Questions orales
M. le président. - L'ordre du jour appelle 45 questions orales.
Financement des SDIS
M. Hervé Gillé . - Le service départemental d'incendie et de secours (SDIS) de la Gironde est en tension permanente. Les missions de secours à personne explosent, or les effectifs manquent, conséquence d'un financement déconnecté de la réalité du terrain.
Malgré la solidarité départementale, la situation reste instable. En effet, le mode de calcul des contributions communales et intercommunales, qui résulte de la loi du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité, prend en compte l'inflation, mais ni l'augmentation de la population, ni la hausse probable du nombre d'incendies dus au réchauffement climatique.
Ce calcul est préjudiciable pour la Gironde, dont la population augmente plus vite que la moyenne nationale : 1,2 % par an, sans compter la saison touristique. Environ 136 000 opérations ont lieu chaque année, soit une intervention toutes les quatre minutes. Or la population va continuer d'augmenter et le dérèglement climatique va décupler les accidents, sachant que la forêt couvre la moitié de la superficie du département.
Quelles mesures le Gouvernement compte-t-il prendre pour assurer au SDIS les moyens de son fonctionnement ?
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée, chargée de la citoyenneté . - Le modèle de financement des SDIS par les départements, les EPCI et les communes, pour lesquelles il s'agit d'une dépense obligatoire, est le reflet de l'histoire.
La loi Matras du 25 novembre 2021 vise à consolider notre modèle de sécurité civile et à valoriser le volontariat. Son article 54 prévoit la remise par le Gouvernement au Parlement d'un rapport sur le financement des SDIS avant le 1er janvier 2023. L'inspection générale de l'administration a donc été saisie de ce sujet, et associera les représentants des collectivités territoriales à ses travaux. Il vous en sera rendu compte.
M. Hervé Gillé. - Nous suivrons ce sujet avec attention, car la situation se dégrade sur le terrain.
Apprentissage des jeunes en situation de handicap
Mme Laure Darcos . - La faculté des métiers de l'Essonne a mis en place, depuis plusieurs années, un dispositif dit « passerelle bleue » pour préparer des jeunes porteurs de handicap cognitif à se former par la voie de l'apprentissage dans divers champs professionnels - restauration, carrosserie, vente, boulangerie, bâtiment, etc.
Au terme de cette année, qui associe individualisation des parcours et accompagnement médico-psycho-social, les jeunes entrent en CAP. La signature d'un contrat d'apprentissage avec une entreprise sensibilisée permet une formation en alternance.
Or les jeunes en Institut médico-professionnel (IMPro) rencontrent un obstacle : ils ne peuvent pas accéder au statut d'apprenti, et, partant, de salarié. C'est une injustice inacceptable dans une société qui se veut plus inclusive. Quelle réponse pouvez-vous apporter à ces jeunes ?
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée, chargée de la citoyenneté . - Je réponds au nom de Mme Cluzel, retenue, et salue votre engagement sur ce sujet.
L'apprentissage est une priorité du Gouvernement. En témoigne la prime aux entreprises qui recrutent un apprenti, d'ailleurs prolongée jusqu'en juin 2022.
C'est un vrai levier vers l'emploi durable pour les personnes en situation de handicap. Notre ambition est d'éviter de mener une politique à part pour ces dernières. La loi sur la liberté de choisir son avenir professionnel oblige chaque centre de formation d'apprentis (CFA) à avoir un référent handicap et à prévoir des aménagements. Avec la réforme de la formation professionnelle, ces accompagnements ne sont plus à la charge des CFA.
L'accompagnement est particulièrement adapté au public de la « Passerelle bleue ». Un expert des troubles cognitifs suit la personne tout au long de son parcours, en amont, en apprentissage puis en poste.
La loi 3DS prévoit la délivrance automatique de la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé aux jeunes de plus de 16 ans déjà accompagnés par les MDPH.
Ces mesures portent leurs fruits : le nombre de demandeurs d'emploi en situation de handicap baisse et le nombre d'apprentis en situation de handicap a bondi de 79 % entre 2019 et 2021.
Mme Laure Darcos. - Je reposerai ma question à Mme Cluzel. Ces jeunes se heurtent à un obstacle pour accéder au statut d'apprenti, puis de salarié. Il y a un trou dans la raquette.
Centre pénitentiaire de Bordeaux-Gradignan
Mme Laurence Harribey . - Dans son avis du 4 juin 2020, la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté rappelait que le nombre de personnes hébergées dans un lieu de privation de liberté ne doit jamais excéder le maximum prévu.
Dans sa tribune du 7 février dans Le Monde, elle dresse un tableau inquiétant : insalubrité des cellules, surpopulation entraînant des atteintes aux droits fondamentaux des détenus.
La France a été condamnée par la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) en janvier 2020 pour traitements inhumains et dégradants. Cette situation pèse sur le personnel.
À Gradignan, on compte 779 détenus pour 434 places, 94 matelas à même le sol, et plus de dix cellules individuelles de 9 m2 où logent trois détenus.
Le personnel est en souffrance et démuni. Les annonces de revalorisation salariale, bienvenues, ne suffisent pas à compenser les conditions structurelles. « J'espère que vous porterez notre voix pour que le Gouvernement réagisse », m'ont-ils dit. Que leur répondez-vous ?
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée, chargée de la citoyenneté . - La surpopulation carcérale est une préoccupation constante du ministère de la Justice.
La densité carcérale du centre pénitentiaire de Bordeaux est effectivement excessive, en particulier dans le quartier maison d'arrêt.
Pour y remédier, 60 transferts de désencombrement vers des centres voisins ont déjà été effectués. Le ministère a annoncé 409 millions d'euros pour la construction de 15 000 places supplémentaires - le programme immobilier le plus ambitieux depuis trente ans - ainsi que 138 millions d'euros pour des opérations de maintenance et d'entretien des centres existants.
De nouveaux projets immobiliers sont prévus en Nouvelle-Aquitaine, avec 250 places supplémentaires à Gradignan et un nouvel établissement à Pau en 2022. Deux structures d'accompagnement vers la sortie ont été ouvertes, à Poitiers et à Bordeaux.
La loi du 22 décembre 2021 permet de désengorger les prisons grâce à la libération sous contrainte de plein droit pour les peines de moins de deux ans et au renforcement de l'assignation à résidence sous surveillance électronique.
Comptez sur la détermination du Gouvernement sur ce sujet.
Mme Laurence Harribey. - J'étais avec le garde des Sceaux l'année dernière à Gradignan. Ce déplacement avait fait naître un espoir - mais rien n'a changé. Le personnel déplore l'absence de dialogue social. Un petit geste en sa direction serait bienvenu.
État de la justice en France
Mme Brigitte Lherbier . - Magistrats et greffiers se sont mobilisés en décembre 2021 pour dénoncer l'état de la justice dans notre pays. En janvier 2022, le personnel du tribunal judiciaire de Lille a prononcé, dans une motion commune, une « impossibilité de faire judiciaire ». Le délai moyen pour qu'un justiciable soit convoqué par le tribunal correctionnel atteint un an ; huit ans devant la cour d'assises !
Les conditions de travail sont déplorables. Le tribunal peut juger jusqu'à quinze dossiers de violences conjugales sur une matinée ; les juges des enfants lillois suivent chacun mille mineurs.
Le Gouvernement met en avant l'augmentation historique du budget de la justice. Certes, des recrutements ont été effectués et des moyens techniques ont été apportés dans les juridictions. Mais ces mesures ne permettent toujours pas aux personnels de rendre une justice de qualité.
Le décalage entre les missions confiées à l'institution et les ressources humaines et matérielles dont elle dispose est patent.
Que répondez-vous à ces professionnels ?
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée, chargée de la citoyenneté . - Veuillez excuser le garde des Sceaux.
Entre 2017 et 2021, 698 nouveaux magistrats sont arrivés, soit une hausse de 9 % des effectifs, ainsi que 870 greffiers, soit une hausse de 9,4 %. Ajoutez les 2 000 contractuels recrutés dans le cadre de la mise en oeuvre de la justice de proximité, et vous verrez qu'il n'y a jamais eu autant de personnel dans les juridictions !
Mais nous n'ignorons pas les difficultés et continuons les efforts de recrutement. Le prochain concours de l'École nationale de la magistrature offrira 460 places, la promotion la plus importante de l'histoire. Le Gouvernement a aussi pérennisé 1 414 emplois contractuels.
Au tribunal judiciaire de Lille, neuf postes ont été créés ces deux dernières années. Les effectifs du siège sont au complet, un poste est vacant au parquet. Le tribunal bénéficie d'un renfort de trente magistrats placés pour compenser les arrêts et congés.
Au 1er mars 2022, vingt fonctionnaires manqueront : nous nous attachons à résorber au plus vite cette vacance, avec l'entrée en fonction de deux directeurs de services de greffe, de huit greffiers et de deux adjoints administratifs. Le plan de soutien à la justice de proximité a permis le recrutement de seize contractuels, dont deux de catégorie A.
Accueil des élèves en situation de handicap
Mme Marie-Claude Varaillas . - La circulaire interministérielle du 10 février 2021 précise que le projet d'accueil individualisé (PAI) des élèves atteints de troubles physiques ou psychiques s'étend dorénavant au temps périscolaire et qu'il revient à la collectivité concernée d'assurer sa mise en oeuvre.
Si cette continuité est indispensable pour une école réellement inclusive, la charge financière qui incombe aux collectivités fait courir le risque d'un système à deux vitesses. Les communes qui acceptent des dispositifs inclusifs dans leur école ne choisissent pas l'affectation des élèves orientés par les MDPH ou l'Éducation nationale.
