Modernisation de la régulation du marché de l'art (Deuxième lecture)
Discussion générale
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle la discussion en deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l'Assemblée nationale, visant à moderniser la régulation du marché de l'art.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice . - La proposition de loi visant à moderniser la régulation du marché de l'art, présentée il y a deux ans, termine son long mais fructueux parcours parlementaire. Je salue ceux qui ont favorisé l'émergence d'un consensus au-delà des clivages politiques : Mmes Belloubet et Morin-Desailly, le président Buffet, Mmes Deromedi et Belrhiti notamment, ainsi que le député Maillard.
Ce texte est le fruit d'une concertation et d'une co-construction avec les professionnels du secteur et le Conseil des ventes volontaires (CVV), que je salue.
Ce texte, qui dessine l'avenir de la profession d'opérateur de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques, répond aux préoccupations exprimées dans le rapport de Mme Chaubon et M. de Lamaze. Il permettra aux opérateurs de ventes volontaires de retrouver leur dénomination historique : celle de commissaire-priseur.
Il améliore la gouvernance et la régulation de la profession autour d'une nouvelle autorité de régulation, aux compétences élargies : le Conseil des maisons de vente. Sa composition, objet de discussions nourries, est équilibrée : les membres de la profession y seront majoritaires mais son président sera nommé par le Garde des sceaux parmi les personnalités qualifiées. Ce ne sera pas un syndicat ni un ordre professionnel mais bien un organe régulateur.
Le régime disciplinaire est également renforcé, gage de crédibilité pour le marché des ventes volontaires. Le sujet m'est cher : la loi du 22 décembre 2021 a procédé à la modernisation de la déontologie et de la discipline des professions du droit.
La profession sortira renforcée de cette réforme, qui lui ouvre de nouveaux domaines d'intervention, comme les inventaires fiscaux ou la vente de biens incorporels.
Le marché des ventes volontaires est une composante essentielle du marché de l'art français. Il faut soutenir son développement.
Je me réjouis qu'ait été réglée la question de la poursuite d'activité après le 1er juillet 2022 de la quarantaine d'huissiers de justice qui réalisent des ventes volontaires dans leur office.
Enfin, je salue le travail de la commission des lois qui a adopté conforme le texte de l'Assemblée nationale, après des échanges nourris.
Le Gouvernement se félicite de l'accord trouvé sur un sujet si important. (Applaudissements sur les travées du RDPI et du groupe UC ; Mme Laure Darcos applaudit également.)
Mme Catherine Belrhiti, rapporteure de la commission des lois . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Plus de deux ans après sa première lecture par le Sénat, cette proposition de loi de notre collègue Catherine Morin-Desailly arrive au terme de son parcours parlementaire.
Grâce à elle, un vent nouveau de liberté soufflera sur un secteur d'activité qui participe au rayonnement culturel de la France.
Ce texte modernise la régulation du secteur des ventes aux enchères, activité dans laquelle la France n'occupe plus que le quatrième rang mondial derrière les États-Unis, le Royaume-Uni et la Chine, alors qu'elle était en tête dans les années 1950. Mais ce recul n'est pas inéluctable, pour peu que nous sachions accompagner la profession.
Le secteur a été progressivement libéralisé depuis les années 2000 sous l'effet du droit européen, tout en restant réglementé. Or une législation inutilement restrictive freine sa modernisation.
Le CVV, à la gestion dispendieuse, n'a pas donné satisfaction ; il exercerait un contrôle inutilement tatillon, sans pour autant prévenir les scandales. Du reste, la mission de contrôle des obligations en matière de lutte contre le blanchiment et de financement du terrorisme lui a été retirée au profit de la direction générale des douanes et de la commission nationale des sanctions.
Une telle autorité de régulation propre au secteur des ventes aux enchères n'existe dans aucun autre pays d'Europe. Bien sûr, des contrôles sont nécessaires pour éviter les fraudes, mais ils pourraient relever de services ministériels tels que la direction générale de la concurrence de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF). Cependant, cette solution ne fait pas consensus.
