Formation des internes en médecine générale
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi visant à la consolidation et à la professionnalisation de la formation des internes en médecine générale afin de lutter contre « les déserts médicaux », présentée par M. Bruno Retailleau et plusieurs de ses collègues.
Discussion générale
M. Bruno Retailleau, auteur de la proposition de loi . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Je salue la présidente de la commission des affaires sociales et la rapporteure, qui a réalisé un excellent travail.
La France est le pays des pénuries et des rationnements, et pas seulement pour le carburant ou l'électricité : c'est aussi le cas pour l'accès aux soins et aux médicaments. Ainsi, 6 300 000 Français n'ont pas de médecin traitant. C'est une injustice, et même un scandale, surtout au regard de nos dépenses de santé, très élevées.
Cette situation n'est pas le fait des médecins, mais de choix technocratiques et idéologiques. (Mme Laurence Cohen s'étonne.) On a abandonné la médecine aux comptables. On a pensé qu'il suffirait de rationner l'accès aux médecins pour diminuer les dépenses de santé. L'organisation est centrée sur l'hôpital : la formation de nos jeunes médecins a été orientée dans les facultés sur d'autres pistes que la médecine générale.
Le moment est venu de remédier à cette situation dont pâtissent les Français et les élus locaux. Beaucoup de maires n'en peuvent plus. Leur population les rend responsables alors qu'ils ont multiplié les actions, telles que l'ouverture de maisons de santé et le salariat de médecins.
De deux choses l'une : soit nous agissons, soit nous n'agissons pas. Il n'existe pas de panacée ; il faut privilégier un bouquet de solutions. Mais celles qui sont actuellement en place sont insuffisantes, comme le déblocage du numerus clausus : beaucoup de doyens nous le disent, ils n'ont pas les moyens d'accueillir plus d'étudiants. Ailleurs, cela ne donnera des effets que dans dix ans. On ne peut pas attendre !
Les aides de l'État, trop tardives, sont des rustines et non des réponses fondamentalement satisfaisantes. Certains plaident pour des solutions coercitives - or celles-ci sont vouées à l'échec, comme le montre un rapport de Jean-Marie Vanlerenberghe sur le conventionnement sélectif en Allemagne, qui s'est révélé sans effet dans les zones sous-denses. Échec et mat !
Les aides ne sont qu'un palliatif aux résultats insuffisants. Nous devons traiter le problème, de façon curative.
La solution exposée dans cette proposition de loi nous a été inspirée par notre vote, jamais suivi d'effet, en faveur de six mois de stage de terrain pour les étudiants en troisième année de médecine générale, dans la loi Buzyn de 2019. Le décret n'a jamais été pris. Pourquoi ? Parce qu'il ne fallait pas déshabiller l'hôpital pour habiller la ville !
Nous voulons créer une quatrième année de consolidation qui entraînerait l'installation de 3 500 à 4 000 médecins généralistes sur l'ensemble du territoire, rémunérés de manière attractive. De nombreuses collectivités pourraient s'engager, par exemple en mettant un logement à leur disposition. Ainsi, on faciliterait l'installation de jeunes médecins dans nos territoires, quand la formation actuelle ne les y incite pas.
Le rapport fait état, sinon d'une unanimité, du moins d'un consensus. Je n'ai pas ressenti de franche opposition à cette mesure lorsque j'ai moi-même rencontré plusieurs représentants de médecins.
Je veux souligner que les médecins généralistes sont les seuls à ne pas bénéficier d'une année de consolidation.
Notre proposition, importante, a été reprise de manière précipitée par le Gouvernement dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), sans beaucoup de concertation, ce qui a pu raidir les internes. La rédaction des dispositions sur ce sujet dans le PLFSS est à coup sûr inconstitutionnelle. Cette proposition de loi offre donc une séance de rattrapage.
Quand on choisit de devenir médecin, on fait plus que choisir un métier : on choisit une vocation et une mission de service public - vous le savez bien, monsieur le ministre. C'est à cette aune que nous devons examiner cette proposition de loi. Nous, parlementaires, devons faire des propositions. Vous, exécutif, devez consolider les vôtres. Quant aux jeunes médecins, ils sont incités à considérer qu'il est impossible de laisser des millions de Français sans médecin traitant.
Soyez courageux, monsieur le ministre, et prenez vos responsabilités. Cette réforme est nécessaire et urgente. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; MM. Michel Laugier et Jean-Michel Arnaud applaudissent également.)
Mme Corinne Imbert, rapporteure de la commission des affaires sociales . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Nadia Sollogoub applaudit également.) Déposée par le président Retailleau, cette proposition de loi poursuit deux objectifs auxquels la commission des affaires sociales a pleinement souscrit : améliorer la formation des médecins généralistes en créant une année professionnalisante supplémentaire et trouver un remède aux difficultés d'accès au soin.
La quatrième année ainsi créée serait consacrée à un stage en ambulatoire ; cela est envisagé depuis un certain temps. La médecine générale est actuellement isolée des 43 autres spécialités, puisqu'elle est la seule à ne pas bénéficier de la dernière phase de consolidation. Les étudiants ne bénéficient pas non plus du statut de docteur junior. Enfin, alors que la soutenance de la thèse d'exercice est souvent réalisée dans les délais pour les autres spécialités, car c'est une des conditions d'accès à la phase de consolidation, elle ne l'est pas pour les généralistes, qui ne jouissent pas de cette incitation.
Les généralistes suivent un troisième cycle de cinq ans au Danemark, en Suède et en Norvège. Les enseignants et médecins que nous avons auditionnés y sont favorables et certains y travaillent depuis plusieurs années. Ils ont insisté sur la nécessité d'enrichir le référentiel de formation, le cursus actuel comportant trop peu de stages en ambulatoire, alors que c'est un débouché naturel. Ainsi, seuls deux des six stages prévus sont obligatoirement réalisés en ville.
En améliorant la professionnalisation des internes en médecine générale, ce texte incitera les étudiants à s'installer rapidement, mais également à soutenir leur thèse dans les délais, puisqu'ils ne pourront plus la reporter comme auparavant.
L'extension du troisième cycle devrait améliorer l'offre de soins. Le texte prévoit en effet que ces stages seront prioritairement réalisés dans les zones sous-denses.
Rassurons les représentants des étudiants, qui ont pu craindre une instrumentalisation : ce texte ne sacrifiera pas la qualité de la formation, au contraire. Les maîtres de stage formés et accrédités par les universités accompagneront les étudiants dans leur professionnalisation.
L'expression « désert médical » ne décrivant pas fidèlement la réalité contrastée des zones sous-denses, la commission a modifié l'intitulé de la proposition de loi afin de mettre en valeur son objectif premier : l'amélioration de la formation des internes en médecine générale. Mais il ne faut pas oublier les besoins de santé de nos territoires. La démographie médicale est sinistrée ; la France a perdu cinq mille généralistes en dix ans. La fin du numerus clausus n'y changera rien avant plusieurs années.
Il faudra s'assurer du nombre suffisant de maîtres de stage. Les collectivités locales se mobilisent en ce sens en s'organisant avec les facultés de médecine.
Ce texte est un pas indispensable vers une meilleure réponse à la demande de soins. Il démystifie l'installation et la notion de zone sous-dense.
Le logement des étudiants affectés loin de leur domicile peut constituer un motif d'inquiétude. Les collectivités locales y consacrent de nombreux efforts. Par ailleurs, les docteurs juniors sont rémunérés forfaitairement et - il faut le dire - trop faiblement. Je souhaite qu'ils puissent effectuer leur stage sans difficultés matérielles.
L'ajout d'une quatrième année ne concernera pas les étudiants actuels de troisième cycle pour ne pas affecter la cohérence de leur formation, mais seulement les futurs étudiants.
Le Gouvernement a repris l'essentiel du dispositif dans le PLFSS alors même que cette proposition de loi était inscrite à l'ordre du jour.
Nous avions déjà adopté, dès 2019, une mesure prévoyant un stage en zone sous-dense, mais le décret d'application n'est jamais paru.
Cette proposition de loi est un support législatif plus sûr que l'article 23 du PLFSS, qui, n'ayant pas d'incidence financière, n'est pas conforme à la loi organique. Je vous propose de l'adopter. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Nadia Sollogoub et M. Daniel Chasseing applaudissent également.)
M. François Braun, ministre de la santé et de la prévention . - (Applaudissements sur les travées du RDPI ; Mme Nadia Sollogoub applaudit également.) Ce texte porte sur des sujets qui me tiennent à coeur : la qualité de la formation des médecins et la lutte pour l'accès à la santé dans nos territoires. Faisant écho à l'article 23 du PLFSS, il ne vise en aucun cas à « boucher les trous » avec des étudiants non encadrés, mais au contraire, par l'accession au statut de docteur junior, à rendre les futurs généralistes plus autonomes et plus à même de gérer un cabinet médical dès leur diplôme.
