Aménagement du Rhône(Conclusions de la CMP)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen des conclusions de la commission mixte paritaire (CMP) chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi relative à l'aménagement du Rhône.

M. Patrick Chauvet, rapporteur pour le Sénat de la CMP .  - (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC) La CMP est parvenue à un accord dont je me félicite. Le texte est important pour prolonger et sécuriser la concession attribuée à la Compagnie nationale du Rhône (CNR). Son adoption à l'unanimité par le Sénat était un signal fort en direction de la CNR, acteur incontournable de la transition énergétique et de l'aménagement du territoire rhodanien.

Il y aurait beaucoup à dire sur la méthode retenue par le Gouvernement. La concession aurait pu être prolongée par décret. Si ce texte est salutaire pour la CNR, il ne règle pas la situation des autres concessions échues, dont 39 sur 400 ont été placées sous le régime des délais glissants.

Le Gouvernement doit proposer une solution globale, négociée, pour sortir par le haut de cette insécurité juridique.

Le Sénat a veillé à inscrire la CNR sur la voie de la neutralité carbone, à renforcer le dialogue avec les collectivités territoriales sur les projets en cours, et à favoriser le développement agricole. Nous avons donc consolidé le texte sans en modifier l'équilibre. Les apports sénatoriaux ont tous été conservés par la CMP.

Le lien entre le programme de travaux et le schéma directeur a été précisé, tout comme la réaffectation financière, entre la CNR et l'État, en l'absence de réalisation du projet en suspens. La mission de soutien de la CNR à l'emploi agricole est étendue aux emplois locaux. Enfin, le cahier des charges pourra être modifié par décret simple.

L'examen du texte aura démontré tout l'intérêt du bicamérisme

Nous avons fait oeuvre utile. Je remercie la présidente Primas et tous mes collègues et vous invite à adopter ce texte qui, cent ans après la loi de 1921, permet la poursuite de la concession pour dix-huit années de plus. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, du RDSE et du RDPI)

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État, chargée de la biodiversité .  - Je suis honorée de partager ce moment de cohésion autour de la CNR, qui porte la promesse de la réconciliation des enjeux économiques, environnementaux, sociaux, énergétiques et agricoles sur le territoire.

Cette colonne vertébrale du Rhône, quatrième fleuve européen avec ses 300 kilomètres de voies navigables, fait de la CNR l'âme du bassin rhodanien. Je salue le travail et l'engagement de ses 1 400 salariés.

Les enjeux sont multiples : navigation, irrigation, déploiement massif des énergies renouvelables - hydroélectricité mais aussi photovoltaïque, hydrogène demain et, dès 2023, électricité osmotique.

Nous sommes sur le temps long, avec une vision holistique du territoire. Il est donc important de pouvoir se projeter en prolongeant la concession jusqu'au 31 décembre 2041.

Ce texte est riche, ambitieux et équilibré. Il associe trois régions, onze départements et une centaine de collectivités territoriales actionnaires aux réflexions.

Je salue l'esprit de consensus qui a présidé aux travaux parlementaires et remercie Mme Primas, M. Chauvet et M. Mignola, auteur de la proposition de loi. La mobilisation de la représentation nationale est une belle reconnaissance pour les acteurs. (Applaudissements sur les travées du RDPI et au banc de la commission ; Mme Laure Darcos applaudit également.)

M. Loïc Hervé .  - Ce texte d'initiative parlementaire vise à moderniser et à prolonger la concession de la CNR, modèle de concession unique en France. J'en remercie l'auteur, Patrick Mignola, et notre rapporteur pour leur investissement.

Souveraineté énergétique et aménagement du territoire rhodanien ont été au coeur de nos débats.

Le Rhône, 812 kilomètres, prend sa source au massif du Saint-Gothard avant de se jeter dans le delta de la Camargue.

Dès 1921, la CNR se voyait doter de trois missions : la production d'hydroélectricité, l'irrigation agricole et la navigation fluviale. À Seyssel, je visitais certaines de ses installations dimanche dernier. C'est une entreprise à nulle autre pareille.

