à peine de se conclure, la majorité sénatoriale propose un premier round. Nous commençons à être habitués à ce jeu politique entre le Gouvernement et la majorité sénatoriale, sur un terrain d'entente toujours plus à droite, toujours plus libéral. (Mme Nicole Bonnefoy et M. Daniel Salmon abondent ; M. Laurent Duplomb rit.)

Nous aurions pu espérer que l'agriculture échappe à la règle, mais il n'en est rien. Notre groupe s'opposera avec vigueur à la très grande majorité des dispositions de ce texte.

Il existe bien deux visions différentes de l'agriculture, avec leurs spécificités et leurs valeurs. Mais il n'y a pas, d'un côté, le bon modèle, celui de la raison, et, de l'autre, celui de l'utopie. Les deux peuvent être compétitifs et nourrir les hommes.

Le modèle de l'agroécologie et de l'agriculture biologique procède d'une approche élargie ; il protège autant le producteur que l'environnement. C'est le rôle des pouvoirs publics de soutenir un modèle qui préserve la santé humaine et l'environnement. (Mme Nicole Bonnefoy applaudit.) Au reste, dans un rapport de 2020, France Stratégie a montré que les exploitations agroécologiques présentent des résultats économiques à moyen terme supérieurs à ceux des exploitations conventionnelles.

Non, la compétitivité ne se résume pas à des crédits d'impôt et des exonérations de charges. Le groupe SER croit à un impôt juste et redistributeur - sans refuser d'examiner la question du trop-d'impôt, qui peut mettre en difficulté certaines exploitations. Or les dispositions fiscales proposées profiteront d'abord aux plus favorisés.

Mme Sophie Primas, rapporteur.  - C'est l'inverse !

M. Jean-Claude Tissot.  - Augmenter le plafond de la déduction pour le fixer à 200 000 euros avec une déduction maximale de 60 000 euros par an profitera aux exploitants agricoles qui font des bénéfices. À cela on peut ajouter le crédit d'impôt pour la mécanisation à l'article 5, que la rapporteure a plafonné à 20 000 euros ; nous proposons d'abaisser ce plafond. Nous devrions plutôt réfléchir aux moyens d'aider les agriculteurs les plus en difficulté.

Certains articles du texte réécrivent allégrement des pans entiers du droit du travail, notamment sur les bonus-malus et les contrats courts. Peut-être M. Dussopt pourrait-il venir au banc du Gouvernement pour nous dire sa position... Ces sujets, loin d'être anodins, mériteraient une étude d'impact.

Le monde agricole dispose déjà du TO-DE ; nous soutenons sa pérennisation.

Nous sommes très surpris des articles 19 et 20 : envoyer les personnes éloignées de l'emploi dans les champs relève d'une vision bien particulière du travail... Vous ignorez, notamment, les difficultés liées à l'absence de locaux pour les accueillir.

Nous nous opposerons aux articles revenant sur les droits des travailleurs.

Par ailleurs, de nombreux articles reviennent en arrière de manière inconcevable sur des avancées environnementales difficilement acquises. C'est le cas sur l'épandage aérien, alors que le rapport de Mme Bonnefoy avait été adopté à l'unanimité.

Mme Sophie Primas, rapporteur.  - Un épandage par drones, pour plus de précision !

M. Jean-Claude Tissot.  - De même, abroger la séparation du conseil et de la vente, naguère défendue par Mme Loisier et notre ancien collègue Michel Raison, est un retour en arrière.

M. Laurent Duplomb.  - Ça ne marche pas ! (Mme la rapporteure renchérit.)

M. Jean-Claude Tissot.  - À l'article 13, vous voulez donner à l'Anses un rôle politique. Le ministre aura la possibilité de suspendre certaines de ses décisions.

M. Laurent Duplomb.  - Ça existait avant...

M. Jean-Claude Tissot.  - Comment, en tant que parlementaires, pouvez-vous accepter de concentrer autant de pouvoirs entre les mains du ministre ? (Mme Nicole Bonnefoy applaudit.)

Sur l'eau, la majorité sénatoriale crée un motif d'intérêt général majeur : ce faisant, elle jette de l'huile sur le feu.

Nous combattons fermement ce texte et proposerons la suppression d'une grande partie de ses articles. Nous défendons un modèle agricole compétitif, pérenne et respectueux des hommes et de l'environnement. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST ; M. Pascal Savoldelli applaudit également.)

M. Fabien Gay .  - (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE ; M. Joël Bigot applaudit également.) Notre modèle agricole doit être transformé en profondeur : sur ce point, nous sommes d'accord. Pour le reste... (Sourires)

Parler d'agriculture, c'est parler d'un système complexe, au coeur de l'économie mondialisée.

Nous devons nous intéresser aux ressources naturelles, dont nous devons prendre soin, mais aussi au travail, notamment à la rémunération des travailleurs, et à la question du droit à une alimentation saine et de qualité.

Une alimentation à deux vitesses s'est peu à peu installée dans notre pays, propulsée par une inflation alimentaire sans précédent et les traités de libre-échange conclus depuis plus d'une décennie.

La spécialisation et l'agrandissement des exploitations sont passés sous silence. La compétitivité par le prix reste le prisme de la réflexion, gouvernement après gouvernement, sans reconnaître la nécessité d'une exception agricole. Les traités de libre-échange sont guidés sans cesse par le moins-disant social et environnemental. Les objectifs de la PAC doivent être revus.

Nous voilà sur une pente dangereuse, avec, en plus, un dénigrement de l'administration et des agents publics, notamment de l'Anses.

Privilégier les intérêts économiques de court terme va à l'encontre de l'intérêt général. Non, nous n'avons pas le temps de faire une pause environnementale de cinq ans, n'en déplaise au Président de la République !

Déclarer systématiquement que les retenues d'eau relèvent de l'intérêt public majeur reviendrait à autoriser toutes les mégabassines. L'eau doit être considérée comme un bien commun. Préservation, partage et juste répartition : tel est le triptyque qui doit guider la politique de l'eau. Les projets de territoire n'ont pas vocation à donner un blanc-seing à toutes les mégabassines, mais à optimiser l'usage de la ressource.

Le milieu agricole perd des actifs et peine à remplacer les départs à la retraite. Il faut lutter contre les conditions de travail dégradées et les crédits d'impôt qui encouragent le travail précaire. Plus largement, nous devons repenser tout un système dans lequel des multinationales avides de profits épuisent la ressource et exploitent les populations locales, condamnant à terme l'humanité. Les petites structures n'ont pas leur place dans ce système. Il faut inverser les logiques de ce capitalisme destructeur. Privilégions les coopérations entre pays aux traités de libre-échange.

La préservation de la biodiversité est la seule condition d'une alimentation saine pour tous ; elle est incompatible avec la loi du profit. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE, du GEST et sur des travées du groupe SER)

Mme Anne-Catherine Loisier .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) La France est l'un des seuls grands pays agricoles dont les parts de marché reculent.

M. Laurent Duplomb.  - C'est vrai !

Mme Anne-Catherine Loisier.  - Nous sommes passés du deuxième au cinquième rang mondial pour les exportations. Cela s'explique par un manque de compétitivité : charges élevées, fiscalité lourde, productivité en berne. Mais aussi par un agri-bashing qui vitupère un modèle pourtant parmi les plus vertueux en matière environnementale.

Nous devons adapter notre modèle en conciliant compétitivité, innovation et transition.

Cette proposition de loi transpartisane ouvre des perspectives aux nouvelles générations d'agriculteurs. La facilitation du financement des installations agricoles grâce au livret Agri, le soutien aux filières ayant recours aux saisonniers, l'augmentation du crédit d'impôt, la fin des surtranspositions et l'examen des clauses miroirs sont autant d'avancées. Le revenu des agriculteurs ne doit plus être la variable d'ajustement des prix.

La commission a notamment clarifié le rôle du Haut-Commissaire et autorisé l'usage de drones pour des pulvérisations de précision. Nous redonnons aussi la main au politique : le ministre pourra suspendre une décision de l'Anses visant au retrait d'un produit.

Nous défendrons plusieurs amendements pour compléter ce texte, notamment sur la publication des décrets visant à mieux connaître l'origine des viandes ou à renforcer le capital des coopératives.

Avec ces propositions, le Sénat prend date pour les quinze prochaines années : nous souhaitons non pas opposer, mais concilier les différents impératifs - la survie et la prospérité de nos entreprises agricoles en dépendent.

Avec Nadia Sollogoub, qui prendra la parole dans quelques instants, nous saluons les avancées de ce texte. Une grande majorité du groupe UC le votera. (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; Mme le rapporteur et M. Yves Bouloux applaudissent également.)

M. Guillaume Chevrollier .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Élisabeth Doineau applaudit également.) Je souhaite vivement que cette proposition de loi fasse date pour notre souveraineté alimentaire. Je salue le travail des trois auteurs, issu d'un rapport adopté en septembre dernier par la commission des affaires économiques.

Cette proposition de loi vise à inverser le déclin de notre puissance agricole. La France importe aujourd'hui plus qu'elle n'exporte, et la compétition internationale lui a fait perdre des parts de marché importantes.

Nous nous sommes repliés sur les denrées haut de gamme, qui font certes notre fierté, mais nos concitoyens les plus modestes sont contraints de consommer des produits importés. Surréglementation, charges excessives, coût de la main-d'oeuvre, fiscalité trop lourde et manque d'investissement sont autant de raisons qui, avec l'inflation, expliquent ce phénomène.

Il est grand temps de réagir pour redonner du souffle à l'agriculture française. Afin de restaurer notre souveraineté alimentaire, ce texte entend assouplir le cadre normatif et fiscal, lutter contre les surtranspositions, encourager l'innovation et accompagner l'agriculture dans les transitions. La rapporteure y a ajouté des mesures visant à alléger les charges et à protéger les agriculteurs d'une concurrence déloyale.

Bien manger, prix abordables, juste rémunération : tel est le triptyque qui doit nous guider.

La création d'un Haut-Commissaire et la mise en oeuvre d'un plan quinquennal permettront de définir de véritables objectifs. Le ministre de l'agriculture pourra suspendre une décision technique du directeur général de l'Anses. L'augmentation du plafond pour épargne de précaution soulagera les agriculteurs en difficulté.

La proposition de loi prévoit un diagnostic carbone pour les structures agricoles. Le rôle de l'agriculture dans la transition écologique est décisif : nos agriculteurs doivent avoir les moyens de protéger la biodiversité.

Sans compétitivité nouvelle, les métiers agricoles ne seront pas attractifs. Dans mon département, la Mayenne, nous avons perdu près de 1 000 fermes entre 2010 et 2020, et le nombre de chefs d'exploitation a diminué de 17 %.

Ce texte est une belle occasion de construire une agriculture française forte, dynamique et durable. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)

Mme Nadia Sollogoub .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Au lendemain du sommet Choose France, rappelons que nos agriculteurs ont choisi la terre de France. Chaque jour, ils font de la production et du négoce, surmontent soucis de personnel et galères administratives : ce sont des businessmen farmers. Malheureusement, les clients, eux, choisissent de moins en moins la France.

Nos collègues Duplomb, Louault et Mérillou proposent dans ce texte des mesures concrètes pour une reconquête stratégique. N'attendons pas d'avoir à « réagricoliser » la France, comme nous devons la réindustrialiser ; espérons ne pas avoir à pleurer notre agriculture perdue comme nous pleurons notre industrie perdue.

Créer un Haut-Commissariat est un signe fort, à condition que ce ne soit pas un machin de plus ou une coquille vide.

Oui, nous devons éradiquer la surtransposition des normes. On demande à l'agriculture de s'adapter, tout en l'enserrant dans un cadre contraignant. Or, depuis toujours, l'agriculture suit l'évolution du monde ; si elle ne l'avait pas fait, l'humanité aurait disparu.

En France, on la ligote dans des injonctions contradictoires, prenant le risque de l'affaiblir durablement. Il faut la soutenir, plus que la contrôler. Ce n'est pas le champ qui fait la moisson, c'est le labour, selon un proverbe espagnol.

Surtransposition, distorsion de concurrence sont autant de vers qui rongent la ferme France. La transmission des exploitations et le renouvellement des générations sont aussi des défis essentiels. Nous déplorons qu'il soit aujourd'hui plus facile de s'agrandir que de reprendre une exploitation.

L'agriculture doit s'adapter aux évolutions climatiques, et mieux valoriser ses apports à la société. Il est temps de comprendre qu'on ne peut avoir tout pour rien ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains)

M. Laurent Duplomb.  - Très bien !

Mme Muriel Jourda .  - J'interviens à la place de Jean Pierre Vogel, président de la section Cheval du groupe d'études Élevages.

Nous connaissons tous la situation de nos agriculteurs, perclus de normes et de charges. Il est urgent de donner un choc de compétitivité à notre agriculture.

L'article 25 prévoit l'application d'un taux de TVA intermédiaire de 10 % à la filière équine. Nous nous félicitons de cette mesure, qui émane de la section Cheval et de son président.

Rappelons qu'entre 2004 et 2012, la filière a bénéficié d'un taux de 5,5 %. Mais, en 2012, la CJUE a imposé un taux de 20 %, ce qui a été préjudiciable à la filière. Tous les gouvernements se sont engagés à revenir sur cette mesure, si le cadre européen évoluait.

Le cadre ayant évolué sous présidence française de l'Union européenne, cet engagement peut être tenu. Monsieur le ministre, allez-vous satisfaire cette demande importante de la filière équine ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC)

M. Marc Fesneau, ministre.  - Je remercie M. Requier pour son engagement continu en faveur de l'agriculture.

Monsieur Gremillet, nous avons stabilisé le dispositif de l'épargne de précaution sur trois ans, mais il faut aussi travailler à la définition de cette notion.

Monsieur Menonville, voilà vingt-cinq ans que nous perdons en compétitivité. Nous devons tous en assumer la responsabilité. Le principe de précaution a été adopté sous la présidence de Jacques Chirac, le Grenelle de l'environnement s'est tenu sous celle de Nicolas Sarkozy. Notre pays est le seul à avoir inscrit le principe de précaution dans sa Constitution : assumons collectivement ce cadre et essayons d'avancer.

Monsieur Labbé, ne caricaturons pas la question des drones. Les auteurs de la proposition de loi ne veulent pas épandre davantage : c'est tout l'inverse ! Nous voulons, nous aussi, réduire l'utilisation des produits phytosanitaires. De plus, le drone peut être utile pour sécuriser le travail des agriculteurs, par exemple sur des terrains escarpés.

Une tomate bio et une tomate conventionnelle ont besoin de la même quantité d'eau ; il en va de même pour le maïs. Bien sûr, nous devons réfléchir aux façons de mieux utiliser l'eau et de mieux la stocker dans les sols. Là encore, pas de caricature. Notre pays compte moins de surfaces irriguées que les Pays-Bas.

M. Laurent Duplomb.  - Et moins qu'au début du XXIe siècle !

M. Marc Fesneau, ministre.  - Madame Schillinger, merci pour vos propos.

Monsieur Tissot, je récuse l'idée d'un jeu politique. Nous sommes des esprits indépendants et vivons nos vies séparément, dans la liberté du débat démocratique. Parfois nos points de vue convergent, parfois non.

Monsieur Gay, merci de m'avoir cité sur plusieurs sujets... Pas tout, pas tout le temps : tels sont mes propos sur les avis de l'Anses. Il n'est nullement question d'en rabattre sur les enjeux de santé ou environnementaux. Viser la neutralité carbone en 2050, c'est tout sauf faire une pause !

Madame Loisier, vous avez raison d'insister sur l'importance des innovations.

Monsieur Chevrollier, vous avez parlé d'un triptyque. J'y ajouterai un quatrième élément : la transition écologique. Si nous n'agissons pas, l'érosion du potentiel des sols se poursuivra.

Madame Jourda, j'ai compris vos préoccupations. Nous en reparlerons dans la discussion des articles, mais la volonté du Gouvernement est d'avancer,

Madame Sollogoub, certaines entreprises qui ne sont pas déficitaires ne sont pas non plus reprises : certains sujets vont au-delà de la rentabilité. La question de la mise à disposition des terres se pose.

Évitons les caricatures et ne nous faisons pas grief de penser ce que nous pensons. Monsieur Labbé, je conçois qu'il y ait dans vos propos des idées pertinentes ; souffrez que l'inverse soit vrai également. Je plaiderai toujours en faveur de la souveraineté de l'agriculture française. La démagogie est partout : certains sont des adeptes du « il n'y a qu'à, faut qu'on », d'autres prétendent qu'on pourrait ne rien changer, alors que quatre degrés supplémentaires seraient un drame absolu pour nos agriculteurs.

Je me refuse à dire aux agriculteurs que rien ne va changer, même si c'est confortable à la tribune. J'étais il y a quelques jours dans les Pyrénées-Orientales, auprès d'agriculteurs qui font de la vigne, de l'arboriculture, de l'élevage. Il faudra faire preuve de résilience pour continuer à produire avec la contrainte du changement climatique. Ne dressons pas la société contre les agriculteurs, qui ont souvent le sentiment de ne pas être compris, et abstenons-nous de caricaturer : ce sera rendre service aux agriculteurs et à toute la société. (Applaudissements sur les travées du RDPI, des groupes INDEP et UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains)

Discussion des articles

AVANT L'ARTICLE 1er

M. le président.  - Amendement n°70 rectifié quinquies, présenté par Mmes Noël, Pluchet et Bonfanti-Dossat, M. Joyandet, Mmes Thomas, Muller-Bronn et Berthet, MM. Bacci, Belin, Sido et D. Laurent, Mme Belrhiti, M. Bouloux, Mme Garriaud-Maylam, MM. Meurant et Bouchet, Mme Micouleau, M. Somon, Mmes Malet, Bellurot et Joseph, M. B. Fournier, Mme Imbert et MM. Klinger et Gremillet.

Avant l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au début de l'article L. 1 du code rural et de la pêche maritime, il est inséré un paragraphe ainsi rédigé :

« ....  -  La souveraineté alimentaire est un intérêt fondamental de la Nation au sens de l'article 410-1 du code pénal. »

M. Daniel Laurent.  - Nous voulons intégrer la souveraineté alimentaire à la liste des intérêts fondamentaux de la Nation. La crise sanitaire a mis au jour la vulnérabilité de nos approvisionnements alimentaires, mais la notion de souveraineté alimentaire n'est consacrée dans aucune loi. Corrigeons cette anomalie.

M. le président.  - Amendement identique n°79 rectifié, présenté par MM. Menonville et Chasseing, Mme Loisier, MM. Kern et A. Marc, Mmes Guidez et Férat, MM. Decool, Médevielle, Hingray et Maurey, Mmes N. Delattre et Gacquerre, MM. Verzelen, P. Martin et Wattebled, Mme Perrot, M. Chauvet, Mme Saint-Pé, M. Marseille, Mme Mélot et MM. Lagourgue, Moga, Folliot, Longeot, Duffourg et Malhuret.

M. Franck Menonville.  - Défendu. La crise sanitaire a redonné tout son sens à la notion de souveraineté alimentaire.

Mme Sophie Primas, rapporteur.  - Cet amendement symbolique donne le ton sur ce que devrait être le monde de l'après-covid en matière d'agriculture et d'alimentation. La souveraineté alimentaire est un impératif. Avis favorable.

M. Marc Fesneau, ministre.  - Le Sénat est rarement dans le symbolique... Je vois mal quelle serait la portée réelle de cette disposition. Nous verrons au moment de la LOA comment introduire le concept de souveraineté alimentaire. Retrait ou avis défavorable.

Les amendements identiques nos70 rectifié quinquies et 79 rectifié sont adoptés.

ARTICLE 1er

M. Stéphane Demilly .  - Ce texte est l'une des réponses nécessaires aux problèmes du monde agricole. L'enjeu est grand : nourrir notre population tout en relevant le défi climatique. Le nombre d'agriculteurs a été divisé par quatre en quarante ans, et les plus jeunes s'interrogent sur l'avenir de leur métier.

Permettez à un sénateur picard de prendre l'exemple de la filière betteravière. Victime du séisme de la jaunisse, elle a subi 30 % de pertes au niveau national, jusqu'à 70 % localement. Des dérogations temporaires lui avaient été accordées, avant d'être annulées par la CJUE en janvier dernier. La filière représente pourtant 90 000 emplois directs et indirects.

L'article 12 vise à limiter les surtranspositions. Si nous voulons que la ferme France reste debout, nous devons la soutenir avec force. Je voterai ce texte et vous remercie pour votre détermination, monsieur le ministre. (Applaudissements sur des travées du groupe UC ; M. Laurent Duplomb applaudit également.)

M. le président.  - Amendement n°11, présenté par MM. Salmon, Labbé, Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard et Parigi et Mmes Poncet Monge et M. Vogel.

Supprimer cet article.

M. Daniel Salmon.  - La création d'un Haut-Commissariat n'est pas utile, voire serait contre-productive. La compétitivité-prix ne doit pas être l'axe premier de notre modèle agricole, car elle pousse au moins-disant social et environnemental. Comme le souhaite le Cese, il faut redéfinir la compétitivité, en tenant compte de la qualité gustative des aliments et des conséquences en matière d'emploi et d'environnement. Les dimensions sociales, écologiques et sanitaires ne doivent pas être oubliées.

M. le président.  - Amendement identique n°57, présenté par M. Gay et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Mme Marie-Claude Varaillas.  - Nous pensons également que la création d'un Haut-Commissariat n'apportera pas de réponse à la crise profonde du monde agricole. La compétitivité ne saurait se résumer à une question de volume et de prix, comme l'a souligné le Cese en 2018. Elle inclut une large palette d'enjeux, absents de la proposition de loi. Ce n'est pas le manque de compétitivité qui tue notre agriculture (M. François Bonhomme le conteste), mais la guerre des prix, la financiarisation du monde agricole et la course effrénée aux meilleurs rendements.

Appuyons-nous plutôt sur l'existant, à commencer par le Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux, présidé par le ministre.

Mme Sophie Primas, rapporteur.  - La création d'un poste de Haut-Commissaire répond à la demande d'un relais auprès des pouvoirs publics exprimée par les agriculteurs et les organisations professionnelles. Cet acteur jouera un rôle d'alerte et recensera les surtranspositions. Nous souhaitons également qu'il organise les conférences annuelles de filière créées par la loi Sapin 2. Il facilitera l'agrégation des différents plans qui concernent le monde agricole. Avis défavorable.

M. Marc Fesneau, ministre.  - Je suis sans doute juge et partie, mais il est paradoxal de demander que le ministre ait plus de poids politique dans les décisions et dans le même temps de créer un poste de Haut-Commissaire qui pourrait lui faire concurrence.

Vous posez néanmoins la bonne question de la cohérence des politiques publiques.

N'ayons pas peur du terme « compétitivité ». La compétitivité, ce n'est pas le seul rendement : c'est la capacité, dans un marché ouvert, d'avoir une ferme France compétitive dans l'espace européen.

La question de la coordination des politiques publique vaut dans le domaine agricole comme dans d'autres. À défaut de retrait, sagesse.

Les amendements identiques nos11 et 57 ne sont pas adoptés.

M. le président.  - Amendement n°27 rectifié, présenté par M. Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Alinéa 3, première phrase et alinéa 4

Après le mot :

compétitivité

insérer le mot :

durable

M. Christian Redon-Sarrazy.  - Le groupe SER ne s'opposera pas à la création d'un Haut-Commissaire, mais s'interroge néanmoins au vu de l'utilité de certains Hauts-Commissaires existants, dont l'activité ne fait guère concurrence aux ministres... (Sourires) Nous nous interrogeons également sur les moyens dont disposera ce Haut-Commissaire, qui pourra mobiliser des fonctionnaires du ministère, des chambres d'agriculture, de FranceAgriMer ou de l'Inrae.

Cet amendement précise que la recherche de compétitivité doit se faire dans un cadre durable et ne saurait être guidée uniquement par des impératifs économiques ou de conquête de parts de marché.

Mme Sophie Primas, rapporteur.  - Nous n'opposons pas compétitivité et durabilité. Avis favorable.

M. Marc Fesneau, ministre.  - Sagesse.

L'amendement n°27 rectifié est adopté.

M. le président.  - Amendement n°121, présenté par Mme Primas, au nom de la commission.

Après l'alinéa 13

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Elle examine la politique d'accompagnement à l'exportation des filières agricoles et agroalimentaires et évalue les dispositifs mis à la disposition des acteurs économiques au regard de leurs besoins.

Mme Sophie Primas, rapporteur.  - Le rapport sur la compétitivité de la ferme France souligne que la politique d'accompagnement à l'exportation n'est pas à la hauteur des enjeux. La conférence publique de filière est l'enceinte adaptée pour en discuter.

M. Marc Fesneau, ministre.  - Sagesse. Nous avons en effet besoin d'une meilleure coordination, car les instances sont nombreuses.

L'amendement n°121 est adopté.

L'article 1er, modifié, est adopté.

APRÈS L'ARTICLE 1er

M. le président.  - Amendement n°82, présenté par M. Bonhomme.

Après l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Avant le I de l'article L. 1 du code rural et de la pêche maritime, il est inséré un paragraphe ainsi rédigé :

« .... - L'agriculture répond aux besoins essentiels de la population en assurant l'accès à une alimentation sûre, saine et diversifiée de bonne qualité et en quantité suffisante, produite dans des conditions économiquement et socialement acceptables par tous, favorisant l'emploi, la protection de l'environnement et des paysages et contribuant à l'atténuation et à l'adaptation aux effets du changement climatique. La protection, la valorisation, le déploiement de l'agriculture sont reconnus d'intérêt général majeur et concourent à répondre aux besoins des générations présentes et futures. » 

M. François Bonhomme.  - Il s'agit de reconnaître le caractère d'intérêt général de l'agriculture, pour assurer une meilleure protection des activités agricoles contre les attaques, parfois violentes, qui se multiplient contre les biens et personnes, de la liberté d'entreprendre et du droit de propriété, singulièrement oublié dans l'épisode de Sainte-Soline. C'est un droit essentiel.

M. Laurent Duplomb.  - Tout à fait !

Mme Sophie Primas, rapporteur.  - Demande de retrait, car l'amendement est satisfait par l'adoption de celui de Mme Noël et M. Menonville.

M. Marc Fesneau, ministre.  - On est dans le déclaratif. Monsieur le sénateur, vous ne pouvez pas dire que nous n'avons pas défendu le droit de propriété à Sainte-Soline. Pas besoin d'amendement : ce droit est constitutionnel et figure dans la Déclaration des droits de l'homme. Rendons hommage aux forces de l'ordre.

M. François Bonhomme.  - Je ne mettais pas en cause le Gouvernement mais les associations de défense de l'environnement comme Oxfam, dirigé par Cécile Duflot, qui se prévalent d'études fort peu scientifiques pour alimenter la suspicion et mettre en accusation notre modèle agricole. C'est ce discours, relayé par moult reportages, qui entraîne les actes de violence et autres intrusions.

J'aimerais que l'État poursuive mieux les auteurs de violences, et que l'on remercie tous les matins les agriculteurs de produire pour la France. Ils font, comme les agents du service public, un métier d'intérêt général. Changeons de logiciel. (« Bravo ! » sur les travées du groupe Les Républicains)

L'amendement n°82 est retiré.

