« L'État territorial, entre mirage et réalité »
M. le président. - L'ordre du jour appelle le débat sur le thème « L'État territorial, entre mirage et réalité », à la demande de la délégation aux collectivités territoriales.
Mme Françoise Gatel, présidente de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation . - Le titre de ce débat peut sembler provocateur, mais il rend compte des graves incertitudes pesant sur l'organisation de l'État dans notre territoire.
Le malaise est palpable, tant chez les élus locaux que chez les usagers, et même les agents de l'État.
Pourtant, l'État déconcentré a fait l'objet de nombreuses réformes depuis quinze ans : réforme de l'administration territoriale de l'État (Réate), modernisation de l'action publique (MAP), plan préfectures nouvelle génération (PPNG)...
Autant de tâtonnements, de brusques coups de volant. Les marges de manoeuvre du préfet de département, pierre angulaire du système, ont d'abord été réduites par l'irruption du préfet de région, puis réaffirmées, mais toujours avec la possibilité d'une reprise au niveau régional. Aujourd'hui, le corps des préfets est dilué dans un corps plus large.
Cette succession de réformes traduit une absence de vision, d'autant que l'évaluation des politiques publiques, chère au Sénat, a fait défaut. Tout se passe comme si les remèdes miracles prenaient le pas sur la rigueur et l'objectivité...
C'est pourquoi la délégation aux collectivités territoriales s'est penchée sur le sujet. Je salue le rapport d'Agnès Canayer et d'Éric Kerrouche intitulé « À la recherche de l'État dans les territoires » : pour les élus locaux, c'est Indiana Jones ! Ce rapport propose une boussole pour l'avenir.
Nos collègues ont pris le pouls du corps préfectoral à travers un sondage ; il n'est pas si fréquent que ces hauts fonctionnaires se livrent à coeur ouvert... Je remercie M. Darmanin d'avoir permis cet exercice, qui s'est doublé d'un sondage auprès des élus locaux. Élus et préfets s'accordent sur de nombreux points, notamment pour juger souhaitable une réforme territoriale de l'État. Ce sont les représentants de l'État qui dénoncent le plus le rythme excessif de la réforme : 85 %, contre 64 % pour les élus locaux ; mais 43 % des préfets et sous-préfets estiment aussi qu'ils ne sont pas assez consultés sur les réformes. Enfin, seul un représentant de l'État sur quatre estime que ces réformes sont efficaces.
Nul besoin d'un nouveau big bang territorial ; en revanche, l'État doit retrouver son efficacité dans le dernier kilomètre, jusqu'à l'ultime citoyen.
L'échelon départemental est le niveau pertinent. Pour que le couple maire-préfet, qui a fait ses preuves pendant la crise sanitaire, vive bien, il faut un meilleur accompagnement ; un État facilitateur, et non tatillon et contrôleur, interprétant à sa manière l'esprit de la loi.
D'où cette suggestion révolutionnaire : rattacher les préfets au Premier ministre, pour agir efficacement. La République est une et indivisible ; l'État doit l'être aussi, et parler d'une seule voix.
Madame la ministre, le président du Sénat compte proposer de nouvelles pistes pour améliorer l'action publique, avec une nouvelle étape de la décentralisation et de la déconcentration. Je ne doute pas que nos échanges alimenteront la réflexion. J'ai cru comprendre que le Président de la République voulait adapter l'architecture institutionnelle...
Nous ne cessons de poser des cataplasmes, alors que le mal profond tétanise les élus locaux et empêche l'action publique. Toutes les réformes territoriales ont éludé une question : quid de l'action de l'État dans les territoires ? Mettons fin à ces aventures hasardeuses au profit d'une relation de confiance entre l'État et les collectivités. Madame la ministre, dépêchons-nous avant qu'il ne soit trop tard. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, du RDSE, des groupes INDEP et Les Républicains)
M. Jean-Claude Anglars . - Un État n'existe que sur un territoire donné avec une population et une organisation durable : l'expression « État territorial » est donc tautologique. Elle traduit la difficulté à concevoir l'État à l'échelon local, pensé comme source d'économies plutôt que dans une perspective de développement territorial.
Les nombreuses réformes récentes traduisent aussi la difficulté à répondre à ces deux questions : quels doivent être les rapports entre l'État et les élus locaux ? Quelle est l'organisation optimale de l'État à l'échelle locale ?
L'administration territoriale de la République est assurée par les collectivités territoriales et les services déconcentrés de l'État, selon la loi relative à l'administration territoriale de la République (ATR) de 1992.
Les réformes se multiplient : loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles (Maptam), révision générale des politiques publiques (RGPP), loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe). L'État doit cesser de se disperser et devenir plus accessible à l'échelon départemental.
La multiplication des réformes a compromis leur assimilation : il faut associer davantage les élus locaux. Le rôle du préfet de département reste primordial, dans une logique de subsidiarité. Il lui revient de coordonner et piloter les politiques publiques, notamment auprès des petites communes. Pour cela, il doit disposer de ressources suffisantes.
Réarmons intelligemment avec plus de moyens humains, adaptons le fonctionnement des services déconcentrés ; ainsi, les directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement (Dreal) ont une autonomie excessive, ce qui peut freiner le déploiement de certaines politiques publiques, comme les implantations d'énergies renouvelables.
Le démembrement de l'État entre opérateurs et autres agences ne simplifie pas l'action territoriale. Les services doivent conserver leur capacité d'ingénierie.
Pour que l'État territorial ne soit pas un État plateforme, il faut s'en tenir à des objectifs simples : proximité et compétence. Nul besoin d'un énième big bang territorial, revenons simplement au fonctionnement traditionnel des services de l'État au niveau local.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. - Aux termes de la Constitution, le préfet est le représentant de l'État et des membres du Gouvernement. Durant la crise covid, le couple maire-préfet a bien fonctionné.
