Finances locales
M. Vincent Éblé, vice-président de la commission des finances . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) La loi organique relative à la gestion des finances publiques nous permet d'organiser ce débat bienvenu sur les finances locales.
Madame la ministre, vous souhaitez supprimer la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) sur deux ans. Or cette mesure ne profitera qu'à 40 % à des entreprises industrielles, et beaucoup plus de sociétés du tertiaire. Aidons plutôt notre industrie à faire face à la crise énergétique.
Le calcul de la compensation de la suppression de la CVAE inclut deux années de crise sanitaire - où son produit s'est contracté -, alors que l'État a déjà perçu le produit pour 2023, qui, lui, est dynamique. La ficelle est un peu grosse...
La Première ministre s'est certes engagée à abonder le fonds vert du montant de ce surplus, mais le socle de la compensation est inchangé. Les conséquences de cette suppression à partir de 2024 n'ont pas été suffisamment évaluées et le projet de loi de finances pour 2023 fait un trop large renvoi au pouvoir réglementaire. Voilà qui rappelle la suppression de la taxe d'habitation...
Après les contrats de Cahors, les pactes de confiance traduisent une nouvelle recentralisation du fonctionnement des collectivités territoriales. Vous prévoyiez de plafonner la hausse de leurs dépenses de fonctionnement un demi-point en dessous de l'inflation, avec des sanctions en cas de dépassement : c'était inacceptable et cet article a été heureusement supprimé à l'Assemblée nationale. Madame la ministre, revoyez votre copie.
Sortons enfin de l'ère du soupçon, d'autant que les règles budgétaires des collectivités territoriales sont autrement plus exigeantes que celles qui s'appliquent à l'État. Pour respecter vos engagements européens, vous faites des économies sur le dos des collectivités, pourtant plus vertueuses que vous.
Votre seul souci devrait être de leur permettre de conserver des capacités financières pour investir en faveur de la transition énergétique. Françoise Gatel estime leur facture énergétique à 11 milliards d'euros ; bouclier tarifaire et plafonnement des prix de l'électricité sont bienvenus, mais insuffisants.
Oui, les collectivités territoriales peuvent participer à l'effort de redressement des comptes publics, mais il faut d'abord des échanges constructifs avec les associations d'élus. Car les finances locales connaissent un effet de ciseaux et, par mitage fiscal, leurs impôts directs sont remplacés par des dotations sur lesquelles les élus n'ont plus de pouvoir, ni de taux ni d'assiette.
Il faut une meilleure coordination des finances locales, sociales et étatiques, plutôt que de revenir à un État central qui ne doit plus l'être. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE ; M. Marc Laménie applaudit également.)
Mme Christine Lavarde, vice-président de la commission des finances . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) J'interviens au nom du rapporteur général, excusé.
Ce débat est une avancée importante permise par la réforme de la LOLF.
Dissipons d'emblée l'illusion d'une situation financière favorable des collectivités territoriales. Fin 2021, près de 46 % des communes avaient une épargne brute inférieure au niveau de 2019 : la crise sanitaire a laissé des traces budgétaires.
La loi de finances rectificative prévoit un filet de sécurité pour le bloc communal - que le Sénat a renforcé en y incluant le point d'indice de la fonction publique, la hausse des prix de l'énergie et des produits alimentaires -, ainsi que des mesures en faveur des départements et des régions.
Mais sa portée n'est plus adaptée : depuis la rentrée, de nombreuses collectivités territoriales sont confrontées au mur du renouvellement de leurs contrats d'électricité et de gaz. Il faut, dans le PLF, des mesures puissantes et efficaces.
M. Roger Karoutchi. - C'est sûr !
Mme Christine Lavarde, vice-président de la commission. - En les mettant dans l'impasse, nous agissons contre nos intérêts, car ce sont elles qui réalisent les investissements indispensables à la transition écologique.
L'examen du projet de loi de programmation des finances publiques est aussi l'occasion de nous prononcer sur la part des collectivités territoriales dans l'effort de redressement des comptes publics. Elles affichent un solde excédentaire de 5 milliards d'euros et leur dette représente moins de 9 % de la dette publique, mais le Gouvernement leur demande une baisse de leurs dépenses de fonctionnement de 0,5 % par an en volume, quand l'État, lui, ne réalise pas le moindre effort sur ses propres dépenses...
Nous ne saurions accepter les méthodes d'un État qui veut réduire la dette publique en aggravant la sienne et baisser les impôts en supprimant ceux des autres. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Est-ce par étourderie que le Gouvernement a laissé dans le projet de loi de programmation des finances publiques un copié-collé de la loi de programmation qui instaurait les contrats de Cahors ? Certes, on accorde aux collectivités une année de liberté surveillée, mais avec de nouvelles sanctions comme l'exclusion des dotations d'investissement de l'État. Nous sommes bien loin de la nouvelle méthode annoncée.
Or il y a une communauté de destin entre les collectivités territoriales et l'État. Elles sont prêtes à continuer à maîtriser leurs dépenses, sous réserve de réciprocité. Nous attendons non plus des mots, mais des actes. Et des actes de confiance. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Mme Caroline Cayeux, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales . - La loi organique de 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques rend possible ce débat consacré aux finances locales ; c'est une avancée. J'étais vendredi dernier à l'Assemblée nationale ; me voici devant vous, selon des modalités légèrement différentes.
