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Table des matières
Comment rendre possible le retour en Ukraine des enfants déportés en Fédération de Russie ?
M. André Gattolin, pour le RDPI
Mme Laurence Boone, secrétaire d'État chargée de l'Europe
M. André Gattolin, pour le groupe RDPI
Couples confrontés à une fausse couche (Procédure accélérée)
M. Martin Lévrier, rapporteur de la commission des affaires sociales
Ordre du jour du mardi 9 mai 2023
SÉANCE
du jeudi 4 mai 2023
84e séance de la session ordinaire 2022-2023
Présidence de Mme Laurence Rossignol, vice-présidente
Secrétaires : M. Jean-Claude Tissot, Mme Marie Mercier.
La séance est ouverte à 10 h 30.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.
Comment rendre possible le retour en Ukraine des enfants déportés en Fédération de Russie ?
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle le débat sur le thème : « Comment rendre possible le retour en Ukraine des enfants déportés en Fédération de Russie ? », à la demande du RDPI.
M. André Gattolin, pour le RDPI . - (Applaudissements sur les travées du RDPI ; Mme Esther Benbassa applaudit également.) Depuis la nuit des temps, les atrocités qui accompagnent la guerre sont légion et témoignent de la face obscure de ce que nous osons encore appeler l'humanité.
Les deux guerres mondiales et les génocides contre les Arméniens, les populations juives et les paysans ukrainiens illustrent ce qu'est la guerre totale, qui s'applique au-delà du champ de bataille et implique toute la population, y compris les plus vulnérables. Ainsi, les enfants ne sont plus seulement des victimes, mais des otages et des cibles délibérées. Déporter ou tuer l'enfant de l'ennemi devient une arme.
La quatrième Convention de Genève, relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre, a précisément pour objet d'y mettre fin. Or ces crimes contre l'humanité et ces génocides n'ont pas cessé, en Asie, en Afrique, en Amérique latine et même en ex-Yougoslavie.
Mais l'invasion russe de l'Ukraine est sans précédent en Europe depuis 1945. Parmi des atrocités sciemment orchestrées, le sort réservé aux enfants est le plus ignoble. La Russie procède à leur transfert massif et forcé vers son territoire, au prétexte de les protéger.
C'est une caractéristique des régimes totalitaires que de mettre les enfants au coeur de leur rhétorique propagandiste, dans laquelle enlever devient accueillir, éradiquer la culture de l'ennemi devient éduquer.
Les déportations ont commencé dès les premières semaines de l'invasion. L'ouverture de couloirs dits humanitaires vers la Russie y a fortement contribué. Ainsi, plus de 700 000 enfants y auraient été déplacés, sous le contrôle du Kremlin et en l'absence des ONG et des autorités ukrainiennes, ce qui compromet toute documentation du nombre de personnes et d'enfants déportés.
Ce n'est que depuis février 2023 et les travaux méticuleux de l'université de Yale que nous en savons un peu plus sur l'existence d'une quarantaine de camps de déportation en Russie, et des centres de tri dans lesquels les enfants sont séparés de leurs parents avant leur rééducation ou placement dans des familles russes, avec changement d'état civil.
Des milliers d'enfants ont fait par ailleurs l'objet de véritables rafles dans les orphelinats ou les écoles. Dans les zones de combat, des familles, croyant envoyer des enfants en colonie de vacances, ne les ont plus revus depuis des mois. Mes chers collègues, imaginez leur sentiment de culpabilité !
Le travail d'enquête est difficile et ne sera guère facilité une fois le territoire ukrainien reconquis, la Russie s'acharnant à détruire les preuves.
Ces éléments justifient que l'on dénonce un crime de génocide et qu'on appelle tous les États et les organisations à documenter ces actions et à tout faire pour le retour des enfants. C'est une urgence vitale. Rien ne serait pire que l'impunité par manque de preuves.
Sans justice, il n'y aura ni paix ni possibilité pour ces enfants de se reconstruire. Nous devons donc garantir la justice, rien que la justice, mais toute la justice. C'est le sens de la proposition de résolution que j'avais déposée le 10 février dernier au Sénat, enrichie grâce à Nadia Sollogoub, présidente du groupe d'amitié France-Ukraine, ainsi que Claude Kern et Joëlle Garriaud-Maylam, rapporteurs des commissions des affaires européennes et des affaires étrangères.
Adopté à l'unanimité par celles-ci, ce texte est devenu officiellement résolution du Sénat le 17 avril dernier. Je vous en remercie. (Applaudissements)
Mme la présidente. - Je vous informe de la présence en tribune de Son Excellence M. l'ambassadeur d'Ukraine, que je remercie d'assister à nos débats. (Mmes et MM. les sénateurs se lèvent et applaudissent.)
M. Jacques Le Nay . - La guerre en Ukraine pousse une génération d'enfants au bord du précipice, titrait l'Unicef en février 2023. Depuis plus d'un an, les enfants ukrainiens subissent les horreurs de la guerre.
Mais cela ne suffisait pas à la Russie, non plus que la confrontation à la mort, la privation des services de base, le doublement du nombre d'enfants pauvres, la privation de scolarité pour cinq millions d'entre eux... Il a fallu qu'elle y ajoute l'enfer de la déportation pour 19 000 d'entre eux, sans tenir compte des territoires occupés.
Ces transferts forcés n'ont rien d'une colonie de vacances. Commencés avant même février 2022 à Donetsk et à Luhansk pour les enfants orphelins ou handicapés, ils se sont amplifiés avec l'invasion qui a conduit les populations civiles à fuir vers la Russie, donnant lieu à une séparation entre parents et enfants qui se traduit parfois par le meurtre des parents. Je vous renvoie à la résolution de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe du 27 avril.
Une fois transférés, les enfants sont placés en famille d'accueil en vue de leur russification, avec l'attribution forcée de la nationalité russe, interdiction de parler ukrainien et exposition à la propagande.
C'est naturellement contraire au droit international et cela répond à la définition du crime de génocide selon la convention de 1948. Vous aurez du mal à le croire, mais la Russie a signé et ratifié cette convention.
Je salue l'initiative d'André Gattolin. Notre assemblée joint sa voix à celles de l'ONU, du Parlement européen et de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE). Toutes ces organisations ont manifesté leur indignation et exigé la condamnation ferme de cette politique d'État. L'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe n'a pas non plus hésité à qualifier ces actes de génocidaires.
Si l'ensemble de la communauté internationale s'insurge, c'est parce que cet enjeu dépasse le seul cadre du conflit entre l'Ukraine et la Russie. Olena Zelenska, première dame d'Ukraine, l'a dit : quand les droits de l'enfant sont menacés dans un pays du monde, ils sont menacés partout.
Il faut permettre le retour de ces enfants avant que le lavage de cerveaux n'ait effacé définitivement leur identité. Il faut faire pression sur la Russie pour que des organisations puissent les recenser et les rapatrier. Ensuite viendra le temps de la justice.
Je salue la décision de la Cour pénale internationale (CPI) du 17 mars 2023 d'émettre des mandats d'arrêt contre Vladimir Poutine et la commissaire russe aux droits des enfants, Maria Lvova-Belova, mais il faudrait l'élargir et viser le patrimoine de tous les responsables de la chaîne.
Pour que justice soit faite, il faut recenser les actes. Les faits sont têtus et la Russie ne pourra pas éternellement fuir ses responsabilités. Qu'elle soit prévenue : nous ne fermerons pas les yeux, nous ne nous tairons pas. Les enfants ukrainiens sont nos enfants, et les enfants sont notre avenir. (Applaudissements)
Mme Esther Benbassa . - Le 24 février 2022, nous assistions, horrifiés, aux premiers bombardements russes sur Kiev. Plus d'un an plus tard, la guerre continue de faire rage. La Russie a commis toutes sortes d'exactions, jusqu'au massacre de masse de civils, comme à Boutcha.
Le 11 mars 2023, le procureur général d'Ukraine a annoncé qu'au moins 464 enfants ukrainiens étaient morts depuis le début du conflit et que plus de 16 000 enfants avaient été déportés.
Je ne pensais pas avoir à employer le terme de génocide aujourd'hui. Ce type de déportations a commencé en 1453 avec la prise de Constantinople par Mehmet II, qui a remplacé la population de la ville. Il y en eut bien d'autres après, jusqu'aux heures les plus sombres de notre histoire.
Rien ne semble freiner Vladimir Poutine. La CPI a lancé un mandat d'arrêt contre lui. Le Conseil de l'Europe qualifie l'enlèvement des enfants ukrainiens de crime de génocide et exige leur rapatriement.
Par ailleurs, l'ONG Save Ukraine est parvenue à rapatrier seulement 17 enfants ukrainiens. Faute d'accord diplomatique, elle doit se plier aux règles strictes édictées par la Russie.
Quel soutien pouvons-nous apporter à cette ONG ? Nous ne pouvons nous habituer à ces exactions. Notre devoir de mémoire nous oblige à ne pas abandonner ces enfants ukrainiens, qui auraient pu être les nôtres. (Applaudissements)
M. André Guiol . - Nous remercions André Gattolin et tout le groupe RDPI pour leur engagement.
Comme si la guerre ne portait pas en elle-même assez d'atrocités, l'imagination du pouvoir russe est sans limites : après les bombardements d'hôpitaux et d'écoles, nous découvrons la déportation d'enfants ukrainiens vers la Russie.
Des centaines d'enfants de la région de Kherson ont été ainsi envoyées en « colonies de vacances », d'autres ont été enlevés après l'assassinat ou l'incarcération de leurs parents. Comment connaître leur nombre exact ? Près de 20 000, mais peut-être dix fois plus. Comment permettre leur retour ?
Il faut évidemment soutenir toutes les ONG impliquées, ainsi que les autorités ukrainiennes. L'association Save Ukraine connaît bien le processus de ces enlèvements et pourra documenter les exactions. Il faut lui fournir des moyens humains.
La pression diplomatique est également nécessaire. La Russie ne peut certes pas reconnaître la bassesse de ces actions, qui n'ont donc pas d'existence officielle. Il appartient à la Croix-Rouge et à l'ONU, dont la Russie vient de prendre la tête du Conseil de sécurité, de proposer un dispositif de règlement.
Rappelons que la Russie a ratifié la convention sur les droits de l'enfant. Il appartient à la France de mettre la question des droits de l'enfant à l'ordre du jour du Conseil de sécurité sur la base de la résolution 2427 adoptée en 2018, et de mettre la Russie devant ses contradictions.
Le temps joue contre les enfants, russifiés et endoctrinés.
Une approche globale s'impose, et une doctrine de prévention doit être mise en oeuvre à travers deux axes.
D'une part, aidons les autorités ukrainiennes à éloigner les enfants du théâtre de guerre et utilisons les réseaux sociaux pour mener une guerre informationnelle sur cette question : il faut mettre les familles d'accueil russes devant leurs responsabilités. Savent-elles seulement qu'elles se rendent complices de crimes de guerre ?
D'autre part, il faut une réponse pénale. La CPI a été saisie, c'est une bonne chose. Nous pouvons nous réjouir des mandats d'arrêt pour crime de guerre et déportation illégale contre Vladimir Poutine et la commissaire russe aux droits de l'enfant, Maria Belova.
Rappelons à la Russie ce vieil adage : bien mal acquis ne profite jamais. Ces enfants sont une bombe à retardement pour un peuple qui mérite bien mieux au regard de son histoire. (Applaudissements)
Mme Pascale Gruny . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Brigitte Devesa applaudit également.) Nous allons nous répéter ce matin, mais c'est nécessaire. Depuis plus d'un an, l'agression russe se poursuit, entraînant avec elle son cortège de morts et de destructions.
Comme le dit António Guterres, ces actes sont un affront à notre conscience collective. Chaque victime suscite notre indignation et parfois une légitime colère, mais le sort des enfants nous révolte particulièrement. Ils sont la figure même de l'innocence face à la barbarie.