M. Mathieu Darnaud. - Nous nous étonnions au contraire de son incapacité !
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. - Je croyais que nous étions en phase sur ce point...
Par essence, l'État est territorial. Le préfet est l'interlocuteur naturel des élus, de même que les sous-préfets, qui seront renforcés : cinq sous-préfectures ont rouvert leurs portes et une nouvelle sous-préfecture a ouvert en Guyane. Dans les départements ruraux, trente postes de sous-préfets ont été créés par redéploiement des sous-préfets à la relance.
Depuis la loi relative à la différenciation, à la décentralisation et à la déconcentration (3DS), le préfet est délégué territorial de deux nouveaux opérateurs : l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) et l'Office français de la biodiversité (OFB).
Mme Colette Mélot . - La quête de l'unité nationale est ancienne : à la veille de la Révolution, les Français voulaient rapprocher l'administration des administrés, comme en témoignent les cahiers de doléances. Il en est résulté une organisation territoriale plaçant le chef-lieu à moins d'une journée à cheval de tous les points du département.
Deux cents ans plus tard, nous avons les maisons France Services, à moins de trente minutes en voiture pour chaque Français. Elles couvrent toutes les zones, avec des solutions mobiles dans les territoires les plus isolés, comme en Corse.
La diversité de nos territoires fait la richesse de la France : les habitants n'ont pas les mêmes besoins. C'est pourquoi les politiques publiques doivent correspondre aux spécificités locales.
La création de l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) visait à fluidifier les relations entre l'État et les collectivités et à faciliter la réalisation de leurs projets. Lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2023, le groupe INDEP s'est félicité de l'augmentation de ses crédits. Le renforcement de ses effectifs dans les préfectures est une excellente nouvelle.
Un rapport sénatorial déplorait une ANCT trop éloignée du terrain. Or les solutions sont locales : l'État doit accompagner les élus au quotidien.
Madame la ministre, nous espérons que les conclusions que vous tirerez de votre tour de France seront au service des territoires. L'administration déconcentrée et les élus locaux sont les piliers de la présence publique dans les territoires. La loi 3DS est la dernière étape en date dans la voie de la décentralisation.
Madame la ministre, dans quel sens les missions des agents des préfectures et des sous-préfectures peuvent-elles évoluer ?
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. - Le rapport du Sénat a fortement inspiré nos décisions sur l'ANCT, notamment le doublement de ses effectifs en région et leur renforcement dans les sous-préfectures. L'agence n'a que trois ans d'existence : il y a nécessairement des axes d'amélioration.
Avec Christophe Béchu et le président de l'ANCT, Christophe Bouillon, nous entreprenons un tour de France des régions pour renforcer la proximité de l'ANCT et des agents en sous-préfecture.
J'ai déjà rappelé la réouverture de cinq sous-préfectures. Aucun emploi n'a été supprimé sur le périmètre de l'administration territoriale de l'État. Pas moins de 350 nouveaux ETP en préfecture sont prévus sur cinq ans, dont 43 dès cette année.
Je salue vos propos sur les maisons France Services, dont l'efficacité dans les territoires est avérée ; nous en avons créé 200 supplémentaires.
Mme Colette Mélot. - Merci. Les récentes améliorations vont dans le bon sens ; espérons que ce sera aussi le cas des prochaines annonces.
M. Thomas Dossus . - Dans un monde idéal, les collectivités territoriales et les services déconcentrés devraient pouvoir répondre parfaitement aux besoins des élus et des territoires. L'action publique devrait suivre une ligne claire et les services publics être accessibles à tous.
Cela reste un doux rêve : l'État territorial est un mirage, comme le montre le récent rapport de la délégation aux collectivités territoriales.
Depuis plusieurs années, les réformes se multiplient : RGPP, Maptam, loi NOTRe. Les nouvelles orientations sont floues et brouillonnes, les élus, non consultés, sont las de la multiplication des réformes. Plus de quatre élus sur cinq et 43 % des préfets et sous-préfets s'estiment insuffisamment associés.
Comment mener une réforme efficace si l'État ne consulte pas les élus locaux et les fonctionnaires de l'État déconcentré ?
Les moyens humains manquent : en 2011, les effectifs publics des directions départementales interministérielles comptaient 37 296 agents. Ils n'étaient plus que 25 474 en 2020, soit une chute de 36 %.
La situation des services publics est délétère dans de nombreuses régions : près d'un maire de commune de moins de 1 000 habitants sur deux estime que les services publics sont défaillants.
Que faire ? Si l'État territorial est mirage, peut-il devenir réalité ? Il faut respecter l'ensemble des parties prenantes, retisser le lien avec les acteurs locaux. Une concertation nationale en amont de toute réforme est nécessaire.
Le principe de subsidiarité et la différenciation territoriale doivent être consacrés, mais selon une autre logique que celle de la loi 3DS, qui consiste en un délestage de l'État sur les collectivités.
Il me semble pertinent de passer d'une logique de contrôle à une logique de conseil, comme le propose le rapport. Mais l'État est-il prêt à changer ? La clé se situe dans la réponse à cette question.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. - L'État territorial, un mirage ? Je ne partage pas ce point de vue. Je suis allée sur le terrain, j'ai rencontré 40 préfets de département. Avec leurs équipes, ils donnent le meilleur d'eux-mêmes, et prendraient mal un tel qualificatif. Je suis également allée à la rencontre des élus locaux : ils demandent à être rassurés, et veulent davantage de proximité.
Nous faisons beaucoup pour faciliter le dialogue : le corps préfectoral est au service des élus locaux, efficacement, et ils nous le disent. Je suis surprise de l'insatisfaction dont vous faites état. En tant que ministre, mon rôle est aussi de parler du zéro artificialisation nette (ZAN) et d'autres contraintes, mais les services de l'État sont à leurs côtés.
