Gestion de l'eau dans une perspective économique et écologique
M. le président. - L'ordre du jour appelle le débat sur la gestion de l'eau dans une perspective économique et écologique.
Mme Catherine Belrhiti, pour le groupe Les Républicains . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Jean-Paul Prince applaudit également.) L'année 2022 a été l'année la plus chaude enregistrée en France. La première victime en a été l'eau, ressource vitale économiquement et biologiquement, qui se raréfie et est souillée par nos usages.
Avec Cécile Cukierman, Alain Richard et Jean Sol, nous avons travaillé dans le cadre de la délégation sénatoriale à la prospective sur la quantité et la qualité de l'eau d'ici 2050. Nos huit recommandations seront présentées à la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable le 18 janvier.
Sur le plan économique, l'eau doit faire l'objet d'une politique plus ferme d'intervention et d'investissement.
Les collectivités territoriales affrontent des coûts croissants d'entretien et de rénovation des réseaux. Elles ne peuvent y faire face seules. Leurs moyens doivent être renforcés.
Leur liberté doit aussi être défendue : le Sénat s'est montré favorable au transfert facultatif de la compétence eau vers les intercommunalités. L'eau répond à une logique de bassin versant et non de périmètre intercommunal. Le transfert de compétences a globalement renchéri les coûts pour les usagers. La compétence eau devrait être laissée aux communes sauf à ce qu'elles décident volontairement de son transfert.
Nous ne pouvons pas faire l'économie d'une réflexion sur les moyens des agences de l'eau. Celles-ci reçoivent 2 milliards d'euros, à 80 % en provenance des redevances des usagers, mais leurs compétences ne cessent de s'étendre. Au Sénat, le Gouvernement a pris en janvier dernier l'engagement de renforcer leurs moyens, après leur avoir fait subir ponctions et écrêtage. Il ne faudrait pas que l'on passe « l'eau paie l'eau » à « l'eau paie l'État ».
Autre enjeu : la sécurité écologique. L'eau doit être gérée de façon plus vertueuse, car elle n'est pas infinie. La France bénéficiait en moyenne de 510 milliards de m3 de précipitations annuelles inégalement réparties sur le territoire, dont 35 milliards de m3 prélevés, et 5 milliards de m3 consommés ; en stock, l'eau représente 2 000 milliards de m3, dont 12 milliards sont remisés artificiellement ; mais ces chiffres sont devenus faux avec le réchauffement climatique.
Nous devons réfléchir en fonction d'une consommation rationalisée.
Il faut agir sur la demande avec des mécanismes incitatifs actuellement absents, pour l'agriculture notamment, qui consomme les deux tiers de l'eau.
Il faut également agir sur l'offre, avec la création de moyens collectifs de retenue et de stockage d'eau et le développement de l'assainissement. L'application des dispositifs doit être locale, en fonction de projets de territoire. C'est indispensable pour que nos concitoyens prennent conscience de la nécessité d'un effort de solidarité et pour l'équité du prix de l'eau.
Il est nécessaire de penser l'eau comme un bien commun, un patrimoine commun de la Nation. Une stratégie de sobriété sera la plus efficace et la moins coûteuse.
Il faudra un panel de solutions variées pour préserver l'eau, ressource la plus précieuse du XXIe siècle. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Henri Cabanel applaudit également.)
Mme Bérangère Couillard, secrétaire d'État chargée de l'écologie . - Dialoguer, écouter, débattre, agir : nous devons faire tout cela en même temps, alors même que le changement climatique bouleverse notre monde. Je salue l'initiative du Sénat pour ce débat.
L'eau est un sujet éminemment stratégique. En France, elle est tenue pour acquise, courante et peu chère. Mais pour la préserver, nous devons y apporter le plus grand soin.
Le changement climatique entraîne de nombreux bouleversements : la sécheresse prolongée de 2022 a été ressentie par de très nombreux Français dans leur quotidien. Ils ont pris conscience à quel point l'eau était une ressource précieuse, un patrimoine commun de la Nation à préserver.
Une mission d'inspection a été diligentée et rendra ses conclusions au 1er semestre 2023.
Nous n'avons pas attendu 2022 pour agir. La politique de l'eau est fortement outillée et l'organisation française par bassin est exemplaire : nous pouvons collectivement en être fiers.
La prise de conscience de l'opinion publique est une opportunité pour mobiliser l'ensemble des acteurs dans une même dynamique. La raréfaction de l'eau rend la question du partage entre les différents usages de plus en plus cruciale. Il faut y répondre de façon constructive. Nous devons investir pour économiser l'eau, dans une logique circulaire.
Je sais que le Sénat est particulièrement attentif à la gestion de l'eau. Les territoires sont en première ligne sur ces enjeux et j'ai une pensée pour tous les services de l'État et des collectivités, particulièrement éprouvés lors de l'été 2022.
