Implantation de panneaux photovoltaïques sur des sites dégradés (Suite)
M. Henri Cabanel . - Si la loi Littoral du 3 janvier 1986, adoptée à l'unanimité, fait l'objet de débats, son bilan, plus de trente ans après son adoption, est très positif. Elle a freiné la bétonisation et la dispersion des constructions sur le littoral. C'est pourquoi il faut bien peser toute modification de ses équilibres.
Le principe de continuité des nouvelles constructions a conduit le législateur à prévoir des dérogations pour éviter que le foncier ne soit entièrement gelé, notamment pour la production d'énergies renouvelables, qui nécessite de la superficie.
Nous l'avions évoqué lors de l'examen de la proposition de résolution sur l'agrivoltaïsme : à mon sens, les centrales au sol devraient être exceptionnelles, privilégions l'implantation de panneaux sur les toits des bâtiments et gardons-nous de promoteurs peu soucieux de la vocation agricole des sols.
L'installation de panneaux solaires sur des sites dégradés - notion préférable à celle de friche - ne pose pas de difficulté. Le terrain agricole ne devrait pas être considéré comme une friche, la priorité étant l'installation sur des sites déjà artificialisés.
Faut-il installer des parcs photovoltaïques sur le littoral ? Pas sûr. Mais si cela contribue à améliorer l'acceptabilité de ces projets, pourquoi pas ?
Le recours à la procédure normale d'examen nous aurait donné du recul, alors que la législation en commission nous impose d'accepter certaines modifications. Pourtant, rien ne servait de courir : la proposition de loi ne sera pas inscrite à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale avant la suspension des travaux parlementaires...
Nous nous contenterons des garde-fous tendant à prévenir les conflits d'usage : régime d'autorisation, avis de la commission départementale, étude d'incidence, liste des friches envisagées.
Une telle dérogation peut s'entendre dans la mesure où les éoliennes, dont l'impact paysager est plus important, bénéficient déjà d'une même souplesse.
Le recours aux friches pour tout projet d'intérêt général est souhaitable, mais seuls 8 % des sites évoqués par l'Ademe dans son rapport de 2019 se trouvent dans des communes littorales. Le projet évoqué sur l'Île d'Yeu contribuera à son autosuffisance énergétique : nous y sommes favorables.
Bien que ce texte ne change pas la donne en matière de diversification de notre mix énergétique, le groupe RDSE le votera. (Applaudissements sur les travées du RDSE ; Mme Nadège Havet applaudit également.)
M. Joël Bigot . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Cette nouvelle dérogation à la grande loi Littoral, similaire à celle prévue pour l'éolien, était presque passée inaperçue dans la loi Climat. Elle s'inscrit dans la continuité des travaux de la commission d'enquête sur la pollution des sols, portée par le groupe SER : nous y sommes favorables.
Je me réjouis de l'adoption de notre amendement sur le Conservatoire du littoral : cette concertation obligatoire sera un garde-fou plus efficace que l'étude d'incidence réalisée par le maître d'ouvrage.
En revanche, je regrette le rejet de notre amendement sur la validation du projet d'implantation par les acteurs de la démocratie locale : certes, l'accord du maire sera nécessaire, mais le vote de la commune ou de l'EPCI concerné aurait renforcé l'acceptabilité des projets, à l'heure où la démocratie représentative souffre d'une réelle désaffection.
Ce dispositif diffère de la disposition prévue par le code de l'urbanisme s'agissant des éoliennes.
Nonobstant cette remarque de bon sens, le groupe SER votera ce texte qui répond aux attentes de nombreux territoires, notamment insulaires.
Sur le principe de continuité des constructions, la jurisprudence administrative est constante. J'y ai été confronté lorsque j'étais maire des Ponts-de-Cé dans le Maine-et-Loire, ayant dû attendre six ans l'autorisation de la Commission de régulation de l'énergie (CRE) pour construire une centrale solaire sur une ancienne décharge, alors que le site n'était même pas situé en zone littorale.
Triste bilan, alors que la France est en retard s'agissant des énergies renouvelables...
Je regrette l'absence d'étude d'impact et aimerais, madame la ministre, connaître le nombre exact de sites envisagés et leur localisation.
Malgré les réserves évoquées, ne boudons pas notre plaisir et votons cette avancée. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)
Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État. - La liste de 874 sites est générale et non spécifique au littoral. S'agissant de ce texte, nous identifions vingt sites possibles. Ce travail est à poursuivre.
La proposition de loi est adoptée.
(Applaudissements)
La séance est suspendue quelques instants.