Règlement du budget et approbation des comptes de l'année 2021 (Nouvelle lecture)
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle la discussion en nouvelle lecture du projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2021, adopté en nouvelle lecture par l'Assemblée nationale.
Discussion générale
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué chargé de la transition numérique et des télécommunications . - Beaucoup a été dit en première lecture. L'année 2021 a été celle de la sortie progressive du « quoi qu'il en coûte », de la reprise économique et du début du redressement des comptes. Les turbulences sanitaires et économiques expliquent le montant des reports de crédits, de 24,6 milliards d'euros.
L'année 2021 est l'an I du redressement des comptes : le déficit public a baissé de 2,5 points de PIB, passant de 8,9 % à 6,4 %.
Pourtant, cela ne s'est jamais fait au détriment des Français, que nous avons toujours protégés des aléas économiques, afin de ne pas ajouter une vulnérabilité financière à la vulnérabilité sanitaire.
Nous avons versé une indemnité inflation de 100 euros à 38 millions de Français modestes, pour 3,8 milliards d'euros, et un chèque énergie à 5,6 millions de foyers, pour 600 millions d'euros.
Durant ces mois de stop and go pandémique, nous avons adapté nos dispositifs en faveur des entreprises. L'activité partielle a bénéficié à 3,5 millions de salariés. Les 34 milliards d'euros de la mission « Plan d'urgence face à la crise sanitaire » ont permis aux entreprises de tenir le choc, de continuer d'investir et d'embaucher.
Nous avons engagé un effort de relance exceptionnel. Avec 72 milliards d'euros déjà engagés sur les 100 prévus, nous accélérons la transition énergétique et renforçons la compétitivité de nos industries tout en favorisant l'insertion professionnelle des jeunes.
Assumer la fin du « quoi qu'il en coûte » sans laisser les agents économiques à la merci de la crise : voilà notre ligne de crête. Notre politique s'est révélée efficace : en faisant le choix de la protection et de la relance, nous avons renoué avec la croissance, avec un taux de 6,8 % l'année dernière, 1,4 point de mieux que la moyenne de la zone euro. Certains n'y voient qu'un rattrapage. Réjouissons-nous au moins que notre pays réussisse. La situation de l'emploi n'a jamais été aussi favorable depuis 2008, avec un taux de chômage à 7,3 % et un chômage des jeunes au plus bas depuis quarante ans. Là aussi, réjouissons-nous.
La reprise vigoureuse dégage des recettes fiscales : 37,9 milliards d'euros supplémentaires grâce au dynamisme de l'impôt sur les sociétés (IS), de la TVA et de l'impôt sur le revenu. Certains d'entre vous n'y ont vu que l'effet de l'inflation sans admettre l'effet de nos politiques de compétitivité et d'attractivité sur la bonne santé des entreprises et donc sur le rendement de l'IS.
Au bout du compte, 2021 aura validé la stratégie du Gouvernement : soutenir l'activité et réduire le chômage, pour plus de croissance et de rentrées fiscales. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; MM. Pierre Louault et Éric Gold applaudissent également.)
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances . - Le Sénat a rejeté ce texte le 19 juillet dernier et la CMP a échoué, sans surprise. Le 20 juillet, l'Assemblée a adopté le texte en nouvelle lecture sans y rien changer.
Si le niveau d'activité est bon en 2021, il n'a pas retrouvé celui de 2019. Nos performances sont moindres que celles de nos partenaires européens.
En 2021, nous avons subi des chocs qui perdurent en 2022 : difficultés d'approvisionnement en matières premières, inflation, choc sur les marges des entreprises et sur le coût de financement de la dette. Le rattrapage économique s'est fait au prix de la dégradation de nos comptes publics. Les recettes ont été sous-évaluées dans le PLFR de fin de gestion 2021, avec une prévision de croissance de 6,25 % excessivement prudente qui a permis au Gouvernement de se féliciter d'une manne qui aurait en réalité dû être divisée par deux.