L'élaboration du volet territorial du PLF a été marquée par un échange continu avec les associations d'élus. Avec Gabriel Attal et Christophe Béchu, nous les avons toutes reçues, à plusieurs reprises, jusqu'à la présentation du projet de texte au Comité des finances locales le 26 septembre.
Nous construisons un budget protecteur, dans un souci de maîtrise de nos finances publiques.
Face à l'inflation, les collectivités territoriales ont besoin d'un soutien accru de l'État. La LFR contenait déjà des mesures fortes que vous avez enrichies.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. - Nous les avons renforcées !
Mme Caroline Cayeux, ministre déléguée. - Je songe notamment au filet de sécurité de 430 millions d'euros destiné aux communes et intercommunalités les plus fragiles. Depuis la parution du décret, le 13 octobre, les collectivités peuvent déposer leur demande et obtenir un acompte de 50 %.
La hausse de 4 % du RSA a été compensée aux départements, comme celle des rémunérations des stagiaires de la formation professionnelle, pour les régions.
Le PLF contient aussi une prolongation du filet de sécurité sur les dépenses énergétiques et du bouclier tarifaire en 2023. Citons aussi le quintuplement de l'enveloppe pour les collectivités territoriales les plus fragiles, pour un total de 10 millions d'euros, et le non-plafonnement des bases fiscales.
Voilà pour l'immédiat. Mais il faudra aussi agir au niveau européen - pour réguler les prix de l'énergie et capter les superprofits des grands groupes énergétiques - et au niveau individuel conformément au plan de sobriété.
Résoudre durablement la crise impose aussi de favoriser la transition énergétique et écologique. C'est pourquoi les crédits de la mission Biodiversité augmentent d'un tiers dans le PLF pour 2023, après un doublement en 2022, pour atteindre 30 millions d'euros. Les règles d'accès au fonds vert, doté de 2 milliards d'euros, seront simples, sans appel à projets ; tout partira de l'initiative des élus, dans un dialogue avec le préfet. La Première ministre a annoncé vendredi dernier que 200 millions d'euros seront réservés aux départements.
Il faut aussi donner de la visibilité financière sur le long terme. Ainsi la DGF augmente de 320 millions d'euros, sans recourir à l'écrêtement ; c'est inédit depuis treize ans.
La suppression de la CVAE nous fera gagner en compétitivité, sans amoindrir les ressources des collectivités territoriales, et sera intégralement compensée par une part supplémentaire de TVA. Il n'y aura pas d'année blanche et rien ne sera conservé par l'État. Un travail sur le projet de décret en Conseil d'État est en cours avec les associations d'élus.
Enfin, pour protéger les marges de manoeuvre des collectivités, nous maintenons la dotation d'investissement à près de 2 milliards d'euros.
Devant les défis qui s'annoncent, nos collectivités territoriales ne manquent pas d'atouts. Nous avons toujours su, dans la crise, construire des consensus au service de l'intérêt général. Les postures et effets de manche, je l'espère, n'auront pas lieu. Ne rejouons pas le sempiternel combat entre girondins et montagnards. Les Français nous jugeront sur notre capacité à améliorer concrètement leur qualité de vie. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; MM. Emmanuel Capus et Pierre Louault applaudissent également.)
M. Hervé Maurey . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Après le quinquennat de François Hollande marqué par une baisse de 11 milliards d'euros des dotations, Emmanuel Macron, en 2017, a voulu donner des assurances aux collectivités territoriales. La stabilisation de la DGF a bien été accueillie.
Mais la désillusion fut rapide : dès l'été 2017, le Gouvernement réduisait de 300 millions d'euros les crédits des collectivités territoriales, supprimait la réserve parlementaire, réduisait drastiquement les emplois aidés.
La moitié des communes de France ont, en réalité, vu leurs dotations baisser en cinq ans. Leurs leviers fiscaux sont réduits par les réformes fiscales qui rognent leur autonomie financière.
Or dans le même temps, les collectivités ont perdu 7 milliards d'euros à cause de la crise sanitaire. Pour le bloc communal, sur les 3,4 milliards de pertes de recettes, la compensation n'a été que de 270 milliards d'euros pour les pertes fiscales et domaniales et de 250 millions d'euros pour les compensations en faveur des services publics industriels et commerciaux (Spic) et des services publics administratifs (SPA).
Dès le mois de février, j'ai alerté le Gouvernement sur les conséquences de l'augmentation des prix de l'énergie. Sans réponse. Puis le Gouvernement a ajouté le choc de la revalorisation du point d'indice - 2,3 milliards d'euros de surcoût pour les collectivités territoriales !
C'est l'Assemblée nationale qui a introduit un filet de sécurité, que le Sénat a ensuite beaucoup amélioré, notamment grâce au groupe UC.
Il demeure très restreint, puisque seulement 5 000 à 8 000 communes et groupements en bénéficieront. Et pas avant 2023. Quant aux avances, quelles communes en bénéficieront, quand et comment ?