Cette séance est une occasion, quelques jours avant l'examen du PLFSS, de faire le point sur ces enjeux cruciaux.
Sans cette phase de consolidation, qui correspond à l'esprit du docteur junior, l'installation immédiate est difficile ; elle devient même rarissime. Améliorer la formation des jeunes médecins et faciliter leur installation est donc légitime.
J'y tiens particulièrement : cette quatrième année s'inscrira dans un projet pédagogique engageant des maîtres de stage expérimentés. Je souhaite que cette réforme soit mise en oeuvre de la meilleure façon possible. Avec Sylvie Retailleau, nous avons lancé une étude pour préfigurer les modalités d'hébergement et de rémunération. Nous souhaitons que ces stages soient effectués en priorité - sans en faire une obligation - dans les zones sous-denses. Les inégalités d'accès à la santé sont intolérables ; six millions de Français n'ont pas de médecin traitant, dont 600 000 personnes souffrant d'une affection de longue durée.
J'étais dans la Sarthe pour le lancement du Conseil national de la refondation en santé. Le nombre de généralistes y est de 59 pour 100 000 habitants, quand la moyenne nationale est de 85.
Face à la pénurie de généralistes qui jouaient un rôle d'aiguilleur du système de soins, les urgences, devenues un premier recours, ont vu leur fréquentation croitre de 50 % en vingt ans. Grâce aux mesures prises cet été, elle chute enfin pour la première fois de 5 %.
Nous devons prendre des mesures fortes. La création d'une quatrième année de médecine générale s'insère dans un ensemble de mesures, telles que la simplification des aides à l'installation dans les zones sous-denses ou la suppression du numerus clausus.
Mme Cathy Apourceau-Poly. - Et encore !
M. François Braun, ministre. - Cette quatrième année est une chance non seulement pour les territoires sous-dotés, mais aussi pour les jeunes médecins et leurs patients. C'est la clé d'une mise en responsabilité supervisée pour accompagner les jeunes généralistes vers l'installation.
Je partage l'intention des auteurs de la proposition de loi mais le Gouvernement a choisi le PLFSS comme support de ces mesures. C'est pourquoi il donne un avis de sagesse bienveillante. (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains ; M. François Patriat et M. Emmanuel Capus applaudissent également.)
Mme Laurence Cohen . - Je remercie la rapporteure Corinne Imbert pour son travail. L'examen de cette proposition de loi nous donne l'occasion de débattre de la réponse publique aux difficultés d'accès aux soins. Comment accepter que 30 % de la population vive dans un désert médical, qui concerne désormais des territoires périurbains et urbains ? Ainsi la région Île-de-France est-elle le premier désert médical de France : 62,4 % de la population francilienne, soit 7,6 millions de personnes, ont du mal à accéder à un médecin.
Depuis vingt ans, les gouvernements successifs ont refusé d'augmenter le nombre d'étudiants en médecine. Dans Le Monde, Agnès Buzyn avouait qu'on avait perdu plus de quinze ans. Mais la suppression du numerus clausus et son remplacement par le numerus apertus n'ont pas significativement augmenté le nombre d'étudiants. Faute de moyens supplémentaires, on est passé de 9 300 en 2020 à 11 180 en 2021 alors que les besoins sont plus importants.
Dans ce contexte, cette proposition de loi ne résoudra rien, au contraire. Elle précarisera les internes.
L'absence de négociation avec ces derniers revient à mettre la charrue avant les boeufs. Il faut d'abord réfléchir au contenu pédagogique et au rythme des études, revaloriser le statut des internes, prendre en compte l'épuisement professionnel qui touche deux tiers d'entre eux et lutter contre les comportements sexistes qu'ils subissent. Je veux rappeler qu'un interne a trois fois plus de risques de se suicider qu'un autre jeune du même âge.
Cette proposition de loi est en décalage. Elle ne réglera pas la pénurie de médecins et ne répondra pas au souhait de concilier vie professionnelle et vie personnelle. Aujourd'hui, la majorité des nouveaux médecins veulent exercer de manière salariée, en équipe et non en libéral, comme le privilégie cette proposition de loi. Il faut donc favoriser les stages et installations en centre de santé.
Les stages en zone sous-dotée ne vont pas entraîner mécaniquement l'arrivée de 3 900 internes dans les déserts médicaux. Les incitations ont montré leurs limites puisque seulement 400 médecins par an sollicitent l'aide de 50 000 euros à l'installation en territoire sous-doté.
Les internes devront être encadrés par des médecins seniors, alors que les déserts médicaux manquent de médecins, par définition.
L'année blanche entraînera aussi une pénurie.
Enfin, l'attractivité fait défaut, puisque l'austérité des vingt dernières années a entraîné la fermeture de lits dans des hôpitaux et maternités de proximité.
Bien des réformes seraient préférables. Voici quatre propositions majeures : augmentation des moyens des universités ; développement des centres de santé ; abrogation du décret Mattei sur les gardes ; conventionnement sélectif dans les zones surdotées.
Cette proposition de loi est loin du compte. Nous voterons contre. Nous nous opposerons aussi à l'article 23 du PLFSS qui reprend la même idée. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et du GEST)
Mme Nadia Sollogoub . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Il y a quelques semaines, nous a été soumise la proposition de loi visant « à la consolidation et à la professionnalisation de la formation des internes en médecine générale afin de lutter contre les déserts médicaux ». Les internes n'étant pas une variable d'ajustement, une modification de leur formation uniquement pour faire reculer les déserts médicaux ne serait pas acceptable.
Les mots ont un poids ; il est grand temps d'en changer.
J'habite dans une région où l'accès aux soins est difficile. Mais ce n'est pas un désert : des initiatives fleurissent et des soignants viennent s'installer volontairement. Les jeunes médecins ne construisent pas leur vie selon des primes, mais pour s'épanouir.
Ni désert ni punition : notre commission l'a bien compris et a changé l'intitulé du texte. Si son but est d'orienter la formation vers plus d'ambulatoire, il doit être soutenu. Il est logique d'aligner la médecine générale sur les autres spécialités, grâce à une année de docteur junior qui devra être assortie d'une rémunération suffisante.
Un regroupement de généralistes réclame une formation de qualité et une phase de consolidation qui accompagne réellement les projets. Oui, il est indispensable que cette quatrième année soit une plus-value pour les internes.
Le groupe UC est majoritairement favorable à ce texte. Mais certains collègues émettent des réserves sur le nombre de maîtres de stage, la nécessité d'une plus grande concertation et le risque de coercition déguisée.
En tant que conjoint collaborateur d'un médecin généraliste, j'ai accueilli chez moi des internes et je sais combien le séjour à la fin des études peut être déterminant. Trois de ces stagiaires se sont installés près de chez nous.
Quid des maîtres de stage ? Dans la Nièvre, les sessions de formation à Dijon, à deux heures et demie de route, sont très dissuasives. Les sessions en présentiel doivent être organisées au plus près, dans les départements.
L'ambulatoire est déjà au programme du DES de médecine générale, mais les internes restent dans les CHU pour pallier les manques de personnel, ce qui est inadmissible.
Reste l'épineux problème du lieu de ces stages, puisque presque toute la France est sous-dotée.
En fin de cursus, les internes peuvent avoir un ancrage, une vie de famille et des contraintes. La quatrième année ne doit pas signifier l'installation dans un territoire inconnu. Il faut conserver de la souplesse dans les affectations.
Si tous ceux qui réussissent le concours de médecine à Dijon sont des Dijonnais, il est compliqué de les contraindre à emménager en milieu rural. C'est pourquoi il faut absolument délocaliser la formation et ne pas la cantonner aux grandes villes. Nous payons les années où nous n'avons formé que des urbains.
Le parcours accès santé spécifique (Pass) de Nevers, obtenu de haute lutte, a permis à 50 % des étudiants de réussir le concours. Les déserts médicaux sont des déserts de formation. Il faut passer d'un numerus apertus à un numerus proximus ! (On s'amuse sur le banc des commissions.)
L'article 23 du PLFSS, qui partage l'objectif de cette proposition de loi, n'a aucun impact financier ; le Conseil constitutionnel devrait le sanctionner. Monsieur le ministre, privilégiez le texte du Sénat !
Souhaitons que la loi de 2022 mette en place en mieux ce que la loi de 2019 n'avait pas pu réaliser. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains ; M. Daniel Chasseing applaudit également.)
M. Stéphane Ravier . - Bienvenue en France, le pays qui prétend avoir le meilleur système de santé au monde, mais abandonne plus de 10 % de sa population, soit huit millions de personnes, dans des déserts médicaux...
Des déserts qui ne sont plus seulement ruraux : du fait de l'insécurité, les médecins manquent dans les quartiers nord de Marseille, malgré l'importance d'une population venue des quatre coins du monde - et surtout du tiers-monde.
