Protéger les logements contre l'occupation illicite
Mme le président. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à protéger les logements contre l'occupation illicite.
Discussion générale
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice . - La proposition de loi que nous examinons dans le temps réservé au groupe RDPI, vise à apporter une réponse indispensable à des situations individuelles touchant la vie quotidienne de nos concitoyens. Je remercie le président Patriat d'avoir permis que le Sénat prolonge rapidement les travaux de l'Assemblée nationale sur ce texte.
Au cours des derniers mois, nous avons été nombreux à être saisis par de petits propriétaires se retrouvant dans l'impossibilité de récupérer le fruit du travail de toute une vie.
Mme Valérie Boyer. - Ce n'est pas faute de l'avoir dit !
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. - Une vieille dame résidant en Ehpad s'est ainsi retrouvée dans l'impossibilité de vendre son appartement pour financer sa fin de vie, car il était squatté. Cette situation intolérable porte gravement atteinte à notre pacte social et républicain, qui suppose que les autorités fassent respecter la loi. Il est insupportable qu'une femme âgée s'angoisse pour payer ses traites !
Je le dis tout net : la lutte contre les squats est nécessaire. Force doit rester à la loi, laquelle doit protéger les honnêtes gens.
M. François Bonhomme. - À la bonne heure !
Mme Valérie Boyer. - Révélation tardive !
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. - La Déclaration des droits de l'homme de 1789 protège le droit de propriété. Mais c'est le domicile, au titre de la protection de la vie privée, qui est protégé par le délit de violation du domicile. Depuis 2015, l'article 226-4 du code pénal distingue deux infractions, dont une, le maintien dans le domicile d'autrui, est une infraction continue, ce qui permet aux forces de l'ordre d'intervenir, quel que soit le délai écoulé depuis l'introduction des squatteurs. C'est un outil efficace et puissant pour faire cesser les situations de squats avérées : la presse devrait cesser d'affirmer que des vacanciers trouvant des squatteurs chez eux au retour de leurs vacances ne peuvent rien faire, car ces derniers sont installés depuis plus de 48 heures.
La proposition de loi aligne les peines sur celles encourues par un propriétaire qui expulserait un squatteur : il fallait remédier à une situation injuste. Par ailleurs, elle précise que la notion de domicile recouvre tout local d'habitation contenant des biens meubles, qu'il s'agisse ou non de la résidence principale. Cette clarification permettra de faire cesser les fausses informations sur l'étendue de ce délit.
Contrairement à ce que certains médias affirment, la violation d'une résidence secondaire peut susciter à tout moment l'intervention des forces de l'ordre.
M. François Bonhomme. - Mais c'est compliqué...
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. - Cela va s'arranger grâce à cette loi, monsieur le sénateur.
Nous devions nous assurer que les infractions soient suffisamment ciblées et ne fassent pas primer le droit de propriété sur tout autre droit social, mais qu'elles répondent de manière proportionnée à des situations injustes.
Je salue le travail des rapporteurs André Reichardt et Dominique Estrosi Sassone, engagés de longue date sur ces sujets. Vos travaux ont restreint, pour les locaux autres que le domicile, le champ de la répression aux seuls actes frauduleux, répondant aux réserves que j'avais émises à l'Assemblée nationale : les locataires défaillants ne seront pas concernés.
Nos débats permettront de préciser le terme de local à usage économique, qui ne correspond à aucune notion connue de notre droit.
Dans la lutte contre les squats, votre commission a procédé à une gradation bienvenue dans l'échelle des peines. L'équilibre a été trouvé entre défense de la propriété immobilière et droit au logement, dans le respect de nos principes constitutionnels.
Nous disposons de deux voies pour expulser un squatteur : une voie civile, avec saisie du juge des référés, qui, constatant un trouble manifestement illicite, peut ordonner les mesures conservatoires, dont l'expulsion - dans un délai moyen de cinq mois ; depuis la loi Dalo et son article 38, il existe une voie administrative, par laquelle le préfet, en cas de plainte pour violation de domicile, peut ordonner une évacuation sans décision judiciaire.
À la suite de la loi Asap, avec les ministres de l'intérieur et du logement, nous avons adressé, le 22 janvier 2021, une instruction aux préfets pour détailler cette procédure et nous assurer de sa rapidité. L'exécutif est pleinement mobilisé dans la lutte contre les squats.
Tout en conservant l'essentiel des dispositions de la proposition de loi de Guillaume Kasbarian, vous avez recentré le texte sur la lutte contre les squatteurs. Je m'en félicite : l'évacuation administrative, expéditive et sans contradictoire, ne convient pas aux locataires ou aux concubins.
Je pense notamment à la situation d'une femme victime de violences conjugales dont le compagnon violent serait parti sur ordre de la justice, mais qui aurait quand même pu exiger du préfet une évacuation forcée de sa victime.
La nouvelle rédaction de l'article 2 a clarifié l'extension du périmètre de cette mesure, qui concernera également les logements vacants.
La question de l'expulsion pour loyers impayés est bien différente de celle du squat. Le droit civil protège les locataires qui, en raison d'un accident de la vie, ne peuvent plus s'acquitter de leur loyer. Le texte de la commission rétablit le pouvoir du juge d'accorder d'office des délais avant l'expulsion. Le locataire doit toutefois être en situation de régler ses dettes, et avoir repris le paiement des loyers courants. Votre proposition s'inscrit dans l'équilibre recherché entre droit au logement et droit de propriété. Mais 40 % des locataires ignorent leur droit de demander des délais et ne se présentent pas à l'audience. Le juge peut aussi ordonner des délais supplémentaires pour permettre le relogement. Le droit civil fait obstacle aux expulsions durant la trêve hivernale. La lutte contre les locataires de mauvaise foi ne doit pas modifier ces équilibres.
Les délais de traitement des affaires doivent être réduits, mais le délai de six semaines voté en commission semble trop court.
L'article 2 bis de la proposition de loi décharge les propriétaires de certaines de leurs obligations, mais les décharger totalement de leur obligation d'entretenir leurs biens nuirait aux tiers subissant un dommage. Il faudra donc aménager le texte.
Dans la lutte contre le squat, ce texte est une nouvelle étape intéressante. Faisons en sorte qu'il apporte des solutions efficaces, dans le respect de nos principes constitutionnels.
M. Olivier Klein, ministre délégué chargé de la ville et du logement . - Ce texte traite de situations humaines complexes, que nous connaissons en tant qu'élus. Vous connaissez la différence entre les situations inacceptables de squat et les impayés de loyers. Forts de cette expérience, vous examinez un texte équilibré, amélioré, qui fait cette distinction. Je salue le travail des rapporteurs.
Notre discussion devra conduire à mieux distinguer la situation du squatteur entrant illégalement dans un domicile, qui doit être sanctionné, de celle du locataire défaillant de bonne foi, qui doit être accompagné.
Grâce à un amendement du sénateur Patriat, les peines pour le squat de locaux d'habitation ou de locaux économiques seront graduées. Je me réjouis également du dispositif d'occupation temporaire, pérennisé à l'Assemblée nationale et sécurisé par votre commission.
Le texte renforce les sanctions contre les marchands de sommeil, qui organisent des squats au détriment des plus faibles. Le Gouvernement est pleinement mobilisé contre ce phénomène, pour lutter contre l'habitat indigne, avec la loi Elan adoptée lors de la précédente législature.
Je me réjouis que la commission ait maintenu les pouvoirs d'office du juge pour définir un plan d'apurement de la dette locative. Le Gouvernement l'avait déjà soutenu pour tous les locataires de bonne foi à l'Assemblée nationale.
Concernant les délais, la commission a accepté de passer d'un mois à six semaines, mais ce délai nous semble encore trop court : deux mois seraient préférables, notamment pour éviter l'engorgement des tribunaux.
Je salue aussi le travail de la commission des affaires économiques sur les commissions de coordination des actions de prévention des expulsions locatives (Ccapex), qui a institutionnalisé leur gouvernance, anticipé leur intervention, institué un délai de trois mois pour le diagnostic social et leur a conféré des pouvoirs renforcés pour le maintien des APL ou le versement des aides directement au bailleur.
Le Gouvernement est mobilisé pour prévenir les expulsions locatives. Des outils existent déjà, avec les équipes mobiles financées par l'État, le fonds de solidarité pour le logement, les boucliers tarifaires, le chèque énergie... Laissons du temps au travail social et au juge pour apprécier toutes les situations. Une expulsion est toujours un échec.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. - C'est toujours une injustice !
M. Olivier Klein, ministre délégué. - L'équilibre apaise le marché et évite des cautions locatives toujours plus importantes, discriminantes et inégalitaires. J'ai confiance dans le Sénat pour préserver cet équilibre. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
M. André Reichardt, rapporteur de la commission des lois . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) L'examen de cette proposition de loi nous donne l'occasion de revenir sur deux sujets chers au Sénat : la lutte contre le squat et la sécurisation des rapports locatifs.
Il y a deux ans, nous débattions de la proposition de loi de Dominique Estrosi Sassone visant à mieux protéger la propriété contre le squat, dont plusieurs propositions sont reprises par ce texte. Dommage que le Gouvernement n'ait pas été plus tôt à l'écoute, cela aurait permis d'éviter à certains petits propriétaires de découvrir leur logement habité à leur retour de vacances...
Il faut mieux distinguer locataire défaillant et squatteur. Le texte contient des dispositions pénales, dont certaines déjà votées par le Sénat en janvier 2021, comme l'alourdissement de la peine en cas de squat du domicile, ou la punition par une amende de la publicité sur le squat, car sur internet, on trouve de véritables manuels du squatteur...