Il faut une revalorisation des accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH), qui sont à 93 % des femmes. Le Gouvernement doit y mettre les moyens ; cela passe par la création d'un corps de fonctionnaires correspondant à un besoin permanent. Le contrat des AESH doit être étendu au temps périscolaire.
Il conviendrait enfin de réduire les effectifs en classe. Quelles mesures comptez-vous mettre en oeuvre pour accompagner les collectivités territoriales et garantir l'égalité d'accès à l'école publique ?
Mme Roxana Maracineanu, ministre déléguée, chargée des sports . - La scolarisation inclusive est l'une des missions fondamentales de l'école de la République.
La circulaire du 8 septembre 2003 prévoyait déjà la mise en oeuvre du PAI par les collectivités territoriales. La circulaire de février 2021 qui l'abroge introduit la notion de parcours de vie et favorise la mise en oeuvre des mesures sur tout le temps de l'enfant, qu'il relève de l'État ou des collectivités territoriales. Elle a été rédigée en concertation avec toutes les organisations syndicales concernées. Elle apporte une plus grande sécurité juridique au personnel de l'Éducation nationale et précise le rôle et les responsabilités de chacun.
Notre objectif est d'assurer la scolarité inclusive de tous les enfants.
Manque d'AESH
M. Alain Marc . - Trop d'élèves disposant d'une notification de la MDPH attendent pendant des mois, voire des années, l'accompagnement nécessaire au regard de leurs besoins et de leurs singularités.
Cela pénalise non seulement les enfants qui, faute d'enseignement adapté à leur handicap, subissent des retards d'apprentissage, mais aussi les parents, obligés de renoncer à leur activité professionnelle afin de prendre en charge leur enfant.
La construction d'une école pleinement inclusive est une priorité absolue, inscrite dans la loi.
Quelles mesures comptez-vous prendre afin de garantir la scolarisation de chaque élève nécessitant un AESH ?
Mme Roxana Maracineanu, ministre déléguée, chargée des sports . - Le Gouvernement a fait du service public de l'école inclusive une priorité : 400 000 élèves en situation de handicap sont scolarisés, soit 19 % de plus en cinq ans ; 125 500 AESH ont été recrutés, avec un statut plus protecteur, 1 300 ULIS ont été ouvertes ainsi que 250 structures dédiées à l'autisme.
En 2022, 4 000 AESH ont été recrutés ; au total, 27 000 ETP ont rejoint nos écoles depuis 2017, soit une hausse de 50 %.
Nous poursuivons la professionnalisation du métier par une formation continue et sécurisons leur carrière par un CDD de trois ans. La grille indiciaire est améliorée et les AESH ont bénéficié de l'indemnité inflation de 100 euros en janvier 2022. En 2021 et 2022, 150 millions d'euros auront été consacrés à la revalorisation des AESH.
Depuis 2017, l'école inclusive aura bénéficié de 3,5 milliards d'euros, soit une hausse de 66 %. L'objectif, c'est la réussite de ces jeunes : pour la première fois, la part d'élèves en situation de handicap est plus importante dans le secondaire que dans le primaire.
M. Alain Marc. - Ma question portait moins sur la situation matérielle des AESH que sur la situation dans l'académie de Toulouse, où les enfants ne peuvent obtenir l'AESH promis par le directeur académique, malgré les recrutements...
Comptabilisation des enfants en très petite section
Mme Dominique Vérien . - Les établissements pilotes de l'expérimentation relative à l'intégration des toutes petites sections (TPS) dans les cycles scolaires ont consenti des efforts financiers, matériels et humains pour concourir à son succès.
Or il apparaît que les enfants des TPS ne sont plus comptabilisés dans les effectifs des établissements, ce qui a un impact direct sur le choix de l'administration d'y ouvrir ou plutôt d'y fermer une classe.
Cette décision est mal vécue par les responsables scolaires et les parents d'élèves, mais aussi par les élus locaux qui ont investi au moment du lancement de l'expérimentation.
En outre, cela risque de conduire à des fermetures de classes alors que ces communes bénéficient justement d'une dynamique de peuplement liée à cette expérimentation.
Quelle est la position du Gouvernement sur ce sujet ?
Mme Roxana Maracineanu, ministre déléguée, chargée des sports . - Elle est très claire. Dans les écoles à l'environnement social défavorisé, en milieu urbain comme rural, la scolarisation des enfants dès 2 ans révolus est possible, mais non obligatoire. Dans les zones non prioritaires, les moins de 3 ans peuvent être accueillis si des places sont disponibles. Ils sont dans tous les cas comptabilisés dans les effectifs de l'école, comme le prévoit l'article L 113-1 du code de l'éducation.
Mme Dominique Vérien. - Votre réponse fera jurisprudence : les académies ne semblent pas au courant de l'obligation de comptabiliser ces enfants. L'Yonne, département rural, est directement concernée. Une circulaire serait de bon aloi.
Ruralité et éducation prioritaire
M. Olivier Paccaud . - Malgré nos différences, nous mettons tous au coeur de notre action la promesse républicaine d'égalité des droits et des chances. Dans notre pacte républicain, l'école a une place fondatrice : elle offre à tous, sans distinction, la possibilité d'acquérir le savoir et de progresser dans la société.
À cette fin, des zones d'éducation prioritaires (ZEP), puis réseaux d'éducation prioritaire (REP), ont été mis en place. Cette politique de discrimination positive donne des résultats, mais elle a aussi des limites, surtout quand la carte de l'éducation prioritaire oublie, voire efface, des territoires entiers. En 2014, les zones rurales ont ainsi été injustement exclues au profit des quartiers de la politique de la ville.
La commune de Mouy dans l'Oise, classée pendant trente ans en ZEP, souffre d'un taux de chômage de 20 %. On veut y fermer une classe dans l'école maternelle Louise-Michel, ce qui fera passer le nombre d'élèves par classe de 19 à 25 - quand à Creil, à quelques kilomètres de là, ils sont 12 ! L'équité commande d'abandonner ce projet.
Mme Roxana Maracineanu, ministre déléguée, chargée des sports . - Le Gouvernement est à l'écoute de la ruralité, et le Président de la République s'est engagé à ce qu'aucune école ne ferme en milieu rural sans l'accord du maire. En 2021, 401 000 élèves sont scolarisés dans les écoles publiques de communes rurales éloignées, soit 7,2 % des effectifs. Le nombre moyen d'élèves par classe y est de 20,9, pour une moyenne nationale de 21,9.
Il ne peut y avoir de réponse unique à la diversité des situations. Nous avons mis en place des conventions ruralités et lancé le programme Territoires éducatifs ruraux (TER), pendant rural des cités éducatives ; 23 territoires pilotes se sont inscrits.
Il s'agit de renforcer les coopérations avec les collectivités territoriales et les partenaires de l'école, d'accompagner les jeunes ruraux dans l'orientation et de renforcer l'attractivité des écoles rurales pour le personnel. Au vu des premiers résultats, l'expérimentation sera étendue à de nouveaux territoires dans sept nouvelles académies. Au total, plus de soixante territoires sont engagés dans une démarche de contractualisation, afin de construire une réponse globale et adaptée.
Fermeture de classes en milieu rural
M. Bruno Belin . - Les fermetures de classes en milieu rural sont vécues comme une injustice. Soit l'État revient sur les engagements pris - je pense à l'école de Mirebeau, dans la Vienne, où le dispositif Plus de maîtres que de classes va s'interrompre ; soit il ne prend pas en compte les projets des élus qui visent à donner un nouvel élan à la commune - à Montmorillon, par exemple, où Joël Giraud a pourtant salué un projet qui va transformer le quart sud-est de la Vienne. En fermant des classes, vous leur sapez le moral !
L'école restera toujours un facteur d'attractivité et de vitalité des territoires ruraux.
L'État ne tient pas parole ! Mme El Haïri a déclaré devant le Sénat, le 8 février dernier, qu'aucune école ni aucune classe ne serait fermée sans l'accord du maire : page 8 du compte rendu analytique !
Je m'élève contre ces fermetures, qui ont pour corollaire des temps de transport accrus pour les enfants et un décrochage plus important.
Mme Roxana Maracineanu, ministre déléguée, chargée des sports . - L'expérimentation des TER va être étendue pour mieux prendre en compte les projets des maires. Le Gouvernement fait de l'école primaire sa priorité. C'est pourquoi, malgré la forte baisse des effectifs - 259 000 élèves en moins dans le premier degré - nous avons créé 14 300 nouveaux postes, de manière à poursuivre le dédoublement des classes de grande section en REP et à plafonner à 24 élèves les effectifs en grande section, en CP et en CE1 sur tout le territoire. Plus de 2 000 postes seront encore créés en 2022, alors que le nombre d'élèves diminuera de près de 67 000.
Je le redis : aucune fermeture d'école ne peut intervenir en zone rurale sans l'accord du maire. Le dialogue est mené avec les élus de manière constructive.
Dans la Vienne, il y a 21,4 élèves par classe en 2021, mieux que la moyenne nationale et mieux qu'en 2019. Le nombre de professeurs pour cent élèves, passé de 5,4 en 2016 à 5,9 en 2021, atteindra 6,08 en 2022.
Remplacement des professeurs absents
Mme Anne Ventalon . - Dans toutes les académies, et notamment celle de Grenoble, la question est la même : où sont les remplaçants ?
Dans son rapport de décembre 2021, la Cour des comptes a estimé que près de 10 % des heures de cours dans le second degré ont été perdues sur l'année scolaire 2018-2019, soit une augmentation de 24 % par rapport à l'année précédente. Les absences de courte durée ne sont remplacées que dans un cas sur cinq. De plus, l'enseignant de secours ne fait pas toujours le Iien entre le professeur référent et les élèves, d'où une discontinuité dans l'apprentissage.
