Disponible au format PDF Acrobat
Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.
Table des matières
Mme Élisabeth Borne, ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion
M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangères
Port de signes religieux dans les compétitions sportives
Mme Roxana Maracineanu, ministre déléguée, chargée des sports
Impact du prix de l'énergie sur les collectivités locales
M. Olivier Dussopt, ministre délégué, chargé des comptes publics
Suppressions de postes et carte scolaire
Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État, chargée de la jeunesse et de l'engagement
Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État, chargée de la biodiversité
Politique en matière de logement
Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État, chargée de la biodiversité
Décret d'application de la loi Climat et résilience
Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État, chargée de la biodiversité
M. Gabriel Attal, secrétaire d'État, porte-parole du Gouvernement
M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice
Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État, chargée de la biodiversité
Trajectoire des finances publiques
M. Olivier Dussopt, ministre délégué, chargé des comptes publics
Profits des grandes entreprises
Mme Olivia Gregoire, secrétaire d'État, chargée de l'économie sociale, solidaire et responsable
Loi EGalim II et crise porcine
M. Julien Denormandie, ministre de l'agriculture et de l'alimentation
M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangères
Protection des lanceurs d'alerte - Rôle du Défenseur des droits (Conclusions de la CMP)
Mme Catherine Di Folco, rapporteur de la commission des lois
Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État, chargée de la jeunesse et de l'engagement
Discussion du texte de la proposition de loi Protection des lanceurs d'alerte élaboré par la CMP
Démocratiser le sport en France (Nouvelle lecture)
Mme Roxana Maracineanu, ministre déléguée, chargée des sports
M. Michel Savin, rapporteur de la commission de la culture
Mme Jacqueline Eustache-Brinio
Renforcement du droit à l'avortement (Nouvelle lecture)
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée, chargée de l'autonomie
Mme Laurence Rossignol, rapporteure de la commission des affaires sociales
Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales
Ordre du jour du jeudi 17 février 2022
SÉANCE
du mercredi 16 février 2022
58e séance de la session ordinaire 2021-2022
présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires : Mme Marie Mercier, M. Jean-Claude Tissot.
La séance est ouverte à 15 heures.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.
Questions d'actualité
M. le président. - Je salue la présence dans notre hémicycle de Mme Daphné Ract-Madoux, nouvelle sénatrice de l'Essonne. Je lui souhaite la bienvenue dans notre assemblée. (Applaudissements)
L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement. Notre séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet. Au nom du Bureau du Sénat, j'appelle chacun d'entre vous au respect des uns et des autres et du temps de parole ; je ne le dis pas comme une litanie hebdomadaire, mais parce que le respect est la marque du Sénat.
Salaires et inflation
Mme Mélanie Vogel . - (Applaudissements sur les travées du GEST) La progression des salaires sera, cette année, plus faible que l'inflation. Dit plus simplement, les Français s'appauvrissent - du moins, 99 % d'entre eux...
En même temps, les profits des grandes entreprises explosent : 137 milliards d'euros l'année dernière pour les entreprises du CAC 40. En vingt ans, les dividendes qu'elles versent ont augmenté de 269 % !
Hasard ? Fatalité ? Non : c'est le résultat mathématique d'une politique qui encourage la concentration des richesses.
Il y a un domaine où le « en même temps » n'est pas possible : la justice sociale. Il n'y a pas d'argent magique ! On ne peut donc pas, en même temps, enrichir les plus riches et redistribuer...
Le Gouvernement a fait son choix. La suppression de l'ISF, la flat tax, la baisse de l'impôt sur les sociétés, la diminution des aides au logement et des allocations chômage : tout cela, il a pu le faire.
La hausse réelle du SMIC, elle, ne serait pas possible - elle l'est pourtant en Allemagne, en Espagne et jusqu'au Royaume-Uni, dont le gouvernement est ultralibéral. La conditionnalité des aides publiques, le RSA pour les jeunes, le revenu citoyen, le bonus-malus fiscal écologique : impossible aussi, nous dit-on.
La vérité, c'est que c'est possible - si l'on choisit le partage des richesses. Pourriez-vous assumer devant la représentation nationale que, si les salaires ne progressent pas, c'est le résultat de vos choix politiques ? (Applaudissements sur les travées du GEST et sur des travées du groupe SER ; Mme Marie-Noëlle Lienemann et M. Fabien Gay applaudissent également.)
Mme Élisabeth Borne, ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion . - Le Gouvernement est très attentif au pouvoir d'achat des Français (exclamations à gauche), alors que, partout dans le monde, la flambée du prix de l'énergie et l'inflation inquiètent.
Face à cette situation, nous avons pris très tôt des mesures protectrices : aide de 100 euros pour 6 millions de bénéficiaires du chèque énergie, bouclier tarifaire pour le gaz et l'électricité, indemnité inflation pour 40 millions de Français, augmentation de 10 % des indemnités kilométriques.
Ces mesures représentent au total près de 15 milliards d'euros.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. - Énorme !
Mme Élisabeth Borne, ministre. - Les entreprises et les branches doivent aussi entendre les attentes des salariés.
Depuis l'automne, je mène un travail avec la quarantaine de branches dont les minima conventionnels sont inférieurs au SMIC - que, je le souligne, nous sommes un des rares pays à revaloriser automatiquement. Un tiers d'entre elles ont déjà conclu un accord : dans l'hôtellerie-restauration, les salaires ont progressé en moyenne de 16 %. Je suis avec attention les négociations qui se poursuivent.
Par ailleurs, j'invite les entreprises à se saisir de tous les outils de partage de la valeur, comme la prime exceptionnelle de pouvoir d'achat, prolongée jusqu'au 31 mars prochain. (Murmures à gauche)
Mme Éliane Assassi. - Tout va bien, alors ?
Mme Élisabeth Borne, ministre. - La meilleure protection du pouvoir d'achat, ce sont la croissance et l'emploi.
M. Guy Benarroche. - Quelle croissance ?
Mme Élisabeth Borne, ministre. - Avec plus d'un demi-million de chômeurs en moins l'année dernière, nous sommes en bonne voie ! (Protestations à gauche ; applaudissements sur des travées du RDPI)
Situation en Iran
M. Joël Guerriau . - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Mali, Afghanistan, Ukraine : en ce début d'année, les crises ne manquent pas qui nous rappellent l'importance de la diplomatie.
Dans moins d'un mois, l'Iran pourrait disposer des matériaux radioactifs nécessaires à l'arme nucléaire.
L'accord de 2015 prévoyait la surveillance du programme nucléaire, en contrepartie de la réintégration de l'Iran dans les échanges internationaux. Les relations économiques entre nos deux pays ont été particulièrement prometteuses.
Le retrait unilatéral des États-Unis et le retour des sanctions, en 2018, ont conduit à l'accélération du programme nucléaire iranien et à l'engagement d'une coopération au long cours entre Pékin et Téhéran.
Un nouveau cycle de négociations s'est ouvert la semaine dernière. Pouvons-nous espérer une issue favorable ? Le temps presse : l'Iran se rapproche chaque jour de sa bombe. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP)
M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangères . - Vous soulignez à juste titre l'importance du nouveau cycle de négociations qui s'est ouvert à Vienne. Le travail est harassant et je salue nos diplomates.
Nous sommes à l'heure de vérité. Si nous voulons le respect par l'Iran de ses engagements de non-prolifération et, en contrepartie, la levée des sanctions américaines, c'est une question de jours. Nous sommes au point de bascule.
Nous avons trouvé avec l'Allemagne, la Grande-Bretagne, la Russie, la Chine et les États-Unis une convergence suffisante pour permettre un accord. Cet accord est à portée de main.
Les Iraniens sont face à un choix très clair : soit ils déclenchent une crise grave, soit ils acceptent un accord respectueux de tous les intérêts, singulièrement du leur.
M. Joël Guerriau. - La rupture unilatérale des accords par les États-Unis est la cause de cette situation. C'est le même unilatéralisme en Afghanistan. L'Europe doit se doter d'une stratégie propre pour affirmer son indépendance ! (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP ; M. Jean-Marie Vanlerenberghe applaudit également.)
Port de signes religieux dans les compétitions sportives
M. Michel Savin . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Dans quelques heures, le Sénat débattra de nouveau de la proposition de loi sur le sport, qu'il a beaucoup améliorée.
Nous avons un point de désaccord majeur : la place de la laïcité dans le sport, sur laquelle les députés de la majorité et le Gouvernement pratiquent le « en même temps », c'est-à-dire le flou et l'ambiguïté.
Mmes El Haïry et Schiappa ont tenu ces derniers jours des propos contradictoires. Sans parler du ministre de l'économie, qui dit tout et son contraire sur le sujet. La cacophonie est totale, et on ne sait plus qui croire.
Monsieur le Premier ministre, pouvez-vous nous sortir du brouillard ? La France va-t-elle continuer d'appliquer la Charte olympique ? Dites-nous clairement la position du Gouvernement ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; MM. Olivier Cigolotti et Claude Kern applaudissent également.)
Mme Roxana Maracineanu, ministre déléguée, chargée des sports . - Je vous ai répondu point par point en première lecture sur l'action du Gouvernement contre le séparatisme dans le sport. Je le ferai à nouveau dans quelques instants : j'invite les sénatrices et les sénateurs de votre camp intéressés par le sport à rester dans l'hémicycle. (Exclamations à droite)
M. Jean-François Husson. - Vous nous faites la leçon ?
M. Arnaud Bazin. - Et les ministres ?
Mme Roxana Maracineanu, ministre déléguée. - Ainsi, nous verrons la différence entre obsession et intérêt réel pour le sport !
Le principe de laïcité s'applique dans le sport comme dans toute la sphère publique. Le Parlement l'a encore affirmé il y a six mois.
Le Gouvernement lutte fermement contre le communautarisme et la radicalisation dans le sport.
M. Stéphane Piednoir. - On le saurait...
Mme Roxana Maracineanu, ministre déléguée. - C'est nous qui avons imposé le contrat d'engagement républicain à toutes les fédérations sportives.
M. François Bonhomme. - Ça, c'est du sérieux !
Mme Roxana Maracineanu, ministre déléguée. - Nous aussi qui avons permis aux préfets de retirer leur agrément aux autorisations ne respectant pas les valeurs de la République.
Le Gouvernement a eu le courage d'agir ; il poursuivra son action résolue jusqu'à la dernière minute de son mandat. (M. Roger Karoutchi s'esclaffe.)
Monsieur Savin, je suis triste pour vous, pour M. Kern, Mme Billon, M. Lozach, Mme Brulin, M. Bacci et M. Dossus, qui sont réellement passionnés de sport ! (Marques d'indignation sur les travées du groupe Les Républicains ; applaudissements sur les travées du RDPI et sur des travées du GEST)
M. Jérôme Bascher. - Notre passion, c'est la République !
M. le président. - Il faut conclure, madame la ministre.
Mme Roxana Maracineanu, ministre déléguée. - Je suis déçue que les grands pontes de votre parti vous aient imposé de balayer d'un revers de main les avancées de ce texte. (Protestations à droite ; applaudissements sur les travées du RDPI)
M. Jean-François Husson. - Consternant !
M. Michel Savin. - Je remercie le Premier ministre pour sa réponse... (Marques d'ironie à droite)
Madame la ministre, vous êtes à court d'arguments, car vous savez pertinemment que la loi confortant les principes de la République ne résout rien.
Vous passez par pertes et profits la lutte contre le communautarisme dans le sport. Votre position est ambiguë, pour ne pas dire lâche ! Elle illustre cinq années de présidence bavarde mais impuissante. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Impact du prix de l'énergie sur les collectivités locales
Mme Daphné Ract-Madoux . - (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains) J'associe Christine Herzog à cette question sur la préservation des ressources des collectivités territoriales.
Monsieur le ministre des comptes publics, lorsque Jean-Michel Arnaud vous a interrogé le 6 janvier dernier, vous avez dégainé la baisse de la taxe intérieure sur la consommation finale d'électricité (TICFE), qui limitera à 4 % la hausse de la facture des collectivités territoriales. Nous nous félicitons de sa prolongation jusqu'à la fin de l'année.
Jusqu'à présent, on observe des hausses de 30 à 300 %. Quand la baisse de TICFE se traduira-t-elle concrètement dans les factures ?
Vous avez fait valoir que les recettes de taxe foncière augmenteraient cette année de 3,4 %. Mais je doute que cela suffise à couvrir les surcoûts auxquels les communes vont être confrontées. Une véritable érosion des finances locales est à craindre, d'autant que les effets de la crise sanitaire sur le bloc communal n'ont pas été intégralement compensés.
Avez-vous évalué précisément l'incidence de l'inflation sur les finances des collectivités territoriales, en recettes et en dépenses ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains)
M. Olivier Dussopt, ministre délégué, chargé des comptes publics . - Je vous félicite pour votre accession au Sénat et salue la mémoire d'Olivier Léonhardt.
Comme je l'avais indiqué à votre collègue, la baisse de TICFE bénéficiera aux collectivités territoriales. Les plus petites d'entre elles sont éligibles aux tarifs réglementés. Toutes les collectivités territoriales bénéficieront de la modération des prix liée à l'augmentation du volume de l'accès régulé à l'énergie nucléaire historique (Arenh).
La France est l'un des pays qui limitent le plus l'augmentation de la facture énergétique.
L'augmentation de 3,4 % des recettes fiscales des collectivités territoriales est liée à revalorisation des valeurs locatives selon la loi de finances pour 2018.
Depuis le début du quinquennat, nous avons maintenu l'enveloppe globale de la DGF.
Mme Sophie Primas. - « Globale » !
M. Olivier Dussopt, ministre délégué. - Nous avons maintenu les dotations d'investissement et prévu un soutien exceptionnel à l'investissement pendant la crise.
Nous sommes le seul pays à avoir mis en place un filet de sécurité pour les collectivités territoriales, qui garantit le maintien de leurs recettes fiscales et domaniales.
Résultat : l'épargne brute et les capacités de financement des collectivités territoriales sont en hausse. Alors que l'État a vu son déficit se creuser, le compte des collectivités territoriales est à l'équilibre et même légèrement excédentaire ! (Applaudissements sur les travées du RDPI)
Mme Daphné Ract-Madoux. - Gardons à l'esprit que la meilleure énergie est celle qu'on ne consomme pas. L'État doit être stratège en la matière ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. Daniel Chasseing applaudit également.)
Suppressions de postes et carte scolaire
Mme Marie-Noëlle Lienemann . - (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur quelques travées du groupe SER) Le Gouvernement s'apprête à supprimer 440 postes d'enseignant au collège et au lycée, ce qui détériorera encore les conditions de scolarité, notamment en zone prioritaire.
En cinq ans, vous avez supprimé 7 900 postes dans le secondaire, où le nombre d'élèves a pourtant augmenté. C'est l'équivalent de 166 collèges !
Votre discours est toujours le même : faire mieux avec moins. Vous l'avez dit aussi pour l'hôpital, avec les résultats que nous voyons...
Dans le secondaire aussi, une dégradation s'observe : fin des cours en demi-classe, non-remplacement généralisé. Car, contrairement à ce que vous prétendez, les postes supprimés n'ont pas été compensés par des heures supplémentaires.
Vous prétextez aussi avoir privilégié le primaire. Mais, pour lutter contre l'échec scolaire, il faut agir tout au long de la scolarité. Au surplus, vous fermez cette année un nombre important de classes primaires.
Vous avez détérioré le service public de l'éducation nationale, décourageant les enseignants et une partie de notre jeunesse. Allez-vous suspendre les suppressions de poste et fermetures de classe ? (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER, ainsi que sur des travées du GEST)
Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État, chargée de la jeunesse et de l'engagement . - La lutte contre les inégalités passe par l'école : sur cette conviction, nous nous retrouvons.