ARTICLE 2

M. le président.  - Amendement n°28 rectifié, présenté par M. Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Alinéa 2

Après les mots :

quinquennal de compétitivité

insérer le mot :

durable

Mme Martine Filleul.  - Le choc de compétitivité ne saurait être guidé uniquement par des considérations économiques. L'urgence climatique appelle des solutions durables.

Mme Sophie Primas, rapporteur.  - Avis favorable.

M. Marc Fesneau, ministre.  - Sagesse.

L'amendement n°28 rectifié est adopté.

M. le président.  - Amendement n°12, présenté par MM. Labbé, Salmon, Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard et Parigi et Mmes Poncet Monge et M. Vogel.

I.  -  Alinéa 2

1° Remplacer les mots :

et d'adaptation des filières agricoles et agroalimentaires

par les mots :

économique, environnementale, de performance sociale et sanitaire de l'agriculture et de l'alimentation, permettant la transition agroécologique

2° Remplacer les mots :

et en lien avec le haut-commissaire mentionné à l'article L. 611-1 A, qui en assure le suivi.

par les mots :

en lien avec le ministère en charge de l'environnement, le ministère en charge de la santé, en concertation avec les filières agricoles et agroalimentaires, les syndicats agricoles représentatifs, des organisations agricoles professionnelles permettant la représentation d'une diversité de systèmes agricoles et notamment les systèmes en agriculture biologique au sens de l'article L. 641-13, d'associations de protection de l'environnement, d'associations de protection des consommateurs, des associations de lutte contre la précarité alimentaire, d'association de solidarité internationale, d'associations de protection des animaux, des représentants des collectivités territoriales et de leurs groupements, et après une démarche d'association du public. Les concertations et associations sont organisées en donnant aux acteurs concernés et au public une information claire et suffisante, et dans des délais raisonnables permettant leur participation effective et éclairée.

II.  -  Après l'alinéa 2

Insérer huit alinéas ainsi rédigés :

« Ce plan est articulé avec la stratégie bas-carbone mentionnée à l'article L. 222-1 B du code de l'environnement et avec la stratégie nationale pour la biodiversité mentionnée à l'article L. 110-3 du même code, le plan d'action national pour une utilisation durable des produits phytopharmaceutiques prévu à l'article L. 253-6 du présent code, et la stratégie nationale pour l'alimentation, la nutrition et le climat, mentionné à l'article L. 1.

« Il permet de déterminer des échéances et des objectifs chiffrés :

« - en termes de réduction de l'usage des produits phytosanitaires et des engrais azotés, permettant d'organiser une trajectoire de sorties de ces usages ;

« - en termes de développement des surfaces en agriculture biologique ;

« - en termes d'installation agricole en fixant une trajectoire permettant d'augmenter le nombre d'exploitants agricoles ;

« - en termes de diversification des productions agricoles en priorité pour les cultures pour lesquelles la consommation alimentaire est majoritairement assurée par des produits importés, et de déspécialisation des territoires, notamment via le développement des productions de protéines végétales ;

« - en termes de développement de systèmes d'élevage respectueux du bien-être animal garantissant un accès à un espace de plein air des animaux ;

« - en termes de réduction de la précarité alimentaire et d'accès à une alimentation de qualité.

III.  -  Alinéa 3

Remplacer les mots :

la liste des investissements essentiels à la compétitivité et à la résilience de chaque filière. Les financements publics en faveur de l'investissement en agriculture et dans le secteur agroalimentaire

par les mots :

les pratiques agricoles et les systèmes alimentaires qui permettent le plus efficacement de renforcer la compétitivité économique, environnementale, et la performance sociale et sanitaire de l'agriculture afin de réaliser la transition agroécologique. Les financements publics de la politique agricole

M. Joël Labbé.  - Nous voulons élargir le périmètre du plan quinquennal pour en faire un outil au service d'une compétitivité élargie, tenant compte des dimensions sociale, environnementale et sanitaire, afin de construire une vraie politique agricole et alimentaire de la transition agroécologique.

Nous en élargissons aussi la gouvernance, exclusivement agricole à ce stade, aux ministères de la santé et de l'environnement, à la société civile, aux élus locaux, et aux citoyens.

Tout axer sur l'investissement a des effets pervers ; surcapitalisation, surendettement empêchent les transmissions. Nous réorientons le plan vers l'accompagnement des projets de territoire, les pratiques agronomiques vertueuses, la rémunération des services écosystémiques, avec des objectifs chiffrés ambitieux pour organiser la sortie des pesticides et engrais azotés, développer l'agriculture biologique - bref, donner un cadre juridique pour définir un véritable plan de transition agricole et alimentaire.

Mme Sophie Primas, rapporteur.  - L'élargissement proposé va très au-delà de ce que souhaitent les auteurs de la proposition de loi, et très au-delà du possible ! On dilue l'objectif central du plan, on exclut le Haut-Commissaire, ce qui n'est pas dans l'esprit du dispositif.

Au demeurant, l'amendement est partiellement satisfait puisque la commission a élargi le plan pour prendre en compte la problématique de l'adaptation des filières agricoles. Avis défavorable.

M. Marc Fesneau, ministre.  - Avis défavorable également. Vous prévoyez des prérogatives très larges, sur un périmètre très interministériel - et définissez la politique agricole française dans le même article ! Votre Haut-Commissaire déposséderait non seulement le ministre de l'agriculture, mais aussi ceux de l'environnement et de la santé, de leurs prérogatives.

M. Joël Labbé.  - Il s'agit d'un amendement d'appel - d'appel au secours, car nous avons besoin d'une trajectoire. On ne peut basculer du jour au lendemain, certes, mais il faut se fixer un objectif, et une trajectoire pour l'atteindre. Cet amendement vous sort de votre solitude, monsieur le ministre ! Vous pourrez travailler à égalité avec vos collègues de la santé et de l'environnement.

L'amendement n°12 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°122, présenté par Mme Primas, au nom de la commission.

Alinéa 2

Après les mots :

ministre chargé de l'agriculture,

insérer les mots :

prenant en compte les spécificités des territoires ultra-marins,

Mme Sophie Primas, rapporteur.  - Le plan quinquennal doit tenir compte des spécificités des territoires ultramarins, où 60 % des salariés travaillent dans le secteur agricole.

M. Marc Fesneau, ministre.  - En effet, la question de la souveraineté et de la sécurité alimentaires se pose dans des termes totalement différents dans ces territoires. Les défis à relever sont immenses. Cela nécessite un regard particulier et des actions spécifiques. Avis favorable.

L'amendement n°122 est adopté.

L'article 2, modifié, est adopté.

APRÈS L'ARTICLE 2

M. le président.  - Amendement n°86 rectifié, présenté par MM. Cabanel, Artano et Bilhac, Mme M. Carrère, MM. Corbisez, Fialaire, Gold et Guérini, Mmes Guillotin et Pantel et M. Requier.

Après l'article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les collectivités territoriales établissent des contrats avec les exploitants agricoles de leur territoire pour le paiement pour services environnementaux que ces exploitants génèrent par leur activité.

Ces paiements pour services environnementaux sont financés par le fonds spécial de soutien à la compétitivité des filières agricoles en difficultés prévu à l'article L. 1 du code rural et de la pêche maritime.

Les modalités d'application de ces contrats pour paiements pour services environnementaux seront fixées par décret.

M. Jean-Claude Requier.  - Henri Cabanel souhaite démocratiser le recours au PSE - déjà objet d'une proposition de loi en 2018.

L'agriculture est un maillon essentiel de la stratégie pour atteindre l'objectif de neutralité carbone en 2050. Face aux contraintes climatiques, économiques et aux attentes sociétales, il faut repenser les outils existants pour que nos politiques publiques impulsent de réelles mutations. L'agriculture souffre d'un défaut d'attractivité en raison de rémunérations insuffisantes. Pour assurer le renouvellement des générations, il faut diversifier les ressources financières de nos agriculteurs.

Sur le modèle du principe pollueur-payeur, nous proposons de démocratiser un principe de « dépollueur-bénéficiaire » en se basant sur des critères mesurables de services écosystémiques.

Mme Sophie Primas, rapporteur.  - Avis défavorable. Le principe des PSE est similaire au label bas-carbone ; les paiements peuvent être réalisés par des entreprises ou par des collectivités publiques.

Le fonds spécial envisagé est destiné à soutenir les filières en difficulté en finançant la recherche, non à financer des collectivités ou des entreprises qui veulent s'engager dans cette démarche. Avis défavorable, même si j'entends la demande d'Henri Cabanel de massifier les PSE. Nous y reviendrons.

M. Marc Fesneau, ministre.  - Retrait ou avis défavorable. Nous devons creuser cette question. Il n'est pas simple de définir ce qu'est un service environnemental. Attention à proposer une définition homogène des services environnementaux à l'échelle nationale, en matière de biodiversité, d'eau ou de stockage du carbone, et éviter les distorsions entre collectivités.

L'amendement n°86 rectifié n'est pas adopté.

ARTICLE 3

M. le président.  - Amendement n°13, présenté par MM. Salmon, Labbé, Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard et Parigi et Mmes Poncet Monge et M. Vogel.

I.- Alinéa 2

Après le mot :

compétitivité

insérer les mots :

économique et environnementale, et à la performance sociale et sanitaire 

II.  -  Alinéa 3

Remplacer les mots :

le haut-commissaire à la compétitivité des filières agricoles et agro-alimentaires mentionné à l'article L. 611-1 A

par les mots :

par le ministère chargé de l'agriculture en concertation avec les ministères chargés de l'environnement et de la santé

III.  -  Après l'alinéa 3

Insérer trois alinéas ainsi rédigés :

« Ce fonds est orienté vers des solutions de transition agroécologique, et prioritairement vers l'accompagnement à la mise en place de solutions systémiques qui permettent la sortie ou l'absence d'usage de produits phytosanitaires et engrais de synthèse, ou de systèmes respectueux du bien-être animal.

« Il est doté d'outils spécifiques et de financements dédiés pour le soutien aux filières en agriculture biologique au sens de l'article L. 641-13.

« Les montants proposés via ce fonds sont mis en oeuvre de façon à être accessibles à toutes les exploitations agricoles quelle que soit leur taille, et sont plafonnés afin de ne pas encourager la concentration ou l'agrandissement excessif des exploitations.

M. Daniel Salmon.  - Nous souhaitons réorienter le fonds prévu à l'article 3, exclusivement centré sur la compétitivité prix via l'investissement, pour intégrer les dimensions économique, sociale, environnementale et sanitaire.

Il convient de le réorienter vers la transition agroécologique des filières en difficulté et le soutien à l'agriculture biologique.

Les petites fermes sont trop souvent exclues des aides ; nous proposons de plafonner les montants d'aide afin de ne pas encourager l'agrandissement des exploitations.

Depuis cinquante ans, on poursuit ce rêve américain du toujours plus grand, toujours plus mécanisé. (M. Jean-Marc Boyer proteste.) Orientons plutôt ces fonds vers une agriculture intensive en emploi et respectueuse de l'environnement.

Mme Sophie Primas, rapporteur.  - Ce fonds est censé soutenir les filières en déficit. Il ne cible aucun type d'agriculture, ni d'exploitation : le bio, comme les petites fermes, pourront tout à fait en bénéficier.

Nous pensons, quant à nous, que chaque filière, chaque agriculteur, conventionnel ou biologique, doit pouvoir être soutenu. Retrait ou avis défavorable.

M. Marc Fesneau, ministre.  - Même avis. Pour le bio, il existe déjà des dispositifs fiscaux, des aides de la PAC. Nous avons par ailleurs besoin de renforcer la compétitivité du bio et cet article y contribue. Nous devons soutenir toutes les filières, sans exclusive, pour répondre à la variété des besoins des consommateurs. J'annoncerai demain un certain nombre de mesures sur le bio. Cette filière doit aussi être compétitive, car les gens sont sensibles au prix.

Ne caricaturons pas : en France, la surface moyenne des exploitations est de 66 hectares. Pas besoin de traverser l'Atlantique, il suffit de constater la taille des exploitations chez nos voisins. Le modèle français n'est pas un modèle industriel. Plutôt que de mettre les gens dans des cases, disons aux jeunes qui s'installent que notre agriculture est exemplaire !

Certaines exploitations sont de petite taille, car la valeur ajoutée est importante ; d'autres productions nécessitent des exploitations de grande taille, y compris en élevage extensif. Si pour vous, 66 hectares, c'est un modèle industriel et intensif, nous ne tomberons jamais d'accord ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Louis-Jean de Nicolaÿ.  - Très bien !

M. Laurent Duplomb.  - Cet article vise à créer un fonds spécial pour soutenir les petites filières, qui ont fait l'équilibre des exploitations, souvent diversifiées. C'est votre dogme, M. Salmon, qui les menace de disparition. Au début de la guerre en Ukraine, on s'offusquait de ne plus trouver de moutarde de Dijon - qui n'est pourtant pas en Ukraine ! (Sourires) Mais année après année, on a multiplié les normes pour empêcher la culture de la moutarde en Côte-d'Or. (M. Serge Babary abonde ; MM. Daniel Salmon et Joël Labbé le contestent.) Les agriculteurs ont fini par s'en détourner, et on s'est jeté dans les bras des Canadiens et des Ukrainiens. Sans toutes ces interdictions, nos agriculteurs auraient pu faire leur travail et on aurait trouvé de la moutarde de Dijon française ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et UC ; M. Daniel Chasseing applaudit également.)

M. Bernard Fournier.  - La moutarde lui monte au nez !

M. Daniel Salmon.  - Regardons les trajectoires. Les 66 hectares sont une moyenne. Depuis des décennies, la taille des exploitations est en hausse.

M. Olivier Rietmann..  - Et alors, où est le problème ?

M. Daniel Salmon.  - Le bio est compétitif dès lors qu'on fait payer à l'agriculture conventionnelle les externalités négatives, les problèmes sanitaires et d'eau, et non à la collectivité. Il y a une relativité de la compétitivité. Il ne faut pas toujours faire peser le coût sur le contribuable.

M. Vincent Segouin.  - Rien compris ! (Sourires)

M. Joël Labbé.  - En 2014, nous avions demandé au ministre Le Foll une étude pour évaluer les externalités négatives. La réhabilitation de la qualité de l'eau polluée par les pesticides et les nitrates coûte 1,5 milliard d'euros par an.

Une fois que nous aurons les chiffres, nous constaterons que les produits bio seront non seulement à égalité, mais moins chers que les produits conventionnels. (M. Laurent Duplomb s'exclame.)

M. Vincent Segouin.  - Ce n'est pas possible !

M. Olivier Rietmann.  - Aucune crédibilité !

L'amendement n°13 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°104, présenté par MM. Labbé, Salmon, Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme de Marco, M. Parigi et Mmes Poncet Monge et M. Vogel.

I.  -  Après l'alinéa 2

Insérer un alinéa ainsi rédigé : 

« À cette fin, ce fonds permet la mise en place d'une prise en charge des pertes liées à la destruction ou à la dévaluation de cultures consécutives à la détection de résidus de produits phytosanitaires sur ces cultures, lorsqu'une indemnisation par l'assurance responsabilité civile ne peut pas être sollicitée, faute de responsable identifiable.

II.  -  Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

....  -  La perte de recettes résultant pour l'État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

M. Joël Labbé.  - Chaque année, des milliers de tonnes de produits agricoles sont sacrifiés en raison de contaminations phytosanitaires dues à l'épandage d'un pesticide sur une exploitation voisine, sans indemnisation du producteur. Certains produits phytosanitaires, comme l'herbicide prosulfocarbe, ont une volatilité sur des kilomètres : impossible d'identifier le responsable.

Les agriculteurs bio sont laissés sans solution. La filière sarrasin bio est particulièrement pénalisée, mais aussi la filière cidricole.

Cet amendement propose un système d'indemnisation en cas de contamination par un produit phytosanitaire dont le responsable ne peut être identifié.

Mme Sophie Primas, rapporteur.  - Cela relève de la politique d'indemnisation des assureurs et du dialogue entre agriculteurs. La vocation de ce fonds est de soutenir les filières, notamment sur la recherche. Retrait ou avis défavorable.

M. Marc Fesneau, ministre.  - Même avis, pour les mêmes motifs.

Un certain nombre de dispositifs soutiennent la compétitivité des filières, notamment pour les fruits et légumes. Vous soulevez un vrai sujet, mais qui relève plutôt du système assurantiel, des pratiques entre agriculteurs et de la loi de finances.

M. Joël Labbé.  - Les producteurs se sont tournés en vain vers les assureurs. Interdisons donc cet herbicide extrêmement volatil ! Monsieur le ministre, demandez à l'Anses de revoir son autorisation de mise sur le marché.

L'amendement n°104 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°29 rectifié, présenté par Mme Préville et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Alinéa 3

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Il veille à ce que la proportion de bénéficiaires de chaque sexe ne soit pas inférieure à 30 %.

Mme Martine Filleul.  - Cet amendement fixe au fonds spécial un objectif de parité. En effet, de nombreuses agricultrices peinent à obtenir un crédit bancaire. Les femmes, qui représentent pourtant 30 % des actifs agricoles, sont les grandes oubliées : alors qu'elles sont plus diplômées et plus âgées que les hommes, leur revenu est inférieur d'un tiers, leur retraite atteint péniblement 750 euros par mois.

Les politiques sectorielles renforcent parfois ces inégalités de genre. La faible disponibilité de données genrées est d'ailleurs un frein à la lutte contre les inégalités.

À l'instar des dispositifs existant dans d'autres secteurs, il convient d'instaurer une proportion minimale de bénéficiaires féminins.

Mme Sophie Primas, rapporteur.  - Je comprends l'objectif, mais le fonds de soutien aide avant tout des filières, en finançant des instituts techniques ou des projets.

Difficile, pour ne pas dire impossible, de faire la liste des potentiels bénéficiaires d'une mesure de soutien à la recherche de solutions contre la drosophila suzukii, parasite de la cerise, pour s'assurer de la juste représentation des femmes...

Retrait ou avis défavorable, en conséquence.

M. Marc Fesneau, ministre.  - Même avis. Vous soulevez en réalité deux sujets : celui de la féminisation de la profession agricole, et celui de la compétitivité, qui n'est pas une question de genre mais de filière.

Je partage en revanche votre sentiment : il faut, notamment par des mesures de portage du foncier ou des capitaux, favoriser l'accès des femmes au statut d'exploitant agricole. Mais votre amendement ne le permet pas.

L'enseignement agricole est aujourd'hui majoritairement féminin : à terme, la féminisation fera son oeuvre, mais nous devons la favoriser.

M. Daniel Gremillet.  - Je suis choqué. Pouvez-vous citer un autre pays européen où une femme est devenue agricultrice, au même titre que son mari ? Seule la France l'a fait, en permettant un groupement agricole d'exploitation en commun (Gaec) entre époux.

L'examen d'un dossier porte sur le projet d'installation ou d'investissement, pas sur le sexe de la personne. Avec de tels propos, on dissuade des femmes de se lancer dans la profession ! Personne n'a jamais été discriminé en raison de son sexe, c'est toujours le projet qui est évalué. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC ; M. Daniel Chasseing applaudit également.)

Mme Marie-Claude Varaillas.  - Je me permets de vous répondre. Les huit rapporteures de la délégation aux droits des femmes ont auditionné nombre d'agricultrices pour leur rapport sur la situation des femmes dans la ruralité. C'est un fait récurrent : les agricultrices ont du mal à obtenir des prêts. (M. Vincent Segouin le conteste ; protestations sur les travées du groupe Les Républicains ; Mmes Martine Filleul et Émilienne Poumirol applaudissent.)

M. Jean-Marc Boyer.  - Ce débat est surprenant : on stigmatise les femmes à travers la profession agricole. Dans l'enseignement agricole, j'ai vu de nombreuses élèves s'installer ; elles étaient souvent issues de familles d'agriculteurs, et avaient un projet. Les aides sont distribuées non en fonction du sexe mais de la solidité du projet.

Aujourd'hui, seuls 15 ou 20 % des élèves en lycée agricole ont des parents agriculteurs et un projet de transmission. Sans les moyens financiers d'assurer le fonctionnement d'une exploitation, c'est difficile. Les aides ne sont pas accordées en fonction du sexe de la personne, mais bien du projet ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Vincent Segouin.  - Bravo !

L'amendement n°29 rectifié n'est pas adopté.

L'article 3 est adopté.

APRÈS L'ARTICLE 3

M. le président.  - Amendement n°30 rectifié, présenté par M. Montaugé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Après l'article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans un délai de dix mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport proposant une définition législative des zones intermédiaires à faible potentiel agronomique. Sur la base du rapport du Conseil général de l'alimentation, l'agriculture et des espaces ruraux n° 18065 de 2019 éventuellement actualisé, le rapport précisera les enjeux, externalités et bénéfices d'une telle définition pour les territoires concernés, et dressera les conséquences potentielles d'un dispositif d'accompagnement financier et en ingénierie pour les agriculteurs de zones intermédiaires.

M. Franck Montaugé.  - Cet amendement demande un rapport sur les zones à faible potentiel agronomique et soumises à des aléas climatiques, dites zones intermédiaires, comme les zones de piémont.

Le modèle actuel est à bout de souffle. Entre 1998 et 2010, le nombre d'exploitations a été divisé par 2 ; elles n'ont cessé de s'agrandir et de se spécialiser en grande culture. Le nombre de vaches laitières a été divisé par 5, celui de vaches allaitantes, par 2,5.

Il y a un problème structurel de rentabilité. La forte dépendance de ces monocultures aux marchés mondiaux les rend très sensibles aux aléas et dépendantes aux aides de la PAC.

Il faut un soutien ciblé. Des mesures agro-environnementales et climatiques (Maec) spécifiques sont une première réponse. Une définition des zones intermédiaires pourrait être proposée, pour rétablir l'équité entre les terroirs français.

Mme Sophie Primas, rapporteur.  - Je connais votre engagement pour ces zones intermédiaires, mais, vous le savez, nous n'aimons guère les rapports. Ce problème est déjà très documenté, notamment dans un rapport du Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux (CGAEER) de 2019 et dans le programme stratégique national français, qui fait 975 pages. Un rapport ne suffira pas à régler les problèmes évoqués. Avis défavorable.

M. Marc Fesneau, ministre.  - Le sujet est important, et des dispositifs sont en cours d'élaboration. Vous proposez de donner une base législative à un zonage - bon courage pour définir dans la loi ce qu'est une zone intermédiaire ! Ne tombons pas dans le mal français de la rigidification. Le Gers n'est pas le Berry. Regardons territoire par territoire. Les Maec peuvent en effet être une première réponse.

Sur quel modèle cette petite agriculture peut-elle fonctionner dans ces zones intermédiaires, au-delà des zonages ? La contrainte climatique évolue, et il faut engager les agriculteurs dans la transition. La réponse a pu être l'agrandissement jadis, ce ne l'est parfois plus aujourd'hui. Il faut trouver un point d'équilibre. M. Salmon, vous voyez que je ne suis pas caricatural... Retrait ou avis défavorable.

M. Franck Montaugé.  - Affirmer des intentions, c'est bien, mais lors de la discussion du plan stratégique national de la PAC, la question n'a pas été abordée. Nous sommes tous d'accord sur la transition que vous appelez de vos voeux, mais nous allons encore perdre des années pour ces zones. Les Maec apportent certes des réponses, mais elles ne sont pas à la hauteur des enjeux. Il faut une action rapide et efficace.

L'amendement n°30 rectifié n'est pas adopté.

ARTICLE 4

M. le président.  - Amendement n°105, présenté par MM. Labbé, Salmon, Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme de Marco, M. Parigi et Mmes Poncet Monge et M. Vogel.

I.  -  Alinéas 4, 6, 8, 9, 13, 15 et 18

Remplacer toutes les occurrences du mot :

Agri

par le mot : 

Agroécologie

II.  -  Alinéa 7 

Remplacer les mots : 

Agri, au financement des investissements matériels et immatériels des structures agricoles et agro-alimentaires, notamment pour l'amélioration de leur compétitivité, leur mécanisation, la réduction de leur empreinte climatique et l'atténuation des conséquences du changement climatique. Elles sont également employées dans le soutien à l'accès au foncier agricole des jeunes agriculteurs.

par les mots : 

Agroécologie, au soutien à l'installation agricole en agriculture biologique au sens de l'article L. 641-13 du code rural et de la pêche maritime, ou dans un système agroécologique, défini selon des critères précisés par décret.

III.  -  Alinéa 10

Supprimer cet alinéa.

IV.  -  Alinéa 17 

Remplacer les mots : 

Agri ainsi que la liste des investissements dans le secteur agricole et agroalimentaire 

par les mots : 

Agroécologie ainsi que le cahier des charges encadrant les projets d'installations en agriculture biologique ou en agroécologie

M. Joël Labbé.  - Utiliser l'épargne pour soutenir l'agriculture est une bonne idée, mais le livret Agri ne nous convient pas. Entre France Relance, France 2030 et le plan de compétitivité et d'adaptation des exploitations agricoles (PCAE), les subventions sont déjà trop importantes. L'incitation à l'investissement freine l'installation de nouveaux agriculteurs, conduit au surendettement et à l'agrandissement excessif des exploitations, à rebours de la prise en compte des enjeux sociaux et environnementaux et des attentes de nos concitoyens.

Nous ciblons le dispositif, nous rebaptisons le livret « agroécologie », pour financer exclusivement des installations en bio ou en agroécologie.

M. le président.  - Amendement n°31 rectifié, présenté par M. Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Alinéa 7

Après les mots :

structures agricoles et agro-alimentaires

insérer les mots :

dont la production bénéficie de signes ou mentions prévus à l'article L. 640-2 du code rural et de la pêche maritime ou est issue de l'agriculture biologique au sens du règlement (CE) n° 834/2007 du Conseil du 28 juin 2007 relatif à la production biologique et à l'étiquetage des produits biologiques et abrogeant le règlement (CEE) n° 2092/91,

M. Christian Redon-Sarrazy.  - La création du livret Agri n'est pas une nouveauté : en 2015 et 2016, le Sénat avait adopté un livret vert, mais cette proposition avait in fine été rejetée.

En 2015, Antoine Hertz, député UMP, s'interrogeait sur l'opportunité d'une telle mesure, et soulignait que l'épargne des Français n'était pas extensible.

Dans un esprit constructif, nous proposons que les ressources collectées par les établissements en distribuant le livret Agri soient employées au financement des structures agricoles et agroalimentaires sous signe de qualité ou en agriculture biologique.

Ce livret devra accompagner la transition vers l'agroécologie et le soutien aux productions de qualité, bénéficiant d'un signe ou d'une mention reconnue.