Plus de 500 d'entre eux sont morts, des milliers ont été blessés. Ils sont orphelins, vivent dans des conditions déplorables, mais sont aussi déportés - ce mot qu'on croyait banni à jamais s'impose pour décrire la réalité.
Entre les 20 000 formellement identifiés et les 700 000 estimés par des sources y compris russes, il reste difficile de connaître précisément le nombre d'enfants concernés.
Ces déportations sont cyniquement revendiquées au nom d'une prétendue mise à l'abri des combats.
Certes, la rhétorique du Kremlin nous avait habitués de longue date à ces accommodements avec la réalité. Mais la propagande russe se mue en caricature du 1984 d'Orwell, et donne raison à Soljenitsyne, pour qui « tout homme qui choisit la violence comme moyen doit inexorablement choisir le mensonge comme règle ».
Les mensonges prolifèrent pour justifier la guerre dans un récit bancal où les Ukrainiens sont réduits à un rôle de néonazis, l'Ukraine une province injustement séparée de la mère patrie russe et où la nation ukrainienne n'existe tout simplement pas.
La fable russe est d'une incroyable inconsistance. Alors, pour que la réalité rejoigne la fiction, Moscou cherche à russifier les territoires occupés.
Dans cet esprit, la Russie cherche à déporter les enfants pour priver l'Ukraine de son avenir. Le système est complexe : les enfants sont ciblés, puis isolés de leur famille. La perfidie est poussée jusqu'à l'incitation à envoyer ces enfants dans des pseudo-colonies de vacances loin des zones à risque, en réalité des camps de rééducation qui s'étendent jusqu'en Sibérie - terrible évocation du Goulag.
Pour d'autres, c'est l'adoption par des familles russes, présentée comme un acte de pure bienveillance. Plusieurs décrets ont été pris pour faciliter les changements de nationalité et de filiation. Ces actes s'apparentent au crime de génocide, car seule l'intention finale suffit à le caractériser.
Sans hésitation, en revanche, ils relèvent des crimes de guerre, comme la CPI l'a retenu en lançant le 17 mars un mandat d'arrêt contre Vladimir Poutine et la commissaire russe aux droits de l'enfant. C'est un coup de tonnerre, s'agissant du chef d'un État membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies. À défaut d'être condamnée sur le plan judiciaire, la Russie n'étant pas partie au statut de Rome, il faut la condamner sur le plan politique.
Comment rendre possible le retour des enfants ? Rien, ni la contestation internationale ni les sanctions, ne fait reculer Poutine.
Il faut, d'une part, faire connaître ces méfaits aux Russes, comme la proposition de résolution européenne adoptée sous l'initiative de M. Gattolin y contribue. D'autre part, nous devons faire pression sur le plan diplomatique : le Gouvernement pourrait impulser une initiative multilatérale pour ouvrir des routes de retour et des canaux de communication.
Les familles ukrainiennes doivent savoir qu'elles ne sont pas seules et que nous nous tenons à leurs côtés. Certaines se sont lancées dans des périples extraordinaires, à travers plusieurs frontières jusqu'en Russie, pour retrouver leurs enfants, aidés par des ONG qui mènent un travail de localisation et d'identification. Un peu plus de 300 enfants ont pu ainsi retrouver leur famille : malgré l'immensité des difficultés, le retour est possible. Voilà la piste d'action mise en avant par la résolution.
L'Ukraine a besoin de notre aide pour faire cesser l'invasion. Continuons à la lui apporter sans réserve, mais aidons aussi ces familles. Soyons au rendez-vous pour que cette génération traumatisée ne soit pas une génération volée. En philosophie, j'avais dû répondre à cette question : un acte humain peut-il être inhumain ? Nous en avons ici la réponse. (Applaudissements)
Mme Colette Mélot . - Poutine tente de faire disparaître l'Ukraine en affirmant qu'elle n'était ni un pays ni un État. Après avoir grignoté son territoire en Crimée et au Donbass, il a tenté une invasion totale qui s'enlise et s'avère un échec sanglant, avec des milliers de morts et des millions de personnes déplacées. Poutine vise désormais délibérément les populations civiles, concentrant ses tirs sur les structures énergétiques, des habitations, des maternités. On ne compte plus les atrocités de Wagner, les actes de torture ni les violences sexuelles.
Malgré la tragédie, l'Ukraine résiste à l'envahisseur. Mais Poutine poursuit son travail de négation de la culture ukrainienne. Plus de 16 000 enfants ukrainiens auraient ainsi été transférés de force vers la Russie : Poutine cherche à s'emparer de l'avenir de l'Ukraine. Des enfants de tous âges seraient rééduqués dans des camps pour devenir pro-russes. Un système étatique d'adoption est géré par la commissaire aux droits de l'enfant. Ces transferts forcés d'enfants constituent une atteinte non seulement aux familles, mais à la nation tout entière ; ils sont constitutifs du crime de génocide, puisqu'ils visent à effacer l'idée même de leur patrie.
Le Sénat, grâce à la proposition de résolution d'André Gattolin, a affirmé sa position : nous condamnons l'agression de Poutine et les actes commis contre la population. Mais il faut aussi trouver les moyens de remédier à cette situation.
Il convient de faire toute la lumière sur ces événements, d'identifier les filières, les modes opératoires et les complices de ces crimes contre l'humanité. Justice doit être rendue.
Les investigations doivent nous permettre de retrouver les traces des enfants transférés, pour les réunir à leur famille.
Tous les acteurs de la communauté internationale, États et ONG, doivent lutter contre ces crimes. La guerre pèsera longtemps sur les institutions internationales. La France, engagée pour la paix, doit faire tout son possible pour lutter contre les crimes de Poutine, comme elle l'a fait en envoyant des équipes spécialisées pour enquêter sur les massacres de Boutcha. Nous devons faire de même pour enquêter sur ces transferts d'enfants. Nous devons faire tout notre possible pour préserver l'avenir de l'Ukraine, en commençant par celui de ses enfants : c'est essentiel. (Applaudissements)
M. Guillaume Gontard . - Je remercie André Gattolin pour cette initiative, qui fait écho à sa proposition de résolution transpartisane : notre assemblée doit se joindre à l'indignation de la communauté internationale.
Depuis plus d'un an, le dictateur russe utilise les moyens les plus abjects ; les femmes et les enfants en sont les premières victimes. Crimes de guerres, viols, enlèvements d'enfant : l'armée russe ne recule devant aucune barbarie pour tenter de saper le moral des Ukrainiens.
Plus de 16 000 enfants auraient déjà été enlevés et conduits dans des camps d'endoctrinement, où ils apprennent à se battre et où les conditions de vie sont épouvantables - vêtements sales, insultes... Poutine a assoupli la procédure de naturalisation des enfants ukrainiens. Selon Human Rights Watch, en décembre dernier, 400 enfants ukrainiens avaient déjà été adoptés par des familles russes.
Ces agissements inacceptables doivent cesser : comme l'a dit le procureur de la CPI, les enfants ne peuvent pas être traités comme un butin de guerre. Malgré les poursuites entamées par la CPI, seuls 300 enfants ukrainiens ont pu retrouver leur famille. Pour aider ces retours, le Gouvernement doit plaider pour un élargissement des sanctions et soutenir Eurojust et le centre international de poursuite pour les crimes commis en Ukraine.
La période n'appelle pas plus de diplomatie, mais plus de fermeté. Or au risque d'aider la Russie, le Gouvernement a autorisé Framatome à collaborer avec des entreprises russes comme Rosatom pour la construction d'une centrale nucléaire en Hongrie. C'est inacceptable ! La France doit respecter ses engagements et ne peut pas participer à des projets qui pourraient alimenter la machine de guerre russe.
Nous comptons sur vous, madame la ministre. Le Président Zelensky vient d'arriver à La Haye : nous lui transmettons tout notre soutien et notre condamnation sans équivoque des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité subis par son peuple. (Applaudissements)
M. Bernard Buis . - Le simple mot de « déportation » réveille le spectre des heures les plus sombres de notre humanité. Il y a quelques décennies, des millions de personnes étaient exécutées au simple motif qu'ils étaient juifs. Le déplacement contraint des enfants relève de la même logique. Sur les 19 384 mineurs déportés recensés par le gouvernement ukrainien, seulement 361 ont réussi à échapper aux griffes de l'aigle bicéphale, grâce aux opérations menées par les ONG. L'université de Yale dénombre au moins 43 camps de concentration d'enfants en Russie. Il faut aussi ajouter les 500 enfants tués et les 1 000 blessés. Les 5,5 millions d'enfants ukrainiens sont les premières victimes de cette barbarie.
Peut-on parler de crime d'agression et de crime de guerre ? À n'en pas douter. Les instances internationales ont réuni les preuves de crimes commis dès le début du conflit. Quant à la qualification de génocide, elle doit être manipulée avec prudence. Le débat juridique a été amorcé. Il sera tranché par les juges, mais je note que Robert Badinter considère ces actes comme une forme de génocide culturel, car ils résultent de l'intention d'écraser l'identité des enfants.
Au-delà du droit, il est avant tout question de vies humaines. Les tortures et les déportations ont des conséquences dramatiques. Les déportations de nourrissons auront des séquelles irréversibles. Comment rendre possible le retour de ces enfants qui grandissent en dehors de leur pays natal, sans parents ni souvenirs ?
La situation pourrait s'aggraver encore, toute une nation pourrait être privée de ses enfants.
Je m'interroge : si l'action de l'Unicef déçoit, est-ce de sa responsabilité ? Ne devrait-on pas repenser son fonctionnement ? Depuis sa création en 1945, l'Unicef s'est engagée incontestablement en faveur des droits de l'enfant chaque fois qu'il le fallait. Mais dans la guerre d'Ukraine, qui figurera peut-être dans les livres d'histoire comme l'un des conflits majeurs du XXIe siècle, son rôle peut être questionné. Se pose la question de la réforme de l'ONU, à l'heure où les autorités russes demandent l'élimination du président ukrainien en réponse à une prétendue attaque de drone sur le Kremlin.
Comme le dit l'auteur Raoul Marc Jennar « si des historiens relèvent les faits, les juges, eux, doivent examiner les intentions, rechercher les mobiles et analyser les modalités d'exécution ».
Pour reprendre les mots de Robert Badinter, nous avons le devoir de préparer le jugement d'hommes comme Poutine et de réunir toutes les preuves à cet effet.
Je remercie M. Gattolin d'avoir provoqué ce débat. (Applaudissements)
M. Jean-Yves Leconte . - Nous évoquons un drame : le plus grand transfert de population forcé depuis la Seconde Guerre mondiale, et il s'agit d'enfants.
Ces transferts, commencés avec l'invasion de la Crimée, s'effectuent à grande échelle depuis l'agression russe de 2022. Si certains parlent de 700 000 enfants, 150 000 d'entre eux au moins auraient été déportés d'après le défenseur des droits ukrainien, 19 000 enfants étant clairement localisés sur le territoire russe et 43 centres de rétention identifiés. Les rafles, les récits de séparation et de transferts forcés font froid dans le dos, notamment lors de l'évacuation de Marioupol.
Localiser les enfants est si difficile que seuls 363 d'entre eux ont pu retrouver leurs parents en Ukraine. Les échanges entre prisonniers russes et enfants ukrainiens existent, mais ils sont très rares. À Zaporijjia, les employés de la centrale ont vu leurs enfants capturés, et été soumis à un chantage affreux : si vous ne prenez pas la nationalité russe, vous ne les reverrez jamais.
La commissaire aux droits des enfants et le président Poutine sont visés par un mandat d'arrêt de la CPI, qui a conduit les autorités d'Afrique du Sud à suggérer à Vladimir Poutine de ne pas se rendre au sommet des Brics, car il risquerait une arrestation.
Les enfants transférés subissent une formation idéologique, et sont remontés contre la nation ukrainienne. Ces éléments constituent un crime de génocide. L'ensemble de la chaîne de commandement et d'exécution de ces crimes pourra être accusé de complicité.