La démographie scolaire est en baisse. Dans le premier degré, le nombre d'élèves a baissé de 67 000 ; dans le secondaire, de 66 000. En termes arithmétiques, ce sont 4 000 classes que nous aurions dû fermer... Or, entre ouvertures et fermetures, le solde net est nul.
Nous assumons d'investir plus fortement dans le premier degré, pour contrer les inégalités. Nous agissons aussi sur les dimensions périscolaire et extrascolaire. Avec le Grenelle de l'éducation, nous accompagnons les professeurs.
Au total, l'investissement pour l'école et notre jeunesse a augmenté de 13 %, pour atteindre 57 milliards d'euros cette année.
De ce fait, le taux d'encadrement progresse, notamment à travers le dédoublement des classes de CP et CE1 et le plafonnement à 24 élèves au primaire. Dans le secondaire, il n'y a pas de poste en moins devant les élèves, malgré la baisse démographique. En comptant les AESH, 27 000 personnes à temps plein ont été recrutées. (Murmures à droite)
M. le président. - Veuillez conclure...
Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État. - Notre objectif, c'est une éducation plus forte pour tous sur tous les territoires ! (Applaudissements sur les travées du RDPI)
Mme Marie-Noëlle Lienemann. - Comme à son habitude, le Gouvernement nous noie sous les chiffres. Ceux-ci sont la plupart du temps inexacts. Et dire que, le 2 mars 2021, M. Blanquer disait que les suppressions de poste ne pouvaient pas éternellement porter sur le secondaire ! Cette année, c'est ce qu'il fait... On ne peut plus vous faire confiance pour relever le défi éducatif ! (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et du GEST ; M. Bruno Belin applaudit également.)
One Ocean Summit
Mme Nadège Havet . - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Si la place de l'océan dans l'agenda politique international reste insuffisante, les dirigeants de cent pays réunis à Brest se sont engagés à agir pour stopper la dégradation des océans. Une délégation sénatoriale participait à ce premier sommet mondial sur le sujet.
Pollution plastique, décarbonation du transport, surpêche : tous les sujets ont été abordés. Des mesures fortes ont été annoncées en faveur de la biodiversité dans toutes les parties du globe - pôles, haute mer, régions côtières. La Polynésie française s'est engagée à créer un réseau d'aires marines protégées d'au moins 500 000 km² - une orientation défendue par notre collègue Teva Rohfritsch, qui travaille sur les fonds marins.
Dans le cadre de la PFUE, il s'agissait de faire de l'Europe le chef de file du futur traité de la haute mer, en cours de négociation depuis 2018. Quel rôle la France joue-t-elle dans ces discussions ? Sommes-nous proches d'un texte commun qui protégera les eaux internationales, pour qu'elles ne soient plus des zones de non-droit écologiques ? (Applaudissements sur les travées du RDPI)
Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État, chargée de la biodiversité . - Je vous remercie pour ce premier bilan du One Ocean Summit, qui a réuni tous les acteurs impliqués au plus haut niveau, dans le cadre de la PFUE et dans la perspective du traité sur les plastiques, du traité BBNJ, dont vous avez parlé, et des discussions de Lisbonne sur l'ODD 14.
Les pays mobilisés à Brest représentent plus de la moitié des zones économiques exclusives mondiales. Ils ont rappelé leur forte détermination pour mieux protéger les océans, mis à mal par l'acidification, les pollutions et la surpêche.
Nous défendons l'objectif de 30 % de zones protégées à l'horizon de 2030, un objectif désormais dépassé par la France, grâce aux nouvelles mesures en Polynésie française et dans les Terres australes et antarctiques françaises. Je m'associe aux félicitations que vous avez adressées au sénateur Rohfritsch.
Notre mobilisation est très forte aussi en matière de lutte contre la pollution aux plastiques. En tant que vice-présidente de l'Assemblée de l'ONU pour l'environnement, je porterai haut l'ambition française et européenne dans cette négociation.
Nous travaillons aussi sur les décharges littorales. Dès 2022, trois premières installations seront soldées dans notre pays.
La France s'affirme ainsi comme chef de file de la protection des océans. (Applaudissements sur des travées du RDPI)
Politique en matière de logement
Mme Viviane Artigalas . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; Mme Cathy Apourceau-Poly applaudit également.) Nous avons alerté le Gouvernement sur le dysfonctionnement du bouclier tarifaire énergétique pour les logements chauffés collectivement au gaz ou raccordés à des réseaux de chauffage urbain. De très nombreux propriétaires et locataires de logements sociaux sont concernés. Pour eux, la facture va être lourde.
En septembre dernier, vous avez tenté de rassurer en annonçant le blocage du prix du gaz pendant l'hiver. De nombreux ménages modestes subissent malgré tout la flambée des prix de l'énergie. Comment imaginer un bouclier tarifaire excluant une grande partie des plus vulnérables ?
Les bailleurs sociaux, déjà malmenés par la réduction du loyer de solidarité, vont être confrontés à une nouvelle fragilisation de leurs locataires. Les travaux de rénovation énergétique risquent d'en pâtir.
Comment comptez-vous résoudre concrètement ce problème précis, et dans quel délai ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur quelques travées du groupe CRCE)
Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État, chargée de la biodiversité . - Face aux hausses de prix, nous avons mis en place, dans l'urgence, le bouclier tarifaire. Il fallait réagir massivement et vite.
En effet, des réponses plus fines doivent être trouvées pour les cas dont vous parlez. Ce travail est en cours, en liaison avec les parties prenantes.
Ces réponses spécifiques feront écho aux mesures déjà prises : revalorisation du chèque énergie, bouclier tarifaire, prime inflation. Sans cette action massive, le prix du gaz, en particulier, aurait flambé de 66 % !
Nous ne négligeons pas les mesures structurelles. MaPrimeRénov' ouvrira la voie à une baisse de la facture énergétique.
S'agissant des publics dont vous avez parlé, des annonces interviendront dans les prochains jours. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
Mme Viviane Artigalas. - Une fois de plus, vous répondez à côté. Pourtant, les solutions existent : la Commission de régulation de l'énergie recommande depuis plus de trois mois la baisse de la fiscalité sur le gaz, et vous auriez pu augmenter de façon différenciée le forfait charges des APL et le chèque énergie.
Les plus touchés par la flambée des prix de l'énergie sont les plus précaires. En particulier les ruraux, qui doivent passer à la pompe plus souvent que les autres. Mais la situation des ménages modestes n'est décidément pas la priorité du Gouvernement ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE, ainsi que sur quelques travées du GEST)
Décret d'application de la loi Climat et résilience
Mme Maryse Carrère . - (Applaudissements sur les travées du RDSE) La loi Climat et résilience suscite de nombreuses craintes et interrogations au plan local autour de l'objectif de zéro artificialisation nette des sols.
Pour atteindre cet objectif national en 2050, le rythme de l'artificialisation doit être divisé par deux au moins au cours des dix prochaines années. Or concilier cet objectif et les impératifs de la vie quotidienne confine à l'impossible.
Comment expliquer aux 86 communes de la communauté d'agglomération Tarbes-Lourdes-Pyrénées qu'elles ne pourront plus construire pour accueillir de nouvelles populations ?
Le problème est aggravé par la non-publication des décrets d'application. Allez-vous allonger le délai de six mois prévu pour tenir une conférence régionale des SCoT, pour une meilleure préparation territoire par territoire ?
Dans quel délai les principaux décrets d'application de la loi Climat et résilience seront-ils publiés ? Il faut sortir du flou actuel.
Enfin, une vraie différenciation est-elle prévue dans l'application de son article 47 ? Le développement des territoires ruraux ne doit pas être freiné ! (Applaudissements sur les travées du RDSE ; Mmes Frédérique Puissat, Martine Berthet et M. Gérard Longuet applaudissent également.)
Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État, chargée de la biodiversité . - Il est impératif de réduire l'artificialisation, et même de désartificialiser par endroits. Les débats parlementaires ont conduit à l'adoption d'un dispositif équilibré. Rappelons que 5 % des communes sont responsables de 40 % de la consommation d'espace.
L'objectif n'est évidemment pas de ne plus construire, mais de construire mieux. Le respect des terres agricoles et des espaces naturels doit faire l'objet d'une vigilance particulière. Nous devons nous concentrer sur la construction dense.
Pour les dix prochaines années, 140 000 hectares restent mobilisables. Il n'y a donc aucun empêchement.
Tous les territoires n'ont pas les mêmes besoins, ni les mêmes trajectoires passées. Nous en tenons compte, puisque l'objectif de réduction de 50 % s'applique au niveau non pas de la commune, mais de la région. Ainsi, c'est à l'échelle de la région que la communauté d'agglomération Tarbes-Lourdes-Pyrénées est concernée.
Dans la loi 3DS, nous avons allongé, comme vous le demandez, le délai dans lequel les collectivités territoriales pourront organiser la territorialisation.
Trois décrets seront soumis dans quelques jours au Conseil national d'évaluation des normes.
Président ou candidat ?
M. Jean-Marc Boyer . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Depuis 1988, la loi assure la transparence du financement des campagnes électorales et la stricte égalité entre les candidats, les six mois précédant l'élection.
Il ne fait guère de doute qu'Emmanuel Macron sera candidat : les parrainages sont recueillis, affiches et organigramme sont prêts, un site de campagne est en ligne, le QG loué. Et le Président de la République multiplie les déplacements... Ce mélange des genres conduit à utiliser les moyens de l'État pour financer la campagne du président sortant, au mépris des règles.
Les ministres défilent dans nos départements pour porter la bonne parole - dans des circonscriptions où ils seront eux-mêmes candidats.
Mme Frédérique Puissat. - Exactement !
M. Jean-Marc Boyer. - Les limites du « en même temps » ne sont-elles pas dépassées ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur plusieurs travées du groupe UC)
M. Olivier Paccaud. - Et le Premier ministre ne répond pas !
M. Gabriel Attal, secrétaire d'État, porte-parole du Gouvernement . - Vous semblez considérer qu'un Président de la République qui se consacre à la gestion des affaires du pays plutôt qu'à une possible candidature serait dans l'hypocrisie. (Protestations sur les travées des groupes Les Républicains, SER et CRCE) Je trouve cette critique rétrospective de MM. Sarkozy et Chirac d'une grande violence ! (Applaudissements sur les travées du RDPI)
En 2012, Valérie Pécresse, porte-parole du gouvernement de l'époque, défendait la légitimité du président Sarkozy à agir jusqu'au bout de son mandat. Elle ne saurait avoir changé d'avis. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; exclamations sur les travées des groupes Les Républicains et SER)
Mme Sophie Primas. - Je croyais que c'était le nouveau monde ?
M. Gabriel Attal, secrétaire d'État. - Pour le reste, les règles sont connues. Il y a un calendrier officiel de campagne et de dépôt de candidatures, avec une date limite fixée au 4 mars. (M. Roger Karoutchi se gausse.)
M. Marc-Philippe Daubresse. - Ben voyons !
M. Gabriel Attal, secrétaire d'État. - Souffrez que nous soyons concentrés sur la crise sanitaire, sur la situation économique, sur la crise en Ukraine, aux frontières de l'Europe et au Mali, plutôt que sur la campagne et ses débats sur le « grand remplacement » ! (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains ; applaudissements sur les travées du RDPI)
M. Jean-Marc Boyer. - Que le Président gouverne est une chose, qu'il fasse campagne avec l'argent du contribuable, en promettant des milliards au mépris de toute rigueur budgétaire, est indécent. (M. Julien Bargeton proteste.)
Le Président ne peut se cacher plus longtemps derrière la crise sanitaire. Les Français ont droit au débat démocratique, projet contre-projet, avant le premier tour. Il faut tomber les masques et respecter les règles d'équité et de transparence ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur plusieurs travées du groupe UC)
Privatisation de la santé
Mme Émilienne Poumirol . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Le scandale d'Orpea révèle les ravages de la privatisation du secteur de la santé et du médico-social. Une tribune de François Crémieux parue le 9 février dans Le Monde alerte sur le risque de rachat des centres de santé de la Croix-Rouge par le groupe privé Ramsay Santé.
La Croix-Rouge ne poursuit pas de but lucratif ; elle incarne une tradition humaniste et garantit une offre de soin accessible à tous. Ramsay, premier fournisseur de soins privé en France, est un grand groupe à but lucratif pour qui la santé est un investissement qui doit rapporter des dividendes aux actionnaires.
On ne peut se résoudre à voir des centres de santé associatifs repris de la sorte. La santé et le médico-social seront-ils vendus aux grands groupes ? Quel modèle de santé voulons-nous ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER)
M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé . - Au-delà de ce que je pense de ces questions, l'État ne peut intervenir dans une relation contractuelle entre deux acteurs privés.
Notre système repose sur deux jambes : public et privé, secteur hospitalier et secteur libéral. Les missions se recoupent et la qualité existe chez tous les soignants.
Je souhaite que le secteur privé non lucratif conserve toute sa place.
Je ne me résous pas à ce que d'immenses groupes privés, portés par des fonds de pension étrangers, rachètent, un à un, des établissements qui font partie du capital social de notre nation. C'est pourquoi nous revalorisons les soignants, avec le Ségur, pour maintenir l'attractivité du secteur public. Le privé lucratif a sa place ; maintenons l'équilibre et donnons aux secteurs public et associatif l'envie de continuer à se déployer. En tant qu'ancien député de l'Isère, je rappelle que c'est à Grenoble qu'ont été créés les premiers centres de santé. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
Mme Émilienne Poumirol. - Vous dites vouloir un équilibre, mais ces cinq dernières années ont vu une dérive vers toujours plus de privé. Vous ne pouvez pas empêcher la vente, mais vous pouvez donner une impulsion en faveur d'un service public efficace. La santé ne doit pas relever du secteur marchand. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)
Violences contre les élus
M. Jean-Raymond Hugonet . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Monsieur le garde des Sceaux, le 6 novembre 2019, vous avez publié une circulaire appelant à plus de volontarisme, de fermeté et de célérité dans le traitement judiciaire des violences envers les élus. En septembre 2020, vous en preniez une autre, en rappelant que toute atteinte contre les élus locaux constitue une atteinte au pacte républicain.
Pourtant, ces agressions se multiplient : 1 186 élus ont été pris pour cible dans les onze premiers mois de 2021, dont 162 parlementaires et 605 maires ou adjoints - une hausse de 47 % par rapport à 2020 !
Le maire de Saintry-sur-Seine, Patrick Rauscher est depuis son élection la cible de menaces, insultes et intimidations physiques : toutes les plaintes sont classées sans suite, alors que leurs auteurs sont parfaitement identifiés et connus défavorablement de la police. « S'il devait m'arriver malheur, dit-il, retenez que je regrette que les détracteurs des valeurs de notre République ne soient pas plus inquiétés ».
Quand allez-vous passer des circulaires aux actes ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées des groupes UC et INDEP ; M. Hussein Bourgi applaudit également.)
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice . - S'en prendre à un élu, c'est s'en prendre à la République tout entière. (Marques d'approbation) Les circulaires - la première n'est pas de moi - appellent les procureurs généraux à plus de sévérité et de célérité et à une meilleure qualification des faits.
On peut se payer de mots, mais les chiffres parlent. Entre 2019 et 2020, le nombre de condamnations pour menaces a doublé ; le taux de prononcé des peines est passé de 52 % à 62 % en un an ; 80 % des condamnations pour violences donnent lieu à des peines d'emprisonnement. Le rappel à la loi, désormais supprimé, et l'avertissement pénal probatoire sont écartés en cas de violences contre des élus.