La question du remplacement est cruciale pour la continuité du service public. Hélas, la machine de l'Éducation nationale s'est grippée. Au plus fort de la crise sanitaire, des professeurs retraités ont été mobilisés. Quel bilan en tirez-vous ? Quelles pistes le Gouvernement envisage-t-il pour mettre chaque matin un enseignant devant les élèves ?
Mme Roxana Maracineanu, ministre déléguée, chargée des sports . - Le remplacement des professeurs absents est une préoccupation majeure du Gouvernement, qui a annoncé le recrutement de 3 300 professeurs contractuels supplémentaires jusqu'à la fin de l'année scolaire.
La crise sanitaire continue de peser sur la disponibilité des enseignants ; il faut une action non seulement conjoncturelle mais structurelle. Afin de limiter les absences, nous indemnisons, à hauteur de 120 euros par jour, les formations effectuées en dehors du temps de classe, pendant les petites vacances ou le mercredi après-midi.
L'engagement 11 du Grenelle de l'éducation prévoit qu'en cas d'absence, les établissements assurent la permanence pédagogique dans le premier comme le second degré sur l'ensemble du temps scolaire. Des solutions numériques sont testées, en s'appuyant sur l'espace numérique de travail, les cours en ligne, le travail en autonomie encadrée.
Parallèlement, nous investissons massivement pour améliorer l'attractivité du métier de professeur.
Mme Anne Ventalon. - Ce métier est d'abord une vocation. Si l'on veut attirer des enseignants motivés, il faut améliorer les conditions de travail et de rémunération. (Mme Frédérique Puissat applaudit.)
Enquête interne sur l'opération Sirli
M. Guillaume Gontard . - Nos forces armées seraient impliquées dans au moins dix-neuf bombardements contre des civils dans le nord de l'Égypte entre 2016 et 2018, dans le cadre d'une opération de renseignement visant à soutenir ce pays dans la lutte contre le terrorisme. C'est ce qu'a révélé le site internet Disclose.
Le Gouvernement aurait été informé que les objectifs que poursuivait l'Égypte, grâce à l'appui des forces armées françaises, relevaient en réalité prioritairement de la lutte contre le trafic transfrontalier et contre l'immigration illégale.
De tels faits, s'ils étaient avérés, seraient d'une gravité extrême. Pourtant, la coopération sécuritaire avec l'Égypte continue. On pense notamment à la vente de Rafales.
Nos valeurs comme nos engagements devant la communauté internationale sont piétinés.
Où en est l'enquête que vous avez annoncée il y a trois mois ? Ces informations sont-elles prises en compte dans l'attribution des licences d'exportation de matériel vers l'Égypte ?
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée, chargée de la mémoire et des anciens combattants . - Les conclusions de l'enquête interne demandée par la ministre des Armées démontrent que cette mission, autorisée dans le cadre de notre partenariat stratégique avec l'Égypte, était cadrée. La prévention de risques de dérive a fait l'objet d'un suivi durable ; en témoignent les directives du commandement.
Les résultats de l'enquête sont placés sous la protection du secret de la défense nationale, sans préjudice de la pleine collaboration du ministère des Armées avec la justice.
Les autorisations d'exportation d'armes sont délivrées sous l'autorité du Premier ministre, après un examen approfondi et rigoureux, en tenant compte de leurs conséquences sur la paix régionale et la situation intérieure du pays, du respect des droits de l'homme et des risques de détournement par des acteurs locaux. Elles se font dans le strict respect de nos engagements internationaux.
M. Guillaume Gontard. - Les parlementaires doivent être informés, comme ils le demandent depuis plus de trois mois. La Commission européenne s'interroge aussi : c'est une première.
Déserts vétérinaires en zone rurale
M. Jean-Marie Mizzon . - Sur les près de 20 000 vétérinaires que compte la France - dont 55 % de femmes - seuls 4 000 exercent en zone rurale. Pourtant, c'est là que se trouve la majorité des animaux.
Vétérinaire en zone rurale est un métier en voie de disparition. Journées harassantes, déplacements incessants : les conditions d'exercice sont de plus en plus difficiles.
La loi du 3 décembre 2020 permet aux collectivités territoriales d'attribuer des aides à ceux qui exercent dans des déserts vétérinaires. Ces mesures vont dans le bon sens.
Elles gagneraient toutefois à être accompagnées d'une baisse des charges, très élevées, des jeunes diplômés qui choisiraient d'exercer en zone rurale. Êtes-vous prêts à intervenir en ce sens ? Il y a urgence !
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée, chargée de la mémoire et des anciens combattants . - M. le ministre de l'Agriculture m'a demandé de vous répondre sur cette question essentielle.
Un maillage dense de vétérinaires est essentiel à la sécurité sanitaire des élevages, à l'activité agricole et au dynamisme des territoires. Difficultés d'exercice et faible rentabilité découragent pourtant leur implantation en zone rurale.
La loi du 3 décembre 2020 apporte une aide financière pour les vétérinaires s'installant dans des territoires déficitaires. Prise en charge des frais d'investissement, versement d'une prime d'exercice, mise à disposition d'un logement ou d'un local professionnel : ces aides peuvent atteindre 60 000 euros par an.
La formation en école vétérinaire a été ouverte aux bacheliers issus d'un lycée agricole. Le système de tutorat en dernière année est efficace ; 80 % des étudiants qui en bénéficient restent en milieu rural. Ce dispositif est financé par le ministère de l'Agriculture et peut être soutenu par les collectivités.
Enfin, un appel à manifestation d'intérêt a été lancé pour sélectionner six territoires pilotes désireux de réfléchir aux enjeux de la désertification vétérinaire. Il faut s'appuyer sur les expériences du terrain.
M. Jean-Marie Mizzon. - Vous vous limitez à faire le même constat que moi et à décrire les dispositifs existants. Il est vrai que le sujet ne relève pas de votre compétence... Soyez toutefois remerciée pour votre réponse.
Refonte de la politique forestière
M. Mathieu Darnaud . - Les communes forestières ne souhaitent pas la disparition de l'Office nationale des forêts (ONF), mais réclament davantage de transparence et de rigueur dans sa gestion. Le Gouvernement a renoncé à ponctionner à nouveau les 14 000 communes forestières, qui ne peuvent être la variable d'ajustement du budget de l'ONF, et une nouvelle convention État-ONF va être renégociée.
Un débat doit s'engager sur la nature du versement compensateur de 140 millions d'euros reçu de l'État : investissement, péréquation, ou subvention d'équilibre finançant le déficit de gestion des forêts des collectivités ?
Les communes forestières proposent la création d'une grande administration chapeautant l'ensemble des forêts françaises, le renforcement du régime forestier pour les forêts publiques ainsi qu'une séparation nette au sein de l'ONF entre les missions de service public et les activités marchandes.
Le Gouvernement envisage-t-il de refondre la politique forestière ?
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée, chargée de la mémoire et des anciens combattants . - Je suis originaire d'un département forestier et sensible à ces sujets. Une politique forestière ambitieuse suppose un ONF fort et performant. Le Gouvernement lui a renouvelé sa confiance dans le cadre du contrat État-ONF 2021-2025, tout en s'attachant à lui redonner des perspectives soutenables.
Les missions d'intérêt général de l'ONF sont confortées, et leur coût entièrement pris en charge. Des régularisations ont été effectuées sur les budgets 2021 et 2022.
Le versement compensateur lié à l'application du régime forestier aux forêts communales est maintenu. Les communes contribuent à hauteur de 17 % à ces coûts. Le Gouvernement mobilise 60 millions d'euros supplémentaires pour la période 2021-2023 au titre de la subvention d'équilibre. Enfin, une dotation de 30 millions d'euros est allouée à l'ONF dans le cadre du plan France Relance pour la reconstitution des forêts domaniales. Le plan France 2030 prendra ensuite le relais.
En contrepartie, l'État demande à l'ONF un effort de modernisation et une réduction de ses charges de 4 millions d'euros dès 2022.
Prévention de nouvelles vagues d'influenza aviaire
M. Max Brisson . - Les élevages de canards et d'oies sont confrontés, notamment dans les Pyrénées atlantiques et dans les Landes, à une nouvelle vague d'influenza aviaire qui entraîne des abattages massifs. La zone de dépeuplement préventif couvre 26 communes.
Face à ce nouveau drame, pourquoi ne pas avoir modulé les abattages en fonction des types d'élevage ? Ne faudrait-il pas lever le tabou autour de la vaccination aviaire en cas d'alerte ? Où en sont les projets d'expérimentation en la matière ?
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée, chargée de la mémoire et des anciens combattants . - Le Sud-Ouest connaît une épidémie virulente qui touche toutes les volailles, avec des conséquences dramatiques pour les éleveurs.
Une feuille de route sur l'influenza va être élaborée dans la concertation.
Nous devons mener une réflexion sans tabou sur la vaccination, actuellement interdite sauf autorisation explicite de la Commission européenne. Sur ce sujet, il faut un consensus de toute la filière : peut-être existe-t-il aujourd'hui, mais ce n'était pas le cas il y a un an. (M. Max Brisson opine.)
Nous avons besoin d'expérimentations pour prouver l'efficacité de la vaccination. À partir de mars, deux candidats vaccins vont être testés. Nous avançons pour que ce moyen de lutte prometteur puisse être utilisé sur des bases scientifiques fiables et dans un cadre sécurisé.
M. Max Brisson. - Oui, le consensus progresse et la réflexion doit être sans tabou. J'espère une vaccination rapide, car il y a urgence pour sauver les élevages de plein air.
Appel à manifestation d'intérêt pour le renouvellement forestier
Mme Frédérique Puissat . - L'appel à manifestation d'intérêt pour le renouvellement forestier correspond aux besoins locaux et suscite un formidable engouement des propriétaires et gestionnaires forestiers, notamment en Isère.