Malgré la propagande, la société russe reste réservée : peu d'adoptions ont lieu, en définitive, sauf dans des institutions religieuses où la maltraitance est le lot commun. La rupture des liens familiaux et l'effacement de l'état civil ukrainien participent aussi du crime.
Madame la ministre, il faudra être vigilant : l'émission par la Russie d'un état civil falsifié doit attirer la vigilance des nations européennes. Aucune société ne doit y prêter la main.
Il ne saurait y avoir d'impunité. Il faut punir, mais aussi réparer, et permettre aux enfants de retrouver leurs familles. Je salue la mobilisation de la France et de sa société civile, de l'Association pour l'Ukraine, qui a saisi la CPI, du Conseil national des barreaux, qui a conduit une première délégation d'avocats européens en Ukraine, ainsi que l'application Reunite Ukraine développée en partenariat avec les autorités ukrainiennes pour aider les familles à se retrouver.
Je salue les résolutions adoptées à l'Assemblée nationale et au Sénat, à l'initiative d'André Gattolin : il était indispensable de réagir au plus vite.
La Russie prétend agir au nom du droit humanitaire en faisant sortir les enfants des zones de conflit. Mais de la part d'un belligérant, cela constitue un crime de guerre. Quand on empêche l'identification, que l'on nie l'identité ukrainienne des enfants et leurs liens de filiation, il ne saurait s'agir d'une action de protection, mais bien d'une séparation forcée, d'un crime de guerre et probablement de génocide. Aussi est-il intolérable de laisser ce crime impuni.
Le Gouvernement doit lui aussi prendre des engagements. L'Unicef étant une organisation de l'ONU, nous devons faire pression, avec nos partenaires, pour qu'elle puisse accéder aux enfants qui sont en Russie. Elle est prête, nous devons l'y aider. L'Unicef doit également pouvoir mener un travail d'observation et d'identification des enfants. Enfin, il est important que la conférence internationale sur cette question annoncée par la présidente de la Commission européenne soit à haut niveau, avec participation de l'ONU, de l'Unicef, et du Comité international de la Croix-Rouge.
Il conviendrait aussi de reprendre la proposition de loi de Jean-Pierre Sueur qui élargit les compétences du juge français en matière de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité.
Rien ne doit manquer à notre solidarité envers l'Ukraine. Longue vie aux enfants d'Ukraine. Slava Ukraini ! (Applaudissements)
M. Pierre Laurent . - Ce débat braque les projecteurs sur un drame terrible. Les transferts forcés massifs d'enfants ukrainiens vers la Russie sont un crime injustifiable que nous appelons à condamner.
Les chiffres exacts sont difficiles à établir. Selon le gouvernement ukrainien, 16 000 enfants auraient été transférés de force vers la Russie avant la fin du mois de février ; l'ONG américaine Conflict Observatory recense 6 000 enfants, Human Rights Watch évoque plusieurs milliers. Bref, ces transferts sont massifs et violent le droit international. Ils constituent au minimum un crime de guerre.
La Russie inscrit ce projet de transferts forcés dans son entreprise d'annexion des territoires occupés et de russification. La résolution votée par le Sénat insiste sur la nécessité de documenter ces actes afin d'en condamner tous les responsables.
L'Unicef dénonce en permanence les ravages causés par les guerres sur les enfants. Près de 250 millions d'enfants grandissent dans des zones de conflit, et 125 millions sont directement impactés par les violences. Les enlèvements de masse visant les enfants sont une nouvelle tendance inquiétante, qui s'ajoute aux déplacements, aux séparations, aux violences sexuelles, à la déscolarisation, à la malnutrition et à la maladie... Les traumatismes vécus les marqueront toute leur vie.
Selon Catherine Russell, directrice générale de l'Unicef, la quasi-totalité des enfants en Ukraine vivent des événements traumatisants ; ceux qui ont fui courent un risque élevé d'être séparés de leur famille et d'être victimes de violences, de maltraitance, d'exploitation sexuelle et de traite. Nous savons que la Russie exploite honteusement cette détresse avec les transferts forcés. C'est pourquoi l'Unicef appelle à un cessez-le-feu immédiat en Ukraine et à la protection de tous les enfants. C'est de paix dont les enfants ont avant tout besoin. Le groupe CRCE a soutenu la résolution du Sénat et se réjouit de ce débat. (Applaudissements)
Mme Laurence Boone, secrétaire d'État chargée de l'Europe . - L'agression russe a des conséquences épouvantables sur les enfants, dont les droits sont violés et le futur probablement brisé.
La Russie a sciemment bombardé des lieux où se trouvaient des enfants : hôpitaux, maternités, écoles... Elle s'est rendue coupable de meurtres, de blessures, de déportations, de violences sexuelles contre des enfants.
Comptez sur nous pour lutter sans relâche pour que les enfants déportés retrouvent sans délai leur foyer.
La Russie a en effet recours à une propagande cynique, elle a déversé ses mensonges lors de sa présidence du Conseil de sécurité des Nations unies.
Le Gouvernement s'est emparé très tôt du sujet. La ministre Colonna l'a abordé, publiquement et en privé, aux Nations unies.
Premier enjeu : la documentation des déportations. Dès le 4 mars 2022, la France a soutenu la création d'une commission indépendante par le Conseil des droits de l'homme pour faire toute la lumière. Ses conclusions sont claires : des enfants ont été transférés de force vers les territoires temporairement occupés ou déportés en Russie et placés dans des familles russes. Ces faits constituent des crimes de guerre.
Avec 45 autres États, dans le cadre du mécanisme de Moscou de l'OSCE, nous avons mandaté des experts indépendants pour établir un rapport qui sera présenté aujourd'hui. Cette documentation est nécessaire à la justice. Il est vrai qu'il a été difficile d'estimer précisément l'ampleur du phénomène, la Russie empêchant l'accès des experts.
Le Conseil de l'Europe travaille à un registre des dommages, que nous soutenons, et nous avons organisé dernièrement une réunion ouverte du Conseil de sécurité sur ce sujet, pour maintenir la pression sur la Russie.
Vous l'avez dit, ces crimes ne doivent pas rester impunis. En mars dernier, la CPI a émis des mandats d'arrêt contre Vladimir Poutine et Maria Lvova-Belova, commissaire russe pour les droits de l'enfant - un titre pour le moins ironique. C'est un signal très fort. Les faits que nous dénonçons sont d'une extrême gravité. Nul ne pourra échapper à la justice. Nous apportons tout notre soutien à la Cour pour que justice soit faite.
Je rappelle que nous avons des magistrats en Ukraine, un laboratoire d'ADN, des policiers qui documentent les exactions perpétrées par la Russie en Ukraine. Nous continuons d'appuyer le travail des juridictions.
Enfin, en matière de protection des droits des enfants, nous avons augmenté notre soutien financier à l'Unicef et engagé une campagne internationale désormais soutenue par 114 États. Nous oeuvrons pour que l'Unicef puisse agir dans cet univers d'agression épouvantable.
Nous travaillons avec la Commission européenne en vue d'une conférence sur le rapatriement des enfants déportés. J'ai entendu la demande d'une participation à haut niveau.
Monsieur Gontard, la France veille au strict respect des sanctions européennes prises contre la Russie. À ce stade, l'Union européenne n'a pas adopté de sanctions visant le nucléaire, mais nous dialoguons avec nos partenaires européens et avec les autorités ukrainiennes pour des sanctions ciblées.
Monsieur Gattolin, je vous remercie de votre engagement crucial sur ce sujet. Je me réjouis que votre proposition de résolution ait été adoptée en commission des affaires étrangères. Merci ! (Applaudissements)
M. André Gattolin, pour le groupe RDPI . - Merci à tous pour ce travail devenu collectif. Nous avons un sentiment d'impuissance devant cette situation absurde. Et en même temps, que de chemin parcouru ! Quand j'ai été interpellé pour la première fois en fin d'année dernière par le collectif de chercheurs et d'universitaires « Pour l'Ukraine, pour leur liberté et la nôtre », personne ne croyait à la mobilisation de la CPI. Entre-temps, le procureur s'est déplacé, a pris des décisions, jusqu'à prendre ces deux mandats d'arrêt. C'est un début.
Le sujet est maintenant sur la place publique internationale. On appelle cela du name and shame, nommer et mettre au ban, c'est-à-dire bannir, mais aussi convoquer au banc des accusés, préparer la justice.
Il est urgent de documenter ces faits. Une partie des preuves a déjà disparu.
Le Parlement polonais a été le premier à voter une résolution sur ce sujet, qui va jusqu'à parler de trafic d'êtres humains. Je me réjouis que l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe ait voté à l'unanimité une résolution la semaine passée.
En janvier dernier, quand j'évoquais ces questions devant Mme Oleksandra Matviichuk, directrice du Centre pour les libertés civiles, le sujet n'était pas dans l'actualité. Aujourd'hui, il se passe quelque chose dans l'opinion. Le Gouvernement de l'Afrique du Sud met la pression pour que Vladimir Poutine ne se rendre pas au sommet des Brics car il serait dans l'obligation de l'arrêter, le Président Zelensky interpelle Xi Jinping et le pape François... Tout le monde doit s'investir.
Je remercie Mme Gruny pour sa belle citation de Soljenitsyne : « tout homme qui choisit la violence comme moyen doit inexorablement choisir le mensonge comme règle ». Violence et mensonge vont effectivement de pair. Nous en sommes toujours là, au XXIe siècle...
Si l'Unicef ne se sent pas en mesure d'agir en Russie, elle agit sur le territoire ukrainien. Qu'elle y double donc ses moyens d'intervention !
Il faut sauver les corps, comme disait Albert Camus, les âmes et le devenir de ces enfants ! (Applaudissements)
La séance est suspendue quelques instants.
Couples confrontés à une fausse couche (Procédure accélérée)
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à favoriser l'accompagnement des couples confrontés à une fausse couche, à la demande du groupe RDPI.
Discussion générale
Mme Isabelle Rome, ministre déléguée chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l'égalité des chances . - Chaque année, elles sont 200 000 à faire une fausse couche. Autant de destins bouleversés, de traits tirés sur des plans de bonheur, de femmes et d'hommes meurtris.
Ce texte est une lueur d'espoir. C'est à force de politiques publiques ambitieuses que nous aiderons les femmes à traverser cette épreuve.
Briser les tabous, celui des règles mais également celui des fausses couches, fait partie de nos priorités.
Je salue la députée Sandrine Josso pour son travail sur ce texte. Conscient de l'urgence, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée. Comme un symbole, cette proposition de loi a été votée par l'Assemblée nationale à l'unanimité dans la nuit du 8 mars. Une nouvelle fois, nous avons prouvé que nous pouvions nous unir pour les droits et la santé des femmes.
Cette proposition de loi contient trois articles pour mieux accompagner et informer ceux qui subissent une fausse couche et mieux former les professionnels de santé à ces enjeux.
D'ici au 1er septembre 2024, un parcours interruption spontanée de grossesse (ISG) sera mis en place par chaque Agence régionale de santé (ARS), associant médecins, sages-femmes et psychologues, pour renforcer l'accompagnement psychologique et médical et mieux comprendre et traiter les éventuelles causes médicales. Les patientes et leurs partenaires seront mieux écoutés et se verront proposer des solutions adaptées.
Cette proposition de loi met également en oeuvre plusieurs mesures prévues dans le plan Toutes et tous égaux, que j'ai présenté le 8 mars.
Le Gouvernement l'a amendée à l'Assemblée nationale en supprimant le délai de carence en cas d'arrêt maladie lié à une fausse couche. Cela garantit la confidentialité vis-à-vis de l'employeur.
Le rapporteur Lévrier a déposé un amendement bienvenu en commission afin d'étendre cette disposition aux indépendantes et à leur conjoint. Le Gouvernement proposera en séance de l'étendre aux non-salariées agricoles.
Les sages-femmes pourront également proposer à leurs patientes d'être prises en charge par un psychologue conventionné dans le cadre du dispositif MonParcoursPsy. La prise en charge psychologique est essentielle, car les traumatismes se réveillent parfois tardivement.