Aussi, ce texte crée, en lieu et place du CVV, un Conseil des maisons de ventes, instance de régulation mais aussi de promotion, d'information et de règlement amiable des différends. Son collège serait constitué majoritairement de représentants élus par les professionnels. Les députés ont souhaité que son président soit choisi parmi les membres nommés ; notre commission n'a pas remis ce choix en cause.
Le pouvoir disciplinaire sera confié à une commission des sanctions indépendante du collège. Sur ce point, je me réjouis que les députés aient rejoint la position du Sénat.
La proposition de loi a également été enrichie du travail de Mme Deromedi, alors rapporteure de la commission des lois. L'article 3 étend aux meubles incorporels le régime légal des ventes aux enchères, ce qui répond au développement fulgurant du marché des non fungible tokens, les NFT. Récemment une oeuvre entièrement numérique de l'artiste Beeple a été vendue 69 millions de dollars chez Christie's à New York, sous forme de NFT ; la législation française ne l'aurait pas permis.
Grâce à cet apport majeur du Sénat, nos maisons de vente vont pouvoir aborder de nouveaux marchés, appelés à se développer avec l'essor de l'économie de l'immatériel.
Les opérateurs de ventes volontaires pourront aussi se charger des inventaires fiscaux lors de successions et des ventes judiciaires.
Le formalisme sera allégé lors des ventes de gré à gré.
Enfin, pour garantir une concurrence équitable, nous souhaitions soumettre les notaires à l'obligation de constituer une société ad hoc lorsqu'ils procèdent à des ventes de meubles aux enchères. Il est regrettable que l'Assemblée nationale n'ait pas conservé cette disposition sur laquelle l'Autorité de la concurrence nous avait alertés.
Ce texte va néanmoins dans le bon sens ; c'est pourquoi la commission des lois recommande son adoption sans modification. Enfin, que les collègues d'Alsace-Moselle ne s'inquiètent pas : il ne remet nullement en cause les spécificités du droit local. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC ; M. Julien Bargeton applaudit également.)
M. Franck Menonville . - Nous examinons cette proposition de loi plus de deux ans après son adoption en première lecture.
Depuis le XVIe siècle, la France occupe une place particulière dans le paysage mondial des ventes aux enchères ; alors qu'elle concentrait 60 % du marché à la fin des années 1950, elle n'en représente plus que 6 %, et se situe désormais au quatrième rang mondial. Le secteur des ventes volontaires aux enchères publiques a été libéralisé à compter des lois du 10 juillet 2000, avec la fin du monopole des commissaires-priseurs, et du 20 juillet 2011, faisant suite à la directive Services. Pour autant, le retard du marché français persiste.
Cette proposition de loi ambitionne de redynamiser le secteur. Elle réforme sa régulation en modifiant la dénomination, les missions et la composition de l'actuel CVV. Les professionnels y seront désormais majoritaires.
Le Sénat a enrichi le texte et un consensus a été trouvé avec l'Assemblée nationale, permettant de proposer un vote conforme.
Ce texte donnera un nouveau souffle aux maisons de vente françaises et à la profession de commissaire-priseur face à la compétition internationale. Le groupe INDEP le votera. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)
M. Jean-Baptiste Blanc . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Cette proposition de loi de Mme Morin-Desailly fait son retour au Sénat plus de deux ans après la première lecture. Adopté par l'Assemblée nationale le 9 février, ce texte méritait un débat de fond au vu de l'état du marché français de l'art.
La place française a perdu son rang face aux États-Unis et à la Chine. La France reste leader dans certains domaines comme le design, les manuscrits et les arts premiers, mais elle est un acteur secondaire sur les marchés les plus porteurs.