Or le ministère de l'Agriculture a indiqué que seuls seraient éligibles les projets ayant donné lieu à une récolte en amont. Cette contrainte entravera la quasi-totalité des projets d'enrichissement en forêt. Le président du conseil départemental de l'Isère, M. Barbier, a interpellé le Gouvernement sur le sujet.
Il semble qu'un décret assouplissant cette condition, voire l'abandonnant, soit en préparation. Dans quel délai paraîtra-t-il et quel sera exactement son contenu ?
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée, chargée de la mémoire et des anciens combattants . - Le plan France Relance mobilise des moyens inédits en faveur de la forêt française.
Dans le cadre du volet 3, une coupe préalable est exigée en cas de faible valeur sylvicole ; elle est encadrée par le schéma régional sylvicole.
Les trouées subies doivent être distinguées des trouées volontaires. Nous avons choisi de soutenir en priorité les premières.
Après échanges avec les professionnels, le dispositif sera très prochainement assoupli, notamment pour intégrer les futaies irrégulières, très courantes en montagne, sans condition de coupe préalable.
Mme Frédérique Puissat. - Le ministre de l'Agriculture doit indiquer un délai précis. Les professionnels comme les communes en ont besoin.
Hausse du prix de l'énergie pour les collectivités locales
M. Hervé Maurey . - Particuliers et entreprises ne sont pas les seuls frappés par l'augmentation des prix de l'énergie. Les collectivités territoriales, en particulier les communes, n'échappent pas à l'envolée, quoi qu'en dise le Gouvernement.
D'après les associations d'élus, les augmentations se situent entre 3 et 300 %. Charleval, dans mon département, voit sa facture de gaz bondir de 67 % !
Faute de soutien de l'État, les collectivités territoriales n'auront d'autre choix que de répercuter ces hausses sur la fiscalité ou d'abandonner des projets. Le Gouvernement va-t-il enfin sortir de son déni et les aider à faire face ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée, chargée de l'industrie . - La hausse des prix de l'électricité et du gaz est sans précédent partout en Europe ; tous les consommateurs sont touchés.
Dans ce contexte, le Gouvernement a pris des mesures de soutien exceptionnelles : baisse de 8 milliards d'euros de la taxe intérieure sur la consommation finale d'électricité (TICFE), chèque énergie pour 5,8 millions de ménages, relèvement de 20 térawattheures du plafond de l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (Arenh).
Les collectivités territoriales bénéficient de la baisse de fiscalité dans les mêmes conditions que les autres consommateurs. Pour les plus petites, éligibles au tarif réglementé, la hausse sera limitée à 4 %. Les autres profiteront de la hausse du volume de l'Arenh.
Sur le plan structurel, nous soutenons les efforts de rénovation énergétique des collectivités territoriales. Une dotation spéciale de 933 millions d'euros finance 3 500 projets, qui seront sources d'importantes économies.
M. Hervé Maurey. - Votre réponse me stupéfie. Je vous ai interrogée précisément sur les collectivités territoriales, et vous alignez des généralités. Au moins M. Dussopt avait-il évoqué la revalorisation des bases locatives...
Que vais-je répondre aux élus locaux qui m'interrogent ? De toute évidence, le Gouvernement n'a pas conscience du problème et n'a rien à proposer aux collectivités territoriales.
Conséquences de l'inflation sur le financement des projets locaux
Mme Corinne Féret . - Face à la hausse des prix de l'énergie, le Gouvernement doit aider les collectivités territoriales à préserver la continuité de services publics de qualité.
Le coût des projets locaux risque d'augmenter, car les entreprises répercutent l'envol des prix des matières premières et de l'énergie. Les hypothèses budgétaires sur lesquelles les projets ont été bâtis risquent de devenir obsolètes.
Nombre de projets risquent ainsi d'être remis en cause, dans le Calvados comme ailleurs. Quelles mesures comptez-vous vous prendre pour prévenir le dérapage des budgets prévisionnels ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée, chargée de l'industrie . - Comme je l'ai indiqué à M. Maurey, la baisse de 8 milliards d'euros de la TICFE bénéficiera aussi aux collectivités territoriales. De même que l'augmentation du volume de l'Arenh, qui est le meilleur bouclier.
Par ailleurs, l'État soutient fortement l'investissement local, notamment à travers la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) et la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL). Nous avons augmenté cette dernière de 300 millions d'euros pour financer les contrats de relance et de transition écologique (CRTE).
Sur les 3 500 projets de rénovation énergétique, 2 700 se traduiront à moyen terme par des économies supérieures à 30 %, 1 200 par des économies supérieures à 50 %. Ces mesures structurelles valent mieux que toute forme d'aide à la petite semaine.
Enfin, les collectivités territoriales bénéficieront de la révision des bases cadastrales, ainsi que de hausses substantielles de recettes de TVA : 400 millions d'euros pour les intercommunalités et 800 millions d'euros pour les départements comme pour les régions.
Mme Corinne Féret. - « Aide à la petite semaine » ? Comment osez-vous parler de la sorte aux élus ? Sur le terrain, la hausse des coûts est considérable. Une fois de plus, les collectivités territoriales se retrouvent seules.
Raccordement final des abonnés
Mme Patricia Demas . - Le déploiement de la fibre s'est accéléré ces dernières années, le raccordement final étant confié à l'opérateur commercial. Mais le recours massif à des sous-traitants pour cette opération entraîne de nombreux dysfonctionnements.
Sur le terrain, il n'est pas rare que les élus soient tenus responsables de ces difficultés par les usagers mécontents, plus nombreux depuis le début de la crise sanitaire.
Face aux difficultés engendrées par le mode « sous-traitance opérateur commercial » (STOC), les opérateurs d'infrastructures ont proposé des changements ; une feuille de route a été mise en place en mars 2020.
De son côté, l'Arcep a demandé aux opérateurs d'infrastructures de prendre des engagements de qualité de service envers les opérateurs commerciaux. À partir de l'année prochaine, les premiers seront soumis à des seuils réglementaires de qualité.
Des sanctions pourront être prononcées par l'État ou l'Arcep à l'encontre des opérateurs n'adhérant pas au nouveau cadre contractuel ou ne mettant pas en place des indicateurs de qualité.
Le Gouvernement compte-t-il prendre d'autres mesures ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée, chargée de l'industrie . - En effet, ces problèmes récurrents en matière de raccordement ne sont pas acceptables.
Le développement de la fibre a connu une accélération très forte au cours des dernières années. Ainsi, ces derniers mois, 20 000 prises par jour ont été installées. Aujourd'hui, 67 % du territoire national est couvert.
Cette accélération ne doit pas se faire au détriment de la qualité des raccordements. Les opérateurs d'infrastructures doivent donc résoudre les difficultés qui se posent.
Plusieurs chantiers ambitieux ont été engagés par l'Arcep pour améliorer le service : pénalités financières en cas de dégradation, meilleure maîtrise de la chaîne de sous-traitance notamment.
Des outils de contrôle de la qualité des interventions seront déployés. Les intervenants seront mieux formés, le nombre de sous-traitants limité. L'Arcep s'est dotée d'instruments de suivi.
Une enquête a récemment été ouverte sur Xp Fibre ; elle est toujours en cours.
Travaux d'installation de la fibre optique
Mme Else Joseph . - Nous nous réjouissons du déploiement de la fibre dans les Ardennes. C'est un facteur de désenclavement essentiel, car l'accès à internet est devenu indispensable à toute activité économique.
Ce déploiement nécessite des travaux de génie civil importants et coûteux. Or d'autres opérateurs numériques ont décidé d'utiliser les tracés ouverts, sans solliciter l'autorisation des maires.
L'absence de cohérence de ces travaux engendre pour les riverains des désagréments et des nuisances incompréhensibles - perturbations sur la voie publique, en particulier. En outre, les travaux de comblement sont parfois bâclés.
Il faut davantage de mutualisation entre les opérateurs pour mettre fin aux nuisances en tout genre subies par les habitants. Quelles solutions les pouvoirs publics comptent-ils mettre en oeuvre ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée, chargée de l'industrie . - Le Gouvernement a fait de l'amélioration de la couverture numérique du territoire une priorité. Il s'agissait de rattraper le retard accumulé au cours des mandatures précédentes.
Le Gouvernement, l'Arcep et les opérateurs ont conclu un New Deal sur la résorption des zones blanches. Le Président de la République a fixé un objectif ambitieux : la généralisation de la fibre en 2025. Le plan France Très Haut Débit prévoit 30 mégabits par seconde pour tous d'ici à la fin de l'année.
D'ici à 2023, les Ardennes bénéficieront de la fibre, via le réseau d'initiative publique de la région Grand Est ou le réseau d'initiative privé d'Orange. La mutualisation est déterminante pour offrir la couverture la plus large.
L'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) travaille avec la région sur la mutualisation des opérations et la réutilisation des réseaux existants. Nous veillerons ce que les réseaux soient neutres, accessibles et ouverts.
État des infrastructures de télécommunications dans les Hautes-Alpes
M. Jean-Michel Arnaud . - Orange vient de présenter un plan de fermeture de son réseau cuivre, qui compte encore 21 millions de lignes actives. La totalité des abonnés devront au préalable avoir été raccordés à la fibre.
Dans les territoires de montagne comme les Hautes-Alpes, les maires déplorent le manque d'entretien du réseau cuivre et les problèmes de communication avec Orange, alors que le déploiement de la fibre reste embryonnaire et complexe.