Dans la ruralité, les déserts sont globaux : comment voulez-vous qu'un médecin s'installe dans un quartier où les services publics sont absents et qui cumule des problématiques de mobilité, de logement et d'emploi ? Et les choses vont s'aggraver, avec le prochain départ en retraite d'un généraliste sur deux... L'inflation aussi amplifie le phénomène, car l'assurance maladie ne rembourse pas le trajet jusqu'à la consultation.
Dans les Bouches-du-Rhône, la disparition de SOS médecin dans les communes rurales se traduit par moins de visites à domicile et une surcharge ambulancière supportée par le Samu et les Sdis, déjà en tension.
Les maisons de santé se retrouvent souvent sans médecin, malgré les incitations mises en place par les maires, derniers influx nerveux d'une ruralité exsangue.
Il faut repenser tout le soutien à la ruralité. Et, avant tout, réintégrer les soignants non vaccinés : leur suspension, qui était déjà scandaleuse, est aujourd'hui une aberration.
Les internes en médecine, qui font déjà tourner l'hôpital, ne sauraient être traités comme une variable d'ajustement. Certains ont déjà fondé une famille. On ne peut pas leur imposer une année supplémentaire après dix ans d'études, surtout payée huit euros de l'heure !
En outre, cette mesure coercitive pose un problème de suivi des patients.
Où est la mission de service public dont a parlé notre excellent collègue Retailleau - selon la formule consacrée ? En réalité, sa proposition relève plutôt de la philosophie macroniste...
Je voterai contre ce palliatif administré. Il faut une réforme profonde en faveur de la ruralité ! Nous devons aussi faire mieux connaître le contrat d'engagement de service public.
Mme Véronique Guillotin . - (Applaudissements sur les travées du RDSE et sur de nombreuses travées du groupe UC) Cette proposition de loi nous invite à nous saisir de la question, essentielle, de la formation des médecins. Celle-ci doit permettre l'acquisition de connaissances et de savoir-être et préparer à l'exercice professionnel, majoritairement libéral.
La question n'est pas d'aligner la durée du cursus des généralistes sur celui des autres spécialités, mais d'allonger d'une année le troisième cycle des études médicales. S'il s'agit de déployer un bataillon de docteurs juniors dans les territoires sous-dotés, je n'y suis pas favorable.
De fait, le doute persiste sur la finalité de cette proposition de loi. Alors que la discussion est engagée depuis plusieurs années, l'objectif à peine masque de ce texte suscite une vive inquiétude. Pour ma part, je ne crois pas à la coercition, même drapée de bonnes intentions.
En dix ans, nous avons perdu 5 000 médecins généralistes. Leur densité a baissé deux fois plus que celle des autres médecins. Rien ne réglera le problème de l'accès aux soins tant que le nombre de médecins n'augmentera pas significativement. Il faut donc augmenter nettement le numerus apertus, ainsi que le quota de généralistes.
Une quatrième année professionnalisante, concertée, devrait mieux préparer les jeunes à l'exercice en libéral. Si elle est bien menée, elle favorisera l'installation dans les territoires ruraux. Par ailleurs, les étudiants ne pourront plus repousser leur thèse, ce qui retarde leur installation.
Toutefois, des conditions doivent être réunies pour que ce texte ne soit pas le prétexte d'une réponse imparfaite au problème des déserts médicaux : adhésion des étudiants, encadrement par un maître de stage, rémunération suffisante - à cet égard, la proposition de rémunération à l'acte paraît peu aboutie.
De manière générale, de bonnes conditions de travail, un environnement stimulant et des territoires accueillants sont les critères d'installation privilégiés par les jeunes professionnels. Il faut leur donner envie de poursuivre l'aventure.
Avec toutes ces réserves, nous ne sommes pas défavorables au texte, mais nous déterminerons en fonction de la discussion et du sort des amendements, notamment les plus coercitifs. (Applaudissements sur les travées du RDSE ; Mmes Sylvie Vermeillet et Nadia Sollogoub applaudissent également.)
Mme Catherine Deroche . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Cette proposition de loi n'est pas sortie du chapeau de M. Retailleau ; nous en parlons depuis des années avec l'Ordre des médecins et les doyens, dont la conférence s'y est déclarée favorable.
Notre rapporteure a procédé à deux clarifications indispensables. D'abord, l'allongement des études ne doit pas s'appliquer aux étudiants ayant entamé leur troisième cycle, qui ne doivent pas être pris au dépourvu. Ensuite, il ne s'agit pas uniquement de remédier au problème de l'accès aux soins dans les territoires sous-denses, mais de consolider la formation des jeunes médecins.
La crainte exprimée par les étudiants en 2019, lorsque la commission des affaires sociales a proposé une réforme de la troisième année du troisième cycle, venait de ce qu'ils ne se sentaient pas prêts à un exercice autonome ; ils redoutaient également une affectation dans un lieu non choisi.
Rien de tel dans ce texte, puisque la quatrième année sera faite en autonomie supervisée, sous l'autorité d'un maître de stage, et permettra un exercice coordonné, auquel nombre de jeunes médecins aspirent. Elle comportera de vrais apports pédagogiques pour les futurs médecins.
Il ne s'agit pas de transformer les internes en médecins de famille à l'ancienne, ni de mettre un médecin sous chaque clocher - ce modèle n'est plus d'actualité. Il convient, en revanche, de réfléchir à des zones d'activité médicale. La concurrence entre territoires est délétère, et il faut plus de coopération.
L'affectation forcée ne nous paraît pas souhaitable. Il n'y a pas véritablement de zone surdotée, en tout cas en secteur 1. Il faut associer les ARS, les unions régionales des professionnels de santé et les élus à la réflexion sur les zones d'affectation.
La nouvelle maquette incitera aussi les internes à ne pas repousser leur thèse. Il y a déjà 12 000 maîtres de stage pour les docteurs juniors, mais il faudra en augmenter le nombre.
Ce texte, bien sûr, ne constitue pas une réponse unique au creux dans la démocratie médicale : nous avons besoin de réponses multiples, de la télémédecine à la délégation de tâches. Mais il prépare les étudiants à la médecine de ville, afin qu'ils puissent s'installer en toute connaissance de cause. Je le voterai donc. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Daniel Chasseing . - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur quelques travées du groupe Les Républicains) Notre objectif est de faire venir des médecins dans nos villages et nos bourgs. Élu de Corrèze et médecin rural, je ne puis que constater dans nos territoires un manque dramatique de médecins. C'est pourquoi j'ai déposé une proposition de loi visant à favoriser l'accès aux soins dans les déserts médicaux. Faute de décisions rapides, nous courons à la catastrophe.
Je me réjouis de ce débat et remercie la rapporteure pour son travail.
Les étudiants en médecine que j'ai rencontrés ont le sentiment d'être exploités, payés 2 000 euros par mois après dix ans d'études : je le conçois totalement. Ils se plaignent également de ne pas être suffisamment secondés.
À la suite de ces rencontres, j'ai déposé trois amendements, dont deux ont été déclarés irrecevables au titre de l'article 40. L'un s'inscrivait dans la lignée d'une mesure négociée par Alain Milon avec les étudiants en 2019, selon laquelle les six derniers mois d'internat se feraient en territoire sous-dense : il s'agissait de créer un second stage dans le cadre du Saspas, en renforçant la rémunération des étudiants. L'autre visait à fixer la rémunération des docteurs juniors au niveau de dix consultations par jour payées à l'acte.
Rappelons que les internes ont déjà derrière eux neuf ans d'études. Ils peuvent consulter seuls, avec l'aide d'un médecin référent. La réalité de terrain, c'est aussi que les médecins, débordés, n'ont pas le temps d'être maîtres de stage.
Mon troisième amendement prévoyait que la troisième année d'internat s'effectue dans le territoire du CHU où l'étudiant a étudié.
L'État a l'impérieux devoir d'assurer l'accès aux soins sur tous les territoires, en écoutant davantage les étudiants. Le groupe Les Indépendants votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur des travées du groupe Les Républicains ; Mme Sylvie Vermeillet et M. Jean-Pierre Corbisez applaudissent également.)
Mme Raymonde Poncet Monge . - Signe d'impuissance des politiques publiques depuis longtemps, les zones sous-denses s'étendent. Selon la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees), les zones sous-denses ont augmenté de 15 %, et 60 % des territoires ruraux connaissent des difficultés d'accès à des médecins généralistes.
La Cour des comptes a constaté des effets d'aubaine induits par les mesures précédentes. Des études pointent des pistes intéressantes et durables. À cet égard, selon la méta-analyse de la Drees, le choix de s'installer dans une zone mal desservie est lié à des critères d'ordre personnel. L'origine rurale du médecin est un facteur essentiel d'installation en zone rurale. Être né en milieu rural, y avoir grandi, fait sa scolarité ressortent dans tous les pays comme le critère décisif pour l'installation en zone rurale.
Or les élèves issus de ces zones se heurtent à la barrière de la sélection à l'université, amplifiée par Parcoursup, véritable machine de reproduction sociale.