J'ai pris connaissance de votre rapport de novembre 2022. Mme Belrhiti l'a évoqué : il soulève plusieurs préoccupations. Quels seront les moyens des collectivités territoriales pour agir sur le grand cycle de l'eau ? Quelle cohérence entre les échelons ? Comment faire face aux freins notamment réglementaires à l'innovation en matière de récupération des eaux usées ? Ces questions sont abordées dans le cadre de la planification écologique portée par la Première ministre. Avec Christophe Béchu et Agnès Firmin Le Bodo, nous avons lancé un chantier le 29 septembre, avec l'objectif de coconstruire un plan d'action dans le consensus et de repolitiser le sujet de l'eau. Mais il ne s'agit pas de refaire les assises de l'eau. Les engagements ont été pris et nous les tiendrons.
Nous nous sommes appuyés sur le Comité national de l'eau (CNE) et les comités de bassin. Je salue la richesse des réflexions et les propositions concrètes formulées.
Le plan d'action ne sera pas seulement celui de l'État, il sera collectif. Je compte sur les collectivités territoriales pour s'associer à sa mise en oeuvre. Il sera présenté le 26 janvier au Carrefour des gestions locales de l'eau, avec des mesures tant de court que de long terme.
Le plan traitera des enjeux de gouvernance et de financement, selon les quatre axes suivants : limiter le gaspillage et renforcer la sobriété ; partager la ressource dans la concertation ; permettre l'accès sécurisé à une eau potable de qualité ; retrouver un grand cycle de l'eau fonctionnel qui protège les écosystèmes.
La ressource en eau est précieuse. Nous devons repolitiser les enjeux territoriaux, en particulier celui du partage de la ressource.
Je serai ravie de vous présenter les ambitions de ce plan. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
M. Henri Cabanel . - On oppose souvent écologie et économie, alors que le changement climatique mêle ces enjeux. Nous devons revoir nos modes de production et de consommation. Dans le Sud, des communes sont régulièrement privées d'eau potable. Comment améliorer le partage de l'eau dans un contexte de croissance démographique ?
En agriculture, il devrait y avoir une formation obligatoire sur les moyens d'économiser l'eau, notamment pour optimiser l'irrigation. Quant à l'eau potable, les efforts de sensibilisation n'empêchent pas des comportements comme le lavage de voitures ou les chasses d'eau trop importantes.
Seriez-vous favorable à l'interdiction de vente des terres agricoles irriguées en vue de leur urbanisation ? La réutilisation des eaux usées est aussi une solution, mais demande une mise en oeuvre concrète dans les territoires. Qui financera ?
Quel est le bilan des projets de territoire pour la gestion de l'eau (PTGE) ? Quid des retenues collinaires ?
Mme Bérangère Couillard, secrétaire d'État. - La semaine dernière, j'ai reçu le CNE, qui m'a fait de riches propositions.
En matière de sobriété, nous devons lutter davantage contre les fuites. Les agriculteurs et les industriels peuvent être plus performants. De nombreuses solutions existent. Elles seront accélérées par le plan que nous portons avec Christophe Béchu.
Nous devons faire de la sobriété une politique publique prioritaire et mieux informer les Français sur les bons gestes. Les collectivités territoriales doivent réfléchir à mieux conjuguer moins d'eau et plus de besoins.
La rédaction de PTGE est une des solutions. Une instruction complémentaire à celle du 7 mai 2019 est en cours de signature, pour accélérer leur mise en place.
Les retenues collinaires doivent être étudiées au cas par cas. Il n'est pas question de les généraliser.
M. Henri Cabanel. - Revenons sur l'irrigation agricole. Nous devons former à la bonne utilisation de l'eau les agriculteurs qui réclament l'irrigation de leurs terres.
Des expérimentations sont en cours sur les eaux usées ; il faut davantage les développer.
M. Philippe Mouiller . - Notre indépendance alimentaire repose sur la sauvegarde de notre agriculture, qui doit produire en quantité suffisante. Il faut pouvoir continuer à irriguer, même en période de sécheresse, laquelle commence souvent dès le printemps. Toutefois la ressource en eau se raréfie, notamment dans les Deux-Sèvres. Des retenues de substitution y ont été prévues il y a une dizaine d'années, en accord avec les différents acteurs. Les agriculteurs ont modifié leurs productions pour les adapter à un moindre apport en eau. Mais, le 29 octobre dernier, une manifestation violente a été organisée à Sainte-Soline, avec sabotages et intimidations.
Quelles mesures entendez-vous prendre pour que ce projet aille à son terme et pour développer ce type d'investissements ?
Mme Bérangère Couillard, secrétaire d'État. - Le Gouvernement condamne fermement les violences et dégradations à Sainte-Soline. Les installations qui y sont prévues sont adaptées à une gestion durable et équilibrée de la gestion de l'eau. Le protocole a été signé en 2018 en présence d'élus de toutes sensibilités. L'État a proposé un cadre de concertation, qui a permis d'arriver à un projet équilibré.