Pouvez-vous garantir qu'aucun usager ne se retrouvera dans une zone blanche ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée, chargée de l'industrie . - D'ici sa fermeture, un haut niveau de service devra être maintenu sur le réseau cuivre. C'est le sens de la circulaire du Premier ministre du 5 juin dernier. Les services de l'État mettent en place des comités départementaux. Celui des Hautes-Alpes doit se réunir.
Orange s'est engagée sur 500 millions d'euros par an pour l'entretien de ce réseau, soit 22 % de plus par abonné qu'en 2018. Dans les départements en tension, l'entreprise a créé 123 postes. Elle a également augmenté ses effectifs d'intervention de 30 %. En cas de dysfonctionnement grave, un accès satellitaire en mairie sera assuré.
M. Jean-Michel Arnaud. - Des questions se posent aussi sur le démantèlement du réseau. Il ne faudrait pas que les collectivités territoriales se retrouvent à financer elles-mêmes l'enlèvement des poteaux...
Orange a annoncé que l'offre satellitaire serait suspendue. Je crains qu'il y ait des zones blanches.
Responsabilité comptable des directeurs généraux des services
Mme Cathy Apourceau-Poly . - L'article 41 du projet de loi de finances pour 2022 autorise le Gouvernement à prendre une ordonnance pour transférer une partie de la responsabilité des comptables sur les ordonnateurs.
Certes nécessaire, la réforme de ce régime de responsabilité aurait mérité un débat, spécialement avec le Sénat, représentant des collectivités territoriales.
Alors que les baisses d'effectif dans l'administration fiscale ont réduit l'appui au réseau des comptables publics, les ordonnateurs, au premier rang desquels les directeurs généraux des services des collectivités territoriales, seront désormais exposés à un risque de sanctions sans que leur rôle soit défini. On marche sur la tête !
Ce transfert de responsabilité menace le principe de séparation de l'ordonnateur et du comptable.
Quel accompagnement prévoyez-vous pour les ordonnateurs ? L'État mettra-t-il en place un régime assurantiel ou bien, comme d'habitude, les collectivités territoriales devront-elles assumer ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée, chargée de l'industrie . - Votre lecture n'est pas la bonne. Cette réforme vise à unifier le régime de responsabilité de tous les gestionnaires, ordonnateurs ou comptables. Il ne s'agit pas de transférer la responsabilité sur l'ordonnateur mais de responsabiliser tous les acteurs de la chaîne financière.
L'intervention du juge sera limitée aux cas de faute grave avec préjudice important, les gestionnaires publics auront une marge de manoeuvre plus large. En définitive, l'action publique sera fluidifiée.
Compte tenu de la protection fonctionnelle, le régime que vous proposez n'aurait pas de sens.
Mme Cathy Apourceau-Poly. - À vous entendre, nous n'avons jamais la bonne lecture...
Les directeurs généraux des services du Pas-de-Calais s'inquiètent du risque de sanctions. Une crise des vocations est à craindre.
Vous alignez le fonctionnement de nos administrations sur celui des entreprises, où les comptables ne sont que des exécutants. Nous dénonçons ce glissement !
Réduction d'horaires et fermeture de bureaux de poste
M. Christian Bilhac . - En juin dernier déjà, j'interrogeais le Gouvernement sur les fermetures et les réductions d'horaires dans les bureaux de poste, notamment dans l'Hérault.
Dans un contexte de baisse importante du volume du courrier, nos collègues Chaize, Louault et Cardon ont formulé des propositions dans leur rapport d'information de mars 2021.
M. Dussopt a annoncé plusieurs centaines de millions d'euros de compensations, ce que je salue.
Mais les fermetures de bureau et réductions d'horaires d'ouverture se poursuivent, alors que La Poste demeure un vecteur important de lien social, notamment en milieu rural.
Dans mon département, la commune de Montarnaud, qui disposait d'un bureau de Poste lorsqu'elle comptait 500 habitants, se voit proposer - en fait, imposer - une simple agence communale, aujourd'hui qu'elle en compte 4 000 ! Et comment expliquer la fermeture du bureau du Cap d'Agde, première station balnéaire d'Europe ?
Comment comptez-vous enrayer le déclin de ce service public essentiel ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée, chargée de l'industrie . - La numérisation des échanges a entraîné une baisse de 39 % du courrier à acheminer entre 2010 et 2020. Cette tendance, encore amplifiée depuis deux ans, va certainement se poursuivre.
Des mesures sont indispensables pour assurer l'équilibre financier du service universel. Comme Olivier Dussopt l'a indiqué, le Gouvernement verse une compensation de 500 à 520 millions d'euros par an à La Poste pour assurer la pérennité de la distribution six jours sur sept.
La Poste s'est engagée à maintenir un réseau de 17 000 points de contact, avec 90 % de la population à moins de cinq kilomètres ou vingt minutes de voiture d'un d'entre eux.
Constatant une forte baisse de la fréquentation de ses bureaux, La Poste noue des partenariats pour ouvrir des agences communales et des points postaux chez des commerçants.
Nous recherchons la meilleure efficacité économique et sociale.
M. Christian Bilhac. - L'État doit verser une compensation à la hauteur du montant calculé par l'Arcep.
Écloseries marines de Gravelines
M. Frédéric Marchand . - Les écloseries marines de Gravelines sont le plus important éleveur de bars et daurades royales en France. Cette entreprise est aussi un modèle d'économie circulaire, adossant à la centrale nucléaire une activité productive qui répond à des enjeux majeurs - raréfaction des ressources halieutiques, notamment.
Or l'activité de ces écloseries est fortement menacée, la direction générale des douanes et droits indirects ayant mis fin à l'exonération partielle de TICFE dont elles bénéficiaient. Cette décision va multiplier le taux d'imposition de l'entreprise par dix, avec, de surcroît, un effet rétroactif sur quatre ans. Le surcoût annuel sera de 450 000 euros...
Combinée à l'augmentation inédite du tarif de l'électricité, cela risque de porter un coup fatal à ce modèle économique innovant combinant électro-intensif et agro-industriel, alors que l'activité est rentable depuis 2015 dans un contexte fiscal normal.
Je salue la décision du Gouvernement d'accorder à Aquanord un taux plancher de TICFE en 2022, au titre des mesures d'urgence. Dans le même esprit, allez-vous étudier un changement de nomenclature pour revenir sur la requalification rétroactive de l'entreprise par les douanes ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée, chargée de l'industrie . - Le droit européen tient compte du poids de l'énergie dans les intrants de certaines activités. Mais il exclut l'aquaculture, activité agricole et non industrielle, de ce régime particulier. Ces règles sont constantes depuis des années.
Le Gouvernement a apporté des réponses avec la baisse de la TICFE.
Dans le cadre du paquet Fit for 55, la Commission européenne reverra de fond en comble la fiscalité énergétique. C'est dans ce cadre que nous pourrons agir dans le sens que vous souhaitez.
Par ailleurs, nous restons attentifs à soutenir, pour le court terme, toute entreprise produisant en France.
Rétrocession des indemnités de chômage des frontaliers
Mme Sylviane Noël . - Les travailleurs transfrontaliers employés en Suisse cotisent auprès du régime d'assurance chômage de ce pays, mais, en cas de chômage total, ils sont indemnisés par le système français.
Avant 2009, une convention franco-suisse de 1978 prévoyait la rétrocession à l'Unedic de 90 % des cotisations chômage prélevées sur les salaires des frontaliers. Depuis cette date, la Suisse ne rembourse plus que les trois premiers mois d'allocations.
C'est peu dire que ce système est désavantageux pour la France. C'est même la double peine : nous finançons la formation de jeunes qui, une fois diplômés, sont aspirés par les salaires suisses ; en cas de chômage, nous finançons des indemnités de deux à trois fois plus élevées que la moyenne française.
Le Gouvernement va-t-il remédier à cette situation inéquitable en négociant un nouvel accord bilatéral avec la Suisse ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée, chargée de l'industrie . - En application de la réglementation européenne, l'indemnité est assurée par l'État de résidence.
Les modalités de remboursement partiel sont déterminées par un règlement européen, auquel la Suisse a accepté de se soumettre. Elle rembourse de trois à cinq mois d'allocations, en fonction de la durée d'affiliation.
Le nombre de frontaliers travaillant en Suisse ayant augmenté, le montant de leur indemnisation chômage a crû également : en 2020, elle a représenté 810 millions d'euros, dont 143 millions remboursés par la Suisse.
La France soutient une révision du règlement européen en vue d'une indemnisation par l'État où le travailleur est employé - lex loci laboris. Mais ces négociations, longues et complexes, n'ont pas encore abouti.
Avenir des centres de vacances en milieu rural
M. Jean-Yves Roux . - Voilà bientôt deux ans que les centres de vacances de montagne subissent les annulations de réservations par les écoles. La fréquentation a baissé de 37 % sur deux ans.
Or dans la ruralité, ces centres constituent des sources d'animation et de recrutement. Certains sont particulièrement novateurs, à l'instar de celui de Montclar, dans les Alpes-de-Haute-Provence, première station autogérée de France, avec 300 emplois induits.
Certes, les aides exceptionnelles et les séjours de cohésion ont permis d'éviter des faillites en cascade. Mais certains centres risquent de ne pas pouvoir se relever, compte tenu aussi de la hausse des prix de l'énergie et des difficultés de recrutement.
Comment comptez-vous assurer la pérennité de ces centres indispensables à la vitalité des communes rurales et de montagne ?
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée, chargée de l'autonomie . - En effet, les classes de neige et de découvertes ont subi de nombreuses annulations liées à la pandémie. Cette situation a de fortes conséquences sur certains territoires, pour lesquels cette activité est un poumon économique.
C'est pourquoi l'accompagnement économique s'est poursuivi en décembre et en janvier : chômage partiel, dispositif coûts fixes, aides au paiement. Les acteurs constitués en associations peuvent aussi en bénéficier.