Des lignes directes entre les élus et les parquets ont été créées. Nous avons mis en place un groupe de travail avec les élus pour une meilleure coordination avec les procureurs. La loi que j'ai portée prévoit que la peine ne peut être réduite en cas de violences contre un élu.
Je répondrai plus précisément mercredi prochain devant votre délégation aux collectivités territoriales. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
Attaques de loups
M. Philippe Folliot . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) La protection des espèces vulnérables est une pierre angulaire de notre engagement collectif en faveur de la biodiversité. Mais il y a un loup !
Dans la montagne tarnaise, on recense une centaine d'attaques par an, des dizaines de brebis tuées. Idem en Aveyron, Aude, Hérault, Lozère. Les estives vont commencer, et les éleveurs déplorent la lenteur de l'Office français de la biodiversité (OFB), qui exige des traces d'ADN, des empreintes, etc. Les cheptels sont décimés, et l'expertise de conclure : « loup non écarté » - malgré les preuves manifestes ! Certains loups attaquent non pour manger mais pour tuer ; ils approchent désormais des villages et des bergeries.
Les éleveurs, démunis, ne peuvent défendre leur troupeau, leur travail. L'élevage est en danger, comme nos AOP agneaux de pays, veaux du Ségala, Roquefort. Que comptez-vous faire pour lutter contre ce fléau ? (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains et INDEP ; M. Alain Richard applaudit également.)
Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État, chargée de la biodiversité . - Merci pour votre question. Nous sommes pleinement aux côtés des éleveurs (marques d'ironie sur les travées du groupe Les Républicains), pour la prévention et en cas de prédation.
Personne n'ignore les alertes. Nous respectons le travail des éleveurs. Il faut préserver les équilibres entre les espaces et les espèces. Des solutions existent, tous les budgets ne sont pas encore consommés. Nous devons développer la présence de chiens à côté des éleveurs. (Exclamations dubitatives sur les travées du groupe Les Républicains)
Le dispositif national se décline dans les territoires. Les préfets-loup sont réactifs quand des fronts de colonisation sont observés, notamment dans le Tarn où quinze attaques ont été identifiées en 2021, six déjà en 2022. Il faut une réponse rapide et ambitieuse.
M. Gérard Longuet. - Et efficace !
Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État. - Une cellule de veille a été activée et les communes concernées ont été placées en cercle 2. Des subventions sont accordées pour financer chiens de protection et clôtures électrifiées. Un accompagnement technique est mis à disposition des éleveurs, et la direction départementale des Territoires a délivré six autorisations de tirs de défense. (« Paroles, paroles ! » sur les travées du groupe Les Républicains)
Nous sommes aux côtés des éleveurs ; à eux de se saisir des mesures de protection mises en oeuvre. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
M. Philippe Folliot. - L'engrillagement des campagnes, les patous qui agressent les randonneurs ne sont pas la solution. Non, le loup n'est pas une espèce menacée ! Il est temps d'agir ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP et du RDSE)
Trajectoire des finances publiques
M. Jérôme Bascher . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) « Bonne nouvelle : les taux d'intérêt remontent », écrit Jean-Marc Daniel. En théorie, oui. Mais pas pour la France, vu l'état de nos finances publiques. Voici dix ans que nos déficits ne cessent d'augmenter, quelle que soit la croissance. (Protestations sur les travées du groupe SER, où l'on invoque l'héritage de Nicolas Sarkozy.)
Depuis dix ans, l'écart se creuse entre la France et l'Allemagne : il est passé de quatre points à quarante !
Êtes-vous aussi inquiets que la Cour des comptes ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Olivier Dussopt, ministre délégué, chargé des comptes publics . - Les chiffres sont rassurants, en sortie de crise. (On se gausse à droite.)
M. François Bonhomme. - Ça va bien se passer !
M. Olivier Dussopt, ministre délégué. - Toujours les mêmes oiseaux de mauvais augure ! (Applaudissements sur les travées du RDPI)
La bonne nouvelle, c'est une croissance à 7 %, un taux d'emploi sans précédent depuis 1969, 650 000 créations d'emplois dans le secteur privé, l'investissement qui repart à la hausse. Cette croissance inespérée permet de réduire les déficits publics plus vite que prévu : il sera inférieur à 7 % en 2021, quand nous craignions 8,2 % ; la dette sera de 103 % au lieu de 120 %. (Mme Sophie Primas ironise.)
Nous faisons le choix du redressement des comptes par la croissance, qui entraîne des recettes. Nous ne faisons pas le choix de la facilité qui consiste à augmenter les impôts, car augmenter les impôts tue la croissance.
En 2011, quand Mme Pécresse était ministre du budget, elle avait augmenté les impôts de 15 milliards d'euros (exclamations à droite) ; nous, nous les baissons de 50 milliards d'euros, moitié pour les ménages, moitié pour les entreprises. (On rappelle l'augmentation de la CSG sur les travées du groupe Les Républicains)
Nous affichons le plus bas taux de prélèvements obligatoires depuis dix ans, après les chocs fiscaux de 2011 et de 2014.
Nous retrouverons l'équilibre par la croissance, comme nous avons tenu les engagements de la France face à l'Union européenne entre 2017 et 2020 (Applaudissements sur les travées du RDPI et du groupe INDEP ; Mme Sylvie Vermeillet applaudit également.)
M. Jérôme Bascher. - Comme Talleyrand, vous traversez les régimes. Mais contrairement à lui, vous vous consolez, non en vous comparant, mais en vous regardant ! L'Allemagne, la Grèce même, font mieux que nous ! Le FMI s'inquiète de la situation de la France, le rapport de Rexecode souligne que notre industrie décroche. Et je ne parle pas des chiffres du commerce extérieur... Dans quel état laissez-vous la France ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Julien Bargeton. - Tout ce qui est excessif est insignifiant.
Profits des grandes entreprises
Mme Isabelle Briquet . - 137 milliards d'euros : ce sont les profits cumulés du CAC 40 en 2021, soit bien plus qu'en 2019. On peut se réjouir de la santé de nos entreprises mais l'ampleur des dividendes pose problème, quand on sait que ces entreprises bénéficient d'aides publiques - qui se retrouvent dans la poche des actionnaires.
Depuis le début du quinquennat, vous multipliez les cadeaux fiscaux : suppression de l'ISF, flat tax, baisse des impôts de production... Aucune contrepartie n'est demandée aux entreprises, ni sociale ni écologique. Les salariés, les étudiants, les familles sont à la peine, la précarité s'installe, et vous laissez prospérer cette richesse improductive ?
Alors que le pouvoir d'achat des Français ne cesse de s'éroder, n'est-il pas temps de redistribuer les richesses ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER)
Mme Olivia Gregoire, secrétaire d'État, chargée de l'économie sociale, solidaire et responsable . - C'est un plaisir de retrouver le Sénat. Je réponds au nom de Bruno Le Maire, à Toulouse avec le Président de la République pour parler politique spatiale. (On ironise à droite.)
Vous parlez de cadeaux fiscaux ; je parle de défense de notre souveraineté, de nos entreprises et de soutien aux salariés.
Oui, nous avons baissé les impôts de production, l'impôt sur les sociétés, transformé le CICE en réduction de charges, réformé le droit du travail, rendu 26 milliards d'euros aux entreprises et autant aux ménages. Vous parlez de cadeaux, je parle d'investissements.
Il est important que les entreprises fassent des bénéfices, que les actionnaires aient un retour sur investissement. Les dividendes rémunèrent le risque. Sans investissement, pas d'emploi, pas de hausse du pouvoir d'achat. (Protestations sur les travées du groupe SER)
Vous parlez de cadeaux ? Durant la crise, nous avons consacré 240 milliards d'euros à la protection de nos entreprises et de nos salariés. Soyons-en fiers.
Sur les 100 milliards d'euros du plan de relance, 72 milliards sont déjà engagés dans les territoires. Des contreparties sont exigées des entreprises, comme la production d'un bilan des émissions de gaz à effet de serre par exemple. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
Mme Isabelle Briquet. - Vous prônez le ruissellement comme outil redistributif, mais le pouvoir d'achat est à sec et la cohésion sociale se fissure. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)
Loi EGalim II et crise porcine
M. Laurent Somon . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) À quelques jours du Salon de l'agriculture, les producteurs s'inquiètent des difficultés rencontrées dans les négociations EGalim II - aggravées par la hausse des énergies et des matières premières, et par les nouvelles réglementations qui s'imposent à eux.
En particulier, la filière porcine est en danger - elle perd 25 à 30 euros par porc, le solde déficitaire s'élève à 440 millions d'euros, mettant les exploitations en péril.
Qu'allez-vous faire pour garantir une juste rémunération des producteurs et pour préserver les filières ? Allez-vous agir dans le cadre de la présidence française de l'Union européenne pour une agriculture durable et équitable ?
Quand sortiront les décrets sur l'étiquetage origine France pour promouvoir la qualité française et le produire et transformer local ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC)
M. Julien Denormandie, ministre de l'agriculture et de l'alimentation . - Vous connaissez ma position : la rémunération des agriculteurs est la mère des batailles. Tolérance zéro pour ceux qui ne respectent pas EGalim II.
Depuis le 1er janvier, plus de 250 enquêtes ont été ouvertes. La main du Gouvernement ne tremblera pas !
M. Bruno Sido. - Très bien !
M. Julien Denormandie, ministre. - EGalim II ne fait que corriger une loi délétère et mortifère...
Mme Sophie Primas. - EGalim I ?
M. Julien Denormandie, ministre. - ... la loi de modernisation de l'économie de 2008, erreur politique majeure. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
Pour l'élevage porcin, nous avons lancé un plan de 270 millions d'euros ; 75 milliards d'euros sont déjà débloqués pour 1 700 dossiers déposés, les premiers versements ont été effectués. De mémoire de sénateur, quel plan d'urgence a été déployé avec une telle célérité ?
Le décret sur l'origine des viandes dans les cantines entrera en vigueur au 1er mars, afin de favoriser l'élevage français, l'élevage de vos territoires. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées du groupe UC)
M. Laurent Somon. - Les chèques ne sont que des cataplasmes. Quelle ambition, quel cap pour notre agriculture ? Vous remplacez nos produits du terroir par de la food tech, des steaks de synthèse et des larves de mouche, mais les Français n'en veulent pas. Il faut donner des perspectives aux agriculteurs français, sans quoi ils prendront la clé des champs ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC)
Notices rouges d'Interpol
M. Loïc Hervé . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Des États totalitaires font un usage incontrôlé des notices rouges d'Interpol - ces lettres de cachet, non motivées, émises au mépris des droits de la défense, qui servent de base à des détentions arbitraires d'otages judiciaires. ONG et avocats dénoncent ce procédé.
La France, pays des droits de l'Homme, doit se saisir de ce sujet, sachant qu'Interpol a son siège à Lyon.
Notre compatriote Hubert Goutay, homme d'affaires honorablement connu, est ainsi détenu au Maroc depuis octobre 2020 à la suite d'une notice rouge d'Interpol, dans l'attente d'une extradition demandée par le Bénin - pour une affaire sur laquelle il a déjà été entendu.
Comment la France peut-elle agir ? Quelles garanties pouvez-vous apporter à nos ressortissants ?
M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangères . - Vous le savez, la compétence territoriale des États pour juger de tout crime et délit commis sur leur territoire, indépendamment de la nationalité de l'auteur, relève d'un principe général du droit international.
Il est cependant vrai que des États abusent des outils d'Interpol contre certains de leurs opposants réfugiés à l'étranger.
Cette organisation s'est saisie du problème que pose cette pratique inacceptable. Je ne peux pas commenter le cas que vous avez cité.
Interpol a mis au point un double filtre pour éviter les abus : au secrétariat général au moment de l'émission de la notice et, en cas de doute, un examen approfondi par la commission de contrôle indépendante.
Les bases de données de documents volés - ou pas - font également l'objet d'un contrôle renforcé. (M. François Patriat applaudit.)
M. Loïc Hervé. - D'autres de nos compatriotes sont concernés. La neutralité de traitement doit être garantie.
La vigilance du ministre des Affaires étrangères, comme de la Chancellerie, doit être totale sur ce sujet. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)
La séance est suspendue à 16 h 20.
présidence de Mme Nathalie Delattre, vice-présidente
La séance reprend à 16 h 35.
CMP (Candidature)
Mme la présidente. - Une candidature pour remplacer un membre démissionnaire de la CMP chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi relative au choix du nom issu de la filiation a été publiée.
Cette candidature sera ratifiée si la Présidence n'a pas reçu d'opposition dans le délai d'une heure prévu par notre Règlement.
Protection des lanceurs d'alerte - Rôle du Défenseur des droits (Conclusions de la CMP)
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle l'examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à améliorer la protection des lanceurs d'alerte et de la proposition de loi organique visant à renforcer le rôle du Défenseur des droits en matière de signalement d'alerte.
La Conférence des présidents a décidé que ces textes feraient l'objet d'explications de vote communes.
Mme Catherine Di Folco, rapporteur de la commission des lois . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Nous voici au terme de l'examen de ces deux textes, qui améliorent la protection des lanceurs d'alerte et transposent la directive du 23 octobre 2019.
La discussion fut constructive, l'Assemblée nationale et le Sénat ont su trouver un compromis. Le Sénat avait unanimement approuvé le principe d'une amélioration du régime de lanceurs d'alerte dont les imperfections avaient été soulevées par le rapport Gauvain-Marleix. Le critère de désintéressement et l'obligation de signaler prioritairement par la voie interne ont été supprimés, un meilleur accompagnement juridique et financier des lanceurs d'alerte a été prévu. Nous avons également suivi l'Assemblée nationale qui souhaitait aligner le droit français sur les règles européennes.
Nous étions en désaccord sur la surtransposition en matière de protection des personnes morales à but non lucratif comme facilitateurs, mais avons accepté la rédaction de l'Assemblée nationale dans un souci de compromis. Concernant la divulgation publique des informations, l'accord trouvé maintient les règles actuelles de la loi Sapin II pour les informations collectées hors de la voie professionnelle, et se cale sur la directive pour les autres situations.
La provision définitive en faveur des lanceurs d'alerte me semble encore inéquitable : elle sera sûrement censurée par le Conseil constitutionnel à la première occasion...
Le texte issu de l'Assemblée nationale a été fortement enrichi par le Sénat, avec par exemple une procédure de recueil pour les entreprises d'un même groupe, ou l'octroi de cette protection aux militaires.
Je me félicite que la commission des lois ait créé un nouveau poste d'adjoint au Défenseur des droits. La ministre a levé le gage, je l'en remercie.
Je vous invite donc à adopter ces deux textes, qui font honneur au bicamérisme. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du RDPI)
Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État, chargée de la jeunesse et de l'engagement . - Ces deux textes font l'objet aujourd'hui d'une adoption définitive, grâce à un travail de co-construction entre le Gouvernement et le Parlement et d'un dialogue constructif entre les deux chambres, traduit dans un accord en CMP.
La question des lanceurs d'alerte est un défi complexe : il ne s'agit pas d'inciter à des comportements malhonnêtes ! L'équilibre trouvé est précieux, il permet de protéger efficacement ceux qui oeuvrent pour le bien commun.
Le travail parlementaire a été très fructueux. La loi Sapin II permettait déjà de protéger les lanceurs d'alerte, mais ce texte fixe de nouveaux objectifs, grâce à une complète transposition de la directive. Il va même au-delà des exigences européennes : ainsi, la France se trouve à l'avant-garde européenne, voire mondiale.
C'est une réussite, et le Sénat, grâce à votre écoute, madame le rapporteur, a su améliorer le texte, dans un souci de juste transposition de la directive ; je pense notamment à la clarification de la procédure interne.