Les enjeux de la concession, qui arrivait à échéance en 2023, sont donc nombreux. Sans ce texte, elle aurait rejoint le régime des délais glissants qui concerne déjà 39 concessions sur 400. Elle restera donc à l'abri du contentieux européen jusqu'en 2041.

Les apports du Sénat ont été sauvegardés en CMP. Pas moins de 183 collectivités sont adhérentes à la concession ; le lien avec les élus est donc essentiel. Cela fait partie des missions de la CNR, comme les missions précédemment évoquées.

Le Sénat a renforcé juridiquement le texte par différentes précisions. Il était nécessaire et très attendu par les élus locaux.

Le groupe UC votera le texte issu de la CMP. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et au banc de la commission)

M. Bernard Fialaire .  - Cette proposition de loi nous offre l'occasion rare de nous prononcer sur le prolongement sans mise en concurrence d'une concession qui date de 1934, celle de la CNR, qui fournit un quart de la production hydroélectrique de la France.

C'est d'autant plus exceptionnel que l'accord préalable de la Commission européenne a été obtenu. Comme disait Édouard Herriot, il est plus facile de construire un barrage en pierre ou en béton que de forcer les barrages des bureaux !

M. Loïc Hervé.  - Belle référence !

M. Bernard Fialaire.  - La situation singulière de la CNR explique la relative facilité avec laquelle elle a pu être prolongée jusqu'en 2041. Pendant de longues années, elle avait été privée de l'exploitation des barrages du fait de la nationalisation de la production de l'énergie.

Il est heureux que le Parlement ait l'occasion de se prononcer sur un élément de la politique énergétique du pays.

Néanmoins, ne nous réjouissons pas trop vite : nous sommes à l'entrée du tunnel des contentieux car 150 concessions arrivent à échéance l'an prochain et seront soumises à la directive Concessions de 2014.

Il faut préserver notre souveraineté énergétique ; la transition énergétique ne peut se passer de la houille blanche et des solutions de stockage de l'électricité. À cet effet, les programmes pluriannuels quinquennaux apporteront 500 millions d'euros d'investissements.

Cette concession est tout aussi stratégique dans le domaine de la navigation fluviale et de l'agriculture. Il faut veiller à la gestion de l'eau vitale pour une agriculture locale très dépendante de l'irrigation.

La CNR poursuivra ses trois missions historiques.

La modernisation des contrats de concession doit être poursuivie. Les prérogatives de la puissance publique ne s'usent que lorsqu'on ne s'en sert pas. (Sourires) Un État exigeant est un concédant qui ne se retire pas complètement de l'exécution du contrat et n'entérine pas des situations acquises excessivement favorables au concessionnaire, comme on l'a vu pour les sociétés autoroutières.

Aussi, les clauses de revoyure en 2028 et 2034 sont indispensables, de même que la possibilité de modifier le cahier des charges par décret.

Les conditions semblent réunies pour maintenir la CNR dans son statut : le groupe RDSE votera cette proposition de loi. (Applaudissements au banc de la commission)

Mme Florence Blatrix Contat .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) La CMP est parvenue à un accord. Les sénateurs SER se réjouissent de la prolongation de la concession de la CNR jusqu'en 2041 qui apporte stabilité, sécurité et vision à long terme.

Ce texte confirme les trois grandes missions de la CNR : production d'électricité, développement de la navigation fluviale et irrigation. Il lui donne en outre les moyens d'être un acteur de la transition énergétique.

La CNR a déjà pris cette voie, notamment en matière de production d'énergies renouvelables avec 49 parcs photovoltaïques et 57 parcs éoliens.

Le cahier des charges et le schéma directeur prévoient 500 millions d'euros d'investissements, dont 165 millions sur les cinq premières années.

La CNR inscrira son action dans la perspective de l'objectif, essentiel, de neutralité carbone en 2050.

La prolongation de sa concession est la garantie d'une action au service de tous. Il est important que la CNR demeure sous contrôle public, en association avec les collectivités territoriales.

Nous avons contribué à renforcer le rôle du comité de suivi. Les parlementaires y seront associés.

Les travaux programmés permettront d'améliorer six barrages et la continuité piscicole. Élue de l'Ain, je serai très attentive au projet de Saint-Romain-de-Jalionas.