C'est aussi une reconnaissance du travail remarquable effectué par les sages-femmes, auquel nous sommes tous attachés.
La prise en compte de ces mesures par le Sénat est un signe fort que nous pouvons avancer ensemble vers des progrès qui font de la France le pays des droits de l'homme et des droits des femmes.
J'espère que cette proposition de loi essentielle sera adoptée largement sur ces bancs.
M. Martin Lévrier, rapporteur de la commission des affaires sociales . - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Chaque année, 200 000 femmes sont confrontées à l'interruption spontanée de leur grossesse avant la 22e semaine d'aménorrhée. Plus d'un tiers ressentent de l'anxiété ou des symptômes dépressifs. Tous les couples concernés n'ont pas besoin d'assistance, mais pour les autres, les dispositifs de soutien doivent être renforcés.
La fausse couche est encore un tabou, perçue comme un non-événement, à un stade où la grossesse n'est souvent pas encore dévoilée. L'expression « faire une fausse couche » semble rendre la femme responsable, alors que la majorité des fausses couches sont d'origine naturelle et découlent d'anomalies génétiques de l'embryon.
Je salue Mme la députée Sandrine Josso, présente en tribunes.
L'article 1er de la proposition de loi prévoit la mise en place par les ARS d'ici au 1er septembre 2024 d'un parcours de prise en charge spécifique, pour améliorer l'accompagnement, l'information et le suivi des patientes et de leur partenaire, et renforcer la formation des professionnels de santé.
La commission soutient le principe d'une meilleure organisation des soignants et d'une meilleure prise en charge psychologique des couples. Elle a toutefois adopté deux amendements, pour renforcer l'information des patientes et pour renommer le parcours en remplaçant la notion de fausse couche, jugée stigmatisante, par celle, plus neutre et plus juste, d'interruption spontanée de grossesse.
L'article 1 B, ajouté par amendement gouvernemental à l'Assemblée nationale, lève le délai de carence en cas d'arrêt de travail consécutif à une ISG. Aujourd'hui, l'indemnisation n'intervient qu'à compter du quatrième jour. Quand l'arrêt maladie devient un luxe, rares sont celles qui peuvent se le permettre. Dans ces conditions, les perspectives de reconstruction saine peuvent être grevées.
Contrairement à un congé pour événement familial, un tel dispositif n'expose à aucun risque de discrimination. Plébiscité, il doit être universalisé et élargi aux indépendantes ainsi qu'aux non-salariées agricoles - ce que seul le Gouvernement peut faire.
L'article 1er permet aux sages-femmes d'adresser leurs patientes à un psychologue conventionné dans le cadre de MonParcoursPsy. Mais moins de 10 % des psychologues participent à ce dispositif, et moins de 80 000 patients en ont bénéficié en 2022. En cause, la tarification et la durée limitée des séances prises en charge. Il semble donc indispensable d'évaluer rapidement ce dispositif.
La commission a supprimé les articles 1er bis et 1er ter à mon initiative. Le premier imposait aux professionnels de santé d'informer leurs patientes des possibilités de traitement et de leurs implications, et de leur proposer un nouvel examen médical après quatre semaines. C'est inutilement contraignant, et déjà largement satisfait par le droit à l'information des malades.
Le second demandait un rapport sur l'extension de l'assurance maternité dès les premières semaines d'aménorrhée - ce qui serait à la fois complexe et dispendieux.
Enfin, je vous proposerai de mieux protéger les femmes du risque de discrimination professionnelle en adoptant une interdiction de licenciement de 10 semaines pour les femmes confrontées à une ISG dite tardive, après la 14e semaine d'aménorrhée. Il s'agit de corriger la différence de traitement avec les femmes qui perdent leur grossesse après la 22e semaine et qui disposent d'une protection contre le licenciement de 26 semaines minimum.
Cette proposition de loi ainsi complétée constitue une véritable avancée. Associant davantage les professionnels de santé et les psychologues, indemnisant mieux les interruptions de travail, elle permettra de mieux tenir compte des conséquences psychologiques potentielles d'une ISG.
Beaucoup reste à faire, notamment pour former les professionnels de santé. Je sais, madame la ministre, pouvoir compter sur votre engagement. Il serait également utile de sensibiliser davantage les élèves au cours de leur parcours scolaire. Enfin, chaque patiente devrait recevoir un support écrit récapitulant les informations utiles.
C'est à ces conditions que nous pourrons rompre l'isolement dont souffrent parfois les couples confrontés à une ISG. Je vous invite à voter largement ce texte. (Applaudissements)
Mme Véronique Guillotin . - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Les fausses couches touchent une femme sur dix, une grossesse sur quatre, mais le sujet reste tabou. L'accompagnement du couple doit être renforcé. Une étude de The Lancet décrit le manque d'empathie autour des fausses couches. L'arrêt spontané d'une grossesse peut être vécu comme un événement traumatique, avec le deuil de la parentalité projetée. Il y a un vide juridique sur cette question.
L'inclusion des conjoints dans le parcours d'accompagnement prévu est bienvenue, compte tenu de leur implication croissante, de même que la suppression du délai de carence pour les arrêts de travail liés à une ISG, à l'initiative du Gouvernement. Toutes les femmes, quel que soit leur statut professionnel, doivent en bénéficier : c'est une question d'équité.
Nous sommes plus mitigés sur les jours de congé octroyés par certaines entreprises en cas de fausse couche, qui risquent d'éloigner la patiente d'un suivi médical dont elle pourrait avoir besoin. Les expérimentations devront être évaluées.
La possibilité pour les sages-femmes d'adresser des patientes à MonParcoursPsy va dans le bon sens, mais le faible recours à ce dispositif interroge. Même si le Sénat goûte peu les demandes de rapport, je défendrai un amendement visant à inclure une évaluation de l'accessibilité du dispositif pour les couples confrontés à une fausse couche.
Un mot enfin sur le volet prévention. Si les fausses couches sont le plus souvent liées à des anomalies génétiques, d'autres sont associées à des facteurs environnementaux, comme l'alcool, le tabac, le travail de nuit ou l'exposition aux pesticides. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 prévoit des rendez-vous de prévention à des âges clés de la vie : cela pourrait être l'occasion d'aborder le sujet auprès des personnes en âge de procréer. (Applaudissements)
M. Laurent Burgoa . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Cette proposition de loi libère la parole autour d'un événement difficile mais fréquent. Le tabou autour des fausses couches masque une blessure, voire un sentiment de culpabilité. Or ces fausses couches sont largement consécutives à des anomalies génétiques de l'embryon.
Il est temps de s'emparer de ce sujet. J'ai suivi avec intérêt les auditions menées par le rapporteur.
Les couples confrontés à une ISG avant la 22e semaine d'aménorrhée ne disposent d'aucun accompagnement - malgré les saignements importants, les douleurs, voire les infections. L'accompagnement accordé par certaines entreprises françaises aux femmes ayant subi de telles ISG est à saluer.
Le non-dit - la grossesse n'étant bien souvent pas encore partagée avec les proches - participe à l'isolement des couples. Après une ISG, 24 % des femmes souffrent d'anxiété, 11 % de dépression.
Le parcours fausse couche associant médecins, sages-femmes et psychologues vise à améliorer le suivi des patientes et de leurs partenaires. La commission a par ailleurs substitué à l'expression de fausse couche, perçue comme stigmatisante, celle d'interruption spontanée de grossesse, et a renforcé les objectifs d'information.
L'article 1er permet aux sages-femmes d'adresser leurs patientes à des psychologues conventionnés, mais le dispositif MonParcoursPsy reste boycotté par 93 % de la profession, qui dénonce une désorganisation des soins en santé mentale et un creusement des inégalités dans l'accès au soin.
Quant à la suppression du délai de carence, elle doit être étendue à tous les assurés sociaux, notamment aux non-salariés agricoles.
Des sages-femmes m'ont interpellé sur la prescription de misoprostol - possible en cas d'IVG mais pas d'ISG, ce qui les oblige à renvoyer leurs patientes vers les urgences. Madame la ministre, je vous invite à modifier le décret en ce sens.
Cette proposition de loi ne règle pas toutes les difficultés, mais contient des avancées : le groupe Les Républicains la votera. (Applaudissements)
Mme Colette Mélot . - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Qui ne connaît pas dans son entourage une femme ayant été confrontée à une fausse couche ? Cet événement touche 220 000 femmes par an en France, et une grossesse sur quatre. Les ISG sont fréquentes, mais pas pour autant banales.
Je salue la qualité des échanges en commission sur ce sujet délicat. Une ISG n'est pas nécessairement vécue comme un drame ou une souffrance, il faut le rappeler, mais elle est traumatisante pour certaines femmes - surtout lorsqu'il s'agit non de la première fausse couche, mais de la troisième ou de la quatrième. L'ISG ne doit être ni banalisée ni dramatisée, mais faire l'objet d'un accompagnement adapté pour les couples concernés.
S'il est un point commun à toutes ces femmes, c'est le tabou auquel elles sont confrontées. Combien sont retournées travailler le lendemain d'une fausse couche ? Combien consultent un psychologue ?
La mise en place d'un parcours ISG par chaque ARS est une première étape indispensable. Développer la formation et la coordination des médecins, des sages-femmes et des psychologues, ainsi que l'information des femmes, est primordial.
Les sages-femmes pourront adresser leurs patientes à un psychologue conventionné dans le cadre de MonParcoursPsy, juste reconnaissance de leur rôle fondamental. Nous ne sommes pas favorables à la création d'un congé spécifique à la suite d'une ISG, en raison du risque de stigmatisation. L'arrêt maladie, avec suppression des jours de carence, offre une solution satisfaisante.
Il est essentiel de renforcer la participation des psychologues pour assurer l'efficacité du dispositif MonParcoursPsy, et plus largement, d'avancer sur la santé mentale en général.
L'éducation sexuelle en milieu scolaire a un rôle important à jouer, mais reste trop peu développée. Il faut sensibiliser à la prévention.
Le groupe INDEP votera ce texte. (Applaudissements)
Mme Raymonde Poncet Monge . - « J'ai pleuré toutes les larmes de mon corps pendant trois jours ». « Je détestais la planète entière ». « Toutes les copines ont des bébés : qu'ai-je fait de mal ? » Voilà les témoignages des femmes qui ont vécu la fausse couche comme un traumatisme, du fait de la perte, mais aussi parce que la fausse couche reste un tabou, dont peu de femmes osent parler à leurs proches. Ce tabou étouffe. Il faut améliorer l'accompagnement des femmes et de leur partenaire.
Je salue l'auteure de cette proposition de loi et remercie le rapporteur pour son travail : l'expression « interruption spontanée de grossesse » est bienvenue, de même que le versement immédiat des indemnités journalières. Nul doute que ce texte recevra un large soutien transpartisan.
Je relaye toutefois une question de Mélanie Vogel : pourquoi un couple ne pourrait-il pas se voir libérer du temps après cet événement traumatisant, pour permettre le travail du deuil ? Il faut que les couples aient le temps de se poser et de se reposer.
La Nouvelle-Zélande a voté un congé spécial de trois jours ; aux Philippines, il atteint soixante jours ; en Inde, six semaines. En France, la loi ne prévoit rien, mais depuis quelques semaines, les salariées de la convention collective Syntec peuvent demander un congé spécial après une fausse couche.
À nous de proposer ce congé pour l'ensemble des salariés, pour que les couples puissent se reposer quelques jours après une ISG.
Le GEST demande que l'on rende possible un congé de trois jours pour la femme et son ou sa partenaire, une aide concrète qui rendrait les autres mesures de ce texte d'autant plus efficaces.
Nous nous félicitons de la suppression des jours de carence en cas de fausse couche. Profitons de l'occasion pour faire reculer ce tabou et marquer une avancée pour les femmes.