Le pouvoir dérogatoire du préfet, l'organisation spécifique de Lyon attestent de notre volonté de différenciation. Oui, les réformes ont été nombreuses, mais nous sommes en phase de stabilisation.
M. Bernard Buis . - En 2023, l'État territorial en France est bien une réalité. Nous avons assisté à son réarmement concret, à travers 2 538 maisons France Services, symbole de la proximité retrouvée entre l'État et les collectivités. Ce programme est d'un intérêt indéniable : les usagers sont accompagnés, à l'heure où le digital exclut encore. Pas moins de 93 % des usagers en sont satisfaits, seuls 6,5 % considèrent le dispositif peu pertinent. Même les communes initialement réticentes voient que le réseau répond aux besoins, à l'image de l'espace France Services de Die, dans la Drôme, qui enregistre 5 590 demandes annuelles.
Le renforcement de l'État territorial se traduit également dans la réouverture de cinq sous-préfectures et la création d'une sixième. La Lopmi prévoit la création de 200 brigades de gendarmerie, selon une cartographie établie en concertation avec les préfets et les élus locaux. Les services de la DGFiP ont été relocalisés dans 50 villes médianes.
L'État territorial est bel et bien une réalité, et non un mirage ; mais son réarmement ne sera complet que s'il est financé.
Le projet de loi de finances pour 2023 prévoyait une hausse de 13,4 % des crédits du programme « Administration générale et territoriale de l'État », après vingt ans de réduction continue des effectifs départementaux. Le nombre d'apprentis dans le réseau continue à croître : 632 en 2021, deux fois plus que l'année précédente. D'où notre surprise de voir le Sénat rejeter les crédits de cette mission.
Il y a cependant des progrès à faire, notamment dans l'ingénierie territoriale. L'ANCT doit renforcer ses liens avec les élus. Madame la ministre, comment comptez-vous en faire un interlocuteur de proximité ?
Le baromètre de l'action publique est une formidable création, mais comment les citoyens peuvent-ils s'en emparer ?
Dans quelle mesure l'État territorial peut-il aller vers ses administrés ? Ni mirage ni chimère, cet État territorial est une réalité que nous devons renforcer. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. - Zoomons sur l'ingénierie de l'ANCT, en particulier pour les petites communes, qui requièrent une grande attention.
Le réseau France Services irrigue les territoires par capillarité : on compte déjà 2 600 maisons, et 200 autres sont encore disponibles, en particulier sous la forme de bus, ce qui permet de couvrir jusqu'à dix villages. Faites-le savoir !
Le réarmement de l'État territorial passe par des moyens humains mais également par des budgets, qui ont augmenté de 13 %.
Enfin, le Président de la République a souhaité mettre en place le baromètre de l'action publique, afin que l'évaluation soit plus précise : des indicateurs chiffrés sont déclinés pour chacun des 101 départements, pour mesurer l'avancement des réformes depuis 2017. Depuis sa mise en ligne, 2,12 millions de visites ont été enregistrées, soit 90 000 par mois. Nous le pérennisons et l'étendons à 60 politiques prioritaires du Gouvernement.
M. Bernard Buis. - Merci de ces précisions.
M. Thierry Cozic . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Comment définir l'État territorial ? Il résulte d'une sédimentation de phases successives de décentralisation, les réformes s'étant enchaînées ces dernières années, pour tenter de répondre à la demande d'État dans les territoires. Mais le compte n'y est pas, au regard de la baisse des moyens, prélude à une réduction de l'offre de services publics.
Les conséquences de ces réformes, dépourvues d'évaluations, ont jeté le trouble chez les élus locaux comme chez les agents de l'État. La crise covid a remis en lumière le couple maire-préfet, incarnation de la République dans les territoires. Le préfet représente le Gouvernement, l'État et le territoire qu'il administre : il doit doser ces trois fonctions.
Les communes gèrent de plus en plus de compétences sans moyens affectés. L'État délègue ses pouvoirs tout en voulant contrôler à distance.
Entre la suppression de la taxe professionnelle, de la taxe d'habitation et la baisse des impôts de production, la fiscalité locale ne cesse de s'éroder. La suppression de la taxe d'habitation a été vécue comme inique par les élus locaux : l'autonomie des intercommunalités est passée de 54 à 35 %.
Le candidat Macron n'avait pas caché qu'il considérait l'autonomie fiscale comme un combat d'arrière-garde. Je crois au contraire qu'il n'y a pas de pouvoir politique sans pouvoir fiscal.
Le Gouvernement considère les collectivités territoriales comme des sous-traitants de l'État, financées par des dotations indexées sur des impôts nationaux et modifiées en loi de finances. C'est le triomphe de la haute administration de Bercy, qui estime que les élus locaux ne savent pas gérer les finances publiques !
Sans changement de doctrine du Gouvernement, comment l'État territorial pourrait-il encore avoir un sens girondin ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER)
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. - Tordons le cou à l'idée d'une perte d'autonomie des collectivités. (Marques d'étonnement sur les travées du groupe SER) En vingt ans, entre 2003 et 2020, le taux d'autonomie financière a augmenté de dix points pour le bloc communal ; il est passé de 59 à 75 % pour les départements et de 41,6 à 73,9 % pour les régions.
Réjouissons-nous de la suppression de la taxe d'habitation, qui redonne du pouvoir d'achat aux Français, et de celle de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), qui renforce la compétitivité de nos entreprises. Je ne peux vous laisser dire que le Président Macron accorde peu d'intérêt à l'autonomie des collectivités locales. En revanche, il a un grand intérêt pour les baisses d'impôts !
M. Éric Kerrouche. - Ça, oui !
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. - Les recettes fiscales perdues ont été compensées par d'autres, du même montant et de même nature.