La hiérarchie entre les canaux internes et externes a été abandonnée, même si le droit français continuera à encourager le recours au canal interne pour un traitement plus efficace de l'alerte.
La réforme étend la protection du lanceur d'alerte à ses proches, ses collègues et ses facilitateurs, créant ainsi un véritable cercle de protection autour de lui, de nature à rompre son isolement. Une personne morale à but non lucratif pourra aussi être considérée comme facilitatrice.
Le Défenseur des droits pourra aussi jouer pleinement son rôle de conseil et d'orientation et le Gouvernement lèvera le gage permettant la création d'un poste d'adjoint.
La transposition de la directive ne nous imposait pas une telle réforme, ambitieuse et cohérente. Nous réaffirmons ainsi le modèle français de protection des lanceurs d'alerte. Le Gouvernement apporte tout son soutien à cette réforme.
Discussion du texte de la proposition de loi Protection des lanceurs d'alerte élaboré par la CMP
ARTICLE 6
Mme la présidente. - Amendement n°1, présenté par Mme Di Folco, au nom de la commission.
Alinéa 64
Remplacer les références :
I et II
par les références :
II et III
Mme Catherine Di Folco, rapporteur. - Il s'agit de corriger une erreur matérielle.
Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État. - Favorable.
Discussion du texte de la proposition de loi organique Rôle du Défenseur des droits élaboré par la CMP
ARTICLE PREMIER BIS
Mme la présidente. - Amendement n°1, présenté par le Gouvernement.
Alinéa 3
Supprimer cet alinéa.
Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État. - Nous levons le gage pour donner des moyens au Défenseur des droits.
Mme Nathalie Goulet. - Très bien !
Mme Catherine Di Folco, rapporteur. - Madame la ministre, je vous en remercie.
Interventions sur l'ensemble
M. Ludovic Haye . - Je salue cette issue favorable de la CMP, qui renforce la protection des lanceurs d'alerte. Le régime proposé est lisible et équilibré. Je salue les travaux de Sylvain Waserman, ainsi que ceux d'une mission transpartisane de l'Assemblée nationale qui avait brossé un bilan peu flatteur de la loi Sapin II.
Des points de convergence substantiels ont émergé entre nos deux assemblées dès la première lecture. Je pense à l'extension de la protection à des tiers, ainsi qu'à l'abolition de la hiérarchie entre canaux internes et externes : notre droit posait le principe d'un recours préalable à la procédure interne, il en sera autrement désormais. La protection contre les procédures « bâillons » sera renforcée. Le Défenseur des droits pourra aussi pleinement jouer son rôle de conseil et d'orientation. Enfin, la définition du lanceur d'alerte a été assouplie, avec l'accord de notre rapporteur en séance.
Madame le rapporteur, votre volonté de lever certaines craintes a été partagée par les députés. Le champ de l'irresponsabilité pénale est clarifié, ainsi que les conditions de la divulgation publique directe.
Le texte de la CMP rétablit la possibilité pour les personnes morales à but non lucratif d'être protégées en tant que facilitatrices, à certaines conditions.
La France a ainsi confirmé qu'elle est toujours à l'avant-garde pour protéger ceux qui oeuvrent pour l'intérêt général.
Le RDPI soutiendra ces textes de juste protection de ceux qui vont vers le risque pour défendre l'intérêt général.
M. Alain Marc . - Il ne faut jamais confondre les causes et l'effet : souvent l'on dénonce celui qui alerte, en oubliant le danger révélé.
Nous faisons aujourd'hui oeuvre utile, en renforçant le cadre légal de protection des lanceurs d'alerte, qui prennent leur courage à deux mains pour défendre l'intérêt général. Nous devons leur offrir plus de sécurité, et les accompagner dans leurs démarches.
Nous tirons les leçons d'expériences passées, notamment celle d'Irène Frachon dans l'affaire du Mediator.
Aujourd'hui, nous transposons la directive du 23 octobre 2019. La loi Sapin II posait déjà un cadre.
Le texte de la CMP va encore plus loin que la directive. Les facilitateurs seront protégés, y compris certaines personnes morales. Ce texte n'est pas pour autant un blanc-seing donné à la délation. Nous posons un cadre clair et les procédures d'intimidation sont mieux définies et plus fermement sanctionnées.
Je regrette la suppression de l'article 4 bis, qui prévoyait le même régime de sanction pour les alertes infondées que pour la diffamation.
Certains domaines sont exclus - défense nationale, secret médical, secret de l'avocat - : c'est une bonne chose. Des garde-fous sont posés, il n'est pas question de porter atteinte à la sécurité des Français !
Notre groupe se félicite de l'adoption de ces deux textes, qui valorisent la figure du lanceur d'alerte dans notre société. (Mme le rapporteur applaudit.)
Mme Nadine Bellurot . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La problématique des lanceurs d'alerte connaît une notoriété croissante, à la faveur notamment de certaines affaires, comme celles du Mediator et de LuxLeaks.
La directive de 2019 a établi un cadre plus exigeant ; la législation française était déjà robuste et pionnière en Europe continentale, grâce à la loi Sapin II. Mais elle présentait des défauts, comme le critère trop vague de désintéressement ou une protection insuffisante contre le risque de représailles internes.
Les deux propositions de loi renforcent ce cadre national.
Je salue le travail considérable de notre rapporteur, sur un sujet techniquement complexe. Il fallait protéger les lanceurs d'alerte de bonne foi, tout en préservant d'autres intérêts légitimes.
Nous avons ainsi permis aux lanceurs d'alerte de s'adresser directement à une autorité externe. Un critère de gravité de la situation a été maintenu pour la divulgation publique de la situation. Le compromis trouvé sur ce point est un motif de satisfaction.
Nous saluons le maintien de procédures de signalement interne standardisées au sein d'un groupe et la clarification de l'irresponsabilité pénale des lanceurs d'alerte. Cette disposition rassurera notamment le monde agricole.
Enfin, nous nous félicitons du consensus autour de la création d'un poste d'adjoint auprès du Défenseur des droits. Merci d'avoir levé l'obstacle financier, madame la secrétaire d'État.
Mais ces textes ne sont pas parfaits. Nous regrettons qu'aient été conservés des dispositifs non aboutis, tels que la possibilité de considérer les personnes morales comme facilitateurs ou le dispositif juridique fragile de la provision définitive pour frais d'instance. Toutefois, le texte de la CMP nous semble équilibré et de nature à renforcer la protection des lanceurs d'alerte.
Le groupe Les Républicains votera ces deux textes. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Guillaume Gontard . - La CMP a trouvé un accord sur ces deux textes. Nous nous félicitons de son contenu, plus proche du texte de l'Assemblée nationale, plus ambitieux que le texte adopté par le Sénat. Notre rapporteur a entendu certaines de nos inquiétudes en séance, notamment sur la définition des lanceurs d'alerte.
Nous évitons une sous-transposition de la directive et nous nous dotons d'un arsenal juridique intéressant et pionnier dans le monde. Cette approche trouve son origine au Sénat, avec les propositions de notre ancienne collègue écologiste Marie-Christine Blandin.
Je salue aussi le travail de Sylvain Waserman et d'Ugo Bernalicis à l'Assemblée nationale, ainsi que celui de notre collègue Mélanie Vogel qui a oeuvré à la rédaction de la directive.
Surtout, je veux saluer les lanceurs d'alerte eux-mêmes et la Maison des lanceurs d'alerte, qui les soutient. Nos travaux sont le fruit de leurs réflexions et de leurs propositions, issues de leur parcours et des difficultés qu'ils ont rencontrées. Je veux saluer Irène Frachon, Antoine Deltour, Amar Ben Mohamed, Valérie Murat, Quentin Guillemain et Inès Léraud. Leur souci de l'intérêt général a fait basculer leurs vies. Je pense aussi à Hugo, lanceur d'alerte de la centrale du Tricastin, dont le témoignage a été précieux pour notre proposition de loi sur la sûreté nucléaire. Il faut que les failles de nos institutions et les fautes de nos entreprises soient ainsi signalées.
Ce texte réarme David contre Goliath. Nous saluons la fin de la notion imprécise de désintéressement, la simplification de la procédure d'alerte et l'abolition de l'obligation de recours à la procédure interne, qui, trop souvent, étouffe l'alerte.
Il faut que les lanceurs d'alerte, exposés à une immense solitude, soient accompagnés. Nous regrettons que ce statut ne soit pas directement offert aux personnes morales qui les aident notamment à rester anonymes. La lutte contre les procédures « bâillon », par la prise en charge des frais de justice et la punition des plaintes abusives, est aussi cruciale.
Le GEST votera évidemment en faveur de ces textes, étape importante dans la protection des lanceurs d'alerte. Mais il nous faudra aller encore plus loin.
M. Éric Bocquet . - Nous arrivons au terme de l'examen de ces textes, dont la rédaction finale nous paraît très satisfaisante. C'est d'autant plus appréciable que ce n'était pas acquis... Je salue à cet égard le travail efficace de Mme la rapporteure.
Le texte adopté à l'unanimité par l'Assemblée nationale procédait à une transposition ambitieuse de la directive, mais la copie revue par la commission des lois du Sénat était décevante, avec même un retour en arrière sur la définition du lanceur d'alerte par rapport à la loi Sapin II. En séance, ce recul n'a pas été entériné, mais le compromis avec l'Assemblée nationale n'était pas encore acquis. Heureusement, la CMP a repris des dispositifs d'avant-garde à l'échelle européenne.
Les lanceurs d'alerte pourront être appuyés par des personnes morales à but non lucratif et bénéficier d'une provision pour financer leur défense. Les canaux internes et externes sont clarifiés et des sanctions pénales et civiles s'appliqueront en cas de procédures abusives. Les facilitateurs seront mieux reconnus. Autant de mesures ambitieuses qui créent un cadre de référence au niveau européen. Cela a été rendu possible par le travail de longue haleine de la Maison des lanceurs d'alerte qui a réalisé un travail de persuasion auprès des élus.
Nos concitoyens attendent plus de transparence : chacun peut défendre les droits de toutes et tous. C'est crucial pour la vitalité de notre démocratie. À la liste citée par notre collègue Gontard, j'ajouterai Nicolas Forissier, lanceur d'alerte sur la banque UBS. (Mme Nathalie Goulet approuve.)
Quel bonheur de voter à l'unisson le renforcement de la protection des lanceurs d'alerte. (M. Jérôme Durain et Mme Esther Benbassa applaudissent.)
Mme Nathalie Goulet . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Tout a été dit ! J'ajouterai simplement que l'examen de ces textes s'est effectué dans un excellent climat, ce qui a permis de nombreuses avancées. Cela témoigne de l'importance du bicamérisme : chacun a apporté sa contribution.
Merci à Mme la ministre d'avoir levé le gage pour l'adjoint du Défenseur des droits, mais un fonds avait été évoqué ; il reste nécessaire et il reviendra au gouvernement issu des prochaines élections de lui donner corps lors du futur projet de loi de finances.
Des lanceurs d'alerte ne sont longtemps pas entendus ; je pense au récent scandale des Ehpad.
Catherine Morin-Desailly et Chantal Jouanno avaient fait adopter en 2014 par le Sénat une résolution sur Edward Snowden. Quant à Julian Assange, je regrette que la France ne lui ait pas octroyé l'asile politique : les informations qu'il a diffusées ont été très utiles pour la compréhension de la marche du monde...
Ces textes sont à la hauteur de nos attentes ; le groupe UC les votera, tout en restant vigilant lors du prochain budget. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, SER et CRCE ; Mme Esther Benbassa applaudit également.)
Mme Guylène Pantel . - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Notre groupe tient à la construction européenne et défend une Europe sociale et solidaire. Ces deux textes illustrent ce que permet l'Union européenne. La directive de 2019, inspirée de la législation française, était ambitieuse ; il nous revient de la transposer, et même d'aller au-delà.
Ainsi que Maryse Carrère l'avait souligné en première lecture, les lanceurs d'alerte rencontrent de terribles difficultés au quotidien : le législateur doit les soutenir et les protéger. Nous avions été déçus par les premiers travaux de la commission des lois, notamment sur la définition des lanceurs d'alerte. Et pourquoi les priver du soutien des syndicats et des associations ? Le RDSE avait présenté des amendements pour renforcer le texte en ce sens.
Je salue donc l'accord trouvé en CMP, qui prend pleinement en compte ce phénomène de société. Nous sommes rassurés par le retour des personnes morales de droit privé à but non lucratif parmi les facilitateurs potentiels.
Il reste des questions financières à résoudre, pour fournir aux lanceurs d'alerte les moyens de se protéger tout au long de leur parcours. Surtout, que peut faire seul le Défenseur des droits - dont les missions sont nombreuses- face à des campagnes virtuelles ou extraeuropéennes ? Une législation européenne coordonnée a tout son intérêt.
Le groupe RDSE soutiendra évidemment ces deux textes.
Mme Esther Benbassa . - Procéder à un signalement, c'est s'engager dans une lutte de David contre Goliath, tant les ressources sont inégales. Le plus souvent, le lanceur d'alerte est isolé ; ses finances ne lui permettent pas d'affronter une entreprise prête à tout pour préserver ses secrets, son image et ses bénéfices. C'est avec l'aide d'associations et de syndicats qu'il parvient à surmonter les obstacles.
Nous devons les remercier pour leurs sacrifices et surtout les protéger : c'est ce que nous ferons en adoptant ces textes.
Ainsi, le rôle des facilitateurs sera enfin reconnu. En supprimant l'obligation de saisir l'employeur avant le recours à des voies externes, le processus est simplifié. Le scandale Orpea montre combien cela est pertinent : comment lancer un signal en interne dans une entreprise gangrenée par le mensonge et le cynisme ? On pourra aussi octroyer des provisions définitives pour frais d'instance et mieux lutter contre les procédures bâillons.
J'espère qu'à partir de ces bases solides, nous irons ensuite plus loin en matière d'accompagnement médical, psychologique et financier des lanceurs d'alerte.
Il faudra enfin rester vigilants quant à l'application de ces textes et aux moyens accordés au Défenseur des droits.
M. Jérôme Durain . - Nous serions presque portés au lyrisme à la lecture des textes qui nous sont présentés !
Je vous félicite, madame la rapporteure, d'avoir renoncé à quelques irritants. Vous avez permis in extremis à notre pays de se doter d'une législation qui sera peut-être la plus aboutie au monde. Michel Sapin avait été pionnier, Olivier Marleix, Sylvain Waserman, Ugo Bernalicis et Raphaël Gauvain - dont je fais rarement l'éloge - ont suivi : tous les partis ont contribué à ce travail constructif et respectueux de la directive.
Je tiens aussi à saluer le Gouvernement : en la matière, la présidence française de l'Union européenne ne sera pas contestée.
Les CMP de fin de quinquennat sont parfois miraculeuses. Celle-ci est parvenue à une rédaction satisfaisante sur l'irresponsabilité pénale. Le statut de facilitateur a été étendu aux personnes morales à but non lucratif. L'adjoint du Défenseur des droits sera rétribué grâce à la levée du gage par le Gouvernement.
Le Sénat s'est pour une fois réconcilié avec les ONG qui manifestaient récemment devant notre assemblée... Il peut se montrer à la hauteur des exigences de l'économie moderne en matière de protection des lanceurs d'alerte. La Maison des lanceurs d'alerte a salué ce texte, considérant que désormais les personnes qui osent franchir le pas seront moins seules. Le groupe SER votera donc unanimement ces textes. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE ; Mme Esther Benbassa applaudit également.)
La proposition de loi Protection des lanceurs d'alerte est définitivement adoptée.
La proposition de loi organique Rôle du Défenseur des droits est mise aux voix par scrutin public ordinaire de droit.
Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°100 :
Nombre de votants | 345 |
Nombre de suffrages exprimés | 345 |
Pour l'adoption | 345 |
Contre | 0 |
Le Sénat a adopté.
(Applaudissements)
La séance est suspendue quelques instants.
Démocratiser le sport en France (Nouvelle lecture)
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle la discussion, en nouvelle lecture, de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, en nouvelle lecture, après engagement de la procédure accélérée, visant à démocratiser le sport en France.
Discussion générale
Mme Roxana Maracineanu, ministre déléguée, chargée des sports . - Ce matin, à l'aube, lorsque j'ai vu Clément Noel remporter sa médaille, gagnée à force d'ambition et de confiance en soi, par un jeune homme qui sait combien l'attente nous pèse lorsque l'on est jeune, talentueux et intelligent... j'ai pensé à vous. À la responsabilité que trop peu d'entre vous ont voulu prendre (protestations sur les travées du groupe Les Républicains), au courage qu'il a manqué à la majorité du Sénat pour terminer le travail. (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées) Vous auriez pu boucler cette deuxième manche dignement, avec panache. (Mêmes mouvements) Vous auriez pu vous inspirer de Clément Noël. Vous auriez pu porter avec fierté les ajouts bénéfiques que vous avez adoptés ici même après quinze heures de débats. Vous auriez pu présenter aux bénévoles des associations de vos communes de coeur des perspectives nouvelles pour les associations. Vous auriez pu vous prévaloir des avances réclamées par le mouvement sportif - et non par moi.
Au lieu de cela, vous avez préféré ne parler que des signes religieux. Ce n'est pas à la hauteur de nos concitoyens ni du mouvement sportif.
Vous avez balayé - on vous a fait balayer, monsieur Savin - tous vos efforts, tous ceux de vos collègues qui ont travaillé sur ce texte : M. Lafon, M. Rambaud, M. Kern, M. Lauzach, Mme Billon, M. Bacci, entre autres.
Cette proposition de loi est un texte attendu depuis plusieurs années par le mouvement sportif, par le ministère, par les élus de la République. Il l'est aussi par les bénévoles, les arbitres, tous ceux qui s'impliquent au quotidien dans les 360 000 associations sportives ; mais également par les professionnels et les entreprises qui soutiennent le sport et qui le soutiendront parce qu'il aura su se réinventer.
Je pense à l'école, au monde de la santé, du handicap : tous veulent que les instances du mouvement sportif reflètent la société, qu'elles soient mieux protégées des dérives frauduleuses et des comportements dangereux. Cette loi apporte des solutions à ces préoccupations fondamentales.
Ce texte est issu de trois ans de concertations, d'un travail fait avec et pour le mouvement sportif. C'est ce travail que vous balayez d'un revers de la main.
Je souhaite remercier les députés notamment LREM (protestations à droite) et les sénateurs qui ont contribué à l'enrichissement de ce texte.
De nombreux apports du Sénat ont été conservés, comme l'aisance aquatique dans les programmes scolaires.
Puisque vous avez déposé une question préalable pour une disposition qui n'est pas dans ce texte - ce qui est un procédé étonnant - je souhaite vous dire mon regret et ma tristesse.
Les acteurs du sport comptaient sur vous. Vous n'en sortez pas grandis. (Vives protestations à droite)
Vous préférez le débat sur les signes religieux plutôt que celui sur la parité dans les instances du sport. Mais alors, assumez-le clairement devant nos concitoyens !
Par votre vote, vous dites non à la parité dans les instances sportives, non à la limitation du nombre de mandats au sein des instances dirigeantes, non au renforcement des liens entre le sport et l'école, non à une économie plus robuste pour le sport professionnel, non au sport adapté pour les personnes en perte de mobilité. Vous ne dites oui qu'à la politique politicienne (vives protestations à droite et au centre) qui ne vise qu'à la division et à la polémique. Vous ne faites qu'accuser le Gouvernement d'inaction. Permettez-moi de rappeler qu'il y a six mois vous avez voté la loi sur le respect des principes de la République...
M. Michel Savin, rapporteur de la commission de la culture. - Rien dans cette loi !
Mme Roxana Maracineanu, ministre déléguée. - Si j'ai plaidé pour inclure le sport dans le pacte républicain, c'est que je pense qu'il joue un rôle essentiel pour la défense des valeurs de la République.
Dans vos déclarations grandiloquentes...
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. - Vous parlez de moi, là ?
Mme Roxana Maracineanu, ministre déléguée. - ... vous oubliez que le sport est un formidable vecteur pour porter ce message de vigilance collective.
Le principe de laïcité, tel qu'il ressort de notre Constitution, doit être pleinement garanti.
Mme Nathalie Goulet. - C'est le « en même temps » !
Mme Roxana Maracineanu, ministre déléguée. - L'intransigeance avec les comportements qui rompent le socle commun doit perdurer. Oui, le sport est en proie à la radicalisation et nous devons lutter contre ce phénomène. Le ministère a fait de cette lutte une priorité. Notre Gouvernement a imposé aux associations sportives de respecter les sept mesures du contrat d'engagement républicain. Notre Gouvernement a rappelé aux collectivités locales, dont celles de votre majorité, leurs responsabilités dans le contrôle de l'utilisation des subventions publiques et de leurs équipements sportifs.
Notre Gouvernement a profondément transformé la relation entre l'État et les fédérations à travers le contrat de délégation qui sera signé dès 2022. Parmi ces nouvelles obligations, celles de signaler, de former et de sensibiliser face au risque de la radicalisation.
C'est notre Gouvernement qui a créé les cellules départementales de lutte contre l'islamisme et le repli communautaire.
Ne vous en déplaise, mesdames et messieurs de la droite, mon ministère regarde ce sujet en face. C'est sur le terrain et non à coups de déclarations médiatiques qu'on combat.
Nous n'avons aucune leçon à recevoir. (Protestations à droite et au centre)
M. Michel Savin, rapporteur. - Nous non plus !
Mme Roxana Maracineanu, ministre déléguée. - Nous sommes dans l'action, vous êtes dans l'incantation ! (Mêmes mouvements)
J'en viens donc au contenu de ce texte. Cela fait cent ans que notre pays attend les Jeux olympiques.
Dans deux ans, nous montrerons au monde le meilleur visage de la France : un pays qui affiche son modèle sportif unique.
Cette loi donne l'occasion de devenir tête de file sur les questions d'éthique, de démocratie et d'intégrité. Cet effort est indispensable pour permettre au sport de se réinventer : il doit ressembler à la société pour y jouer un plus grand rôle : parité, limitation des mandats dans le temps... Les acteurs du sport en ont conscience.
Mon ministère et le CNSOSF les accompagneront dans cette transformation gagnante.
Ce texte ne se limite pas au titre II.
Son titre I rend le sport plus accessible à tous, en élargissant la prescription du sport adapté, en renforçant sa présence à l'école, en établissant un référent dans tous les établissements médico-sociaux, en faisant de l'activité physique et sportive un enjeu de la responsabilité sociale et environnementale de nos entreprises.
Le titre III comprend des dispositions essentielles pour renforcer et sécuriser le modèle économique du sport. Alors que nous devons encore faire face aux conséquences de la crise sanitaire, nous voulons aider les acteurs du sport à rebondir et éviter de tomber dans des travers. C'est ce que permettra l'article permettant de lutter contre l'offre illégale de paris sportifs.
Notre Gouvernement lutte aussi contre les violences dans les stades.
M. Michel Savin, rapporteur. - Il n'y avait pas une ligne dans le texte !
Mme Roxana Maracineanu, ministre déléguée. - Il a ainsi déposé un amendement qui crée une amende forfaitaire pour les supporters violents.
Nous devons ce texte aux millions de bénévoles ; il y va du respect de nos athlètes, de nos entraîneurs, qui font du sport un élément de fierté nationale. (M. Didier Rambaud applaudit.)
M. Michel Savin, rapporteur de la commission de la culture . - (Vifs applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC) Je tiens à revenir sur vos propos tenus lors de la séance de questions d'actualité au Gouvernement.
Madame la ministre, nous pouvons avoir des divergences d'opinions, mais cela doit s'exprimer dans le respect et la tolérance. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)
Cela n'a pas été le cas.
Vous avez choisi de répondre par des attaques personnelles, disant que vous aviez de la peine pour les travaux de certains de mes collègues.
Je remercie les sénateurs de tous les groupes de nos travaux collectifs sur ce texte. Ils connaissent mon engagement et je connais le leur. Nos débats ont été sereins et respectueux.
Si j'ai de la peine, c'est de votre mépris pour notre travail. (Vifs applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)
Mme Nathalie Goulet. - Très bien !
M. Michel Savin, rapporteur. - Je comprends votre frustration et celle de votre majorité. Mais le Sénat a pris ses responsabilités sur ce texte. Nous avons fait notre travail de parlementaires. Je suis fier de mon engagement pour le sport français.
En 2021, votre projet de réforme faisait l'unanimité... contre lui.
Le texte qui nous est proposé comprend beaucoup de nos apports et les députés de votre majorité les ont validés. Nous avions l'ambition de trouver un accord en CMP.
Les apports du Sénat sont en effet nombreux : entre autres, la prise en compte du coût d'un accès indépendant à des équipements sportifs dans une école, la pratique quotidienne d'une activité physique au primaire, le renforcement du sport adapté, l'inscription de l'aisance aquatique dans les programmes, l'attribution au comité d'éthique de chaque fédération d'un rôle plus important pour prévenir les conflits d'intérêts, l'extension de trois à cinq ans du premier contrat pro-sportif, la réaffirmation du rôle de la fédération délégataire dans le fonctionnement du sport professionnel avec une présence de la fédération dans l'instance dirigeante de la société commerciale chargée des droits audiovisuels.
Il n'y avait pas une ligne sur la sécurité dans votre texte. C'est au Sénat que nous avons voté une amende forfaitaire pour l'usage d'engins pyrotechniques dans les stades.
Le texte adopté par les députés porte la marque du Sénat et on peut regretter qu'on ne soit pas parvenu à un accord.
Je déplore toutefois la suppression de plusieurs de nos apports, dont l'article 6 bis AB sur la reconversion des sportifs professionnels et l'article 6 ter sur la charte nationale du bénévolat.
En présentant la motion, je reviendrai sur le désaccord le plus important, celui qui porte sur la laïcité dans le sport. Ce désaccord n'est ni mineur ni médiocre : il trace une vraie ligne de séparation entre des conceptions sur la place de la religion dans le sport. Je suis fier de notre position, quand bien même cela met le Gouvernement face à ses contradictions.
M. Stéphane Piednoir. - Absolument.
M. Michel Savin, rapporteur. - J'ai été étonné de certains propos de votre part : vous avez dit que l'échec de la CMP était dû à l'opposition du Sénat à la parité et à la limitation du nombre de mandats. J'ai pourtant dit que j'étais disposé à accepter la position de l'Assemblée nationale sur ces questions, aux articles 5 et 7, même si une meilleure solution était possible. On peut être favorable à la parité intégrale et être persuadé qu'elle sera impossible à appliquer dès 2024.
Il ne sert à rien de caricaturer les positions du Sénat : nous sommes favorables à la parité intégrale et à la limitation du nombre de mandats au sein des instances dirigeantes.
Je souhaite que nous gardions à l'esprit la qualité du travail que nous avons mené ensemble sur ce texte. (Applaudissements prolongés sur les travées des groupes Les Républicains et UC)
Rappels au Règlement
Mme Nathalie Goulet . - Je souhaite faire un rappel au Règlement sur la base des articles 36 et 37.
En quinze ans, je n'ai jamais entendu un ministre attaquer les sénateurs de façon aussi injuste, violente et méprisante. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains)
On ne pourra pas laisser votre intervention sans suite. J'espère que le Président du Sénat lira vos propos et que les présidents des groupes s'en saisiront. J'ai été outrée par la façon dont vous vous êtes exprimée et par votre mépris à l'égard de la Haute assemblée. (Applaudissements sur les mêmes travées)
Mme Jacqueline Eustache-Brinio . - Je m'associe à ce rappel au Règlement. Mme la ministre m'a agressée dès mon entrée dans l'hémicycle. Nous avons le droit d'exprimer des opinions différentes de celles du Gouvernement.
Il est scandaleux qu'une ministre s'attaque ainsi à des parlementaires et mette en cause leur parole. Ici comme ailleurs, toutes les opinions ont droit de cité !
Le camp du bien n'est pas toujours celui qu'on imagine. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC)
Mme Françoise Férat . - Quelle fierté a été la nôtre quand vous avez porté nos couleurs au cours de votre carrière sportive. Et comme je suis déçue par vos propos.
De quel droit proférez-vous ces insultes ? Connaissez-vous la définition de la démocratie ? Vous auriez pu argumenter, vous préférez insulter : quel courage ! Michel Savin défend le sport depuis vingt ans... C'est pratiquement un sacerdoce.
La politique, dans le sens noble du terme, vous est totalement étrangère. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains)
Discussion générale (Suite)
M. Dany Wattebled . - (M. Daniel Chasseing applaudit.) La CMP a échoué pour trois raisons : parité, limitation des mandats et laïcité.
J'ai voté pour la parité dès 2024, contre la limitation du nombre des mandats et pour l'interdiction du port de signes religieux lors des compétitions sportives, car il faut clarifier ce point : ce n'est pas aux fédérations de décider en la matière.
Madame la ministre, vous n'avez pas dû lire le rapport de la commission d'enquête du Sénat sur la radicalisation islamiste. Comment prôner la laïcité et accepter dans la pratique sportive le port de signes religieux ? De nombreux clubs sont des lieux de radicalisation et de prosélytisme. Le sport n'a aucune vocation à devenir le théâtre de l'affaiblissement des valeurs républicaines.
Attention à la création de sociétés commerciales par les professionnels. La vente d'un bien public, à savoir le sport, est enclenchée dans la plus grande opacité.
Dès octobre, un appel d'offres a été lancé pour faire entrer un fonds d'investissement dans le football français. L'argent de cette vente reviendra à une société commerciale et aux clubs de ligue 1 et 2. Ce fonds d'investissement, qui possédera 10 % de la société, sera libre de vendre sa participation quand il voudra et à qui il voudra, au Qatar ou autre. Pendant cinquante ans, des dividendes seront versés, pour un total de 4 milliards d'euros. Nous avons le droit d'être informés, tout autant que les Français.
La majorité des clubs étant endettés, cet argent servira surtout au remboursement des dettes, pas vraiment à l'investissement.
Je suis très déçu par ce texte et voterai la question préalable. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, UC et Les Républicains)
M. Stéphane Piednoir . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Après une si longue attente, nous ne pouvions qu'accueillir favorablement cette proposition de loi. Mais en sport, comme dans d'autres domaines, les déceptions sont souvent à la hauteur des espoirs suscités. Dès la première lecture, nous dénoncions un simple texte d'intention alors que nous attendions un texte d'ambition, à deux ans des Jeux olympiques de Paris.
Nous ne nous sommes pas résignés et avons considérablement enrichi le texte. Je salue à cet égard le travail réalisé par Michel Savin, fin connaisseur du monde du sport, contrairement à ce que j'ai pu entendre.
Renforcement de la lutte contre les violences dans les stades, soutien au sport en entreprise et aux sportifs de haut niveau, promotion du sport dans l'enseignement supérieur : ces avancées sénatoriales, et d'autres, ont été saluées en CMP. Mais la disposition interdisant le port de signes religieux pendant les compétitions a empêché tout accord.
Après le discours des Mureaux du président de la République, la majorité gouvernementale zigzague, fracturée par le sujet, ce qui affaiblit la République. Aurore Bergé partage notre constat, tandis que la ministre chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes fait un pas de plus vers le renoncement et la complaisance à l'égard de l'islam politique et de tout ce qu'il représente en termes de liberté des femmes. L'entrisme de l'islamisme dans le monde du sport est pourtant largement documenté.