Les chances de réussite d'un enfant de cadre à l'université sont 2,5 fois supérieures à celles d'un enfant d'ouvrier. Les fusions d'université vont à l'encontre des recommandations de l'OMS. De nombreux pays ont entamé une décentralisation des lieux de formation, voire ouvert de nouvelles écoles de médecine.
Des réformes structurelles sont nécessaires. Les territoires ruraux subissent la dévitalisation économique. Le démographe Hervé le Bras a ainsi pu dire que la France des déserts médicaux était celle des Gilets jaunes.
Cette proposition de loi propose une régulation très partielle et contestée, faisant l'économie d'autres types de régulation plus efficaces. Le groupe écologiste votera contre.
M. Abdallah Hassani . - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Cette proposition de loi vise à préserver et améliorer notre système de soins sur nos territoires. La médecine générale est la seule spécialité qui ne compte que trois ans d'études et ne donne pas accès, dans sa dernière année, au statut de docteur junior.
Cette quatrième année permettrait l'arrivée chaque année de plusieurs milliers de jeunes professionnels dans des zones où l'offre médicale est faible. Plusieurs véhicules législatifs, dont le PLFSS, nous permettront de débattre encore de ces mesures.
Le texte vise à améliorer plus globalement la santé pour tous. Le nombre de maîtres de stages a augmenté de 9,6 % entre 2019 et 2021.
Les souhaits des jeunes professionnels doivent être pris en compte, notamment l'organisation avec le conjoint.
Je viens d'un territoire non pas sous-doté mais sous-sous-doté. Je salue, à cet égard, le travail de mon collègue de la commission des affaires sociales sur le système de soins à Mayotte : 27 généralistes libéraux, dont 7 maîtres de stage, pour 300 000 habitants !
À La Réunion, il y a 1 200 généralistes et 160 maîtres de stage pour trois fois plus d'habitants. Mayotte n'a pas de CHU, ce qui multiplie les évacuations sanitaires vers La Réunion, voire en métropole. Ceux qui n'ont pas les moyens renoncent aux soins.
La sécurité sociale à Mayotte est toujours régie par des dispositions spécifiques, mais la convergence progresse : l'année prochaine, nous bénéficierons de la complémentaire santé solidaire. L'absence de convention signée par les médecins libéraux avec la sécurité sociale pose de nombreux problèmes.
Une quatrième année de troisième cycle apporterait beaucoup aux internes qui la feraient à Mayotte. Je salue aussi la création, sur l'initiative du centre hospitalier, d'une agence territoriale de regroupement, qui assurera le recrutement des agents hospitaliers.
Cette proposition de loi contribue à lever les blocages. Le RDPI la votera. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées du groupe Les Républicains)
M. Bernard Jomier . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Notre monde vit assez de malheurs pour qu'on lui épargne celui de mal nommer les choses. Or cette proposition de loi installe une confusion : son titre a été amputé de la partie relative aux déserts médicaux, mais cette question est omniprésente dans les propos que nous venons d'entendre, à commencer par ceux de l'auteur du texte.
Ce n'est pas parce que son titre a été expurgé que la proposition de loi porte bien sur la formation des internes en médecine générale. Masquer les objectifs est malheureusement récurrent dans le débat public. Nous préférons, nous, les intentions clairement affirmées. À cette aune, le texte est maladroit. Notre vie publique est encombrée d'euphémismes : concertation veut dire « cause toujours » et coconstruction, « on fait comme j'ai prévu »...
Nous connaissons bien les aptitudes de M. Retailleau à la clarté et à la synthèse ; je ne puis pas croire qu'il vienne juste de les perdre... (Sourires) Clarifions, donc.
Peut-on conjuguer meilleure professionnalisation des études de médecine générale et apport de temps médical supplémentaire ? Doit-on proposer aux jeunes médecins de participer à une meilleure offre de soins dans les 85 ou 90 % du territoire qui en ont bien besoin ?
Si l'on répond non, s'il n'est question que de formation, alors quatrième année et lieux de stage n'ont rien à faire dans le texte.
Mme Cathy Apourceau-Poly. - Exactement !
M. Bernard Jomier. - Ce n'est pas au Parlement de décider de la durée des études de médecine, ni des lieux où les étudiants ont à effectuer leurs stages.
M. Pierre Ouzoulias. - Il y a l'autonomie universitaire !
M. Bernard Jomier. - On abaisse le niveau de la loi dans ce débat réglementaire. (M. Pierre Ouzoulias renchérit.)
M. Bruno Retailleau. - Alors on ne fait rien ? Impossibilisme français...
M. Bernard Jomier. - Il faut tenir le langage de la vérité aux premiers concernés. En leur disant, d'abord, qu'ils ne sont pas responsables de la grave pénurie de médecins que connaît notre pays. Au mi-temps des années soixante-dix, nous formions 10 000 médecins par an... Nous sommes tombés à 3 500, nous sommes aujourd'hui à 8 500. Comment ne ferions-nous pas face à une pénurie profonde ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST)
Les responsables, ce sont les gouvernements successifs, obsédés par la réduction des coûts par la réduction de l'offre. Cette politique a été soutenue par les syndicats professionnels médicaux et l'Ordre des médecins.
M. Jean-Michel Arnaud. - Eh oui !
Mme Émilienne Poumirol. - Très bien !
M. Bernard Jomier. - Les jeunes médecins refusent à raison ce dispositif précipité et le statut sous-rémunéré qui leur est proposé. Il faut négocier avec eux. (Mme Émilienne Poumirol et M. Daniel Breuiller applaudissent.)
Les approches se sont complexifiées : la rareté de l'offre, les nouveaux parcours de soins et les enjeux sociaux rendent inopérante une approche strictement sanitaire.
Concilier professionnalisation et temps médical accru ne passe pas par la création d'une quatrième année. Privilégions plutôt une année de professionnalisation qui respecte les jeunes médecins, les rémunère à leur juste valeur et prenne en compte leurs problématiques de vie.
Ce texte est précipité. Nous avons d'ailleurs bien perçu la course engagée avec le Gouvernement, qui a inscrit ce dispositif dans le PLFSS. Nous allons revoir l'alliance de juillet autour de certains textes... (Marques d'agacement à droite)
Il faut négocier avec les jeunes médecins les moyens de dégager du temps médical supplémentaire. On négocie d'abord, on légifère ensuite ! Nous voterons contre ce texte contreproductif et en appelons à la responsabilité partagée. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE ; M. Jean-Pierre Corbisez applaudit également.)
M. Alain Milon . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) En 1947, Jean-François Gravier publiait « Paris et le désert français », démontrant le fort déséquilibre entre Paris et la province et ses conséquences.
Trois quarts de siècle plus tard, cette problématique est particulièrement sensible en matière médicale. Depuis quelques décennies, peut-être quarante ans, monsieur Jomier, les déserts médicaux s'étendent. Le phénomène n'est plus seulement rural.
Est-il spécifique ou résulte-t-il de la disparition des services publics dans certains territoires ? Peut-on espérer l'installation de médecins dans des territoires sous-équipés en services publics de qualité ? La vie d'un médecin de campagne des années soixante-dix ou quatre-vingt correspond-elle aux attentes des jeunes médecins d'aujourd'hui ? L'évolution des mentalités et la judiciarisation de la société affectent nécessairement les installations.
Nous devons concilier les attentes des jeunes médecins avec celles d'une patientèle inquiète du manque d'accès aux soins.
Cette proposition de loi rassure les élus locaux et améliore le cursus de formation des étudiants en médecine générale.
Dès 2019, nous avions adopté un dispositif similaire, mais resté lettre morte, faute de décret d'application. Or voici que le Gouvernement ajoute à la hâte un dispositif quasi identique dans son projet de loi de financement de la sécurité sociale, s'appropriant ainsi en catimini le travail du Sénat. Ce procédé traduit une forme de mépris.
Les débats en commission ont été passionnants, tant le sujet est multidimensionnel. Je sais que les internes contestent l'allongement d'un an du troisième cycle et sont inquiets du stage en ambulatoire.
Mais, grâce à cette année supplémentaire, ils acquerront le statut de docteur junior et bénéficieront de l'accompagnement d'un médecin superviseur. La quatrième année représente donc une réelle avancée.
Toutefois, les conditions de rémunération et d'accueil des étudiants restent en suspens. Les frais seront-ils à la charge des seules collectivités territoriales ?
Par ailleurs, les maîtres de stage seront-ils en nombre suffisant et équitablement réparti ? Leur rémunération doit cesser d'être versée avec des mois de retard, facteurs de démotivation.
Enfin, il convient de réfléchir au lien entre création de postes d'internes et démographie des territoires à l'échelle des bassins de vie, afin d'éviter les distorsions. Dans les Alpes-Maritimes, il y a vingt postes d'interne pour 1,2 million d'habitants...
Cette proposition pose les jalons d'un meilleur accès aux soins, en respectant le principe cardinal de libre installation. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Véronique Guillotin applaudit également.)