Le code pénal sanctionne la violation de domicile, sur le fondement du droit à la protection de la vie privée. Afin de garantir le droit de propriété, principe fondamental de notre République, le texte crée une nouvelle infraction pour sanctionner le squat des locaux qui ne sont pas des domiciles. Le texte prévoit également de punir les locataires qui se maintiennent, sans droit ni titre, dans leur logement alors qu'ils ont épuisé tous les recours. Je sais que cette dernière mesure est contestée, mais elle enverrait un signal aux locataires particulièrement de mauvaise foi.
J'en viens à la procédure prévue par l'article 38 de la loi Dalo, utilisée 170 fois en 2022. La commission a retenu certaines des dispositions déjà votées par le Sénat : élargissement aux logements qui ne constituent pas un domicile, saisine de l'administration fiscale par la préfecture pour aider la victime à prouver son titre de propriété et
raccourcissement du délai de la mise en demeure à 24 heures.
Il n'est pas normal qu'un propriétaire ne pouvant plus accéder à son bien soit condamné pour manque d'entretien, d'où un régime dérogatoire de responsabilité civile.
Nous regrettons l'absence d'évaluation de la mise à disposition temporaire des locaux vacants. Or 10 000 personnes en ont bénéficié jusqu'à présent, contribuant ainsi à la lutte contre le squat.
La seconde partie du texte sécurise les rapports locatifs en améliorant la procédure contentieuse, longue et complexe. L'expulsion est la solution de dernier recours, a fortiori si le locataire est de bonne foi. On compte chaque année quelque 500 000 commandements de payer, ainsi que 150 000 assignations en justice, et 70 000 décisions d'expulsion ferme, dont 16 000 nécessitent le recours à la force publique. Notre texte vise à rétablir la confiance pour que les propriétaires louent leur logement, alors que des millions de nos concitoyens sont mal-logés.
Il est proposé de généraliser les clauses résolutoires de plein droit dans les baux locatifs : le juge pourra se prononcer rapidement. L'Assemblée nationale voulait responsabiliser le locataire. Or la commission des lois a retouché ces dispositions : beaucoup de locataires ne connaissent pas leurs droits. Le juge doit pouvoir accorder des délais supplémentaires de sa propre initiative.
Nous avons aussi décidé de porter d'un mois à six semaines le délai entre le commandement de payer et l'assignation devant le tribunal, car ce délai est souvent mis à profit pour régler à l'amiable les litiges locatifs.
Nous entendons aussi favoriser le traitement social des locataires en difficulté, en renforçant le pouvoir des Ccapex.
Nous avons essayé de parvenir à un texte répondant aux attentes de propriétaires, sans fragiliser les locataires victimes d'un accident de la vie.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. - C'est faux !
M. André Reichardt, rapporteur. - Je vous invite à voter ce texte équilibré entre droit de la propriété et droit au logement. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Vincent Capo-Canellas applaudit également.)
Mme Marie-Noëlle Lienemann. - Il n'est pas équilibré !
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Vincent Capo-Canellas et Mme Valérie Létard applaudissent également.) La commission des affaires économiques s'est saisie pour avis de l'intégralité de cette proposition de loi.
Certes, force doit rester à la loi face à la violence des squatteurs, mais le respect du droit de propriété ne doit pas conduire à mettre à la rue des familles victimes d'un accident de la vie. Avec André Reichardt, nous avons voulu trouver un équilibre en étant plus stricts avec les squatteurs et les locataires de mauvaise foi, mais en favorisant le traitement social des locataires en difficulté.
Le squat est un viol de l'intimité, et il faut qu'il soit réprimé sans faiblesse. Nous devons lutter contre les réseaux spécialisés qui promeuvent le squat. Protégeons les domiciles, mais aussi les futurs domiciles. Sortons d'une vision dans laquelle on excuse le squat au nom de la crise de logement ou de la richesse supposée des propriétaires. À Paris, un quart des victimes de squat sont des locataires et deux tiers des propriétaires n'ont qu'un seul bien en location, souvent pour compléter une retraite. Arrêtons également d'excuser l'occupation illégale des logements vacants, car le dispositif d'hébergement temporaire répond aux besoins des personnes en grande difficulté ou en mobilité.
Arrêtons enfin de faire porter aux propriétaires le poids d'une politique défaillante du logement, car si les constructions et les possibilités d'attribution ne sont pas assez nombreuses, ce n'est pas de la faute des propriétaires...
Mme Marie-Noëlle Lienemann. - Ni des locataires !
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur pour avis. - ... mais plutôt celle du Gouvernement !
Que de temps perdu ! Voilà deux ans, le Sénat votait la proposition de loi que j'avais présentée. Plusieurs problèmes seraient déjà résolus si elle avait été votée à l'Assemblée nationale.
Nous approuvons la réduction de la durée de procédure, qui décourage les propriétaires de louer leur logement, préférant la location de tourisme : une protection exagérée se retourne contre les locataires. (Mme Marie-Noëlle Lienemann proteste vivement.)
Nous distinguons clairement les squatteurs des locataires en difficulté : n'affaiblissons pas la possibilité d'un règlement amiable. La responsabilisation des locataires passe par la prévention des impayés et des expulsions : je propose d'avancer à deux mois d'impayés le seuil de saisine des Ccapex, de doubler le temps disponible pour la réalisation d'un diagnostic social et de renforcer leurs compétences.
Nous sommes parvenus à un équilibre fidèle à nos principes de respect de la propriété privée, mais aussi de justice et d'humanité. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Vincent Capo-Canellas applaudit également.)
Exception d'irrecevabilité
Mme le président. - Motion n°1, présentée par MM. Benarroche, Gontard, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.
En application de l'article 44, alinéa 2, du Règlement, le Sénat déclare irrecevable la proposition de loi visant à protéger les logements contre l'occupation illicite (n° 279, 2022-2023).
M. Guy Benarroche . - (Applaudissements sur les travées du GEST) « Certaines lois marquent une époque du sceau de la grandeur ou de l'abandon » : cette phrase de Pascal Brice nous alerte sur la situation. Cet abandon, c'est celui de la solidarité.
Ce texte « se trompe de cible », écrit pour sa part Christophe Robert, délégué général de la Fondation Abbé Pierre, dans un courrier adressé à Gérard Larcher. Il faut combattre les causes du mal-logement, et non ceux qui en sont victimes.
Ce texte est une arme atomique !
M. François Bonhomme. - Nucléaire !
M. Guy Benarroche. - Ses dommages collatéraux toucheront toute la société, car il érige avec violence le droit de propriété comme une valeur absolue.
Je le dis tout net : nous ne remettons pas en cause le droit de propriété...
M. François Bonhomme. - Nous sommes rassurés !
M. Guy Benarroche. - ... mais les principes constitutionnels doivent se concilier de manière équilibrée. Or ce texte fait tout l'inverse.
Dans une décision du 19 janvier 1995, le Conseil Constitutionnel a érigé au rang d'objectif de valeur constitutionnelle la possibilité pour toute personne de disposer d'un logement décent.
Ce texte est un danger, une fausse solution antisociale. (Mme Dominique Estrosi Sassone le conteste.) Il revient à une insupportable criminalisation de la précarité et de la pauvreté.
M. François Bonhomme. - Qui a dit cela ?
M. Guy Benarroche. - Dans un passé récent, lors de l'examen du texte sur l'expropriation d'un bien laissé manifestement à l'abandon, nous avons bien noté que le droit de ne rien faire de son bien restait sacro-saint, mais aussi que le droit absolu de propriété était à géométrie variable : nous sommes sur une pente dangereuse.
La tentative très maladroite de confondre protection de la propriété et du domicile est néfaste et anticonstitutionnelle. Le président du Haut Comité pour le droit au logement estime que les propriétaires les plus modestes souffrent plus d'un manque d'accès aux dispositifs de prévention et d'un manque de moyens de la justice que d'un droit inefficace.
Les locataires en difficulté sont criminalisés, mais leur faire porter la responsabilité du mal-logement relève d'un cynisme rare. L'État est trop défaillant, les collectivités territoriales ne peuvent s'y substituer. Mais où est ce Gouvernement ? Où est la politique du logement ? En 2018, le Président de la République avait déclaré vouloir apporter un toit aux sans-abri. En 2022, monsieur le ministre Klein, vous avez réduit cet objectif aux seuls enfants. La Défenseure des droits s'inquiète de la situation.
M. François Bonhomme. - On peut en parler !
M. Guy Benarroche. - Qui effectuera les bilans sociaux ? Où sont les moyens en faveur du 115 et de l'hébergement d'urgence ? Chaque soir, 5 000 personnes appellent en vain le 115. À Marseille, seul un appel sur trois aboutit. Il y a carence des services de l'État. (Mme Marie-Noëlle Lienemann applaudit.)
Les moyens de protéger les petits propriétaires existent déjà. Des mesures de protection équilibrée, telles que la garantie des loyers, pourraient être envisagées. Mais tout dans ce texte aboutit à une criminalisation de la précarité. Plus de 4,1 millions de nos compatriotes sont mal logés, on compte plus de 300 000 sans-abri, dont 42 000 enfants.
La pénalisation des impayés est insupportable. Soit la rue, soit la prison : la prison pour dette est de retour dans notre République ! Quelle est la finalité de cette pénalisation ? Ces mesures créeront un cercle vicieux, en maintenant les occupants illégaux dans la précarité et dans l'illégalité. Qui sera gagnant ? Sûrement pas le propriétaire, qui ne pourra pas recouvrer sa dette, ni le locataire, qui rejoindra la cohorte des sans-abri.