Le PLF, à notre grande surprise, ne prolongeait pas le filet de sécurité en 2023.
L'augmentation de 320 millions d'euros de la dotation globale de fonctionnement (DGF) ne représente en fait qu'une revalorisation de 1,2 %, bien loin de l'inflation, qui est de plus de 5 %.
Les élus et surtout les maires sont inquiets. Dans le contexte de transfert à l'intercommunalité de la taxe d'aménagement, des situations très complexes surgissent ; l'Assemblée nationale a voté ce dispositif sans concertation. Je vous invite, madame la ministre, à revoir la copie du prochain PLF pour faire face à cette période difficile. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains)
M. Stéphane Ravier . - Y a-t-il encore une décentralisation dans notre pays ? Si l'on décentralise les compétences, la fiscalité reste jacobine. Le Gouvernement fait de la démagogie fiscale sur le dos des collectivités territoriales. En matière de taxe d'habitation, rien n'est supprimé pour les contribuables puisque la taxe foncière et les loyers augmentent... Les collectivités territoriales perdent toute autonomie fiscale. Prises au piège, elles rackettent les propriétaires avec la taxe foncière.
Ajoutons l'augmentation des prix de l'énergie - près de 250 % de hausse ! -, la restauration scolaire et la revalorisation du point d'indice : il n'y a plus de marge de manoeuvre, et les maires s'arrachent les cheveux.
Je demande pourtant depuis février un bouclier tarifaire, en vain... Des piscines ferment, on risque de supprimer les décorations et fêtes de Noël.
L'état obèse refuse de sortir ses mains de nos poches. Il répond par des soins palliatifs, des aides, des dotations, mais plus de ressources propres. Les collectivités territoriales font la manche ; on prévoit 11,3 % de baisse de leur épargne brute cette année. Nous nous dirigeons vers un blackout fiscal communal.
La Cour des comptes propose de recentrer les droits de mutation à titre onéreux sur le bloc communal. Ce serait un juste retour de leur investissement, qui financerait leurs dépenses de fonctionnement.
Décentraliser la fiscalité, c'est garantir le respect du consentement à l'impôt. Nous devons d'abord rendre aux communes leur pouvoir fiscal ; rien d'autre.
M. Jean-Claude Requier . - (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe INDEP) Je salue la tenue de ce débat, instauré par la loi organique de décembre 2021 ; mais il sera inévitable, à terme, de discuter d'un texte spécifique consacré aux finances locales.
En France, les finances locales ne représentent que 20 % de la dépense publique, contre 40 % en moyenne européenne. Cela relativise l'accusation de manque de rigueur budgétaire, alors qu'elles sont les seules à présenter tous les ans un budget à l'équilibre : leur contribution au déficit public est quasi nulle. (M. Jean-Baptiste Lemoyne approuve.)
Globalement, leurs finances sont sorties assainies de la crise sanitaire, grâce aux économies réalisées et aux aides versées par le Gouvernement.
Mais le bloc communal a été très affecté par la suppression de la taxe d'habitation sur la résidence principale et le sera prochainement par celle de la CVAE, compensée par un transfert d'impôts nationaux. L'autonomie financière des collectivités territoriales est pourtant essentielle.
Les départements, davantage financés par les impôts nationaux et les dotations, sont confrontés à la montée en puissance de leurs interventions sociales. Je pense notamment aux départements ruraux dont la population vieillit et dont les ressources propres sont peu dynamiques. Cela pose la question d'un modèle où l'on décentralise sans donner d'autonomie financière.
Face au retour de l'inflation, la LFR a soutenu les collectivités territoriales, avec 430 millions d'euros. Faut-il pérenniser ce soutien en 2023 ? Je me réjouis que l'Assemblée nationale l'ait voté. Le RDSE votera tout ce qui va dans le sens de moyens alloués aux collectivités.
La compensation de la CVAE à l'euro près, pérenne et dynamique, doit être confirmée. Nous vous prenons au mot, madame la ministre !
La DGF se maintient à 26 ou 27 milliards d'euros malgré l'inflation ; la revalorisation de la DSU et de la DSR sera équivalente à ce qu'elle était les années précédentes.
Les incertitudes demeurent, à cause de la menace du 49.3. Au vu du contexte économique et social, les collectivités territoriales ont besoin de clarté, de prévisibilité et de sérieux. (Applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe INDEP et sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)
M. Roger Karoutchi . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Respectons-nous la Constitution ? Celle-ci, dans ses articles 72 à 74, consacre le principe d'autonomie des collectivités territoriales. Or qu'en est-il lorsqu'on supprime la taxe professionnelle, la taxe d'habitation, la CVAE, qu'on encadre l'action des collectivités territoriales par des « pactes » ? En réalité, les élus perdent leur autonomie, parce qu'ils perdent la capacité de financer des projets au service de leurs concitoyens.
Vous dites compenser. Mais ce n'est pas la même chose ! Vous recentralisez les impôts locaux et les remplacez par des dotations qui évoluent moins vite que l'inflation. Cela revient à dire que la gestion des élus locaux est si peu fiable qu'il faut la recentraliser ! (M. Jérôme Bascher approuve.)