Le montant des dépenses publiques reste loin des objectifs de la loi de programmation. Le déficit reste principalement supporté par l'État alors que les collectivités territoriales sont à l'équilibre et que les administrations de sécurité sociale l'ont divisé par deux.
Notre endettement est supérieur de 40 points à celui de l'Allemagne ; le déficit de l'État s'établit à 170 milliards d'euros, car nous dépensons 420 milliards d'euros, pour moins de 250 milliards d'euros de recettes.
Le surcroît de dépenses entre 2019 et 2021 est plus de trois fois supérieur à ce qu'il fut lors de la crise de 2008-2010 ; et aucune diminution des dépenses n'est prévue à ce jour.
Le montant des reports de crédits en 2021 atteint 36 milliards d'euros, alors qu'il avait toujours été inférieur à 3,8 milliards d'euros depuis l'entrée en vigueur de la LOLF. Ce n'est donc pas un brevet de bonne gestion : le Gouvernement s'exonère du principe d'annuité tout en appelant à la rigueur...
Le Sénat n'avait pas voté la loi de finances initiale pour 2021 dont le présent projet de loi traduit l'exécution. Nous avons voté les mesures d'urgence indispensables pendant la crise sanitaire, mais contesté la dérive des comptes publics, en exprimant notamment notre désaccord sur l'indemnité inflation, mal ciblée.
Enfin, le président de la commission des finances et moi-même avons marqué notre désapprobation face au dépôt, pour la première fois en vingt-deux ans, du projet de loi de règlement après le 1er juillet, avec un mois de retard sur la date limite prévue par la LOLF. Les méthodes ne changent pas tant que cela...
Par cohérence avec notre vote en première lecture, je propose de ne pas adopter ce texte, à la fois pour les mesures qu'il comporte et les manoeuvres procédurales que nous dénonçons. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Hervé Maurey . - Sans surprise, la CMP réunie le 20 juillet n'est pas parvenue à un accord. L'issue de nos débats est connue d'avance.
Si nous avons rejeté le PLF pour 2021 et voté le PLFR de sortie de crise, nous ne voterons pas le projet de loi de règlement qui traduit une dérive des finances publiques. Le déficit structurel sera passé de 72 à 145 milliards d'euros sous le précédent quinquennat.
Nous regrettons que le Gouvernement n'ait pas utilisé les recettes supplémentaires pour réduire l'endettement comme l'y invitait notre commission. Notre dette publique frise les 3 000 milliards d'euros, en augmentation de 665 milliards d'euros en cinq ans.
La cote d'alerte était donc atteinte bien avant cette année. C'est d'autant plus inquiétant que les taux d'intérêt remontent. Les taux à dix ans, quasi négatifs depuis 2019, sont devenus positifs : 2 % à la mi-juin, et bientôt 3 %. La seule charge de la dette s'est déjà alourdie de 17 milliards d'euros en 2022 !
Ce dérapage n'est pas imputable à la seule pandémie. Les dépenses courantes, indépendantes de la crise sanitaire, ont augmenté en 2021 de 17,6 milliards, sans la moindre économie en regard. Le rapport de la Cour des comptes dénonce le manque d'ambition réformatrice : le pays n'a pas affronté la crise covid et l'inflation dans de bonnes conditions financières, et l'État n'a pas répondu aux difficultés des collectivités locales, qui ont subi 7 milliards d'euros de pertes en 2020 et 2021.
Malgré les demandes du Sénat et les dénégations du Gouvernement, la Cour indique que fin 2021, 45 % des communes ont un niveau d'épargne inférieur à celui de 2019. Votre refus initial de compenser la revalorisation du point d'indice et les dépenses énergétiques montre le peu d'attention que le Gouvernement porte à nos collectivités.
Les conditions d'examen du texte n'ont en outre pas permis au Parlement de remplir sa mission de contrôle : le projet de loi de règlement a été déposé le 4 juillet alors qu'il aurait dû l'être au plus tard le 1er juin. Ce n'est pas admissible, surtout vu l'état des comptes publics.