Jean-Baptiste Lemoyne travaille avec la filière pour valoriser l'offre et en améliorer la lisibilité.
Par ailleurs, le dispositif Colonie apprenante, renouvelé en 2021, sera à nouveau reconduit en 2022.
Mesures de soins sous contrainte dans le Nord
Mme Martine Filleul . - La Commission des citoyens pour les droits de l'homme, spécialisée dans la santé mentale, alerte sur la situation dans le département du Nord en matière de soins sous contrainte.
Deux procédures peuvent être utilisées à titre exceptionnel : l'urgence et le péril imminent. Or dans le Nord, 90 % des soins sous contrainte décidés par les directeurs d'établissement psychiatrique relèvent de l'un ou l'autre cas. L'exception est ainsi devenue la règle !
Par ailleurs, les obligations légales de visite ne sont pas respectées : la majorité des établissements du département n'ont pas fait l'objet de visites de contrôle.
Le Gouvernement compte-t-il faire respecter les droits fondamentaux des patients de ces établissements ?
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée, chargée de l'autonomie . - Les données pour 2020 dans le Nord ne présentent pas de différences majeures avec les moyennes régionales et nationales. Ainsi, les mesures de péril imminent y représentent 27 % des soins sous contrainte, contre 34 % dans les Hauts-de-France et 33,76 % au niveau national. Il n'y a donc rien d'alarmant.
Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté souligne que les admissions sur demande d'un tiers demeurent prépondérantes.
D'autre part, les unités spécialisées en soins sous contrainte font l'objet de visites régulières. La commission départementale des soins psychiatriques les visite au moins deux fois par an. Le procureur de la République a bien procédé aux visites légales en 2020, en dépit de la pandémie.
Mme Martine Filleul. - Je m'étonne de ces chiffres, contradictoires avec ceux de la Commission des citoyens pour les droits de l'homme. Les patients doivent être à l'abri de toute dérive.
Reprise de la collecte de sang en Guyane
Mme Marie-Laure Phinera-Horth . - Alors que l'Établissement français du sang (EFS) est en situation critique, avec des stocks très bas, nos citoyens de Guyane et de Mayotte ne peuvent toujours pas donner leur sang.
Depuis 2015, à la suite de la découverte d'une trentaine de cas de maladie de Chagas, la collecte a été suspendue en Guyane. Ors selon le Haut Conseil de la santé publique (HCSP), cette maladie ne constitue pas un problème de santé publique en Guyane, d'autant que d'importants progrès ont été réalisés en matière de dépistage.
Je sais que le Gouvernement est favorable à l'égalité de traitement sur tout le territoire. Comment compte-t-il instaurer une véritable politique de collecte du sang en Guyane ?
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée, chargée de l'autonomie . - La reprise de la collecte de sang en Guyane permettrait la constitution d'un pool de sang local, mais aussi d'avoir plus de donneurs de certains phénotypes à l'échelle nationale. La direction générale de la santé (DGS) a demandé une analyse de la situation épidémiologique à Santé publique France. Il s'avère que la Guyane reste très exposée à de nombreuses maladies infectieuses, laissant craindre une perte de près de 5 % des poches de sang pour le seul virus de l'hépatite B. Les donneurs ayant séjourné en Amérique latine ou de retour des zones endémiques présentant des risques de maladie de Chagas peuvent également faire l'objet de contre-indications. La Guyane est en outre particulièrement touchée par l'émergence d'arboviroses.
Elle comptait 294 146 habitants au 1er janvier dernier : on pourrait donc attendre 7 000 collectes par an. Ce n'est pas négligeable, mais nous privilégions la sécurité sanitaire dans ce territoire vulnérable au risque infectieux.
La reprise de la collecte apparaît donc trop risquée à ce jour, mais nous suivons attentivement l'évolution des conditions épidémiologiques.
Constatation des décès à domicile
M. Édouard Courtial . - Le 27 décembre dernier, dans une commune de mon département, un décès à domicile, signifié au maire à 8 h 15, n'a été constaté par un médecin qu'à 17 h 30 ! Ce n'est malheureusement pas un cas isolé. Pendant des heures interminables, aucun médecin n'est disponible, pas même le 15 ! La famille, en attendant, ne peut voir le défunt. C'est une autre face de la désertification médicale.
Le vieillissement de la population et le choix croissant du maintien à domicile entraînent la multiplication de tels cas. Il faut des réponses rapides. Pourquoi ne pas dédommager les médecins de leurs déplacements ? Instaurer une astreinte ? Ou avoir recours à d'autres médecins, retraités, internes ou issus du service départemental d'incendie et de secours (SDIS) ?
Il faut mieux accompagner les élus, renforcer leur formation et prévoir des procédures claires, avec notamment une liste de médecins. Prenons enfin les mesures nécessaires !
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée, chargée de l'autonomie . - Je suis confrontée à cette question dans mon territoire rural et le ministère de la Santé y est très sensible. Le code général des collectivités territoriales a été modifié en 2019 pour autoriser les médecins retraités, les étudiants en 3e cycle de médecine et les patriciens à diplôme hors Union européenne (Padhue) à établir un certificat de décès.
Il s'agit d'un document médical qui établit les causes du décès. Ces données sont utilisées pour les statistiques et servent à des alertes de santé publique ainsi qu'à l'ouverture d'éventuelles investigations. Le certificat a aussi des conséquences sur les opérations funéraires. Les médecins sont formés à la détection d'un obstacle médico-légal, contrairement aux pompiers ou aux infirmiers. Donner à ces derniers la possibilité d'établir ces certificats n'est donc pas pertinent.
Mes services sont en revanche intéressés par toute autre suggestion.
Autorisation d'exercice pour les Padhue
Mme Nadine Bellurot . - Conformément au décret du 7 août 2020, il revient au Centre national de gestion (CNG) d'homologuer les demandes d'autorisation d'exercice des professions médicales par des praticiens à diplôme hors Union européenne (Padhue). À Châteauroux, un médecin étranger attend une réponse, alors que notre territoire manque de médecins.
Combien de dossiers sont en attente d'instruction ? On parle de 3 000 à 4 000 dossiers en souffrance... Quand interviendront les décisions finales du CNG, sachant qu'il ne reste que quelques mois ?
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée, chargée de l'autonomie . - Ce dispositif transitoire, qui s'adresse seulement à des praticiens ayant des fonctions de professionnel de santé en France, permet la vérification des compétences de ces Padhue. S'agissant des médecins, les dossiers sont examinés par une commission régionale, puis nationale. Pour les autres professions de santé, le dispositif est purement national.
Quelque 4 500 dossiers ont été déposés auprès des ARS ; 790 dossiers ont reçu un avis des commissions régionales. Les commissions nationales ont commencé à se réunir, une centaine d'avis ont été rendus, à 70 % favorables, en priorité dans les spécialités médicales en tension.
Le calendrier des prochaines réunions sera intensifié : douze à seize commissions se réuniront désormais chaque mois.
Le délai d'examen d'un dossier dépend du degré de tension et de l'équilibre entre territoires ; sa date de dépôt à l'ARS n'est pas un critère déterminant.
Mme Nadine Bellurot. - Merci pour ces précisions. Il aura fallu une question orale pour obtenir enfin une réponse !
Désarroi des professionnels des centres médico-psychopédagogiques
Mme Élisabeth Doineau . - Les professionnels des centres médico-psychopédagogiques (CMPP) sont en plein désarroi. Ils ont le sentiment de mal exercer leur profession et en souffrent.
Orthophonistes et psychomotriciens disparaissent en milieu hospitalier et médico-social, ce qui les prive d'une approche pluridisciplinaire indispensable. À la suite d'un rapport de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) de 2018, des plateformes d'orientation et de coordination se sont mises en place. C'est une solution a minima, car on assiste à un « tri » des enfants, à des orientations chez des professionnels libéraux déjà submergés et à l'application de forfaits inadaptés.
La désinstitutionnalisation du soin se poursuit, amplifiée par la faible attractivité de la profession en établissement, en raison du niveau des salaires.
Or, les problématiques touchant les enfants sont multiples : troubles du langage, retards psychomoteurs, troubles psychoaffectifs, pertes de repères, environnement social et familial difficile. Il faut agir et entendre le malaise des professionnels.
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée, chargée de l'autonomie . - Nous sommes tous conscients des difficultés rencontrées par ces professions. Elles font l'objet d'efforts importants de l'État et le nombre de professionnels a fortement augmenté en dix ans : + 30 % d'orthophonistes, + 80 % de psychomotriciens et en milieu hospitalier, + 38 % d'orthophonistes, + 50 % de psychomotriciens.
Les orthophonistes salariés ont bénéficié d'une revalorisation statutaire dans le cadre du Ségur de la santé : en plus des 183 euros nets mensuels, ils ont obtenu 19 points d'indice supplémentaires, soit 75 euros nets mensuels. Cette augmentation de rémunération s'accompagne d'une dynamisation des parcours, avec de meilleures perspectives en fin de carrière, pour un gain d'environ 400 euros mensuels. L'accès direct à la profession d'orthophoniste est expérimenté dans six départements.
Autant d'éléments qui renforceront l'attractivité de ces professions.
Exercice de la fonction d'assistant médical
M. Daniel Gremillet . - Les assistants médicaux ont été créés pour libérer du temps médical et améliorer l'accès au soin. Ce métier représente une nouvelle voie pour certains professionnels de santé - infirmiers, aides-soignants, auxiliaires de puériculture - qui peuvent y accéder sur simple formation d'adaptation à l'emploi. C'est une mesure de bon sens.
Or, pour y accéder, les sages-femmes, qui disposent pourtant de compétences étendues en santé, doivent réaliser l'ensemble des heures de formation du certificat de qualification professionnelle.