M. le président.  - Amendement n°58, présenté par M. Gay et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Alinéa 7

Supprimer les mots :

l'amélioration de leur compétitivité, leur mécanisation,

Mme Marie-Claude Varaillas.  - Le livret Agri vise à orienter l'épargne populaire vers l'agriculture, pour en améliorer la compétitivité, voire la mécanisation. Nous voulons, nous, favoriser une agriculture durable face à l'urgence climatique. L'agriculture ne manque pas de financements, mais souffre plutôt d'un surendettement qui fragilise les agriculteurs, parfois dû à un suréquipement. L'aide à l'installation est une bonne chose, mais le vrai problème reste celui du renchérissement du prix du foncier. Il faut un encadrement pour lutter contre la pression d'investisseurs qui n'ont souvent rien à voir avec l'agriculture.

Le réseau Solidarité Paysans souligne que tout pousse à investir, pour payer moins d'impôts et de cotisations sociales. Or le surinvestissement peut rendre une exploitation vulnérable et freiner sa transmission.

Mme Sophie Primas, rapporteur.  - Je rends hommage à la proposition de loi Lenoir, à l'origine de cette idée d'un livret agricole pour créer un lien entre les Français et l'agriculture.

Ces amendements veulent réorienter les fonds vers le financement de l'agriculture bio et de l'agroécologie ou des exploitations sous signe de qualité, en contradiction avec l'objectif de ne pas opposer les agricultures les unes aux autres.

Nous avons rendu éligibles les investissements immatériels, trop souvent ignorés, qui permettent justement d'éviter l'excès de mécanisation en faveur de l'agriculture de précision, et nous avons inclus l'accès au foncier des jeunes agriculteurs.

Enfin, l'amendement de Mme Varaillas fait disparaître le mot de compétitivité, ce qui serait incongru. Avis défavorable aux trois amendements.

M. Marc Fesneau, ministre.  - L'article 4 est intéressant, même s'il reste du travail. Il permet de flécher l'épargne des Français vers l'agriculture pour améliorer sa compétitivité, et de mieux connecter la société avec son agriculture.

Le débat se poursuivra lors de la loi d'orientation.

Ces trois amendements ne sont pas de même nature, preuve que les contours de cette mesure doivent être affinés. Comment engager la transition, s'en donner les moyens ? Les rédactions proposées ne correspondent pas à l'objectif de compétitivité. Quels dispositifs fiscaux améliorent la transition ? Il faut améliorer le portage de capitaux, pour favoriser le renouvellement des générations en particulier.

Avis défavorable donc, mais il faut travailler sur ces sujets pour orienter ces fonds vers la transition.

M. Laurent Duplomb.  - L'article a vocation à être très large. Son premier sens était de recomposer le lien entre les Français et leur agriculture, qui n'aurait jamais dû être perdu. Le modèle français n'est pas le même partout.

En Italie, on compte 57 millions d'ambassadeurs de l'agriculture italienne ; en France, 30 millions de procureurs de l'agriculture française.

Le message du groupe CRCE est d'arrière-garde. Pensez-vous que les agriculteurs changent de tracteurs simplement pour défiscaliser ? Les choses ont changé ! Il y a dix ans, pour changer trois tracteurs, il fallait 80 000 euros de soulte ; aujourd'hui, 240 000 ! Demain ne faudrait-il pas remettre en place des prêts bonifiés, surtout lorsque le Livret A est à 4 % ? Une exploitation est un patrimoine à transmettre.

M. Daniel Salmon.  - Nous assumons nos préférences. Certains modèles sont plus vertueux que d'autres et s'inscrivent dans une véritable transition qui amènera de la résilience. Une politique publique sert à orienter l'agriculture.

Sur la moutarde - il a fallu le temps qu'elle me monte au nez... -, vous nous parlez, monsieur Duplomb, d'un modèle ouvert, libéral. Pour être compétitifs face à l'Ukraine, il faudrait moins de normes environnementales et baisser les coûts salariaux ? Nous, nous voulons des clauses miroirs qui protègent notre agriculture, notre environnement et notre santé, pour préserver un monde habitable.

M. Daniel Breuiller.  - Puisque l'enjeu est de créer un lien entre la société et les agriculteurs, prenons exemple sur le livret de développement durable (LDD), qui n'a de développement durable que le nom. Il serait sage que le livret agricole soutienne la transition écologique et un nouveau modèle agricole. Il faut de la clarté. Nombre de nos concitoyens souhaitent participer activement à la transition agroécologique : permettons-le !

Mme Sophie Primas, rapporteur.  - Pendant nos auditions, j'ai rencontré les dirigeants de la Ferme digitale. Via une plateforme en ligne de collecte de fonds, ils financent directement des projets agricoles très divers. Nous souhaitons soutenir en toute neutralité les projets d'installation, avec une éligibilité très large. Nous assumons notre différence idéologique, monsieur Salmon.

M. Marc Fesneau, ministre.  - On manque d'éleveurs en ovins, pas d'éleveurs en ovins bio ; vous ne pouvez pas regretter que nous importions, et ne vouloir que du bio ! Nous avons besoin de reconquérir 60 % de la filière fruits et légumes, mais, faute de coercition, nous n'arriverons à rien si nous faisons fi des besoins des consommateurs français. Nous avons besoin de toutes les filières.

Monsieur Salmon, vous voulez que les Français ne consomment plus de moutarde ! (M. Daniel Salmon proteste.)

M. Laurent Duplomb.  - Exactement !

M. Marc Fesneau, ministre.  - Nous ne savons pas produire de moutarde en France - ce n'est même plus une question de compétitivité. Il faut y remédier : je ne me résous pas à ce que les Français n'aient plus de moutarde française, mais pas non plus à ce qu'ils n'aient plus de moutarde du tout.

M. Joël Labbé.  - Ces trois amendements vont dans le sens de la transition. L'agriculture repose sur des subventions et des financements, la Cour des comptes le dit.

Avant votre prochaine loi, une consultation populaire pourrait être menée pour demander si nos concitoyens souhaitent un Livret A ou un livret Agroécologie.

M. Franck Montaugé.  - Je vous invite à goûter la moutarde d'Entras, dans l'Armagnac. J'ai du mal à entendre que nous n'avons plus de savoir-faire français en matière de moutarde ! (Mme Anne-Catherine Loisier renchérit.)

M. Laurent Duplomb.  - Ce n'est pas une question de savoir-faire.

L'amendement n°105 n'est pas adopté, non plus que les amendements nos31 rectifié et 58.

M. le président.  - Amendement n°123, présenté par Mme Primas, au nom de la commission.

Alinéa 4

Remplacer la seconde occurrence de la référence :

L. 221-28

par la référence :

L. 221-27

L'amendement rédactionnel n°123, accepté par le Gouvernement, est adopté.

L'article 4, modifié, est adopté.

ARTICLE 5

M. Jean-Claude Tissot .  - L'article 5 nous amène, au travers d'un crédit d'impôt, à la question de la mécanisation de l'agriculture. Nous ne sommes pas favorables à la création d'un nouveau crédit d'impôt, mais le plafond ajouté par la commission l'a rendu plus raisonnable - raison pour laquelle nous ne proposons pas sa suppression.

Selon un rapport du Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) de 2021, les charges de mécanisation des entreprises agricoles représentent 30 à 50 % des charges totales. Le pouvoir de négociation des agriculteurs est faible face à un marché en constante augmentation.

Les agriculteurs ont besoin de machines agricoles, mais ces achats doivent être raisonnés. Pour ce faire, les agriculteurs ont davantage besoin de conseils que d'un crédit d'impôt qui servira d'argument aux vendeurs. Gare à la surmécanisation.

M. le président.  - Amendement n°59, présenté par M. Gay et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Supprimer cet article.

Mme Michelle Gréaume.  - De nombreuses exploitations doivent faire face à la transformation de leur système de production, mais la recherche de l'optimisation fiscale peut induire chez les agriculteurs des décisions qui n'impliquent pas nécessairement une réflexion stratégique d'équipement. Ce constat du CGAAER est partagé par la Cour des comptes. Nous demandons la suppression de cet article, qui nuit aux retraites des agriculteurs, car il a pour effet de diminuer le résultat comptable qui constitue l'assiette des cotisations.

Il est contradictoire avec les dispositifs visant à pallier le coût croissant des équipements, comme les pratiques de mise en commun des équipements par les exploitants - coopératives d'utilisation de matériel agricole (Cuma), achats groupés ou recours aux entreprises de travaux agricoles.

Mme Sophie Primas, rapporteur.  - Je comprends vos arguments. Mais rassurez-vous : l'article 5 ne permet pas d'acheter un tracteur à 300 000 euros, le crédit d'impôt étant plafonné à 20 000 euros, pour une durée de trois ans ; nous avons bien maintenu un crédit d'impôt, afin qu'il puisse profiter aux exploitations ayant des résultats modestes.

Par ailleurs, ce crédit d'impôt permet des investissements immatériels, qui contribuent aussi à la transition. Avis défavorable.

M. Marc Fesneau, ministre.  - Avis favorable à la suppression de ce crédit d'impôt. Il est paradoxal que chacun se plaigne des niches fiscales, mais qu'on propose d'en créer des nouvelles... Mais nous devrons reparler de la fiscalité agricole.

J'ai entendu critiquer la mécanisation ou la robotique : il n'y a pas d'autre chemin que celui-là, qu'empruntent tous les pays agricoles. Personne ne veut revenir à l'agriculture non mécanisée.

Il faut éviter les surinvestissements et orienter les agriculteurs vers des investissements de transition ; il faut aussi encourager le collectif, sans imposer de modèle. Mais cet outil fiscal pourrait faire doublon avec la déduction pour épargne de précaution ou d'autres aides à l'investissement. Par cohérence, je serai défavorable à tous les autres amendements sur cet article.

L'amendement n°59 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°106, présenté par MM. Labbé, Salmon, Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme de Marco, M. Parigi et Mmes Poncet Monge et M. Vogel.

I.  -  Alinéas 2 à 5

Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :

« Art. 39 decies-0 A.  -  Les cotisations versées par les entreprises exerçant une activité agricole aux organismes nationaux à vocation agricole au sens des articles L. 820-2 et L. 820-3 du code rural et de la pêche maritime ouvrent droit à un crédit d'impôt d'une somme égale à 66 % du montant de la cotisation. »

II.  -  Alinéa 6

1° Remplacer la référence :

II

par la référence :

Art. 39 decies-0 B

2° Remplacer les mots : 

et des coopératives régies par les 2°, 3° et 3° bis du 1 de l'article 207 du présent code peuvent bénéficier du crédit d'impôt prévu au I du présent article

par les mots :

peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt d'une somme égale à 20 % de la valeur d'origine des biens d'équipement hors frais financiers, lorsque ces biens, peuvent faire l'objet d'un amortissement selon le système prévu à l'article 39 A

III.  -  Alinéa 7 à 9

Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :

« Chaque associé coopérateur peut déduire une quote-part de la déduction ainsi déterminée, égale à la proportion de l'utilisation qu'il fait du bien, dans le cas des coopératives d'utilisation de matériel agricole. »

IV.  -  Alinéa 12

Supprimer les mots :

les coopératives régies par les 2°, 3° et 3° bis du 1 de l'article 207 et

V.  -  Après l'alinéa 12

Insérer un alinéa ainsi rédigé : 

« Le présent crédit d'impôt est plafonné à 10 000 euros. Il est limité à des équipements permettant la mise en place d'alternatives à l'usage de produits phytosanitaires ou d'engrais azotés. »

VI.  -  Pour compenser la perte de recettes résultant des I à V, compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :

....  -  Le présent article ne s'applique qu'aux sommes venant en déduction de l'impôt dû.

....  -  La perte de recettes résultant pour l'État du paragraphe précédent est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

M. Joël Labbé.  - J'ai déjà indiqué nos réserves quant au soutien massif aux investissements. Ces derniers peuvent être nécessaires, notamment s'ils favorisent les alternatives aux engrais chimiques et aux pesticides, ou encore l'ergonomie. Mais ils encouragent l'agrandissement des exploitations et la perte d'autonomie des agriculteurs. Nous proposons donc de réserver ce crédit d'impôt aux coopératives d'utilisation de matériel agricole (Cuma) et aux alternatives aux engrais de synthèse.

En outre, il crée un nouveau crédit d'impôt permettant aux exploitations agricoles une déduction de 66 % sur leur adhésion à un Onvar (organisme national à vocation agricole et rurale).

M. le président.  - Amendement n°19 rectifié ter, présenté par MM. Canévet, Mizzon, Cadic, Levi et Henno, Mme N. Goulet, M. Le Nay, Mmes Havet, Billon, Herzog et Jacquemet, MM. Duffourg et Détraigne, Mme Perrot, M. Chauvet et Mme Doineau.

I. - Alinéa 2

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Art. 39 decies-0 A.  -  I.  -  Les entreprises exerçant une activité agricole, dont celles de travaux agricoles telles que définies au premier alinéa de l'article 722-2 du code rural et de la pêche maritime et celles de travaux forestiers telles que définies à l'article 722-3 du même code, ou agroalimentaire, et les sociétés coopératives agricoles des secteurs les plus intensifs en main-d'oeuvre peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt d'une somme égale à 40 % de la valeur d'origine des biens hors frais financiers, affectés à leur activité et qu'elles acquièrent ou fabriquent à compter du 1er avril 2023 et jusqu'au 1er avril 2026 lorsque ces biens peuvent faire l'objet d'un amortissement selon le système prévu à l'article 39 A du présent code et qu'ils ont pour finalité la réduction ou la participation à la réduction de leurs coûts de production, l'amélioration de leur compétitivité-prix ou l'adaptation au changement climatique.

II.  -  Compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :

....  -  Le présent article ne s'applique qu'aux sommes venant en déduction de l'impôt dû.

....  -  La perte de recettes résultant pour l'État du paragraphe précédent est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

Mme Élisabeth Doineau.  - Défendu.

M. le président.  - Amendement identique n°54 rectifié ter, présenté par Mme Loisier, MM. Bacci et Chasseing, Mmes Guidez et de La Provôté, MM. Hingray et Bonneau, Mme Gacquerre, MM. Savary et Bonnecarrère, Mme Sollogoub, MM. Cigolotti et Folliot, Mmes Lassarade et Saint-Pé et M. Gremillet.

Mme Anne-Catherine Loisier.  - Monsieur le ministre, les crédits d'impôts sont des outils pour booster une politique publique. Face aux enjeux évoqués, la mécanisation est un outil majeur au service des agriculteurs. Ouvrons le crédit d'impôt aux entreprises de travaux ruraux et forestiers, qui oeuvrent pour entretenir les espaces et mettent en oeuvre les obligations légales de débroussaillement (OLD).

M. le président.  - Amendement n°90, présenté par MM. Montaugé, Pla, Mérillou, Bouad et Michau et Mme Poumirol.

I.  -  Alinéa 2

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Art. 39 decies-0 A.  -  I.  -  Les entreprises exerçant une activité agricole, dont celles de travaux agricoles telles que définies au premier alinéa de l'article L. 722-2 du code rural et de la pêche maritime et celles de travaux forestiers telles que définies à l'article L. 722-3 du même code ou agroalimentaire, et les sociétés coopératives agricoles des secteurs les plus intensifs en main-d'oeuvre peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt d'une somme égale à 40 % de la valeur d'origine des biens hors frais financiers, et dans la limite de 20 000 euros, affectés à leur activité et qu'elles acquièrent ou fabriquent à compter du 1er avril 2023 et jusqu'au 1er avril 2026 lorsque ces biens, qui peuvent être de nature matérielle ou immatérielle, peuvent faire l'objet d'un amortissement selon le système prévu à l'article 39 A du présent code et qu'ils ont pour finalité la réduction ou la participation à la réduction de leurs coûts de production, l'amélioration de leur compétitivité-prix ou l'adaptation au changement climatique.

II.  -  Compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :

....  -  Le présent article ne s'applique qu'aux sommes venant en déduction de l'impôt dû.

....  -  La perte de recettes résultant pour l'État du paragraphe précédent est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

M. Franck Montaugé.  - Cet amendement vise à ouvrir ce crédit d'impôt aux entreprises de travaux agricoles et aux biens immatériels.

M. le président.  - Amendement n°7 rectifié, présenté par MM. Duplomb et J.M. Boyer, Mme Férat, M. D. Laurent, Mmes Puissat et Gruny, M. Rietmann, Mme N. Delattre, M. Menonville, Mme Belrhiti, MM. Paccaud, Hugonet et Henno, Mme Loisier, M. Bascher, Mme Berthet, M. Bacci, Mme Demas, M. Burgoa, Mme Thomas, M. Savary, Mme Schalck, M. Decool, Mme Lassarade, MM. Pellevat, Chauvet, Chasseing, Canévet, B. Fournier et Bouchet, Mmes Ventalon, M. Mercier et Drexler, MM. Daubresse, Verzelen, Pointereau, C. Vial et Détraigne, Mme Pluchet, M. Sautarel, Mmes Billon, Garriaud-Maylam et Joseph, M. Duffourg, Mmes Lopez, Malet et Bellurot, MM. Somon et J.P. Vogel, Mme Dumas, M. Charon, Mme Dumont, MM. Lefèvre, Genet et Chatillon et Mme Imbert.

I. - Alinéa 2

Remplacer les mots :

Dans les secteurs les plus intensifs en main d'oeuvre, les

par le mot :

Les

II.  -  Compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :

....  -  Le présent article ne s'applique qu'aux sommes venant en déduction de l'impôt dû.

....  -  La perte de recettes résultant pour l'État du paragraphe précédent est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

M. Laurent Duplomb.  - Cet amendement élargit le crédit d'impôt à tous les secteurs agricoles.

M. le président.  - Amendement n°32 rectifié, présenté par M. Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Alinéa 2

Remplacer le montant :

20 000

par le montant :

10 000

M. Jean-Claude Tissot.  - Encadrons davantage l'article 5, qui ouvrait initialement très largement les vannes... La course au suréquipement conduit souvent au surendettement des agriculteurs. Conscient que cet article allait trop loin, Mme le rapporteur a plafonné le montant du crédit d'impôt. Nous proposons d'aller plus loin en portant ce plafond de 20 000 à 10 000 euros.

M. le président.  - Amendement n°124 rectifié, présenté par Mme Primas, au nom de la commission.

Alinéa 2

Remplacer la date :

1er avril 2023

par la date :

1er juin 2023

et la date :

1er avril 2026

par la date :

1er juin 2026

Mme Sophie Primas, rapporteur.  - Amendement rédactionnel.

L'amendement n°106 métamorphose le crédit d'impôt, qui a déjà pour objet d'accompagner les petites et moyennes structures. La question de la surmécanisation a déjà été traitée en commission. L'investissement dans des filets paragrêle coûte à peu près 15 000 euros l'hectare ; voilà un investissement qui pourrait bénéficier de ce crédit d'impôt. Vous mentionnez les Cuma, mais elles sont déjà intégrées à l'article 5. Avis défavorable.

Les amendements nos19 rectifié ter, 54 rectifié ter et 90 étendent le bénéfice du crédit d'impôt aux entreprises de travaux agricoles ou forestiers ; mais l'enjeu pour ces dernières est plutôt la disponibilité de la main-d'oeuvre. Nous proposons donc plutôt de leur ouvrir le TO-DE. Retrait ou avis défavorable.

Même avis pour l'amendement n°7 rectifié : le dispositif doit s'adresser aux secteurs les plus intensifs en main-d'oeuvre, à savoir les maraîchers ou arboriculteurs. La bonne gestion des deniers publics justifie également cet avis défavorable. (M. Laurent Duplomb s'en émeut.)

Enfin, il me semble que le plafond de 20 000 euros est raisonnable. Avis défavorable à l'amendement n°32 rectifié également.

M. Marc Fesneau, ministre.  - Certains dispositifs de France Relance ou France 2030 couvrent déjà certains besoins. Il ne faut pas multiplier les guichets. Les sujets forestiers méritent également notre attention, mais doivent être traités à part.

Mme Anne-Catherine Loisier.  - Je maintiens mon amendement. Ces entreprises polyvalentes émargent au guichet agricole. Le manque de main-d'oeuvre est dû à une pénibilité qui pourrait être réduite par l'investissement.

L'amendement n°106 n'est pas adopté, non plus que les amendements identiques nos19 rectifié ter et 54 rectifié ter, non plus que les amendements nos90, 7 rectifié et 32 rectifié.

L'amendement n°124 est adopté.

L'article 5, modifié, est adopté.

La séance est suspendue à 20 heures.

Présidence de Mme Pascale Gruny, vice-président

La séance reprend à 21 h 30.

ARTICLE 6

Mme le président.  - Amendement n°33 rectifié, présenté par M. Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Supprimer cet article.

M. Jean-Claude Tissot.  - Augmenter les plafonds applicables à la déduction pour épargne de précaution (DEP) bénéficierait avant tout aux exploitants en mesure d'épargner fortement. Or la priorité doit être de soutenir les agriculteurs les plus en difficulté. Gardons aussi à l'esprit le coût de ces allègements pour les finances publiques. Nous sommes pour le maintien du dispositif actuel.

Mme le président.  - Amendement identique n°94, présenté par MM. Salmon, Labbé, Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard et Parigi et Mmes Poncet Monge et M. Vogel.

M. Daniel Salmon.  - Nous dénonçons à nouveau l'iniquité de ce système, qui ne bénéficie qu'à un nombre réduit d'agriculteurs. Il permet en outre de diminuer l'impôt sur le revenu : c'est surtout un outil d'optimisation pour les exploitations les plus profitables. Le relèvement des plafonds entraînerait un appauvrissement supplémentaire de la protection sociale des agriculteurs, avec des conséquences sur leurs retraites déjà faibles. L'effort doit porter sur ceux qui peinent à vivre décemment de leur activité !

Mme Sophie Primas, rapporteur.  - L'épargne de précaution est un outil essentiel de gestion pluriannuelle des aléas climatiques. Les agriculteurs ne s'y trompent pas : ils sont de plus en plus nombreux à s'emparer de ce dispositif. Selon les chiffres communiqués par la principale banque du monde agricole, 53 300 comptes étaient ouverts en 2022, trois ans seulement après la naissance du dispositif : j'aimerais bien qu'il y ait autant d'agriculteurs très aisés, mais je ne le crois pas... En outre, les plafonds n'ont pas été révisés depuis 2019, alors que l'inflation est passée par là. Au reste, la commission a modéré la hausse initialement prévue pour trouver un juste équilibre. Avis défavorable, donc.

M. Marc Fesneau, ministre.  - Il est essentiel de renforcer la résilience des agriculteurs face aux aléas climatiques. C'est pourquoi nous sommes très attachés à ce dispositif. Mais nous pensons que, dans sa forme actuelle, il est bien calibré. Avis favorable aux amendements.

Les amendements identiques nos33 rectifié et 94 ne sont pas adoptés.

L'article 6 est adopté.

ARTICLE 7

Mme le président.  - Amendement n°34 rectifié, présenté par M. Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Supprimer cet article.

M. Christian Redon-Sarrazy.  - Nous ne sommes pas favorables à la multiplication des allègements fiscaux sans études préalables. Supprimons cette création expérimentale d'une DEP supplémentaire en cas de contractualisation entre les filières animales et végétales.

Mme Sophie Primas, rapporteur.  - L'expérimentation de trois ans d'une DEP supplémentaire en cas de contractualisation répond à une demande de la profession, notamment des filières animales, qui subissent la hausse des prix des céréales. Une contractualisation entre ces filières permettrait aux éleveurs de bénéficier de prix convenus à l'avance et d'une visibilité sur plusieurs années, sans qu'aucune partie ne soit lésée. Avis défavorable.

M. Marc Fesneau, ministre.  - Avis favorable. (M. Laurent Duplomb s'en émeut.) L'article 7 est intéressant, car il invite à la contractualisation entre filières animales et végétales : sur le fond, on peut y travailler. Mais le dispositif proposé pourrait baisser les prix du contrat et constituer une distorsion de concurrence contraire aux règles de l'OMC et de l'Union européenne. Par ailleurs, le cadre d'Égalim prévoit une pluriannualité, à laquelle les filières d'élevage ont voulu s'opposer. Enfin, cet article aurait plutôt sa place dans un projet de loi de finances.

L'amendement n°34 rectifié n'est pas adopté.

L'article 7 est adopté.

ARTICLE 8

M. Jean-Claude Tissot .  - Cet article réautorise l'épandage aérien de produits phytosanitaires.

La France serait l'un des pays les plus stricts en matière d'usage de produits phytosanitaires ? Face à ce discours, rétablissons quelques vérités.

En réalité, nous sommes, avec l'Allemagne, le pays où la hausse de l'utilisation de ces produits a été la plus forte entre 2011 et 2020, d'après l'Atlas des pesticides. Nous sommes le troisième pays au monde pour le nombre de substances actives autorisées - 291 -, et 34 % de l'eau distribuée n'est pas conforme aux réglementations, en raison notamment d'une contamination par les métabolites du chlorothalonil.

Nous pourrions également revenir, monsieur le ministre, sur l'interdiction de l'herbicide S-métolachlore, alors même qu'on ne cesse de prouver que des dérivés de ce pesticide sont présents dans les nappes souterraines. Le poids de ce lobby industriel sur la décision publique est important.

Nous nous opposerons avec conviction à cet article.

Mme Patricia Schillinger .  - J'ai à coeur d'intervenir sur cet article, qui autorise le recours à des aéronefs télépilotés pour la pulvérisation de produits phytosanitaires, car les vignobles caractérisés par de fortes pentes, comme ceux de mon département, sont particulièrement concernés. Le traitement terrestre y est dangereux et expose les exploitants à un fort risque d'accident, les chenillards se renversant fréquemment. Par ailleurs, la précision des drones permet des opérations ciblées dans le respect de l'environnement, comme l'a montré l'expérimentation menée à Guebwiller. Je suis très favorable à cet article et salue les modifications de bon sens apportées par la rapporteure pour assurer sa conformité au droit européen. Ne soyons pas dogmatiques, embrassons le progrès !

M. Laurent Burgoa.  - Très bien !

Mme le président.  - Amendement n°35 rectifié, présenté par Mme Bonnefoy et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Supprimer cet article.

Mme Nicole Bonnefoy.  - La dérogation générale introduite pour la pulvérisation de produits phytosanitaires par aéronefs télépilotés revient sur l'interdiction énoncée par les lois Grenelle, conformément à une directive européenne de 2009. Dans mon rapport d'information de 2012, j'ai montré, avec Mme Primas, que l'épandage aérien présente un risque de dispersion, d'autant plus important que le vent est fort.

L'Anses a établi que les pulvérisations par drones sont moins efficaces que les pulvérisations classiques et que les mannequins témoins, situés à 3 et 10 mètres de la zone, sont davantage touchés. Il n'est donc pas sérieux de revenir sur l'interdiction prévue : ne remettons pas en cause un acquis législatif solide pour la préservation de l'environnement.

Mme le président.  - Amendement identique n°60, présenté par M. Gay et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Supprimer cet article.

Mme Marie-Claude Varaillas.  - On ne peut conclure que la pulvérisation par drones est sans danger pour les hommes ; en revanche nous savons avec certitude que la biodiversité s'effondre, notamment les populations d'oiseaux et d'insectes pollinisateurs. Produire autrement est une question de survie. Les risques sur la santé des agriculteurs et des salariés agricoles n'étant pas écartés, supprimons cet article.