Mme Anne Ventalon . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Comment la France, Nation à la médecine réputée et au système de soins envié, a-t-elle pu en arriver à une telle pénurie ? Songeons que 11 % de la population n'a pas de médecin traitant - dans un territoire comme l'Ardèche, c'est le double.
La responsabilité est partagée : au début des années quatre-vingt-dix, aux élus inquiets de la démographie médicale, les gouvernements répondaient par des projections lénifiantes...
De notre inertie ou de notre action dépendra l'accès aux soins des prochaines décennies, marquées par un vieillissement prononcé. Le problème doit être abordé sans tabou. Le salut viendra d'une conjugaison de solutions complémentaires et volontaristes.
Il est de notre devoir de proposer des solutions concrètes et viables. À cet égard, je salue l'initiative de Bruno Retailleau.
Les élus des territoires créent des maisons de santé pluridisciplinaires, mettent en place le salariat des médecins ou, comme le conseil départemental d'Ardèche, proposent des solutions de logement aux internes.
Les internes ne sauraient être montrés du doigt : ils sont, au contraire, une partie de la solution. La solution proposée n'est pas unique, mais constitue un des leviers à actionner pour restaurer le droit de chacun à la santé.
Cette quatrième année alignera la formation des généralistes sur le cursus des autres spécialités. Les futurs médecins bénéficieront de la supervision d'un médecin expérimenté et d'une rémunération plus élevée que pendant leurs années d'internat. Dans les territoires sous-dotés, ils prendront, à l'aube de leur carrière, la mesure du délaissement, voire de la détresse, qui existe en matière médicale, ce qui mobilisera leur conscience civique. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Pierre-Antoine Levi applaudit également.)
La discussion générale est close.
Discussion des articles
ARTICLE UNIQUE
M. Fabien Genet . - Je salue cette initiative de consolidation et de professionnalisation de la formation des internes. C'est un espoir pour nombre de territoires.
Certains parlent de précipitation, nous accusent de mettre la charrue avant les boeufs... Comme élu charolais, j'estime plutôt qu'on a trop tardé ! (Sourires)
Nos aides-soignants sont confrontés à l'irresponsabilité totale de notre système de santé. Chez moi, l'ARS a renvoyé des patients vers le maire que j'étais... Toutefois, la situation s'améliore parfois : nous avons créé une maison de santé pluridisciplinaire. Je pourrais parler d'autres communes, comme Cuiseaux.
Nos concitoyens ruraux s'adaptent aux cabines de télémédecine ou, demain, aux médecins stagiaires. Mais le principe d'une médecine à deux vitesses ne doit pas être entériné. Il faut une mobilisation générale au service du grand oublié : le patient ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Emmanuel Capus applaudit également.)
Mme Cathy Apourceau-Poly . - Il y a quelques années, les études de médecine duraient sept ans. Les médecins étaient-ils moins compétents ? Aujourd'hui, nous nous en sortons moins bien : il n'y a plus de médecins dans notre bassin minier.
Allonger la durée des études résorbera-t-il les déserts médicaux ? Qui encadrera les jeunes médecins volontaires ? On les paiera 2 000 à 2 500 euros par mois, après dix ans d'études...
Nous ne pouvons continuer à laisser s'installer des médecins dans des zones fortement excédentaires. Il faut réduire les premier et deuxième cycles. Nous plaidons pour une refonte d'ensemble des études de médecine, avec l'ensemble des partenaires concernés.
Certes, il n'y a plus de numerus clausus, mais les effets ne seront là que dans dix ans. Il faut augmenter le nombre de places dans les facultés ! (Applaudissement sur les travées du CRCE ; Mme Michèle Meunier applaudit également.)
M. Pierre Ouzoulias . - L'hôpital public ne peut fonctionner sans les internes. La formation d'un généraliste coûte à l'université 104 000 euros par an, pour un travail d'une valeur estimée à 121 000 euros. Les internes gagnent six euros de l'heure, alors que 70 % d'entre eux dépassent le plafond légal de 48 heures travaillées par semaine... Les internes sont les seuls étudiants qui rapportent de l'argent à l'État ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE, sur de nombreuses travées des groupes SER et UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains)
Mme Sonia de La Provôté. - Exactement !
M. Pierre Ouzoulias. - Ils le vivent comme une injustice profonde.
Manuel Tunon de Lara, président de France Universités, ancien président de l'université de Bordeaux et praticien hospitalier, a déclaré devant la commission de la culture du Sénat : « Les CHU vont dans le mur ». Entre cinquante et soixante professeurs de médecine ont démissionné depuis 2018. Croyez-vous vraiment que cette réforme est celle dont le monde médical a besoin ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE, sur de nombreuses travées des groupes SER et UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains)
M. Bruno Rojouan . - En commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, nous avons beaucoup travaillé sur le sujet de l'accès aux soins dans les territoires en souffrance ; notre approche est un peu différente de celle de la commission des affaires sociales.
Enfin une proposition de loi qui envoie un message fort vers ces populations délaissées et vers les élus locaux ! À chaque réunion, les maires évoquent ce problème de la présence médicale.
Vu la situation désastreuse, on ne pourra s'arrêter là, et le vote sur ce texte ne sera qu'une première étape. J'ai déposé une proposition de loi comprenant un ensemble de mesures qui devront être prises simultanément afin que tous les Français voient leur situation s'améliorer.
M. le président. - Il faut conclure.
M. Bruno Rojouan. - Ce texte n'est qu'un point de départ. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)
M. Jean-Luc Fichet . - J'aimerais tellement que ça marche ! (Sourires) Cela fait dix ans que le Sénat débat de ces sujets. Avec Hervé Maurey, nous avions produit un premier rapport en 2011-2012. Nos propositions étaient sans doute coercitives, mais elles me semblent toujours indispensables.
La quatrième année vise à répondre de manière masquée au problème des déserts médicaux. À condition d'avoir un maître de stage, un logement, une voiture, un cabinet médical mis à disposition par le maire, l'interne pourra effectuer son stage dans une zone sous-dense ; on évalue le potentiel à 3 600 médecins. Je n'y crois pas. Les internes ont une autre approche. Reconsidérons la manière dont ils sont traités à l'hôpital - à la limite de l'esclavage ! (M. Pierre Ouzoulias renchérit.)
Comment l'État répartit-il aujourd'hui les médecins sur l'ensemble du territoire ? Voilà la vraie question. Ce texte n'y répond pas. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE)
M. Stéphane Sautarel . - Je remercie Bruno Retailleau pour cette initiative indispensable - même si elle n'est pas suffisante. La question de l'accès aux services publics essentiels que sont la santé, la sécurité et l'éducation est cruciale. Soyons à la hauteur de la confiance placée en nous par nos concitoyens.
Certes, les internes ne résoudront pas tous les problèmes. Toutefois, c'est un premier signe envoyé à des territoires en désespérance. Nous pouvons débattre, mais nous devons agir ! Ce sera un premier pas en direction des élus et des territoires. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)
M. Jean-Pierre Sueur . - Notre collègue Joly avait déposé deux amendements portant sur le rapport entre la formation et la présence médicale.
Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales. - Ils sont irrecevables.
M. Jean-Pierre Sueur. - Je tiens à exprimer mon profond désaccord sur l'interprétation qui est faite de l'article 45 de la Constitution, selon lequel « tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu'il présente un lien, même indirect, avec le texte ». Que l'on m'explique pourquoi ces deux amendements ont été jugés irrecevables ! Faute de quoi, nous sommes dans l'arbitraire. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE ; Mme Raymonde Poncet Monge applaudit également.)
Mme Élisabeth Doineau . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Je salue cette initiative et remercie le ministre de l'avoir reprise dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Malgré le changement d'intitulé, nous avons parlé davantage de démographie médicale que de formation des médecins. Je le regrette, car aucune réforme n'aboutira sans l'adhésion des premiers concernés. Or les étudiants en médecine ont exprimé leur mécontentement dans la rue la semaine dernière, nous devons les entendre. Ils ne veulent pas être les variables d'ajustement d'une situation née de notre manque d'anticipation.
Comment imaginer recruter plus de maîtres de stage, alors que les généralistes actuels approchent de la retraite ? Nous ne disposons même pas des 12 000 maîtres de stage nécessaires. Je m'abstiendrai sur ce texte.
M. Emmanuel Capus . - Je soutiens sans réserve la proposition de loi. Elle va dans le même sens que celle de Daniel Chasseing que j'ai co-signée - retirée depuis. Il faut dépasser nos clivages, car ce problème concerne tous nos territoires. Dans le Maine-et-Loire, les généralistes ne prennent plus de nouveaux patients - même à Angers ! De nombreuses personnes ne sont pas suivies.
Les maires s'ingénient à faire face en construisant des maisons de santé, à leurs frais, en faisant venir des médecins roumains... Partout, c'est la débrouille.
La solution passe par l'adhésion des étudiants en médecine, et par une juste rémunération de leur effort. (M. Daniel Chasseing et Mme Frédérique Puissat applaudissent.)