Il est temps de prendre nos responsabilités, au-delà de la signature d'une charte d'engagement républicain.
La mesure avait toute sa place dans ce texte, en cohérence avec l'article 50 de la Charte olympique. La France ne peut être moins-disante que le mouvement olympique. En outre, les acteurs du mouvement sportif et les élus locaux doivent être sécurisés. Enfin, il faut permettre à toutes les femmes de participer aux compétitions.
Les députés de la majorité ont manqué de bon sens et ont dénaturé notre texte.
Nous sommes fiers d'avoir défendu nos convictions et notre ambition, là où vous n'avez fait ni l'un ni l'autre. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur diverses travées du groupe UC)
M. Thomas Dossus . - (Applaudissements sur les travées du GEST) Il y a quinze jours, nous avons passé deux longues soirées à débattre, dans un climat parfois tonique. Cela fait partie du jeu parlementaire. Aussi, je ne m'associe pas aux rappels au règlement.
Mon analyse n'a pas changé sur un texte qui ressemble à celui de la première lecture. Cette proposition de loi se voulait le texte important du quinquennat pour le sport. Il reste néanmoins timide. Il s'agit d'un bouquet de mesures, certes nécessaires comme sur la parité et la limitation du cumul de mandats dans les fédérations. Il en va de même pour les mesures en faveur de l'honorabilité des fédérations et de la lutte contre les discriminations. Je me réjouis du maintien de nos amendements sur les équipements sportifs locaux et d'avoir renforcé le sport adapté.
Qui imagine que ces mesures seront suffisantes pour renforcer la place du sport dans une société qui se sédentarise de plus en plus ? Personne.
Parler du sport, c'est parler de santé, de valeurs, des conditions de travail de ceux qui le font vivre, et surtout de climat. Or c'est le grand absent de ce texte. On ne fait pas de sport de la même manière avec deux, voire quatre degrés de plus si l'inaction gouvernementale se poursuit. Ces scénarios signeraient la fin de la pratique de sports de plein air et de montagne. Voyez les Jeux olympiques de Pékin et sa neige artificielle, ainsi que les stades climatisés de la coupe du monde du Qatar. Voilà un enjeu de taille dont nous ne débattrons pas.
Nous nous opposerons à la question préalable, souhaitant conserver les apports du texte. (Applaudissements sur les travées du GEST ; M. Éric Gold applaudit également.)
Mme Céline Brulin . - Nous examinons ce texte attendu dans un calendrier contraint. Le nombre d'articles est proportionnel à la déception du monde sportif. Ce texte devait démocratiser la pratique du sport pour tous : il n'en sera rien.
Il y a quelques motifs de satisfaction en matière de sport-santé, de parité et de mise à disposition des équipements scolaires. Les collectivités territoriales ne peuvent supporter davantage de charges.
Les déceptions restent malheureusement nombreuses. Je pense à la sécurité dans les stades, à la diffusion des compétitions sur des canaux payants. (M. Savin, rapporteur, le déplore également.) Les alliances éducatives ne seront que des usines à gaz et la création de sociétés commerciales aux contours mal définis par les ligues professionnelles nous fait craindre qu'il s'agisse d'un beau cadeau à des investisseurs privés. La juste répartition des droits TV ne sera sans doute pas au rendez-vous.
Ce texte est aussi une occasion manquée de créer un modèle français de supporteurs. Un sport sans supporteurs est un sport sans âme. Nous l'avons constaté durant la crise sanitaire.
Ce texte manque d'ambition. Cela aurait dû nous mobiliser conjointement, mais certains ont préféré en faire l'objet d'une polémique sur les questions identitaires. Pourtant, le code du sport et la Charte olympique sanctionnent déjà les manquements à la laïcité.
Il faut maintenir la délégation de service public aux fédérations, disait M. Lozach dans son rapport, mais vous avez choisi un autre modèle - celui de l'Agence nationale du sport, sur le modèle anglo-saxon - qui nous prive d'outils pour défendre et promouvoir la laïcité.
Ce texte ne relancera nullement la pratique sportive après la crise sanitaire.
M. Claude Kern . - (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains) Je suis amer de devoir constater un manque de jeu collectif sur ce texte qui devait donner un nouveau souffle au sport.
Après cette CMP non conclusive pour de mauvaises raisons, le groupe UC regrette la suppression de nombre d'apports du Sénat, qui n'ont même pas été discutés.
Je salue le travail de la commission et du rapporteur qui avaient permis de nombreuses avancées. Ainsi en était-il pour le modèle économique du sport, le sport en entreprise, à l'école et dans l'enseignement supérieur, le renouvellement des instances régionales, le bénévolat, le soutien aux sportifs de haut niveau, le droit à l'image collective des joueurs (Mme Nathalie Goulet manifeste sa déception) - pourtant demandé par le Président de la République. Nous avions aussi amélioré l'accès aux équipements sportifs.
Les députés ont préféré revenir sur ce travail constructif.
Quelques mesures d'ajustement sont bienvenues, mais elles ne modifient pas la place du sport dans la société.
Le texte manque cruellement d'ambition pour l'avenir. Plus grave, certains sujets majeurs comme le bénévolat ne sont pas abordés alors que nous avions prévu une charte nationale pour le promouvoir et l'accompagner.
Malheureusement, le sport reste le parent pauvre des politiques publiques.
Nous ne pouvons que prendre acte de la fin de non-recevoir de l'Assemblée nationale, qui aura le dernier mot.
En tant qu'arbitre, madame la ministre, vous avez refusé de faire appel à l'arbitrage vidéo, et donc refusé l'essai du Sénat. Le groupe UC votera la question préalable. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains)
M. Éric Gold . - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Nous aurions pu espérer que ce texte soit fédérateur, mais nous voici en nouvelle lecture. Nous regrettons, comme à chaque fois, la question préalable, même si nous reconnaissons les points de divergence sur des mesures sociétales : laïcité, parité, identité de genre, limitation des mandats des dirigeants de fédération.
Nous sommes favorables à la féminisation des instances dirigeantes et à la non-discrimination du genre, mais aussi à la limitation du nombre de mandats comme cela se pratique déjà dans le rugby. Une telle disposition aurait donné un nouveau souffle aux fédérations.
S'agissant des signes religieux en compétition, la majorité de notre groupe regrette la suppression de leur interdiction. Le principe de laïcité ne doit souffrir d'aucune faiblesse, y compris dans le sport.
À titre personnel, je partage cependant la position des députés.
Le groupe RDSE est majoritairement favorable à ce texte. Nous le voterons, si la motion est repoussée. (Applaudissements sur les travées du RDSE et du RDPI)
M. Jean-Jacques Lozach . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) L'ambition de ce texte était de démocratiser le sport. Mais le grand soir du sport attendra, car de multiples obstacles restent à lever.
Le bénévolat, pierre angulaire du mouvement sportif, aurait mérité d'être défendu. Souhaitons que la motivation de nos bénévoles conserve toute sa vigueur.
L'approche pragmatique du texte, fait de petits pas résolus, aura permis des avancées, notamment s'agissant du sport à l'école et dans les établissements sociaux et médico-sociaux. Des avancées doivent également être saluées en matière de parité, de gouvernance et d'économie du sport.
Un accord aurait pu être trouvé en CMP sans le débat sur le voile dans les compétitions sportives. Nous ne pouvons pas prôner l'autonomie du mouvement sportif et dessaisir les fédérations sportives de leurs propres règles, alors qu'elles ont pris des engagements en la matière. Du reste, le mouvement sportif n'a exprimé aucune demande sur le sujet. L'article 50 de la Charte olympique ne concerne que les Jeux olympiques. Évitons toute confusion entre une ONG - le CIO - et le droit français.
La loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République propose un cadre aux associations, qui ne peuvent remettre en cause le caractère laïque de la République. Les principes qu'elle fixe suffisent.
M. Stéphane Piednoir. - C'est bien léger tout cela !
M. Jean-Jacques Lozach. - Le sport est un instrument de lutte contre les racismes et les discriminations. Accompagnons le mouvement sportif en ce sens et accordons-lui des moyens suffisants.
Pour des raisons politiques, en pleine campagne présidentielle, des mesures consensuelles ont été balayées du texte du fait de l'échec de la CMP. Dans un autre contexte, plus apaisé, nous aurions pu parvenir à un consensus.
L'approche des Jeux olympiques ne doit pas conduire à ne pas légiférer sur le sport, car beaucoup reste encore à faire.
Il faut aussi un choc budgétaire en faveur du sport et des équipements sportifs pour faire de la France une nation sportive.
Le groupe SER votera contre la question préalable. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)
M. Didier Rambaud . - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Madame la ministre, je comprends votre déception. Chacun a le droit de l'exprimer avec ses mots.
De fait, quel gâchis ! La question préalable déposée par le rapporteur nous prive d'un nouveau débat sur ce texte attendu, collaboratif et auquel le Sénat a beaucoup contribué - je pense à l'inscription des maisons sport-santé dans la loi ou à la possibilité pour une entreprise de choisir le sport comme raison d'être.
La question clivante du port du voile domine désormais nos débats. Mais les masques tombent un peu plus chaque jour. Rien ne justifie cette manoeuvre ni cette obsession. L'interdiction des signes religieux n'a pas sa place dans ce texte.
M. Stéphane Piednoir. - Ce n'est jamais le moment !
M. Didier Rambaud. - Le contrat d'engagement républicain constitue un encadrement. Il faut rester fidèle à l'esprit d'ouverture de la charte olympique. Au nombre des principes fondamentaux de l'olympisme figure la non-discrimination.
Tant de travail pour en arriver là... C'est du saccage législatif ! (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains)
Il est regrettable que seule la question du voile, qui est un leurre, mobilise les médias. Nous regrettons ce gâchis, mais nous laissons la majorité sénatoriale à ses fantasmes. (Applaudissements sur les travées du RDPI, du RDSE et du groupe SER)
M. Jean-Raymond Hugonet . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Voilà un sprint échevelé, pour le seul texte du quinquennat sur le sport. Le sport doit avant tout passer par l'école. Or, le Gouvernement a réduit l'éducation physique et sportive (EPS) au plus petit dénominateur commun.
Il était temps d'agir. Je salue l'énergie insondable de M. Savin, ses trésors de patience et de diplomatie. Mais le Gouvernement et certains députés sont restés aveugles.
M. Stéphane Piednoir. - Très bien !
M. Jean-Raymond Hugonet. - Notre pays comprend enfin l'importance du sport-santé, il était grand temps. Mais les moyens restent bien incertains.
Le sport sur ordonnance ne sera possible que si les collectivités territoriales peuvent développer des équipements. Or rien n'est prévu en la matière. Une fois de plus, les collectivités, déjà exsangues, devront assumer.
Le sport est un fait social complet, qui met en jeu des questions sensibles, comme la laïcité et le vivre-ensemble. Les principes de la République doivent être abordés. D'où l'amendement déposé en première lecture par M. Piednoir.
Le renoncement de l'Assemblée nationale symbolise l'écart entre le discours tenu par le Président de la République aux Mureaux et les actes du Gouvernement.
On nous renvoie au contrat d'engagement républicain, mais ce n'est qu'un crocodile empaillé ! Les associations sont dans un état d'insécurité juridique.
La mauvaise foi culmine quand on nous accuse d'exclure certaines femmes du sport... Quelle honte ! Le voile est un outil politique, un point c'est tout.
M. Laurent Burgoa. - Très bien !
M. Jean-Raymond Hugonet. - Vous niez cette triste évidence. Cela ne pourra pas durer bien longtemps. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC ; M. le rapporteur applaudit également.)
Question préalable
Mme la présidente. - Motion n°7, présentée par M. Savin, au nom de la commission.
En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, visant à démocratiser le sport en France (n° 477, 2021-2022).
M. Michel Savin, rapporteur. - Dans la discussion générale, j'ai rappelé les apports du Sénat retenus par l'Assemblée nationale. D'autres n'ont pas été conservés, je le regrette. Reste qu'un accord était possible.
S'il n'a pas été trouvé, c'est parce que la majorité de l'Assemblée nationale ne partage pas notre vision du sport dans la société. Le débat d'aujourd'hui s'est déjà tenu il y a quelques mois : nous n'avons pas attendu une campagne électorale pour soulever cette question.
Depuis des années, des militants veulent faire primer des principes religieux sur les principes républicains : ils entendent imposer la possibilité de porter le hidjab dans les compétitions sportives.
Nous avons voulu interdire le port de signes religieux ostensibles. Les députés ont craint des problèmes pour l'accueil de grandes compétitions et pour des manifestations d'inclusion sociale. Nous avons donc limité nos demandes aux fédérations françaises et à leurs licenciés : mais toujours le même refus, qui nie la réalité de l'emprise des mouvements islamistes dans le sport.
Nous sommes inquiets : le sport n'est-il pas devenu pendant ce quinquennat la porte d'entrée des islamistes à l'école ? (M. Thomas Dossus s'exclame.)
Notre désaccord est fondamental. La société française est divisée, et le Sénat veut rappeler l'exigence de neutralité. Le sport rassemble des jeunes de toutes origines, de toutes croyances...
M. Thomas Dossus. - C'est vrai !
M. Michel Savin, rapporteur . - Madame la ministre, que de paradoxes : parité intégrale dans les instances dirigeantes des fédérations, et désintérêt pour les jeunes filles qui pratiquent le sport...
Ce texte propose de nombreuses dispositions techniques, mais ne mobilise pas de crédits nouveaux. Il faudrait pourtant un programme ambitieux de rénovation des équipements locaux.
Le sport est devenu, avec ce gouvernement, un nouveau champ de bataille. Nous dénonçons cette situation. Nous devons redonner toute leur vigueur aux principes républicains ! C'est le sens de cette question préalable. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC ; M. Daniel Chasseing applaudit également.)
M. Thomas Dossus . - Démocratiser le sport, tel est l'objet de ce texte. À cet égard, l'exposé des motifs de la motion dont nous sommes saisis en dit long.
La droite sénatoriale aurait voulu assouplir les règles en matière de non-cumul des mandats dans les fédérations. Au contraire, il faut renouveler pour attirer ! Démocratisation et confiscation du pouvoir ne font pas bon ménage.
Comment rééquilibrer la place des femmes dans les instances sportives sans la parité ? Ce sont les mêmes arguments que pour la parité politique dans les années 1990 : il faudrait temporiser... La vérité, c'est que les hommes sont peu pressés que les choses changent.
La lutte contre les discriminations a été un autre sujet de crispation, s'agissant notamment de l'identité de genre. On dit « genre » et vous êtes prêts à tout rejeter, comme quand on dit « wokisme »... Mais l'identité de genre est bien une question qu'il faut traiter pour éviter toute discrimination.
Autre blocage symbolique : la participation des femmes musulmanes voilées aux compétitions sportives. Vous ne voulez pas stigmatiser ceux qui se signent en entrant sur le terrain ou portent des tatouages religieux. Vous ne vous en cachez pas : seul le voile vous intéresse.
La loi de 1905, simple et robuste, est un joyau juridique : veillons simplement à la respecter !
La lutte contre l'intégrisme a bon dos : les talibans sont-ils vraiment des supporters du football féminin ? Et où étiez-vous quand Nicolas Sarkozy confiait la Coupe du monde au Qatar wahhabite ? (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains)
Vous utilisez la laïcité pour assigner des femmes à résidence. En vous arc-boutant, vous incarnez la police des vêtements. Vous ne souhaitez que mettre au ban une religion.