M. Éric Kerrouche. - Pas de même nature !
M. Thierry Cozic. - Nous ne sommes pas d'accord, et n'avons pas les mêmes chiffres. Je vous ai parlé, moi, de la perte d'autonomie financière du bloc intercommunal.
Vous avez supprimé la taxe d'habitation, très bien, mais vous laissez une dette colossale aux générations futures. Ces réformes favorisent avant tout les plus aisés. Supprimer le lien entre citoyen et commune était une erreur.
Mme Michelle Gréaume . - (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE) La délégation sénatoriale aux collectivités territoriales n'a cessé d'auditionner acteurs et associations pour trouver des réponses sur la place de l'État territorial.
Trop absent, à l'écart des réalités de nos collectivités et des attentes des habitants, l'État doit s'appuyer sur ses services déconcentrés en leur donnant les moyens d'assurer ses missions de service public.
Or depuis plus de dix ans, l'État se désengage : fermetures de préfectures et baisses budgétaires ont des conséquences dramatiques. L'égalité républicaine est une illusion, et les collectivités territoriales subissent ces réformes sans disposer des ressources ou de l'ingénierie nécessaires. Faute de moyens humains et financiers, les maires n'arrivent plus à renouveler les passeports et cartes d'identité, sans parler des files d'attente dès 6 heures du matin devant les préfectures pour renouveler un titre de séjour... Voilà la réalité de l'État territorial !
Pour compenser le manque de moyens, on accentue la déshumanisation. Les maisons France Services ont été créées pour accompagner la dématérialisation, mais les liens entre usagers et agents sont rompus. Un maire sur deux de petite commune estime que les services publics sur son territoire sont défaillants.
Le lien avec le préfet est plus que jamais nécessaire, alors que quatre élus locaux sur cinq estiment ne pas avoir été assez associés aux réformes. Les élus locaux doivent être accompagnés au quotidien par une ingénierie efficace, notamment pour leurs grands projets.
En loi de finances, nous avions demandé plus de transparence dans l'attribution de la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) et de la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL). Des critères et des commissions doivent expliquer et motiver les décisions.
Pour l'éligibilité au fonds vert, c'est le préfet qui jugera si le projet s'inscrit dans une démarche écologique.
Plutôt que des réformes imposées d'en haut, il faut un travail de concertation en amont entre élus locaux et préfets. Le préfet doit être identifié, être à l'écoute, avoir les moyens nécessaires ; il faut de l'horizontalité, comme le souhaitait M. Castex. Comment renouer ce lien rompu entre État et territoire ? Prendrez-vous en considération les propositions de notre délégation ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE)
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. - « Désengagement », « déshumanisation », je ne partage pas ces termes.
Les maisons France Services, l'accompagnement par un conseiller numérique, ce n'est pas de la déshumanisation : ce sont 2 600 lieux où nous délivrons neuf services de l'État, financés aux deux tiers par l'État, au plus près du citoyen. Cela ne s'est jamais fait dans l'histoire de notre République ! (Murmures à droite)
Concernant les permis de séjour, les services des étrangers ont vu leurs effectifs augmenter de 63 % en douze ans. Mais le contexte de crise migratoire a augmenté la charge qui pèse sur eux en matière de séjour et d'asile, et il faut faire mieux. La dématérialisation des démarches devrait permettre à terme de gagner en efficacité.
Mme Michelle Gréaume. - Je parle de déshumanisation car les personnes devant les ordinateurs ne sont pas des jeunes. Quand on est bloqué devant un service informatique, il devient très difficile d'avancer !
La délégation aux collectivités territoriales fait un travail formidable...
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. - C'est vrai !
Mme Michelle Gréaume. - ... et vous devez en tenir compte. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE)
M. Jean-Michel Arnaud . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. Mathieu Darnaud et Mme Agnès Canayer applaudissent également.) Merci à la présidente Gatel d'avoir demandé ce débat.
Longtemps, le centre de gravité institutionnel et politique fut exclusivement à Paris, dont les normes jacobines devaient s'appliquer sur l'ensemble du territoire.
Mais le souci de l'efficacité et de l'adaptation aux circonstances locales a donné naissance aux lois Deferre de 1982-1983 et à la loi Montagne de 1985, premier exemple de différenciation.
Pour la France des sous-préfectures, le bilan n'est pas satisfaisant. La baisse des moyens financiers et humains est perceptible, surtout dans les territoires les moins dotés : 36 % d'effectifs en moins entre 2011 et 2020, entraînant un sentiment d'abandon chez les maires ruraux. Les normes et les responsabilités s'accumulent, tandis que les agents de l'État et les financements se raréfient.
Le rapport met aussi en lumière le manque de lisibilité institutionnelle pour les élus locaux. Les agences de l'État sont trop nombreuses, suivant le précepte selon lequel plus les effectifs fondent, plus les services se multiplient. Difficile, pour un maire d'une commune rurale, d'appréhender l'organisation territoriale de l'État : le seul interlocuteur connu et accessible est le sous-préfet d'arrondissement.
Autre enseignement, le manque de concertation. Quatre élus sur cinq estiment ne pas avoir été assez associés aux réformes des services déconcentrés. Je souscris à cette opinion, qui vaut pour nombre de politiques publiques.
Pourtant l'élu local est à la République ce que le coeur est au corps humain. Il est le réceptacle des attentes citoyennes, le garant du dernier mètre des politiques publiques. Faites-lui confiance !
Faire de l'État territorial une réalité, c'est renforcer le couple aimé des Français : maire-préfet - mais le préfet de département !
M. Daniel Gueret et M. Mathieu Darnaud. - Absolument.
M. Jean-Michel Arnaud. - J'ai entendu la Première ministre vanter le couple préfet de région-président d'intercommunalité. Ce n'est pas ainsi que l'on enracinera la confiance dans les territoires...