Mme Sonia de La Provôté . - Être médecin de famille, c'est un choix. Les jeunes qui choisissent cette voie sont les piliers de la médecine de demain. Pourquoi ne s'installent-ils pas ? Pourquoi leur rémunération est-elle inférieure à la moyenne européenne ? Pourquoi choisissent-ils de faire autre chose au cours de leur carrière ? Pourquoi décident-ils de se salarier ? Seuls un cinquième des étudiants reçus à l'internat deviendront médecins de premier recours.
Je ne voterai pas cette proposition de loi qui ne règle ni la question de la rémunération, ni celle des conditions d'exercices. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur plusieurs travées du groupe SER)
M. Pierre Ouzoulias. - Très bien.
M. Bruno Belin . - Il y a trente ans, nous avons diminué le numerus clausus pour faire des économies de sécurité sociale, en sacrifiant des générations d'étudiants qui nous auraient été bien utiles aujourd'hui.
Prenons date, monsieur le ministre. On nous a raconté que la fin du numerus clausus règlerait tout - et on l'a remplacé par le numerus apertus - bientôt le numerus proximus ? (Murmures à gauche) Le numerus apertus, c'est le nombre d'étudiants que les universités estiment être en capacité de former. Les riches forment donc des riches, et les pauvres, des pauvres - car il y aura toujours plus d'étudiants formés à Paris Ouest qu'en province.
Le numerus apertus a-t-il changé quelque chose concrètement ? Combien de places ont-elles été créées ? Êtes-vous prêt à le réévaluer, à faire de la transparence ? (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, CRCE et sur quelques travées du groupe SER ; M. Emmanuel Capus applaudit également.)
M. Patrice Joly . - Je suis surpris que l'intitulé de cette proposition de loi ait été amputé. L'accès à la santé dans les territoires est un problème majeur. L'égalité est bafouée, ce qui a des conséquences sur l'espérance de vie de nos citoyens : dans la Nièvre, elle est nettement inférieure à la moyenne. Il y a urgence. Nos concitoyens attendent de la puissance publique qu'elle organise la présence sanitaire.
Nous devons redéfinir les zones sous-dotées et sur-dotées : les zones sous-denses sont celles où le nombre de médecins est inférieur à la moyenne nationale - c'est aussi simple que cela.
J'avais déposé une proposition de loi en août dernier visant à réguler le conventionnement, à limiter l'intérim et à apporter des aides à l'installation. Les Français souffrent, monsieur le ministre. Au secours ! Agissez concrètement, agissez vite ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER)
Mme Victoire Jasmin . - Je suis gênée de ne parler que de la formation des internes en médecine générale, alors que l'intitulé initial traitait aussi des déserts médicaux.
On rencontre les mêmes problèmes de qualité de soins, d'aménagement du territoire en outre-mer que dans le reste du pays. Ce texte ne peut pas tout résoudre.
Les internes travaillent, suppléent, prennent des responsabilités. Or ils sont exploités et pas suffisamment payés. Personne ne parle de ceux qui se sont suicidés durant le confinement. Pensons à leur qualité de vie et à la qualité de vie de nos populations. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE)
M. le président. - Amendement n°9 rectifié, présenté par M. Jomier et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Rédiger ainsi cet article :
Le premier alinéa du II de l'article L. 632-2 du code de l'éducation est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« II. - Le troisième cycle de médecine générale est suivi d'une année de professionnalisation lors de laquelle les étudiants exercent des fonctions de prévention, de diagnostic et de soins, avec pour objectif de parvenir progressivement à une pratique professionnelle autonome. Ils exercent en pratique ambulatoire auprès d'un maître de stage universitaire, dans l'un des territoires mentionnés au 1° de l'article L. 1434-4 du code de la santé publique.
« Leurs conditions matérielles d'exercice sont fixées par arrêté, après négociation avec les organisations syndicales des étudiants de troisième cycle des études de médecine générale. »
M. Bernard Jomier. - Cet amendement affirme la nécessité d'une année de professionnalisation, tout en renvoyant les modalités à une négociation avec les organisations professionnelles. En créant brutalement une quatrième année, alors que la question de la rémunération, du lieu d'affectation, des moyens matériels n'a pas été réglée, vous avez mis tous les internes en grève. Renvoyons à la négociation avant d'adopter un dispositif définitif.
Mme Corinne Imbert, rapporteure. - Le sujet de la démographie médicale n'a pas disparu, seuls les termes de « déserts médicaux » ont été retirés, car ils ne correspondent pas à la réalité et font insulte aux élus locaux qui oeuvrent à l'attractivité de leur territoire. La France n'est pas un désert ; ce terme péjoratif risque de décourager des médecins de s'installer. (On le conteste sur les travées des groupes SER et CRCE.)
Nous respectons les internes en médecine. Si cette proposition de loi est adoptée, ils seront docteurs juniors en quatrième année et seront rémunérés en fonction de leur travail. L'effort qui leur est demandé impose en effet une reconnaissance. C'est l'objet de l'amendement présenté par le docteur Savary.
Cet amendement ne permet pas de compléter le troisième cycle de médecine générale. Or l'ajout d'une phase de consolidation est essentiel. Au Gouvernement de définir les modalités de rémunération adaptées. Avis défavorable.
M. François Braun, ministre. - L'ajout d'une quatrième année vise à doter la spécialité de médecine générale d'une phase de professionnalisation, à l'instar des autres spécialités médicales. Je ne suis pas favorable à la concertation, qui est toujours contre-productive... (On s'amuse du lapsus du ministre.)
Mme Catherine Deroche, présidente de la commission. - Vous voulez sans doute parler de la coercition.
M. François Braun, ministre. - Je vous remercie de vous intéresser à la rémunération des internes. Avis défavorable.
M. Pierre Ouzoulias. - Nous sommes tous très attachés à l'autonomie des universités - Mme Pécresse tout particulièrement. Or le législateur intervient pour la première fois dans un cursus universitaire. (Mme Catherine Deroche, présidente de la commission, le conteste.) C'est un changement radical ! Si vous touchez aux études, vous remettez en question le processus de Bologne. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe SER)
M. Bernard Jomier. - Que la commission ait supprimé les termes « déserts médicaux », personne n'en sera chafouin. Toutefois, vous auriez dû évoquer le dispositif visant à améliorer l'offre de soins dans les territoires. En l'effaçant, on crée la confusion. Ne cherchez pas ailleurs les causes de la grève des internes.
Rémunération à l'acte, salaire, mélange des deux : la question doit être tranchée par la négociation. Vous mettez la charrue avant les boeufs. Nous maintenons cet amendement.
Mme Nathalie Goulet. - Monsieur le ministre, vous avez dit ne pas être favorable à la concertation. J'imagine que vous vouliez parler de la coercition... (M. le ministre le confirme.)
Mme Laurence Cohen. - Vos propos n'auraient pas eu de sens sans cette précision, monsieur le ministre. À quoi, sinon, aurait donc servi le CNR ? (Sourires)
Notre groupe ne rentrera pas dans le jeu des amendements, car nous sommes en désaccord avec ce texte, qui ne résout aucun des problèmes. Desserrons l'étau du numerus apertus.
La majorité des jeunes médecins sont attirés par un exercice salarié, en équipe, or cette proposition de loi encourage la pratique libérale. Fâcheux hiatus. Laissons-les décider librement.
Mme Sonia de La Provôté. - Je m'abstiendrai sur tous ces amendements. En fin de cursus, à 27 ans, on a parfois des enfants en bas âge, le conjoint est engagé dans la vie professionnelle. Il me semble difficile d'envoyer ces internes, qui s'engagent dans le service public, loin de chez eux pour pallier les carences des politiques publiques.
M. René-Paul Savary. - La quatrième année ne tombe pas du ciel. On en parle depuis des années, pour mettre le troisième cycle de médecine générale à égalité avec les autres spécialités. Cette revendication est ancienne, mais elle a été mise sous le tapis par manque de courage, sans doute.
Les internes savent bien qu'une formation à l'installation est intéressante. Ils iront dans des territoires plus ou moins attractifs, mais avec un médecin qui les prendra en main. Un territoire sans maître de stage n'aura pas d'interne. Soyons-y attentifs. Ils ne seront pas maltraités - en tout cas pas plus qu'à l'hôpital. Ils découvriront des territoires merveilleux, et je suis convaincu que beaucoup s'y installeront, et pas forcément en libéral.
Monsieur le ministre, on pourrait se pencher sur la durée des deux premiers cycles, de manière à réduire ces six ans à cinq. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Daniel Chasseing. - Je suis favorable à ce que l'on rémunère davantage les étudiants en quatrième année. Il est évident qu'après dix ans, on ne peut pas les payer 2 000 euros par mois.
J'ai proposé dix consultations par jour : un médecin débordé qui fera appel à un jeune médecin pourra lui confier cela et être là pour le conseiller en cas de problème.