L'inflation, les contrats précaires, la diminution des allocations chômage expliquent la multiplication des défauts de paiement. Il eût fallu s'attaquer à l'hébergement d'urgence, à la mise à l'abri, au Dalo.
J'observe, fasciné, la tentation démagogique de prospérer sur le droit de propriété. Nous devons garantir les droits des plus vulnérables, mais la loi votée par l'Assemblée nationale est une caricature. Certes, je remercie les rapporteurs d'avoir amélioré le texte, mais cessons les amalgames et la criminalisation. (Applaudissements sur les travées du GEST et du groupe CRCE)
Mme Catherine Procaccia. - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Ce soir, c'est un anniversaire : le 31 janvier 2007, j'étais bien seule dans cet hémicycle pour parler des squatteurs et des manuels mis à leur disposition sur internet. À l'époque, je disais qu'il fallait aussi penser aux locataires ou propriétaires qui se retrouvaient ainsi à la rue. Dans la nuit, j'avais reçu une délégation de Jeudi noir et de l'association Droit au logement : ils considéraient mon amendement acceptable s'il se limitait à l'habitation principale. C'est devenu l'article 38 de la loi Dalo. Hélas, pendant longtemps, il a été très peu appliqué par les préfets.
Onze ans plus tard, mon amendement visant à ce que la trêve hivernale ne s'applique pas aux squatteurs a été adopté dans la loi Elan, contre l'avis du ministre.
Une voix sur les travées du GEST. - Il avait raison !
Mme Catherine Procaccia. - Avec Dominique Estrosi Sassone et Henri Leroy, quel bonheur de voir la relève assurée ! Si la proposition de loi de Dominique Estrosi Sassone avait été inscrite à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale, nous n'aurions pas perdu autant de temps.
La notion de squat a été étendue aux résidences secondaires par la loi Asap. Monsieur le garde des sceaux, quel plaisir d'entendre que le squat est un délit !
Monsieur Benarroche, le texte établit bien la distinction entre squatteurs et locataires en difficulté. Avez-vous déjà rencontré une personne qui, à son retour de l'hôpital ou d'un voyage, ne peut plus rentrer chez elle et doit prouver son droit de propriété ?
M. Daniel Breuiller. - Oui !
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. - Oui !
Mme Catherine Procaccia. - Je me réjouis que le préfet puisse désormais saisir l'administration fiscale, pour aider les personnes à prouver qu'il s'agit bien de leur domicile.
On nous dit que l'on ne pénétrerait pas dans un domicile par plaisir, mais est-il normal de changer les serrures et de refuser de partir, même après un jugement ? Est-il normal que les décisions de justice ne soient pas appliquées ?
M. Guy Benarroche. - Non !
Mme Catherine Procaccia. - Ce laxisme ne fait qu'entretenir le sentiment d'impunité des squatteurs.
Non, monsieur Benarroche, tous les cas ne sont pas réglés. Le droit au logement existe, je l'affirme bien volontiers, mais il doit s'appliquer à tous, y compris aux propriétaires et locataires évincés, qui doivent eux aussi être relogés.
Voter la motion, ce serait effacer des avancées obtenues de longue date, comme la suppression de l'obligation d'entretien si le propriétaire ne peut plus accéder à son bien.
S'il y a des propriétaires indélicats, il y a aussi des locataires qui le sont. Rééquilibrer les droits serait de nature à remettre de nombreux biens sur le marché.
Le groupe Les Républicains votera contre la motion. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du RDPI)
M. André Reichardt, rapporteur. - La proposition de loi contreviendrait à l'objectif à valeur constitutionnelle d'accès au logement ? La commission ne souscrit pas à cette analyse. Le texte contient, au contraire, des avancées en matière d'accompagnement social des locataires en difficulté. Avis défavorable.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. - Après la séance, j'irai m'installer chez M. Benarroche avec toute mon équipe. (Rires et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Ludovic Haye applaudit également.)
M. François Bonhomme. - Ça va faire du bruit !
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. - Je ferai changer les serrures et j'apposerai une affichette indiquant que je vous ferai poursuivre si, par effraction, vous pénétrez dans les lieux... On marche sur la tête !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. - Cela concerne quelques personnes !
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. - Il y a des professionnels du squat, qui vous expliquent, par exemple, comment repérer un logement qui n'est pas occupé.
Oui, madame Procaccia, occuper le logement d'autrui est une infraction !
M. Guillaume Gontard. - C'est déjà le cas ! (Mme Marie-Noëlle Lienemann renchérit.)
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. - Vous, au nom de l'idéologie, vous trouvez cela normal. (Vives protestations à gauche)
Mme Cécile Cukierman. - Non, nous ne trouvons pas ça normal ! Mais la proposition de loi ne parle pas de ça !
M. Pascal Savoldelli. - Nous parlons avec nos passions, nos convictions, mais, monsieur le garde des sceaux, je ne vous demande pas de venir chez moi...
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. - C'est le squatteur qui choisit !
M. Pascal Savoldelli. - Vous avez de l'assurance quand vous parlez tout seul, mais, ici, il s'agit de débattre avec nous. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains et du RDPI)
Je ne me fonderai pas, moi, de je ne sais quel roman. Je pense qu'il y a un déséquilibre entre les droits du propriétaire et les droits fondamentaux garantis par la Constitution, dont le droit au logement, et que le mélange des genres entre squats et loyers impayés n'a pas lieu d'être.
C'est pourquoi nous voterons la motion déposée par nos collègues du GEST.
Mme Viviane Artigalas. - Le 19 janvier 1995, comme le rappellent les auteurs de la motion, le Conseil constitutionnel a élevé au rang d'objectif de valeur constitutionnelle la possibilité pour chacun de disposer d'un logement décent.
Aux termes du préambule de la Constitution de 1946, « la Nation assure à l'individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement » et garantit à tous « des moyens convenables d'existence ». Les rédacteurs de cette proposition de loi estiment-ils qu'une peine d'emprisonnement pour une personne hors d'état de payer son loyer est la bonne façon d'assurer ces conditions de développement et ces moyens convenables d'existence ?
Ce texte est déséquilibré.
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur pour avis. - Pas après le travail de la commission !
Mme Viviane Artigalas. - C'est pourquoi nous voterons la motion. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST)
M. François Bonhomme. - Le texte de la motion, qui évoque une atteinte grave aux libertés publiques, est d'une grande violence. Le droit à un logement décent n'est pas un permis de bafouer le droit de propriété le plus élémentaire !
Monsieur Benarroche, vous ne manquez pas de références : vous savez que le droit de propriété est le premier à avoir été garanti en 1789, au même titre que la sûreté, la liberté et la résistance à l'oppression. La crise du logement est une réalité, mais on ne peut pas l'invoquer à tout propos pour nier le droit absolu et naturel à la propriété, que les députés de 1789 ont placé parmi les tout premiers. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. - Ce que j'ai voulu dire, sur un ton un peu badin que je n'aurais peut-être pas dû employer, c'est que le droit au logement ne saurait être : « Pousse-toi de là que je m'y mette ». Le squat, c'est cela : s'installer dans un logement vide et interdire au propriétaire de le récupérer.
Mme Valérie Boyer. - C'est du vol !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. - C'est déjà interdit !
M. Daniel Breuiller. - La plupart des victimes de squats sont des institutionnels...
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. - La propriété, ce n'est pas sale ; c'est un droit consacré par notre Constitution.
M. Guy Benarroche. - Qui dit le contraire ?
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. - Ce texte a le mérite d'être équilibré entre droit au logement et droit à la propriété privée. (On le conteste à gauche.)
Les situations dont certains reportages se sont fait l'écho sont inacceptables. Des gens dorment dans des caravanes parce que d'autres occupent leur logement, en arguant que le droit au logement surpasse tous les autres...
M. François Bonhomme. - Révoltant !
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. - Je ne puis l'accepter. (Applaudissements sur les travées du RDPI et des groupes UC et Les Républicains)
M. Guy Benarroche. - Il y a 170 cas dans l'année !
La motion n°1 n'est pas adoptée.
Question préalable
Mme le président. - Motion n°6, présentée par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à protéger les logements contre l'occupation illicite (°279, 2022-2023).
M. Pascal Savoldelli . - En 2017, Emmanuel Macron...
M. François Bonhomme. - Il est locataire ! (Rires sur de nombreuses travées)
M. Pascal Savoldelli. - ... déclarait que la première bataille était de loger tout le monde dignement ; c'est, disait-il, une question d'humanité et d'efficacité.
Quelle place cette proposition de loi accorde-t-elle aux plus vulnérables ? Depuis l'introduction du droit au logement, les droits des propriétaires ont été renforcés. Des faits divers ont été surmédiatisés, donnant l'impression que ce phénomène aurait pris une ampleur immense, que nous serions face à un tsunami.
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur pour avis. - Ce n'est pas ce que nous avons dit.
M. Pascal Savoldelli. - Le squat est une solution forcée...
Mme Marie-Noëlle Lienemann. - Pas toujours...
M. Pascal Savoldelli. - ... qui résulte de l'incapacité de l'État à mettre toute personne à l'abri.
L'année dernière, monsieur le ministre du logement, vous avez construit 84 000 logements sociaux. Il en faudrait 150 000 par an pendant dix ans pour répondre à la demande...