Le produit des ventes aux enchères publiques en France a toutefois atteint 4 milliards d'euros en 2021, soit une augmentation de 40 %, ce qui confirme sa quatrième place sur le marché mondial. Nos maisons de vente opèrent une sortie de crise spectaculaire dont nous devons nous féliciter.
Ce dynamisme doit nous inciter à donner un souffle nouveau à la profession, en préservant les conditions de l'excellence française. L'existence d'une autorité de régulation prémunit contre les fraudes.
L'article premier transforme le CVV en Conseil des maisons de ventes et modifie sa composition. Les représentants des professionnels - trois issus d'Île-de-France et trois d'autres régions - occuperont six sièges sur onze face aux personnalités nommées par les ministres de la justice, de la culture et du commerce.
Cette composition rapproche le Conseil d'un ordre professionnel, sans compter que la présence majoritaire des professionnels empêche tout pouvoir disciplinaire et pose la question de la confidentialité.
Redoutant d'être en contradiction avec le droit européen, vous avez créé un nouvel organe distinct, la commission des sanctions, qui exercera le pouvoir disciplinaire. Espérons que cela créera un avantage comparatif dans un marché très concurrentiel.
L'article 5 fusionne en un corps unique les huissiers avec les commissaires-priseurs chargés des ventes judiciaires. Ceux qui ont réalisé au moins 24 ventes sur trois années consécutives seront dispensés de formation et d'examen. Cela créera une situation très concurrentielle, qui ne sera pas sans conséquences dans nos territoires.
Il serait présomptueux de penser que ce texte adapte véritablement le marché de l'art français aux grands défis que sont l'internationalisation, la concentration du marché et la numérisation, mais c'est un premier pas, qui en appelle d'autres. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Guy Benarroche . - Les ventes volontaires de meubles aux enchères publiques concernent principalement des oeuvres d'art, mais aussi des machines industrielles ou des animaux. Notre assemblée travaille depuis 2018 sur l'attractivité du marché de l'art, devenu très concurrentiel et international. En la matière, le déclin de la France s'est précipité - elle représentait 60 % du marché dans les années 1960, contre 6 % aujourd'hui - et nos opérateurs ont dû affronter l'émergence de l'e-commerce.
Le rapport Chaubon - de Lamaze, remis à la garde des Sceaux en 2018, comporte 48 propositions, dont sept sur la rénovation du Conseil des ventes volontaires. C'est l'objet principal de ce texte, dont le grand mérite est de renforcer la présence des professionnels au sein du Conseil. Il permet un droit de regard du Conseil sur l'activité internationale sur notre territoire via un certificat d'aptitude.
Nous saluons le transfert du pouvoir disciplinaire au tribunal judiciaire de Paris, car la justice ordinale conduit trop souvent aux dérives de l'entre-soi.
Saluons également le transfert des missions de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme à la direction générale des douanes.
Le rétablissement d'une concurrence équitable entre notaires et autres vendeurs et l'instauration d'une formation continue pour les commissaires-priseurs sont également de bonnes mesures.
Reste la problématique des ventes non régulées en ligne...
Si ce texte apporte une réponse avant tout technique à un libéralisme excessif, il faut aussi développer l'accompagnement à la création et le travail des artistes alors que le secteur de la culture a été impacté par la pandémie. Or le marché de l'art ne peut vivre que grâce à un vivier bouillonnant de talents !
Le GEST votera ce texte, au vu des équilibres trouvés. (Applaudissements sur les travées du GEST ; Mme Catherine Morin-Desailly applaudit également.)
M. Pierre Ouzoulias . - La loi du 10 juillet 2000 a abrogé le monopole des commissaires-priseurs. Celle du 20 juillet 2011 a réformé le courtage aux enchères en créant un Conseil des ventes volontaires. Le commissaire-priseur est de moins en moins un officier ministériel chargé d'une mission de service public. Faut-il continuer à encadrer les ventes volontaires ? Autrement dit, la fin d'une profession réglementée doit-elle entraîner la libéralisation du secteur ?