Ne parlons plus de déserts médicaux. Les médecins sont là pour soigner, là où on a besoin d'eux. C'est leur vocation. Je ne vois pas où est le problème à le leur demander. La plupart sont d'accord. C'est un problème de rémunération. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)
M. Emmanuel Capus. - Très bien !
Mme Catherine Deroche, présidente de la commission. - Monsieur Ouzoulias, nous avons déjà légiféré en 2019 sur la troisième année ; demain, nous examinerons une proposition de loi sur les sages-femmes sur laquelle votre groupe est moteur, qui touche elle aussi à la formation.
Il n'y a pas d'opposition entre la commission des affaires sociales et les autres commissions : ses membres sont aussi des élus locaux. Je ne suis pas favorable à la coercition : partout où elle a été instaurée, elle n'a jamais fonctionné. Lisez le rapport de Mme Polton sur les pénuries de médecins dans différentes zones géographiques ! Nous revenons de Suède, où les problèmes sont les mêmes. (Mme Véronique Guillotin applaudit.)
L'amendement n°9 rectifié n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°3 rectifié quinquies, présenté par Mmes F. Gerbaud et Gruny, MM. Milon et Belin, Mme Bellurot, MM. Bonhomme, Bonne et Bouchet, Mme Boulay-Espéronnier, MM. Brisson, Burgoa, Calvet, Charon, Courtial et Decool, Mmes Delmont-Koropoulis, Demas, Deseyne, Devésa et Drexler, M. B. Fournier, Mmes Garnier et Garriaud-Maylam, MM. Grosperrin et Guerriau, Mme Herzog, MM. Klinger, Longuet, Menonville, Moga, Pellevat, Pointereau et Rapin, Mmes Richer et M. Vogel, MM. Wattebled et Babary et Mmes Borchio Fontimp, N. Delattre et Perrot.
Alinéa 3
Compléter cet alinéa par les mots :
de la région à laquelle appartient la subdivision territoriale de l'étudiant
Mme Frédérique Gerbaud. - Il s'agit d'affecter les étudiants en priorité dans leur subdivision territoriale de rattachement. Un tel fléchage éviterait que des territoires de rattachement naturel des stagiaires se trouvent spoliés en faveur de territoires objectivement moins défavorisés.
M. le président. - Amendement identique n°8 rectifié quater, présenté par MM. Chasseing, Grand, Médevielle et Lagourgue, Mme Mélot, M. A. Marc, Mme Paoli-Gagin, MM. Malhuret et Laménie, Mme Noël, M. Le Rudulier, Mmes N. Goulet, Micouleau et Vermeillet et M. Cigolotti.
M. Daniel Chasseing. - Il est normal que le territoire qui forme des médecins bénéficie des forces vives. Cela permettra aussi une meilleure répartition et répond à l'objectif de lutte contre les zones sous-denses.
Mme Corinne Imbert, rapporteure. - Je comprends l'intention des auteurs. Le nombre de maîtres de stage n'est pas forcément proportionnel à la population des internes- mais les deux amendements ont été rectifiés pour n'exclure aucun territoire. Dès lors, avis favorable.
M. François Braun, ministre. - Madame Goulet, je vous remercie d'avoir corrigé mon lapsus - non révélateur ! (Sourires). Je suis un inconditionnel de la concertation et fermement opposé à la coercition.
L'affectation des internes se fait déjà dans la subdivision territoriale de leur faculté. Il faut conserver de la souplesse, notamment pour les territoires limitrophes. La répartition des postes d'internes est décidée conjointement avec le ministère de la santé en tenant compte des besoins de santé des territoires.
Avis défavorable à cet amendement, satisfait par les textes existants.
Les amendements identiques nos3 rectifié quinquies et 8 rectifié quater sont adoptés.
M. le président. - Amendement n°13 rectifié, présenté par MM. Savary, Babary et Bazin, Mmes Bellurot, Belrhiti et Berthet, MM. J.B. Blanc, Bonne, Bouloux, Brisson, Burgoa, Calvet, Cambon, Cardoux et Charon, Mmes Chauvin et L. Darcos, M. Daubresse, Mmes Delmont-Koropoulis, Deseyne et Dumont, M. Favreau, Mme Férat, MM. B. Fournier et Genet, Mme F. Gerbaud, M. Gremillet, Mme Gruny, MM. Klinger et Laménie, Mme Lassarade, MM. Lefèvre et Longuet, Mmes Malet et Micouleau, MM. Pellevat, Perrin et Piednoir, Mme Puissat, M. Reichardt, Mme Richer et MM. Rietmann, Sol, Tabarot, C. Vial et J.P. Vogel.
Après l'alinéa 3
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
... - Le III de l'article L. 632-2 du code de l'éducation est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« ...° Par dérogation à l'article L. 632-5, les modalités de rémunération propres aux étudiants de la quatrième année de troisième cycle de médecine générale. »
M. René-Paul Savary. - Cet amendement aborde la question de la rémunération de cette quatrième année, via une dérogation au décret existant. Il faut une rémunération digne, sans mettre à mal celle des spécialistes. Nous avons donc finalement abandonné l'idée d'une rémunération à l'acte.
Je suis stupéfait de pouvoir proposer cet amendement sans me faire opposer l'article 40, alors que c'est une dépense supplémentaire... (On s'amuse sur les travées de gauche.) Pourtant, un amendement qui réduisait d'un an la durée des deux premiers cycles - pour rester à neuf ans en tout - a, lui, été déclaré irrecevable !
Mme Corinne Imbert, rapporteure. - C'est la commission des finances qui manie l'article 40, pas la commission des affaires sociales.
M. André Reichardt. - Ça ne change rien.
Mme Corinne Imbert, rapporteure. - Le gouvernement doit avancer sur la question des rémunérations, en concertation avec les parties prenantes. Avis favorable.
M. François Braun, ministre. - C'est l'objet de la mission mise en place avec la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, qui devrait rendre ses conclusions au premier trimestre 2023. Le sujet est à travailler en concertation avec les parties concernées. Retrait ?
M. René-Paul Savary. - Il ne m'a pas échappé que vous aviez lancé une concertation. Mais quel qu'en soit le résultat, vous devrez prendre une dérogation par rapport au décret. Alors autant montrer votre ouverture dès aujourd'hui !
Mme Cathy Apourceau-Poly. - Exactement !
M. André Reichardt. - Je voterai cet amendement que j'ai cosigné. Il est apparu tout au long du débat que la rémunération était un élément essentiel.
Que ce soit la commission des finances ou non, nous sommes confrontés aux limites de l'application de l'article 40 - comme de l'article 45, au demeurant. (Mme Jocelyne Guidez applaudit.) J'ai déjà demandé comment était évaluée l'irrecevabilité. On m'a envoyé un fascicule très complexe, auquel on ne comprend rien. Cet exemple est typique. (Applaudissements sur plusieurs travées des groupes Les Républicains et UC)
Mme Cathy Apourceau-Poly. - Les questions posées sur la rémunération montrent les limites de cette proposition de loi, faute de concertation avec les internes.
On parle d'une rémunération à l'acte, mais cela créerait des inégalités entre les zones sous denses ! (On le conteste à droite.) Pour un même travail, la rémunération ne serait pas la même : c'est scandaleux !
M. Philippe Mouiller. - L'amendement prévoit une dérogation pour laisser le temps au Gouvernement de négocier avec les étudiants afin d'obtenir un dispositif cohérent sur tout le territoire. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. André Reichardt. - Bien sûr !
M. Daniel Chasseing. - J'avais proposé dix consultations minimum en libéral. Mais en libéral, il y a des jours avec plus ou moins de consultations. C'est ainsi et ce n'est en aucun cas une discrimination.
Les médecins qui prendront un junior le feront parce qu'ils sont débordés. Dix consultations par jour, cinq jours par semaine, cela fait 5 000 euros par mois.
L'amendement n°13 rectifié est adopté.
M. le président. - Amendement n°14 rectifié sexies, présenté par Mmes Bellurot et F. Gerbaud, MM. Perrin et Rietmann, Mme Thomas, MM. Brisson, Calvet et Reichardt, Mmes Demas, Puissat et Ventalon, MM. Cambon, Lefèvre et Bazin, Mmes Eustache-Brinio et Belrhiti, M. Paccaud, Mmes Procaccia et Micouleau, MM. Bonne, Belin, E. Blanc, Bouchet, Babary et Meignen, Mmes Estrosi Sassone et Lassarade, M. Charon, Mme Bonfanti-Dossat, M. H. Leroy, Mmes Canayer, Deseyne et Dumont, MM. Bouloux et J.B. Blanc, Mme Gosselin et MM. C. Vial, Genet, B. Fournier et Pointereau.
Après l'alinéa 3
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
.... - Après le 3° du III de l'article article L. 632-2 du code de l'éducation, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
«...° Les conditions d'agrément des médecins retraités comme maîtres de stage des universités. »
Mme Nadine Bellurot. - Cet amendement pragmatique devrait vous combler, monsieur le ministre : il prévoit qu'un médecin retraité puisse être référent.