Mme le président.  - Amendement identique n°107, présenté par MM. Labbé, Salmon, Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme de Marco, M. Parigi et Mmes Poncet Monge et M. Vogel.

M. Joël Labbé.  - Comme nos collègues socialistes et communistes, nous demandons la suppression de cet article.

Dans son rapport d'octobre dernier, l'Anses pointe une dérive aérienne 4 à 10 fois supérieure pour les vignes et bananeraies. Les drones entraînent un courant descendant, en raison de leurs rotors, ce qui présente un nouveau risque pour les travailleurs. Comment, dans ces conditions, les ouvrir à des usages plus larges ?

La dérogation prévue va à rebours de la sortie des pesticides que nous appelons de nos voeux. Nous ne pouvons pas accepter d'entendre qu'il n'y aurait pas d'autres solutions. Les pesticides, il faudra bien en sortir ! Nous attendons beaucoup du Gouvernement à ce sujet.

Mme Sophie Primas, rapporteur.  - L'usage des drones en agriculture ne fait pas consensus. Tenons-nous en donc aux faits. La rédaction initiale envisageait la généralisation de l'usage des drones. La commission a fait évoluer le dispositif, en prévoyant une expérimentation sur les terrains en pente et pour l'agriculture de précision. Pour disposer de données, madame Varaillas, il faut expérimenter. Le recours aux drones ne résoudra pas tout partout, mais les premiers résultats semblent intéressants, comme l'indique le rapport de l'Anses - nous n'avons peut-être pas lu les mêmes pages...

L'Anses plaide en faveur de cette expérimentation, pour collecter davantage de données. N'envoyons pas un mauvais signal aux agriculteurs qui suivent la voie de l'innovation. Épandre à l'aide de ces drones semble mieux protéger les agriculteurs, comme la population. Avis défavorable aux amendements.

M. Marc Fesneau, ministre.  - La rédaction initiale de l'article aurait pu nous conduire à soutenir ces amendements, mais la commission a orienté positivement le dispositif. Le rapport de l'Anses demande des données complémentaires : n'ayons pas plus de certitudes que l'Anses...

Par principe - je ne dis pas par dogme -, certains ne veulent pas des drones. L'encadrement envisagé prévoit une utilisation sur des terrains en pente, dans des opérations de précision. Le drone permet peut-être la réduction de l'usage des molécules. Je ne dis pas que la technologie est toujours un progrès, mais essayons. L'équilibre trouvé étant intéressant, avis défavorable à ces amendements.

M. Laurent Burgoa.  - Nous avons besoin de la riziculture, notamment en Camargue. Or, sans drones, l'épandage peut être problématique sur des terrains certes peu pentus (marques d'ironie sur les travées du GEST), mais meubles. La riziculture est nécessaire au maintien de l'équilibre aquatique de notre Camargue.

M. Guillaume Gontard.  - Peut-être suis-je dogmatique...

M. Marc Fesneau, ministre.  - Justement, je ne l'ai pas dit !

M. Guillaume Gontard.  - ... mais je pense qu'il faut trouver des alternatives aux pesticides et aux produits phytosanitaires. Le drone est une manière différente d'appliquer les mêmes produits, pas une alternative...

Les produits phytosanitaires ont des effets sanitaires sur la population, l'eau et la biodiversité. C'est un problème sanitaire. Arrêtons là : cette dérogation n'apporte rien, la vraie solution est de trouver des alternatives !

M. Daniel Salmon.  - Nous sommes plus que circonspects. On nous annonce la fin des pesticides depuis des années : à la COP 15, on nous promettait une baisse de 50 % pour 2030. Vous nous direz où nous en sommes, monsieur le ministre, mais les chiffres dont je dispose montrent plutôt une augmentation.

La technologie devrait nous sauver, comme pour les frappes chirurgicales. Mais c'est un miroir aux alouettes - je ne le dis pas par hasard, car ce petit oiseau disparaît de nos plaines, comme le bruant ortolan. La hiérarchie des causes est claire : les pesticides sont les principaux responsables. Le pâté d'alouette va disparaître... L'appauvrissement des chaînes trophiques, c'est la fuite en avant vers plus de pesticides.

Les amendements identiques nos35 rectifié, 60 et 107 ne sont pas adoptés.

Mme le président.  - Amendement n°87 rectifié, présenté par MM. Cabanel, Artano, Bilhac, Corbisez, Gold et Guérini, Mmes Guillotin et Pantel et M. Requier.

I.  -  Alinéa 1

Après le mot :

aéronefs

insérer les mots :

à motorisation non-thermique

II.  -  Alinéa 3

Après le mot :

drones

insérer les mots :

à motorisation non-thermique

M. Christian Bilhac.  - Cet amendement de M. Cabanel exclut les drones à motorisation thermique. Le plus haut niveau d'exigence passe aussi par la limitation des émissions de gaz à effet de serre.

Mme Sophie Primas, rapporteur.  - Je suis dubitative, car, d'après mes recherches, il existe très peu de drones à propulsion thermique : la portée de cet amendement est donc très faible. Avis défavorable.

M. Marc Fesneau, ministre.  - Même avis.

Monsieur Gontard, monsieur Salmon, l'Anses considère que, au regard du recours aux hélicoptères, l'usage de drones peut comporter de multiples avantages. (On se récrie sur les travées du GEST.) Elle estime aussi que des données complémentaires sont nécessaires. Ni vous ni moi ne savons : une expérimentation me paraît donc utile.

M. Christian Bilhac.  - Mme la rapporteure explique que cet amendement n'a pas lieu d'être, les drones étant à motorisation électrique.

Mme Sophie Primas, rapporteur.  - Principalement !

M. Christian Bilhac.  - Mais un hélicoptère peut être à propulsion thermique, et certains pourraient être tentés d'y mettre 80 litres de produits en plus à la place du pilote...

L'amendement n°87 rectifié n'est pas adopté.

Mme le président.  - Amendement n°36 rectifié, présenté par M. Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Alinéa 1

Remplacer les mots :

phytopharmaceutiques

par les mots :

autorisés en agriculture biologique

M. Jean-Claude Tissot.  - Cet amendement de repli vise à limiter la portée de l'expérimentation en n'autorisant la pulvérisation par drone que pour les produits autorisés en agriculture biologique.

Mme Sophie Primas, rapporteur.  - Avis défavorable.

M. Marc Fesneau, ministre.  - Même avis.

M. Daniel Salmon.  - Monsieur le ministre, vous nous répondez que, par hélicoptère, ce serait pire. On nous oppose souvent ce type d'arguments. Mais nous ne sommes pas pour le « moins pire » : nous sommes pour le vraiment mieux ! Le mieux, en l'occurrence, c'est : pas de pesticides du tout. (Mme Raymonde Poncet Monge abonde.)

L'amendement n°36 rectifié n'est pas adopté.

Mme le président.  - Amendement n°8 rectifié, présenté par MM. Duplomb et J.M. Boyer, Mme Férat, MM. D. Laurent et Menonville, Mme Gruny, MM. Paccaud et Henno, Mme Loisier, M. Bascher, Mmes Berthet et Puissat, MM. Bacci et Burgoa, Mme Demas, M. Savary, Mme Thomas, M. Decool, Mme Schalck, M. Pellevat, Mme Lassarade, M. Hugonet, Mme Belrhiti, M. Chasseing, Mme Ventalon, MM. Bouchet, B. Fournier et Canévet, Mme M. Mercier, MM. Rietmann et Daubresse, Mmes Drexler, Billon et Pluchet, MM. Détraigne, C. Vial et Pointereau, Mme Lopez, M. Duffourg, Mme Joseph, M. Chauvet, Mme Garriaud-Maylam, M. Somon, Mmes Bellurot et Malet, MM. Chatillon, Genet et Lefèvre, Mme Dumont, M. Charon, Mme Dumas, MM. J.P. Vogel et Folliot et Mme Imbert.

Alinéa 1

Après le taux :

30 %

insérer les mots :

, sur des cultures submergées

M. Laurent Duplomb.  - La riziculture, dont M. Burgoa a parlé, est confrontée à de plus en plus de problèmes. De 14 000 hectares en 2020, elle est passée à 10 000 hectares en 2022. L'utilisation des drones permettrait de réduire le problème de l'épandage. Cet amendement étend donc l'expérimentation aux rizières.

Mme le président.  - Amendement n°9 rectifié, présenté par M. Duplomb, Mme Férat, M. J.M. Boyer, Mme Loisier, M. Menonville, Mme Gruny, M. D. Laurent, Mmes Puissat et Berthet, MM. Bascher, Henno, Paccaud et Savary, Mme Demas, MM. Burgoa et Bacci, Mme Schalck, M. Decool, Mme Thomas, M. Pellevat, Mme Belrhiti, M. Hugonet, Mme Lassarade, MM. B. Fournier et Bouchet, Mme Ventalon, MM. Chasseing et Rietmann, Mme M. Mercier, M. Canévet, Mmes Malet et Bellurot, M. Somon, Mme Garriaud-Maylam, M. Chauvet, Mme Joseph, M. Duffourg, Mme Lopez, MM. Verzelen, Pointereau, C. Vial et Détraigne, Mmes Billon et Drexler, MM. Daubresse, Genet, Chatillon, Lefèvre et Charon, Mmes Dumont et Dumas, MM. J.P. Vogel et Folliot et Mme Imbert.

Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :

Lorsque, à l'issue d'une expérimentation menée au titre de l'article 82 de la loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, l'évaluation conduite par l'Agence nationale de sécurité sanitaire, de l'alimentation, de l'environnement et du travail conclut à l'absence de risques inacceptables pour la santé et l'environnement, le ministère en charge de l'agriculture peut délivrer, dans le respect de l'article 9 de la directive 2009/128/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 instaurant un cadre d'action communautaire pour parvenir à une utilisation des pesticides compatible avec le développement durablepour la production concernée et pour une durée ne pouvant excéder cinq ans, une autorisation d'utilisation des aéronefs télépilotés ou contrôlés par intelligence artificielle pour la pulvérisation aérienne de produits phytopharmaceutiques.

L'autorisation sera évaluée tous les deux ans par l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail.

M. Laurent Duplomb.  - Cet amendement prévoit une autorisation provisoire pour cinq ans, si l'Anses conclut à l'absence de risques. Cette autorisation serait réexaminée au moins tous les deux ans.

Mme Sophie Primas, rapporteur.  - Retrait de l'amendement n°8 rectifié, satisfait : rien n'empêche les riziculteurs d'avoir recours à l'expérimentation que nous venons de voter.

Sur l'amendement n°9 rectifié, il ne s'agit pas de s'affranchir de l'évaluation de l'Anses ni du droit européen : les autorisations du ministère de l'agriculture devront être fondées sur les conclusions de l'Anses. Sagesse.

M. Marc Fesneau, ministre.  - L'équilibre trouvé par la commission est satisfaisant : avis défavorable. Madame la rapporteure, j'attends avec intérêt de voir comment, à l'article 13, l'avis de l'Anses et le droit européen seront pris en compte...

L'amendement n°8 rectifié n'est pas adopté.

L'amendement n°9 rectifié est adopté.

À la demande du GEST, l'article 8, modifié, est mis aux voix par scrutin public.

Mme le président. - Voici le résultat du scrutin n°284 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 340
Pour l'adoption 248
Contre   92

L'article 8, modifié, est adopté.

APRÈS L'ARTICLE 8

Mme le président.  - Amendement n°37 rectifié, présenté par M. Montaugé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Après l'article 8

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport dressant un bilan exhaustif des systèmes actuellement soutenus au titre des paiements pour services environnementaux, et analyse les freins ou les leviers qui permettraient d'en accroître l'efficacité et le développement.

Ce rapport s'attache notamment à évaluer l'intégration des paiements pour services environnementaux dans la nouvelle politique agricole commune, leur articulation avec les autres outils existants et leur reconnaissance dans le cadre du plan stratégique national français afin de proposer, le cas échéant, des pistes de réflexions pour en encourager le développement.

M. Franck Montaugé.  - Le groupe SER espère que l'agroécologie engagée en 2014 sera confortée dans la future LOA. Il faudra se doter d'outils pour valoriser les apports environnementaux de l'agriculture - et les payer.

Depuis 2018, nous nous battons pour la reconnaissance des PSE. Ils ont finalement été inscrits dans la loi Climat et résilience. Les gouvernements successifs ont avancé, mais il faut aller beaucoup plus loin.

Vous invoquez la complexité du sujet. Pour m'y être plongé, je suis d'accord avec vous, mais nous avons la matière nécessaire pour progresser : voilà vingt ans que des recherches sont menées sur le sujet. Cet amendement prévoit un rapport du Gouvernement dressant un état des lieux des PSE et ouvrant des perspectives en la matière.

Mme Sophie Primas, rapporteur.  - Le Sénat est peu favorable aux demandes de rapport, mais il est certain que le levier des PSE est trop peu mobilisé. J'ai souvenir d'une précédente demande de rapport adoptée, sur l'initiative d'Anne-Catherine Loisier, au sujet de l'élargissement de ce dispositif à la forêt. Avis favorable, car le Gouvernement doit se pencher sérieusement sur le sujet.

M. Marc Fesneau, ministre.  - Oui, c'est compliqué ; et oui, il faut malgré tout avancer. Mais qui doit payer : le budget agricole ou d'autres ?

M. Daniel Salmon.  - C'est aux pollueurs de payer !

M. Marc Fesneau, ministre.  - Je ne crois pas qu'il faille passer par une demande de rapport. Sollicitons plutôt le CGAAER. Avis défavorable.

M. Franck Montaugé.  - Vous demandez : qui paie ? Mais les paysages qui se referment sur eux-mêmes faute d'activité agricole se retrouvent à flamber, ce qui coûte très cher à la collectivité.

M. Marc Fesneau, ministre.  - Absolument !

M. Franck Montaugé.  - C'est donc un enjeu d'intérêt général.

M. Joël Labbé.  - Nous voterons cet amendement de M. Montaugé, qui défend avec constance les PSE. Certaines pratiques entraînent des externalités négatives, d'autres des aménités positives : mettons cela sur la table, c'est une question de justice.

Une étude de l'Inrae est sur le point de sortir. Quand aurons-nous les chiffres ? Faisons payer les fabricants de pesticides : peut-être ainsi cesserons-nous d'en retrouver dans nos organismes et dans toute la biodiversité.

L'amendement n°37 rectifié est adopté et devient un article additionnel.

ARTICLE 9

Mme le président.  - Amendement n°92 rectifié bis, présenté par M. Longeot, Mmes Jacquemet et Dindar, M. Hingray, Mme Billon, M. Kern, Mme Canayer, MM. Henno, Duffourg, J.M. Arnaud, Pellevat et Cigolotti, Mme Perrot et MM. Détraigne et Moga.

Alinéas 2 à 4

Remplacer ces alinéas par six alinéas ainsi rédigés :

1° Le I de l'article L. 1 est ainsi modifié :

a) Le 10° bis est ainsi modifié :

-  les mots : « de services environnementaux et » sont supprimés ;

-  sont ajoutés les mots : « et de services environnementaux, incluant les réductions des émissions de gaz à effet de serre » ;

b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Pour l'application du 10° bis du présent I, les réductions des émissions de gaz à effet de serre désignent indifféremment des quantités de gaz à effet de serre dont l'émission a été évitée ou des quantités de gaz à effet de serre séquestrées dans les sols agricoles. » ;

M. Jean-François Longeot.  - Le code rural dispose que la politique en faveur de l'agriculture et de l'alimentation a pour finalité de reconnaître et mieux valoriser le stockage du carbone dans les sols agricoles. Cet amendement valorise la réduction de gaz à effet de serre en incluant indifféremment les émissions évitées et les émissions séquestrées dans les sols. C'est cohérent avec la logique du label bas-carbone.

Mme le président.  - Amendement n°84 rectifié, présenté par MM. Cabanel, Artano, Bilhac, Corbisez, Fialaire, Gold et Guérini, Mmes Guillotin et Pantel et M. Requier.

I.  -  Alinéa 4

Remplacer les mots :

et de stockage du carbone dans les sols agricoles

par les mots :

de réductions d'émissions de gaz à effet de serre, désignant indifféremment des quantités de gaz à effet de serre dont l'émission a été évitée ou des quantités de gaz à effet de serre séquestrées

II.  -  Alinéa 6

Rédiger ainsi cet alinéa :

« 3° bis A Apprécier, de manière volontaire, la vulnérabilité de l'exploitation agricole aux impacts du changement climatique, à l'occasion d'un diagnostic de vulnérabilité. Ce diagnostic sera financé par le fond spécial de soutien à la compétitivité des filières agricoles en difficultés prévu à l'article L. 1 du code rural et de la pêche maritime. Ce diagnostic sera complété par l'élaboration d'un plan de transformation de l'exploitation qui prendra en compte l'atténuation du changement climatique et l'adaptation face au changement climatique. Les modalités et le champ du diagnostic et du plan d'action, cofinancés par l'État, sont précisés par décret. »

M. Christian Bilhac.  - Les exploitations agricoles doivent adapter leurs pratiques au changement climatique. Un diagnostic de vulnérabilité leur permettrait de lutter de manière pérenne contre le changement climatique.

Mme le président.  - Amendement n°22 rectifié bis, présenté par MM. Canévet, Mizzon, Cadic, Levi et Henno, Mme N. Goulet, M. Le Nay, Mmes Havet, Billon, Herzog et Jacquemet, MM. Duffourg et Détraigne, Mme Perrot et M. Chauvet.

I.  -  Alinéa 4

Remplacer les mots :

et de stockage du carbone dans les sols agricoles

par les mots :

de réductions d'émissions de gaz à effet de serre, désignant indifféremment des quantités de gaz à effet de serre dont l'émission a été évitée ou des quantités de gaz à effet de serre séquestrées

II.  -  Alinéa 6

Rédiger ainsi cet alinéa :

« 3° bis A Apprécier, de manière volontaire, la vulnérabilité de l'exploitation agricole aux impacts du changement climatique, à l'occasion d'un diagnostic de vulnérabilité. Ce diagnostic sera complété par l'élaboration d'un plan de transformation de l'exploitation qui prendra en compte l'atténuation du changement climatique et l'adaptation face au changement climatique. Les modalités et le champ du diagnostic et du plan d'action, cofinancés par l'État, sont précisés par décret. »

M. Alain Duffourg.  - Défendu.

Mme le président.  - Amendement identique n°75 rectifié, présenté par M. Menonville, Mme Loisier, MM. A. Marc, Decool, Médevielle, Verzelen et Wattebled, Mme Mélot et M. Lagourgue.

Mme Anne-Catherine Loisier.  - Défendu.

Mme le président.  - Amendement n°85 rectifié, présenté par MM. Cabanel, Artano, Bilhac, Corbisez, Fialaire, Gold et Guérini, Mmes Guillotin et Pantel et M. Requier.

I.  -  Alinéa 4

Remplacer les mots :

et de stockage du carbone dans les sols agricoles

par les mots :

de réductions d'émissions de gaz à effet de serre, désignant indifféremment des quantités de gaz à effet de serre dont l'émission a été évitée ou des quantités de gaz à effet de serre séquestrées

II.  -  Alinéa 6

Rédiger ainsi cet alinéa :

« 3° bis A Apprécier, de manière volontaire, les réductions d'émissions de gaz à effet de serre, désignant indifféremment des quantités de gaz à effet de serre dont l'émission a été évitée ou des quantités de gaz à effet de serre séquestrées, à l'occasion d'un diagnostic réduction de l'impact carbone et de performance agronomique des sols. Ce diagnostic sera financé par le fond spécial de soutien à la compétitivité des filières agricoles en difficultés prévu à l'article L. 1 du code rural et de la pêche maritime. Ce diagnostic sera complété par l'élaboration d'un plan d'action qui s'appuiera sur les méthodes du Label Bas-Carbone. Les modalités et le champ du diagnostic et du plan d'action, cofinancés par l'État, sont précisés par décret. »

M. Christian Bilhac.  - Défendu.

Mme le président.  - Amendement n°23 rectifié ter, présenté par MM. Canévet, Mizzon, Cadic, Levi et Henno, Mme N. Goulet, M. Le Nay, Mmes Havet, Billon, Herzog et Jacquemet, MM. Duffourg et Détraigne, Mme Perrot, M. Chauvet et Mme Doineau.

I.  -  Alinéa 4

Remplacer les mots :

et de stockage du carbone dans les sols agricoles

par les mots :

de réductions d'émissions de gaz à effet de serre, désignant indifféremment des quantités de gaz à effet de serre dont l'émission a été évitée ou des quantités de gaz à effet de serre séquestrées

II.  -  Alinéa 6

Rédiger ainsi cet alinéa :

« 3° bis A Apprécier, de manière volontaire, les réductions d'émissions de gaz à effet de serre, désignant indifféremment des quantités de gaz à effet de serre dont l'émission a été évitée ou des quantités de gaz à effet de serre séquestrées, à l'occasion d'un diagnostic réduction de l'impact carbone et de performance agronomique des sols. Ce diagnostic sera complété par l'élaboration d'un plan d'action qui s'appuiera sur les méthodes du Label Bas-Carbone. Les modalités et le champ du diagnostic et du plan d'action, cofinancés par l'État, sont précisés par décret. »

M. Alain Duffourg.  - Défendu.

Mme le président.  - Amendement identique n°76 rectifié, présenté par MM. Menonville, Chasseing, A. Marc, Decool, Médevielle, Verzelen et Wattebled, Mme Mélot et MM. Lagourgue et Malhuret.

M. Daniel Chasseing.  - Défendu.

Mme le président.  - Amendement n°108, présenté par MM. Labbé, Salmon, Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme de Marco, M. Parigi et Mmes Poncet Monge et M. Vogel.

I.  -  Alinéa 4

Compléter cet alinéa par les mots : 

, à long terme, via des pratiques favorisant la biodiversité

II.  -  Alinéa 6

1° Remplacer les mots : 

La valorisation du

par les mots :

La protection de la biodiversité, de la qualité de l'eau, de la qualité de l'air, le

2° Supprimer les mots :

agronomique des sols et d'émissions de gaz à effet de serre

M. Joël Labbé.  - Nous arrivons enfin à l'article proposant une petite avancée. Mais, comme nous en voulons toujours plus, nous estimons qu'il faut aller plus loin... (L'orateur poursuit quelques instants, mais on lui signale qu'il se trompe d'amendement ; il met plusieurs secondes à rechercher son papier ; mouvements divers)

Plusieurs voix à droite et au centre. - Défendu !

M. Joël Labbé.  - Il me reste une minute ! (Sourires)

Cet amendement prévoit d'évaluer la performance environnementale de l'exploitation agricole de façon globale ; le faire sous le seul angle du carbone est une erreur, source de nombreux effets pervers.

Mme le président.  - Amendement n°125, présenté par Mme Primas, au nom de la commission.

Alinéa 6

Remplacer les mots :

La valorisation du

par les mots :

Valoriser le

et les mots :

peuvent être appréciées à l'occasion

par les mots :

notamment par l'établissement

Mme Sophie Primas, rapporteur.  - Amendement rédactionnel.

Mme le président.  - Amendement n°91 rectifié bis, présenté par M. Longeot, Mmes Jacquemet et Dindar, M. Hingray, Mme Billon, M. Kern, Mme Canayer, MM. Henno, Duffourg, J.M. Arnaud, Pellevat et Cigolotti, Mme Perrot et MM. Détraigne et Moga.

Alinéa 6

Après la seconde occurrence des mots :

effet de serre

insérer les mots :

, accompagné d'un plan volontaire d'atténuation et d'adaptation au changement climatique de l'exploitation,

M. Jean-François Longeot.  - Défendu.

Mme Sophie Primas, rapporteur.  - L'amendement n°92 rectifié bis apporte une précision bienvenue : lorsqu'on parle de réduction des gaz à effet de serre en agriculture, on vise les gaz dont l'émission a été évitée, mais aussi les gaz séquestrés dans les sols. Avis favorable.

Avis favorable également à l'amendement n°91 rectifié bis.

Retrait des amendements nos84 rectifié, 22 rectifié bis, 75 rectifié, 85 rectifié, 23 rectifié ter et 76 rectifié, qui seraient satisfaits par l'adoption des deux amendements de M. Longeot.

Avis très défavorable à l'amendement n°108, qui supprime la référence à la qualité agronomique des sols. M. Labbé parle d'effets pervers, mais ce n'est pas ce qui est ressorti des auditions.

M. Marc Fesneau, ministre.  - L'article 9 va dans le bon sens, comme l'ont montré les concertations : la valorisation de la capacité du monde agricole à stocker le carbone est la voie à suivre.

Sagesse sur l'amendement n°92 rectifié bis, qui apporte des précisions utiles.

L'amendement n°84 rectifié pose problème, car il exclurait certaines productions, comme la viticulture ou le maraîchage : retrait ou avis défavorable.

Sagesse sur les amendements nos22 rectifié bis et 75 rectifié.

Pour les raisons évoquées à propos de l'amendement n°84 rectifié, avis défavorable aux amendements nos85 rectifié, 23 rectifié ter et 76 rectifié.

Il faut aller plus loin sur le label bas-carbone, mais ne mélangeons pas tout. Avis défavorable à l'amendement n°108.

Sagesse sur l'amendement n°91 rectifié bis et avis favorable à l'amendement n°125.

L'amendement n°92 rectifié bis est adopté.

Les amendements nos84 rectifié, 22 rectifié bis et 75 rectifié, 85 rectifié, 23 rectifié ter, 76 rectifié et 108 n'ont plus d'objet.

L'amendement n°125 est adopté, ainsi que l'amendement n°91 rectifié bis.

L'article 9, modifié, est adopté.

ARTICLE 10

Mme le président.  - Amendement n°109, présenté par MM. Labbé, Salmon, Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme de Marco, M. Parigi et Mmes Poncet Monge et M. Vogel.

Alinéa 3

Remplacer les mots : 

des trois principaux ingrédients

par les mots : 

de tout ingrédient représentant plus de 5 % de la masse pondérale du produit

M. Joël Labbé.  - L'article 10 est bienvenu, mais insuffisant : ne nous arrêtons pas aux trois premiers ingrédients d'un produit. Tous les ingrédients dépassant 5 % de la masse pondérale doivent être identifiés, pour encourager la relocalisation, la traçabilité et la transparence.

Mme Sophie Primas, rapporteur.  - Cet article prévoit un affichage obligatoire de l'origine des trois premiers ingrédients des produits alimentaires transformés. Je reconnais qu'il n'est pas très conforme au droit de l'Union européenne, mais les auteurs de la proposition de loi souhaitaient envoyer un message, dans le cadre de la révision du règlement Inco. Inutile d'aller plus loin : avis défavorable.

M. Marc Fesneau, ministre.  - Mme Primas a décrit la situation avec son honnêteté intellectuelle coutumière. En votant des articles non conformes au droit européen, nous mettons en scène l'impuissance publique. Si j'étais taquin, je dirais que voici un parfait exemple de surtransposition... Avec une sur-surtransposition par l'amendement de M. Labbé, qui rajoute un ingrédient !

Mme Sophie Primas, rapporteur.  - Exactement ! (M. Jean-Claude Anglars abonde.)