Au-delà, il n'est pas non plus admissible de malmener ainsi les principes budgétaires : plus de 20 milliards d'euros de crédits reportés et certains alloués à d'autres programmes budgétaires que prévu, voilà qui illustre le manque de respect du Gouvernement vis-à-vis de l'autorisation parlementaire.
Le groupe UC s'abstiendra en majorité, laissant à ses membres, comme à son habitude, la liberté de leur vote. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)
M. Loïc Hervé. - Très bien !
M. Éric Gold . - L'exercice de constatation qui nous occupe est un passage obligé, l'occasion de dresser un bilan et d'observer les écarts avec les prévisions. Et des écarts, il y en a eu : la France subit encore en 2021 les remous de la pandémie et de la crise économique, avec un rebond de croissance à 7 % du PIB après une récession historique en 2020.
Malgré cela, le déficit budgétaire est abyssal à 170,7 milliards d'euros, en dépit des bonnes recettes fiscales, revenues à leur niveau d'avant-crise. Les dépenses brutes augmentent de 16 milliards d'euros pour atteindre 557 milliards.
En 2017, la loi de programmation des finances publiques prévoyait un déficit de 0,9 % en 2021. Il a atteint 6,4 %. L'ambition d'un redressement rapide s'est éloignée, mais les circonstances exceptionnelles imposaient de lever certains verrous. Le « quoi qu'il en coûte » a coûté très cher, mais a évité à notre économie des stigmates durables. De plus, la guerre en Ukraine et la crise de l'énergie font durer l'incertitude...
Alors que le projet de loi Pouvoir d'achat prévoit 20 milliards de dépenses supplémentaires en 2022, qu'en sera-t-il du retour à des finances plus saines et du soutien aux collectivités territoriales ?
La majorité du RDSE s'abstiendra, hormis quelques votes favorables. (Applaudissements sur les travées du RDSE ; M. Loïc Hervé applaudit également.)
Mme Isabelle Briquet . - (M. Claude Raynal, président de la commission des finances, applaudit.) Le projet de loi de règlement n'a pas évolué depuis le 19 juillet dernier : notre réponse sera donc la même qu'en première lecture. Son dépôt a été tardif. J'ai noté l'engagement du ministre des comptes publics à respecter à l'avenir les délais fixés par la LOLF.
Je vous donne quitus sur ce point, mais je suis moins convaincue sur le fond : la crise sanitaire a certes bouleversé notre fonctionnement, mais elle n'explique pas tout.
La dégradation du solde structurel est certes partiellement imputable aux mesures d'urgence, mais pourquoi cette obstination à exclure toute nouvelle recette fiscale ? Ce gouvernement refuse de faire contribuer les entreprises et les plus aisés à la solidarité nationale, alors que la théorie du ruissellement est discréditée.
Les propos du ministre de l'économie et des finances ne nous ont pas rassurés.
M. Didier Rambaud. - Cela devrait !
Mme Isabelle Briquet. - Les 50 milliards d'euros auxquels le Gouvernement a renoncé ces dernières années auraient été bienvenus alors que nous avons atteint la cote d'alerte sur les finances publiques...
Votre stratégie n'est ni redistributive ni vertueuse. Nous sommes bien dans une politique de l'offre qui laisse les plus fragiles au bord de la route. Oublions les cadeaux fiscaux, prenons en compte l'urgence sociale. L'ISF est un symbole, mais à 5 milliards d'euros, cela mérite que l'on s'y intéresse.
La Cour des comptes rappelle que les niches fiscales représentaient plus de 90 milliards d'euros en 2021 : il y a sans doute là quelques pistes intéressantes... Elle relève aussi des entorses aux principes d'annualité et de spécialité budgétaires qui affaiblissent la portée de l'autorisation parlementaire, sans parler des reports de crédits et de l'utilisation de crédits de certains programmes pour d'autres.