Combien de temps faut-il pour obtenir un hébergement via le 115 ?
L'occupation illicite d'un bien porte une atteinte réparable au droit de propriété.
Pourquoi faire l'impasse sur des dispositifs qui existent ? Votre objectif est d'élever le droit de propriété à finalité lucrative au-dessus de toutes les autres valeurs, y compris la sauvegarde de la dignité humaine. C'est pourquoi vous tendez à criminaliser les locataires en difficulté.
Une piqûre de rappel s'impose : le CRCE dénonce l'incapacité de l'État à respecter ses obligations. L'urgence est d'éviter que davantage de personnes soient à la rue. Ce n'est qu'une fois tous les cinq jours qu'on peut trouver un logement via le 115...
Mme Valérie Boyer. - Quel est le rapport ?
M. Pascal Savoldelli. - Il faut instaurer la garantie universelle des loyers (Mme Marie-Noëlle Lienemann renchérit) et relancer la construction de logements sociaux.
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur pour avis. - Ce n'est pas une loi sur le logement !
M. Pascal Savoldelli. - Rendez-vous compte : pour la première fois, on pourrait appliquer à des locataires en difficulté des dispositions qui s'imposent aux squatteurs, y compris une peine d'emprisonnement - alors que nos prisons sont plus que surpeuplées, avec des taux d'occupation de 140 à 160 %.
Voilà un certain nombre de vérités.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. - Qui n'ont rien à voir entre elles...
M. Pascal Savoldelli. - Sous prétexte de protéger les petits propriétaires d'occupations déjà punies d'un an d'emprisonnement, la proposition de loi s'attaque à toute personne confrontée à un accident de la vie. Et on ne parle même pas des marchands de sommeil !
Les lacunes de la politique gouvernementale sont au coeur de notre débat. Dans la question du logement, il y a celle de l'autonomie financière, donc des salaires. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains)
M. François Bonhomme. - Et le réchauffement climatique ?
Mme Valérie Boyer. - Et la fin du monde ?
M. Pascal Savoldelli. - Je vous invite à la maison, mais vous n'avez pas de problème pour vous loger, monsieur le garde des sceaux...
Sans réforme des aides au logement, il y aura de plus en plus de retards de loyers. (M. Guy Benarroche renchérit.) Les factures explosent et les gens achètent des radiateurs en nombre pour se chauffer, au prix de dépenses extraordinaires. Une proposition constructive aurait été de relever l'APL des charges.
Ce n'est pas le moment de voter cette proposition de loi, alors que la situation pourrait devenir explosive.
On va me reprocher d'évoquer les sciences humaines...
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. - Allons-y !
M. Pascal Savoldelli. - Vous êtes vraiment cavalier, monsieur le ministre.
La privation de domicile peut conduire à une forme de désaffiliation sociale, voire d'exclusion. Dans son arrêt Winterstein contre France du 17 octobre 2013, la CEDH souligne que la perte d'un domicile entraîne des atteintes à d'autres droits cruciaux.
La loi pénale peut entraîner des interpellations, mais ne saurait constituer un mode d'expulsion. L'article 1er A de la proposition de loi autorise pourtant un recours élargi et quasiment illimité à la procédure de flagrance. Cette disposition, ni nécessaire ni proportionnée, est dangereuse.
Comme M. Burguburu, nous craignons aussi pour la liberté d'expression des associations.
Mme le président. Votre temps de parole est écoulé.
(Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et du GEST)
Mme Valérie Boyer. - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) L'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen énonce que le but de toute association politique est la conservation des droits naturels de l'homme : liberté, propriété, sûreté et résistance à l'oppression. Alors que nous faisons face à des violations de domicile par des squatteurs, pourquoi vouloir revenir sur ces acquis de la Révolution ?
Mme Marie-Noëlle Lienemann. - Parce que la République est devenue sociale !
Mme Valérie Boyer. - La justice et l'humanité ne sont pas incompatibles. Où est l'humanité quand on spolie autrui ?
Monsieur le ministre, j'ai été ébahie de voir que, pour une fois, nous étions d'accord... Nous parlons de rêves brisés par des individus qui se croient au-dessus des lois. Le droit au logement n'est pas celui de voler ou de détruire ! (M. Daniel Breuiller proteste.)
Je remercie la presse qui se fait l'écho de ces situations dramatiques, impliquant souvent des propriétaires modestes. En 2020, Maryse et Pierre ont voulu revenir dans leur maison louée le temps d'un voyage : mais la nouvelle habitante a refusé de quitter les lieux, avant de cesser de payer son loyer. À Pamiers, Georgette, 75 ans, a vu l'homme chargé des travaux de rénovation refuser de quitter sa maison. À Mazingarbe, une maison a été squattée et saccagée, les propriétaires séquestrés. Ces situations sont humainement dramatiques.
L'année dernière, Mégane, 24 ans, a ému les Français par son combat pour récupérer sa maison squattée à Fressenneville, dans la Somme. Elle dénonçait la lenteur administrative. En ce début d'année, son constat est amer : aucun changement.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. - Qu'a fait le préfet ?
Mme Valérie Boyer. - Malheureusement, ces cas médiatisés ne sont pas isolés. Excuser la spoliation du bien d'autrui est incongru et injuste ! Les propriétaires victimes se retrouvent impuissants, les maires démunis. Nous devons faire notre possible pour mieux protéger nos concitoyens.
Nous ne sommes pas face à des faits divers, mais à une réalité dramatique : le droit n'est pas respecté, et les propriétaires se sentent abandonnés par les pouvoirs publics. C'est l'autorité de l'État qui est en cause. Si l'État ne remplit pas ses obligations élémentaires, le contrat social est en péril.
Je regrette que le Gouvernement ait perdu autant de temps sur cette question grave. Voilà des années que le groupe Les Républicains fait des propositions, rejetées ou tardivement reprises par la majorité présidentielle. Je salue notamment les travaux de Julien Aubert et Dominique Estrosi Sassonne. En 2019, j'ai déposé avec M. Aubert une proposition de loi visant à alourdir les peines contre les squatteurs. Ces propositions ont presque toutes été rejetées. Que de temps perdu !
En décembre dernier, les députés Les Républicains souhaitaient voter certaines dispositions en la matière ; la majorité présidentielle a préféré les reprendre à son compte, au lieu de faire un travail commun. Ce temps perdu en stratégies politiciennes, ce sont des injustices qui durent.
Notre position est constante : nous soutenons ce texte, modifié par la commission des lois. Je vous invite donc à repousser cette motion, afin de mieux protéger les Français, les propriétaires, et d'éviter le recours à la justice privée.
Je me souviens d'un cas dans le 12e arrondissement de Marseille : lorsque l'évacuation a enfin eu lieu, les services sociaux sont venus au secours des squatteurs, qui avaient dégradé une maison et volé les souvenirs d'une famille. C'est une prime aux tricheurs et à ceux qui spolient les honnêtes gens.
Il y a même une économie autour de cette spoliation, certains proposant aux victimes de racheter leur maison à vil prix. Tout cela est particulièrement injuste.
Protégeons nos concitoyens qui respectent le droit ! Et redonnons confiance aux propriétaires, pour les inciter à mettre leur bien en location. Comme disait Jaurès,...
Mme le président. Votre temps de parole est épuisé. (Protestations à gauche ; la voix de l'oratrice se perd dans le brouhaha.)
Une voix à gauche. - On l'a échappé belle !
M. André Reichardt, rapporteur. - Nos collègues du groupe CRCE rappellent à juste titre l'ampleur de la crise du logement : 300 000 sans-abri, 3 millions de logements vacants.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. - Et cela ne vous émeut pas ?
M. André Reichardt, rapporteur. - Oui, il faut réformer le marché du logement. Mais nombre de propriétaires hésitent à louer par peur des impayés de loyer. La proposition de loi vise à rétablir la confiance et à lutter plus fermement contre le phénomène du squat, qui est distinct.
Monsieur Savoldelli, nous avons 97 amendements à examiner. Certains amendements du groupe CRCE recevront un avis favorable. Pourquoi vouloir arrêter là la discussion ? Je vous invite à retirer cette motion ; avis défavorable si elle est maintenue.
M. Olivier Klein, ministre délégué. - Avis défavorable également. Ce texte est équilibré ; à aucun moment il ne mélange squat et impayés de loyer. (On le conteste à gauche.)
Le texte, déjà amélioré par la commission, le sera encore, notamment sur la question de la bonne foi. Soyez de bonne foi vous-même : aucun locataire de bonne foi ne sera emprisonné à la suite d'impayés.
Ce soir, 203 000 places d'hébergement d'urgence sont ouvertes, un chiffre inédit ; 5,7 millions d'euros sont dépensés chaque soir pour mettre des personnes à l'abri. Nous menons un travail quotidien avec toutes les associations. Grâce au plan Logement d'abord, 440 000 personnes ont quitté la rue.
Comme maire de Clichy-sous-Bois, j'ai été largement confronté aux squatteurs : ce phénomène explique la dégradation des copropriétés. M. Savoldelli connaît cette situation dans le Val-de-Marne. Madame Lienemann, vous avez raison de ne pas vouloir le maintien des squatteurs dans les logements sociaux.
Comme vous, nous luttons contre les expulsions locatives, car chaque expulsion est un échec. Je soutiens les commissions départementales de coordination des actions de prévention des expulsions locatives, j'ai réuni les énergéticiens pour qu'ils contribuent au Fonds de solidarité logement. Je ne crois pas avoir de leçons à recevoir.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. - On nous répète quelques cas dramatiques de personnes qui voient leur logement occupé par les squatteurs. Mais la loi les protège déjà ! Par quelle incurie du système la loi n'est-elle pas appliquée ? J'aurais été favorable à un durcissement de la loi sur ce point.