En matière de subsidiarité, la Lopmi va dans le bon sens : en cas de crise, le champ de l'autorité fonctionnelle des préfets est élargi, sous la responsabilité du Premier ministre.
Le réarmement des services déconcentrés doit s'accompagner d'une meilleure lisibilité de leurs champs d'action. Les collectivités territoriales ayant un personnel limité doivent pouvoir trouver un interlocuteur facilement. Le rapport propose de se tourner vers le sous-préfet d'arrondissement sur les questions d'ingénierie.
En bon centriste, (Mme Françoise Gatel s'amuse) j'équilibrerai mon propos en saluant la création de nouveaux sous-préfets dans les territoires. Nous avons constaté une hémorragie dans les directions départementales des territoires (DDT) - interlocuteurs précieux pour les maires - comme dans les directions départementales des finances publiques (DDFiP), qui ne doivent pas être regroupées dans le chef-lieu.
L'autonomie donnée aux délégués des ARS pendant la pandémie a été efficace : donnons-leur plus de responsabilités.
Madame la ministre, vous avez parlé de différenciation territoriale : chiche ! Sur l'eau et l'assainissement, pourrez-vous enfin convaincre le Gouvernement de laisser les collectivités s'organiser comme elles le souhaitent, soit dans un cadre communal, soit intercommunal ?
Les maisons France Services seront-elles durablement financées ? Recruter sans garantie d'un financement de long terme, c'est un risque. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains)
Mme Françoise Gatel. - Très bien ! Voilà un centriste qui parle clair et franc.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. - Il n'y a pas que les sous-préfets d'arrondissement qui méritent nos éloges, mais aussi les sous-préfets France 2030 et les sous-préfets délégués à la ruralité. Vous auriez aussi pu citer le programme Petites Villes de demain.
Oui, nous pouvons faire mieux, et nous ferons mieux, ensemble ! Je prends toutes les idées pertinentes !
Comme Jean Castex, la Première ministre est dans une relation de confiance envers les élus locaux. (M. Mathieu Darnaud et Mme Agnès Canayer ironisent.) Le couple maire-préfet est crucial, mais le couple préfet-président d'intercommunalité a également du sens, sur les sujets de compétence intercommunale. Ne les opposons pas !
Le fonds vert, à la main des préfets, est au service de nos territoires, pour financer les investissements dans la transition écologique.
Enfin, je souhaite que le financement des maisons France Services soit prolongé.
M. Jean-Michel Arnaud. - Je salue les gendarmes en tribunes : ils sont précieux dans nos départements.
Vous ne m'avez pas répondu sur la compétence eau et assainissement. Nous avons déposé une, deux, trois propositions de loi... (Mme Agnès Canayer le confirme.) Nous n'allons pas vous lâcher sur ce sujet ! (M. Mathieu Darnaud rit de bon coeur.)
Prouvons par l'exemple que la liberté locale est efficace ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains)
Mme Françoise Gatel. - Très bien !
M. Jean-Claude Requier . - Dans une vie antérieure, j'étais professeur d'histoire-géographie, et ce sujet me rappelle ceux du bac philo... (Rires) Les philosophes aiment s'écharper sur les concepts, et l'intitulé du débat avait tout pour me plaire.
Qu'est-ce que l'État territorial ? Non pas un modèle théorique abstrait, mais le rapport entre les services déconcentrés de l'État et les collectivités territoriales. Un moyen de nous confronter au lien entre le territoire de l'État et les territoires dans l'État. Vaste programme !
Nous prolongeons nos travaux après le rapport de nos collègues Doligé et Perol-Dumont de 2016, qui préconisait de maintenir la proximité de l'administration déconcentrée avec les élus locaux et de donner aux collectivités les moyens nécessaires pour agir.
Nos collègues Agnès Canayer et Éric Kerrouche ont rédigé un nouveau - et excellent - rapport, qui illustre bien la place du Sénat comme chambre des territoires.
Reste que les problèmes identifiés en 2016 demeurent. L'ingénierie territoriale continue de poser de nombreuses difficultés, notamment dans la ruralité. Les acteurs locaux font le constat d'une baisse de compétence des services déconcentrés de l'État.
L'ANCT, créée en 2018 à l'initiative du RDSE, apporte une réponse, mais elle ne peut résoudre tous les problèmes à elle seule et de nombreux progrès restent à faire, comme le soulignent Josiane Costes et Charles Guené dans leur rapport sur le sujet.
Les collectivités territoriales les moins densifiées ont encore de nombreux besoins non pourvus en ingénierie. Nous avons du pain sur la planche !
Mirage ou réalité ? L'idée d'État territorial donne moins à représenter la réalité qu'à la transformer. En voulant décrire cette notion, nous découvrons un moyen d'analyser les sources du mal qui ronge nos administrations. Cela nous suggère un remède. Ni mirage ni réalité, mais une méthode ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC ; M. Jean-Pierre Corbisez applaudit également.)
Mme Françoise Gatel. - Bravo !
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. - Je l'ai dit, le Gouvernement renforce les moyens de l'État. Cinq sous-préfectures rouvrent leurs portes, à Château-Gontier, Clamecy, Montdidier, Rochechouart, Nantua ; nous en créons une à Saint-Georges en Guyane. Après des années de baisse des effectifs, aucun emploi n'a été supprimé dans l'administration territoriale de l'État en 2021-2022. Nous créons 350 ETP supplémentaires en cinq ans, dont 43 cette année. Plus trente postes de sous-préfets avec le redéploiement des sous-préfets à la relance, plus les sous-préfets référents thématiques, plus les 200 brigades de gendarmerie...
Nous avons doublé nos effectifs et il y aura au moins un délégué de l'ANCT par région pour que toutes les communes, y compris les plus petites, aient un interlocuteur ingénierie.