À la fin de l'année 2012, Jean-Marc Ayrault avait annoncé une remise à plat de l'ensemble de la fiscalité, nationale et locale. Elle n'a, bien sûr, jamais eu lieu, et les gouvernements successifs continuent à rogner le pouvoir des élus (M. Jean-Michel Arnaud approuve.)
Les maires sont étranglés : ils demeurent responsables devant leur population, mais n'ont plus la capacité de faire. Madame la ministre, vous étiez il y a peu maire de Beauvais. Lorsque le Président Hollande réduisait les dotations, lorsqu'on supprimait la taxe d'habitation, les élus perdaient du pouvoir et du lien avec leur population.
La commission des finances de l'Assemblée nationale a fixé un maximum de hausse de la taxe foncière : au-delà, l'État compensera.
Il n'y aura plus bientôt aucune ressource pour les collectivités territoriales ! Ce n'est pas cela, l'autonomie. La Cour des comptes elle-même reconnaît que l'autonomie financière des collectivités territoriales est remise en cause. Elle devrait aller plus loin et demander à l'État de mettre fin à ce mouvement.
Or le contexte est totalement fou : crise sanitaire, énergétique... Nos collectivités trinqueront si le bouclier énergétique n'est pas mis en oeuvre. Il concerne 80 % des communes : qu'en est-il des 20 % restants, madame la ministre ? Les élus sont responsables électoralement devant leurs concitoyens, mais n'ont pas de capacité à agir ; ils pourraient être contraints à supprimer des services publics locaux.
Pourquoi ne pas envisager la création d'un projet de loi de finances des collectivités locales ? Cela donnerait de la visibilité et rétablirait peut-être l'équilibre nécessaire pour discuter avec l'État. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; applaudissements sur les travées du groupe UC et du RDSE ; Mme Martine Filleul applaudit également.)
M. Emmanuel Capus . - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) On dit le Sénat conservateur, mais il est des changements que nous accueillons bien volontiers. Notre débat sur les finances locales est une nouveauté qui nous plaît beaucoup et nous offre l'occasion de faire un point sur la situation des collectivités territoriales. Le rapport de la Cour des comptes établit un diagnostic clair.
En ce début de quinquennat, abordons une promesse du Président de la République : la baisse des impôts de production comme la CVAE, ce qui n'est pas le souhait des élus locaux...
Par principe, nous sommes favorables à la baisse des impôts de production, qui s'élèvent toujours à 5,3 % du PIB en France, contre 2,6 % dans l'Union européenne et 0,8 % en Allemagne. Ces impôts injustes sont contre-productifs, puisqu'ils pénalisent l'industrie. Leur réduction n'aurait aucun inconvénient si elle ne nuisait à l'autonomie financière des collectivités territoriales. Le problème n'est pas la suppression de cet impôt, mais bien son remplacement. Offrir une fraction de TVA représente une ressource dynamique. Mais cela place les collectivités territoriales sous la coupe de l'État. La préservation de l'autonomie financière des collectivités territoriales ne doit pas se faire aux dépens de leur autonomie fiscale, déjà réduite à peau de chagrin.
Les collectivités territoriales ont pourtant fait preuve de leur capacité à tenir les comptes. Extrêmement prudentes, elles ont dégagé, fin 2021, 5 milliards d'euros d'excédents budgétaires.
Mais l'inflation et la guerre en Ukraine placent les élus locaux dos au mur. La Cour des comptes propose plusieurs solutions, notamment le partage de la fiscalité nationale. Elle propose aussi d'attribuer un type d'impôt par strate de collectivités territoriales. C'est intéressant, mais l'urgence est de sauvegarder l'autonomie financière des collectivités territoriales. Elles doivent conserver la maîtrise de leur destin. Pouvez-vous nous rassurer à ce sujet, madame la ministre ? Les élus locaux attendent des engagements forts. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur quelques travées du RDPI)
M. Daniel Breuiller . - (Applaudissements sur les travées du GEST) Les précédents orateurs ont cité beaucoup de chiffres. Je débuterai avec les propos de Pablo Neruda : « Je t'aime d'une manière inexplicable, de nature inavouable, de façon contradictoire. Je t'aime... Avec mes états d'âme qui sont nombreux, et mes changements d'humeur continuels ». Voilà la déclaration d'amour que les collectivités territoriales attendent de l'État !
Oui, l'histoire est ancienne entre l'État et les collectivités territoriales : depuis 1983, les lois de décentralisation ont permis d'agir.
Le Gouvernement ne cesse de déclarer sa flamme aux grandes entreprises en leur accordant des dizaines de milliards d'euros d'exonérations fiscales sans contrepartie. Total réalise un profit cumulé de 2 600 dollars par seconde.
Les collectivités territoriales sont des entreprises locales innovantes qui méritent d'être soutenues : qui a organisé, pendant la pandémie, le suivi des personnes âgées ? Qui a distribué des masques, créé les centres de vaccination ? Qui a rétabli le dialogue avec les gilets jaunes ? Qui assure la transition écologique ? Les collectivités territoriales sont un atout puissant que le Gouvernement met au pain sec, alors que le PLF 2021 a offert 56 milliards d'euros aux entreprises du CAC 40, non conditionnés.