M. Marc Fesneau, ministre.  - Soyons cohérents. Le règlement Inco est en cours de révision : portons plutôt nos exigences en matière d'information du consommateur dans ce cadre-là. Avis défavorable.

Mme Sophie Primas, rapporteur.  - À mon tour d'être taquine, et sans déflorer la discussion sur l'article 12, je rappelle qu'il n'interdit pas les surtranspositions, mais qu'il les conditionne à un bénéfice clairement présenté. C'est le cas du présent article.

M. Laurent Duplomb.  - Très bien !

M. Joël Labbé.  - L'article est insuffisant, mais représente néanmoins une avancée. Nous le voterons.

M. Laurent Duplomb.  - C'est un progrès !

L'amendement n°109 n'est pas adopté.

L'article 10 est adopté.

APRÈS L'ARTICLE 10

Mme le président.  - Amendement n°26 rectifié ter, présenté par Mmes Gatel et Loisier, MM. Longeot et Laugier, Mme Vermeillet, M. Henno, Mmes Gacquerre et Jacquemet, MM. Lafon, Moga, P. Martin et Le Nay, Mme Herzog, M. Duffourg, Mme Morin-Desailly, M. Delahaye, Mme Férat, MM. Détraigne et Chauvet, Mme Saint-Pé, MM. Canévet et Hingray, Mmes Perrot et de La Provôté, M. J.M. Arnaud et Mmes Sollogoub, Billon et Doineau.

Après l'article 10

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les premier et second alinéas du II de l'article L. 412-9 du code de la consommation sont complétés par les mots : « au plus tard le 1er janvier 2024 ».

Mme Françoise Gatel.  - Voici un rappel à l'ordre aimable mais exigeant. En 2021, nous avons voté dans Égalim 2 l'obligation de l'indication du pays d'origine des viandes, en application du droit national et européen. Mais aucun décret d'application n'a été publié... D'où cet amendement, qui prévoit un décret fixant les modalités d'application au plus tard au 1er janvier 2024.

Mme Sophie Primas, rapporteur.  - Mme Gatel rappelle à juste titre que l'article 14 de la loi Égalim 2 n'est toujours pas applicable, faute d'un décret d'application prévu pour juillet 2022... Il aurait rétabli l'égalité de traitement entre la restauration hors foyer et les dark kitchen. Il est étonnant que le décret qui mentionne les viandes n'ait pas mentionné les dark kitchen, car il est postérieur à la promulgation d'Égalim 2. Je vous engage à y remédier dans les meilleurs délais, monsieur le ministre ! Avis favorable.

M. Marc Fesneau, ministre.  - J'entends le rappel à l'ordre ! La plupart des décrets de la loi Égalim ont quand même été publiés, mais il a fallu une concertation plus large que prévu. Avis défavorable, non sur le fond mais sur la forme. Je veillerai personnellement à ce que le décret paraisse rapidement.

M. Daniel Salmon.  - Preuve que nous ne sommes pas dogmatiques, nous allons voter cet amendement, qui va dans le sens de la transparence. (Mme Françoise Gatel apprécie.)

L'amendement n°26 rectifié ter est adopté et devient un article additionnel.

Mme le président.  - Amendement n°38 rectifié, présenté par Mme Préville et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Après l'article 10

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article L. 412-12 du code de la consommation, il est inséré un article L. 412-... ainsi rédigé :

« Art. L. 412-...  -  Les aliments ultra-transformés désignent tout aliment vendu dans le commerce ou utilisé par un service de restauration, ayant subi d'importants procédés de transformation et dont la formulation contient des substances industrielles ou des ingrédients technologiques, et des additifs non nécessaires à la sécurité sanitaire visant à en améliorer les qualités sensorielles ou à imiter les aliments naturels, dans le but de masquer les défauts du produit mis à la vente.

« Le ministère en charge de l'économie se charge de la mise en place, pour le 1er janvier 2024, d'un étiquetage supplémentaire sur les denrées alimentaires informant le consommateur sur le caractère ultra-transformé d'un aliment. »

M. Christian Redon-Sarrazy.  - Le déséquilibre de l'alimentation est la première cause de maladies chroniques. En cause, l'alimentation ultra-transformée. Des actions ambitieuses de prévention contre les produits trop gras, trop salés et trop sucrés doivent être mises en place.

Il convient que les denrées alimentaires soient dûment étiquetées lorsqu'elles sont ultra-transformées - ce qui représente 40 à 50 % de l'offre en supermarché, et la première cause de mortalité indirecte précoce dans les grandes villes.

Les ingrédients ou additifs de ces aliments ont pour vocation d'imiter ou de masquer. Nous en savons peu, en outre, sur les effets cocktail. Il est urgent de réguler ce commerce.

Mme Sophie Primas, rapporteur.  - Présenter l'ultra-transformation comme facteur de risque pour la santé humaine, c'est aller un peu vite en besogne. L'Inrae mettait en avant, au Salon de l'agriculture, les bénéfices de la fermentation des fruits et légumes, qui est bien une transformation.

Nos collègues Gay, Férat et Blatrix-Contat pointent dans leur rapport d'information le risque d'une dilution de l'information du consommateur. Le Nutri-score sera bientôt obligatoire dans toute l'Union européenne, et intégrera la transformation. Patience ! Avis défavorable.

M. Marc Fesneau, ministre.  - Les travaux de l'Anses sur les aliments ultra-transformés et leur impact sur la santé sont attendus pour l'été 2024. D'ici là, difficile de s'avancer sur leur définition. Attention à l'excès d'étiquetage : à force de multiplier les « scores » divers et variés, nous allons perdre le consommateur.

Enfin, de grâce, n'adoptons pas de réglementations qui ne s'appliqueraient qu'aux produits français en France, et pas aux produits importés ! Mettons-nous déjà d'accord sur le Nutri-score au niveau européen. Retrait ou avis défavorable.

M. François Bonhomme.  - Je citerai un autre rapport, « Surpoids et obésité, l'autre pandémie », qui met clairement en cause les aliments ultra-transformés (AUT). Ils sont d'ailleurs définis et classifiés.

Si nous limitons les AUT au profit d'autres aliments non ou peu transformés, l'agriculteur s'y retrouve. Vous n'ignorez pas l'enjeu de santé publique. Il faut donc trouver une ligne de crête. Les AUT sont à l'origine de l'épidémie de maladies chroniques que nous connaissons.

M. Fabien Gay.  - Le CRCE votera cet amendement, car il est question de santé publique. Les AUT sont plus gras, plus sucrés, plus salés, plus nocifs pour la santé. Ne balayez pas cela d'un revers de main au motif que nous n'avançons pas au niveau européen : il faut justement pousser, être précurseurs.

Le professeur Hercberg, père du Nutri-score, vient de signer avec 300 scientifiques une tribune appelant à une harmonisation du Nutri-score, mais vers le haut. Grâce au Nutri-score, certains produits ont progressé de D ou E vers C ou B. Allez-vous défendre un Nutri-score à la française, monsieur le ministre, avec l'inclusion des AUT ? Cet amendement vous donnera de la force dans les négociations européennes !

M. Marc Fesneau, ministre.  - Merci, monsieur Gay. Vous n'êtes pas tombé dans la caricature.

M. Fabien Gay.  - Pas moi !

M. Marc Fesneau, ministre.  - Nous allons naturellement défendre le Nutri-score, qui a été porté par la France. Mais si nous ne sommes que six pays membres à le défendre... N'ayons pas l'arrogance de penser que nous avons raison tous seuls quand nous sommes minoritaires au niveau européen !

Monsieur Bonhomme, nous sommes d'accord sur la santé. Il y a des enjeux d'affichage, de pédagogie, d'éducation à l'alimentation : nous y travaillons. Mais, monsieur Gay, si 26 pays européens ne sont pas obligés d'afficher la transformation, nous n'aurons rien gagné ! Les produits français, qui l'afficheront, seront montrés du doigt. Voulez-vous fermer nos frontières aux produits italiens, qui ne sont pas tenus d'afficher le Nutri-score ?

M. Fabien Gay.  - On est dans le monde réel !

M. Marc Fesneau, ministre.  - Essayons d'être cohérent. Défendons le mieux-disant au niveau européen, mais ne mettons pas la charrue avant les boeufs. Avant un nouvel étiquetage, il faut un Nutri-score européen.

M. Vincent Segouin.  - Bravo !

L'amendement n°38 rectifié n'est pas adopté.

ARTICLE 11

M. Marc Laménie .  - Cet article élargit la liste des produits durables et de qualité à privilégier dans la restauration collective publique. Il fait aussi référence aux lois Égalim et Climat-résilience avec l'objectif de 50 % de produits de qualité et durables. L'article assouplit la définition de ces produits. Dans un contexte de forte inflation alimentaire, c'est un appel à l'aide des collectivités : il faut soutenir l'achat de produits durables et de qualité, et donc leur production sur nos territoires, en votant cet article.

Mme le président.  - Amendement n°39 rectifié, présenté par M. Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Supprimer cet article.

M. Thierry Cozic.  - L'article inclut tous les produits bénéficiant d'une certification de conformité de produit (CCP) dans les 50 % de produits durables et de qualité exigés de la restauration collective. Le champ est beaucoup trop large par rapport aux signes de qualité ou aux écolabels. À trop allonger la liste, on dénature l'esprit de la loi.

Il est vrai que certaines collectivités ont du mal à atteindre les objectifs, notamment pour les circuits courts, mais la solution n'est pas d'abandonner. Donnons-nous du temps. La loi Égalim est récente, et il faut tenir compte du contexte mouvementé.

Mme le président.  - Amendement identique n°61, présenté par M. Gay et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

M. Fabien Gay.  - Nous avons voté la loi Égalim en 2019, qui fixe l'objectif de 50 % de produits durables et de qualité, dont 20 % de bio, à l'horizon 2022 - soit hier. Avant même d'en avoir fait le bilan, nous en rabaissons sur les ambitions ! Laissons-nous plutôt le temps de faire le bilan, d'identifier les difficultés spécifiques des filières et des collectivités. À ceux qui veulent corriger la loi, je réponds : où en sommes-nous ? Revenons-y dans deux ou trois ans, pour identifier les solutions.

Mme le président.  - Amendement identique n°110, présenté par MM. Labbé, Salmon, Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme de Marco, M. Parigi et Mmes Poncet Monge et M. Vogel.

M. Joël Labbé.  - Intégrer les produits dotés d'une CCP, moins exigeante, serait un retour en arrière par rapport à la loi Égalim.

Mme Sophie Primas, rapporteur.  - Avis défavorable. Nous sommes très loin des objectifs fixés par Égalim, tant pour le bio que pour les produits sous signe de qualité. Mais nombre de collectivités se les sont appropriés, en mettant en place des cuisines centrales. Laissons-nous du temps.

Les produits sous signe de qualité ont des cahiers des charges très variables ; les produits sous CCP sont eux aussi de qualité, n'y voyez aucune dilution. Ainsi, le certificat « agneau de qualité » de Bourgogne certifie que l'agneau est élevé avec sa mère pendant 60 jours ; le certificat « jeunes boeufs et génisses » de la société Jean Rozé de Vitré certifie que les bêtes sont alimentées avec 80 % d'herbe et de foin. Ces produits sont en outre très majoritairement produits en France. Ils ne dénaturent pas la loi.

En revanche, je rejoins M. Gay : il faut du temps pour apprécier les résultats. Avis défavorable.

M. Marc Fesneau, ministre.  - Avis favorable, pour les raisons évoquées par MM. Gay et Labbé. Nous avons besoin d'une évaluation.

Il y a une montée en puissance des collectivités, grâce aux projets alimentaires territoriaux. Il faut mieux connaître les marges de manoeuvre, de production ou logistiques. Reconnaissons que les objectifs n'ont pas été atteints - chacun doit en prendre sa part.

Regardons les causes (M. Laurent Duplomb s'exclame) ; sur ce sujet, nous étions d'accord pour considérer que la commande publique était un levier puissant pour le développement du bio, des produits de qualité et des circuits courts. Évaluons, regardons les pistes pour enfin atteindre les objectifs d'Égalim. Je ferai des propositions prochainement.

M. Fabien Gay.  - Dernier argument : les collectivités s'y mettent ! Imaginez le signal que nous envoyons ce soir : des filières sont structurées, l'horizon est clair et nous proposerions de revoir les ambitions à la baisse ? (M. Laurent Duplomb proteste.) Il serait dommage d'envoyer ce signal, alors que nous prenons le bon chemin.

Mme Sophie Primas, rapporteur.  - Nous n'envoyons aucun signal : nous intégrons des produits français, certifiés par des labels de qualité, soumis à cahier des charges. Il n'y a aucune dilution !

M. Laurent Duplomb.  - Exactement !

Mme Sophie Primas, rapporteur.  - Ne nous trompons pas : c'est un message très positif pour l'agriculture française.

M. Daniel Breuiller.  - En Île-de-France, des projets alimentaires territoriaux sont en cours d'élaboration dans la plupart des collectivités. Elles progressent, ce qui n'est pas toujours facile lorsqu'on est éloigné des territoires de production. Nous défendons là encore la stabilité. La commande publique sera demain l'un des moteurs de la transition agroécologique.

M. Guillaume Gontard.  - Nous avons besoin d'un bilan. Selon l'Observatoire national de la restauration collective bio et durable, nous sommes en moyenne à 36 % de bio dans les cantines, contre 7 % pour la consommation nationale. Quand les collectivités s'y mettent, qu'elles travaillent avec les filières locales, cela fonctionne. Le monde paysan y gagne, car prioriser le bio, c'est prioriser le local. Repousser l'objectif enverrait un bien mauvais signal alors que les collectivités avancent.

Mme Sophie Primas, rapporteur.  - Ce n'est pas ce que l'on fait !

Les amendements identiques nos 39 rectifié, 61 et 110 ne sont pas adoptés.

Mme le président.  - Amendement n°111, présenté par MM. Labbé, Salmon, Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme de Marco, M. Parigi et Mmes Poncet Monge et M. Vogel.

Alinéas 2 à 4

Remplacer ces alinéas par quatre alinéas ainsi rédigés :

1° Au 6°, l'année : « 2026 » est remplacée par l'année : « 2024 » ;

2° Au 7°, l'année : « 2027 » est remplacée par l'année : « 2024 » ;

3° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« À compter du 1er janvier 2027, la part des produits répondant aux conditions prévues au présent I doit représenter, en valeur, au moins 80 %, et la part des produits mentionnés au 2° du présent I doit être portée à 50 %. »

M. Joël Labbé.  - Cet amendement ambitieux fixe de nouveaux objectifs pour la restauration collective : 50 % de produits bio et 80 % de produits de qualité en 2027.

Pour relancer la dynamique, il faut non pas repousser la date, mais fixer des objectifs plus ambitieux. La restauration collective constitue une partie de la solution pour relancer l'agriculture bio, comme le ministre l'a indiqué. Nous mettons en oeuvre ses annonces !

La crise du bio s'explique par la stagnation de la demande et la hausse de la production. Les producteurs bio se sont organisés collectivement pour répondre à la demande, mais la puissance publique n'a pas tenu ses engagements. Il faut supprimer en 2025 les produits haute valeur environnementale, label attaqué en justice pour tromperie du consommateur et qui n'a pas sa place en restauration collective.

Mme Sophie Primas, rapporteur.  - Avis défavorable.

M. Marc Fesneau, ministre.  - Nous venons de dire que nous n'avons pas atteint les objectifs, et vous proposez de les doubler ! (M. Laurent Duplomb s'exclame.) C'est en quelque sorte la prophétie autoréalisatrice - mais pour être crédibles, il faut proposer des amendements réalisables. Atteignons déjà les objectifs d'Égalim, mais de grâce n'en rajoutons pas : c'est un déni de réalité. Avis défavorable.

M. Joël Labbé.  - Certaines collectivités y arrivent, et approchent des 100 %.

M. Marc Fesneau, ministre.  - Tant mieux !

M. Joël Labbé.  - Les projets alimentaires territoriaux se mettent en place, pour relocaliser, développer le bio. Il faut être ambitieux, mettre le paquet : une fois la dynamique engagée, les avancées suivront.

L'amendement n°111 n'est pas adopté.

Mme le président.  - Amendement n°112, présenté par MM. Labbé, Salmon, Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme de Marco, M. Parigi et Mmes Poncet Monge et M. Vogel.

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

....  -  Le même article L. 230-5-1 est complété par un paragraphe ainsi rédigé : 

« ....  -  Pour l'application du présent article et en articulation avec le comité régional pour l'alimentation prévu à l'article L. 230-5-5 du présent code, un référent préfectoral est nommé par le représentant de l'État dans le département, parmi les sous-préfets. 

« Sans préjudice des attributions des collectivités locales et des services compétents, il est chargé de la concertation, à l'échelle départementale, sur l'approvisionnement de la restauration collective, avec notamment l'objectif de faire progresser chaque année la part des produits mentionnés au I du présent article. »

M. Joël Labbé.  - Nous proposons des outils de dynamique territoriale pour lever les blocages, en nommant un sous-préfet référent pour l'application de la loi dans chaque département, chargé de faire remonter les difficultés et d'organiser la concertation des acteurs. Il faut non revenir en arrière, mais faire appliquer la loi.

Mme Sophie Primas, rapporteur.  - Avis défavorable. Les meilleurs sous-préfets en la matière sont les parents d'élèves et nos concitoyens, qui réclament aux maires l'application de la loi Égalim.

M. Marc Fesneau, ministre.  - Même avis, pour les mêmes raisons.

L'amendement n°112 n'est pas adopté.

À la demande du GEST, l'article 11 est mis aux voix par scrutin public.

Mme le président. - Voici le résultat du scrutin n°285 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 337
Pour l'adoption 238
Contre   99

L'article 11 est adopté.

APRÈS L'ARTICLE 11

Mme le président.  - Amendement n°56 rectifié bis, présenté par Mme Loisier, MM. Bacci et Chasseing, Mmes Guidez et de La Provôté, MM. Hingray, Bonneau et Henno, Mme Gacquerre, MM. Savary et Bonnecarrère, Mme Sollogoub, M. Duffourg, Mmes Billon et Perrot, MM. Cigolotti, Chauvet et Le Nay, Mmes Herzog et Férat, MM. Détraigne, Anglars et Folliot, Mme Doineau, MM. B. Fournier, Rietmann et Perrin, Mme Pluchet et M. Gremillet.

Après l'article 11

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article L. 412-4 du code de la consommation, il est inséré un article L. 412-4-... ainsi rédigé :

« Art. L. 412-4-... -  Le miel mis en vente sur le marché français fait l'objet d'analyses régulières afin de s'assurer de son origine géographique et florale ainsi que de son absence d'adultération.

« Les conditions dans lesquelles ces analyses sont réalisées et la liste des laboratoires habilités à les réaliser sont définies par décret. »

Mme Anne-Catherine Loisier.  - Le miel est victime d'un haut niveau de fraudes à l'appellation d'origine, à l'appellation florale, ou à l'adultération, soit le fait de le mélanger à d'autres substances. C'est le cinquième produit le plus fraudé au monde, et 46 % des miels vendus en France seraient suspectés d'adultération. Seul un mécanisme d'analyses régulières avant la mise en vente sur le territoire permettrait la protection du consommateur, sans mettre en difficulté les petites exploitations.

Mme le président.  - Amendement identique n°83 rectifié bis, présenté par MM. Cabanel, Artano et Bilhac, Mme M. Carrère, M. Corbisez, Mme N. Delattre, MM. Fialaire, Gold et Guérini, Mmes Guillotin et Pantel et M. Requier.

M. Christian Bilhac.  - Nous importons la majeure partie du miel consommé en France, en particulier des miels industriels trafiqués. Il faut lutter contre ces contrefaçons.

Mme Sophie Primas, rapporteur.  - Ces amendements s'inscrivent dans la continuité du long combat du Sénat pour assurer l'information du consommateur, alors que plus de la moitié des miels en Europe sont des contrefaçons.

Des contrôles réguliers, réalisés par des laboratoires habilités, permettraient de s'assurer de l'origine géographique, florale, et de l'absence d'adultération. Le ministre objectera que la révision de la directive Miel de 2021 donnera partiellement satisfaction, mais elle ne concernera que l'indication d'origine géographique, pas l'ordre pondéral décroissant. Il faut agir dès à présent et contrôler les miels vendus en France. C'est une surtransposition justifiée. Avis favorable.

M. Marc Fesneau, ministre.  - Avis défavorable. (Marques de déception sur les travées du groupe Les Républicains) Nous partageons tous l'objectif de mieux reconnaître la qualité de nos miels et de lutter contre les pratiques frauduleuses. Mais l'origine ou l'adultération ne peuvent être détectées qu'avant les assemblages.

De plus, seuls les opérateurs français seraient contraints de réaliser ces contrôles, à la différence de leurs concurrents étrangers. La surtransposition ne s'applique qu'aux apiculteurs français.

Enfin, l'amendement paraît méconnaître la directive européenne en cours de révision, dont l'article 5 établit que les États membres n'adoptent pas de disposition nationale non prévue par la directive.

Mme Sophie Primas, rapporteur.  - En cas de fraude avérée, on peut aller au-delà de la législation.

M. Michel Canévet.  - Il faut de la clarté pour les consommateurs, pour le miel mais également pour le cidre. Cela suppose des normes drastiques.

M. Daniel Salmon.  - En effet, les mélanges avec du glucose ou de la mélasse représentent une concurrence déloyale. Signalons également que l'on trouve dans les miels français énormément de néonicotinoïdes. Les apiculteurs perdent près de 30 % de leurs abeilles tous les ans. Si les éleveurs perdaient 30 % de leur cheptel, on en entendrait parler plus souvent ! Tout est lié...

Mme Anne-Catherine Loisier.  - Demander aux entreprises de conditionnement de faire des analyses permettrait d'informer au moins sur la composition florale et sur la dimension frauduleuse ou non du mélange. C'est tout de même une avancée pour lutter contre les pratiques frauduleuses.

Les amendements identiques nos56 rectifié bis et 83 rectifié bis sont adoptés et deviennent un article additionnel.

Mme le président.  - Amendement n°119 rectifié, présenté par MM. Gremillet et Husson, Mme Joseph, MM. Sautarel, Rietmann et Perrin, Mme Richer, M. Mandelli, Mme Chauvin, MM. Panunzi, Cadec, Brisson et Louault, Mmes Di Folco, Berthet et Gacquerre, MM. Houpert, Burgoa et Piednoir, Mme Muller-Bronn, MM. Lefèvre et Bouchet, Mme Micouleau, MM. Anglars et Mouiller, Mmes Belrhiti et Thomas, MM. D. Laurent et Somon, Mmes Ventalon, Férat et Lassarade, MM. Savary et Chauvet, Mme Gosselin, M. Pointereau, Mme F. Gerbaud, MM. Sido, Klinger, Rapin et Sol et Mmes M. Mercier, Gruny et Del Fabro.

Après l'article 11

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I.  -  Après le II de l'article L. 230-5-1 du code rural et de la pêche maritime, il est inséré un paragraphe ainsi rédigé :

« ....  -  Il est institué auprès des ministres chargés de l'agriculture, des collectivités territoriales, de l'éducation nationale, de la santé et de l'environnement, un conseil national de la restauration collective.

« Ce conseil est composé de représentants des secteurs agricole et agroalimentaire, de représentants des collectivités territoriales, de représentants des ministères concernés, de représentants des associations de consommateurs et de protection de l'environnement, qui siègent à titre gratuit. Il est consulté sur la politique relative à la restauration collective. »

II.  -  Un décret en Conseil d'État fixe les modalités d'application du présent article.

M. Daniel Gremillet.  - Cet amendement donne une base légale au Conseil national de la restauration collective (CNRC), qui existe de façon informelle depuis 2019 à la suite de la loi Égalim.

L'accompagnement des acteurs sur le suivi nutritionnel des repas ou encore sur la substitution des contenants en plastique dans la restauration collective est au coeur des problèmes rencontrés par les collectivités.

Mme Sophie Primas, rapporteur.  - Le CNRC existe déjà de manière informelle. Sa mission est suffisamment large pour éviter que cette inscription dans la loi ne le rigidifie. Avis favorable.

M. Marc Fesneau, ministre.  - Avis défavorable.

L'amendement n°119 rectifié est adopté et devient un article additionnel.

ARTICLE 12

Mme le président.  - Amendement n°62 rectifié, présenté par M. Gay et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Supprimer cet article.

Mme Marie-Claude Varaillas.  - En 2021, un rapport d'André Chassaigne et Jean-Louis Bourlanges indiquait que les surtranspositions étaient marginales, et pointait plutôt les sous-transpositions, notamment en matière environnementale. Les États membres ont le droit de fixer des normes plus élevées : toute surtransposition n'est pas nuisible, elle peut résulter d'un choix.

Derrière le combat contre de prétendues surtranspositions systématiques, l'article 12 remet en cause toute ambition en matière d'agroécologie et choisit le moins-disant environnemental et sanitaire. Pourtant, nous sommes le premier consommateur européen et le troisième consommateur mondial de pesticides. Ne nous cachons pas derrière une prétendue distorsion de la concurrence. Vous voulez faire primer les impératifs concurrentiels sur ceux inhérents à la santé humaine et à l'environnement. Ce n'est pas de nature à résoudre les problèmes du secteur agricole.

Mme le président.  - Amendement identique n°74, présenté par MM. Marie et Tissot, Mme Préville, MM. Devinaz, Houllegatte et Stanzione, Mmes Poumirol et Meunier, MM. Gillé, Magner et Kerrouche et Mmes Harribey et S. Robert.

M. Jean-Claude Tissot.  - L'article 12 consacre le principe de non-surtransposition en l'absence d'un motif d'intérêt général. Nous avons des doutes sur cette dernière expression, qui pourrait être autrement définie.

L'exigence minimale est également inquiétante, en ce qu'elle contraint le législateur à se prononcer sur les critères les plus faibles. Or il faut des étapes adaptables à chaque État membre.

Cet article affaiblit la position de la France dans les négociations européennes. L'objectif visé n'est pas le bon. En raison de sa position de principe, et de sa position idéologique anti-européenne, nous nous opposons à cet article.

Mme le président.  - Amendement identique n°113, présenté par MM. Labbé, Salmon, Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard et Parigi et Mmes Poncet Monge et M. Vogel.

M. Joël Labbé.  - On nous accuse de caricaturer le débat, mais ce texte se caricature lui-même. Comment justifier ce recul ? Par un rapport qui ne retient que le prisme des conséquences financières ? Présenter les surtranspositions comme le principal problème de l'agriculture française, quelle caricature !

Un rapport du Gouvernement de 2022 rappelle que les surtranspositions sont rares, et pleinement assumées quand elles existent.

Pour le S-métolachlore, l'Anses a appliqué le droit européen. L'autorisation expire au 20 juillet 2023. N'est-ce pas de la caricature que de crier à la surtransposition ?

Il est parfois légitime d'aller plus loin que le droit européen pour protéger nos citoyens et l'environnement. Il faut anticiper les problématiques à venir, et la France doit être leader dans ce domaine.