Les études confirment que les réserves de substitution sont pertinentes dans ce bassin. Elles ont été conditionnées à des contreparties de la part des agriculteurs. Des garanties sur les prélèvements ont été données. Selon le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) en 2018, les gains de débit sont réels et les conditions de remplissage sont contrôlées.
Le Gouvernement sera très attentif à la situation. Le projet est validé, il sera mis en oeuvre.
M. Daniel Chasseing . - Le 25 novembre dernier, la Corrèze a été mise en état de vigilance : l'état de sécheresse s'est étendu de l'été à l'automne. Cette problématique pèse sur notre souveraineté alimentaire, tandis que notre pays perd des parts de marché dans l'agroalimentaire.
Que prévoyez-vous pour l'agriculture, pour l'irrigation et une meilleure gestion de l'eau via des retenues collinaires ?
Les enjeux énergétiques et économiques sont prégnants : je pense à la petite et à la grande hydroélectricité. Comme je l'ai dit aux dernières questions d'actualité, la question est d'autant plus brûlante avec la baisse de capacité nucléaire. La hausse des prix de l'électricité met en difficulté de nombreuses PME. Pour sortir de la dépendance énergétique, la petite et la grande hydroélectricité font partie de la solution. Que prévoit le Gouvernement ?
Mme Bérangère Couillard, secrétaire d'État. - Effectivement, le changement climatique aura un impact fort sur notre agriculture. Une feuille de route a été présentée en mars dernier, évoquant un panel de solutions.
Les agences de l'eau et FranceAgriMer accompagnent l'adaptation de l'agriculture. Le plan de relance y participe aussi, avec 170 millions d'euros pour améliorer l'irrigation, notamment le goutte-à-goutte en arboriculture et les projets hydrauliques collectifs.
Nous avons construit le Varenne agricole autour de trois piliers : anticiper grâce à de nouveaux outils ; renforcer la résilience par une approche globale et accéder à une vision partagée et raisonnée de l'accès à la ressource en eau.
M. Laurent Duplomb. - Cela ne veut rien dire !
Mme Bérangère Couillard, secrétaire d'État. - Les plans d'adaptation des filières y concourent.
Les chambres régionales d'agriculture réfléchissent à des projets territoriaux. La diffusion des solutions doit se généraliser dans toutes les exploitations.
Je répondrai plus tard sur l'hydroélectricité.
M. Daniel Breuiller . - L'eau est un bien commun inaliénable. On a longtemps cru qu'en France elle serait toujours disponible, mais en 2022, 80 % des départements ont été soumis à des restrictions. Le cycle même de l'eau est atteint : la transformation qualitative de l'eau est réelle, imposant des changements de pratique.
L'agriculture est souvent montrée du doigt, mais elle est aussi une part de la solution, par le choix de cultures plus économes.
Les conflits d'usage sont parfois dramatiques, comme à Sivens, avec la mort de Rémi Fraisse, ou aujourd'hui autour des bassines. Assimiler les manifestants à des écoterroristes ne sert à rien.
Il faut mieux partager les connaissances scientifiques. Quelles modifications le Gouvernement soutient-il pour améliorer le partage de l'eau et sa préservation, notamment en limitant les usages superflus ou de confort ?
Mme Bérangère Couillard, secrétaire d'État. - L'approvisionnement en eau potable est notre priorité. Une centaine de collectivités ont connu des difficultés cet été. Nos retours d'expérience auprès du CNE permettront d'anticiper l'été prochain. Nous allons mettre à jour le guide national sécheresse ainsi que les arrêtés-cadres et plans Orsec eau.
J'ai demandé aux préfets d'accompagner les collectivités les plus fragiles. Nous allons développer l'interconnexion des ressources, et 100 millions d'euros supplémentaires sont prévus pour les agences de l'eau.
M. François Bonhomme. - Ce n'est pas grâce à vous !
Mme Bérangère Couillard, secrétaire d'État. - Les préfets réuniront rapidement les comités ressources en eau. Les entreprises consommatrices d'eau feront l'objet d'inspections. Disponibilité et besoin des différents usages : tels sont les axes de notre plan.
M. Daniel Breuiller. - Le débit moyen des fleuves pourrait, en 30 ans, baisser de 30, voire 50 %. Nous risquons de vivre en état de sécheresse permanent. Il faut développer des travaux académiques pour nourrir la réflexion des élus et des ONG.
Mme Nadège Havet . - L'eau est un bien fondamental. L'été dernier, nous avons connu la sécheresse et des restrictions sévères. La France métropolitaine a perdu 14 % de sa ressource par rapport à 2001. Il faut aller plus vite et plus loin, après les assises de l'eau et le Varenne agricole.
Le rôle joué par les élus locaux est fondamental. Nous devons parvenir à un consensus. Il faut faire un effort de démocratisation comme de communication.
Une planification écologique pour l'eau est nécessaire : moins 10 % en 2025, moins 25 % en 2035 ; tels sont les objectifs de baisse des prélèvements. Pouvez-vous préciser la méthodologie du Gouvernement ?