Cette opacité sert à masquer les échecs de la politique du Gouvernement. Celui-ci vante MaPrimeRenov', avec 40 000 logements en 2021 - alors que l'objectif annuel était de 800 000... Il y a loin de la coupe aux lèvres : selon la Cour des comptes, seuls 2 500 logements sont sortis de l'état de passoires thermiques.
Ce projet de loi de règlement traduit une méthode qui remet en cause notre mission de contrôle et signe l'entêtement idéologique libéral du Gouvernement. Comme en première lecture, le groupe SER votera contre. (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. Éric Bocquet applaudit également.)
M. Didier Rambaud . - (Applaudissements sur les travées du RDPI) L'année écoulée n'était comparable à aucune autre, et son budget était nécessairement exceptionnel. Le projet de loi de règlement entérine la politique réaliste du Gouvernement, qui a répondu à l'urgence sociale de la crise sanitaire. Réaliste, car le « quoi qu'il en coûte » a préservé l'économie. Réaliste, car nous n'avons dépensé que ce qu'il était possible de dépenser.
Nous avons amorti un choc impossible à prévoir. Le « quoi qu'il en coûte » a eu un prix élevé, mais ce qu'il a sauvé n'en avait pas.
La guerre en Ukraine a amplifié l'inflation qui résultait de la reprise économique. Notre situation est marquée par l'incertitude : le Gouvernement y répond avec fermeté, volonté et sincérité. Ne perdons pas de vue notre engagement pour une action publique efficace, responsable et financée.
Il faut remettre nos comptes en ordre, avec un objectif de déficit sous les 3 % en 2027, pour transmettre une situation pérenne aux générations futures. Notre politique d'emploi et de croissance est la clé de l'assainissement de nos comptes et de l'amélioration du pouvoir d'achat des Français. Elle s'incarne dans le pays : le chômage est au plus bas depuis 2008.
Le déficit continuera de baisser, ce que nous faisons déjà : les recettes fiscales ont permis de le réduire de 2 %.
La critique est l'essence de la démocratie. Cependant, nous avons à la fois évité la misère et relancé la croissance. En définitive, ce projet de loi de règlement n'est pas une approbation totale de chaque dépense, mais la ratification globale d'une gestion de crise : le RDPI le votera. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
M. Jean-Pierre Decool . - Les textes budgétaires se télescopent... Ce projet de loi de règlement est le premier du quinquennat, mais clôt le précédent. Il cristallise les oppositions de droite et de gauche, alors que sa portée politique est maigre.
Je regrette l'échec, prévisible, en CMP. Nous attendrons donc le prochain texte budgétaire pour roder la nouvelle méthode promise par la Première ministre.
Le désaccord en CMP ne change rien : contester la facture une fois réglée ne rend pas plus riche. Elle est salée : déficit à 6,4 % du PIB, dette publique à 113 %, loin des 60 % prévus par nos engagements européens. Il y a pourtant eu de bonnes nouvelles, avec une croissance à près 7 %, un chômage en recul, une augmentation des recettes.
La stratégie française a contribué à limiter la casse de la crise sanitaire. Le « quoi qu'il en coûte » a payé : n'oublions pas le soutien total de l'État aux entreprises et aux salariés - à trop noircir le tableau, on le regretterait. La France a bien géré la crise et les mesures que nous avons collectivement décidées ont protégé les salariés et les entreprises.
Alors que les tensions sociales ressurgissent, nous avons su préserver le pacte républicain. Il faudra désormais travailler plus et gagner plus pour ne pas laisser les prochaines générations payer le « quoi qu'il en coûte ».
Le groupe INDEP votera majoritairement en faveur de ce texte, comme il l'a fait en première lecture. (MM. François Patriat et Didier Rambaud applaudissent.)
Mme Christine Lavarde . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Je serai concise, pour complaire au président Raynal. (Sourires ; M. le président de la commission des finances s'en félicite.)