Mme Sophie Primas, rapporteur.  - Avis défavorable. Cet article vise à tirer la sonnette d'alarme sur les surtranspositions affectant le monde agricole, créant de la concurrence déloyale. Les produits phytosanitaires ne sont pas les seuls concernés. L'Assemblée nationale a adopté en mars 2023 une résolution appelant à lutter contre les surtranspositions en matière agricole, regrettant les interdictions brutales de produits phytopharmaceutiques et les risques de distorsion de concurrence.

Alerter sur les surtranspositions ne signifie pas accepter le moins-disant. Poser un principe de non-surtransposition est un signal clair envoyé au Gouvernement. L'Allemagne l'a fait. Il ne s'agit pas de priver le Parlement de son droit de légiférer. Cet article améliore au contraire l'information du Parlement.

M. Marc Fesneau, ministre.  - La question posée par cet article 12 est la bonne, même si sa rédaction est insuffisante. Je souhaite que nous allions au bout de la concertation en cours afin de construire une doctrine sur cette question des surtranspositions.

Évitons cependant de poser des interdictions sans nous poser la question des alternatives. Sagesse.

M. Joël Labbé.  - La question des surtranspositions est un leurre, qu'on agite pour éviter de traiter des vrais sujets : l'absence de régulation européenne, les inégalités engendrées par la PAC ou le manque d'équité des relations commerciales.

Les néonicotinoïdes se sont invités dans le débat en 2014. À la tribune, j'avais arraché ma cravate de colère ! (On s'en souvient sur certaines travées.) Nous avions réussi à les interdire. Deux ans après, l'Europe faisait de même.

Il y a eu ensuite des dérogations pour les réintroduire pour les betteraves, mais la CJUE et le Conseil d'État ont cassé ces décisions. La France a été exemplaire. Elle peut l'être encore.

M. Laurent Duplomb.  - Les néonicotinoïdes sont un vrai cas de surtransposition. (On acquiesce sur plusieurs travées à droite.) Il y a cinq familles de néonicotinoïdes. L'Europe en a interdit quatre. Les interdire toutes, comme l'a fait la France, est une surtransposition.

Constatant le problème de la jaunisse de la betterave, la France a réintroduit les néonicotinoïdes dans l'enrobage de la graine, ce que l'Europe interdit. On se retrouve non seulement sans alternative, mais pire, tous les autres pays européens, eux, ont la possibilité de traiter avec l'acétamipride. Les Polonais continueront de traiter la pomme avec cette molécule quand les arboriculteurs français seront dans l'impossibilité de le faire. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Nadia Sollogoub et M. Pierre Louault applaudissent également.)

M. Jean-Marc Boyer.  - Et voilà !

M. Guillaume Gontard.  - Merci au sénateur Duplomb d'expliquer pourquoi il faut parfois surtransposer les directives européennes. (M. Laurent Duplomb proteste.) Près de 1 200 études ont prouvé l'impact négatif des néonicotinoïdes sur la santé et sur la biodiversité. Heureusement que la France garde la liberté de les interdire.

M. Laurent Duplomb.  - On mangera donc du sucre brésilien et des pommes polonaises ! (Marques d'impatience à gauche devant les interruptions de M. Laurent Duplomb)

M. Guillaume Gontard.  - À l'inverse, la France ne respecte pas toutes les directives, comme sur la biodiversité, l'air, l'eau, les gaz à effet de serre.

Mme Pompili l'avait dit à cette tribune : nous serons jugés sur la dangerosité des produits. Si la France avait pris les devants en interdisant le chlordécone, nous ne serions pas dans la situation sanitaire que l'on connaît.

M. Vincent Segouin.  - Vous refusez donc de consommer n'importe quel sucre comportant des néonicotinoïdes ? Ou alors seulement quand il est importé ? L'industrie sucrière est en train de mourir. Continuez comme cela et nous verrons la fin de l'agriculture française. (« Bravo ! » et applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)

M. Daniel Salmon.  - Des solutions existent : la betterave bio, peut-être au prix d'une baisse de rendement.

M. Laurent Duplomb.  - Mais, oui, bien sûr !

Mme Sophie Primas, rapporteur.  - Pour les riches !

M. Daniel Salmon.  - Nous en importons beaucoup. Il faudrait simplement une volonté de la produire en France. Le directeur scientifique de l'Inrae a été auditionné. (M. Laurent Duplomb ponctue l'intervention de l'orateur de commentaires ironiques.) Son explication était limpide : à force de pesticides, on détruit la biodiversité et il n'y a plus de prédateurs pour les pucerons. Vous finirez par faire le vide dans la nature. Il faut prendre le taureau par les cornes !

M. Laurent Burgoa.  - Pas vous !

M. Pierre Médevielle.  - Certaines substances sont toxiques à partir de certaines doses. J'ai été l'un des premiers à signer sans états d'âme pour l'interdiction des néonicotinoïdes. Mais entre le danger et le risque, tout dépend de la dose.

Si on adopte les solutions de mes voisins écologistes, nous reviendrons à l'agriculture du Moyen-Âge et à ses famines (on s'indigne sur les travées du GEST) - ou nous importerons ! Des amis producteurs en bio m'ont confié être bien contents que leurs voisins traitent leurs cultures... (On en doute sur les travées du GEST.)

Soyons réalistes : le 100 % bio est impossible sur notre territoire aujourd'hui. (On le conteste sur les travées du GEST.)

M. Pierre Cuypers.  - Soyons raisonnables. Le Président de la République a raison de dire : « pas d'interdit sans solutions ». Voilà des années que les néonicotinoïdes sont utilisés sur la betterave, qui n'est pas une plante mellifère. L'enrobage de la graine protège la plante le temps de son développement pendant 80 à 90 jours, sans dangerosité avérée pour les abeilles. (On le conteste sur les travées du GEST.)

Vous pouvez vérifier. Il faut continuer à produire de la betterave et favoriser la recherche, sinon nous serons réduits à importer notre sucre, mais aussi l'alcool, le gel hydroalcoolique et les carburants. (Applaudissements sur plusieurs travées à droite ; M. Pierre Louault applaudit également.)

M. Marc Fesneau, ministre.  - Avec les néonicotinoïdes, nous sommes clairement en situation de surtransposition. (M. Guillaume Gontard le concède.) Il faut crédibiliser les solutions alternatives. La décision de la CJUE s'impose à nous ; elle n'a fait que rappeler que quand c'est interdit, c'est interdit. Il faut en tirer les leçons et se poser la question des moyens à mettre dans la recherche.

Selon M. Salmon, il faudrait produire du sucre bio. Mais seul 0,5 % du sucre consommé par les Français est bio ! Il faudrait un article 12 ter interdisant la consommation du sucre non bio... Il faut créer la demande pour qu'il y ait de l'offre. À défaut, nous consommerons du sucre qui ne sera pas produit en France.

M. Olivier Rietmann.  - Le débat laisse penser qu'il y a d'un côté une agriculture vertueuse, et une autre qui ne pense qu'à faire de l'argent.

Nos collègues écologistes ont cité les chiffres d'utilisation des produits phytosanitaires, jusqu'en 2018. Ils se sont bien gardés de donner les chiffres plus récents, car, depuis 2018, l'utilisation des produits phytosanitaires est en chute libre : moins 19 % entre 2019 et 2021, moins 85 % pour ceux à grand risque, et plus 15 % pour ceux autorisés en agriculture biologique. Il n'y a pas les bons d'un côté et les méchants de l'autre.

Les amendements identiques nos62 rectifié, 74 et 113 ne sont pas adoptés.

Mme le président.  - Amendement n°95, présenté par MM. Salmon, Labbé, Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard et Parigi et Mmes Poncet Monge et M. Vogel.

I. - Alinéa 3

Rédiger ainsi cet alinéa : 

« 1° B De veiller à ce que des normes législatives ou réglementaires soient conformes aux normes européennes en matière de protection de la santé et de l'environnement ; »

II. - Alinéa 5

1° Première phrase

Compléter cette phrase par les mots : 

ainsi qu'une analyse de la conformité des mesures proposées aux normes européennes, qui comprend une analyse des normes européennes en la matière qui ne seraient pas respectées par l'état du droit

2° Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Le Gouvernement présente également une analyse des conséquences pour l'environnement et la santé des non-conformités du droit français au droit de l'Union européenne identifiées, et les mesures qu'il compte mettre en oeuvre pour y remédier. 

M. Daniel Salmon.  - Cet amendement d'équilibre devrait vous satisfaire : à côté du principe de non sous-transposition, il pose un principe de lutte contre la sous-transposition et la sous-réglementation.

N'oublions pas que la France a été sommée de se mettre en conformité par la Commission européenne ou le Conseil d'État à plusieurs reprises, notamment concernant l'eau potable, ou encore la restriction de l'utilisation de pesticides dans les zones Natura 2000.

Nous ne pouvons pas nous victimiser en permanence. Il y a de la surtransposition d'un côté, de la sous-transposition de l'autre.

Mme le président.  - Amendement n°126, présenté par Mme Primas, au nom de la commission.

Alinéa 3

Remplacer les mots :

pas adoptées, sauf

par les mots :

adoptées que

Mme Sophie Primas, rapporteur.  - Amendement rédactionnel.

Avis défavorable à l'amendement n°95.

M. Marc Fesneau, ministre.  - Avis défavorable à l'amendement n°95 ; sagesse sur l'amendement n°126.

L'amendement n°95 n'est pas adopté.

L'amendement n°126 est adopté.

À la demande du GEST, l'article 12, modifié, est mis aux voix par scrutin public.

Mme le président. - Voici le résultat du scrutin n°286 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 342
Pour l'adoption 251
Contre   91

L'article 12, modifié, est adopté.

ARTICLE 12 BIS

Mme le président.  - Amendement n°96, présenté par MM. Salmon, Labbé, Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard et Parigi et Mmes Poncet Monge et M. Vogel.

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé : 

Ce rapport comporte un bilan sur la politique de contrôle sanitaire des denrées alimentaires importées. Il précise le nombre de contrôles effectués pour l'année, dont le nombre de contrôles aléatoires, le nombre d'agents affectés à ces contrôles, les résultats de ces enquêtes, ainsi que les mesures, mises en oeuvre et proposées, au niveau national et européen pour mieux lutter contre les risques sanitaires et environnementaux liés aux produits importés.

M. Daniel Salmon.  - Les clauses miroirs seraient un moyen de protéger notre agriculture de la concurrence déloyale, mais le dossier n'avance pas : le rapport d'information flash sur les retraits et rappels de produits à base de graines de sésame importées d'Inde soulignait le manque de moyens alloués aux administrations pour mener à bien leurs missions, ce qui entraîne une distorsion de concurrence et une exposition des consommateurs à des risques sanitaires.

Il faut un réel bilan de la politique de contrôle sanitaire des données importées.

Mme Sophie Primas, rapporteur.  - Avis favorable.

M. Marc Fesneau, ministre.  - Avis défavorable.

L'amendement n°96 est adopté.

L'article 12 bis, modifié, est adopté.

APRÈS L'ARTICLE 12 BIS

Mme le président.  - Amendement n°97, présenté par MM. Salmon, Labbé, Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard et Parigi et Mmes Poncet Monge et M. Vogel.

Après l'article 12 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 1 du code rural et de la pêche maritime est complété par un paragraphe ainsi rédigé : 

« ....  -  Pour l'atteinte des finalités de la politique en faveur de l'agriculture et de l'alimentation mentionnées au présent I, la France soutient au niveau international et européen le principe d'un traitement différencié dans le cadre des relations commerciales internationales du secteur agricole, qui l'exclut de tout accord commercial global ou de libre-échange. »

M. Daniel Salmon.  - Les clauses miroirs amorcent une régulation européenne sur la question des échanges, mais ne seront pas suffisantes. La Commission européenne semble résolue à conclure l'accord avec le Mercosur alors que les conditions sur les clauses miroirs ne sont pas réunies.

Cet amendement inscrit parmi les objectifs de la politique agricole le principe selon lequel la France soutient un traitement différencié dans le cadre des relations commerciales internationales, qui l'exclut de tout accord commercial global ou de libre-échange.

L'objectif doit rester la souveraineté alimentaire, selon la définition proposée par Via Campesina au sommet de la FAO.

Mme Sophie Primas, rapporteur.  - J'y vois un amendement d'appel. L'exclusion des accords commerciaux ou de libre-échange ne me semble ni réaliste ni souhaitable. De plus, il relève d'une injonction au Gouvernement. Avis défavorable.

M. Marc Fesneau, ministre.  - Avis défavorable, pour les mêmes raisons.

J'en profite pour revenir aux sous-transpositions : quand nous serons d'accord sur les normes avec nos partenaires européens, nous pourrons imposer des clauses miroirs ! Par ailleurs, c'est bien parce qu'il y a des accords internationaux que nous pouvons faire reconnaître des signes de qualité. Ne faisons pas de tort à notre vocation exportatrice.

M. Fabien Gay.  - Cet amendement est l'occasion de parler du libre-échange - un thème sur lequel le Parlement est privé de débat. (M. Daniel Salmon acquiesce.) Monsieur le ministre, je suis toujours disponible pour aller visiter une exploitation agricole qui bénéficierait de l'accord avec le Canada ou le Mercosur ! Vous êtes le quatrième à me promettre une telle visite...

Comment le Sénat peut-il se faire humilier ainsi par le Gouvernement ? Quand aurons-nous un débat, suivi d'un vote, sur le Ceta ?

Les clauses miroirs, c'est refuser d'accepter d'autres pays des produits que nous interdisons ici. Sur ce point, on peut trouver un accord avec une bonne partie de la droite sénatoriale.

Je suis ravi d'entendre qu'il faut des accords de libre-échange pour commercer. Je ne savais pas que nous vivions en autarcie jusque dans les années 1970 ! (Sourires)

La question de l'exception agricole se pose au même titre que celle de l'exception culturelle. Il faut poser ce débat.

Mme Anne Chain-Larché.  - Bravo ! (Applaudissements sur les travées du GEST ; M. Pierre Cuypers applaudit également.)

L'amendement n°97 n'est pas adopté.

Mme Sophie Primas, rapporteur.  - Nous essaierons de terminer l'examen de ce texte ce soir, mais je vous invite à être plus concis.

ARTICLE 13

Mme le président.  - Amendement n°40 rectifié, présenté par M. Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Supprimer cet article.

M. Christian Redon-Sarrazy.  - Cet article introduisait, dans les décisions de l'Anses sur les autorisations de mise sur le marché (AMM) des produits phytopharmaceutiques, le principe d'un bilan bénéfices-risques en matière sanitaire et économique, mais la commission a estimé que l'Anses ne pourrait mener à bien cette mission.

L'article introduit aussi un délai de grâce systématique en cas de retrait d'une AMM, pour continuer à vendre le produit pendant six mois et le stocker pendant une année, ce qui remet totalement en cause le dispositif et affaiblit l'Anses au profit de la seule logique économique.

L'Anses est une agence indépendante ; ses décisions ne sauraient être mises en cause demain sur des critères économiques.

Il est en outre inacceptable qu'un ministre demande la suspension d'une décision de l'Anses ; c'est la porte ouverte à tous les lobbies. Derrière la recherche de compétitivité, il y a une volonté de déréguler.

Mme le président.  - Amendement identique n°63, présenté par M. Gay et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

M. Fabien Gay.  - Défendu.

Mme le président.  - Amendement identique n°114, présenté par MM. Labbé, Salmon, Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard et Parigi et Mmes Poncet Monge et M. Vogel.

M. Joël Labbé.  - Défendu.

Mme Sophie Primas, rapporteur.  - Avis défavorable. Nous ne touchons aucunement aux missions de l'Anses, mais donnons au ministre un pouvoir politique sur certaines molécules, pour permettre une analyse bénéfices-risques, s'assurer que ces molécules sont autorisées ou non dans d'autres pays européens, identifier les solutions de repli et pousser la recherche à trouver des alternatives.

L'indépendance de l'Anses n'est aucunement remise en cause. Je suis très surprise de la position du groupe SER, qui s'est pourtant fortement opposé à la fusion de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) et de l'institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) au nom de l'indépendance de la première. Vous vous contredisez.

M. Marc Fesneau, ministre.  - Je rejoins partiellement Mme Primas, mais émets un avis favorable. Je n'ai jamais remis en cause les prérogatives de l'Anses. Rien n'empêche d'échanger avec l'agence, ce que vous faites en remettant en cause ses préconisations sur la grippe aviaire ou le plan nitrites.

M. Guillaume Gontard.  - Nous n'en avons pas le pouvoir !

M. Marc Fesneau, ministre.  - Sur les néonicotinoïdes, c'est la surtransposition française qui est en cause, pas l'Anses. (M. Pierre Cuypers en convient.) Il faut en sortir ; nous sommes d'accord là-dessus ; mais nous n'avons pas encore trouvé d'alternatives.

Nous avons besoin que l'Anses éclaire le débat, notamment sur la synchronisation avec le niveau européen. M. Labbé évoque la décision de l'Efsa (Autorité européenne de sécurité des aliments) sur le S-métolachlore, mais elle n'a pas encore été publiée ! Que se passera-t-il si ce n'est pas la même que celle de l'Anses ?

M. Laurent Duplomb.  - C'est ce qui va se passer !

M. Marc Fesneau, ministre.  - Pourquoi ne pas essayer de synchroniser les agendas européen et national ? Sans harmonisation européenne, nous allons faire disparaître nos filières. Il faut un débat apaisé. L'Anses n'est pas une autorité indépendante, mais une agence qui a des tutelles. Rien n'empêche de trouver un compromis, sans remettre en cause les éléments scientifiques qui appuient sa décision.

M. Serge Mérillou.  - L'article 13 est au coeur du texte. J'ai exprimé des réticences sur les dispositions concernant l'usage des pesticides. Les modifications de la commission franchissent une ligne rouge en durcissant le dispositif, dont la version initiale préservait la souveraineté de l'Anses. La commission lui retire de facto son pouvoir décisionnaire, qui est transféré au ministre, au risque que les arbitrages ne se fassent pas dans l'intérêt général. Je voterai contre cet article.

M. Daniel Salmon.  - Monsieur le ministre, le GEST ne fait pas partie du Gouvernement ; en tant que groupe d'opposition, il lui est loisible de critiquer des décisions de l'Anses, autorité indépendante.

M. Marc Fesneau, ministre.  - Elle n'est pas indépendante !

M. Daniel Salmon.  - Mais il y a une différence entre vous et nous.

M. Marc Fesneau, ministre.  - Cela ne nous avait pas échappé !

M. Laurent Duplomb.  - Ça c'est sûr !

Les amendements identiques nos40 rectifié, 63 et 114 ne sont pas adoptés.

Mme le président.  - Amendement n°127, présenté par Mme Primas, au nom de la commission.

Alinéa 5

Supprimer les mots :

, par arrêté,

Mme Sophie Primas, rapporteur.  - Rédactionnel.

M. Marc Fesneau, ministre.  - Sagesse

L'amendement rédactionnel n°127 est adopté.

À la demande du GEST, l'article 13, modifié, est mis aux voix par scrutin public.

Mme le président. - Voici le résultat du scrutin n°287 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 332
Pour l'adoption 215
Contre 117

L'article 13, modifié, est adopté.

ARTICLE 14

Mme le président.  - Amendement n°21 rectifié ter, présenté par MM. Canévet, Mizzon, Cadic, Levi et Henno, Mme N. Goulet, MM. Le Nay et Détraigne, Mmes Havet, Billon, Herzog et Jacquemet, M. Duffourg, Mme Perrot, M. Chauvet et Mme Doineau.

Après le mot :

agricoles

insérer les mots :

ainsi que de l'aquaculture lacustre et de rivière

M. Michel Canévet.  - Cet article prévoit un rapport sur les mesures d'encadrement des pratiques agricoles. L'aquaculture de rivière et lacustre est au point mort depuis longtemps ; il faut identifier les freins à son développement.

Mme Sophie Primas, rapporteur.  - Cet amendement est satisfait, mais j'en partage l'intention : il faut un coup de projecteur sur l'aquaculture. Avis favorable.

M. Marc Fesneau, ministre.  - Retrait ou avis défavorable.

L'amendement n°21 rectifié ter est adopté.

Mme le président.  - Amendement n°117, présenté par MM. Labbé, Salmon, Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard et Parigi et Mmes Poncet Monge et M. Vogel.

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Ce rapport évalue également les coûts des externalités négatives des pratiques agricoles pour la collectivité, notamment les coûts sanitaires et environnementaux des pollutions liées à l'usage des produits phytosanitaires et des engrais de synthèse, des pollutions liées aux nitrates, ainsi que la part des dépenses publiques qui contribue à réduire ces coûts. D'autre part, il évalue les gains liés aux externalités positives des pratiques agroécologiques et notamment de l'agriculture biologique et la part des dépenses publiques orientée vers ces pratiques.

M. Joël Labbé.  - Cet amendement complète le rapport prévu par une évaluation des impacts environnementaux et sanitaires des pratiques agricoles. Coût de dépollution de l'eau, coût pour la santé, la biodiversité, etc. : tout cela doit aussi être pris en compte dans les politiques publiques. Une étude de 2021 de la fondation Nicolas Hulot montre que moins de 1 % des dépenses publiques contribuent à la réduction de l'usage des pesticides. L'agriculture bio implique, au contraire, des aménités qui doivent être prises en compte.

Mme Sophie Primas, rapporteur.  - Avis défavorable ; l'évaluation des dispositions législatives relève des missions du Parlement.

M. Marc Fesneau, ministre.  - Même avis pour les mêmes raisons.

L'amendement n°117 n'est pas adopté.

L'article 14, modifié, est adopté.

ARTICLE 15

Mme le président.  - Amendement n°14, présenté par MM. Salmon, Labbé, Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard et Parigi et Mmes Poncet Monge et M. Vogel.

Supprimer cet article.

M. Daniel Salmon.  - Alors que les infrastructures de stockage d'eau à des fins agricoles cristallisent les débats, cet amendement supprime l'article 15 qui déclare d'intérêt majeur ces ouvrages.

Nous ne sommes pas systématiquement hostiles au stockage d'eau (M. Laurent Duplomb s'en étonne) mais ces pratiques doivent être les dernières mises en oeuvre, une fois que toutes les pratiques de sobriété ont été engagées, notamment via la rétention de l'eau dans les sols. Du reste, 93 % de notre agriculture est pluviale et n'a pas besoin d'irrigation. Il convient d'abord d'adapter notre agriculture au changement climatique. L'irrigation doit être conditionnée à des pratiques agroécologiques.

De plus, les ouvrages de stockage d'eau ont des impacts sérieux sur l'état des milieux.

Mme le président.  - Amendement identique n°41 rectifié, présenté par M. Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

M. Jean-Claude Tissot.  - Nous abordons un sujet difficile qui mériterait à lui seul une loi. La majorité du groupe SER juge difficile de le traiter au détour de ce texte, sans étude d'impact ni concertation.

De plus, cet article est malvenu au vu du contexte politique extrêmement tendu. Seule une solution équilibrée et durable apaisera les tensions et répondra aux demandes des agriculteurs.

Le groupe SER a lancé, dans le cadre de son droit de tirage, un travail de fond sur le sujet. Avant la publication de ses conclusions après six mois d'auditions, il est imprudent d'imposer des solutions définitives.

Mme le président.  - Amendement identique n°64, présenté par M. Gay et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

M. Fabien Gay.  - Il vaut la peine de s'attarder sur cette question. L'été dernier, cent villages en France ont été privés d'eau potable pendant plusieurs jours ; ensuite, il y a eu les mégafeux, puis les inondations. Ces épisodes s'intensifient et s'accélèrent.

Dans ce contexte, il est des biens qu'il faut mettre en dehors du marché - des biens communs de l'humanité.

Je ne confonds pas les mégabassines de retenue et celles qui pompent dans les nappes phréatiques.

M. Laurent Duplomb.  - Cela n'a rien à voir !

M. Fabien Gay.  - Mais conférer à toutes les bassines le statut d'ouvrages d'intérêt général majeur, ce n'est pas au niveau de notre débat. Il faut un travail sérieux. Quand il n'y aura plus rien à pomper, il n'y aura plus d'agriculture. Cela finira comme ça.

M. Daniel Salmon.  - C'est déjà comme cela en Espagne !

Mme le président.  - Amendement identique n°72, présenté par Mme Schillinger et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

Mme Patricia Schillinger.  - La question de l'eau est redevenue une problématique structurante du débat public. L'agriculture est en première ligne : 10 % des volumes d'eau douce y sont destinés, et 45 % de l'eau consommée l'est par l'agriculture.

Le Président de la République a prôné une meilleure territorialisation de la politique de l'eau. Nous comprenons la priorité donnée à l'agriculture, mais la gestion de l'eau doit être concertée au niveau de chaque territoire. Le RDPI souhaite donc supprimer cet article. Le sujet devra être abordé dans la LOA, en tenant compte de la multiplication des actions en justice et de l'agri-bashing.

Mme Sophie Primas, rapporteur.  - L'équilibre trouvé en commission sécurise les agriculteurs tout en prenant en compte les autres enjeux de gestion de l'eau. Nous avons mis en cohérence l'article 15 avec l'article L. 211-1 du code de l'environnement qui définit les objectifs de la politique de l'eau, dresse une liste de ses usages - et mentionne une politique active de stockage de l'eau, dans le cadre d'un usage partagé, en tenant compte des besoins de l'agriculture et du maintien de l'étiage des rivières.

L'essentiel des ouvrages de stockage d'eau à vocation agricole fait l'objet d'une procédure de déclaration ou d'autorisation.

M. Marc Fesneau, ministre.  - Avis favorable. Vous avez raison, monsieur Gay : le débat est devant nous. La conflictualité des usages de l'eau, c'est vieux comme le monde. Plutôt que de commenter la météo au jour le jour, levons le nez du guidon et regardons la trajectoire : les quantités d'eau tombant sur le sol français resteront les mêmes, mais l'évapotranspiration et les disparités territoriales augmenteront. Des territoires qui n'en avaient pas besoin auront besoin d'irrigation.

Vous parlez du pompage dans les nappes, mais elles ne sont pas les mêmes en Beauce ou en Poitou-Charentes. Inspirons-nous de l'exemple vendéen.

M. Bruno Retailleau.  - Je vais en parler !

M. Marc Fesneau, ministre.  - Monsieur Salmon, vous parlez d'or. Vous avez un exemple d'usage partagé, de réduction de la consommation et d'évolution des pratiques : Sainte-Soline. (M. Daniel Salmon se récrie.) C'est ce qui est prévu dans le protocole !

M. Daniel Salmon.  - Ce n'est pas ce qui est appliqué !

M. Marc Fesneau, ministre.  - Les agriculteurs respectent le protocole et la loi - j'aimerais que tout le monde en fasse autant. (M. Bruno Retailleau renchérit.) De fait, si les agriculteurs ne respectent pas le protocole, ils n'auront pas accès au pompage : ce n'est pas open bar !

Selon vous, qu'est-ce qu'un projet vertueux : un projet où il n'y a plus d'eau ? Il faut assumer que nous avons besoin d'ouvrages. J'entends parler de mégabassines, mais qu'est-ce que Serre-Ponçon ? Douze hectares pour une mégabassine, 2 800 pour Serre-Ponçon ! Je suis sûr, monsieur Salmon, que, aujourd'hui, vous remettriez en cause Serre-Ponçon, qui permet pourtant des usages multiples.