En 2014, ma commune de Reuilly, dans l'Indre, de moins de 2 000 habitants, comptait deux généralistes et un dentiste ; aujourd'hui, il n'y en a plus du tout. Nous devons profiter de l'expérience et de la bonne volonté de ces médecins retraités, qui sont prêts à accompagner de jeunes médecins.
C'est un amendement d'appel car la mesure est d'ordre réglementaire, mais si l'on ne s'appuie pas sur les médecins retraités, cela ne fonctionnera pas.
Mme Corinne Imbert, rapporteure. - La réforme ne pourra réussir que si elle garantit un accompagnement aux internes. L'ouverture à des médecins retraités enverrait un mauvais signal aux étudiants. L'accompagnement est déjà ouvert aux médecins qui cumulent l'emploi et la retraite.
Nombre de collectivités s'engagent pour former des maîtres de stage ; je pense en particulier au conseil départemental de Charente-Maritime. C'est important pour les départements dépourvus de faculté. Retrait ou avis défavorable.
M. François Braun, ministre. - Même avis.
Mme Nadine Bellurot. - Je vais retirer mon amendement. (On le déplore sur certaines travées du groupe Les Républicains.)
La rédaction du décret tiendra-t-elle bien compte du cumul emploi-retraite ? Il faut que les médecins retraités puissent être agréés pour accueillir des docteurs juniors. Je le vois bien dans ma commune : les médecins récemment retraités sont compétents, connaissent la patientèle, ils seraient de bons maîtres de stage.
L'amendement n°14 rectifié sexies est retiré.
À la demande des groupes Les Républicains et CRCE, l'article unique, modifié, est mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°4 :
Nombre de votants | 344 |
Nombre de suffrages exprimés | 328 |
Pour l'adoption | 233 |
Contre | 95 |
Le Sénat a adopté.
APRÈS L'ARTICLE UNIQUE
M. le président. - Amendement n°12 rectifié, présenté par M. Sol, Mme Garriaud-Maylam, MM. Houpert, Genet, C. Vial, H. Leroy et Bouchet, Mmes Bonfanti-Dossat, Micouleau et Belrhiti et MM. Burgoa, Cambon et Calvet.
Après l'article unique
Insérer un article additionnel ainsi rédigé
I. - Le 7° du III de l'article L. 632-2 du code de l'éducation est complété par les mots : « sans que le nombre de postes ouverts en médecine générale ne puisse représenter moins de 70 % du nombre de postes ouverts ».
II. - Le I entre en vigueur à une date fixée par voie réglementaire et, au plus tard, le 1er janvier 2025.
M. Jean Sol. - Par cet amendement, je propose un pourcentage d'étudiants se destinant à la médecine générale en troisième cycle de 70 %, contre 30 % pour les autres spécialités.
Mme Corinne Imbert, rapporteure. - Quelque 40 % des étudiants accédant au troisième cycle se destinent à la médecine générale et cela augmente chaque année. Votre amendement risque de mettre en difficulté des spécialités comme la gynécologie, la pédiatrie, la réanimation, tout aussi essentielles. Avis défavorable.
M. François Braun, ministre. - Même avis.
M. Jean Sol. - J'y crois, donc je le maintiens !
Mme Sonia de La Provôté. - En gynécologie, ophtalmologie, anesthésie-réanimation, on manque aussi de médecins ! On a besoin de tous les médecins et de promotions plus importantes. Il y a une complicité collective à ne pas avoir formé assez de médecins pendant des années.
Les médecins généralistes sont de facto polyvalents : ils sont tour à tour gynécologues, cardiologues de ville, etc.
Sur la portion congrue des effectifs de l'internat, ne mangeons pas la part des autres !
L'amendement n°12 rectifié n'est pas adopté.
Interventions sur l'ensemble
M. Alain Houpert . - Cette proposition de loi pose une bonne question sur la démographie médicale, mais apporte-t-elle une bonne réponse ? (Quelques exclamations « non ! » à gauche) Je ne le pense pas. En médecine, on traite toujours la cause et ici, la cause, c'est l'aménagement du territoire, éternel voeu pieux.
Il n'y aurait pas de déserts médicaux si les territoires étaient véritablement attractifs. Déplacer un étudiant de quatrième année dans un territoire, c'est déplacer toute une famille, trouver un logement, des écoles... (M. Patrice Joly ironise.)
On explique souvent que les étudiants en médecine sont favorisés, car l'État leur paye leurs études, mais Pierre Ouzoulias a bien expliqué qu'ils remboursaient largement leur dette en renforçant l'hôpital.
Et trouver un maître de stage est très difficile en médecine générale.
N'instaurons pas un service médical semblable au service militaire et cessons d'embêter les étudiants en médecine.
M. Hervé Maurey . - Le groupe UC votera cette proposition de loi.
Il y a dix ans, j'ai présenté un rapport d'information intitulé « Déserts médicaux : agir vraiment ». La ministre de la santé de l'époque, Mme Bachelot, m'avait expliqué qu'après un mauvais moment à passer, les choses iraient beaucoup mieux dans dix ans ! Malheureusement elles n'ont fait que s'aggraver...
Cette proposition de loi sera-t-elle seulement appliquée ?
Ce seul dispositif ne réglera pas le problème. Nous avons besoin d'une véritable régulation. Cela a été réussi avec les kinés et cela se fait déjà dans de nombreux pays. Face à l'échec des dispositifs incitatifs, il nous faut un gouvernement courageux qui ose déplaire aux médecins.
L'accès des patients à une médecine de qualité est plus important que le confort des médecins. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)
Mme Nathalie Goulet . - La loi Hôpital, patients, santé, territoires (HPST) prévoyait une mesure coercitive, malheureusement retirée par une proposition de loi de notre ancien collègue Alain Vasselle, après une bronca des médecins.
Je voterai cette proposition de loi en regrettant que notre débat se limite à la quatrième année. Car c'est aussi l'échec de Parcoursup. (M. Pierre Ouzoulias approuve.) Notre débat du 15 novembre prochain nous permettra de le constater et de trouver des solutions pour débloquer l'accès à la filière.
Des collectivités ont commencé à prendre des initiatives - le département de l'Orne salarie des médecins. Mais réglons d'abord le problème de l'entrée dans les études de médecine.
M. Alain Milon . - La loi Ma Santé 2022 prévoyait une formation dans les cabinets médicaux au cours de la troisième année de spécialisation. Mais les étudiants s'estimant insuffisamment formés, la CMP a décidé de réduire cette formation à six mois.
Le texte de M. Retailleau place les étudiants au contact des patients, alors qu'à l'hôpital ils sont en contact avec la maladie. C'est très essentiel.
De plus, seuls 30 % de nos étudiants en médecine générale s'installent immédiatement à l'issue de leur troisième année de spécialisation ; avec cette proposition de loi, tous passeront leur quatrième année au contact des patients.
Je vous invite à voter cette proposition de loi.
M. Daniel Chasseing . - Le RDSE votera cette proposition de loi. N'oublions pas qu'en ruralité, il y a aussi de la culture, des écoles, des collèges, des lycées... Certes, il n'y a pas d'université et souvent pas d'emploi pour le conjoint.
Personne ne souhaite travailler 24 heures sur 24. De nos jours, la vie en ruralité est tout à fait compatible avec la vie que souhaitent les jeunes.
En 2019, nous avions voté un dispositif, inappliqué faute de décret. Or, depuis, la situation s'est aggravée.
Les maires attendent de l'efficacité. Il ne s'agit pas de punir les internes, qui doivent percevoir un salaire décent. Nous leur demandons simplement, pendant cette quatrième année, d'apporter la médecine dans tous nos territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP)
M. Daniel Breuiller . - Cette proposition de loi oublie la question de la formation des jeunes médecins et passe à côté de celle de la couverture médicale. La concertation doit précéder la loi : le GEST votera contre cette proposition de loi.
À la demande du groupe Les Républicains, l'ensemble de la proposition de loi est mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°5 :
Nombre de votants | 345 |
Nombre de suffrages exprimés | 328 |
Pour l'adoption | 232 |
Contre | 96 |
Le Sénat a adopté.
(Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; MM. Emmanuel Capus et Abdallah Hassani applaudissent également.)
Mme Corinne Imbert, rapporteure de la commission. - Merci monsieur le ministre pour votre avis de sagesse et à vous tous pour la qualité de nos échanges. Cette proposition de loi n'a pas la prétention de tout régler. Il était néanmoins important qu'elle soit votée aujourd'hui, car la situation est insupportable pour les patients comme les élus. Elle n'enlève rien à l'hôpital : puisse l'arrivée de docteurs juniors dans les territoires soulager les urgences.
C'est un pas demandé à chacun : à l'État, aux internes, aux maîtres de stage, à l'université. Merci pour ce vote. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
La séance est suspendue quelques instants.