Monsieur le garde des sceaux, je vous transmettrai la liste de certains bailleurs sociaux qui saisissent le procureur pour occupation illicite de leurs locaux ; leurs demandes sont systématiquement classées sans suite...
Certains locaux vides sont occupés par des squatteurs depuis des lustres. Le squat, c'est pas bien, c'est sûr. Mais où iraient toutes ces personnes sans cela, avec leurs gosses ? (Mmes Dominique Estrosi Sassone et Valérie Boyer protestent.) Les logements sociaux manquent, nous le savons bien !
M. Guy Benarroche. - Exactement !
Mme Viviane Artigalas. - Il n'y a pas lieu de légiférer à nouveau sur les squats, auxquels, bien sûr, nous nous opposons tous.
Pourquoi la loi Asap, qui prévoit l'expulsion des squatteurs sous 72 heures, ne s'applique-t-elle pas ? En outre, un accompagnement est proposé aux propriétaires victimes depuis le 1er février dernier. De nouvelles mesures ne seront pas plus efficaces.
Notre pays compte quinze millions de familles fragilisées par la crise du logement, qui pourrait bien être la bombe sociale de demain, pour reprendre l'expression de M. le ministre. Cette proposition de loi n'est pas un texte de justice sociale. Au contraire, elle accroît la pression sur nos concitoyens les plus fragiles. Tous les acteurs de la solidarité et de défense des droits de l'homme y sont opposés. C'est pourquoi le groupe SER votera la question préalable du groupe CRCE. (Applaudissements à gauche)
M. François Bonhomme. - L'intervention de M. Savoldelli révèle une inversion des valeurs et des logiques. Une piqûre de rappel s'impose : dans la Constitution de 1793, Robespierre, bien connu pour sa mesure et son humanisme (rires à droite), a consacré le caractère sacré et inaliénable du droit de propriété.
Mme Cécile Cukierman. - Je n'ai jamais cité Robespierre ici : c'est la différence entre nous !
M. Guillaume Gontard. - Mme Boyer a raison : il faut protéger nos concitoyennes et nos concitoyens. Le nombre de SDF a été multiplié par deux en dix ans, nous comptons 2 millions de demandeurs de logement social, 4 millions de mal-logés ; en 2021, la rue a tué 623 personnes ; le 115 refuse un hébergement à 6 000 personnes. Peut-on se satisfaire de cette situation ? Un logement sur dix est vacant, soit une hausse de 55 % en vingt ans. Les squats, eux, représentent 0,05 % des logements recensés...
Monsieur le ministre du logement, pourquoi ne pas parler de la garantie universelle des loyers, de l'encadrement des loyers, de la revalorisation des APL, de respect de la loi SRU ? Voilà des mesures de protection ! (Protestations à droite)
À la demande du GEST, la motion n°6 est mise aux voix par scrutin public.
Mme le président. - Voici le résultat du scrutin n°116 :
Nombre de votants | 344 |
Nombre de suffrages exprimés | 344 |
Pour l'adoption | 91 |
Contre | 253 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Discussion générale (Suite)
M. Denis Bouad . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Pour être pertinente, une mesure politique doit être prise dans le bon timing et représenter un équilibre. Ce texte ne répond pas à ces deux exigences.
Cette proposition de loi ambitionne de concilier la protection des locataires et celle des bailleurs. Faisons la différence entre les faits divers médiatisés et la réalité des chiffres. Dans son rapport, la Défenseure des droits indique que le squat est un phénomène marginal : en 2021, 160 squats ont été dénombrés dans notre pays, pour 40 cas effectifs de recours à la force publique. Dans la grande majorité des cas, les propriétaires ont pu accéder à nouveau à leur logement sans passer par la justice.
La loi Asap de 2020 a accéléré les procédures : cela témoigne de l'efficacité de notre arsenal juridique. Nous nous retrouvons dans l'invitation du président du Sénat Gérard Larcher à la sobriété législative : plutôt que de voter de nouvelles lois, appliquons celles qui existent.
La lutte contre les squats est une préoccupation légitime. Les expulsions sont parfois nécessaires, mais les situations humaines sont compliquées. La réduction des délais de contentieux remet en cause le traitement social de ces problèmes. Toutes les associations le disent : le délai de deux mois entre le commandement à payer et l'assignation en justice n'est pas excessif. L'Assemblée nationale avait voté un mois, vous l'avez ramené à six semaines ; mais la réduction de quinze jours a déjà des conséquences dommageables.
L'urgence et la priorité, c'est de réduire la difficulté à accéder à un logement. Un accompagnement social s'impose. Je reconnais néanmoins la qualité du travail des rapporteurs. Je récuse l'amalgame opéré par l'Assemblée nationale entre squatteurs et locataires en défaut de paiement, qui traduit la volonté de déséquilibrer le système existant en fragilisant les locataires en difficulté, souvent de bonne foi. Je salue également la proposition de renforcer le rôle des Ccapex, mais qu'en sera-t-il de leurs moyens concrets ?
Nous nous interrogeons ensuite sur la temporalité de ce texte. Lors de l'examen de la loi de finances, nous étions nombreux à nous interroger sur cette réalité : 14,6 millions de personnes sont fragilisées par la crise du logement, plus de 4 millions sont mal logées, 300 000 personnes sont sans domicile, 2,2 millions de ménages attendent un logement social. Ce texte est à contre-emploi et à contresens.
Après cinq ans d'une politique ayant conduit à faire des économies sur les ménages les plus modestes, le texte est malvenu. Est-il de nature à sécuriser les petits propriétaires bailleurs et à alléger les procédures ? À encourager l'investissement locatif ?
Monsieur le ministre, aujourd'hui, les logements sont inaccessibles à une grande partie de nos concitoyens. Comment le Gouvernement compte-t-il répondre à cette situation ? Il faut une vraie stratégie du foncier public, un véritable plan de rénovation pour lutter contre la vacance : plus de trois millions de logements sont vacants. Encourageons également la rénovation globale des logements. Enfin, nous devons construire plus de logements sociaux : trouvons un nouvel élan !
Monsieur le ministre, votre gouvernement avait fixé un objectif de construction de 125 000 logements par an ; nous en sommes à 85 000. Alors qu'il était député, Victor Hugo interrogeait ainsi le législateur : « Comment peut-on guérir le mal si l'on ne sonde pas les plaies ? »
Comment sécuriser les propriétaires bailleurs sans se préoccuper des locataires en difficulté ? Nos politiques ont tout à gagner à s'attaquer aux causes plutôt qu'aux symptômes. (Applaudissements sur les travées du groupe SER, du GEST et du groupe CRCE)
Mme Cécile Cukierman . - (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE) Je ne convoquerai ni Robespierre, ni Jaurès, rassurez-vous, mais plutôt les 4 millions de Français mal logés et les 170 propriétaires spoliés.
Cette proposition de loi ne répond en rien au problème crucial qu'est l'obtention d'un logement digne, dont les confinements récents ont montré l'importance. Ce texte criminalise les plus précaires.
Pour les 170 foyers concernés par le squat, la situation est inacceptable, et le droit en vigueur est insuffisant. Mais cette proposition de loi ne résout aucunement le problème, stigmatisant les locataires qui n'ont pas les moyens de se loger dans des zones où la spéculation fait augmenter les loyers, où le nombre de sans domicile fixe progresse.
L'urgence, c'est de défendre le droit au logement, le droit à une vie digne. C'est d'éviter que des familles se retrouvent à la rue. Criminaliser la précarité est inacceptable sans mention des marchands de sommeil, dans notre République qui arbore fièrement la devise : liberté, égalité, fraternité.
Le texte accélère l'expulsion des locataires en retirant à la justice son pouvoir d'appréciation. Pas moins de 300 000 personnes sont sans domicile, alors qu'il y a trois millions de logements vides. La plupart de ces personnes occupent un emploi précaire ; aucune ne s'invite chez l'autre pour passer une nuit tranquille. Une personne expulsée, faute de trouver un hébergement, sera condamnée à vivre dehors, éventuellement avec sa famille.
Certes, il ne revient pas aux propriétaires de faire les frais de la pauvreté. Mais que fait le Gouvernement pour la résorber ? Où sont les propositions de loi pour s'attaquer à la spéculation financière, rendant l'accès au logement impossible dans les grandes métropoles ? Que fait la majorité présidentielle pour des salaires dignes, pour que l'on puisse se loger sans avoir à arbitrer entre payer ses factures, son loyer, ou assurer l'éducation de ses enfants ?
Le groupe CRCE défend un autre projet de société, et ne peut que dénoncer cette proposition de loi qui, au vu des débats chaotiques que nous avons eus, ne sert ni les locataires ni les propriétaires. Notre groupe votera contre. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et du GEST, ainsi que sur quelques travées du groupe SER)
Mme Nathalie Goulet . - (M. Vincent Capo-Canellas applaudit.) Beaucoup a été dit dans la discussion des motions. Je suis mal à l'aise avec le manichéisme qui ressort de nos débats : les gentils voudraient assurer le droit au logement, les méchants protégeant les propriétaires. Ce débat laisse une saveur douceâtre...