Depuis la loi du 10 juillet 2000, le marché de l'art s'est profondément transformé. Trois grandes maisons de vente s'approprient plus de la moitié du volume des ventes et les vieilles maisons françaises ont de plus en plus de mal à résister.
Cette proposition de loi, inspirée par les rapports soulignant la perte d'influence de la place de Paris, s'attache à corriger le mode de fonctionnement et les attributions du Conseil des ventes volontaires. Mme Morin-Desailly souhaite que le CVV rénové soit « au service d'une profession portant un niveau élevé d'exigence de probité et d'expertise » ; je la rejoins.
L'attractivité du marché parisien serait mieux défendue s'il bénéficiait de la même dérégulation que ses concurrents étrangers ? Je suis convaincu du contraire.
Nous venons de voter la restitution par la ville de Sannois d'un tableau de Maurice Utrilllo aux ayants droit de Georges Bernheim, spolié par l'organisation nazie Rosenberg. Le vendeur refuse toute indemnisation. Comme l'a dénoncé Sébastien Meurant, il n'est pas acceptable qu'une maison internationale dégage ainsi sa responsabilité.
L'an dernier, soixante oeuvres d'Afrique et d'Océanie de la collection de Michel Périnet ont été dispersées par Christie's pour plus de 60 millions d'euros, alors que les conditions d'acquisition de certaines d'entre elles n'étaient pas établies. Les musées doivent restituer des oeuvres mais ces maisons de vente pourraient s'affranchir de vérifications indispensables sur les provenances ?
À tout le moins, la France doit ratifier la convention d'Unidroit sur les biens culturels volés ou illicitement exportés, signée à Rome le 24 juin 1995. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE, et sur plusieurs travées des groupes UC, INDEP et Les Républicains)
Mme Catherine Morin-Desailly . - Je suis heureuse que le Sénat examine en deuxième lecture ma proposition de loi visant à moderniser la régulation du marché de l'art.
En mars 2018, notre Haute Assemblée s'était saisie de ce sujet, inquiète de la perte de compétitivité de la France sur ce secteur. Notre commission de la culture avait travaillé avec la commission des lois, repérant des blocages fiscaux, réglementaires ou administratifs.
Les réformes opérées par les lois de 2000 et 2011 pour se mettre en conformité avec le droit européen n'ont pas eu les effets escomptés, malgré une hausse du volume des ventes. Les professionnels devaient affronter à la fois une concurrence croissante et la conséquence de la réforme des commissaires de justice.
Il fallait concilier liberté accrue et maintien d'une régulation, gage de crédibilité et de probité.
La réforme du CVV a bénéficié de mes échanges nourris avec Mme Chambon et M. de Lamaze. La composition, les missions et la dénomination du Conseil évoluent. D'aucuns s'interrogent sur le mélange des professionnels et des magistrats, mais c'est ce modèle, recherchant l'équilibre entre caractère professionnel et de régulation, qui a été choisi pour toutes les réformes des professions réglementées.
L'examen de ce texte par l'Assemblée nationale a été retardé à cause de la crise sanitaire. Nous n'avons eu de cesse, avec Sylvain Maillard, rapporteur de l'Assemblée nationale, de solliciter le Gouvernement pour son inscription à l'ordre du jour. Nous y sommes enfin. Nous avons abouti à une rédaction satisfaisante pour tous, à l'issue d'échanges avec l'Assemblée et la Chancellerie.
L'essentiel du texte issu du Sénat reste inchangé, à l'exception du mode de désignation du président du nouveau Conseil.
Les autorités de régulation et le maillage territorial sont sauvegardés.
La fonction disciplinaire est assurée par un organe indépendant au sein du Conseil des maisons de vente : j'y suis attachée. Cela permet le recours à la médiation.
Grâce au Sénat, les personnes habilitées à diriger les ventes volontaires retrouveront le beau titre de commissaire-priseur.