Mme Bérangère Couillard, secrétaire d'État. - La politique de l'eau est structurée et bien organisée.
Mais il nous faut aller plus loin face au dérèglement climatique : 81 % des espèces d'eau douce se sont effondrées, 30 % des eaux souterraines ne sont pas en bon état chimique.
Notre chantier de planification favorisera la sobriété, une meilleure gouvernance, un meilleur accès à l'eau potable et la restauration des cycles de l'eau.
J'ai mobilisé toutes les parties prenantes, pour créer le consensus et repolitiser le projet.
Je salue la qualité des propositions issues du terrain. Fin janvier, le Carrefour des gestions locales de l'eau, à Rennes, sera l'occasion pour le Gouvernement d'exposer ses propositions.
M. Hervé Gillé . - Je remercie le groupe Les Républicains pour ce débat.
Gestion de l'eau et des énergies, ces sujets brûlants sont liés à travers l'hydroélectricité. Le renouvellement des concessions est une question majeure. La France a reçu deux mises en demeure, en 2015 et 2019, de la part de la Commission européenne. La France est le troisième pays en puissance installée et 150 concessions arrivent à échéance l'année prochaine.
La décision verticale de mise en concurrence rencontre de nombreuses oppositions. Entre pertes d'emploi, mise en danger et difficultés d'approvisionnement, inégalités entre collectivités territoriales, les risques sont nombreux. L'Occitanie a demandé dès novembre que la France demande une dérogation à ce sujet. Comment le Gouvernement négocie-t-il avec Bruxelles ?
Mme Bérangère Couillard, secrétaire d'État. - La Commission européenne a engagé un contentieux avec la France à propos de l'absence de mise en concurrence lors du renouvellement des concessions. Cela nuit aux investissements et inquiète la population.
Le Gouvernement envisage plusieurs scénarios. Pour le très court terme, l'article 16 quinquies du projet de loi d'accélération des énergies renouvelables prévoit que les investissements assurant la pérennité des ouvrages soient assurés, même si la concession arrive à échéance. Le Gouvernement sera sensible ou potentiel technique des entreprises et à leur implantation locale, tout comme au soutien à l'étiage - qui consiste à soustraire de l'eau au turbinage pour améliorer le niveau de l'eau.
Des projets comme des stations de transfert d'énergie par pompage (Step) pourront aussi contribuer au maintien de l'étiage.
M. Hervé Gillé. - Nous suivrons le sujet avec attention, notamment en Gironde, où la Garonne a eu besoin de soutien à l'étiage cette année.
Mme Marie-Claude Varaillas . - Depuis 1964, les agences de l'eau mènent un combat permanent pour la bonne qualité de l'eau. Mais leurs effectifs baissent de 20 %, et leurs moyens diminuent depuis 2018, avec l'instauration des plafonds mordants...
M. François Bonhomme. - Même avant !
Mme Marie-Claude Varaillas. - Le transfert de la compétence eau et assainissement, obligatoire en 2026 pour le bloc communal, s'ajoute aux difficultés des petites collectivités, pour qui le renouvellement des réseaux est trop onéreux. Que prévoyez-vous pour les aider ?
Mme Bérangère Couillard, secrétaire d'État. - Les solutions se doivent d'être efficaces pour répondre à la baisse de niveau des nappes. Les agences de l'eau ont vu leur plafond annuel de recettes stabilisé. Tout en maîtrisant la fiscalité des ménages, nous avons trouvé des solutions budgétaires, avec le plan de relance, à hauteur de 250 millions d'euros, puis l'augmentation, deux années de suite, du plafond des dépenses de 100 millions d'euros, puis une nouvelle hausse de 50 millions d'euros pour 2023 en loi de finances.
Le plan Eau, annoncé fin janvier, préparera les actions d'adaptation au changement climatique.
Mme Marie-Claude Varaillas. - En réduisant les moyens des agences de l'eau, vous transférez la charge vers les collectivités et donc vers les contribuables.
M. François Bonhomme. - Qui l'a voté ?
Mme Marie-Claude Varaillas. - La solidarité doit s'exprimer, car l'eau est un bien commun. Seul un grand service public national de l'eau pourra répondre aux défis.
Mme Amel Gacquerre . - L'été 2022 a marqué un tournant : les Français ont pris conscience des effets du changement climatique et des conflits d'usage, marqués par l'arrêt de certaines productions et de certaines centrales électriques. La gestion de l'eau subit un effet ciseau, entre les besoins en hausse de l'agriculture et de l'industrie et des nappes phréatiques qui peinent à se reconstituer. Il faut donc s'organiser.
Cela suppose une gestion stratégique et une planification transversale. N'attendons pas les tensions pour agir. Que propose le Gouvernement pour améliorer la concertation et organiser le partage de l'eau, et dans quels délais ?