Le texte porte sur l'occupation illicite des logements, non sur la politique du logement dans son ensemble. Les propriétaires lésés sont parfois des retraités, ainsi privés d'un complément de revenu. Des propriétaires hésitent à louer leur bien de peur de ne pas être payés. Je remercie les rapporteurs, véritables virtuoses du sujet, avec Valérie Létard et Marie-Noëlle Lienemann.
La distinction est faite entre locataires défaillants et squatteurs : il n'y a pas d'amalgame. Le groupe UC votera le texte issu des travaux de la commission, qui fixe le cap d'une loi utile et équilibrée, se traduisant par des effets visibles sur le terrain. Son objectif est de mieux sécuriser les rapports locatifs, en distinguant nettement les situations du squatteur et du locataire.
La commission a conservé la possibilité pour le juge d'allonger le délai laissé au locataire faisant l'objet d'une décision d'expulsion : il faut lui laisser la chance de rattraper ses loyers impayés sans l'entraîner dans la spirale mortifère de l'expulsion.
C'est en alliant ces considérations d'équité et de justice que nous rétablirons la confiance des Français dans la propriété, et celle des propriétaires dans la location. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)
M. Stéphane Ravier . - Il est aujourd'hui une aberration de notre droit : un squatteur est moins condamnable que le propriétaire l'expulsant par ses propres moyens - un an de prison et 15 000 euros d'amende contre trois ans et 45 000 euros ! Il y a un problème dans notre pays avec le droit de propriété, pourtant le premier droit constitutionnel après la liberté.
En 2019, le député Lagleize a publié à la demande d'Édouard Philippe un rapport indiquant, je cite, que « le foncier, même propriété privée, demeure un bien public fini et d'intérêt général » - remettant ainsi en cause les fondements de notre contrat social.
Quant à la gauche, 33 ans après la chute du mur de Berlin, elle promeut la collectivisation des propriétés privées, mais pas les siennes bien sûr, quitte à faire de l'électoralisme sur l'anarchisme ambiant. Mes chers collègues, vous oubliez que les petits propriétaires souhaitent jouir du fruit d'une vie de labeur sans le voir saccagé par des marginaux ou des migrants que vous avez contribué à faire venir ! (Exclamations ironiques sur les travées du GEST)
Vous avez grand coeur, mais vous oubliez que la plupart des squats sont le fait de clandestins et de mafias étrangères.
Vous avez grand coeur, mais pas assez pour accueillir un couple de retraités marseillais qui a dormi dans son camping-car pendant deux ans et demi à cause de squatteurs...
Que se lèvent à la gauche de cet hémicycle les volontaires pour accepter le squat de leur logement ou de leur propriété secondaire !
On ne fait pas de bonne politique en s'attaquant aux seules conséquences d'un problème dont par ailleurs on chérit les causes... Le 10 mai dernier, 104 migrants ont été expulsés de 34 logements dans une cité de Marseille. Les squats de Roms se multiplient, avec le soutien de la municipalité d'extrême gauche plurielle qui envisage même de créer un village rom.
M. Guy Benarroche. - C'est faux !
M. Stéphane Ravier. - La propriété est une ZAD : une zone à défendre, et j'en serai ici l'un des défenseurs, au nom de la justice et du droit des honnêtes gens.
M. Jean-Yves Roux . - Nous pouvons difficilement sortir les textes de leur contexte. Depuis le début de la guerre en Ukraine, les particuliers subissent l'envol des prix de l'énergie, malgré le chèque inflation, la remise à la pompe ou le chèque carburant.
La progression de la précarité s'observe au quotidien, comme en témoignent les données des associations. Cette proposition de loi semble anachronique avec les urgences sociales. Pour autant, les rares affaires de squat médiatisées ne nous laissent pas indifférents. La détention d'un bien suscite un sentiment d'accomplissement. L'occupation de biens est donc incompréhensible. Pour éviter que chacun ne recoure à sa propre justice, légiférer semble une voie pertinente.
On ne dénombre pas moins de vingt propositions de loi déposées au Parlement sur le sujet depuis 2020. Sans minorer le sujet, veillons à ne pas aboutir à un refus du droit au logement. Le RDSE a déposé des amendements pour infléchir un texte déséquilibré.
Nous nous opposons ainsi à la réduction des délais laissés au locataire en défaut de paiement : les tensions du marché locatif sont trop fortes pour mettre à mal l'accompagnement social pratiqué dans l'intervalle avant l'expulsion.
Les associations s'inquiètent des articles 4 et 5 sur la pénalisation d'un locataire qui s'est maintenu dans le logement après décision de justice. Le propriétaire bailleur ne doit pas se substituer à l'État.
Pour compenser la rigidité de cette proposition de loi, il serait pertinent de renforcer les crédits alloués à l'hébergement d'urgence.
Le RDSE est mobilisé pour avancer sur ces sujets. Conformément à notre tradition, chacun conservera sa liberté de vote ; notre groupe se partagera entre le vote pour et l'abstention.
M. Stéphane Le Rudulier . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Maryse et Pierre, un exemple parmi tant d'autres évoqué par mon collègue Stéphane Ravier, ont récupéré après deux ans leur logement occupé illégalement par une personne ayant enfin quitté les lieux après l'intervention des forces de l'ordre. Des cas similaires, il y en a des centaines dans notre pays. Marie-Thérèse et Henri, retraités de Théoule-sur-Mer, ont vu leur domicile saccagé, après trente ans de labeur et d'économie. Des honnêtes citoyens sont privés de leur maison par des squatteurs, contraints de dormir dans leur voiture, parfois dans la rue.
Ces personnes qui s'approprient des logements par effraction ne sont pas des Robin des Bois des temps modernes. N'ayons pas peur des mots : ce sont des délinquants. Ils volent le bien le plus intime d'une famille, son foyer. Le squat, c'est un cambriolage dans lequel le voleur s'installe dans votre salon pour y vivre les pieds sur la table.
C'est un système organisé qui se met en place, profitant des failles de notre droit. Il existe des guides, sur internet, qui expliquent comment récupérer le bon logement, comment maintenir la police à distance, comment pirater un circuit d'eau ou d'électricité. Les dispositifs existants, notamment la loi Dalo, ne sont ni suffisamment dissuasifs ni suffisamment connus.
D'où le désarroi, l'incompréhension des propriétaires qui ont l'impression que les squatteurs sont protégés par la République. Or la République doit être du côté du droit.
Il ne faut pas ignorer la situation des locataires qui n'arrivent pas à payer leur loyer, mais leur situation est totalement différente. Le texte appelle à une forme d'humanité, par un meilleur accompagnement des locataires en difficulté financière.
M. Bonhomme l'a dit : la nuit du 4 août 1789 a entraîné l'abolition de la féodalité. L'Assemblée nationale constituante a posé cette nuit-là les fondements de la propriété individuelle privée. Cette proposition de loi a pour but de préserver le droit au logement et la protection de la propriété immobilière. Durcissons les peines pour ceux qui violent le bien d'autrui, donnons aux maires et à l'État les moyens d'agir rapidement. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Pierre-Jean Verzelen . - Qu'il y ait des tensions sur le logement social dans les territoires, c'est vrai. Qu'il faille lutter contre le logement vacant, bien sûr. Qu'il faille lutter contre les marchands de sommeil et le mal-logement, c'est évident.
Mais tel n'est pas l'objet de ce texte, qui est de protéger les logements contre l'occupation illicite. Sont concernés des propriétaires bailleurs, qui ont en majorité un ou deux biens : c'est la propriété privée, c'est le capital.
Nous saluons les dispositions d'équilibre de ce texte. D'abord, il sanctionne plus durement les intrusions dans les domiciles. Le message doit être ferme : il faut respecter la propriété, et non seulement les domiciles, mais aussi les immeubles de bureau.
Quant aux squats dans des logements temporairement vacants, il est choquant de voir des associations jusqu'au-boutistes et des élus comme la maire de Nantes soutenir ce type de démarches. Quelle serait leur réaction si leur propre logement était occupé ?
L'un d'entre nous s'est demandé pourquoi les gens occupent des squats. Mais si l'on raisonne ainsi, on met un doigt dans un engrenage duquel on ne peut sortir. (M. Guy Benarroche proteste.) Une société se bâtit avec des règles.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. - Et des gens !
M. Guy Benarroche. - Et la loi !
M. Pierre-Jean Verzelen. - La commission des lois a souhaité distinguer la situation du squatteur entré par effraction de celle du locataire. Celle des affaires économiques a amélioré le traitement des impayés locatifs. Le groupe INDEP votera ce texte utile et équilibré.
Un mot, enfin, sur le zéro artificialisation nette (ZAN) : si nous entravons la construction, il y aura d'autant plus de tensions sur le logement. (M. André Reichardt, rapporteur, applaudit.)
M. Daniel Salmon . - (Applaudissements sur les travées du GEST) Cette proposition de loi constitue un grave recul du droit au logement, sous couvert de protection des petits propriétaires. Le texte issu de la commission n'est guère meilleur que celui voté par l'Assemblée nationale.
Cette loi d'affichage monte en épingle quelques rares affaires médiatisées : 170 cas en 2021, dont la majorité a été résolue. Les violations de domiciles sont graves, mais elles sont exceptionnelles, et l'arsenal juridique est là. Ce n'est pas par la stigmatisation et par la criminalisation des locataires que nous y parviendrons !
Vous n'avez rien trouvé de mieux que de criminaliser le non-paiement de loyers, au moment où les foyers sont précarisés par la hausse des prix. Le GEST s'opposera fermement à ces dispositions.
Vous faites primer de manière absolue la propriété immobilière sur le droit au logement.