Dirigeants inamovibles, moins de parité, discriminations : quelle vision... Pour nous, le sport doit être vecteur d'émancipation et d'inclusion ! Nous voterons contre cette question préalable. (Applaudissements sur les travées du GEST, du groupe SER et du RDPI)
Mme Roxana Maracineanu, ministre déléguée. - Le Gouvernement est défavorable à cette motion. En l'adoptant, vous bloqueriez toutes les avancées de ce texte, même celles que vous avez adoptées...
Vous feignez de ne pas comprendre mes propos. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains) C'est dommage pour vous et pour le sport.
Sur les signes religieux, le Parlement a déjà tranché il y a six mois. Nous sommes pour la laïcité dans le sport, nous sommes respectueux de la loi, de la neutralité des agents du service public et de la Constitution.
Nous sommes clairs. Vous, non : vous confondez laïcité et neutralité, séparatisme et radicalisation, religion et communautarisme.
Notre cible, c'est l'islamisme radical, pas l'islam ! (Applaudissements sur des travées du RDPI)
M. Dany Wattebled. - Cette loi aurait pu être belle. Mais j'avais déjà des préventions, comme sur la société commerciale liée à la ligue professionnelle de football. Aujourd'hui, les associations peuvent mettre le pied dans la porte. On a trop tergiversé, on laisse trop faire.
Cette motion est importante pour prévenir une faiblesse de l'État. Nous devons être intransigeants, car la laïcité, on n'y touche pas !
M. Claude Kern. - Très bien !
Mme Béatrice Gosselin. - La majorité de l'Assemblée nationale n'a pas souhaité adopter de dispositions renforçant le principe de neutralité dans le sport, en dépit des difficultés auxquelles sont confrontées les fédérations.
Il faut être intransigeant avec les atteintes à la laïcité. Nous avons ce courage et voulons porter haut un message d'égalité entre femmes et hommes. Le sport est un lieu d'émancipation où la religion n'a pas de place !
Enfin, les députés se sont opposés à notre conception pragmatique de la parité.
Pour ces raisons, nous voterons la motion. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC)
Mme Céline Brulin. - Nous voterons contre cette motion, dont les justifications dénaturent les difficultés auxquelles fait face le mouvement sportif. Hystériser le débat n'est d'aucune utilité, empiler les textes non plus.
Je relève une certaine duplicité sur ce sujet : dans le modèle sportif français, l'État est garant de la neutralité, mais ce modèle est détricoté au profit d'une vision anglo-saxonne qui fragilise la République laïque.
Je reconnais l'honnêteté de M. le rapporteur : il a reconnu qu'un tel amendement pourrait empêcher des femmes voulant échapper au joug des talibans de participer à des compétitions sportives... (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER ; Mme Patricia Schillinger applaudit également.)
M. Bernard Fialaire. - Le groupe RDSE votera contre cette question préalable, contraire à notre philosophie d'enrichissement des textes par le débat.
Comme radical, je me réjouis d'entendre autant parler de laïcité, de surcroît sans épithète. Je me réjouis aussi de voir que le prêtre n'est plus considéré comme supérieur à l'enseignant pour l'éducation des enfants. Il y a des progrès...
Mais la laïcité ne consiste pas à imposer une tenue vestimentaire ; ce n'est pas mettre un carton rouge à ceux qui se signeraient en entrant sur un terrain. Il faut tolérer ce qui est permis dans la sphère privée.
La majorité sénatoriale fait une très mauvaise lecture de la laïcité, qui est d'abord synonyme de respect. (Applaudissements sur les travées du RDSE et du RDPI)
M. Jean-Jacques Lozach. - L'amendement sur le port de signes religieux dans les compétitions sportives n'avait rien à faire dans ce texte.
On peut certes pointer des insuffisances, mais ce texte a une visée globale sur l'ensemble de la pratique sportive, très diversifiée. Tout ramener à la question des signes religieux est une approche pour le moins réductrice. Elle est aussi partisane.
Le contexte l'emporte sur le texte, chacun en est bien conscient. En aurait-on discuté au début du quinquennat, le débat aurait été différent. (M. le rapporteur le conteste.)
Faisons confiance à la capacité intégratrice du sport. Je le dis comme ardent défenseur de la laïcité et du sport dans la République, notamment du sport féminin. (Applaudissements sur les travées du RDSE et du RDPI, des groupes SER et CRCE et du GEST)
Mme Jocelyne Guidez. - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Je ne pense pas être sectaire ; dans ma famille, toutes les religions sont représentées ...
Lorsque j'entraînais des jeunes filles au basket, j'ai constaté une évolution dans le mauvais sens : certaines n'allaient plus se doucher, étaient couvertes de la tête aux pieds. Elles agissent ainsi parce qu'elles sont sous la coupe d'un grand frère.
Je veux que ces jeunes filles aient la liberté de choisir ! C'est pourquoi je voterai la motion. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, INDEP et Les Républicains)
M. Laurent Burgoa. - Bravo !
M. Michel Savin, rapporteur. - Je remercie Mme Guidez pour son témoignage : il résume parfaitement la situation actuelle sur les terrains de sport. Cela ira de mal en pis, si nous ne faisons rien.
Madame la ministre, nous n'avons pas voté certains dispositifs de sport-santé, parce que la perte d'autonomie n'est pas une maladie. En outre, il n'y a pas de financement : seuls ceux qui pourront se payer des cours pourront en profiter.
On accuse le calendrier électoral : non, nous avons des convictions et entendons les défendre !
M. Jean-Raymond Hugonet. - Parfaitement !
M. Michel Savin, rapporteur. - En refusant de voter cette motion, vous renvoyez la responsabilité aux fédérations. La Fédération française de football se retrouve assignée devant le Conseil d'État pour avoir pris une telle décision. Il y aura des disparités entre divers sports : ce n'est pas notre vision ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP)
À la demande du groupe Les Républicains, la motion tendant à opposer la question préalable est mise aux voix par scrutin public.
Mme la présidente - Voici le résultat du scrutin n°101 :
Nombre de votants | 344 |
Nombre de suffrages exprimés | 337 |
Pour l'adoption | 208 |
Contre | 129 |
Le Sénat a adopté.
En conséquence, la proposition de loi est considérée comme rejetée.
(Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
La séance est suspendue quelques instants.
Accord en CMP
Mme la présidente. - J'informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi d'orientation relative à une meilleure diffusion de l'assurance récolte en agriculture et portant réforme des outils de gestion des risques climatiques en agriculture est parvenue à l'adoption d'un texte commun.
Renforcement du droit à l'avortement (Nouvelle lecture)
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle la discussion en nouvelle lecture de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, visant à renforcer le droit à l'avortement.
Discussion générale
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée, chargée de l'autonomie . - L'examen en nouvelle lecture de la proposition de loi visant à renforcer le droit à l'avortement sera sans doute bref : la commission des affaires sociales a déposé une motion...
Une impérieuse nécessité s'impose à nous : défendre sans relâche le droit à l'avortement, un droit chèrement acquis. Il est régulièrement remis en cause par ses opposants, de manière ouverte ou plus insidieuse. Le Gouvernement défend le droit des femmes à avorter en toute sécurité, éclairées par des informations objectives, au plus près de leur lieu de vie.
Ce texte prévoit la possibilité d'une IVG médicamenteuse jusqu'à sept semaines. Cette mesure prise pendant la crise sanitaire sera pérennisée par un décret qui sera publié dans les tout prochains jours.
Par ailleurs, les IVG instrumentales peuvent être mises en oeuvre en centre de santé depuis le décret publié en avril 2021.
L'expérimentation pour la réalisation d'IVG instrumentales par les sages-femmes a été lancée en décembre 2021. C'est une étape importante pour poser les bases d'une pratique répondant aux demandes d'IVG et offrant aux femmes un nouvel interlocuteur.
Enfin, le tiers payant obligatoire est désormais prévu pour toutes les femmes dans le cadre de forfaits de prise en charge.
L'information et l'éducation à la vie affective et la promotion de la santé sexuelle sont également cruciales. Des actions concrètes sont prévues en la matière. Il faut une offre lisible et accessible.
Le Gouvernement s'est engagé à renforcer la place des sages-femmes dans ces questions. Leurs missions ont été renforcées par la loi Rist et un accord a été signé pour une sixième année de formation initiale.
Le Comité consultatif national d'éthique ne voit pas d'objection éthique à un allongement de deux semaines de la durée légale de l'IVG. Il faut que les IVG tardives soient mieux prises en charge, sans délai.
Le Gouvernement s'en remet au débat parlementaire et souhaite que les travaux sur ce texte aboutissent avant la fin de cette législature. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
Mme Laurence Rossignol, rapporteure de la commission des affaires sociales . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Comme lors de la précédente lecture, une question préalable va interrompre notre débat. Au-delà de la procédure, ce que je regrette surtout, c'est que le Sénat ne vote pas ce texte.
Cette proposition de loi a eu un parcours très sinueux. Elle est issue de l'adoption, presque par accident, d'un amendement au Sénat, rejeté par la ministre de la Santé d'alors, qui demanda une seconde délibération. Une mobilisation parlementaire a permis de tordre le bras au Gouvernement. (Mme la ministre le conteste.)
La CMP a logiquement échoué, puis l'Assemblée nationale a pu peaufiner le texte.
En fin de compte, à la fin de ce mois, le délai de recours à l'IVG sera prolongé à quatorze semaines, ce qui bénéficiera à des milliers de femmes contraintes aujourd'hui de se rendre à l'étranger.
L'ouverture de la pratique de l'IVG aux sages-femmes est aussi bienvenue, tout comme le recours à l'IVG médicamenteuse jusqu'à sept semaines.
En 2001, le Sénat s'était opposé à l'extension de dix à douze semaines, ce qui avait causé l'échec de la CMP.
Les choses avancent néanmoins, grâce à la mobilisation des femmes. Je remarque qu'une fois que le progrès est inscrit dans la loi, ceux qui s'étaient battu contre ne proposent pas de revenir en arrière. C'est pourquoi, je n'ai aucun doute que l'allongement du délai sera durable.
Nous le devons à la détermination des associations, des militantes et des parlementaires féministes engagées.
Ma proposition de création d'une agence de la santé sexuelle et reproductive, sur le modèle de l'agence dédiée au cancer, était motivée par le besoin d'un vrai pilotage, sur des sujets comme l'endométriose par exemple. Ce serait une vraie avancée pour la santé des femmes.
J'ai été destinataire d'un courrier de nos collègues de Nouvelle-Calédonie, qui s'interrogent sur l'application de la loi sur leur territoire. Cela soulève un point juridique délicat. Malheureusement, leur requête est arrivée trop tardivement. Cela nous donnera l'occasion d'une prochaine proposition de loi, si cela s'avérait nécessaire ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE, du GEST et du RDPI)
M. Alain Milon . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le 19 janvier dernier, lors de la première lecture, j'ai écouté avec intérêt les arguments des uns et des autres. J'en suis ressorti avec davantage d'interrogations sur la pertinence de l'allongement du délai et son lien avec le renforcement de l'accès à l'avortement, qui fait l'objet du texte.
Nul ici n'entend remettre en cause le droit à l'avortement. Les comparaisons tendancieuses avec les États-Unis ou certains pays d'Europe tiennent plus de la polémique politicienne que de la réalité.
Nos défis sont la défiance des plus jeune vis-à-vis des contraceptifs hormonaux, le manque d'information, la précarité sociale, la crise sanitaire, les diagnostics tardifs de grossesse, les inégalités territoriales dans l'accès aux professionnels pratiquant l'IVG... Autant d'éléments à prendre en considération pour améliorer l'accès, mais pas de raison pour voter une loi pour les 1 000 à 4 000 femmes - 0,0006 % de la population française - qui partent à l'étranger pour avorter une fois le délai légal dépassé.
Ne faisons pas abstraction de l'évolution du foetus entre douze et quatorze semaines, ni des réticences légitimes de certains praticiens à pratiquer un tel acte.
Certains collègues voudraient s'inscrire dans la lignée du « Manifeste des 343 salopes » de 1971, faisant fi du changement de contexte, et refuser aux hommes, qui ne seront jamais enceints - sauf dans les émoticônes d'Apple - tout droit d'intervenir dans le débat. Cette vision radicale inquiète.
L'IVG ne serait pas toujours un traumatisme, et serait même une libération, ai-je entendu ici. La complexité, la diversité des situations exigent qu'on n'instrumentalise pas des femmes dont la détresse est réelle.
Nous voterons la question préalable. Aujourd'hui douze, demain quatorze semaines. Qu'en sera-t-il ensuite ? Il faut une réponse structurelle au problème, et non conjoncturelle, notamment en informant mieux les femmes et en réduisant les inégalités territoriales.
Donnons aux femmes les moyens d'exercer leurs droits sur le territoire tout en permettant aux praticiens d'exercer selon leur conscience. C'est ainsi que l'on garantira le droit à l'avortement. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Mme Mélanie Vogel . - (Applaudissements sur les travées du GEST ; Mme Émilienne Poumirol applaudit également.) Pour la troisième fois, nous défilons à la tribune. Certaines, pour défendre le droit des femmes à disposer de leur corps ; certains, qui disent pourtant défendre l'IVG, pour s'opposer au texte. Non, chers collègues, la défense de l'IVG ne fait pas partie de l'ADN de la droite française. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains) Ni de la gauche, d'ailleurs. En revanche, elle est dans l'ADN des militantes féministes, qui l'ont portée dans la rue.
Mme Catherine Belrhiti. - Demandez aux médecins ce qu'ils en pensent !
Mme Mélanie Vogel. - Il est humiliant de devoir répéter que si je découvre une grossesse à treize semaines, je dois pouvoir l'interrompre sans aller à l'étranger.
Certains ont-ils lu Deux siècles de rhétorique réactionnaire d'Albert Hirschman ? Il relève qu'à chaque réforme progressiste, trois grands arguments sont immanquablement invoqués. D'abord, la thèse de l'effet pervers : le remède serait pire que le mal. Puis, l'argument de l'inanité. Enfin, celui de la mise en péril. Pervers, les réactionnaires applaudissent souvent l'objectif mais critiquent le timing, la forme...
Nous y sommes : l'allongement du délai réduirait l'accès à l'avortement précoce - effet pervers ; les sages-femmes peuvent déjà faire des IVG chirurgicales - inanité ; cela braquerait les médecins - mise en péril.
En deux siècles, rien n'a changé. Les mêmes qui hurlaient contre la loi Veil, contre la pénalisation du viol, contre le mariage pour tous, contre l'abolition de l'esclavage et de la peine de mort, qui hurleront demain contre le droit de déterminer librement son genre, tous ceux-là applaudiront dans cinquante ans les progrès que nous leur aurons arrachés - tout en s'attachant à en freiner d'autres. C'est lassant - mais aussi rassurant de savoir de quel côté de l'histoire on se situe.
Il n'y a pas que dans les émoticônes d'Apple que les hommes sont enceints, monsieur Milon : il y a des hommes trans, ne vous en déplaise. (Applaudissements sur les travées du GEST)
Mme Laurence Cohen . - Le 19 janvier dernier, la CMP n'est pas parvenue à un accord.
Je remercie notre rapporteure pour sa ténacité. Nous regrettons l'obstination de la majorité. Comment accepter que 3 000 à 5 000 femmes se rendent à l'étranger pour avorter car les délais sont trop courts et les structures trop peu nombreuses ?
Je dénonce l'absence de politique de prévention en matière de santé sexuelle, la fermeture de centres d'IVG et le manque de subventions du planning familial.
Conquis de haute lutte par les militantes féministes, le droit à l'avortement permet aux femmes d'être libres d'être mères ou non.
Souvenons-nous que 70 % des femmes qui avortent sont en contraception. Cinquante ans après la loi Veil, il est temps d'allonger le délai à quatorze semaines ; la majorité des Français sont pour.