Cette réforme n'est pas une révolution, mais elle donne un nouveau souffle aux maisons de ventes françaises en les armant mieux face à la compétition internationale, au défi de la numérisation et des risques de concentration du marché.
Je déplore que la compétitivité de la France ait reculé, mais elle dispose encore d'atouts considérables sur le marché de l'art, grâce à son patrimoine, à la qualité de ses professionnels et à l'ancrage territorial des sociétés de vente volontaire. Restons optimistes !
Je remercie les présidents Bas et Buffet, ainsi que nos rapporteurs successifs, de même que Nicole Belloubet, toujours à l'écoute.
Nous comptons sur vous, monsieur le garde des Sceaux, pour la suite. Je m'inquiète en effet de l'opposition de l'actuel président du CVV, qui a inscrit un vote sur le texte à son ordre du jour, avant de le retirer. Ses démarches sont déplacées. Les décisions appartiennent au Gouvernement et au Parlement, d'autant que les deux chambres ont voté ce texte à l'unanimité !
Nous espérons une parution de la loi dans les meilleurs délais.
Sans surprise, le groupe UC votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains)
M. Bernard Fialaire . - La France, hier principale place du marché de l'art, serait déclassée. Selon les classements, elle se maintient néanmoins à la quatrième ou à la sixième place. Ce peut être le signe d'une vitalité à saluer, malgré la place prise par New-York, Pékin et Londres.
En 2019, le Rabbit de Jeff Koons, vendu 91 millions de dollars, a dopé à lui seul le marché américain. Mais en volume, la France vendait autant de lots que l'Oncle Sam. C'est un indice tout aussi important que la valeur, qui tient à des transactions parfois folles - sans même parler des scandales entourant certaines grosses transactions.
La France conserve ses atouts majeurs : longue histoire, patrimoine riche et solide, politique muséale qui participe à l'attractivité du marché de l'art, au point que les commissaires-priseurs se définissent comme des passeurs d'histoire.
Cette proposition de loi concerne en particulier le secteur des ventes volontaires aux enchères publiques. En première lecture, le RDSE avait approuvé ce texte. Un équilibre a été trouvé avec les députés pour redonner du souffle au Conseil des maisons de vente. Une majorité de professionnels, plus de diversité territoriale, un pouvoir disciplinaire exercé par un organe distinct : cela va dans le bon sens.
Le RDSE se range à l'avis de la commission des lois sur le nouveau statut de commissaire de justice.
Je veux évoquer un autre volet des politiques de soutien au marché de l'art : la fiscalité, outil intéressant à condition d'en mesurer l'impact concret et d'éviter les effets d'aubaine.
Il a manqué un débat sur les NFT, les certificats de propriété des oeuvres numériques, alors que cette loi en facilite les enchères. Quel apport à l'humanité des produits de la blockchain et de l'économie immatérielle ? Cette économie du vide doit nous alerter. Conscients des limites planétaires, allons-nous créer de la richesse pour créer de la richesse, sans prêter attention aux conséquences sur la planète ?
Prêtant la Joconde aux États-Unis en 1963, Georges Pompidou affirmait que la possession de chefs-d'oeuvre imposait de grands devoirs.
L'amélioration des outils de vente aux enchères en fait partie, car c'est une vitrine du rayonnement culturel de la France.
M. Jean-Pierre Sueur . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) L'art et l'argent, vaste sujet. On pourrait même dire : l'art, l'argent, le pouvoir. Combien de peuples, de cultures, de civilisations spoliées au fil du temps ? Combien d'artistes qui ont vécu dans la misère et dont les oeuvres donnent lieu à des gains pléthoriques ?
Il y a là matière à vaste réflexion, comme disait Pierre Ouzoulias.