Pourquoi l'État contraint-il les collectivités territoriales, alors que celles-ci contribuent à 70 % des investissements publics ? Elles sont le laboratoire des solutions innovantes et propres pour notre pays, notamment pour protéger la biodiversité. Si vous leur accordiez la confiance - sans contrat - , vous verriez leur capacité à accompagner les défis de notre société.
Le bouclier tarifaire vaut pour tous les citoyens et les entreprises, mais pas pour les collectivités territoriales et leurs équipements - écoles, piscines, centres de santé, crèches ?
Laissez-les taxer davantage Airbnb, les résidences secondaires et les logements vacants en zone touristique ! Les associations d'élus plaident pour une contribution responsable. Madame la ministre, ne nous écoutez pas, entendez-nous ! Ne supprimez pas la CVAE, indexez la DGF, taxez ceux qui font des profits exceptionnels dans ce contexte de crise et financez ainsi un bouclier tarifaire pour toutes les institutions publiques, supprimez les contrats et faites confiance à ceux qui incarnent les services publics de proximité. Osez quitter ce jacobinisme surplombant pour faire vivre enfin la République décentralisée. Les élus territoriaux ne veulent pas devenir des sous-préfets anémiés qui ne pourront pas mener les actions qu'ils souhaitent. (Applaudissements sur les travées du GEST et du groupe CRCE ; Mme Martine Filleul et M. André Guiol applaudissent également.)
M. Éric Bocquet. - Bravo !
M. Didier Rambaud . - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Je remercie le président Raynal d'avoir demandé ce rapport à la Cour des comptes. Depuis la réforme constitutionnelle de 2003, les collectivités territoriales occupent une place prépondérante dans l'action publique. La question de leur financement est fondamentale pour l'égalité entre les citoyens. Nous ne pouvons pas dissocier financement et compétences.
Le système de financement des collectivités territoriales est à bout de souffle, selon le premier président de la Cour des comptes. Voilà treize ans, la Cour dénonçait l'enchevêtrement des compétences, source de l'essoufflement du financement. L'introduction de la clause de compétence générale a accéléré ce processus, les transferts étant réalisés de façon désordonnée. La cacophonie budgétaire est souvent la conséquence des hésitations du législateur et des changements de doctrine de l'administration. À la fin, plus personne ne s'y retrouve.
La Cour des comptes rappelait que la phase de décentralisation de 2003 aurait pu représenter un nouveau départ. Or il n'en a rien été. Le constat sur les finances locales rejoint celui sur les compétences.
Les collectivités territoriales ont connu un excédent de 4,7 milliards d'euros fin 2021 en raison d'une dynamique de recettes supérieure à celle des dépenses. Cette situation contraste avec celle des autres administrations publiques. L'État porte 89 % du déficit en 2021 !
C'est la conséquence d'un fort soutien de l'État tout au long de la crise, mais également des réformes successives de la fiscalité locale compensées par des ressources pérennes et dynamiques.
Mais ne nous y trompons pas : nous sommes face à un choix de doctrine pour les années qui viennent. La liberté des collectivités territoriales s'accompagne nécessairement d'un recul de l'État dans la garantie des financements.
Philippe Séguin, alors premier président de la Cour des comptes, disait que considérer qu'il y a trois acteurs autonomes de même niveau, l'État, la sécurité sociale et les collectivités locales, n'est pas réaliste, car l'État est le seul maître du jeu. Pour nous parlementaires, cela a trois conséquences. Premièrement, chacun doit prendre sa part de rétablissement des comptes de la Nation. Nous ne devons jamais oublier notre responsabilité collective.
Deuxièmement, toute réforme d'ampleur suppose une concertation avec les élus, en vue de discuter du juste niveau de contribution face aux besoins. Là encore, le rapport de 2009 est sans appel : une véritable péréquation aurait supposé de remettre en cause des situations acquises. Ce projet de loi de finances 2023 apporte la seule réponse possible, faute de réforme radicale.
Troisièmement, acceptons de revoir en profondeur le système de péréquation afin de rétablir l'égalité entre les territoires. En 2009, le premier président déclarait que la République, c'est la solidarité nationale et qu'il ne faudrait pas que la décentralisation devienne l'alibi de son affaiblissement.
Nous devons nous préoccuper de l'équilibre entre le principe d'autonomie financière, l'équité et la cohésion entre les territoires et la responsabilité de chacun envers nos finances publiques. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; M. Pierre-Jean Verzelen applaudit également.)
Mme Isabelle Briquet . - (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE) Les finances locales sont-elles devenues la variable d'ajustement des finances publiques ? L'autonomie financière et la libre administration des collectivités territoriales ne seront bientôt plus que de lointains souvenirs. Madame la ministre, comprenez l'inquiétude des élus locaux, qui doivent toujours faire plus avec moins. Je pense à la suppression de la taxe d'habitation ou de la CVAE. Transformer des recettes fiscales en dotations entraîne une perte d'autonomie, une rupture du lien avec les habitants et une diminution des recettes.