Le Gouvernement envisage-t-il d'étendre le champ des professionnels de santé visés par l'arrêté du 7 novembre 2019 ?
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée, chargée de l'autonomie . - Le recrutement d'assistants médicaux est l'une des mesures phares de la stratégie Ma santé 2022. Ce métier a été créé pour redonner du temps d'exercice aux médecins. L'arrêté de 2019 liste les qualifications nécessaires à son exercice. Il ne s'agit pas d'une profession de santé.
Les profils soignants sont en augmentation constante dans les effectifs d'assistants médicaux. Rappelons cependant que les missions qui leur sont confiées sont essentiellement d'ordre administratif ; elles sont laissées à l'appréciation du praticien.
La profession de sage-femme est une profession médicale à part entière, avec pouvoir de diagnostic et droit de prescription, comme celle de médecin et de chirurgien-dentiste. Leurs missions sont très différentes de celles d'un assistant médical. Nous sommes toutefois prêts à examiner la situation, même si les perspectives d'intégration de sages-femmes au sein des assistants médicaux semblent anecdotiques. Nous ne rencontrons aucune difficulté majeure dans le recrutement.
Dépistage du Covid par des chiens renifleurs
Mme Sabine Drexler . - L'école vétérinaire de Maisons-Alfort développe le projet Nosaïs de dépistage du Covid par des chiens renifleurs, à partir d'une lingette de sueur. L'odorat du chien est en effet 5 000 fois supérieur à celui des humains ; il est déjà souvent utilisé, notamment pour la détection d'hypoglycémies, de crises d'épilepsie ou de certains cancers. Cette méthode de détection du Covid a fait la preuve de son efficacité avec un taux de réussite de 95 % et pour le quart du coût d'un test PCR - la formation d'un chien coûte entre 2 000 et 3 000 euros.
Le Premier ministre a accordé un soutien de principe à cette expérimentation, mais elle n'est toujours pas officiellement reconnue.
Ce type de dépistage est gratuit, non invasif et il a fait ses preuves. Pourquoi ce projet français, reconnu par l'OMS et peu coûteux, ne bénéficie-t-il pas de financements publics ? Vous engagez-vous à faire le nécessaire pour sa validation par la Haute Autorité de santé (HAS) ?
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée, chargée de l'autonomie . - Le ministère de la Santé porte une attention particulière à cette méthode de dépistage. Plusieurs options sont envisagées, notamment quand un contrôle itératif est difficile à organiser, pour les personnes handicapées ou dans des lieux de passage important. Un potentiel théorique a été démontré, mais la performance en situation réelle ne l'est pas encore. Le contexte est contraint, le nombre de chiens formés est limité. Il faut donc démontrer l'intérêt de cette démarche avant de la mettre en oeuvre. La population peut aussi être heurtée par la démarche.
Un comité ad hoc de pilotage des essais thérapeutiques procède à l'évaluation des méthodes de dépistage et à la détermination des leviers à mobiliser. Nous travaillons avec l'école vétérinaire de Maisons-Alfort dans ce cadre.
Mme Sabine Drexler. - Les tests ont coûté 1,6 milliard d'euros en janvier. Il faut avancer sur des méthodes moins coûteuses.
Attractivité des carrières hospitalo-universitaires
Mme Véronique Guillotin . - Les carrières hospitalo-universitaires souffrent d'une nette désaffection, comme en témoignent démissions et postes vacants. Ces carrières d'excellence exigent en effet un investissement personnel de long terme, parfois des mobilités à l'étranger, or le retard salarial est évalué à 300 000 euros à 40 ans.
Après une thèse de neurosciences à Oxford, Thomas a débuté son internat à 30 ans, pour moins de 2 000 euros par mois. Aujourd'hui, son salaire et son CDD de chef de clinique ne lui permettent même pas d'emprunter pour acheter un logement ! Comment s'étonner alors que certains partent à l'étranger ou abandonnent la recherche ?
On pourrait pourtant revaloriser ces postes en prenant en compte les années de recherche et de mobilité internationale dans le calcul de l'ancienneté.
Quelle solution pour lutter contre la fuite des cerveaux qui nuit à la qualité de la médecine française ?
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée, chargée de l'autonomie . - Le Ségur de la santé avait prévu une réflexion sur la réévaluation des grilles salariales des personnels enseignants et hospitaliers. Un groupe de travail a été installé en novembre 2020 et vingt-quatre mesures ont été actées, notamment la revalorisation des émoluments hospitaliers des maîtres de conférences et des professeurs praticiens. Une prime d'enseignement supérieur et de recherche a été instaurée pour valoriser leur engagement. Leur statut a aussi été rénové par décret et des mesures ont été prises pour l'attractivité des carrières, comme la prise en compte des diplômes de thèse sous la forme d'une bonification d'un an.
Nous souhaitons faciliter la préparation aux concours et l'entrée dans la carrière, en prenant mieux en compte les mobilités effectuées au cours du deuxième cycle. Nous renforcerons le dispositif de l'année recherche.
Oubliés du Ségur de la santé
Mme Annie Le Houerou, en remplacement de M. Christian Redon-Sarrazy . - À la suite de la première vague de la covid-19 en 2020, les accords conclus au terme du Ségur de la santé, portés par les syndicats, ont permis des revalorisations de salaire, mais certains professionnels en restent exclus, notamment dans le secteur social et médico-social : les « oubliés du Ségur » - quelle terrible expression !
À titre d'exemple, les animateurs en résidence autonomie n'ont pas bénéficié du Ségur de la santé au même titre que leurs collègues en Ehpad. Ils sont pourtant tout autant épuisés par les conséquences de la pandémie. Sans revalorisation salariale ni reconnaissance, leur carrière décroche. Mais vous vous acharnez à nier cette réalité : quand allez-vous enfin reconnaître leur dévouement sans faille ?
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée . - Après des décennies de stagnation salariale, notre Gouvernement est fier d'avoir revalorisé ces professions qui ont montré leur engagement et leur résilience lors de la crise sanitaire. Elles ont bénéficié d'un complément de traitement indiciaire de 183 euros nets supplémentaires dans l'ensemble des établissements pour personnes âgées, grâce au Ségur, élargi par les accords dits Laforcade. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 a étendu la mesure en accueil de jour autonome et dans les résidences autonomie.
Dans trois jours se tiendra une conférence pour déterminer un plan pour l'attractivité de ces métiers. Un livre vert nous sera remis en mars. Il n'y a pas d'oubliés : ce sont les oubliés d'hier qui sont revalorisés aujourd'hui.
Démographie médicale
Mme Annie Le Houerou . - Plus d'un Français sur dix ne trouve pas de médecin traitant. Et c'est pire pour les plus précaires, qui ont huit fois plus de risques de renoncer aux soins.
À Guingamp, la situation est particulièrement tendue pour les 100 000 habitants avec la menace de fermeture de la maternité. On sait l'importance d'un hôpital de plein exercice pour l'attractivité et la qualité des soins.
À Uzel, un dentiste tunisien attend toujours une réponse du Conseil national de gestion à sa demande d'installation.
Le Président de la République avait annoncé que la formation à la maîtrise de stages serait une priorité. Mais en décembre, le Gouvernement a limité les possibilités de formation. Résultat ? Deux cents maîtres de stage en moins ! Cela pénalisera les territoires sous denses.
Qu'en est-il des objectifs fixés aux agences régionales de santé en matière de maîtrise de stage ? Comment lever les freins à l'installation et lutter contre les déserts médicaux ?
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée, chargée de l'autonomie . - Le nombre de médecins diminue régulièrement depuis 2010.
Tous en parlaient, mais nous l'avons fait : nous avons supprimé le numerus clausus pour former davantage - 86 médecins de plus chaque année dès 2025 en Bretagne -, et renforcé les stages en zones sous-denses - déjà, la moitié des étudiants en réalise. Le contrat d'engagement de service public a contribué à l'installation de 3 000 jeunes médecins en zone rurale. Nous entamons un rééquilibrage territorial en augmentant les postes dans les régions les moins dotées, tout en stabilisant les effectifs dans les régions les mieux dotées.
D'autres mesures, comme l'exercice coordonné, porteront des fruits ultérieurement. Dans les Côtes-d'Armor, vingt-quatre maisons de santé ont ouvert, six sont en projet et les communautés professionnelles territoriales de santé vont passer de trois à cinq. Le nouveau zonage favorisera également l'installation de médecins généralistes dans les zones les plus éloignées des soins, avec des primes à l'installation.
Conséquences de la hausse des prix de l'énergie
M. François Bonhomme . - Les collectivités locales et leurs groupements doivent faire face à des augmentations parfois considérables de leurs factures d'énergie, qui peuvent aller, en l'absence de bouclier tarifaire, jusqu'à 300 %.
Celles qui ne disposent pas d'un contrat à prix fixe subissent une hausse brutale des prix et celles dont les contrats arrivent à échéance ont du mal à souscrire à des prix raisonnables. Elles peinent à mener à bien leurs projets et vont, pour certaines, devoir augmenter les impôts.
Envisagez-vous des mesures d'accompagnement et de soutien, même provisoires ?
M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué, chargé des transports . - Les moyens financiers mobilisés par l'État sont considérables et bénéficient aussi aux collectivités territoriales : baisse de 95 % de la taxe sur l'électricité pour 8 milliards d'euros en 2022, augmentation du volume de l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (Arenh), bouclier tarifaire pour les plus petites collectivités.
L'État incite également aux économies d'énergie en aidant la rénovation des locaux avec le coup de pouce chauffage pour les bâtiments du tertiaire. Le plan de relance sera mobilisé en ce sens.