M. Jean-Claude Requier. - La loi créant l'ANCT, portée par le RDSE, a été édulcorée à l'Assemblée nationale : nous voulions une agence dans chaque département. Je me félicite toutefois de l'augmentation des effectifs.
Je suis un fervent défenseur des sous-préfectures dans le monde rural. Je le dis souvent à mes maires : si vous voulez défendre les sous-préfectures, faites travailler les sous-préfets !
M. Roger Karoutchi. - Très bien !
Mme Agnès Canayer . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Il n'y a pas de décentralisation réussie sans déconcentration. Hélas, elle n'a pas suivi. L'enchaînement frénétique des réformes a donné le tournis aux élus locaux et désorienté les agents de l'État eux-mêmes. En outre, chaque réforme est lancée sans évaluation sérieuse de la précédente.
La mission d'information menée avec Éric Kerrouche a révélé l'insatisfaction des élus locaux : 61 % d'entre eux jugent nécessaire une réforme de l'organisation de l'État, 82 % regrettent de ne pas avoir été associés aux réformes. Les élus des communes de moins de 1 000 habitants considèrent que l'offre de l'État s'est dégradée ou est défaillante dans leur territoire.
Le couple maire-préfet avait fait ses preuves pendant la pandémie. Les élus locaux ne sont pas dans la défiance vis-à-vis de l'État territorial ; au contraire, ils attendent de lui qu'il soit un partenaire, un accompagnateur. Il est urgent de mieux répartir les compétences de l'État selon les principes de subsidiarité et de différenciation.
La contractualisation entre l'État et les collectivités territoriales est intéressante. Elle permet de sortir de la logique des appels à projet.
Une meilleure relation maire-préfet déminerait certains sujets de tension, comme l'attribution de la DETR et de la DSIL. Notre rapport d'information propose plus de transparence dans ce domaine.
L'ingénierie territoriale a longtemps été la figure de proue de l'État dans les territoires, avec les directions départementales de l'équipement (DDE). Mais, depuis la disparition de l'Atésat (assistance technique de l'État pour des raisons de solidarité et d'aménagement du territoire), l'offre de l'État est amoindrie. Est-il encore capable d'apporter son expertise technique ? De plus en plus, les petites communes se tournent vers les départements et les intercommunalités, quand les grandes collectivités préfèrent des opérateurs privés.
L'ANCT manque encore de notoriété et son offre d'études n'est souvent pas suivie des financements nécessaires aux projets.
L'État territorial a longtemps été une réalité structurante. Pour ne pas devenir un mirage, il doit être guidé par une vision claire, et s'alimenter des recommandations de notre rapport. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Mme Françoise Gatel. - Très bien !
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. - Le Gouvernement renforce les moyens de l'État territorial. L'ANCT offre un guichet unique au plus près des territoires. Certes, elle mérite, par sa jeunesse, certaines critiques, mais aussi de grands éloges pour son accompagnement des collectivités. Citons les 906 postes de chefs de projet subventionnés, le programme Action coeur de ville et son budget de 5 milliards d'euros en cinq ans et les 312 opérations de revitalisation de territoire (ORT) signées au 15 octobre 2022.
Comme vous, je pense que nous devons davantage évaluer les politiques publiques. C'est ce que j'ai fait pendant six mois.
Plus de subsidiarité ? Oui, on peut toujours faire plus et mieux. La fin des appels à projet est un signal. Plus de différenciation ? Je suis fière de présenter bientôt un projet de loi ZRR 2.
Mme Agnès Canayer. - Oui, il y a des progrès. Mais l'État est dispersé dans ses réponses. Il lui faut mieux coordonner son offre sur les territoires.
Ne reproduisons pas le millefeuille de réformes sans évaluation. Le baromètre ne peut être la seule réponse : on ne peut pas évaluer seulement par des chiffres, il faut aussi évaluer la qualité. (Mme Françoise Gatel le confirme ; M. Mathieu Darnaud applaudit.)
M. Éric Kerrouche . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) En entendant M. Buis, je me dis qu'il doit être confortable de vivre dans un monde de Oui-Oui territorial. (Mme la ministre s'indigne ; Mme Françoise Gatel rit.)
L'État a-t-il encore les moyens de ses ambitions dans les territoires ?
Notre mission d'information pointe de nombreux enjeux. Rares sont les champs de l'action publique qui ont connu autant de modifications, signe d'un malaise profond.
Les ambitions sont toujours louables, mais la réalité est celle d'une baisse continue des moyens de l'État. Deux élus sur trois estiment que l'action de l'État s'est dégradée dans leurs territoires. Pire, 70 % des préfets et sous-préfets estiment que les moyens sont insuffisants. Difficile au demeurant de mesurer les chiffres des effectifs de l'État dans les territoires, en raison des changements de périmètre et des suppressions de directions. Le ministère de l'intérieur doit se doter d'outils de suivi des personnels déconcentrés.
Entre 2011 et 2021, 15 000 postes ont été supprimés dans les directions départementales interministérielles (DDI), soit une baisse de 36 %. Les coupes dans le nombre de fonctionnaires sont censées être compensées par des gains de productivité et l'apport de la technique. Mais ce n'est démontré par aucune évaluation ex post ! Prenons l'exemple du contrôle de légalité : les préfectures ne contrôlent plus la totalité des actes des collectivités et se concentrent sur les actes liés à la commande publique et aux ressources humaines.
Tout se passe comme si l'État était resté figé dans une réalité passée. Dans certaines régions, les effectifs de ses services ne correspondent plus à la réalité, comme le montre un récent rapport de la Cour des comptes. Sortons de ce carcan pour adapter l'État territorial aux besoins contemporains.