Le texte considère comme un délit le fait de ne pas s'auto-expulser d'un logement. Ainsi une mère de famille pauvre devrait emmener ses enfants sous les ponts pour éviter la prison ! Le mal-logement n'est pas la délinquance, et nous nous opposons à la criminalisation des groupes militants.
Nous dénonçons l'extension de la notion juridique de domicile à toutes les propriétés privées, qui relève d'une conception absolutiste du droit de propriété.
L'article 5, qui réduit les délais laissés au locataire pour régulariser les impayés, est contre-productif. Le délai entre l'assignation et le logement protège tant les locataires que les propriétaires.
La rue a tué 623 personnes en 2021 ; le 115 refuse un logement à plus de 6 000 personnes chaque jour, dont 1 700 enfants. Faut-il punir d'une peine de prison ceux qui s'abritent dans des immeubles vacants depuis des années ? Vous ne vous attaquez pas à la racine du problème.
Le bilan du Gouvernement ne plaide pas en sa faveur : le logement social est le parent pauvre des politiques publiques. Vous avez réduit les aides au logement, fragilisé les offices HLM et économisé plus de 1,5 milliard d'euros par an sur le dos des allocataires. Et maintenant vous menacez les locataires, alors que le coût de la vie est en augmentation constante.
Pourtant, il existe d'autres solutions. La garantie universelle des loyers, qui sécurise les propriétaires et facilite l'accès au logement. L'encadrement des loyers, qui réduit les vacances. Monsieur le ministre, attaquez-vous à la crise du logement et pas aux victimes, opposez-vous à cette proposition de loi, qui est une terrible régression sociale et démocratique. (Applaudissements sur les travées du GEST ; Mme Marie-Noëlle Lienemann applaudit également.)
M. François Patriat . - Le groupe RDPI a souhaité inscrire à l'ordre du jour cette proposition de loi de Guillaume Kasbarian. Celle-ci sanctionne davantage les squats, mais répond aussi aux problèmes locatifs de long terme.
Le compromis trouvé à l'Assemblée nationale a été amélioré au Sénat. Le phénomène n'est plus marginal : nous avons tous été confrontés à cette situation en tant qu'élus locaux.
Les procédures peuvent durer jusqu'à trois ans, avec des pseudo-connaisseurs du droit du logement qui menacent les victimes. D'où la grande précarité et la détresse de celles-ci. Nos collègues députés ont auditionné dix d'entre elles.
Le droit au logement n'est pas le droit au squat, qui doit être sévèrement puni. L'article 1er augmente les peines contre la violation du domicile, sans faire d'amalgame entre squatteurs et propriétaires défaillants. Je salue le travail de rééquilibrage des rapporteurs.
L'incitation au squat sera désormais punie d'une amende de 3 750 euros. Le texte sanctionne également les escroqueries de faux propriétaires.
Aux critiques caricaturales contre ce texte, j'oppose l'article 2 ter, qui pérennise un dispositif expérimental de la loi Elan, grâce auquel plus de 10 000 personnes ont été hébergées, et qui renforce la lutte contre les squats en venant en aide aux personnes de bonne foi.
Le chapitre 2 rassurera les propriétaires et aidera les locataires en difficulté. Je me réjouis que la commission ait rétabli les pouvoirs du juge et renforcé ceux de la Ccapex. Nous poursuivons ce travail d'accompagnement en proposant de supprimer le délai de deux mois, de clarifier le rôle de la Ccapex, de sanctionner plus sévèrement les squatteurs, de favoriser le traitement amiable des conflits locatifs et la prise en charge sociale. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
Mme Valérie Létard . - Cette proposition de loi vise à rééquilibrer les rapports locatifs et à renforcer les moyens d'action contre le squat. Il était primordial de distinguer les squatteurs des locataires défaillants, souvent confrontés à des accidents de la vie. Je salue le travail des deux rapporteurs, qui ont rééquilibré le dispositif.
J'ai déposé plusieurs amendements allant dans leur sens. Il me paraît nécessaire de rétablir le délai de deux mois entre le commandement de payer et l'assignation en justice : durant ce temps, plus de deux tiers des situations sont réglées à l'amiable, notamment grâce à l'action des services sociaux.
Concernant la procédure contentieuse, il faut favoriser une transmission des coordonnées. Le partage d'information doit devenir la règle, mais les informations communiquées aux acteurs médico-sociaux doivent faire l'objet d'un accord du locataire.
En outre, une peine de prison de six mois pour un locataire défaillant ne me semble pas être une bonne réponse. Je préfère maintenir l'amende de 7 500 euros.
Privilégions la prévention des impayés de loyer, dont une part importante provient de conflits locatifs.
Le rôle de la Ccapex est essentiel, notamment au regard de la coordination : celle-ci doit devenir le pilier essentiel de cette action. Le groupe UC votera cette proposition de loi.
M. François Bonhomme . - Rien de plus traumatisant que de ne plus pouvoir rentrer chez soi à cause de squatteurs, et d'être forcé, pour s'en sortir, de s'engager dans des procédures lourdes et complexes. Nous avons tous en tête des cas de personnes modestes confrontées à des situations qui ont indigné les Français.
Je salue le travail équilibré de nos rapporteurs. Plusieurs dispositions de la proposition de loi de Dominique Estrosi Sassone, votée par le Sénat en 2021, ont été reprises dans le texte de l'Assemblée nationale.
Une nouvelle infraction est créée : le squat de logements ne constituant pas un domicile. Le texte ne vise que les comportements malhonnêtes et non les locataires rencontrant des difficultés, qu'il convient d'accompagner. Mais nous devons aussi renforcer les moyens contre les squats : le droit de propriété est l'un des fondements de notre société, consacré par la déclaration de 1789.
Je me réjouis que ceux qui font la publicité du squat sachent désormais à quoi s'en tenir ; on a ainsi vu se multiplier de véritables guides du squat, qui mettent à mal le pacte social et républicain.
Plus sournoisement, la mal nommée Ligue des droits de l'Homme prétend que notre texte viserait à criminaliser le mal-logement, méconnaissant le travail minutieux du législateur. Il en va de même pour la position de la Défenseure des droits, qui, par dogmatisme, n'a aucune considération pour les victimes propriétaires. Y a-t-il deux poids, deux mesures, ou une lecture hémiplégique de la situation ? Ignorer ces situations d'occupation délibérée et se contenter de noyer tout cela sous le prisme de la crise du logement revient à nier la réalité.
Les problèmes se multiplient depuis des années. Oui, nous assumons : cette proposition de loi enrichie par le Sénat relève d'une impérieuse nécessité, celle de rétablir un début d'équilibre en faveur des propriétaires floués. (Mme Cécile Cukierman proteste.)
Mme Else Joseph . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Les problèmes subis par les propriétaires persistent. Non, le squat n'est pas une opération festive ou une lutte sociale. Souvent, le propriétaire est découragé et il doit affronter un maquis de procédures.
Voilà deux ans, le Sénat avait adopté la proposition de loi de Dominique Estrosi Sassone. Nos collègues députés ont choisi de déposer un texte différent, mais qui reprend certaines de ses dispositions. Nous nous félicitons de la création de deux délits spécifiques : l'occupation frauduleuse d'un logement appartenant à un tiers et le maintien sans droit ni titre dans un local à usage d'habitation. Ces dispositions n'affectent pas les locataires bénéficiant de la trêve hivernale ou d'un sursis à expulsion prononcé par le juge.
Le délit de violation de domicile est caractérisé, même si l'eau et l'électricité ont été coupées. Cela met fin aux failles dans la jurisprudence exploitées par des squatteurs. Le maire devrait être davantage associé au traitement de ces situations.
De plus, se faire passer pour le propriétaire d'un bien est désormais puni. Le régime de responsabilité de l'occupant sans droit ni titre sera clarifié : le propriétaire ne sera plus responsable d'un manquement à l'entretien du logement s'il ne peut plus y accéder.
Nous voterons ce texte : je me réjouis que la voix du Sénat pour aider les Français dans leur vie quotidienne soit écoutée. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Discussion des articles
ARTICLE 1er A
Mme le président. - Amendement n°36, présenté par M. Benarroche et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires.
Supprimer cet article.
M. Guy Benarroche. - Cet article fait primer le droit de propriété sur le droit au logement, en traitant ceux qui ont du mal à payer leur loyer en véritables délinquants. C'est absurde autant qu'injuste. Ce n'est pas par choix, mais par nécessité, que ces personnes se maintiennent dans les logements : les pouvoirs publics peinent à répondre à cette situation.
Mme le président. - Amendement identique n°58, présenté par Mme Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Mme Cécile Cukierman. - Deux projets s'affrontent, dans le respect du débat démocratique. Mais le débat est biaisé - c'est bien la preuve que la proposition de loi n'est pas à la hauteur des enjeux. Elle oppose le droit de propriété à un autre droit également fondamental, celui de pouvoir se loger pour vivre dignement.
Les conditions de logement ont des conséquences sur la vie des citoyens, comme les confinements l'ont montré. Les hébergements d'urgence sont saturés ; la construction de logements sociaux n'est pas à la hauteur des besoins.
Monsieur le ministre, votre plaidoyer n'empêche pas que le précédent quinquennat ait fragilisé les bailleurs sociaux et baissé les APL. Ne criminalisons pas les locataires en difficulté.