Nous rejouons le match de la semaine dernière : le groupe Les Républicains votera de nouveau contre ce texte, qui n'a pas évolué. Notre lecture est plus proche de celle du groupe UC et de la Cour des comptes que de celle du ministre : reports de crédits trop importants, crédits dépensés à d'autres titres que ceux des programmes votés.
Vous avez fait du Printemps de l'évaluation l'alpha et l'oméga de votre politique, monsieur le ministre : il n'a pas eu lieu cette année et aucun de nos rapporteurs spéciaux ou pour avis n'a pu mener ne serait-ce qu'une seule audition. Espérons qu'il en ira autrement l'année prochaine.
Nous en reparlerons lors du débat de demain. (Applaudissements nourris sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Daniel Breuiller . - Mettons fin au suspense : le GEST ne votera pas ce texte. (Quelques applaudissements à droite)
J'en dirai quelques mots néanmoins. Le ministre nous appelle à nous réjouir, mais je pense aux trois singes de la sagesse : celui qui n'écoute pas, celui qui ne voit pas et celui qui ne parle pas.
La sagesse eût été de respecter les délais de présentation du texte.
Celui-ci révèle ce que vous ne dites pas : le déficit reste très élevé et vous reportez 23 milliards d'euros de crédits non consommés, dérogeant au principe de l'annuité budgétaire : est-ce une cagnotte que vous réservez pour de bonnes surprises ? Le SMIC à 1 500 euros peut-être ?
Vous n'entendez pas non plus les conséquences de votre politique : plus de neuf millions de personnes vivent sous le seuil de pauvreté. Les salariés en emploi stable ont été protégés, mais les précaires beaucoup moins. Les plus modestes déclarent avoir le plus perdu, et la hausse de l'emploi concerne d'abord les emplois ubérisés. Les mesures défiscalisées et désocialisées auront aussi un coût, alors que les plus modestes ont proportionnellement bien plus contribué que les riches que vous avez choyés. Les 57 milliards de dividendes distribués par les entreprises françaises sont un record d'Europe, alors que les collectivités territoriales ne sont pas soutenues malgré leur implication durant la crise.
Enfin, vous ne voyez pas les effets de l'inaction climatique de votre gouvernement, deux fois condamné : 4,5 milliards d'euros du plan de relance, soit 25 % des autorisations budgétaires pour l'écologie, n'ont pas été consommés. Le budget, c'est du fossile à tous les étages, d'où une dépendance énergétique mortifère. Seuls 40 000 logements sont rénovés grâce à MaPrimeRénov' quand on en visait 800 000. Quand on parle d'environnement dans votre texte, il s'agit en général de l'environnement économique...
La dégradation du climat devrait vous conduire à questionner vos dogmes et écouter nos propositions ! (Applaudissements sur les travées du GEST et sur plusieurs travées du groupe SER ; M. Éric Bocquet applaudit également.)
M. Pascal Savoldelli . - Vous disiez en première lecture qu'il n'y avait pas de trésor de guerre pour l'État. Les collectivités territoriales n'en ont pas davantage. Les transferts en hausse ne font que compenser la suppression de la contribution sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), c'est-à-dire ce qui leur a été pris. Là, pas de cadeau !
La stabilité de la DGF est un leurre : elle n'est pas indexée sur l'inflation. De plus, le Gouvernement, par un tour de passe-passe, finance les dotations comme la dotation de solidarité urbaine (DSU) en en écrêtant d'autres. La suppression de la taxe d'habitation coûte 17 milliards à l'État alors que 35 % des recettes fiscales des collectivités territoriales disparaissent, grevant leur autonomie. Pas de cadeau fiscal ? Si, la suppression de la taxe d'habitation pour les 20 % les plus riches.
Rebelote avec la baisse des impôts de production, qui a coûté 10 milliards à l'État, et qui bénéficie majoritairement aux grandes entreprises.