Nous voterons ce texte, mais voulons aller plus loin. C'est possible et c'est nécessaire. (Applaudissements sur les travées du GEST, du groupe SER et du RDPI ; Mme Laurence Cohen applaudit également.)
Mme Patricia Schillinger . - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Le corps des femmes fait encore l'objet de trop de tabous. Le groupe RDPI se réjouit que nous levions l'un d'entre eux. Je remercie Sandrine Josso pour sa proposition de loi.
La fréquence des fausses couches contraste avec le peu d'accompagnement. Les ISG sont rarement considérées comme graves, or 20 à 55 % des femmes qui en subissent présentent ensuite des symptômes dépressifs, et 15 % un état de stress post-traumatique. La douleur n'est pas proportionnelle à l'âge gestationnel, car il faut faire le deuil, non de la grossesse, mais de cet enfant attendu.
Il est important de prévoir un accompagnement adapté pour les femmes et leur conjoint. C'est pourquoi ce texte habilite les sages-femmes à leur donner accès à MonParcoursPsy.
Je salue la mise en place, à partir de septembre 2024, d'un parcours ISG dans chaque ARS. C'est nécessaire pour répondre au sentiment d'isolement et d'incompréhension et le prévenir.
Je salue également la suppression du délai de carence et son extension aux indépendantes.
Le RDPI votera ce texte porteur d'une avancée significative pour le droit des femmes. Je me réjouis du consensus transpartisan qui se dégage. (Applaudissements)
Mme Émilienne Poumirol . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Cette proposition de loi renforce la prise en charge médicale et psychologique des femmes et de leur partenaire après une ISG avant la 22e semaine d'aménorrhée.
En 2021, The Lancet estimait à 23 millions le nombre de fausses couches chaque année dans le monde ; une femme sur dix est concernée.
Bien qu'elles soient majoritairement considérées comme bénignes sur un plan médical, ces ISG peuvent avoir des conséquences psychologiques importantes, souvent sous-estimées, voire oubliées. Les professionnels médicaux sont peu formés à l'accompagnement des patientes en la matière. Toutefois, des initiatives locales ont vu le jour, comme dans mon département de Haute-Garonne.
Ce sujet ne nécessite pas, à mon sens, de cadre contraignant. Néanmoins, je me réjouis des avancées de ce texte, sur un sujet encore trop tabou. Il crée notamment un parcours, judicieusement rebaptisé « parcours ISG » par le rapporteur, mis en place par les ARS, afin d'améliorer l'accompagnement des femmes.
Nous avons déposé un amendement autorisant les sages-femmes à traiter médicalement les ISG.
L'article 1er B supprime le délai de carence applicable aux arrêts maladie consécutifs à une ISG pour les assurées du régime général et des régimes spéciaux. Je salue l'élargissement de cette mesure aux travailleuses indépendantes et aux non-salariées agricoles, souhaité par le rapporteur.
Pour aller plus loin, nous proposons un congé spécial de trois jours, un droit nouveau pour les femmes, qui leur laisserait le choix de ne pas dépendre de leur médecin pour obtenir ce temps de récupération nécessaire.
Cette proposition de loi entend favoriser l'accompagnement psychologique des couples concernés, mais la psychiatrie reste le parent pauvre de la médecine en France. Le dispositif MonParcoursPsy a été mal accueilli par les psychologues. J'invite le Gouvernement à le retravailler pour le rendre pleinement opérationnel.
Le groupe SER votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE, RDPI, INDEP et du GEST)
Mme Laurence Cohen . - Je remercie Sandrine Josso, à l'origine de cette proposition de loi, et notre rapporteur Martin Lévrier. Cette initiative lève un tabou sur les fausses couches, vécues chaque année par 200 000 femmes. Il faut les accompagner.
L'approche pluridisciplinaire envisagée est bienvenue. Nous regrettons cependant de devoir attendre septembre 2024 pour que ce parcours soit mis en oeuvre, et janvier 2024 pour que le délai de carence soit supprimé.
Nous avons de sérieux doutes sur la capacité du dispositif MonParcoursPsy à répondre aux enjeux de l'accompagnement psychologique, alors que 7 % seulement des psychologues se sont conventionnés. Tous dénoncent une tarification au rabais et une mise sous tutelle médicale, alors que l'accès direct aux séances est réduit et leur nombre limité à huit. Les psychologues dénoncent une forme d'ubérisation des soins. Je rappelle que le groupe CRCE avait voté contre la mise en oeuvre de ce dispositif lors du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022, ne partageant pas cette vision comptable de la santé mentale.
N'oublions pas que près de 3 millions de Français n'ont pas de complémentaire santé.
Le Gouvernement tiendra-t-il compte des critiques émises sur ce dispositif, notamment dans le rapport remis à Frank Bellivier, délégué ministériel à la santé mentale ?
Cette proposition de loi est un premier pas, que nous soutenons.
Il est néanmoins urgent de revoir la rémunération des professionnels de santé, en particulier des sages-femmes auxquelles on confère de nouvelles prérogatives sans rémunération supplémentaire. (Applaudissements sur les travées du SER et du GEST)
Mme Brigitte Devésa . - Rappelons que 200 000 femmes sont concernées chaque année par une ISG, soit une grossesse sur quatre. Cet événement violent n'est pas vécu de la même manière par toutes les femmes. Pour certaines, c'est un drame qui les affecte profondément. L'éducation à la santé et l'accompagnement jouent un grand rôle dans la perception qu'en ont les femmes. Ne les regardons pas comme des victimes, mais comme des patientes.
La proposition de loi de Sandrine Josso va dans le bon sens. L'Assemblée nationale a utilement étendu aux femmes confrontées à une fausse couche le bénéfice d'indemnités journalières sans délai de carence.
Je salue également le travail de notre commission des affaires sociales, qui a renforcé l'information des couples sur l'ISG. C'est la clé d'une approche apaisée.
Le groupe UC est favorable à ce texte, même si nous aurions souhaité prendre plus de hauteur sur le parcours de santé des femmes enceintes, et en particulier de celles qui sont confrontées à une ISG.
Nous manquons de gynécologues obstétriciens, ce qui contraint de nombreuses femmes à se rendre aux urgences pour la prise en charge d'une fausse couche. Faisons confiance aux infirmiers en pratique avancée et aux sages-femmes, qui suivent actuellement 40 % des grossesses et sont sans doute les mieux placés pour prendre en charge les personnes en détresse. C'est le sens de l'amendement d'Annick Jacquemet.
Sortons de l'annualité budgétaire délétère pour anticiper les changements. Les avancées apportées par les industries pharmaceutiques ou les dispositifs médicaux doivent être prises en compte pour adapter notre système.
De belles initiatives existent, comme les maternités labellisées « initiative hôpital ami des bébés » (IHAB), notamment celle du Chinonais, qui attire bien au-delà de sa zone géographique.
Mais faute de moyens, les hôpitaux accompagnent mal les patientes. Le nombre de gynécologues et de sages-femmes est insuffisant : treize départements n'ont aucun gynécologue, et 77 départements en ont moins de 2,6 pour 100 000 femmes. Pas d'illusion : l'accompagnement ne sera de bonne qualité que si nous mettons les moyens. Nous appelons à une réflexion plus dense sur l'hôpital.
Ce texte constitue néanmoins une avancée indéniable. Le groupe UC le votera. (Applaudissements)
Mme Isabelle Rome, ministre déléguée. - Je me réjouis du caractère transpartisan de vos interventions. Le sujet est fondamental pour le droit et la santé des femmes, de toutes les femmes. L'accompagnement des couples est également important.
Les femmes subissant des ISG pourront être indemnisées dès le premier jour. C'est une mesure de bientraitance et une avancée importante. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, RDSE et INDEP)
La séance est suspendue à 12 h 55.
Présidence de M. Pierre Laurent, vice-président
La séance reprend à 14 h 30.
Discussion des articles
ARTICLE 1er A
M. le président. - Amendement n°1 rectifié quinquies, présenté par Mmes Jacquemet et Guidez, MM. Canévet, Le Nay et Henno, Mmes Billon, Saint-Pé et Perrot, M. Longeot, Mme Gatel, M. Duffourg, Mme Sollogoub, MM. Détraigne et J.M. Arnaud, Mmes Doineau et Devésa et M. Chauvet.
Après l'alinéa 3
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Art. L. 2122-6.... - L'interruption spontanée de grossesse peut être traitée par un médecin ou une sage-femme, profession médicale à part entière, quel que soit le lieu où elle exerce.
Mme Brigitte Devésa. - Nous souhaitons renforcer la prise en charge globale des ISG par les sages-femmes, qui assurent le suivi de 40 % des grossesses, mais aussi les IVG médicamenteuses.
Lorsqu'une femme est victime de fausse couche, la sage-femme n'est pas habilitée à agir, alors même que les traitements sont identiques à ceux pour l'IVG médicamenteuse. Cela accroît l'angoisse et la détresse des patientes et entraîne un surcoût pour la sécurité sociale.
Favorisons la prise en charge globale des couples subissant des fausses couches.
M. le président. - Amendement n°4, présenté par Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Après l'alinéa 3
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Art. L. 2122-6.... - L'interruption spontanée de grossesse peut être traitée par un médecin ou une sage-femme, quel que soit le lieu d'exercice.
Mme Laurence Cohen. - Nous voulons revaloriser la place des sages-femmes depuis des années. Nos efforts portent leurs fruits, car de nombreuses compétences leur sont désormais reconnues. En revanche, nous déplorons que leur rémunération ne suive pas : nous espérons que les négociations avec le ministère de la santé aboutiront, notamment pour augmenter le numerus apertus.
Les sages-femmes doivent effectuer une prise en charge globale de la fausse couche. C'est une demande de l'Union nationale et syndicale des sages-femmes. Elles seraient ainsi habilitées à administrer les médicaments aux femmes victimes de cette terrible situation, comme c'est déjà le cas pour les IVG médicamenteuses.
M. le président. - Amendement n°14, présenté par Mme Poumirol et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Après l'alinéa 3
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Art. L. 2122-6.... - L'interruption spontanée de grossesse peut être traitée par un médecin ou une sage-femme.
Mme Émilienne Poumirol. - Notre amendement va dans le même sens : nous défendons depuis plusieurs années le rôle des sages-femmes, qui ont un métier non paramédical, mais bien médical.
Elles assurent la prévention sanitaire des femmes et suivent 40 % des grossesses, taux en augmentation constante compte tenu de la chute de la démographie médicale. Il n'est pas logique que les sages-femmes ne puissent agir en cas de fausse couche, alors qu'elles le peuvent en cas d'IVG médicamenteuse. Cela impose aussi un examen médical supplémentaire. En outre, pourquoi les infirmiers en pratique avancée (IPA), eux, le pourraient-ils ?
Notre amendement répond à une forte demande des sages-femmes.
M. Martin Lévrier, rapporteur. - Nous comprenons le souhait de valoriser le rôle des sages-femmes, mais une telle extension doit faire l'objet d'une réflexion plus approfondie : depuis 2016, les sages-femmes sont autorisées à réaliser des IVG médicamenteuses, mais pas des interruptions médicales de grossesse ni des IVG instrumentales, sauf si elles ont suivi une formation théorique et pratique.
Les ISG trouvent souvent leur origine dans une anomalie embryonnaire ou dans des problèmes de santé de la mère : ce n'est pas le cas pour les IVG. Une consultation avec un médecin est donc nécessaire. La réflexion se poursuit. Avis défavorable.
Mme Isabelle Rome, ministre déléguée. - Même avis. Nous saluons le travail des sages-femmes - demain sera la journée internationale des sages-femmes. Leur statut a été revalorisé lors du Ségur de la santé, avec 500 euros mensuels supplémentaires. Mais ces amendements dépassent leur champ de compétences : les fausses couches peuvent être dues à des anomalies embryonnaires ou à des problèmes de santé de la mère. Le code de la santé publique est très clair. Le recours à un médecin est nécessaire, les ISG entrant dans le champ de la pathologie.