Je suis favorable aux amendements de suppression, car nous ne pouvons pas faire de généralité sans tenir compte de la nature des ouvrages. Il faut territorialiser les mesures, faire évoluer les pratiques et raccourcir les procédures, qui ne peuvent pas durer dix ans.

Ouvrons sereinement le débat, de manière moins caricaturale, pour encourager les agriculteurs à s'engager dans la transition en leur donnant accès à l'eau, qui leur est essentielle.

M. Franck Montaugé.  - Question basique : les projets d'intérêt majeur, les raisons impératives d'intérêt public majeur, on connaît. Mais quid des projets d'intérêt général majeur ? À quelle définition juridique répondent-ils ?

M. Daniel Salmon.  - Ne mélangeons pas toutes les retenues d'eau : le lac de Serre-Ponçon, les retenues collinaires, les bassines qui pompent dans les nappes, tout cela n'est pas à mettre dans le même panier.

Vous parlez de légalité, mais que dire des cinq bassines remplies alors qu'elles sont illégales ? La privatisation de l'eau pose question : où est le partage dont on parle beaucoup ? Sainte-Soline serait un exemple magnifique, à vous croire : mais on y a installé dans tous les champs des canaux pour évacuer l'eau le plus vite possible...

Revenons au respect des cours d'eau et des zones humides pour avoir moins besoin de stocker !

M. Bruno Retailleau.  - Je ne puis laisser M. le ministre parler de la Vendée de façon solitaire... (Sourires)

Je ne partage pas son avis sur les amendements. Depuis des mois, j'entends des positions idéologiques sur les bassines, que nous appelons réserves de substitution. En Vendée, elles existent depuis plus de vingt ans, et j'ai suivi personnellement ces expérimentations. Des constats sont aujourd'hui possibles.

Avec le réchauffement climatique, il ne tombera pas moins d'eau, mais l'eau tombera de manière plus concentrée et violente. L'adaptation passe donc par le stockage de l'eau.

Une commission d'enquête travaillera sur ces questions : j'invite ses membres à venir en Vendée. Les gains sont de 20 à 40 centimètres sur le niveau des marais, et jusqu'à 3 mètres sur celui de la nappe.

Baisse de la culture du maïs, augmentation des légumineuses, préservation de l'élevage : les conséquences sont positives. Sortons de l'idéologie pour revenir à l'observation concrète.

M. Fabien Gay.  - Il s'agit d'une modification fondamentale de la loi de 2006 sur l'eau et les milieux aquatiques. Si l'article 4.7 de la directive sur l'eau permet des dérogations dans le cadre de projets d'intérêt général majeur, elle ne le permet pas pour des projets agricoles. Mais cet article 15, systématiquement, propose cette qualification. N'amalgamons pas tous les types de retenues d'eau. Nous soutenons la suppression de l'article.

M. Philippe Mouiller.  - Sainte-Soline est dans mon département : j'ai suivi le protocole, l'engagement du monde agricole. Je rappelle que Delphine Batho a signé ce protocole. Puis, à l'approche de l'élection présidentielle, tout a basculé - je ne sais si c'est pour des raisons idéologiques.... (Mme la rapporteure et M. Laurent Duplomb abondent.)

M. Guillaume Gontard.  - Je soutiens ces amendements de suppression, car on ne peut déclarer des projets d'intérêt général majeur par principe.

Aujourd'hui, des projets tels que Serre-Ponçon verraient-ils le jour ? Un village a été détruit, l'impact sur la biodiversité a été important : c'est donc loin d'être anodin. Les grands barrages correspondent à un vrai travail sur tous les usages de l'eau, de l'irrigation au tourisme, mais il s'agit de mettre la main sur l'eau, notre commun.

Lorsque la puissance publique s'en occupe, cela fonctionne : une gestion et une répartition de la ressource sont possibles. Les écologistes ne sont pas opposés au stockage de l'eau - même si 95 % de la surface utile agricole n'est pas irriguée - mais ils les refusent lorsqu'il s'agit d'une privatisation de l'eau ! (M. le ministre et M. Laurent s'exclament.) Avec des vrais projets publics et partagés, les choses seraient très différentes.

Les amendements identiques nos14, 41 rectifié, 64 et 72 ne sont pas adoptés.

Mme le président.  - Amendement n°98, présenté par MM. Salmon, Labbé, Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard et Parigi et Mmes Poncet Monge et M. Vogel.

Rédiger ainsi cet article :

Le 5° bis du I de l'article L. 211-1 du code de l'environnement est ainsi rédigé : 

« 5° bis La promotion d'une politique de sobriété d'usage de l'eau en agriculture, notamment via le développement de pratiques agronomiques, et l'encadrement des ouvrages ayant vocation à stocker l'eau pour l'irrigation, garantissant qu'ils contribuent, dans le cadre d'un projet de territoire, à un usage transparent, partagé et sobre de la ressource en eau, et à la mise en oeuvre de pratiques agroécologiques. »

M. Daniel Salmon.  - Le texte ne prévoit pas de qualifier le fonctionnement des milieux aquatiques comme d'intérêt général, mais de prévoir « dès que possible » un partage de la ressource. Cela ne semble pas sérieux, alors que nous devrons réfléchir collectivement à ces usages. Le stockage de l'eau le plus pertinent est dans les nappes : nous pouvons le favoriser en travaillant sur les sols et les haies.

Replaçons le stockage de l'eau dans une politique démocratique permettant le partage de l'eau et son usage sobre dans le cadre de projets de territoire. De petites cultures bio se voient refuser l'accès à l'eau, alors que de gros volumes sont consacrés à des monocultures de maïs néfastes pour l'environnement... Encadrons le stockage de l'eau en vue d'un usage sobre et partagé de ce bien commun.

Mme Sophie Primas, rapporteur.  - Le code de l'environnement pose déjà l'exigence d'un usage partagé de l'eau. Avis défavorable.

M. Marc Fesneau, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°98 n'est pas adopté.

À la demande du GEST, l'article 15 est mis aux voix par scrutin public.

Mme le président. - Voici le résultat du scrutin n°288 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 343
Pour l'adoption 226
Contre 117

L'article 15 est adopté.

APRÈS L'ARTICLE 15

Mme le président.  - Amendement n°17 rectifié, présenté par M. Duffourg, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Burgoa, Decool, Pellevat, Kern, Chasseing, Le Nay, Bonhomme, Mizzon, Henno et Moga, Mme Lopez, M. Chatillon, Mmes Muller-Bronn et Loisier, MM. Médevielle, Canévet, Hingray et J.M. Arnaud, Mme Ventalon, M. Somon, Mme Malet, MM. Folliot, Chauvet et Cigolotti, Mmes Doineau et Saint-Pé et M. Klinger.

Après l'article 15

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le premier alinéa du II de l'article L. 214-3 du code de l'environnement est complété par une phrase ainsi rédigée : « Sont notamment soumises à déclaration les retenues collinaires de moins de 150 000 mètres cubes d'eau. »

M. Alain Duffourg.  - Il s'agit de simplifier la création de retenues collinaires inférieures à 150 000 m3, qui ne puisent pas dans les nappes, mais visent à retenir l'eau de pluie. Les éleveurs et maraîchers en bénéficieraient, et nous n'aurions plus à chercher nos produits à l'autre bout du monde. Cette mesure devrait faire consensus.

Mme Sophie Primas, rapporteur.  - Je comprends la finalité de l'amendement, mais il faudrait une expertise plus poussée : les ouvrages de retenue d'eau sont soumis à la nomenclature IOTA (Installations, ouvrages, travaux, activités). Le volume de la réserve est certes un critère retenu, mais d'autres existent, comme la zone d'installation de la retenue. Les effets escomptés ne sont pas assurés. Retrait ou avis défavorable.

M. Marc Fesneau, ministre.  - Avis défavorable également, pour les mêmes raisons.

M. Franck Montaugé.  - Dans le même esprit, la question se pose du curage des retenues collinaires existantes. On pourrait récupérer 25 % à 30 % des capacités initiales, mais ces opérations sont extrêmement difficiles en raison de la complexité des dossiers. (M. le ministre acquiesce.) Il y a matière à simplification !

M. Michel Canévet.  - Je voterai cet amendement. Nous tentons de simplifier les projets énergétiques ou industriels : simplifions aussi les projets de retenue d'eau !

L'amendement n°17 rectifié n'est pas adopté.

Mme le président.  - Amendement n°99, présenté par MM. Salmon, Labbé, Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard et Parigi et Mmes Poncet Monge et M. Vogel.

Après l'article 15

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - La construction de tout ouvrage de stockage d'eau étanchéifié, rempli au moins partiellement par pompage en nappe ou en rivière, et à usage quasi exclusif agricole, d'une capacité et d'une surface supérieure à un seuil défini par décret est suspendue sur l'ensemble du territoire national.

II. - Un décret définit les modalités d'application du présent article.

M. Daniel Salmon.  - Les mégabassines ne constituent pas un modèle efficace et durable. En Espagne, où le recours aux réserves de substitution est important, les réserves peinent à se remplir.

Les mégabassines sont-elles conformes à la directive-cadre ? Un moratoire sur les projets de mégabassines est nécessaire pour qu'un débat serein se déroule, fondé sur une expertise scientifique. Il faut démocratiser les choix et les restrictions éventuelles en temps de sécheresse.

Mme Sophie Primas, rapporteur.  - Cet amendement entre en contradiction avec les objectifs de la proposition de loi. Avis défavorable.

M. Marc Fesneau, ministre.  - Avis défavorable. La seule solution que vous proposez est un moratoire, c'est-à-dire d'attendre. Des projets sont lancés depuis trois, cinq ou dix ans, et des personnes qui les ont approuvés ignorent parfois leur signature. (M. Laurent Duplomb renchérit.)

M. Montaugé a raison : il faut travailler aussi sur l'entretien de l'existant. La question est surtout d'ordre réglementaire. Un tiers de la capacité de stockage d'eau pourrait être récupéré.

M. Franck Montaugé.  - C'est énorme !

M. Marc Fesneau, ministre.  - J'essaierai de trouver un chemin réglementaire.

M. Daniel Salmon.  - Parfois, certes, un moratoire décale un peu les projets...

Mme Sophie Primas, rapporteur.  - Un peu...

M. Daniel Salmon.  - Mais cela empêche de faire des bêtises. Des études sont fondées sur l'hydrologie et le climat d'il y a 20 ans. Les choses évoluent plus vite qu'on ne le pensait.

Mme Sophie Primas, rapporteur.  - Au moins des gens évoluent !

M. Daniel Salmon.  - Aucune honte à attendre, pour se poser les bonnes questions.

L'amendement n°99 n'est pas adopté.

ARTICLE 16

Mme le président.  - Amendement n°65 rectifié, présenté par M. Gay et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Supprimer cet article.

M. Fabien Gay   - Défendu.

Mme Sophie Primas, rapporteur.  - Avis défavorable.

M. Marc Fesneau, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°65 rectifié n'est pas adopté.

Mme le président.  - Amendement n°42 rectifié, présenté par M. Montaugé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

« Le processus de conception et de mise en oeuvre des dispositifs de gestion partagée de l'eau à l'échelle des bassins hydrographiques concernés prend en compte les préconisations de l'instruction du Gouvernement du 7 mai 2019 relative aux projets de territoire pour la gestion de l'eau. »

M. Franck Montaugé.  - Cet amendement d'appel vise à développer les projets territoriaux de gestion des eaux (PTGE), qui ont la vertu de réunir toutes les parties prenantes. Jamais, dans le secteur de l'Adour, le PTGE n'a été évalué, malgré ses effets positifs. Il a permis à des gens qui ne l'auraient sans doute pas fait de se parler, et un plan d'action a pu être envisagé pour l'utilisation de la ressource en eau. Le Conseil général au développement durable a fait plusieurs recommandations, constatant que la démarche de ces PTGE est vertueuse. Encourageons-les.

Mme le président.  - Amendement n°100, présenté par MM. Salmon, Labbé, Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard et Parigi et Mmes Poncet Monge et M. Vogel.

Compléter cet article par quatre alinéas ainsi rédigés :

« Ces projets permettent une concertation large et équilibrée associant les représentants des collectivités territoriales, de leurs groupements et des établissements publics locaux, des usagers non professionnels dont les associations de consommateurs, des associations de protection de l'environnement, des usagers professionnels des secteurs de l'agriculture, notamment l'ensemble des syndicats agricoles représentatifs, des représentants des pratiques agricoles agroécologiques, et notamment des représentants des organismes nationaux à vocation agricole et rurale, des représentants de l'agriculture biologique, de la sylviculture, de la pêche, de l'aquaculture, de la batellerie et du tourisme et des usagers professionnels du secteur industriel et de l'artisanat, des représentants de l'État ou de ses établissements publics concernés. 

« Ils prévoient une concertation avec les citoyens des territoires concernés.

« Ils permettent d'envisager, à partir d'un diagnostic de la situation hydrologique et de l'état des prélèvements, l'ensemble des modalités permettant de construire une gestion de l'eau et de ses usages à la fois sobre, équitable et transparente, et ne se construisent pas sur la base d'un projet préétabli.

« Ces projets prévoient également le suivi de la mise en oeuvre des modalités définies. »

M. Daniel Salmon.  - Donnons un cadre juridique aux PTGE, pour qu'ils deviennent de vrais outils de démocratie au service des territoires.

Les modalités actuelles de concertation ne permettent pas de penser les usages partagés de manière collective : il faut les ouvrir à l'agroforesterie et à l'agriculture paysanne notamment, pour favoriser les solutions reposant sur la nature, comme la plantation des haies - un rapport vient de paraître sur ce sujet essentiel.

Le PTGE ne doit pas être un dispositif de contournement des schémas et des schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux (Sage et Sdage).

Mme Sophie Primas, rapporteur.  - L'amendement n°42 rectifié ajoute inutilement la référence à l'instruction du Gouvernement du 7 mai 2019 relative aux PTGE, mais la loi n'a pas vocation à renvoyer à des instructions gouvernementales. De plus, un additif du 17 janvier 2023 a été publié, et l'amendement est incomplet. Avis défavorable.

Sur l'amendement n°100, l'ensemble des acteurs auditionnés nous ont invités à ne pas rigidifier les PTGE. Laissons à l'intelligence territoriale le soin d'organiser leurs concertations. Cela fonctionne, puisque 70 PTGE ont été réalisés et que 100 sont en construction. Avis défavorable également.

M. Marc Fesneau, ministre.  - Même avis. J'entends l'amendement d'appel. Les PTGE sont un outil territorial de gestion et de concertation. De grâce, ne faisons pas intervenir des personnes qui n'ont rien à voir avec le territoire. Les enjeux ne sont pas les mêmes partout. La chambre des territoires ne saurait dessaisir ces derniers de leurs responsabilités !

Acceptons également que la majorité s'impose à la minorité. Si les PTGE se terminent en contentieux, on se demande à quoi ils servent. La concertation ne se résume pas au fait d'imposer son point de vue.

L'amendement n°42 rectifié n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°100.

L'article 16 est adopté.

ARTICLE 17

Mme le président.  - Amendement n°15, présenté par MM. Salmon, Labbé, Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard et Parigi et Mmes Poncet Monge et M. Vogel.

Supprimer cet article.

M. Daniel Salmon.  - Cet article attribue aux cours administratives d'appel (CAA) une compétence directe en premier et dernier ressorts pour les projets d'ouvrage de prélèvement et de stockage d'eau. Il n'est pas opportun de limiter ainsi l'accès à la justice sur l'eau, dans un contexte de tensions. Privilégions la concertation.

De plus, cet article risque d'asphyxier les CAA. Ce n'est pas en supprimant les échelons que nous gagnerons du temps, mais en accordant plus de moyens à la justice.

Mme le président.  - Amendement identique n°43 rectifié, présenté par M. Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

M. Jean-Claude Tissot.  - Aucune décision hâtive ne doit être prise sur le sujet sensible du stockage de l'eau. Le secteur associatif est formel : il n'y a pas de prolifération des contentieux. Méfions-nous de la médiatisation, comme de la philosophie du Président de la République qui veut accélérer toutes les procédures, quitte à réduire le contrôle démocratique et les études d'impact.

Mme le président.  - Amendement identique n°66 rectifié, présenté par M. Gay et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

M. Fabien Gay.  - Défendu.

Mme Sophie Primas, rapporteur.  - Réguler la durée des contentieux est une nécessité, l'actualité le démontre. Il ne s'agit pas d'entraver l'accès à la justice mais d'éviter que les procédures s'éternisent sept ans, dix ans, avec des conséquences désastreuses pour ceux qui travaillent sur les projets. Avis défavorable.

Cet article 17 s'inspire d'autres dispositifs visant à réguler des contentieux abondants, notamment dans le domaine des éoliennes.

M. Marc Fesneau, ministre.  - Avis favorable. Nous devons cependant continuer à travailler sur ces sujets pour réduire la durée globale de montage des projets, au-delà des seuls contentieux. Il est possible de mener des études très sérieusement sans attendre que la première soit finie pour engager les suivantes. Procédons pour l'eau comme pour les entreprises dans d'autres secteurs. Il n'est pas acceptable que le montage d'un projet dure sept à dix ans.

Mme Sophie Primas, rapporteur.  - Cet article avait été voté à l'Assemblée nationale par la majorité présidentielle, à l'initiative de Guillaume Kasbarian.

Les amendements identiques nos15, 43 rectifié et 66 rectifié ne sont pas adoptés.

L'article 17 est adopté.

ARTICLE 18

Mme le président.  - Amendement n°44 rectifié, présenté par Mme Bonnefoy et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Supprimer cet article.

M. Christian Redon-Sarrazy.  - Cet article, comme d'autres, revient sur des acquis environnementaux obtenus de haute lutte. Revenir sur l'interdiction des 3R et sur la séparation du conseil et de la vente des produits phytopharmaceutiques serait une régression. Ces mesures figuraient dans le rapport d'information de Nicole Bonnefoy sur les pesticides et dans la proposition de loi socialiste de 2013.

Quand la rémunération du conseiller est fonction du volume de vente, il y a un risque manifeste de conflit d'intérêts. Les rapporteurs de la loi Égalim, M. Michel Raison et Mme Anne-Catherine Loisier, s'y étaient d'ailleurs opposés.

Mme le président.  - Amendement identique n°67, présenté par M. Gay et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

M. Fabien Gay.  - Le cumul de la vente et du conseil entraîne des risques de conflits d'intérêts et de conseils orientés, qui peuvent conduire à une surconsommation de produits phytosanitaires, avec à la clé un risque pour les pollinisateurs. Signalons au passage que la séparation capitalistique des structures n'est pas totale.

Mme le président.  - Amendement identique n°93, présenté par Mme Schillinger et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

Mme Patricia Schillinger.  - Ces interdictions issues de la loi Égalim visaient à réduire le risque de conflit d'intérêts. Revenir dessus enverrait un signal négatif alors que nos agriculteurs sont engagés dans la réduction des usages des produits phytosanitaires et de leur impact. Soutenons plutôt la recherche d'alternatives, des nouvelles technologies et du biocontrôle.

Mme le président.  - Amendement identique n°115, présenté par MM. Labbé, Salmon, Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard et Parigi et Mmes Poncet Monge et M. Vogel.

M. Joël Labbé.  - En 2012, Mme Primas présidait la mission d'information sur l'impact des pesticides, dont la rapporteure était Nicole Bonnefoy. Parmi les recommandations du rapport figurait la séparation de la vente et du conseil, qui fut ensuite intégrée dans la loi Égalim. Revenir dessus serait un recul majeur, à rebours du sens de l'histoire, alors que la séparation de la vente et du conseil est à l'étude à l'échelle de l'Union européenne, où elle est portée par le Conseil européen des jeunes agriculteurs.

En France, malgré des difficultés au démarrage, le conseil indépendant se développe. Cela me semble bénéfique pour l'autonomie des exploitations et pour l'ambition de sortie des produits phytosanitaires.

Mme Sophie Primas, rapporteur.  - Avis défavorable. Il ne s'agit pas d'encourager la surutilisation de produits phytopharmaceutiques. Bien avant la séparation de la vente et du conseil, de nombreux garde-fous avaient déjà été mis en place : agrément des vendeurs, conseil écrit, interdiction d'indexer la rémunération sur les quantités vendues.

Ces amendements insinuent que les agriculteurs utiliseraient davantage de produits phytosanitaires que nécessaire.

En pratique, la séparation de la vente et du conseil n'a produit aucun effet sur les ventes, comme l'a souligné l'Inrae ; en revanche, elle peut freiner le recours au biocontrôle... Les chambres d'agriculture sont débordées. Selon les témoignages recueillis, les agriculteurs sont démunis et ont besoin de conseil. Avis défavorable.

M. Marc Fesneau, ministre.  - Avis favorable. Le dispositif est en vigueur depuis deux ans à peine. Faisons déjà un premier bilan.

Nous butons sur la question du conseil, c'est vrai, mais il y a d'autres voies à explorer.

M. Christian Bilhac.  - Je m'abstiendrai sur les amendements et sur l'article. Les paysans savent compter et ne se laissent pas influencer : ils n'achèteront pas 20 litres de produit s'ils ont besoin de 10 litres, quoi que leur dise le vendeur ! Cet amendement manifeste une méconnaissance de la profession.

M. Joël Labbé.  - Je ne serai pas long... (On s'impatiente sur les travées du groupe Les Républicains) mais quand même !

Si les agriculteurs ont besoin de ce type de conseillers, c'est grave. Oui, les agriculteurs ont besoin de conseils. Ils veulent se passer de pesticides, mais en l'état des connaissances, ne savent pas faire. Il faut des cabinets de conseil indépendants, formés, et un appui du Gouvernement. Revenir sur la séparation de la vente et du conseil est à la fois incompréhensible et inacceptable.

Les amendements identiques nos44 rectifié, 67, 93 et 115 ne sont pas adoptés.

L'article 18 est adopté.

ARTICLE 19

Mme le président.  - Amendement n°16, présenté par MM. Labbé, Salmon, Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard et Parigi et Mmes Poncet Monge et M. Vogel.

Supprimer cet article.

M. Joël Labbé.  - Il faut supprimer cet article qui promeut une politique de l'emploi inadaptée.

Mme le président.  - Amendement identique n°47 rectifié, présenté par M. Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

M. Jean-Claude Tissot.  - Le groupe SER est sensible aux besoins de main-d'oeuvre de l'agriculture et défend régulièrement le dispositif TO-DE. Mais beaucoup d'autres secteurs, comme la santé ou l'éducation, ont également des besoins en main-d'oeuvre.

En privant un demandeur d'emploi de ses droits après deux refus, on considère qu'il doit être mobilisable, quels que soient son âge, sa formation ou ses aspirations, pour aller travailler dans les champs.

L'article 19, de même que les articles 20 et 22, participent de la même approche libérale du marché du travail. Cela aurait nécessité un texte ad hoc, avec une étude d'impact.

Mme le président.  - Amendement identique n°68, présenté par M. Gay et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

M. Fabien Gay.  - Nous aurions pu avoir un débat sur la revalorisation des filières agricoles ou sur les moyens des lycées agricoles. Non : la droite veut « assurer une orientation active des demandeurs d'emploi vers les secteurs prioritaires en tension. » Bref, France Travail n'accompagnera pas le privé d'emploi en fonction de son vécu, mais lui dira où il doit aller, de gré ou de force.

Et, double peine, s'il refuse, il perdra ses indemnités ! En effet, on a déjà réformé l'assurance chômage - qui est pourtant un droit ouvert par les cotisations. (M. Laurent Duplomb proteste.) Même si vous n'avez pas les compétences, même si vous êtes cassé, on vous supprimera les indemnités. (On se récrie à droite.) Assumez ! C'est écrit.

Mme le président.  - Amendement identique n°88 rectifié, présenté par Mme Pantel et MM. Artano, Bilhac, Corbisez, Guérini et Requier.

M. Christian Bilhac.  - Défendu.

Mme Sophie Primas, rapporteur.  - Avis défavorable. L'article 19 ne remet nullement en cause la nécessité d'une réflexion sur la formation, les parcours, les aspirations et compétences des demandeurs d'emploi, sur les conditions de travail dans les secteurs en tension ou l'accompagnement des TPE.

Il faut toutefois envoyer un signal pour une orientation plus active des demandeurs d'emploi vers les secteurs en tension. Il n'y a rien de choquant à accompagner des personnes sans emploi vers des secteurs qui recrutent. L'agence d'insertion du RSA que nous avons créée dans les Yvelines a obtenu d'excellents résultats dans l'accompagnement des allocataires vers les secteurs en tension.

M. Marc Fesneau, ministre.  - Sagesse. Ce débat aurait davantage sa place dans le cadre du projet de loi France Travail. Monsieur Gay, je ne partage pas votre lecture de l'article 19 : « l'orientation active vers les métiers en tension », ce n'est pas ce que vous décrivez !

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Le ministre a raison, il faut nommer les choses : cet article est un cavalier social. La majorité sénatoriale a sans doute l'intention de prendre le Gouvernement de court pour réclamer la paternité de cette mesure antisociale...

« L'orientation active », de fait, est déjà mise en pratique par Pôle emploi (M. Fabien Gay le confirme), et cela ne résorbe absolument pas la crise de main-d'oeuvre.

Un quart des saisonniers travaillent dans l'agriculture ; ils ont été pénalisés par les réformes successives de l'assurance chômage, car ils ne bénéficient plus de l'aide au retour à l'emploi. Par conséquent l'attractivité de ces emplois a chuté. Il est illusoire de croire qu'il suffira de contraindre pour y remédier, sans se demander pourquoi ils sont vacants - les premières raisons étant les conditions de travail et le sens de l'emploi.

M. Fabien Gay.  - Oui, pourquoi les emplois sont-ils vacants ? À cause du triptyque : conditions de travail, rémunération, formation.

Chacun avait bien compris avant ce soir que le Gouvernement et la droite sénatoriale avaient la même vision libérale du travail. La recherche active, c'est dire au demandeur d'emploi : tu vas ici, ou tu seras radié. (Mme Patricia Schillinger le conteste.) Le Gouvernement se vante des chiffres du chômage, mais on n'a jamais vu autant de travailleurs pauvres, précaires, radiés ! Et ensuite, c'est la double lame : ceux qui n'ont pas trouvé d'emploi, pour recevoir le RSA, le minimum pour survivre, devront travailler 15 à 20 heures.

Cet article permettra de continuer à radier du monde, sans résoudre la problématique du manque de travailleurs dans l'agriculture. Il faut revenir au triptyque : conditions de travail, rémunération, formation.

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Et sens du travail ! (M. Fabien Gay acquiesce.)

Les amendements identiques nos16, 47 rectifié, 68 et 88 rectifié ne sont pas adoptés.

À la demande du GEST, l'article 19 est mis aux voix par scrutin public.

Mme le président. - Voici le résultat du scrutin n°289 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 340
Pour l'adoption 214
Contre 126

L'article 19 est adopté.