M. Pierre Ouzoulias. - Merci !
M. Jean-Pierre Sueur. - En attendant, Mme Morin-Desailly nous présente un texte qui, dit-elle, n'est pas une révolution. Il faut toujours préférer les réformistes qui réforment aux révolutionnaires qui ne font pas la révolution ! (Sourires ; M. le garde des Sceaux approuve.)
Alors que le marché de l'art français ne représente plus que 6 % du marché mondial, ce texte utile transforme le CVV en un Conseil des maisons de ventes composé majoritairement de représentants élus de la profession. L'Assemblée nationale a préféré que son président soit choisi parmi les membres nommés, pour maintenir l'équilibre entre le renforcement de la présence des professionnels et la préservation de sa fonction de régulation, et éviter toute confusion avec un ordre professionnel. Il est vrai que le président assumera une fonction régalienne, au nom de l'État, en matière de régulation.
Il est apparu préférable à notre commission, et elle a eu raison, de proposer une adoption conforme plutôt que de renvoyer à une prochaine lecture qui n'aurait sans doute jamais eu lieu.
Citons aussi l'amendement de notre groupe qui autorise les opérateurs de vente volontaires à réaliser les inventaires fiscaux lors d'une succession. C'était l'une des recommandations du rapport Chambon-Lamaze.
Enfin, j'avais suggéré de substituer à l'expression « opérateur de ventes volontaires », quelque peu technocratique, le terme de « personne », au sens d'une personne physique - en somme, un être humain - ou morale. Mais l'Assemblée nationale n'a pas été sensible à ma sémantique humaniste - je le rappelle pour l'histoire...
Nous revenons donc au titre de commissaire-priseur à l'article 2, qui prévoit une obligation de formation professionnelle permanente pour ces personnes.
Au total, ce texte est positif. Nous aurions, certes, pu chicaner sur certains points ; mais nous suivrons Catherine Morin-Desailly pour que cette réforme utile aboutisse. (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; Mme Catherine Morin-Desailly et M. Pierre Ouzoulias applaudissent également.)
Mme Catherine Morin-Desailly. - Merci !
M. Julien Bargeton . - Ce secteur est confronté à deux défis : internationalisation et essor non régulé des ventes en ligne. S'y ajoute la double nécessité d'accroître le maillage territorial et de lutter contre les fraudes, dols et manipulations.
« La forme, c'est le fond qui remonte à la surface », a dit Victor Hugo, notre illustre prédécesseur. Ce texte l'illustre bien, car la qualité de son contenu est la traduction du processus suivi : une initiative sénatoriale enrichie par l'Assemblée nationale, pour finir par un vote conforme. Je suis fier que la Haute Assemblée s'apprête à adopter un tel texte.
Je salue le travail de Mme Morin-Desailly, ainsi que celui de Sylvain Maillard, mon collègue parisien, qui s'est investi notamment sur la formation continue des commissaires-priseurs. La concurrence que ceux-ci rencontrent ne vient pas forcément de l'étranger, mais plutôt d'internet - pour le dire vite, du Bon Coin. La formation continue est à cet égard un enjeu essentiel.
Comme sénateur de Paris, je suis particulièrement sensible à l'attractivité de notre capitale. De ce point de vue, l'allègement des formalités pour les ventes de gré à gré et l'accès partiel des ressortissants européens au marché de l'art français sont des facteurs de modernisation utiles.
Ce texte fait partie d'une longue série de propositions de loi adoptées en cette fin de quinquennat, au Sénat comme à l'Assemblée nationale. L'aboutissement d'un aussi grand nombre d'initiatives parlementaires mérite d'être souligné.
La discussion générale est close.
Discussion des articles
L'article premier A demeure supprimé.
L'article premier B est adopté.
L'article premier est adopté.
L'article 2 est adopté
L'article 4 est adopté
L'article 5 est adopté
L'article 6 est adopté.
L'article 9 est adopté.
La proposition de loi est adoptée.
(Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains et du RDPI ; M. Jean-Pierre Sueur applaudit également.)
La séance est suspendue quelques instants.