Madame la ministre, la réouverture de six sous-préfectures est une bonne chose, mais c'est peu au regard des besoins. La carte des sous-préfectures n'a presque pas changé depuis la réforme Poincaré de 1926 ! Il est grand temps de l'adapter, tout en maintenant nos sous-préfectures. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. - Je ne poursuivrai pas notre dialogue de sourds. Vous nous accusez de brouiller les cartes, de mener une politique comptable ? C'est tout le contraire !
Je préfère les Oui-Oui territoriaux aux ouins-ouins territoriaux... En France, le verre est toujours à moitié vide. Rien n'est parfait et tout peut toujours être amélioré ! Je préfère travailler avec des personnes constructives.
M. Éric Kerrouche. - Il est en effet plus simple de ne travailler qu'avec des gens qui sont d'accord avec vous... (M. Mathieu Darnaud s'amuse.)
Émile Durkheim l'a dit : les faits sont têtus. Nous les avons pointés dans notre rapport. Nous pouvons être d'accord ou pas, mais la question centrale est la suivante : quel est notre niveau d'exigence vis-à-vis de l'État territorial et celui-ci est-il à la hauteur ?
Sous le précédent quinquennat, les effectifs ont chuté. Vous avez beau jeu aujourd'hui de créer quelques postes. Travaillez avec tout le monde, pas uniquement avec ceux qui sont d'accord avec vous. (Mme la ministre acquiesce.)
M. Mathieu Darnaud . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) « Il faut que tout change pour que rien ne change » : cette célèbre réplique du Guépard est de circonstance... Depuis la création de l'ANCT et des maisons France Services, j'ai l'impression d'entendre toujours les mêmes choses. La réussite des maisons France Services ? Nous ne la contestons pas, mais elles viennent remplacer des services de l'État qui ont disparu au fil du temps. Cette offre n'est pas nouvelle, elle est différente.
Madame la ministre, je vous invite à venir en Ardèche : nous attendons toujours les moyens supplémentaires promis au centre des impôts de Tournon-sur-Rhône.
L'ANCT pourrait se rapprocher des élus ? Nous l'attendons avec impatience !
Nous attendons aussi que les actions dans nos territoires s'accompagnent de nouveaux moyens financiers : l'ingénierie, c'est bien, mais il faut aussi de l'argent ! On ne peut pas parler d'État sans donner des moyens suffisants aux préfets de département. Pour les doter d'un vrai pouvoir dérogatoire, il faut réformer l'article 72 de la Constitution.
Les services déconcentrés de l'État étaient aux côtés des maires pendant la crise sanitaire, dites-vous. Mais les préfets ont eu bien du mal à agir, sur les protocoles scolaires, vis-à-vis de l'éducation nationale...
Vous nous invitez à être pragmatiques : chiche !
Lors de l'examen de la loi 3DS, le Gouvernement s'était engagé sur tous les sujets. Dans les faits, c'est le Sénat qui a créé l'OFB. Nous sommes prêts à avancer. Je suis un défenseur de l'État territorial, qui est une réalité. Vos engagements, en revanche, sont des mirages. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. - Je viendrai en Ardèche d'ici la fin du mois d'avril.
M. Roger Karoutchi. - Très bien !
M. Mathieu Darnaud. - Avec plaisir !
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. - N'insistons pas sur nos différences. Vous jugez les chiffres que je vous ai transmis insuffisants. Nous y travaillerons.
Vous soulignez l'intérêt de l'ingénierie. Nous nous améliorerons sur ce point.
La DETR a doublé en dix ans. Avec la DSIL, c'est 2 milliards d'euros pour 2023. Le fonds vert est lui aussi doté de 2 milliards d'euros. Au total, c'est 4 milliards d'euros de crédits pour soutenir l'ingénierie.
Les préfets ont fait appel 350 fois à leur pouvoir dérogatoire. Faut-il aller plus loin ? Sans doute.
M. Mathieu Darnaud. - Je vous accueillerai avec plaisir en Ardèche.
Trop souvent, la DETR compense les sommes perdues ces dernières années, notamment en raison du désengagement progressif des agences de l'eau.
Je vous invite à vous inspirer des travaux du Sénat, notamment de l'excellent rapport Canayer-Kerrouche. Il reflète les attentes des élus locaux, qui veulent du concret.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité . - Je remercie la très dynamique présidente Gatel, ainsi que la délégation aux collectivités territoriales, véritable aiguillon constructif.
Comme Jean-Claude Requier, le titre du débat m'a intéressée. J'ai répondu à cet exercice avec grand plaisir.
Vous savez mon attachement à la ruralité, aux élus locaux et aux collectivités territoriales, mais aussi au Parlement. J'espère que nous renouvellerons ce débat lors des prochains mois, pour trouver les réponses aux difficultés de nos concitoyens.
Le travail des services de l'État dans les régions et départements est efficace. Les mesures prévues dans la loi de finances pour 2023 visent à répondre aux difficultés rencontrées par les collectivités territoriales - je pense au bouclier tarifaire qui limite l'augmentation des coûts de l'énergie à 15 %, à l'amortisseur électrique, au filet de sécurité étendu à toutes les collectivités, ou encore à l'augmentation de 320 millions d'euros de la dotation globale de fonctionnement (DGF), pour la première fois depuis treize ans.
Il s'agit de ne laisser aucun maire sur le bord de la route en cette période de crise, car les collectivités territoriales sont au service du bien commun. Le Président de la République et le Gouvernement ont été clairs : réouverture de cinq sous-préfectures, création d'une nouvelle sous-préfecture, déploiement de 2 538 maisons France Services, mais aussi de 200 brigades de gendarmerie supplémentaires... Autant de chiffres illustrant notre volonté de réimplanter l'État dans les territoires.
La création de l'ANCT participe du même esprit. Certes, cette jeune administration peut s'améliorer, mais nous renforçons ses capacités d'ingénierie.