ARTICLE 20

Mme le président.  - Amendement n°48 rectifié, présenté par M. Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Supprimer cet article.

M. Christian Redon-Sarrazy.  - Cet article met en place une expérimentation autorisant le cumul d'une activité rémunérée et du RSA dans les secteurs prioritaires en tension. Le groupe SER est opposé à la philosophie générale du titre IV. La recherche d'emploi demande du temps et de l'énergie ; on ne peut demander au travailleur de continuer cette recherche tout en passant vingt à vingt-cinq heures dans les champs.

Cet article revient aussi à considérer soit que le métier d'agriculteur ne nécessite pas de compétences, soit que seuls les métiers les moins qualifiés seront visés par l'expérimentation. Supprimons-le.

Mme le président.  - Amendement identique n°69, présenté par M. Gay et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

M. Fabien Gay.  - Le ministre nous dira qu'il est d'accord philosophiquement avec ces mesures, sans prendre parti... Comme on ne trouve personne pour faire les vendanges à 9,11 euros nets de l'heure, on obligera des allocataires du RSA à y aller ! (M. Laurent Duplomb s'exclame.) C'est ça ? En somme, du travail gratuit ! Soyons clairs !

Mme Sophie Primas, rapporteur.  - C'est payé !

M. Fabien Gay.  - Non, le RSA n'est pas un salaire.

Mme Sophie Primas, rapporteur.  - C'est payé en plus.

Plusieurs voix à droite.  - Il y a cumul !

M. Fabien Gay.  - Et s'ils refusent, suspension du RSA ? (On le confirme à droite.)

C'est bien ; nous allons affûter les arguments dans l'attente de la grande loi sociale qui arrive. Quand, monsieur le ministre ?

M. Marc Fesneau, ministre.  - Je ne suis plus ministre des relations avec le Parlement.

M. Fabien Gay.  - En juillet ? Nous serons prêts !

Mme le président.  - Amendement identique n°101, présenté par MM. Salmon, Labbé, Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard et Parigi et Mmes Poncet Monge et M. Vogel.

M. Daniel Salmon.  - L'expérimentation part d'un diagnostic complètement erroné. C'est sur l'accompagnement qu'il faut axer les politiques publiques pour le retour à l'emploi. Il y a aussi un problème d'attractivité des postes proposés. De plus, le cumul pourrait avoir des effets d'aubaine contre-productifs, au détriment de notre système de protection sociale - dont on dira ensuite qu'il va mal.... Citons aussi la pression à la baisse sur les salaires.

En somme, on accélère la précarisation du travail agricole au détriment de son attractivité. Explorons d'autres voies, comme un revenu garanti et décent. Comme ma collègue l'indiquait, le sens du travail est essentiel.

Mme le président.  - Amendement n°128, présenté par Mme Primas, au nom de la commission.

I.  -  Alinéa 1

Supprimer cet alinéa.

II.  -  Alinéa 2

Supprimer la référence :

« Art. L. 262-28-1. -

III.  -  Alinéas 4 et 7

Remplacer les mots :

du présent code

par les mots

du code de l'action sociale et des familles

Mme Sophie Primas, rapporteur.  - Amendement de coordination.

Mme le président.  - Amendement n°129, présenté par Mme Primas, au nom de la commission.

I.  -  Alinéa 3

Rédiger ainsi cet alinéa :

Peut bénéficier du dispositif prévu par la présente expérimentation toute personne volontaire, bénéficiaire du revenu de solidarité active, inscrite sur la liste des demandeurs d'emploi et domiciliée dans un département participant à l'expérimentation mentionnée au I.

II.  -  Alinéa 8

1° Première phrase

Compléter cette phrase par les mots :

dans un rapport

2° Seconde phrase

Remplacer le mot :

bilan

par le mot :

rapport

III.  -  Alinéa 10

Remplacer les mots :

du présent article ainsi que les exemptions à l'obligation d'activité pouvant être accordées aux bénéficiaires de l'expérimentation

par les mots

de la présente expérimentation

Mme Sophie Primas, rapporteur.  - Cet amendement, comme le précédent, recalibre l'article pour le faire converger avec la proposition de loi de Claude Malhuret adoptée par le Sénat le 15 avril 2021. L'expérimentation est déjà menée dans 33 départements, toutes tendances politiques confondues.

Selon une enquête de Pôle emploi, sur près de 246 000 projets de recrutement agricoles, 57 % étaient considérés comme difficiles du fait du manque de main-d'oeuvre. Cet article ouvre le futur débat sur la loi travail. Les premiers résultats de l'expérimentation en Dordogne sont très intéressants. Il s'agit de remettre le pied à l'étrier aux bénéficiaires du RSA et de susciter - pourquoi pas - des vocations agricoles. Avis défavorable.

M. Marc Fesneau, ministre.  - Sagesse sur les trois amendements. Nous proposons le cumul pour éviter la trappe qui consiste à être soit au RSA, soit au travail. Sagesse sur les amendements de la rapporteure également.

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Si le dispositif fait l'objet d'une expérimentation déjà en cours, pourquoi légiférer ? Il faut l'évaluer ! Le GEST s'était opposé à la proposition de loi Malhuret, qui relevait d'une logique libérale et comportait des risques d'effets d'aubaine et, à terme, une pression à la baisse sur les salaires. Tout cela est documenté !

Dans les fermes agroécologiques, dont le modèle est très intensif en emplois, il n'y a pas de difficulté à trouver des volontaires. Peut-être parce qu'on trouve du sens à y travailler.

Les amendements identiques nos 48 rectifié, 69 et 101 ne sont pas adoptés.

L'amendement n°128 est adopté, ainsi que l'amendement n°129.

L'article 20, modifié, est adopté.

ARTICLE 21

Mme le président.  - Amendement n°20 rectifié bis, présenté par MM. Canévet, Mizzon, Cadic, Levi et Henno, Mme N. Goulet, M. Le Nay, Mmes Saint-Pé, Havet, Billon, Herzog et Jacquemet, MM. Duffourg et Détraigne, Mme Perrot et M. Chauvet.

I. - Après l'alinéa 2

Insérer trois alinéas ainsi rédigés :

...° Le troisième alinéa du I est ainsi modifié :

a) Après la référence : « 1° , », est insérée la référence : « 2° , » ;

b) Les mots : « , à l'exclusion des tâches réalisées par des entreprises de travaux forestiers, » sont supprimés ;

II.  -  Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

....  -  La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

M. Michel Canévet.  - Il faut étendre à la filière bois les exonérations de charges sociales sur les emplois occasionnels.

Mme le président.  - Amendement identique n°51 rectifié, présenté par M. Montaugé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

M. Franck Montaugé.  - Cet amendement fait entrer les travailleurs agricoles et forestiers dans le dispositif des TO-DE, dont ils avaient été exclus par la loi de finances pour 2015. L'allègement de cotisations serait d'environ 30 millions d'euros : il y a donc un enjeu évident de compétitivité.

M. le président.  - Amendement identique n°55 rectifié ter, présenté par Mme Loisier, MM. Bacci et Chasseing, Mmes Guidez et de La Provôté, MM. Hingray et Bonneau, Mme Gacquerre, MM. Savary et Bonnecarrère, Mme Sollogoub, M. Cigolotti, Mmes Lassarade et Doineau et M. Gremillet.

Mme Anne-Catherine Loisier.  - Dans un contexte de tension, les entreprises sont submergées par les demandes saisonnières. Ce dispositif devrait leur faciliter les recrutements.

Mme le président.  - Amendement identique n°89 rectifié, présenté par Mme N. Delattre, MM. Artano et Bilhac, Mme M. Carrère, M. Gold, Mme Pantel et M. Requier.

Mme Nathalie Delattre.  - Les 21 000 entreprises de travaux agricoles, forestiers et ruraux (Etarf) sont concernées par cet amendement. Un coup de pouce notable serait donné à ces acteurs essentiels dans nos territoires, qui recrutent du personnel qualifié, formé et motivé.

Mme Sophie Primas, rapporteur.  - Avis favorable. Le dispositif a fait ses preuves chez les agriculteurs. Les travaux forestiers sont parfois pénibles et dangereux ; il faut renforcer leur attractivité. Le Président de la République a prévu la plantation d'un milliard d'arbres d'ici à 2030, ce qui nécessitera des recrutements importants. Les normes européennes rendent les travaux forestiers de plus en plus saisonniers : leur exclusion du TO-DE est d'autant moins justifiée.

M. Marc Fesneau, ministre.  - Retrait ou avis défavorable. En 2015, les Etarf avaient été exclues du dispositif pour de bonnes raisons.

Madame la présidente, c'est moins une question de saisonnalité que d'attractivité. (Mme Anne-Catherine Loisier le conteste.) La plantation, l'entretien ne relèvent pas d'emplois occasionnels.

De plus, des dispositifs d'exonération de cotisations ont davantage leur place dans un PLFSS.

Les amendements identiques nos20 rectifié bis, 51 rectifié, 55 rectifié ter et 89 rectifié sont adoptés.

Mme le président.  - Amendement n°71 rectifié bis, présenté par MM. Duplomb, J.M. Boyer et Louault, Mme Férat, M. D. Laurent, Mme Chauvin, M. Bascher, Mme Noël, MM. Détraigne, Grosperrin, Sol, Pellevat et H. Leroy, Mme Richer, MM. Bonhomme, Guerriau et Reichardt, Mme Muller-Bronn, MM. Henno, Paccaud, Brisson, Daubresse et A. Marc, Mmes Boulay-Espéronnier, Pluchet et Puissat, MM. Somon et Chasseing, Mmes Gruny, Berthet et Bonfanti-Dossat, M. Bouchet, Mme Gatel, MM. Piednoir et Burgoa, Mme Guidez, MM. B. Fournier et Anglars, Mme Micouleau, MM. Calvet et Mouiller, Mme Bellurot, M. Decool, Mmes Billon et Belrhiti, MM. Savary et Chauvet, Mmes Lassarade et Lopez, MM. Rojouan et Duffourg, Mme F. Gerbaud, MM. Rietmann et Pointereau, Mme Ventalon et MM. Sido, Perrin, Klinger, Hugonet, Tabarot et Belin.

I. - Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :

...° Il est ajouté un paragraphe ainsi rédigé :

« ....  -  Les salariés travailleurs occasionnels et demandeurs d'emploi des sociétés coopératives agricoles et leurs unions qui se consacrent au conditionnement des fruits et légumes, telles que citées à l'article 1451 du code général des impôts, bénéficient des dispositions du présent article. »

II.  -  Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

....  -  La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

M. Laurent Duplomb.  - Cet amendement étend le TO-DE aux coopératives de conditionnement des fruits et légumes. Quand on importe 71 % de nos fruits et près de 50 % de nos légumes, la priorité est de retrouver nos marges de compétitivité. Une telle mesure contribue à y répondre.

Mme Sophie Primas, rapporteur.  - Cet amendement étant satisfait, retrait : le code rural ouvre le TO-DE à « tous les employeurs relevant du régime de protection sociale des professions agricoles », ce qui inclut les activités de conditionnement prolongeant l'acte de production.

M. Marc Fesneau, ministre.  - Même avis.

M. Laurent Duplomb.  - Très bien, mais le ministre peut-il me confirmer qu'une coopérative peut bénéficier du TO-DE pour le conditionnement ?

M. Marc Fesneau, ministre.  - Cela mérite expertise. N'égrenons pas les exonérations dans ce texte : cela relève davantage d'un PLFSS. (Mme Anne-Catherine Loisier montre son désaccord.) Mais je vous transmettrai les éléments.

M. Laurent Duplomb.  - Le tout c'est que vous nous donniez une expertise claire !

L'amendement n°71 rectifié bis est retiré.

Mme le président.  - Amendement n°102, présenté par MM. Salmon, Labbé, Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard et Parigi et Mmes Poncet Monge et M. Vogel.

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

.... - Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport relatif au dispositif travailleur occasionnel-demandeur d'emploi, dit TO-DE.

Ce rapport évalue l'efficacité du dispositif pour lutter contre le travail non déclaré, et le recours aux travailleurs détachés, et son impact sur les conditions de travail, d'emploi et de rémunération des saisonniers.

Il évalue la possibilité de conditionner l'exonération de cotisation patronale sur des critères d'éligibilité financière, notamment au regard de la fragilité des filières et des exploitations et sur des critères sociaux et environnementaux, notamment en termes de conditions de travail et de création effective d'emplois.

M. Daniel Salmon.  - Le TO-DE est nécessaire pour certaines exploitations, au vu des difficultés à recruter des saisonniers. Le Gouvernement a prolongé le dispositif jusqu'à la fin 2025 ; cette proposition de loi le pérennise et étend le champ des bénéficiaires. Mais depuis 2010, ce dispositif n'a pas été évalué. Il profite essentiellement à des activités très intensives en main-d'oeuvre, pour un coût total de 561 millions d'euros et crée des trappes à bas salaires. Pour quels résultats ? Le TO-DE a-t-il contribué à la lutte contre le travail illégal et le recours aux travailleurs détachés, ou amélioré les performances économiques et sociales de l'agriculture française ? D'où notre demande d'un rapport au Parlement sur ce dispositif.

Mme Sophie Primas, rapporteur.  - Avis défavorable.

M. Marc Fesneau, ministre.  - Avis défavorable. L'annexe 5 du PLFSS contient les informations que vous réclamez dans ce rapport.

L'amendement n°102 n'est pas adopté.

L'article 21, modifié, est adopté.

ARTICLE 22

Mme le président.  - Amendement n°49 rectifié, présenté par M. Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Supprimer cet article.

M. Christian Redon-Sarrazy.  - Cet article exclut du champ d'application du bonus-malus sur les contrats courts les emplois occasionnels dans les entreprises agricoles et agroalimentaires : c'est encourager la précarité.

Mme le président.  - Amendement identique n°120, présenté par le Gouvernement.

M. Marc Fesneau, ministre.  - Amendement identique, pour les mêmes motifs.

Mme Sophie Primas, rapporteure.  - Avis défavorable. Nous proposons de pérenniser l'exclusion de l'agriculture du bonus-malus, dont elle est pour le moment exonérée pour des raisons de seuil. Les saisonniers sont consubstantiels au maraîchage et à l'arboriculture, secteurs fragiles que nous essayons de relocaliser en France.

M. Laurent Duplomb.  - J'appuie les propos de la rapporteure. L'exemple typique d'une industrie pénalisée par ce bonus-malus, c'est la production de coulis de tomate. La production de tomates en plein champ étant par nature saisonnière, l'usine de Châteaurenard qui transforme des tomates françaises subit un malus, alors qu'elle ne pourra jamais embaucher en CDI sur la totalité de l'année. Pas besoin de sortir de Saint-Cyr pour le comprendre !

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Le bonus-malus nous avait été vendu par Mme Borne comme une contrepartie à la dureté de la réforme de l'assurance chômage. Voilà qui rappelle un certain index senior d'une réforme plus récente dont vous vous souvenez peut-être... Le procédé est le même : on fait passer une réforme brutale avec une petite contrepartie pour les employeurs dont, dans un deuxième temps, on demande le retrait.

Cette mesure permet d'assainir l'activité dans des secteurs peu vertueux. Il y a un équilibre secteur par secteur, et ceux qui font mieux bénéficient d'un bonus. Vous voulez pénaliser les salariés sans rien demander aux employeurs : c'est un aveu de renoncement. Vous vous résignez à ce que le secteur reste une trappe à emplois précaires.

Mme Sophie Primas, rapporteur.  - Madame Poncet-Monge, vous êtes peut-être une spécialiste des affaires sociales, mais pas de l'agriculture.

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Les comparaisons se font au sein de chaque secteur !

Mme Sophie Primas, rapporteur.  - Les productions végétales, qui ne nécessitent pas d'employés saisonniers, bénéficient de bonus, quand les maraîchers ou les arboriculteurs, qui emploient des saisonniers, subissent des malus.

Mme Raymonde Poncet Monge.  - C'est un cavalier social, ce n'est pas recevable !

Les amendements identiques nos49 rectifié et 120 ne sont pas adoptés.

Mme le président.  - Amendement n°103, présenté par MM. Salmon, Labbé, Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard et Parigi et Mmes Poncet Monge et M. Vogel.

Rédiger ainsi cet article :

Au deuxième alinéa de l'article L. 5422-12 du code du travail, les mots : « minoré ou » sont supprimés.

M. Daniel Salmon.  - Ce bonus-malus a un coût : seules 18 000 entreprises sont concernées, et 6 265 ont subi un malus. Le système incite peu au changement de pratiques. L'effort demandé aux entreprises est limité, alors que des solutions existent pour créer des emplois pérennes dans le secteur. Conservons uniquement le système de malus, et revoyons-le pour cibler les pratiques abusives de recours aux emplois courts.

Mme Sophie Primas, rapporteur.  - Avis défavorable. L'amendement s'applique à l'ensemble des secteurs économiques, et non seulement à l'agriculture.

M. Marc Fesneau, ministre.  - Même avis.

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Nous avons beaucoup discuté des bonus-malus en commission des affaires sociales. N'oublions pas que les secteurs concernés ont un taux de séparation supérieur à 150 %. Dites-le à la Première ministre : on ne peut pas pénaliser des employés travaillant moins de six mois et favoriser les employeurs. Si l'on supprime la contrepartie promise, il faut aussi exclure les travailleurs agricoles de la réforme de l'assurance chômage !

L'amendement n°103 n'est pas adopté.

L'article 22 est adopté.

APRÈS L'ARTICLE 22

Mme le président.  - Amendement n°118 rectifié bis, présenté par Mmes Jacquemet, Herzog, Dindar et Guidez, M. Hingray, Mme Gatel, MM. Kern et Henno, Mmes Gacquerre et Sollogoub, MM. Duffourg et Canévet, Mmes Billon et Perrot, M. Détraigne, Mme Saint-Pé et MM. Le Nay et Folliot.

Après l'article 22

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I.  -  Le deuxième alinéa de l'article L. 731-13 du code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :

1° À la première phrase, les mots : « peuvent opter pour un » sont remplacés par les mots : « bénéficient aussi d'un » ;

2° La seconde phrase est supprimée.

II.  -  La perte de recettes résultant pour l'État du I est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

M. Michel Canévet.  - Des exploitants aux revenus peu élevés peuvent bénéficier de taux de cotisations maladie et maternité modulés, et les jeunes agriculteurs peuvent bénéficier d'exonérations partielles de cotisations sociales. Les deux dispositifs devraient pouvoir se cumuler.

Mme Sophie Primas, rapporteur.  - Une exonération de cotisations maladie-invalidité et maternité s'applique en dessous d'un certain seuil de revenu, une autre est prévue pour les jeunes agriculteurs. L'exonération s'applique alors pendant cinq ans, de manière dégressive. Le choix de l'un ou l'autre des dispositifs est définitif, impossible de cumuler. Les jeunes agriculteurs manquent de visibilité sur celui qui leur sera le plus bénéfique. Ceux qui ont choisi le dispositif qui leur est spécifique doivent s'acquitter de cotisations sociales plus élevées que leurs aînés.

Le Sénat avait adopté cette mesure le cadre du projet pouvoir d'achat. Le ministre du travail avait indiqué préférer donner instruction à la MSA d'ouvrir un droit d'option. Si le ministre confirme que ce droit est effectif, je solliciterai le retrait de l'amendement.

M. Marc Fesneau, ministre.  - Ce droit existe bien. Retrait, sinon avis défavorable.

L'amendement n°118 rectifié bis est retiré.

ARTICLE 23

Mme le président.  - Amendement n°116, présenté par MM. Labbé, Salmon, Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard et Parigi et Mmes Poncet Monge et M. Vogel.

I.  -  Alinéa 4

Rédiger ainsi cet alinéa : 

a) Les mots : « 50 % des dépenses mentionnées au I et effectivement supportées, dans la limite par an de quatorze jours de remplacement pour congé », sont remplacés par les mots : « 90 % des dépenses mentionnées au I et effectivement supportées, dans la limite par an de sept jours de remplacement pour congé, puis, le cas échéant, à 66 % des dépenses mentionnées au I et effectivement supportées dans la limite de sept jours de remplacement pour congé supplémentaires par an. »

II.  -  Alinéa 6 

Remplacer le taux : 

70 %

par le taux : 

90 %

III.  -  Compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :

....  -  Le présent article ne s'applique qu'aux sommes venant en déduction de l'impôt dû.

....  -  La perte de recettes résultant pour l'État du paragraphe précédent est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

M. Joël Labbé.  - Il faut renforcer l'article en revalorisant les augmentations de crédit d'impôt permettant de financer le recours au remplacement. Actuellement, 50 % du coût du remplacement est couvert quatorze jours par an. Nous proposons de passer à 90 % pour la première semaine de congé et 70 % pour les deux semaines suivantes.

Trop d'agriculteurs ne prennent pas de congés. Il faut leur permettre de prendre au moins une semaine de congé par an, dans un contexte de forts risques psychosociaux. Il s'agit d'une logique de solidarité nationale, mais aussi d'un moyen de renforcer l'attractivité du métier d'agriculteur, alors que la France est confrontée au renouvellement des générations.

Mme le président.  - Amendement n°50 rectifié bis, présenté par M. Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

I.  -  Alinéa 4 :

Remplacer le taux :

66 %

par le taux :

75 %

II.  -  Alinéa 6

Remplacer le taux :

70 %

par le taux :

80 %

III.  -  Compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :

....  -  Le présent article ne s'applique qu'aux sommes venant en déduction de l'impôt dû.

....  -  La perte de recettes résultant pour l'État du paragraphe précédent est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

M. Jean-Claude Tissot.  - L'accès aux congés est crucial pour redonner de l'attractivité à la profession agricole. Portons à 75 % la prise en charge des dépenses de remplacement, et à 90 % en cas de maladie ou d'arrêt de travail.

Mme Sophie Primas, rapporteur.  - La commission a déjà porté le taux de 50 à 66 % en cas de congé pour convenances personnelles et de 60 à 70 % en cas de congé maladie. Ces progrès sont majeurs et consensuels. Nous ne souhaitons pas aller plus loin, pour que ces mesures soient acceptables tant pour les acteurs que pour les finances publiques. La question n'est pas que monétaire : il s'agit également de la disponibilité et de la polyvalence des remplaçants. L'ancien ministre Stéphane Travert, qui travaille sur une réforme du système de remplacement, a indiqué que le principal frein tient à la structure du système de remplacement. Avis défavorable.

M. Marc Fesneau, ministre.  - En effet, M. Travert travaille sur l'organisation du service de remplacement. Effectivement, les risques psychosociaux sont importants, et il faut prendre en compte l'attractivité des métiers. Avis défavorable, mais il faudra travailler davantage cette question.

L'amendement n°116 n'est pas adopté non plus que l'amendement n°50 rectifié bis.

L'article 23 est adopté.

ARTICLE 24

Mme le président.  - Amendement n°4 rectifié ter, présenté par MM. Longeot, Bacci et Bonneau, Mme Thomas, MM. Le Nay et Kern, Mme Gatel, MM. Favreau, Moga et Duffourg, Mmes Jacquemet et Billon, M. Hingray, Mme Sollogoub, M. P. Martin et Mme Malet.

I.  -  Après l'alinéa 8

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« ...) 500 000 € s'il s'agit d'entreprises exerçant une activité agricole cédées aux bénéfices de nouveaux exploitants agricoles s'installant pour la première fois ; »

II.  -  Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

....  -  La perte de recettes résultant pour l'État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

M. Jean-François Longeot.  - Pour favoriser l'installation, exonérons d'impôt les cessions d'entreprises agricoles dont les recettes sont inférieures ou égales à 500 000 euros. Il y va de la survie de la profession.

Mme Sophie Primas, rapporteur.  - Cet amendement est satisfait par l'article 238 quindecies du code général des impôts, issu du projet de loi de finances pour 2022 et qui s'applique à tous les secteurs d'activité. Retrait de l'amendement.

M. Marc Fesneau, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°4 rectifié ter est retiré.

L'amendement n°77 rectifié n'est pas défendu.

Mme le président.  - Amendement n°24 rectifié ter, présenté par MM. Canévet, Mizzon, Cadic, Levi et Henno, Mme N. Goulet, M. Le Nay, Mmes Saint-Pé, Havet, Billon, Herzog et Jacquemet, MM. Duffourg et Détraigne, Mme Perrot et M. Chauvet.

I.  -  Après l'alinéa 18

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

...° Le 1° du I de l'article 238 quindecies est complété par les mots : « et 650 000 € s'il s'agit d'entreprises exerçant une activité agricole cédées aux bénéfices de nouveaux exploitants agricoles s'installant pour la première fois ».

II.  -  Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

....  -  La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

M. Michel Canévet.  - Même objet que l'amendement n°4 rectifié ter, avec un seuil à 650 000 euros.

Mme Sophie Primas, rapporteur.  - Avis défavorable, pour une raison de coût. En outre, les taux ont été réactualisés pour tenir compte de l'inflation.

M. Marc Fesneau, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°24 rectifié ter est retiré.

L'article 24 est adopté.

ARTICLE 25

Mme le président.  - Amendement n°130, présenté par Mme Primas, au nom de la commission.

Alinéa 3

1° Supprimer le mot :

suivantes

2° Après le mot :

relèvent

insérer la référence :

du O

L'amendement rédactionnel n°130, accepté par le Gouvernement, est adopté.

L'article 25, modifié, est adopté.

TITRE VI : DISPOSITIONS DIVERSES

Mme le président.  - Amendement n°131, présenté par Mme Primas, au nom de la commission.

Rédiger ainsi l'intitulé de cette division :

Gage

L'amendement rédactionnel n°131, accepté par le Gouvernement, est adopté.

L'article 26 est adopté.

Mme Sophie Primas, rapporteur.  - Je remercie nos collègues, ainsi que le ministre, d'être restés jusqu'à cette heure avancée pour terminer l'examen du texte.

M. Marc Fesneau, ministre.  - Je vous remercie pour la qualité de nos échanges : nous ne sommes pas tombés dans les caricatures, malgré nos désaccords.

M. Jean-Claude Tissot.  - C'est vrai !

M. Marc Fesneau, ministre.  - Je remercie en particulier la rapporteure et les auteurs du texte. Je me réjouis du travail mené pour renforcer la souveraineté de notre agriculture.

Mme le président.  - Je rappelle que les explications de vote et le vote sur ce texte auront lieu le mardi 23 mai dans l'après-midi.

Prochaine séance aujourd'hui, mercredi 17 mai 2023, à 15 heures.

La séance est levée à 2 h 20.

Pour le Directeur des Comptes rendus du Sénat,

Rosalie Delpech

Chef de publication

Ordre du jour du mercredi 17 mai 2023

Séance publique

À 15 heures et le soir

Présidence : M. Gérard Larcher, président, M. Vincent Delahaye, vice-président,

Secrétaires : M. Dominique Théophile - Mme Corinne Imbert

1. Questions d'actualité au Gouvernement

2. Proposition de résolution, en application de l'article 34-1 de la Constitution, relative à la reconnaissance du génocide ukrainien de 1932-1933, présentée par Mme Joëlle Garriaud-Maylam et plusieurs de ses collègues (n°200, 2022-2023)