Au printemps dernier, il était question d'une ponction de 10 milliards d'euros sur les finances locales. Depuis, les collectivités ont dû faire face à l'augmentation du point d'indice, à la hausse des prix des matières premières, de l'énergie et de l'alimentation. Elles sont au bord de l'asphyxie. Ma commune est confrontée à une augmentation des prix de l'électricité d'un million d'euros, alors que son budget de fonctionnement n'est que de 5 millions d'euros. Comment faire ?
Au-delà de leurs dépenses propres, les collectivités territoriales doivent affronter les difficultés des organismes qu'elles financent, notamment les Ehpad et les Sdis. Le filet de sécurité voté cet été concernait 20 000 communes initialement. Or un tiers seulement d'entre elles seraient éligibles. Il est urgent de réviser les critères d'attribution. La réponse du Gouvernement doit être à la hauteur. Les pactes que vous nous proposez constituent une double peine : baisse des dotations et contrôle des dépenses. C'est léonin.
Pour la seule électricité, les surcoûts représentent une hausse de 10, 100, 300 voire 500 %. Et les taux d'intérêt de l'an prochain sont imprévisibles.
Amputées de toute marge de manoeuvre, les collectivités territoriales n'ont plus de perspective. Pourtant, leur rôle est essentiel dans la préservation de l'emploi, l'action économique, le financement des services publics en tout point du territoire.
Les collectivités territoriales n'en peuvent plus d'être si peu considérées. Elles ont besoin d'une relation de confiance et non d'une mise sous tutelle déguisée. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE)
M. Pascal Savoldelli . - Ce débat intervient dans un climat de défiance entre l'État et les collectivités territoriales. La hausse de l'énergie, des denrées alimentaires et des matières premières et la revalorisation du point d'indice ont été citées. Les préfets sont démunis. Le Gouvernement invite les collectivités territoriales à la sobriété, mais pour qui ? Elles sont les premiers investisseurs publics en France. Les élus communaux, départementaux et régionaux doivent quémander leur dû, qui ne vient pas.
La suppression de la taxe d'habitation a marqué une première atteinte à l'autonomie fiscale des collectivités territoriales, de même que la baisse des impôts de production. La suppression de la CVAE parachève le tout en affaiblissant la relation entre l'État et les collectivités territoriales. Les ménages modestes financent des baisses d'impôt qu'ils ne payaient pas. C'est la réalité.
Chaque année, ce sont 41 milliards d'euros qui échappent à l'État. Sans cette évaporation, le déficit serait résorbé de près d'un tiers. L'État éponge sa dette sur le dos des collectivités territoriales. Or elles sont à l'équilibre, malgré les transferts de compétences, les baisses de charges, les diminutions de la fiscalité. Et vous voudriez que les travailleurs paient pour cette lâcheté ? Dès la loi de finances rectificative pour 1982, l'État a institué des allègements de la part salariale de la base de la taxe professionnelle. L'État devient ainsi le premier contribuable local.
La situation actuelle est l'aboutissement d'une logique qui ne peut faire que des perdants, car les collectivités territoriales constatent une décorrélation entre les charges et les ressources. Le Gouvernement a décidé de revaloriser à 3,5 % le point d'indice. Le filet de sécurité est troué ! Il s'élève à 430 millions d'euros alors que la revalorisation du point d'indice représente à elle seule 1,14 milliard d'euros. Les réponses de mon groupe sont claires : indexer la DGF sur l'inflation, sanctuariser dans la Constitution l'autonomie fiscale des collectivités territoriales, maintenir la CVAE et refondre un impôt économique territorial avec une liberté de taux pour les communes, élargir les tarifs réglementés de l'électricité à toutes les communes, et revenir sur la disparition des tarifs réglementés du gaz. Madame la ministre, les oppositions sont utiles. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et du GEST)
M. Éric Bocquet. - Bravo !
M. Jean-Michel Arnaud . - Questionner les finances locales, c'est s'interroger sur les relations entre l'État et les collectivités territoriales, largement bouleversées par les réformes successives. Dans un récent rapport, la Cour des comptes souligne la réduction de l'autonomie fiscale, malgré une augmentation mathématique de l'autonomie financière. Après la suppression de la taxe d'habitation et le reversement d'une fraction aux intercommunalités, le Gouvernement annonce une suppression de la CVAE. Le groupe UC demande un report de cette mesure.
M. Michel Canévet. - Bravo !
M. Jean-Michel Arnaud. - C'est une fiscalité par procuration, téléguidée par l'État. Dans le même rapport, la Cour des comptes indique que l'augmentation de 2,5 % des dépenses de fonctionnement s'explique par les transferts. En réalité, il faut considérer aussi le milliard d'euros dû aux réglementations imposées par l'État, l'élargissement du périmètre des intercommunalités et l'amortissement par l'échelon local des crises, à commencer par le covid. Oui, les communes assurent le dernier kilomètre. Elles assurent 70 % de l'investissement public et sont responsables de moins de 9 % de la dette.