L'État n'oublie pas l'investissement des collectivités territoriales : avec le fonds vert, ce sont 2 milliards d'euros supplémentaires à la main des préfets.
Bien sûr, des leviers restent à mobiliser, mais je voulais souligner les progrès. Ce n'est qu'ensemble que nous y arriverons. (Applaudissements sur les travées du RDPI et du RDSE ainsi que des groupes INDEP et UC)
Mme Françoise Gatel, présidente de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation . - Je remercie les sénateurs présents.
Monsieur Requier, j'ai apprécié votre volonté de définir le débat.
Madame la ministre, un débat n'est ni un grand oral ni un procès. Nous voulons que la France marche et que les maires soient accompagnés.
Notre débat m'a fait penser à Georges Marchais, rétorquant à Jean-Pierre Elkabbach : « Ce n'est peut-être pas votre question mais c'est ma réponse » ! Le rapport Canayer-Kerrouche est un travail de fond qui doit être pris comme une contribution positive et rigoureuse à la réflexion du Gouvernement. Nous voulons faire oeuvre utile.
L'évaluation des actions menées est essentielle, tout comme les expérimentations. Je rejoins Mme Canayer : un comptage ou un baromètre ne sont pas des évaluations. Il faut évaluer la qualité de la réponse apportée.
Nous n'avons pas seulement mesuré l'insatisfaction des élus, mais aussi du corps préfectoral, constitué de personnes remarquables.
Je vous convie aux États généraux de la simplification, qui auront lieu le 16 mars.
Je crois, comme vous, à la différenciation. Songeons à l'eau et à l'assainissement. L'eau n'a jamais coulé selon un périmètre administratif ! Travaillons à des solutions efficaces, en se souvenant que les Alpes ne sont pas la Bretagne.
Rattacher les préfets au Premier ministre permettrait d'unifier la voix de l'État dans les territoires.
Madame la ministre, sans vous faire de grief personnel, lorsque les sénateurs expriment leur point de vue, ce n'est pas pour embêter le monde, mais pour faire avancer les choses. (Mme la ministre le reconnait.) Je forme le voeu que notre prochain débat ne soit pas un jeu de ping-pong. (Applaudissements sur les travées du RDSE ainsi que des groupes INDEP, UC et Les Républicains)
Prochaine séance, mardi 14 février 2023 à 9 h 30.
La séance est levée à 16 h 25.
Jeudi 9 février 2023 |
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Sommaire
Questions orales1
Rénovation énergétique des établissements scolaires2
M. Pierre-Antoine Levi2
M. Clément Beaune, ministre délégué chargé des transports2
Projet de zone spéciale de carrières dans la vallée de la Maurienne2
Mme Martine Berthet2
M. Clément Beaune, ministre délégué chargé des transports2
Dispositif « argent de poche » en milieu rural2
M. Jean-Marie Mizzon2
M. Clément Beaune, ministre délégué chargé des transports2
Explosion des tarifs d'énergie pour l'institution intercommunale des Wateringues2
M. Frédéric Marchand2
M. Clément Beaune, ministre délégué chargé des transports2
Sous-occupation des logements sociaux2
Mme Laurence Muller-Bronn2
M. Clément Beaune, ministre délégué chargé des transports2
Contrôle technique des deux-roues motorisés2
M. Olivier Cigolotti2
M. Clément Beaune, ministre délégué chargé des transports2
Indemnités kilométriques des infirmiers libéraux de Haute-Savoie2
Mme Sylviane Noël2
M. Clément Beaune, ministre délégué chargé des transports2
Conseils pour les droits et devoirs des familles2
Mme Victoire Jasmin2
M. Jean-François Carenco, ministre délégué chargé des outre-mer2
Barème de référence pour le calcul de la pension alimentaire2
M. Yves Détraigne2
M. Jean-François Carenco, ministre délégué chargé des outre-mer2
Régime juridique des colocations de seniors2
Mme Sonia de La Provôté2
M. Jean-François Carenco, ministre délégué chargé des outre-mer2
Soutien de l'État aux projets de résidences de répit partagé2
Mme Monique Lubin2
M. Jean-François Carenco, ministre délégué chargé des outre-mer2
Jours fériés dans la fonction publique territoriale en Alsace-Moselle2
M. Christian Klinger2
M. Jean-François Carenco, ministre délégué chargé des outre-mer2
Agriculteurs de Dordogne victimes de l'orage du 20 juin 20222
Mme Marie-Claude Varaillas2
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et du tourisme2
Soutien au transport routier2
M. Jean-Pierre Moga2
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et du tourisme2
Situation alarmante des artisans boulangers2
M. Patrice Joly2
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et du tourisme2
Nouvelles obligations de déclaration des propriétaires immobiliers2
Mme Catherine Procaccia2
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et du tourisme2
Aide aux boulangers2
M. Didier Marie2
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et du tourisme2
Difficultés administratives et financières des soldats blessés2
Mme Jocelyne Guidez2
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et du tourisme2
Conséquences de l'accord avec la Nouvelle-Zélande sur la filière ovine française2
Mme Anne-Catherine Loisier2
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et du tourisme2
Expérimentation de binômes d'élus dans les établissements scolaires2
M. Henri Cabanel2
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et du tourisme2
Fermetures de classes et d'écoles dans les territoires ruraux2
Mme Annick Billon2
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et du tourisme2
Conséquences des fermetures d'école pour les communes2
Mme Christine Herzog2
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et du tourisme2
SÉANCE
du jeudi 9 février 2023
55e séance de la session ordinaire 2022-2023
Présidence de M. Roger Karoutchi, vice-président
Secrétaires : Mme Martine Filleul, M. Jacques Grosperrin.
La séance est ouverte à 10 h 30.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.