C'est l'ensemble du secteur hydroélectrique que nous devons stabiliser. Pas moins de 10 % des concessions sont arrivées à échéance, ce qui les place dans la phase des délais glissants. Pour l'heure, rien n'est fait et le contentieux avec les institutions européennes n'est pas réglé. L'exécutif doit être plus actif pour sécuriser ces installations.

Le groupe SER est très favorable à ce texte ; il reste à consolider les autres concessions et EDF. (Applaudissements sur les travées du GEST ; Mme la présidente de la commission applaudit également.)

M. Bernard Buis .  - La cohabitation de l'homme de Néandertal et de l'homo sapiens moderne vient d'être attestée par la découverte de fossiles sur le site de la grotte Mandrin, dans la Drôme, au bord du Rhône. Preuve que l'espèce humaine tirait parti de la position et des ressources stratégiques de ce fleuve bien avant la CNR ! (Sourires)

Pour la commission des affaires économiques, c'est la onzième CMP conclusive sur douze, soit plus de 90 % de réussite... Je me réjouis de la bonne entente entre la présidente Primas et son homologue à l'Assemblée nationale, Roland Lescure.

Je salue la présence en tribune des représentants de la CNR, qui travaillent à cette prolongation depuis huit ans. La CNR fait du bon travail : l'accompagner est la moindre des choses. Les apports du Sénat contribueront à sécuriser le texte et à associer davantage les élus.

Le projet de Saint-Romain-de-Jalionas suscite des interrogations ; il faudra être vigilant.

La CNR se montre très innovante : elle a notamment proposé un parc photovoltaïque flottant sur le lac de la Madone, une installation unique en son genre qui combine enjeux énergétiques et environnementaux.

Cette compagnie prouve qu'il est possible de bâtir un modèle économique sans gaspiller ou salir. Au regard de ses actions comme de sa philosophie, elle mérite que nous lui renouvelions toute notre confiance ! (Mme la présidente de la commission applaudit.)

M. Claude Malhuret .  - (M. Pierre Louault applaudit.) L'unanimité est suffisamment rare pour être soulignée. Cette proposition de loi l'aura recueillie dans les deux chambres. C'est la conséquence de l'importance de l'enjeu comme de la qualité du travail de la CNR.

Je remercie notre rapporteur, Patrick Chauvet. Les modifications opérées par la Chambre haute ont été rigoureuses et équilibrées. Peu de retouches ont d'ailleurs été faites en CMP.

Source d'opportunités économiques, industrielles et écologiques, le Rhône est un atout considérable pour les territoires qu'il traverse et le pays tout entier. Il est un vecteur de progrès.

Je me réjouis que l'action de la CNR soit inscrite dans l'objectif de neutralité carbone en 2050. Elle peut notamment favoriser le développement du transport fluvial, une voie essentielle pour décarboner le secteur, fortement émetteur, des transports.

Le Rhône abrite aussi une faune et une flore exceptionnelles. Agir pour la qualité de l'eau est essentiel à cet égard, mais aussi pour les usages agricoles.

Le Rhône occupe une place de premier plan dans la production hydroélectrique. Développer celle-ci, la rendre plus flexible et plus attractive, c'est un enjeu de souveraineté. Les innovations sont impressionnantes dans ce secteur. Nous devons continuer à investir et veiller à préserver nos intérêts, car l'eau est une énergie d'avenir.

Cette proposition de loi est l'exemple d'un travail parlementaire de qualité. Unanime, le groupe INDEP la votera. (MM. Pierre Louault, Bernard Buis et Mme Laure Darcos applaudissent ; Mme la présidente de la commission applaudit également.)

Mme Vivette Lopez .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Je me réjouis de l'accord intervenu en CMP pour protéger et moderniser la concession de la CNR. Je salue le travail de notre Haute Assemblée, en particulier de Patrick Chauvet et Sophie Primas.

La CNR réalise un quart de la production hydroélectrique française et mène des projets innovants, notamment dans l'hydrogène et le photovoltaïque.