L'exécutif appelle à un énième pacte de confiance. Soit, mais pas de contrats léonins ! Ce pacte ne doit pas être un outil de contrainte, mais une aide à la croissance. Chaque territoire doit pouvoir atteindre ses objectifs à sa manière.
Par exemple, la révision des valeurs locatives doit prendre en compte l'inflation. Le zéro artificialisation nette (ZAN) sera aussi à prendre en compte.
Madame la ministre, je souhaite que le débat du PLF se fasse dans la confiance vis-à-vis des collectivités territoriales. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)
M. Michel Canévet. - Bravo !
M. Jean-Baptiste Blanc . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le rapport annexé au PLF, de 208 pages, ne comprend quasiment rien sur l'inquiétude due au ZAN, qui laisse les collectivités territoriales démunies face à l'écart entre l'objectif et les moyens à leur disposition. Un département sur deux est touché. L'absence du mot « artificialisation » le montre : le Gouvernement n'a aucune réflexion. Que devient le fonds Friches dont le Président de la République a annoncé la pérennisation ? Il n'est plus qu'un volet du fonds vert et limité à 1 000 hectares de friches rénovées par an. Les documents budgétaires n'indiquent pas de montant de crédits.
Il faudra agir sur le levier fiscal. On ne peut pas imposer des contraintes aussi fortes sans incitations. La commission des finances a donc saisi le Conseil des prélèvements obligatoires sur le sujet : son analyse, publiée le 26 octobre, nourrira notre réflexion.
Le PLF prévoit certes une adaptation mineure de la taxe d'aménagement, mais c'est facultatif et non compensé par l'État.
D'autres pistes, telles que la taxe sur les logements vacants ou l'ancien versement pour sous-densité, existent. Attention cependant aux risques de contournement ou de rebond.
Je regrette que l'administration n'ait pas conduit cette réflexion ; des préconisations sur le financement du ZAN auraient pu calmer certaines inquiétudes face aux injonctions contradictoires : développement du logement social et des entreprises, mais sans consommer de terrain... Comment réindustrialiser la France dans ces conditions ?
Les collectivités territoriales consacrent un travail considérable aux documents d'urbanisme. Avec Valérie Létard, dans le cadre de notre travail sur le ZAN, nous constatons un haut niveau de réflexion des élus, qui ont des propositions à vous faire.
Un autre ministre l'a reconnu ici : la nomenclature fait encore l'objet de travaux et un certain nombre de grands projets engagés ou prévus risquent de consommer du foncier de façon excessive. Le sujet est explosif.
Il faudra aussi adapter la fiscalité aux objectifs.
Je propose d'ajouter la climatisation du ZAN et de la fiscalité locale aux propositions polaires de la Cour des comptes. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Jean-Claude Requier applaudit également.)
M. Thierry Cozic . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Au gré de nos déplacements dans nos circonscriptions, nous le voyons : les dépenses contraintes des mairies s'envolent. Cela peut paraître trivial, mais il faut bien que les villes chauffent et éclairent leurs équipements. Cela représente 4,5 millions d'euros de surcoût pour Le Mans Métropole.
Les dépenses de fonctionnement augmentent de 15 % en moyenne pour les communes.
Dans ce contexte, l'État ne fait pas assez. Il faut revaloriser la DGF à hauteur de l'inflation. La rallonge de 320 millions d'euros ne suffit pas : il reste 900 millions d'euros à couvrir.
En rognant sur l'autonomie financière des collectivités territoriales, vous les avez placées dans une dépendance. Vous siphonnez les recettes de manière systémique. C'est insupportable pour la démocratie de proximité. À en croire les déclarations de Bruno Le Maire, cela ne va pas s'améliorer : « vous avez des collectivités bien gérées, et d'autres moins bien gérées ; ces dernières ne pourront pas attendre de l'aide de l'État ». Cela en dit long sur le pacte de confiance que vous proposez.
Vous voulez entrer ans une relation transactionnelle avec les collectivités territoriales. J'en appelle à tous les bancs ; il faut mener un débat d'ampleur supérieure aux contingences financières sur l'impôt local. Si rien n'est fait, la mise sous tutelle s'aggravera, obligeant les collectivités territoriales à négocier chaque ligne budgétaire, ce qui serait inacceptable. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)
M. Charles Guené . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) L'avenir des finances des collectivités territoriales nous interpelle à court et moyen termes. Au regard du moment présent, je veux évoquer le traitement dont les collectivités font l'objet, en particulier les communes, dans le PLF.
Le Gouvernement, conforté par la Cour des comptes, évoque une bonne santé financière qui frise l'insolence au sortir de la crise sanitaire. Or les collectivités territoriales, bordées par la règle d'or, sont soumises à des règles dont l'État s'exonère. Il est curieux que celui-ci fasse une lecture de leur situation à l'aune de règles qui ne sont pas les leurs.
Notre République garantit la libre administration des collectivités. Durant le dernier quart de siècle, elles ont fait beaucoup d'efforts, pour le plus grand bénéfice de notre pays au regard des critères maastrichtiens. Elles ont accepté le remplacement de la taxe professionnelle et de la taxe d'habitation par des recettes moins dynamiques et subi la contribution au redressement. Si l'on avait paramétré une loi de programmation spécifique sur cette période, on constaterait qu'elles ont consenti une perte de 50 milliards d'euros au bénéfice de la Nation.