Monsieur Burgoa, le misoprostol bénéficie d'une autorisation de mise sur le marché (AMM) uniquement pour les IVG médicamenteuses. Il n'est possible de le prescrire pour une fausse couche que selon une procédure dérogatoire - une recommandation temporaire d'utilisation (RTU). Or, seuls les médecins peuvent prescrire ce médicament dans le cadre d'une RTU, afin notamment de lutter contre les hémorragies, conformément à un décret en vigueur. Certes, le décret peut être revu, mais cela suppose une consultation préalable.
Mme Raymonde Poncet Monge. - Le GEST votera ces trois amendements, qui s'inscrivent dans la continuité de notre engagement depuis des années en faveur d'une reconnaissance pleine et entière des compétences des sages-femmes. Celles-ci orientent les patientes en cas de grossesse pathologique vers les médecins : tel est leur savoir-faire.
En outre, elles étudient une année supplémentaire et suivent désormais un troisième cycle, en vue d'obtenir un doctorat en maïeutique. Pourquoi ne pas l'inscrire dans cette formation ? Le référentiel doit être revu.
Il serait inadmissible que l'on donne aux infirmières en pratique avancée une prérogative que l'on refuse aux sages-femmes.
L'amendement n°1 rectifié quinquies est retiré.
Mme Émilienne Poumirol. - Je ne retirerai pas mon amendement, car j'ai du mal à comprendre vos explications.
Les fausses couches liées à des anomalies chromosomiques ne sont souvent même pas détectées, car assimilées à de simples retards de règles.
Je rappelle que les sages-femmes disposent d'une reconnaissance de compétences non pas paramédicales, mais bien médicales. En outre, la modification des maquettes de formation entraîne un allongement de leurs études à six ans.
Mme Laurence Cohen. - Nous maintenons notre amendement.
Je suis très dubitative quant aux explications du rapporteur. Pourquoi serait-il nécessaire de travailler davantage sur ce sujet ?
Depuis plusieurs semaines, la commission des affaires sociales s'occupe de petites propositions de loi, alors que nous attendons une grande loi sur la santé. Si l'on se contente de réfléchir ou d'attendre un meilleur moment pour légiférer, quelle est l'utilité de les examiner ? Je ne saisis pas cette logique.
Enfin, mes collègues l'ont rappelé : les sages-femmes sont une profession non pas paramédicale, mais médicale. Or, le Gouvernement semble les considérer comme telles seulement lorsque cela l'arrange.
Mme Isabelle Rome, ministre déléguée. - Oui, les sages-femmes exercent une profession médicale, comme le précise le code de la santé publique. J'entends ce qui est dit sur les évolutions de la formation des sages-femmes. J'évoquerai avec François Braun les éventuelles modifications du décret relatif à cette profession.
À la demande du RDPI, l'amendement n°4 est mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°278 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 343 |
Pour l'adoption | 90 |
Contre | 253 |
L'amendement n°4 n'est pas adopté.
L'amendement n°14 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°10 rectifié bis, présenté par Mme Billon, M. Longeot, Mme Dindar, M. Détraigne, Mme Perrot, MM. Cadic, Le Nay et Cigolotti, Mme Doineau, M. Duffourg et Mmes Devésa et Saint-Pé.
Alinéa 4
Après le mot :
médicaux
insérer les mots :
, des infirmiers en pratique avancée exerçant au sein des services d'urgences
Mme Annick Billon. - Nous voulons inclure les IPA des services d'urgence dans le parcours fausse couche. Certaines femmes confrontées à des ISG se rendent aux urgences, sans ensuite être dirigées vers un service de maternité. Voilà pourquoi il faut introduire les IPA des urgences dans ce dispositif.
Les représentants des sages-femmes sont favorables à cette proposition, compte tenu du contexte tendu.
M. Martin Lévrier, rapporteur. - Les IPA sont moins directement impliqués dans la prise en charge des ISG : il est donc prématuré de les inclure dans un tel parcours sans étude préalable.
Je précise, pour répondre aux intervenantes précédentes, que cet amendement n'a pour but que d'inclure les IPA dans le parcours, et non de les autoriser à pratiquer tel ou tel acte. Toutefois, avis défavorable.
Mme Isabelle Rome, ministre déléguée. - Les IPA sont certes des professionnels s'appuyant sur une formation universitaire avancée, mais un arrêté du 25 octobre 2021 mentionne le recours à la gynécologie obstétrique uniquement pour les segments de l'utérus non concernés par une tumeur ou une grossesse, ce qui ne recouvre pas le champ des ISG.
François Braun a d'ores et déjà engagé une réflexion sur ces chantiers : en l'état, avis défavorable à cet amendement.
Mme Annick Billon. - J'entends les arguments du rapporteur et de la ministre : je retire mon amendement. Cela dit, la délégation aux droits des femmes mène un travail en profondeur sur la santé des femmes au travail : beaucoup reste encore à faire.
L'amendement n°10 rectifié bis est retiré.
M. le président. - Amendement n°8 rectifié bis, présenté par Mme Billon, M. Longeot, Mme Dindar, M. Détraigne, Mme Perrot, M. Cadic, Mme Férat, MM. Le Nay, Cigolotti et Duffourg, Mmes Devésa et Saint-Pé, M. Folliot et Mme de La Provôté.
Après l'alinéa 5
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Dans le cadre de ce parcours, un nouvel examen médical est obligatoirement proposé dans les quatre semaines suivant la survenue d'une interruption spontanée de grossesse. »
Mme Annick Billon. - Nous voulons préciser l'objectif « d'amélioration du suivi médical » dans le parcours fausse couche que les ARS doivent mettre en oeuvre, avec un nouvel examen médical dans les quatre semaines suivant l'ISG. Inscrivons cette recommandation du Collège national des gynécologues et obstétriciens français dans la loi.
M. Martin Lévrier, rapporteur. - Les professionnels de santé prescrivent déjà un examen complémentaire si nécessaire. Cet amendement contraint inutilement les praticiens. Retrait ou avis défavorable.
Mme Isabelle Rome, ministre déléguée. - Il est nécessaire de renforcer la prise en charge des femmes subissant des fausses couches, mais la loi n'est pas forcément le bon vecteur.
Les recommandations du Collège national des gynécologues et obstétriciens français prévoient déjà un examen, notamment en cas de fausses couches à répétition. Cela ne saurait être imposé par la loi dans toutes les situations. Avis défavorable.
Mme Annick Billon. - On raisonne sans tenir compte de la disponibilité des différents professionnels. Je rappelle que 77 départements ont un nombre de gynécologues médicaux inférieur à ce qui est nécessaire pour assurer un suivi normal des femmes et que 13 départements en sont dépourvus. Soyons attentifs à la santé des femmes.
L'amendement n°8 rectifié bis est retiré.
M. le président. - Amendement n°21, présenté par Mmes Poncet Monge et M. Vogel.
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
.... - Après l'article L. 1413-1 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 1413-1-... ainsi rédigé :
« Art. L. 1413-1-.... - L'agence prend toutes les mesures nécessaires pour développer l'information la plus large possible sur les interruptions spontanées de grossesse. »
Mme Raymonde Poncet Monge. - « L'information est le premier soin », déclarait une personne entendue en commission. Nous souhaitons confier à Santé publique France et aux ARS la tâche de développer l'information la plus large possible, actualisée annuellement, sur les fausses couches. Nous aurions souhaité un livret à la disposition du public, comme le propose l'association « Fausse couche, vrai vécu », ainsi qu'un numéro vert, mais avons été contraints par les règles d'irrecevabilité.
M. Martin Lévrier, rapporteur. - Au titre de sa mission de développer la prévention et l'éducation à la santé, Santé publique France peut s'autosaisir sur le sujet. Les ARS ont elles aussi des obligations d'information, que la commission a renforcées. Il faut enfin une information au niveau local pour aiguiller les patientes dans leur parcours. Avis défavorable.
Mme Isabelle Rome, ministre déléguée. - Oui, l'information est indispensable, mais elle est déjà disponible sur le site Ameli, avec définitions, causes, symptômes et conseils liés à la fausse couche.
Nous encourageons aussi toute amélioration de l'information sur le plan local, notamment via les déléguées départementales aux droits des femmes. Avis défavorable.
Mme Émilienne Poumirol. - Je voterai l'amendement n°21. En effet, le premier soin, c'est l'information. Connaissez-vous beaucoup de personnes qui vont spontanément s'informer sur le site Ameli ? Si une association est en mesure d'éditer un carnet à destination des femmes, ce doit être à la portée de l'ARS ou de Santé publique France...
L'amendement n°21 n'est pas adopté.
L'article 1er A est adopté.
APRÈS L'ARTICLE 1er A
M. le président. - Amendement n°7 rectifié bis, présenté par Mme Billon, M. Longeot, Mme Dindar, M. Détraigne, Mme Perrot, M. Cadic, Mme Férat, M. Le Nay, Mme Doineau, M. Duffourg, Mme Saint-Pé, M. Folliot et Mme de La Provôté.
Après l'article 1er A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le quatrième alinéa de l'article L. 2122-1 du code la santé publique est complété par une phrase ainsi rédigée : « Le professionnel de santé l'informe également des risques liés à la grossesse, notamment en matière de fausse couche, ainsi que des moyens de les prévenir et de l'accompagnement dont elle pourra bénéficier en cas d'interruption spontanée de grossesse. »
Mme Annick Billon. - Cet amendement renforce l'information sur les fausses couches en amont, dès le début de la grossesse. Une grossesse sur quatre se termine par une fausse couche. Pourquoi attendre l'événement pour en parler ?
M. Martin Lévrier, rapporteur. - Nous sommes d'accord sur le manque d'information. À mon initiative, la commission a renforcé les procédures en ce sens. Mais face à la diversité des situations des femmes enceintes, laissons les professionnels de santé décider s'il est nécessaire ou non de préciser ces risques de fausse couche à la patiente. Avis défavorable.
Mme Isabelle Rome, ministre déléguée. - Avis défavorable, car tout professionnel de santé peut informer des risques liés à la grossesse. Cet entretien prénatal que vous proposez a lieu lors du quatrième mois, quand le risque de fausse couche est réduit.
Mme Annick Billon. - La formation des équipes médicales reste au coeur du sujet. La loi prévoit une éducation à la sexualité, mais ces dispositions sont rarement appliquées, comme le ministre de l'éducation nationale l'a lui-même reconnu. Moins de 10 % des trois séances prévues par an ont effectivement lieu dans les établissements.
Mme Isabelle Rome, ministre déléguée. - Avec le ministre de l'éducation nationale, nous nous sommes pleinement emparés de ce sujet. La loi de 2001, qui impose trois séances annuelles, n'est appliquée que dans 15 % des établissements scolaires.
Cette mesure a été incluse dans le plan « Toutes et tous égaux » que j'ai présenté le 8 mars en Conseil des ministres. Nous travaillons avec les associations et le ministère de l'éducation nationale en ce sens. Nous voulons aussi des données quantitatives sur l'application de la loi, car « ce que l'on ne compte pas ne compte pas »...
L'amendement n°7 rectifié bis est retiré.
ARTICLE 1er B
M. le président. - Amendement n°16 rectifié bis, présenté par le Gouvernement.
I. - Après l'alinéa 5
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
.... - Le code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :
1° Le cinquième alinéa de l'article L. 732-4 est remplacé par quatre alinéas ainsi rédigés :
« Les indemnités journalières sont servies à l'expiration d'un délai de carence aux assurés ayant une durée minimale d'affiliation dans le régime. La durée d'indemnisation est plafonnée.