Je salue le programme de travaux supplémentaires, notamment les six barrages et l'usine de production de Saint-Romain-de-Jalionas, ou encore la passe à poissons prévue pour l'usine de Montélimar.

Le Sénat a enrichi le texte dans le sens de la transition énergétique, du dialogue territorial et du développement agricole. La CNR développera des programmes photovoltaïques innovants, associera les élus locaux sur le programme de travaux supplémentaires et prendra mieux en compte les emplois induits par l'irrigation.

La quasi-totalité des apports du Sénat ont été conservés. Le groupe Les Républicains votera donc le texte. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et du GEST, ainsi qu'au banc de la commission)

M. Daniel Salmon .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) Nous soutenons le report à 2041 de la mise en concurrence de la concession octroyée à la CNR et les mesures de modernisation prévues. En particulier, 500 millions d'euros d'investissements sont prévus pour l'électricité hydraulique.

Nous avons soutenu les apports du rapporteur. Nous nous félicitons de l'intégration de l'objectif de neutralité carbone. Nous aurions aimé intégrer aussi la biodiversité, qui doit toujours être défendue, madame la ministre...

Si cette proposition de loi est bénéfique pour la CNR, elle ne résout pas les problèmes liés à la mise en concurrence des autres concessions, notamment celles détenues par EDF. Trente-neuf d'entre elles sont arrivées à échéance et le Gouvernement ne propose aucune solution pérenne. Le secteur attend qu'on sorte par le haut de cette situation risquée.

Nous avons déposé une proposition de loi, examinée en fin d'année dernière, pour un service public des énergies renouvelables. En effet, nous avons besoin d'une vision stratégique pour planifier, accompagner les acteurs privés et organiser la solidarité nationale. Dans cette vision, il est essentiel que la majorité des capitaux de la CNR demeurent publics.

Ce texte est très attendu par les collectivités, les élus et les salariés, mais aussi pour les enjeux environnementaux. Nous voterons pour et resterons mobilisés. (Applaudissements sur les travées du GEST et sur quelques travées du groupe SER ; Mme la présidente de la commission applaudit également.)

M. Fabien Gay .  - (Mme la présidente de la commission applaudit.) Nous y voilà, enfin ! Cette prolongation était attendue par la direction de la CNR, mais aussi par ses salariés, dans l'expectative depuis sept ans.

La CNR représente 14 500 emplois directs ou indirects. Elle travaille avec 183 collectivités territoriales partenaires. Sa politique d'achat est massivement concentrée sur les acteurs locaux. Il s'agit donc d'une entreprise structurante pour le territoire.

Avec 19 barrages et 49 centrales, elle assure un quart de notre production hydroélectrique.

Cécile Cukierman l'a souligné en première lecture : le développement de l'hydrogène entraînera des besoins supplémentaires en eau.

En plus de toutes ses qualités, il ne manquerait plus que la CNR soit rentable... Eh bien, elle l'est ! Son résultat approche les 100 millions d'euros. Rappelons que celui d'EDF est de 650 millions d'euros, celui d'Aéroports de Paris de 588 millions. Les entreprises à capitaux publics sont souvent excédentaires : gardons-nous de les laisser aux mains du privé ! Cela a été fait pour les autoroutes, et nous nous en mordons les doigts.

Je forme le voeu que cette proposition de loi soit le point de départ d'une nouvelle conception du service public de l'eau, fondée sur la notion de bien commun. Un bien commun doit être sorti des logiques de concurrence et de marché.

Madame la ministre, nous craignons qu'un second mandat du Président de la République soit synonyme de projet Hercule. Si c'est le cas, vous nous trouverez face à vous ! (Applaudissements sur les travées du GEST et sur des travées du groupe SER)

Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques.  - Je remercie tous ceux qui ont participé à cette discussion, singulièrement le rapporteur. Oui, monsieur Gay, nous faisons oeuvre utile. Je rends hommage à l'ancienne présidente de la CNR, Élisabeth Ayrault, et salue la présidente actuelle, Laurence Borie-Bancel, présente dans la tribune du public. Le Parlement lui accorde toute sa confiance, ainsi qu'à son équipe. (Applaudissements)

La proposition de loi est définitivement adoptée.

(Applaudissements)