Nous voulons le dire haut et fort : le compte n'y est toujours pas. Les collectivités territoriales n'ont pas à être fustigées par un État impécunieux.
La suppression de la taxe d'habitation et la perspective de celle de la CVAE les privent de la capacité à gérer leur dynamique. Elles s'en remettent à la diligence de la direction générale des collectivités locales (DGCL) pour la mise en oeuvre de la péréquation.
Le système est devenu « complexe et à bout de souffle », dit la Cour des comptes. Les collectivités sont à la merci de décisions venues d'en haut, sans plus aucune visibilité ni cohérence.
Le Sénat s'est attelé à résoudre cette équation, mais elle est insoluble, faute de boussole. Il faudrait que l'État mette fin au démantèlement erratique des ressources des collectivités territoriales, qui le méritent, car elles prennent en charge 70 % des investissements publics.
Madame la ministre, quand mettrez-vous cet ouvrage sur le métier ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Alain Richard applaudit également.)
Mme Caroline Cayeux, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales . - Évoquons d'abord quelques points précis du PLF pour 2023.
Monsieur Capus, la suppression de la CVAE n'entraînera pas, j'insiste, de baisse de ressources pour les collectivités territoriales, bien au contraire. Sa compensation intégrale par une fraction de TVA, plus dynamique, offrira une meilleure visibilité sur les recettes. Nous avons introduit un mécanisme de moyenne pour lisser la grande volatilité de la CVAE d'une année à l'autre.
Rien ne sera conservé par l'État. Un territoire accueillant plus d'activité recevra plus de TVA.
Monsieur Cozic, le choix de ne pas indexer la DGF sur l'inflation date des années 2010 mais le Gouvernement a décidé, lui, d'augmenter son montant. Il a créé le filet de sécurité, le bouclier tarifaire et un fonds d'urgence pour soutenir ceux qui en ont le plus besoin.
De manière plus générale, les interventions de MM. Guené et Rambaud consistent en une synthèse du débat.
Le système est complexe et reflète la sédimentation de nombreux transferts de compétences.
Le rapport de la Cour des comptes reflète une impression, plus qu'une réalité : l'autonomie financière en effet, progresse. C'est la perte de fiscalité qui donne aux élus le sentiment d'une perte de maîtrise sur les ressources. Le Président de la République l'a annoncé dans son discours en Mayenne du 20 octobre : notre modèle est à repenser, à simplifier. Cela impliquera des choix politiques forts auxquels notre Gouvernement est prêt. Mais cette refonte ne peut être conduite qu'en étroite concertation avec l'ensemble des parties concernées et avec le Parlement.
Je ne m'exprimerai pas sur le scénario esquissé par la Cour des comptes. Je vous remercie de vos interventions, qui nourriront ma réflexion. Mais la démarche de coconstruction ne peut être sincère si chacun a des positions arrêtées. Nous avons bien sûr une direction et une boussole, mais c'est ensemble que nous construirons le nouveau modèle de demain.
Jean-Pierre Raffarin disait que la politique ne peut plus promettre des lendemains qui chantent et repousser toujours la résolution des problèmes du quotidien.
La refonte que nous souhaitons construire avec vous impose pour tous, État comme collectivités, de jouer le jeu d'une remise à plat qui bouleversera de nombreuses situations établies. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
Mme Christine Lavarde, vice-président de la commission des finances . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le rapporteur général aurait fait remarquer à madame la ministre qu'il y avait un problème de vocabulaire : après avoir expérimenté une nouvelle définition du dialogue, voilà une nouvelle acceptation du mot « débat »... (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et du GEST)
Nous aurions voulu plus d'interactions.
Madame la ministre, ne réécrivez pas l'histoire : le filet de sécurité n'a pas été voulu par le Gouvernement mais imposé par les parlementaires lors du vote de la loi de finances rectificative. Vous ne faites pas non plus de cadeau aux collectivités sur l'indexation des valeurs locatives mais ne faites qu'appliquer le droit !
Pascal Savoldelli a souligné les erreurs de votre majorité, notamment le lien distendu entre les usagers des services publics locaux et leur coût. C'était l'objet de ma première question d'actualité en octobre 2017... L'égarement du Gouvernement à cet égard ne date donc pas d'hier. Et vous continuez avec la suppression de la CVAE.
Roger Karoutchi le dit : les collectivités territoriales ont besoin de visibilité à moyen et long termes. L'ancien gouvernement l'avait promis... en remettant de nombreuses décisions à une loi de financement des collectivités territoriales, que plusieurs sénateurs vous réclament encore ce soir.
Le rapporteur général, qui a suivi tout le débat, vous fait dire : si vous avez écouté la Chambre haute, alors tout devient possible ! (Sourires ; applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; MM. Fabien Gay et Serge Mérillou applaudissent également.)
La séance est suspendue à 20 h 30.
présidence de M. Alain Richard, vice-président
La séance reprend à 22 heures.