Mme Bérangère Couillard, secrétaire d'État. - La loi sur l'eau de 1992 établit le principe d'une gestion équilibrée de l'eau. L'article L. 201-1 précise que l'utilisation de l'eau et sa valorisation économique dans le respect des équilibres naturels sont d'intérêt général. L'article L. 211-1 détaille les différents intérêts ou usages à concilier et fixe les priorités légales à satisfaire : la santé, la salubrité publique, la sécurité civile et l'alimentation en eau potable.
Les instances de concertation sont définies : schéma d'aménagement et de gestion de l'eau (Sage) et projets de territoire pour la gestion de l'eau (PTGE).
Le plan Eau abordera le partage de la ressource et la gestion des conflits d'usage. Les collectivités doivent pouvoir se saisir de ces enjeux. Il nous faut investir pour mieux économiser et partager l'eau.
M. Alain Cadec . - L'or bleu fait partie de notre quotidien : nous en oublions combien l'eau est précieuse, autant pour notre vie que pour l'économie. En 2022, la Bretagne a été placée en état d'alerte des mois durant. Le sol y compte peu de nappes phréatiques, et l'absence de précipitations a mis à mal les réserves. Plus de 130 000 m3 d'eau potable y sont prélevés chaque année : 65 % pour les particuliers, 15 % pour les agriculteurs, 20 % pour l'industrie.
Quels moyens l'État a-t-il prévus pour maintenir l'approvisionnement ?
Bassin versant, région, intercommunalité : quel est le bon niveau de gouvernance, et avec quels moyens ?
Mme Bérangère Couillard, secrétaire d'État. - J'ai suivi avec attention la situation de la Bretagne. Désormais, aucun territoire n'échappe à la sécheresse. C'est une de mes priorités.
Le comité d'anticipation et de suivi hydrologique et les préfets ont été réunis dès avril et le plafond de dépenses des agences de l'eau a été relevé de 100 millions d'euros en juin. Mais la crise était hors normes cette année, mettant en grande difficulté des centaines de communes rurales et des éleveurs, notamment.
Les écosystèmes ont souffert. Les gradations dans les restrictions et les exemptions ont suscité des incompréhensions. Nous devons en tirer des enseignements, car ces événements sont appelés à se reproduire.
Le retour d'expérience confié aux inspections générales des ministères concernés fera l'objet d'un rapport au premier trimestre. J'ai demandé aux préfets d'accompagner les collectivités vers une meilleure résilience, car la situation pluviométrique invite à la plus grande vigilance.
M. Franck Montaugé . - Malgré des avancées, sur l'assurance agricole notamment, le Varenne de l'eau n'a pas abouti sur la question de la ressource en eau et de ses usages.
En mai 2022, le Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) a publié un rapport d'évaluation sur les PTGE, qui regroupent agriculteurs et usagers de l'eau dans une approche collective de la gestion de l'eau à l'échelle du bassin versant ; je pense au PTGE de la Midouze, dans le Gers.
Le Gouvernement entend-il inciter les territoires à développer des PTGE ? Ce serait bienvenu, car le sujet exige dialogue et compréhension mutuelle.
Cinq à six ans, c'est beaucoup trop, même si le travail est de qualité. Comment simplifier et accélérer les processus d'élaboration des PTGE ?
Mme Bérangère Couillard, secrétaire d'État. - Le PTGE est un outil contractuel qui participe à une gestion équilibrée de la ressource et à la maîtrise des prélèvements, dans le respect de la directive-cadre sur l'eau. L'instruction du Gouvernement du 7 mai 2019 a donné un nouvel élan à la gestion partagée de l'eau.
Dans le dialogue, le PTGE aboutit à un programme d'actions qui organise ce partage, avec un panier de solutions, comme la sobriété, des solutions fondées sur la nature, et, parfois, le stockage.
À la suite du Varenne agricole de l'eau, une instruction complémentaire intégrant des pistes d'améliorations est en cours de signature. Elle présente les points fondamentaux pour le succès des PTGE, du cadrage jusqu'à l'accompagnement par les services de l'État. Elle est concertée avec les organisations agricoles et les ONG dans le cadre du CNE. Les PTGE n'ont pas vocation à être généralisés : nous souhaitons surtout qu'ils soient efficaces.
M. Franck Montaugé. - L'eau doit être une grande cause nationale et faire l'objet d'un plan Marshall. Le Gouvernement prévoit des mesures d'exception pour la production d'énergie : qu'il fasse de même pour l'eau, notamment à usage agricole !
M. Jean-Paul Prince . - Nos cours d'eau sont équipés de nombreux ouvrages, barrages, seuils et moulins, menacés un temps de destruction intégrale au nom de la continuité écologique prônée par le droit européen.
La loi Climat et résilience a préservé certains ouvrages. Toutefois, la Commission européenne entend supprimer les obstacles sur 25 000 km de cours d'eau dans l'Union avant 2030.
Or ces ouvrages sont une source de production énergétique propre, non intermittente, un appoint bienvenu dans le mix français. Correspondant à l'équivalent d'une centrale nucléaire, le potentiel des petites centrales est largement inexploité.