« Par dérogation à l'alinéa précédent, l'indemnité journalière versée à l'assuré pour la première incapacité de continuer ou de reprendre le travail est accordée sans délai en cas :
« 1° De décès de son enfant âgé de moins de vingt-cinq ans ou de décès d'une personne âgée de moins de vingt-cinq ans dont l'assuré a la charge effective et permanente, dans un délai de treize semaines à compter de cette date ;
« 2° De constat d'une incapacité de travail faisant suite à une interruption spontanée de grossesse ayant eu lieu avant la vingt-deuxième semaine d'aménorrhée. » ;
2° Après la première phrase de l'avant-dernier alinéa de l'article L. 781-21, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Par dérogation, en cas de constat d'une incapacité de travail faisant suite à une interruption spontanée de grossesse ayant eu lieu avant la vingt-deuxième semaine d'aménorrhée, l'indemnité journalière est accordée sans délai. »
II. - Alinéa 6
Remplacer les mots :
et II
par les mots :
à III
Mme Isabelle Rome, ministre déléguée. - Cet amendement lève le jour de carence en cas de fausse couche pour les travailleuses non-salariées agricoles. Je me félicite que la commission l'ait fait pour les travailleuses indépendantes. C'était un engagement de François Braun.
Toutes les femmes doivent bénéficier de la suppression du jour de carence en cas d'ISG.
M. Martin Lévrier, rapporteur. - Nous vous remercions d'avoir déposé cet amendement après notre signalement. Avis très favorable.
L'amendement n°16 rectifié bis est adopté.
L'article 1er B, modifié, est adopté.
APRÈS L'ARTICLE 1er B
M. le président. - Amendement n°3 rectifié, présenté par Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Après l'article 1er B
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La sous-section 1 de la section 1 du chapitre II du titre IV du livre Ier de la troisième partie du code du travail est ainsi modifiée :
1° L'article L. 3142-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« ...° Pour la survenue d'une interruption spontanée de grossesse pour la mère et pour le père et, le cas échéant, pour le conjoint ou la personne vivant maritalement avec la mère ou la personne liée à elle par un pacte civil de solidarité. » ;
2° Après le 6° de l'article L. 3142-4, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« ...° Trois jours pour la survenue d'une interruption spontanée de grossesse. »
Mme Laurence Cohen. - Alors qu'une femme sur dix a vécu une fausse couche, ce traumatisme reste souvent un tabou. Un mois après l'ISG, 24 % des femmes souffrent d'anxiété et 11 % de dépression. Il faut informer et accompagner les couples et, en complément, ouvrir un congé de trois jours à la femme subissant une ISG et son ou sa partenaire.
Le code du travail prévoit déjà un congé pour les mariages, les naissances et les décès, mais aussi pour l'annonce d'une maladie chronique, d'un handicap ou d'un cancer de l'enfant.
Ouvrir ce congé, c'est un peu de temps offert pour se remettre de l'épreuve. Il contribue à une plus grande égalité dans le couple, en déconstruisant les rôles et les tâches, et permet au partenaire de se sentir directement concerné.
M. le président. - Amendement n°17 rectifié, présenté par Mmes M. Vogel et Poncet Monge, MM. Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco et MM. Parigi et Salmon.
Après l'article 1er B
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La sous-section 1 de la section 1 du chapitre II du titre IV du livre Ier de la troisième partie du code du travail est ainsi modifiée :
1° L'article L. 3142-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« ...° Pour la survenue d'une interruption spontanée de grossesse au sein de son couple. » ;
2° Après le 6° de l'article L. 3142-4, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« ...° Trois jours pour la survenue d'une interruption spontanée de grossesse au sein de son couple. »
Mme Raymonde Poncet Monge. - La fausse couche est-elle une maladie ? A-t-on le droit de se reposer après ? Oui, parce qu'une fausse couche peut être un traumatisme. Actuellement, une femme doit prétendre être malade pour se reposer.
Cette fausse assimilation est une barrière pour les femmes. Pour alléger cette charge, il suffit de créer un congé spécial en cas de fausse couche, également ouvert aux partenaires. Certains pays européens l'ont adopté. En France, la convention collective Syntec l'a instauré.
M. le président. - Amendement n°15 rectifié, présenté par Mme Poumirol et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Après l'article 1er B
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La sous-section 1 de la section 1 du chapitre II du titre IV du livre Ier de la troisième partie du code du travail est ainsi modifiée :
1° L'article L. 3142-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« ...° Pour la survenue d'une interruption spontanée de grossesse. » ;
2° Après le 6° de l'article L. 3142-4, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« ...° Trois jours pour la survenue d'une interruption spontanée de grossesse. »
Mme Émilienne Poumirol. - Cet amendement va dans le même sens. Il y a urgence à dépathologiser la fausse couche, qui n'est pas une maladie, mais une perte.
Le projet d'enfant est encore source de discrimination dans l'entreprise : laissons aux femmes le choix de prendre, ou non, trois jours de congés lors de cet accident de la vie, sans dépendre de leur médecin pour cela.
M. Martin Lévrier, rapporteur. - Au contraire de l'arrêt maladie sans jour de carence, ces amendements prévoient un congé spécial financé par l'employeur selon diverses modalités - l'ouverture au conjoint ou au partenaire de la mère notamment.
Il serait précipité de généraliser dès aujourd'hui un tel congé : attendons le bilan dans les branches professionnelles qui l'ont instauré, comme Syntec. Avis défavorable.
Mme Isabelle Rome, ministre déléguée. - Vivre une ISG est une épreuve pour la femme et pour le couple, qui peut susciter un arrêt de travail. Ne figeons pas le temps d'arrêt, qui doit être adapté à chaque situation. Un régime d'indemnisation spécifique, sans perte de salaire, est prévu. Assurons également la confidentialité vis-à-vis de l'employeur, qui n'a pas à connaître le motif de l'arrêt. La femme doit rester libre de l'informer de sa grossesse.
Les partenaires sociaux ont un rôle à jouer dans cette conciliation, alors que les entreprises investissent davantage les champs de la parentalité et des aidants. Faisons-leur confiance.
Mme Raymonde Poncet Monge. - Le congé que nous proposons n'est pas obligatoire. Dans les entreprises, dès la fin du troisième mois, les femmes déclarent leur grossesse pour bénéficier de la réduction du temps de travail d'une heure par jour, soit une journée de repos toutes les deux semaines.
J'ai dirigé une association d'aide à domicile employant essentiellement des femmes : 100 % d'entre elles déclarent leur grossesse...
Plutôt que d'évaluer le congé mis en place par Syntec, qui vient d'entrer en vigueur, évaluez le recours à ce temps de travail réduit.
Le congé doit être ouvert au couple, car le partenaire n'a pas la possibilité de consulter un médecin ! Le congé maladie est individuel. Le temps est venu, ne prenons pas davantage de retard.
Mme Laurence Cohen. - Alors que ce texte a pour objet de lever les tabous sur la fausse couche, il est paradoxal de refuser un amendement au prétexte qu'il discriminerait les femmes. J'ai évoqué le congé prévu par le code du travail, prévu notamment pour un décès, l'annonce d'un handicap ou d'une maladie chronique. Ces situations ne sont pas taboues, mais une fausse couche le serait ? On marche sur la tête. Si vous craignez les conséquences, tentons une expérimentation.
Enfin, ce congé ne serait pas une obligation, mais un droit. Ne soyons pas timorés.
L'amendement n°3 rectifié n'est pas adopté.
À la demande du GEST, l'amendement n°17 rectifié est mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°279 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 343 |
Pour l'adoption | 90 |
Contre | 253 |
L'amendement n°17 rectifié n'est pas adopté.
L'amendement n°15 rectifié n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°23, présenté par M. Lévrier, au nom de la commission.
Après l'article 1er B
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code du travail est ainsi modifié :
1° Après l'article L. 1225-4-2, il est inséré un article L. 1225-4-... ainsi rédigé :
« Art. L. 1225-4-.... - Aucun employeur ne peut rompre le contrat de travail d'une salariée pendant les dix semaines suivant une interruption spontanée de grossesse médicalement constatée ayant eu lieu entre la quatorzième et la vingt-et-unième semaine d'aménorrhée incluses.
« Toutefois, l'employeur peut rompre le contrat s'il justifie d'une faute grave de l'intéressée ou de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l'interruption spontanée de grossesse. » ;
2° À l'article L. 1225-6, après la référence : « L. 1225-4 », est insérée la référence : « , L. 1225-4-... ».
M. Martin Lévrier, rapporteur. - Cet amendement crée une protection contre le licenciement des salariées confrontées à une ISG tardive, entre la 14e et la 21e semaine d'aménorrhée.
Cela rapprochera le droit applicable à la fausse couche tardive de celui des événements survenus après la 22e semaine, comme la perte d'un foetus. Dans le droit en vigueur, il n'y a aucune protection pour une fausse couche survenue à 22 semaines moins un jour, contre 26 semaines de protection à compter de la 22e semaine. Nous évitons les effets de seuil en adoptant cet amendement.
Mme Isabelle Rome, ministre déléguée. - Avis favorable. Cet amendement protégera mieux du licenciement la femme qui subit une fausse couche tardive, particulièrement éprouvante.
L'amendement n°23 est adopté et devient un article additionnel.
M. le président. - Amendement n°22, présenté par Mmes Poncet Monge et M. Vogel.
Après l'article 1er B
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après la troisième phrase du premier alinéa de l'article L. 312-16 du code de l'éducation, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Elles sensibilisent également aux risques liés à la grossesse, notamment en matière de fausse couche, ainsi qu'aux moyens de les prévenir. »
Mme Raymonde Poncet Monge. - Nous voulons intégrer les risques de la grossesse, notamment la fausse couche, dans les cours d'éducation sexuelle et reproductive, dès le collège.
L'association « Fausse couche, vrai vécu » souligne les injonctions à « aller de l'avant » que subissent les femmes qui en sont victimes ; parfois aussi des remarques comme « Tu aurais dû de reposer »... C'est une réalité que personne n'a appris à accueillir.
C'est le manque d'information à l'école qui est responsable de la culpabilisation des femmes. C'est pourquoi il faut un enseignement sur les arrêts naturels de grossesse, leurs causes et leurs manifestations.
M. Martin Lévrier, rapporteur. - Je souscris au constat : la sensibilisation à l'ISG est largement insuffisante.
Toutefois, le dispositif de cet amendement n'est pas adéquat. Le programme d'éducation à la sexualité, déjà très chargé, n'a pas été pensé pour intégrer l'ISG, qu'il vaudrait mieux inclure dans les enseignements de sciences de la vie et de la terre (SVT), tant au collège qu'au lycée.
Or, ces programmes relèvent du domaine réglementaire : il appartient au ministre de l'éducation nationale de saisir le conseil supérieur des programmes, d'où l'avis défavorable de la commission.
Mme Isabelle Rome, ministre déléguée. - L'article L. 312-16 du code de l'éducation promeut déjà une approche globale et bienveillante de l'éducation à la sexualité, qui comprend de fait les risques liés à la grossesse. Avis défavorable.
Mme Émilienne Poumirol. - Je rappelle que les séances prévues par la loi concernent la santé sexuelle et reproductive : la grossesse en fait donc bien partie. Madame la ministre, il faut que tous les adolescents reçoivent cette formation.
Mme Raymonde Poncet Monge. - Monsieur le rapporteur, ma collègue a raison : s'il s'agit d'éducation à la santé sexuelle et reproductive, nous ne sommes pas hors sujet.
Je maintiens mon amendement, car contrairement à vous, madame la ministre, je ne considère pas qu'il est satisfait.
Mme Annick Billon. - Je suivrai le rapporteur et la ministre : à quoi bon ajouter un élément dans des programmes qui ne sont aujourd'hui pas dispensés ?
Alors qu'un tiers des enfants de moins de douze ans ont été exposés à la pornographie, il est urgent de revoir le contenu et le nombre de ces séances. Il y a un travail de fond à mener.
L'amendement n°22 n'est pas adopté.
ARTICLE 1er
M. le président. - Amendement n°6, présenté par Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Alinéa 4
Après le mot :
le
insérer les mots :
ou la
Mme Laurence Cohen. - Après une ISG, 20 à 55 % des femmes présentent un syndrome dépressif, mais aussi 17 % des partenaires. Les couples doivent bénéficier d'un accompagnement psychologique, mais il convient d'en reconnaître la diversité : c'est l'objet de cet amendement.