Les opposants à l'allongement du délai arguent que l'acte serait médicalement plus compliqué passé douze semaines. Or les praticiens néerlandais ou espagnols en sont parfaitement capables.
Il n'existe, selon le Comité consultatif national d'éthique (CCNE), que peu ou pas de différence entre douze et quatorze semaines : il n'y a donc pas d'objection éthique à un allongement de deux semaines.
La proposition de loi supprime le délai de réflexion qui infantilise les femmes et allonge la procédure. Madame la ministre, il est impératif de garantir les moyens, financiers et humains, des centres qui pratiquent l'IVG pour garantir le droit à l'avortement sur tout le territoire.
Tout en regrettant le maintien de la clause spécifique de conscience, nous soutenons ce texte. Je regrette que la majorité sénatoriale laisse la main à la seule Assemblée nationale. Mais ne boudons pas notre plaisir devant cette victoire obtenue par les femmes. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, GEST et SER)
Mme Laurence Rossignol, rapporteure. - Bravo !
M. Olivier Henno . - La loi Veil est importante pour notre groupe : nous défendrons toujours le droit à l'avortement. Nous voulons cependant veiller à l'équilibre entre la liberté de chaque femme à disposer de son corps et le respect de la vie. Le recours à l'IVG a atteint son niveau le plus élevé en 2019, avec un taux de 15,6 pour 1 000 femmes.
La loi de financement de la sécurité sociale a prolongé la gratuité de la contraception jusqu'à 25 ans. Espérons que cela réduise le recours à l'IVG chez les jeunes femmes. Mais faute de bilan chiffré mesurant l'impact de cette mesure, le présent texte nous semble prématuré.
Notre groupe considère qu'il faudrait se concentrer sur l'accès à l'IVG, difficile dans certains territoires faute de praticiens. J'ai été frappé par les propos de Mme Mazuy à ce propos.
La loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 prévoit l'expérimentation de l'IVG instrumentale par les sages-femmes. C'est une avancée importante, car 17 % des IVG réalisés en ville le sont par des sages-femmes.
L'accroissement de la taille du foetus entre douze et quatorze semaines entraînerait un risque accru d'hémorragie et de difficultés lors des grossesses ultérieures. Cela a conduit l'Académie de médecine à s'opposer à l'allongement du délai.
Il faut une meilleure prise en charge des jeunes femmes dans la période délicate entre la décision et la réalisation de l'intervention.
Les professionnels de santé doivent y être formés. Alors que 30 % des femmes connaîtront une IVG au cours de leur vie, ce ne doit plus être un tabou. Ce n'est pas l'IVG qui est un traumatisme, mais l'omerta. L'écoute doit se faire sans culpabilisation.
Une femme ne tombe pas seule enceinte et la contraception est l'affaire de tous. Les jeunes femmes préfèrent de plus en plus les méthodes naturelles de contraception comme le stérilet en cuivre. Les nouveaux modes de contraception, notamment destinés aux hommes, ne sont plus tabous et doivent être développés.
Pour toutes ces raisons, un allongement du délai légal nous semble prématuré. L'urgence est de pallier le manque de moyens.
Nous voterons la question préalable. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains)
M. Stéphane Artano . - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Le sujet est grave et passionnel, 45 ans après la loi Veil.
En France, le droit à l'avortement est fragilisé car il n'est pas accessible partout de la même façon, faute de praticiens et d'établissements. L'acte médical d'IVG est de plus en plus déconsidéré au sein de la communauté médicale. S'ajoutent une pression morale et une culpabilisation des femmes qui avortent.
Il nous appartient de garantir l'effectivité de ce droit.
Chaque année, plusieurs milliers de femmes dépassent le délai légal ; 1 500 à 2 000 d'entre elles se rendent à l'étranger ; d'autres subiront une grossesse non désirée, ou mettront en danger leur santé...
L'allongement du délai légal ne doit pas servir à pallier un défaut d'offre médicale. C'est la raison pour laquelle certains sénateurs du RDSE ont des réserves.
Les sages-femmes pourront pratiquer l'IVG instrumentale : c'est une réponse à la pénurie de praticiens. L'OMS le recommandait de longue date. La pérennisation de l'allongement à sept semaines du délai pour les IVG médicamenteuses en ville déchargera les établissements. La suppression du délai de réflexion mettra fin à l'infantilisation des femmes.
Je crains que ces avancées ne soient toutefois pas suffisantes. Le RDSE regrette profondément que la Haute Assemblée refuse encore une fois d'examiner ce texte en séance publique. Nous voterons unanimement contre la motion. (Applaudissements sur les travées du RDPI, du RDSE et sur quelques travées du groupe SER)
Mme Esther Benbassa . - Nous débutons plutôt mal 2022. Le Sénat aurait pu prendre de bonnes résolutions, mais a de nouveau opposé la question préalable en deuxième lecture. Sans surprise, la CMP a échoué.
Le conservatisme est un terrain qu'il faut sans cesse labourer.
Il ne s'agit pas seulement d'allonger un délai. Nous parlons de femmes pour qui l'avortement n'est pas un choix, mais une nécessité : pression sociale, violences au sein du couple, viols. Et des professionnels de santé se permettent des jugements ?
L'IVG n'est pas un acte anodin. Chaque femme peut témoigner de sa souffrance psychique, parfois physique.
Le CCNE a considéré qu'il n'y avait pas de modification substantielle du foetus entre douze et quatorze semaines.
En France, le droit à l'avortement n'est pas effectif. Les centres IVG ferment, certaines femmes doivent faire 100 km pour avorter. Ce n'est pas tolérable dans un pays comme le nôtre ! Ne condamnons pas ces femmes à une grossesse forcée !
Gisèle Halimi disait : voulez-vous contraindre les femmes à donner la vie par échec, par erreur, par oubli ? Le progrès, c'est de barrer la route à la fatalité. (Applaudissements sur les travées du GEST et sur quelques travées du groupe SER et du RDPI)
Mme Émilienne Poumirol . - Troisième lecture, troisième question préalable pour ce texte. Je me réjouis toutefois de sa prochaine adoption définitive.
Le droit à l'avortement, chèrement acquis, doit encore être défendu, comme la liberté des femmes à disposer de leur corps. On observe des reculs partout dans le monde.
Pour répondre aux difficultés rencontrées par plusieurs milliers de femmes chaque année, ce texte allonge le délai légal à quatorze semaines. Les raisons du dépassement du délai sont multiples ; cette mesure profitera notamment aux femmes qui rencontrent de graves difficultés, affectives ou matérielles
Interrogé par le Gouvernement en septembre 2020, le CCNE a jugé que rien, sur le plan médical ou éthique, ne s'opposait à cet allongement. Pourquoi le refuser ?
Un répertoire recensera les professionnels pratiquant des IVG pour mettre fin à l'errance médicale de certaines femmes.
Les sages-femmes pourront réaliser des IVG médicales au-delà de dix semaines. La suppression du délai de réflexion est également bienvenue.
Il faut encore oeuvrer pour améliorer l'accès à l'IVG sur l'ensemble du territoire.
Je regrette le maintien de la clause de conscience pour les médecins, qui laisse entendre que l'IVG n'est pas un acte médical comme les autres.
Les inégalités sociales et la précarité restent la première cause d'IVG selon la Drees. Les inégalités territoriales s'accentuent.
Aussi, il faut renforcer l'éducation sexuelle, notamment à l'école. Chaque femme doit pouvoir choisir sa méthode de contraception.
Le groupe SER soutient ce texte et votera contre la question préalable qui nous prive de débat. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et du RDPI)
M. Xavier Iacovelli . - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Nous débattons une nouvelle fois du droit à l'avortement, mais ce débat sera une nouvelle fois interrompu par une question préalable.
Nous le regrettons car nos désaccords légitimes ne doivent pas interdire de discuter d'un sujet qui concerne 200 000 femmes par an.
L'examen de la loi Bioéthique, sans procédure accélérée, avait permis à chacun de s'exprimer et enrichi le texte. En l'espèce, l'Assemblée nationale légiférera seule, sans les apports du bicamérisme, si souvent salués.
Les attaques contre l'avortement sont multiples, même en Europe : on l'a vu avec la récente législation polonaise, très restrictive. Ce droit n'est jamais acquis. En France, des freins persistent.
Chaque année, 1000 à 4 000 femmes dépassent le délai légal et sont contraintes de partir à l'étranger pour avorter. Les inégalités territoriales sont criantes : 5 % des IVG sont réalisées entre dix et douze semaines de grossesse, mais 17 % à Mayotte.
Aussi, ce texte allonge de deux semaines le délai légal, étend les compétences des sages-femmes en matière d'IVG instrumentales et sanctionne les pharmaciens qui refuseraient de fournir un contraceptif en urgence. Je salue la prise en charge à 100 % de la contraception pour les jeunes femmes jusqu'à 25 ans, tout comme l'engagement du Président de la République d'inscrire le droit à l'IVG dans la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.
Je remercie Mme Rossignol pour sa persévérance, au Sénat et en dehors.
Le droit à l'avortement aurait mérité un vrai débat. Il reviendra désormais à l'Assemblée nationale de voter seule ce texte.
Nous nous opposerons à la question préalable. (Applaudissements sur les travées du RDPI, du GEST et des groupes SER et CRCE)
M. Daniel Chasseing . - Dans un contexte sanitaire difficile pour notre système de santé, après une pandémie de deux ans - je rends à nouveau hommage aux soignants - nous examinons une nouvelle fois ce texte qui allonge à quatorze semaines le délai légal de l'IVG. Rappelons qu'en 2001, ce délai était de dix semaines.
Chaque avortement est un drame. L'allongement du délai à quatorze semaines emporte des risques plus élevés pour la santé de la femme. Pendant ces deux semaines, l'embryon devient foetus, il passe de 70 à 130 mm, l'organogénèse s'accélère. L'IVG à quatorze semaines implique une dilatation du col, avec des risques de complication accrus.
Plusieurs praticiens refuseront de pratiquer un tel acte. Il est illusoire de vouloir les y forcer. Heureusement, la clause de conscience a été maintenue.
Je rejoins en revanche les auteurs de la proposition de loi sur les inégalités territoriales et les lacunes en matière d'information sur la contraception, féminine comme masculine. La gratuité jusqu'à 25 ans est une bonne chose.
Le renforcement des compétences des sages-femmes augmentera le nombre des praticiens disponibles, c'est une bonne chose. La suppression du délai de réflexion aussi : il faut tout faire pour rester en deçà de douze semaines.
Notre groupe soutiendra la question préalable pour partie, d'autres s'abstiendront.
La discussion générale est close.
Question préalable
Mme la présidente. - Motion n°1, présentée par Mme Deroche, au nom de la commission.
En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, visant à renforcer le droit à l'avortement (n° 481, 2021-2022).
Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales . - Par deux fois, nous avons voté une question préalable sur ce texte, mauvaise réponse à une vraie difficulté.
Notre débat en deuxième lecture fut riche et respectueux des opinions, je serai donc brève.
L'allongement du délai légal induit une modification de la nature de l'acte, sans que les chiffres en prouvent la nécessité. Selon la Drees, seuls 5 % des IVG sont réalisées dans les deux dernières semaines du délai légal. Or cet acte est d'autant moins anodin qu'il est tardif.
En outre, l'article 70 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 autorise les sages-femmes à pratiquer des IVG instrumentales : il est prématuré de généraliser dès à présent l'expérimentation, sans en attendre le bilan.
Le maintien de la clause de conscience par les députés confirme que cet acte mérite une considération particulière.
Le Gouvernement aurait gagné à clarifier sa position sur ce texte avant de l'inscrire à l'ordre du jour. S'en remettre à la sagesse du Parlement traduit surtout son embarras !
Enfin, le Sénat ayant déjà voté à deux reprises, en commission et en séance publique, la question préalable, la commission estime qu'il n'y a pas lieu de poursuivre l'examen de ce texte.
Mme Laurence Rossignol, rapporteure. - J'aurais préféré que nous discutions et adoptions le texte... (Sourires) Nous voterons contre la motion.
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. - Nous sommes défavorables à cette motion. Nous aurions préféré un débat.
Mme Laurence Cohen. - Nous y sommes également défavorables.
Nos arguments sont connus. Entre 3 000 et 5 000 femmes doivent se rendre à l'étranger pour avorter. En rejetant ce texte, on perpétue les inégalités sociales entre les femmes qui en ont les moyens et les autres. C'est un bond en arrière. Vous refusez l'égalité entre les femmes. Vous vous donnez bonne conscience, tout en sachant que le délai est supérieur à douze semaines dans bien des pays voisins. Cela ne grandit pas le Sénat. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER et du RDPI)
Mme Nadège Havet. - Des milliers de femmes se trouvant chaque année hors délai se rendent, quand elles en ont les moyens, à l'étranger pour une IVG.
L'avortement n'est jamais anodin, mais il est aussi traumatisant de mener à terme une grossesse non désirée.
Je regrette l'absence de débat pluraliste sur le sujet et le dernier mot laissé à l'Assemblée nationale. C'est une occasion manquée : nous voterons contre la motion. (Applaudissements sur les travées du RDPI et des groupes SER et CRCE)
Mme Pascale Gruny. - Le sujet n'est pas celui des inégalités sociales, mais bien celui du délai ! Il faut trouver des solutions pour accélérer les procédures. L'avortement n'est pas un acte anodin, surtout à quatorze semaines. Il peut donner lieu à des complications, voire interdire une grossesse ultérieure...
Il faut travailler avec le planning familial, mieux éduquer à la sexualité.
Nous ne sommes pas contre l'avortement. Pensons aussi aux médecins et aux sages-femmes qui sont là pour donner la vie et ne pratiquent pas l'avortement de gaieté de coeur.
À la demande de la commission, la motion n°1 est mise aux voix par scrutin public.
Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°102 :
Nombre de votants | 344 |
Nombre de suffrages exprimés | 335 |
Pour l'adoption | 206 |
Contre | 129 |
Le Sénat a adopté.
En conséquence, la proposition de loi est rejetée.
Prochaine séance demain, jeudi 17 février 2022, à 10 h 30.
La séance est levée à 20 h 25.
Pour la Directrice des Comptes rendus du Sénat,
Rosalie Delpech
Chef de publication
Ordre du jour du jeudi 17 février 2022
Séance publique
À 10 h 30, 14 h 30 et, éventuellement, le soir
Présidence :
M. Roger Karoutchi, vice-président
M. Vincent Delahaye, vice-président
Mme Laurence Rossignol, vice-présidente
Secrétaires :
Mme Victoire Jasmin - M. Jacques Grosperrin
1. Examen d'une demande de la commission des affaires sociales tendant à obtenir du Sénat, en application de l'article 5 ter de l'ordonnance n°58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires qu'il lui confère, pour une durée de six mois, les prérogatives attribuées aux commissions d'enquête pour mener une mission d'information sur le contrôle des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes
2. Deuxième lecture du projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale, ratifiant les ordonnances prises sur le fondement de l'article 13 de la loi n°2019-816 du 2 août 2019 relative aux compétences de la Collectivité européenne d'Alsace (texte de la commission, n°456, 2021-2022)
3. Nouvelle lecture de la proposition de loi visant à combattre le harcèlement scolaire (n°480, 2021-2022)
4. Conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi relative à l'aménagement du Rhône (texte de la commission, n°479, 2021-2022)
5. Conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi pour un accès plus juste, plus simple et plus transparent au marché de l'assurance emprunteur (texte de la commission, n°448, 2021-2022)
6. Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à simplifier l'accès des experts forestiers aux données cadastrales (texte de la commission, n°472, 2021-2022)