Les seuils, barrages et retenues sont aussi des atouts pour prévenir inondations et sécheresses. Lors d'une récente intervention au Sénat, le président de l'agence de l'eau Loire-Bretagne nous l'avait rappelé.
Plutôt que de les détruire, les agences de l'eau feraient mieux d'investir pour valoriser les barrages sur le plan énergétique et d'entretenir les canalisations. (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains)
Mme Bérangère Couillard, secrétaire d'État. - La politique de restauration de la continuité écologique concilie la restauration des fonctionnalités des cours d'eau avec le déploiement de l'hydroélectricité, la préservation du patrimoine ou encore les sports d'eaux vives. Elle ne vise pas la destruction des ouvrages.
Nous avons identifié les 11 % de cours d'eau prioritaires pour la restauration écologique et prévu des interventions sur environ 5 000 des 25 000 obstacles à l'écoulement qu'ils comptent. Ce peut être l'aménagement des ouvrages - passes à poisson, rivières de contournement, abaissement du seuil - ou leur suppression. Depuis 2012, 1 400 ouvrages ont été effacés, soit moins de 6 % des ouvrages obstacles sur les cours d'eau prioritaires, et 1 % de l'ensemble. Il y va de la reproduction des poissons migrateurs et de l'amélioration générale des fonctionnalités de la rivière, de sa biodiversité, de sa qualité.
La politique de restauration de la continuité écologique n'a pas entravé le développement de la petite hydroélectricité, avec plus de 150 000 MW supplémentaires entre 2018 et 2021. La programmation pluriannuelle de l'énergie fixe l'objectif d'augmenter nos capacités hydroélectriques.
M. Cédric Vial . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Nous avons besoin d'eau, et nous en avons. Mais le contexte climatique change. Il pleuvra toujours autant, selon le GIEC et l'étude Explore 2070, mais les pluies diminueront de 16 à 23 % en été. Nous aurons donc parfois trop d'eau à certains moments, avec des risques de crues. Nous aurons de l'eau si nous savons la gérer.
M. Daniel Gremillet. - Exactement !
M. Cédric Vial. - Pourquoi est-il vertueux pour un particulier de stocker l'eau de pluie dans une citerne, mais pas dans une retenue colinéaire à des fins agricoles, touristiques ou industrielles ? (« Bravo » et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Mettez les travaux scientifiques au-dessus de l'idéologie. Les travaux de l'Opecst et de la délégation à la prospective du Sénat nous incitent à mieux gérer la ressource, à créer des retenues collinaires, à favoriser le stockage domestique, à réutiliser les eaux usées. On peut aussi produire de la neige, créer des espaces végétalisés... C'est ainsi que nous préserverons le débit des cours d'eau et la biodiversité.
Appuyez-vous sur les acteurs de proximité ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Mme Bérangère Couillard, secrétaire d'État. - Je me suis exprimée sur la nécessité de regarder au cas par cas les différents projets.
M. Laurent Duplomb. - Pourquoi au cas par cas ?
Mme Bérangère Couillard, secrétaire d'État. - Le changement climatique modifie le cycle de l'eau. En montagne, les chutes de neige sont moins importantes, car les glaciers reculent. Cela entraîne des conséquences importantes pour les territoires de montagne et ceux en aval ; elles sont visibles sur les domaines skiables, y compris dans les Alpes. La sécheresse de 2022 a également durement affecté de nombreuses communes de montagne.
En montagne, l'étiage est en hiver et non en été. De nombreuses stations de ski ont besoin de stocker de l'eau pour faire de la neige.
M. Laurent Duplomb. - Ce n'est pas la question !
M. François Bonhomme. - Vous ne lisez pas la bonne fiche !
Mme Bérangère Couillard, secrétaire d'État. - Je vous ai déjà répondu sur Sainte-Soline. Je ne vais pas refaire la même réponse !
M. François Bonhomme. - Ce sont des lieux communs !
Mme Bérangère Couillard, secrétaire d'État. - Sur les retenues d'eau, je l'ai dit, nous regarderons avec bienveillance les projets qui respectent les critères écologiques. M. Vial a évoqué l'eau en montagne, j'ai pensé intéressant de vous répondre sur les domaines skiables. (M. Laurent Duplomb proteste.)
M. Joël Bigot . - N'en déplaise au Président de la République, la gestion de la ressource en eau est largement prévisible. Le rapport de la délégation à la prospective montre l'urgence de repolitiser la question. Sans précipitations massives dans les prochains mois, le bassin de la Loire risque de nouvelles pénuries.
Les collectivités territoriales et les agences de l'eau sont en première ligne, mais l'État ne doit pas être en retrait de cette politique publique : il doit accroître les investissements. Aux Ponts-de-Cé, une usine de retraitement des eaux très efficace assure une eau de très grande qualité et un taux de fuite de 7 %, contre 20 à 25 % en moyenne nationale. Mon territoire fait toutefois figure d'exception. Prévoyez-vous un plan massif d'investissement dans la gestion de l'eau, pour améliorer la qualité et lutter contre le gaspillage ?