Les collectivités territoriales montrent la solidité de leur budget, mais l'embellie actuelle n'est pas un rebond et les situations sont très variées. La taxe de séjour a baissé de 24 % entre 2019 et 2021 : les recettes irrégulières comme les DMTO tirent le total vers le haut.
Les difficultés structurelles demeurent. La compensation de la hausse du RSA, votée grâce à l'absence de majorité, est une goutte d'eau face au reste à charge accumulé. Les dotations sont remplacées par la contractualisation et les appels à projet, qui suivent les priorités du Gouvernement.
Obligées de voter leur budget à l'équilibre, les collectivités n'ont d'autre choix que de réduire l'offre de services publics ou d'augmenter les impôts.
L'État leur demande toujours plus avec moins : la revalorisation du point d'indice n'est pas compensée. Le Gouvernement se déresponsabilise et les élus locaux paient l'addition. La prochaine loi de finances semble assombrir le tableau : n'est-il pas paradoxal de vouloir réduire les dépenses des collectivités territoriales alors qu'on leur demande toujours plus de contributions ?
Le groupe CRCE votera contre ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE ; MM. Jean-Luc Fichet et Daniel Breuiller applaudissent également.)
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. - M. Husson et Mme Lavarde ont évoqué les reports de crédits. Ils ont été plus élevés que d'habitude en 2020 et 2021, années exceptionnelles, pour éviter les déficits de trésorerie, financer le fonds de solidarité et certains dispositifs à cheval sur deux années, comme la prime inflation. Nous nous engageons à retrouver des montants de reports faibles, comme entre 2017 et 2019 où ils étaient inférieurs à 2 milliards d'euros.
Le projet de loi de règlement a été déposé lors du premier Conseil des ministres suivant les législatives, comme en 2007, en 2012 et en 2017 - années électorales, où le calendrier est bousculé. Nous voulions prendre en compte les derniers chiffres de l'Insee. En année normale, les délais seront tenus.
Sur la sous-estimation des recettes, nos erreurs de prévision ont été moindres que pour nos voisins : l'Allemagne a eu un différentiel de 3,6 points de PIB par rapport aux prévisions, l'Italie de 2 points de PIB, la France de 1,6.
Quant à notre politique fiscale, sur 50 milliards d'euros de baisses d'impôts, la moitié a bénéficié aux ménages, dont la suppression de la taxe d'habitation et les 5 milliards d'euros de baisse de l'impôt sur le revenu à la suite du grand débat national. Quant aux baisses de l'impôt sur les sociétés et des impôts de production, elles ont permis d'atteindre un étiage du taux de chômage inédit depuis quinze ans et d'améliorer notre attractivité pour les implantations industrielles : en 2021, il y a eu deux fois plus d'usines ouvertes que fermées.
Je salue l'éloge de Mme Lavarde au printemps de l'évaluation. La chambre haute s'est inspirée de la chambre basse...
Mme Christine Lavarde. - C'est l'inverse !
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Il dure deux jours, votre printemps de l'évaluation !
M. Vincent Éblé. - Au Sénat, c'est toute l'année !
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. - Grâce à l'accord entre les deux chambres, ce printemps de l'évaluation est désormais élevé au niveau organique ; vous pourrez débattre chaque année, avec chaque ministre, de l'exécution budgétaire de l'année précédente.
Comme disait M. Decool avec sa sagesse du Nord, contester la facture réglée ne rend pas plus riche. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
La discussion générale est close.
Discussion des articles
L'article liminaire n'est pas adopté, non plus que les articles premier, 2, 3, 4, 5, 6 et 7.
Mme la présidente. - Je rappelle que, si l'article 8 n'était pas adopté, il n'y aurait plus lieu de voter sur l'ensemble du projet de loi.
L'article 8 est mis aux voix par scrutin public ordinaire de droit.
Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°141 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 293 |
Pour l'adoption | 58 |
Contre | 235 |
Le Sénat n'a pas adopté. En conséquence, le projet de loi n'est pas adopté.