Le 8 mars dernier, François Braun a bien évoqué « le ou la partenaire » de la femme ayant subi une fausse couche. Une fois n'est pas coutume, je suis d'accord avec lui !
Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales. - C'est un scoop !
M. Martin Lévrier, rapporteur. - Les couples de femmes doivent bien évidemment être accompagnés comme les couples hétérosexuels.
La notion de partenaire, utilisée au masculin - ou plutôt, en l'espèce, au neutre - recouvre bien les deux sexes, d'où l'avis défavorable. (Mme Émilienne Poumirol proteste.)
Mme Isabelle Rome, ministre déléguée. - Ce texte s'applique à tous les couples, hétérosexuels ou homosexuels. Si vous jugez la précision nécessaire, je m'en remets à votre sagesse.
L'amendement n°6 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°18, présenté par Mmes M. Vogel et Poncet Monge, MM. Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco et MM. Parigi et Salmon.
Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :
...° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Dans les zones mentionnées au 1° de l'article L. 1434-4 du code de la santé publique, les séances peuvent être réalisées à distance par vidéotransmission si l'adressage prévu au 2° s'est effectué dans le contexte d'une interruption spontanée de grossesse. »
Mme Raymonde Poncet Monge. - Prévoir un accompagnement psychologique après une fausse couche est une avancée, mais comment faire si la femme n'obtient pas de rendez-vous avant plusieurs mois ?
Le texte prévoit que la première séance d'accompagnement psychologique devra être effectuée en présentiel pour être remboursée, et que les suivantes pourront avoir lieu en visioconférence. Mais il faut tenir compte de la réalité des territoires : nous proposons un remboursement même si la première séance a lieu à distance dans les zones où l'offre de soins est insuffisante.
M. Martin Lévrier, rapporteur. - Le code de la santé publique permet déjà des séances par vidéotransmission, à l'exception de la première. C'est un équilibre pertinent ; avis défavorable.
Mme Isabelle Rome, ministre déléguée. - Même avis.
Mme Émilienne Poumirol. - Je suis très prudente sur les téléconsultations, qui doivent être contrôlées afin de ne pas aller vers une médecine à deux vitesses. Toutefois, il faut tenir compte des zones blanches, tant pour les médecins, gynécologues notamment, que pour les psychologues. Je voterai donc l'amendement du GEST.
Mme Véronique Guillotin. - Je voterai cet amendement. Je suis moins réticente quant à l'utilisation de la télémédecine, en particulier dans le domaine de la santé mentale.
L'amendement n°18 n'est pas adopté.
L'article 1er est adopté.
APRÈS L'ARTICLE 1er
M. le président. - Amendement n°2 rectifié, présenté par Mme Guillotin, MM. Artano, Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, M. Corbisez, Mme N. Delattre, MM. Fialaire, Gold, Guérini et Guiol, Mme Pantel et MM. Requier et Roux.
Après l'article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au II de l'article 79 de la loi n° 2021-1754 du 23 décembre 2021 de financement de la sécurité sociale pour 2022, après les mots : « présent article », sont insérés les mots : « , qui évalue également l'accessibilité du dispositif pour les couples confrontés à une interruption spontanée de grossesse, ».
Mme Véronique Guillotin. - Un an après le lancement de MonParcoursPsy, le bilan est mitigé : seulement 90 000 patients ont bénéficié du dispositif et 93 % des professionnels refusent d'y adhérer.
L'objet de ce texte est notamment d'assurer un suivi psychologique aux femmes victimes d'une fausse couche ; mais celui-ci repose en grande partie sur l'efficience de MonParcoursPsy.
J'avais donc déposé un amendement pour évaluer le dispositif, mais, pour me conformer à la tradition du Sénat vis-à-vis des demandes de rapport, je l'ai modifié pour le rendre identique à l'amendement n°13 rectifié bis d'Annick Billon. Celui-ci inclut dans le rapport sur MonParcoursPsy déjà prévu pour l'an prochain le suivi psychologique après une ISG.
M. le président. - Amendement identique n°13 rectifié bis, présenté par Mme Billon, M. Longeot, Mme Dindar, M. Détraigne, Mme Perrot, MM. Cadic et Le Nay, Mme Doineau, M. Duffourg et Mme Devésa.
Mme Annick Billon. - Je remercie ma collègue. Mon amendement est défendu.
M. Martin Lévrier, rapporteur. - Avis favorable.
Mme Laurence Cohen. - C'est le premier avis favorable du rapporteur ! (Sourires)
Mme Catherine Deroche, présidente de la commission. - Non, non !
Mme Isabelle Rome, ministre déléguée. - Si je comprends bien, vous souhaitez inclure le suivi des couples ayant subi une ISG dans l'évaluation de MonParcoursPsy. Avis favorable.
Les amendements identiques nos2 rectifié et 13 rectifié bis sont adoptés et deviennent un article additionnel.
ARTICLE 1er BIS (Supprimé)
M. le président. - Amendement n°19, présenté par Mmes M. Vogel et Poncet Monge, MM. Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco et MM. Parigi et Salmon.
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Avant le dernier alinéa de l'article L. 2122-1 du code de la santé publique, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Au titre de la surveillance médicale de la grossesse mentionnée au premier alinéa, le médecin ou la sage-femme sollicité par une femme confrontée à une interruption spontanée de grossesse réalise un entretien interruption spontanée de grossesse qui a notamment pour objectifs de l'informer des possibilités d'accompagnement psychologique, de traitement ainsi que de leurs implications et de leurs effets secondaires potentiels. En cas de traitement médical, la patiente se voit proposer de suivre celui-ci dans un établissement de santé adapté. Un nouvel examen médical est obligatoirement proposé au cours des quatre semaines suivant la prise en charge de l'interruption spontanée de grossesse. »
Mme Raymonde Poncet Monge. - Nous souhaitons rétablir cet article pour résorber le décalage habituel entre les paroles et les actes. Tout le monde reconnaît la nécessité d'accompagner le couple victime d'une ISG. Nous proposons un parcours de soins complet pour les femmes confrontées à une fausse couche. Il doit comprendre un suivi constant, car la pratique a montré son caractère souvent rudimentaire.
M. le président. - Amendement n°5, présenté par Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Avant le dernier alinéa de l'article L. 2122-1 du code de la santé publique, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Au titre de la surveillance médicale de la grossesse mentionnée au premier alinéa du présent article, le médecin ou la sage-femme sollicité par une femme victime d'une interruption spontanée de grossesse doit, dès la première consultation, informer celle-ci des possibilités de traitement, ainsi que de leurs implications et effets secondaires potentiels. En cas de traitement médical, la patiente se voit proposer de suivre celui-ci dans un établissement de santé adapté. Un nouvel examen médical est obligatoirement proposé dans les quatre semaines suivant la prise en charge d'une interruption spontanée de grossesse. »
Mme Laurence Cohen. - Cet amendement reprend en le complétant l'article 1er bis introduit par l'Assemblée nationale.
La commission des affaires sociales a estimé que l'obligation d'information existait déjà. Or force est de constater que les professionnels de santé ne la respectent pas. De deux choses l'une : soit on renforce les sanctions contre les professionnels récalcitrants, soit on vote notre amendement.
N'ayons pas une vision comptable des choses : il faut améliorer la reconnaissance de l'ISG en vue de garantir une prise en charge médicale adéquate, conformément aux dispositions votées par l'Assemblée nationale.
M. Martin Lévrier, rapporteur. - L'article 1er bis a été supprimé par la commission, car il imposait des contraintes inutiles aux professionnels de santé, déjà soumis à des obligations d'information par la loi de 2002 et encadrés par des codes de déontologie. Avis défavorable.
Mme Laurence Cohen. - Le rapporteur est très partisan !
Mme Isabelle Rome, ministre déléguée. - Avis défavorable : les professionnels médicaux peuvent déjà diriger les patientes vers une aide psychologique. Proposer un suivi relève de bonnes pratiques.
L'amendement n°19 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°5.
L'article 1er bis demeure supprimé.
ARTICLE 1er TER (Supprimé)
M. le président. - Amendement n°20, présenté par Mmes Poncet Monge et M. Vogel.
Article 1er ter
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur l'extension de l'assurance maternité définie à l'article L. 160-9 du code de la sécurité sociale à l'ensemble des frais relatifs ou non à la grossesse, à son interruption, à l'accouchement et à ses suites, dès les premières semaines d'aménorrhée.
Mme Raymonde Poncet Monge. - Il convient de rétablir l'article 1er ter, supprimé par la commission, qui prévoit un rapport sur la possibilité d'étendre l'assurance maternité dès le constat de grossesse, et non à partir du 6e mois comme aujourd'hui. Les frais médicaux seraient ainsi pris en charge à 100 %.
Dans le droit en vigueur, la femme victime de fausse couche subit des pertes de salaire, puisqu'elle n'a droit qu'à un simple arrêt de travail. Cela invisibilise sa situation.
Judith Aquien écrit dans Trois mois sous silence : « Alors que le début de grossesse est marqué par l'insécurité d'un corps qui met tout en place pour accueillir la vie, rien ne doit transparaître de l'état des femmes ; elles sont invitées à prendre sur elles. » (Plusieurs sénateurs du groupe Les Républicains protestent, car la sénatrice a épuisé son temps de parole.)
M. Martin Lévrier, rapporteur. - Sans surprise, avis défavorable.
Mme Isabelle Rome, ministre déléguée. - Même avis : la couverture maladie des risques associés à la maternité intervient dès le début de la grossesse, notamment en cas de grossesse pathologique ou de pathologie foetale.
C'est lors du premier examen prénatal que le professionnel de santé procède à la déclaration de grossesse, qu'il transmet à la caisse primaire d'assurance maladie. Celle-ci lance alors la prise en charge au titre de la maternité. Conservons cette répartition : avis défavorable.
L'amendement n°20 n'est pas adopté.
L'article 1er ter demeure supprimé.
Interventions sur l'ensemble
Mme Annick Billon. - Le groupe UC votera ce texte, même si j'ai retiré certains de nos amendements qui n'ont pas eu l'heur de recevoir un avis favorable de la ministre.
Faut-il toujours légiférer pour tout ? Certaines dispositions me semblent relever du domaine réglementaire. De plus, il n'y aura pas de plein accès des femmes à la santé tant que l'on ne disposera pas de praticiens en nombre suffisant.
Mme Laurence Cohen. - Soyez logique, alors : il ne faut pas voter les PLFSS !
À la demande du groupe RDPI, l'ensemble de la proposition de loi est mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°280 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 339 |
Pour l'adoption | 339 |
Contre | 0 |
La proposition de loi est adoptée.
Mme Isabelle Rome, ministre déléguée. - Je me réjouis de votre vote unanime sur ce texte important pour la santé des femmes et l'accompagnement des couples. Il s'inscrit pleinement dans le plan « Toutes et tous égaux », que nous avons présenté le 8 mars dernier avec la Première ministre, car la santé des femmes est l'un des axes majeurs de l'égalité entre les femmes et les hommes.
Mme Annick Billon. - Très bien !
Prochaine séance, mardi 9 mai 2023, à 14 h 30.
La séance est levée à 16 h 05.
Pour le Directeur des Comptes rendus du Sénat,
Rosalie Delpech
Chef de publication
Ordre du jour du mardi 9 mai 2023
Séance publique
À 14 h 30 et le soir
Présidence : Mme Laurence Rossignol, vice-présidente, Mme Nathalie Delattre, vice-présidente
Secrétaires : M. Loïc Hervé - Mme Jacqueline Eustache-Brinio
1. Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à l'accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes
2. Conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi portant amélioration de l'accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé (texte de la commission, n°510, 2022-2023)
3. Deuxième lecture de la proposition de loi visant à améliorer l'encadrement des centres de santé (texte de la commission, n°567, 2022-2023)
4. Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à encadrer l'influence commerciale et à lutter contre les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux (texte de la commission, n°563, 2022-2023)