Il faut aussi être plus sobre. Or les préfectures disent ne pas être assez outillées pour informer la population et l'inciter à économiser l'eau.
Mme Bérangère Couillard, secrétaire d'État. - Le financement du service public de l'eau se fonde sur le prix de l'eau et le montant des subventions publiques. L'augmentation du prix de l'énergie et des réactifs comme le chlore impacte fortement le prix de l'eau et nos capacités d'investissement.
L'État est aux côtés des collectivités territoriales pour les aider à investir. Ce sera l'un des axes du plan Eau, qui sera présenté d'ici la fin janvier. La Banque des territoires sera mobilisée.
Ensuite, nous limitons le coût de l'accès à l'énergie pour les gestionnaires de services d'eau et assainissement. Je pense au bouclier tarifaire, à l'amortisseur ou encore au filet de sécurité.
L'augmentation durable du prix de l'eau pose la question de l'accès des citoyens à la ressource. Il faudra renforcer les aides aux plus fragiles, via la tarification incitative et solidaire. Les collectivités sont compétentes pour instaurer une tarification sociale ; des mesures réglementaires faciliteront la modulation.
M. Jean-Marc Boyer . - Le transfert obligatoire de la compétence eau et assainissement en 2026 préoccupe les maires. Il entraîne une perte de pouvoir des élus communaux. Plusieurs propositions de loi ont été déposées pour conserver au transfert un caractère facultatif. Il s'agit de garantir le libre choix des élus et de conforter la commune comme cellule de base de la démocratie locale, en lui laissant la libre décision d'un transfert.
M. Laurent Burgoa. - Très bien !
M. Jean-Marc Boyer. - Selon l'antériorité de l'organisation territoriale, l'appréciation diffère entre compétences obligatoires et facultatives.
Enfin, il faut une différenciation en fonction des territoires : la gestion de l'eau est très différente en plaine, en montagne ou en zone humide.
Pourquoi ne pas maintenir les compétences eau et assainissement comme facultatives dans les intercommunalités ? Cela permettrait de répondre à vos objectifs : réduire le gaspillage, partager la ressource et sécuriser l'accès à l'eau potable. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Mme Bérangère Couillard, secrétaire d'État. - Le transfert de cette compétence aux intercommunalités, fixé par la loi NOTRe pour 2020, a déjà été reporté à 2026. Ne revenons pas en arrière. Cette disposition est essentielle pour garantir un service public efficace. (On le conteste sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. François Bonhomme. - Pourtant, cela a toujours existé !
Mme Bérangère Couillard, secrétaire d'État. - Les petites communes n'ont pas une capacité d'investissement suffisante, on l'a vu cet été. Il faut également pouvoir recruter des agents techniques de bon niveau, ce qui suppose des structures de taille suffisante. Je m'appuie sur le rapport de la Cour des comptes de juin 2016, qui insiste sur la rationalisation des moyens. Il faudra des collectivités ayant les moyens de porter des projets, à la bonne échelle.
Au demeurant, les collectivités territoriales peuvent garder un prix de l'eau individualisé par secteur lors de l'entrée dans l'EPCI, ou des syndicats d'eau et d'assainissement.
Le Sénat a contribué au débat. Nous avons trouvé un équilibre. Il faut de la stabilité dans les décisions. Aidons les collectivités à organiser ces transferts, plutôt que de refuser le changement ! (MM. Laurent Burgoa et Jean-Marc Boyer protestent.)
Mme Anne Ventalon . - Le financement est au coeur de la gestion de l'eau. L'Ardèche a souffert d'une sécheresse intense entre mai et novembre dernier, qui a affecté tous les usages : eau potable, agriculture, industrie, loisirs...
Malgré les mesures de restriction, cette pénurie historique ne sera bientôt plus exceptionnelle. Communes et intercommunalités devront investir fortement, alors que le désengagement des agences de l'eau les contraint déjà à recourir à la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR).
Malgré un plafond de redevances annuel de 2,2 milliards d'euros et les 100 millions d'euros pour l'investissement annoncés par la Première ministre, les agences de l'eau ne sont plus suffisamment dotées. Elles financent à 80 % l'Office français de la biodiversité (OFB), ce qui représente une ponction de 15 % de leur budget. Comment sortir de cet effet ciseau ? Comment les aider à adapter les infrastructures au réchauffement et à protéger la biodiversité sans augmenter les factures d'eau des particuliers ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Mme Bérangère Couillard, secrétaire d'État. - Les agences de l'eau sont des outils anciens et indispensables à la mise en oeuvre territoriale de la politique de l'eau. Nous devons avoir des solutions efficaces pour pallier les déficits structurels des nappes.
Malgré l'engagement du Gouvernement de limiter la fiscalité sur les ménages, nous avons trouvé des marges budgétaires. Je salue le travail des 1 500 agents des agences de l'eau. J'ai souhaité que celles-ci disposent de moyens : la loi de finances pour 2023 maintient leur plafond d'emplois, après dix ans de baisses.