M. André Reichardt, rapporteur. - Avis défavorable à ces deux amendements. La commission a retouché l'article pour introduire une nouvelle gradation des peines, mais elle souhaite toutefois protéger le droit de propriété.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. - Le droit actuel ne couvre pas toutes les réalités, d'où la nécessité de légiférer. Monsieur Benarroche, madame Cukierman, vos propos sous-entendent que nous voudrions criminaliser les pauvres. Mais le procureur peut toujours requérir sous condition et le juge a l'obligation de moduler l'amende en fonction des capacités de chacun ! (Mme Nathalie Goulet le confirme.)
Sortons de ces postures idéologiques : personne n'a envie de criminaliser qui que ce soit. Nous voulons simplement répondre aux situations que nous constatons dans la réalité. Avis défavorable.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. - L'idéologie n'est pas un gros mot : chacun d'entre nous a une manière propre de voir la République.
Si le Gouvernement avait consulté les acteurs et les élus locaux, il aurait rétabli la garantie universelle des loyers, votée à l'initiative de Jacques Mézard - dont chacun sait qu'il n'est pas un bolchevik ! L'accompagnement social était renforcé et le propriétaire payé. Pourquoi ne pas avoir repris ce dispositif plutôt que de s'intéresser au squat ? Pourquoi tant de laxisme au temps de Jacques Chirac ou de Nicolas Sarkozy ?
M. Guillaume Gontard. - Nous ne partons pas de rien : la violation de domicile est punie d'un an de prison et de 15 000 euros d'amende. Les peines existent : l'augmentation des peines ne réglera rien. Oui, il s'agit bien d'une criminalisation de la précarité. (Mme Valérie Boyer le conteste.) Nous ne sommes pas en mesure de reloger ces personnes : voilà le problème !
Les amendements identiques nos36 et 58 ne sont pas adoptés.
Mme le président. - Amendement n°61, présenté par Mme Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Alinéa 3
Supprimer les mots :
ou à usage économique
M. Pascal Savoldelli. - Petit rappel sur les petits propriétaires : 3 % des propriétaires possèdent 50 % du parc immobilier locatif. Voilà un point de repère !
Pourquoi avoir ajouté les locaux économiques dans le texte ? Les occupations pendant les mouvements sociaux comme celui que nous vivons seraient-elles visées ? Sur quelle réalité qui nous aurait échappée vous fondez-vous ?
Mme le président. - Amendement n°15, présenté par M. Patriat et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.
Alinéas 3 et 4
Remplacer le mot :
économique
par les mots :
commercial, agricole ou professionnel exploité
M. François Patriat. - Nous voulons remplacer la notion de local à usage économique par celle de local à usage économique, agricole ou professionnel exploité. Nous excluons ainsi du périmètre de l'infraction l'occupation de locaux désaffectés par certaines associations.
M. André Reichardt, rapporteur. - Avis défavorable à ces deux amendements. L'exclusion des locaux économiques par l'amendement n°61 n'est pas justifiée : il faut protéger un artisan ou un commerçant qui ne peut plus exercer en cas de squat.
L'amendement n°15 n'est pas un simple changement sémantique. L'infraction ne serait pas constatée si elle concernait un local exploité. Prenons garde à ne pas tolérer certains squats dans des locaux inoccupés - lesquels ne peuvent l'être que de manière temporaire.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. - Le Gouvernement avait émis sur cette question un avis de sagesse, mais les débats parlementaires ont conduit à envisager le squat d'une échoppe. Il y a du sens à protéger les petits artisans.
Le Gouvernement est favorable à l'amendement de M. Patriat : la notion de local économique n'a aucune résonance en droit. Il convient de l'affiner. Je rappelle que nous traitons du logement. Je fais une différence entre un terrain grillagé et une habitation, dont l'occupation ne relève pas du même niveau de gravité. Nous avons cité un certain nombre d'exemples médiatiques qui nous ont tous émus : ils concernaient des habitations, pas de simples terrains.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. - Je désapprouve cet article, mais je voterai l'amendement de M. Patriat. Jusqu'à présent, aucun gouvernement n'a voulu sanctionner systématiquement les squats. À la Libération, le droit de propriété a mis en regard du droit au logement, et le principe de réquisition de logements ou de locaux vides a été créé. Comme l'État ou les collectivités ne veulent jamais faire prévaloir ce principe sur le droit à la propriété - car il faut payer le propriétaire, alors que le squatteur ne touche rien - ils ont laissé s'installer des squats dans des locaux vides ou des usines désaffectées.
Mme Valérie Boyer. - C'est le squat à l'insu de son plein gré ! C'est impossible !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. - La plupart du temps, le problème concerne davantage les voisins que les propriétaires. La pénalisation va faire ressortir des problèmes qui ne seront pas résolus. La proposition de M. Patriat limite la casse, et je la voterai. (Mme Valérie Boyer proteste à nouveau.)
M. Guy Benarroche. - Le rapporteur souhaite amalgamer tous les locaux, pour faire du droit de propriété un principe absolu, qui primerait sur tout le reste. Je suis d'accord avec le ministre : il est possible d'occuper des locaux ou des terrains qui ne sont pas exploités pour loger des gens au nom de l'intérêt public.
Nous voterons les deux amendements : punir de deux ans d'emprisonnement l'occupation de terrains inexploités pendant des années nous paraît tout à fait inadapté.
Mme Dominique Estrosi Sassone. - Pour ma part, je ne partage pas l'analyse du garde des sceaux. Je ne vois pas pourquoi il faudrait traiter différemment l'occupation de locaux à usage professionnel.
Il s'agit aussi de donner toute sa force au dispositif du logement intermédiaire, qui permet à des personnes en mobilité ou en difficulté d'occuper temporairement des locaux vacants.
Mme Valérie Boyer. - Je suis d'accord avec Mme Estrosi Sassone. Monsieur le ministre, vous avez dit : sagesse. Mais en quoi est-il sage d'expliquer que certains locaux seraient squattables ? Les entreprises entretiennent ces locaux, paient des assurances. Pourquoi leurs biens seraient-ils moins protégés par la loi ?
Je ne comprends pas l'amendement de M. Patriat et ne le voterai pas. Il encourage un trouble déjà important, que nous essayons de combattre, en permettant des violations de la propriété. Il n'y a pas de sous-propriété !
M. Pascal Savoldelli. - L'expression « locaux économiques » n'est pas satisfaisante : trouvons une réponse spécifique pour les locaux professionnels. M. Patriat exclut les locaux vides et désaffectés du champ d'application. Cet amendement est certes moins-disant, mais a le mérite d'ouvrir une certaine porte à l'utilisation de locaux vides et désaffectés. Nous le voterons donc.
M. André Reichardt, rapporteur. - Monsieur le garde des sceaux, nous parlons bien de locaux, et non de terrains. Monsieur Patriat, notre avis aurait été favorable si vous aviez parlé de locaux commerciaux, agricoles ou professionnels. Nous pourrons y revenir au cours de la navette.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. - Madame Boyer, la sagesse n'est pas celle, autoproclamée, du ministre. En l'occurrence, c'est moi qui aspire à la vôtre...
On peut interdire sans texte répressif. (Mme Marie-Noëlle Lienemann abonde.) Je fais la différence, par exemple, entre un garage exploité et un garage désaffecté. Cela ne constitue pas un appel à l'occupation.
Le mot que nous utilisons le plus depuis le début des débats, c'est : équilibre. Votre commission a enrichi le texte. Veillons à ne pas briser ces équilibres en criminalisant les pauvres, ce qui serait à l'opposé de notre intention.
L'amendement n°61 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°15.
Prochaine séance aujourd'hui, mercredi 1er février 2023 à 14 h 30.
La séance est levée à 1 h 20.
Pour le Directeur des Comptes rendus du Sénat,
Rosalie Delpech
Chef de publication
Ordre du jour du mercredi 1er février 2023
Séance publique
À 14 h 30, 15 h 15, de 16 h 45 à 20 h 45 et le soir
Présidence : M. Gérard Larcher, président, M. Roger Karoutchi, vice-président, Mme Laurence Rossignol, vice-présidente
Secrétaires : M. Jean-Claude Tissot - Mme Marie Mercier
1. Allocution de M. Rouslan Stefantchouk, Président de la Rada d'Ukraine
2. Questions d'actualité au Gouvernement
3. Désignation des vingt-et-un membres de la mission d'information sur le thème : « Gestion durable de l'eau : l'urgence d'agir pour nos usages, nos territoires et notre environnement » (droit de tirage du groupe SER)
4. Désignation des vingt-trois membres de la mission d'information sur le thème : « Le bâti scolaire à l'épreuve de la transition écologique » (droit de tirage du RDPI)
5. Désignation des trente-sept membres de la commission spéciale sur la proposition de loi visant à renforcer la prévention et la lutte contre l'intensification et l'extension du risque incendie (n°206, 2022-2023)
6. Désignation des trente-sept membres de la commission spéciale sur la proposition de loi visant à faciliter la mise en oeuvre des objectifs de « zéro artificialisation nette » au coeur des territoires (n°205, 2022-2023)
7. Proposition de loi relative à l'instauration d'un nombre minimum de soignants par patient hospitalisé, présenté par M. Bernard JOMIER et plusieurs de ses collègues (texte de la commission, n° 282, 2022-2023)
8. Proposition de loi constitutionnelle, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à protéger et à garantir le droit fondamental à l'interruption volontaire de grossesse (n°143, 2022-2023)
9. Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à calculer la retraite de base des non-salariés agricoles en fonction des vingt-cinq années d'assurance les plus avantageuses (texte de la commission, n°277, 2022-2023) (demande du groupe Les Républicains)