N'opposons pas biodiversité, grand et petit cycles de l'eau. Je regarderai avec attention le rapport sur le financement de la stratégie nationale biodiversité 2030 (SNB).
Nous préparerons les prochains programmes d'intervention pour 2025-2030, notamment grâce au plan Eau, qui sera annoncé fin janvier. Ne doutez pas de l'ambition du Gouvernement de doter les agences de l'eau de moyens suffisants.
M. François Bonhomme. - Nous voilà rassurés...
M. Laurent Duplomb . - Après le covid et la pénurie de masques, la guerre en Ukraine et les pénuries d'huile et moutarde, l'envol des prix de l'électricité et les risques de coupures, vous vous apprêtez à reproduire sur la gestion de l'eau les mêmes erreurs obscurantistes que vos prédécesseurs sur le nucléaire.
Alors que nous vous alertons sur la perte de notre souveraineté alimentaire, vous vous obstinez à vouloir sanctuariser la ressource en eau, en faisant croire, dans votre délire catastrophiste, que l'eau serait une ressource épuisable et non renouvelable - comme si on se prémunissait contre les manques à venir en ne la stockant pas !
Interdire dogmatiquement l'usage de l'eau pour l'agriculture et donc pour l'alimentation humaine est suicidaire
Le Varenne de l'eau nous avait donné de l'espoir, mais c'était sans compter sur notre technocratie abrutissante qui en a fait une supercherie.
Quand les Français ne pourront plus manger à leur faim en raison de vos décisions, ils chercheront des responsables ! (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains)
M. Jacques Fernique. - C'est incroyable !
Mme Bérangère Couillard, secrétaire d'État. - La raréfaction de la ressource nous conduit à gérer l'eau plus efficacement, en anticipant les effets du changement climatique. C'est tout l'objet de ce chantier, qui aboutira à un plan Eau collectif, présenté à la fin du mois : la sobriété et le partage des usages figureront parmi les annonces. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains)
La réflexion a été nourrie de la concertation menée avec les acteurs, mais aussi des travaux du Sénat.
Toutes les solutions d'économies d'eau doivent être étudiées. Il n'est pas question de généraliser les retenues collinaires. Toutefois, si des projets respectent les critères exigeants que nous fixons, ceux-ci seront autorisés - je pense notamment à Sainte-Soline.
Le stockage hivernal, lorsqu'il est soutenable pour les milieux, qu'il s'inscrit dans un projet territorial concerté, qu'il est conditionné à un usage plus sobre et participe d'un meilleur partage de la ressource, ne doit pas être écarté. Les réserves de substitution font partie du panel de solutions.
M. Rémy Pointereau, pour le groupe Les Républicains . - (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains) Les interventions démontrent que notre gestion de l'eau est à revoir de fond en comble. Le Sénat a beau avoir multiplié les initiatives et tiré la sonnette d'alarme, les problèmes demeurent.
Le rapport de MM. Tandonnet et Lozach, en 2016, évaluait les fuites des canalisations d'eau potable à un milliard de mètres cubes par an. Cela relativise le tollé des écologistes radicaux, puisque cela représente plus de 2 000 réserves de substitution !
M. Laurent Duplomb. - Très bien !
M. Rémy Pointereau. - Au Sénat, nous avons souvent raison trop tôt, c'est notre croix...
L'eau n'est pas une ressource qui se crée, mais qui se gère. Imitons l'Italie, l'Espagne ou le Portugal, qui réutilisent les eaux usées !
Tant d'acteurs gravitent autour de la politique de l'eau que c'est un labyrinthe crétois pour comprendre qui décide, entre les Sage, les comités de bassins, les agences de l'eau XXL, le préfet coordinateur de bassin, les associations environnementales... L'État a créé un émiettement des responsabilités. Budgétivore, il a réduit les budgets consacrés à l'eau. Du principe « l'eau paye l'eau », nous sommes passés à « l'eau paye l'État » !
Nous avions bien tenté de relever le plafond mordant des agences de l'eau lors du PLF, mais le Gouvernement a répondu : cause toujours ! Pourtant, cela aurait amélioré le financement de la ressource eau.
Les choses n'avancent pas sur ce sujet crucial. Il convient d'élaborer une loi sur l'eau et les milieux aquatiques (Lema) 2. Y êtes-vous favorable ?
Nous pouvons vous suggérer des pistes : créer de nouveaux barrages, faciliter la petite hydroélectricité sur nos rivières et moulins, simplifier les instances, favoriser la réutilisation des eaux usées... Cessons d'imposer les douze travaux d'Hercule aux agriculteurs pour réaliser une retenue. Rappelons aux écologistes radicaux que l'agriculture, même biologique, suppose de l'eau, surtout si nous voulons conserver notre indépendance alimentaire plutôt que d'importer du maïs OGM !
Une réforme s'impose, avec un nouveau cadre, plus lisible. Madame la ministre, transformez le verbe en action ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)
La séance est suspendue quelques instants.