M. François Bonhomme. - Ces mesures sont temporaires. Or la situation restera tendue du fait de la politique énergétique de l'État. Les collectivités territoriales risquent d'être étranglées.
Financements de la France en faveur du climat
M. Jean-François Husson . - Afin d'assurer à la France les moyens de ses ambitions climatiques à court terme, il faudrait investir environ 15 milliards d'euros supplémentaires par an jusqu'en 2023, soit 100 milliards d'euros par an entre 2020 et 2050. Nous en sommes loin. Le plan France Relance, s'il promet d'investir 30 milliards d'euros en faveur de la transition écologique, s'oriente vers des dispositifs trop ciblés pour garantir des changements significatifs. Sur la seule rénovation thermique, il faudrait 10 milliards d'euros par an !
Pour que les émissions baissent plus rapidement après 2028, de nombreux champs d'action doivent être investis, comme celui de la recherche ou de l'offre de financement. Nous sommes en queue de peloton européen.
Quelles mesures allez-vous prendre pour assurer un financement suffisant et bien orienté en faveur du climat, de la biodiversité et de l'environnement ?
M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué, chargé des transports . - Le financement des investissements nécessaires à la transition écologique et aux mobilités mobilisera 50 milliards d'euros en 2022. Il s'agit d'un effort sans précédent.
Déjà 840 000 primes à la conversion et 340 000 bonus écologiques ont été attribués, sans oublier les 600 000 aides à la rénovation pour 9 milliards d'euros de travaux. Le plan France Relance y consacre 30 milliards d'euros en 2021 et 2022. Enfin, France 2030 consacrera 8 milliards d'euros au secteur de l'énergie, notamment nucléaire, et 4 milliards aux transports du futur.
Qualité des services de la SNCF dans les Hauts-de-France
Mme Martine Filleul, en remplacement de M. Rémi Cardon . - La situation du ferroviaire est catastrophique dans les Hauts-de-France si bien que la région a suspendu ses paiements à la SNCF en attendant une amélioration.
Les voyageurs sont les premières victimes de ces dysfonctionnements : annulations, retards, lignes abandonnées, manque de personnel, etc.
Selon la CGT du Nord-Pas-de-Calais, il faudrait au moins 200 postes supplémentaires dans les deux départements pour que les TER fonctionnent correctement. La qualité de service sur les TER Hauts-de-France se dégrade d'année en année, à tel point que le plafond des pénalités pour suppression de trains, de 1,8 million d'euros par an, a été atteint dès juin 2021.
Que comptez-vous faire pour améliorer le service aux usagers ?
M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué, chargé des transports . - Cela ne relève pas de la compétence de l'État même si le sujet nous soucie. C'est la région qui est compétente.
Le service rencontre des difficultés de production, en raison de causes externes à l'entreprise - bagages oubliés, accidents de personnes - , mais pas seulement. Aussi, SNCF Voyageurs a engagé en novembre un plan d'action avec vingt et un agents et deux locomotives supplémentaires. Les premiers résultats sont encourageants, mais insuffisants. Il faut poursuivre les recrutements et les investissements dans les infrastructures.
Mme Martine Filleul. - J'entends votre volonté, mais l'enfer est pavé de bonnes intentions. Les usagers des Hauts-de-France attendent des actes concrets.
Financement des agences de l'eau
Mme Amel Gacquerre . - Les dernières lois de décentralisation ont confié les compétences gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations (Gemapi), assainissement et eau potable aux intercommunalités sans accompagner ces transferts des financements correspondants. Aussi, de nombreuses intercommunalités ont dû instaurer une contribution Gemapi afin d'accélérer les programmes d'investissement. Or, le financement des opérations prévues devient critique du fait de la baisse annoncée des subventions des agences de l'eau.
Déjà, en 2018, le Gouvernement décidait d'écrêter plus fortement le produit des redevances sur l'eau pour financer les opérateurs du ministère de l'Environnement. En 2021, dans le cadre du plan France Relance, les crédits des agences de l'eau ont été fortement mobilisés sur des actions qui n'étaient pas prévues dans leurs programmes pluriannuels. D'où d'importantes difficultés financières pour les agences de l'eau, contraintes de diminuer leurs subventions. Le syndicat de la communauté d'agglomération de Béthune-Bruay, Artois Lys Romane, perdra ainsi près de 11 millions d'euros jusqu'en 2024.
Que comptez-vous faire pour remédier à cette situation ?
M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué, chargé des transports . - Nous en avons débattu le 25 janvier. La fiscalité appliquée à l'eau potable a été réduite de 12 %, ce qui a conduit à une baisse des dotations des agences de l'eau. En contrepartie, l'État a mis un terme à ses prélèvements sur la trésorerie des agences. Celles-ci ont donc réduit le montant de leurs interventions de l'ordre de 12,63 milliards d'euros sur la période 2019-2024, d'où un recentrage des aides.
Les agences de l'eau restent mobilisées sur le soutien aux programmes d'actions de prévention des inondations (PAPI). Sur le bassin Artois-Picardie, le taux d'aide est de 40 % sur les ouvrages prioritaires, et de 20 % pour les autres. Le PAPI Lys bénéficiera de la moitié des crédits du bassin, soit 9 millions d'euros sur trois ans. La communauté de communes est également aidée sur le petit cycle de l'eau. Les agences ont également mobilisé en 2021 les crédits complémentaires du plan de relance, majoritairement au bénéfice de projets de collectivités territoriales en matière d'eau et d'assainissement.
Nous réfléchissons à une nouvelle trajectoire de la dépense publique en matière d'eau et de biodiversité, sur la base notamment du rapport du sénateur Richard et du député Jerretie.
Nuisances sonores et pollution de l'autoroute A6
M. Christian Cambon . - L'Haÿ-les-Roses souffre des nuisances liées au passage sur l'autoroute A6 de 300 000 véhicules par jour. Les pollutions sonores et atmosphériques de ce trafic ont des conséquences lourdes sur la santé des 3 500 riverains dont les logements ont souvent été construits avant l'autoroute.
Le mur antibruit est le plus vétuste de France. Le maire est mobilisé depuis 2014 : c'est ainsi qu'il a obtenu en 2017 la pose d'un enrobé phonique qui a permis de diviser par trois la pollution sonore.
Fin 2019 et en janvier 2022, deux pétitions ont demandé l'abaissement de la vitesse sur ce tronçon et l'installation d'un radar fixe. Le maire souhaite l'inscription du secteur sur la liste officielle des points noirs du bruit francilien, qui recense les sections à traiter en urgence.
Qu'allez-vous faire pour mettre fin à ce calvaire ?
M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué, chargé des transports . - Gestionnaire du réseau routier national non concédé, l'État veille à la réduction des nuisances sonores à la source. En 2017, un kilomètre de section a bénéficié d'un nouvel enrobé pour réduire le bruit. Nous poursuivrons.
Nous expérimentons la baisse de la vitesse en milieu urbain, sans guère de résultat sur le niveau sonore et les émissions de gaz à effet de serre. Compte tenu du faible nombre d'accidents, un radar supplémentaire ne semble pas nécessaire : il y a déjà trois radars sur l'A6 entre l'A86 et le boulevard périphérique. Un ou plusieurs radars pédagogiques pourraient néanmoins être implantés.
M. Christian Cambon. - Le calvaire des habitants va donc se poursuivre...
Destruction et bétonisation des jardins d'Aubervilliers
M. Thomas Dossus . - Depuis septembre 2021, les pelleteuses ont détruit 6 000 m² de jardins ouvriers à Aubervilliers pour y installer une piscine et une gare du Grand Paris Express en vue des Jeux olympiques de 2024.
Ces jardins centenaires ont une histoire : celle des femmes et des hommes qui en ont fait des endroits vivants, végétalisés, des lieux de mixité sociale.
Alors qu'Aubervilliers n'offre qu'un mètre carré d'espace vert par habitant, quand l'OMS en préconise dix, la destruction de ces parcelles fait mentir l'ambition environnementale des Jeux de 2024 affichée par le Gouvernement, par l'Agence nationale du sport et par le Comité d'organisation des Jeux
C'est une attaque directe contre le vivre-ensemble. Les habitants se mobilisent pour sauver ce patrimoine populaire. Recours en justice, désobéissance civile, manifestations, pétitions : le collectif « Jardins à défendre » se bat contre la disparition programmée des jardins, parfois au prix de gardes à vue.
Le 10 février dernier, le tribunal administratif a déclaré le plan local d'urbanisme intercommunal (PLUi) illégal. Pourtant, les bétonneuses poursuivent leur sinistre travail. Quelles mesures seront prises pour remettre en état ces jardins et les rendre aux habitants ?
M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué, chargé des transports . - Ces jardins - 272 parcelles sur 7 hectares - sont impactés pour dix-sept d'entre eux par le centre aquatique et quinze par la gare, soit 12 % des surfaces actuelles.
La disparition de ces jardins n'est en rien programmée. La réinstallation sur des parcelles inexploitées dans un rayon de 500 mètres et la reconstitution à terme du site actuel sur des terrains en friche, proposées par Grand Paris Aménagement, ont été acceptées par une majorité des jardiniers.
La Société du Grand Paris a adapté l'emprise de sa gare pour en limiter l'impact. Ces démarches accompagnent l'évolution des jardins, dont une part non négligeable est aujourd'hui délaissée.
Le centre aquatique servira de centre d'entraînement pour les Jeux, mais sera surtout à terme un équipement de proximité dans un territoire qui en manque cruellement. De même, la desserte par le nouveau métro améliorera la mobilité.
L'équilibre de ce projet n'est pas remis en cause par l'arrêt de la cour administrative d'appel du 10 février 2022.
Consultation des communes menacées par le recul du trait de côte
M. Didier Mandelli . - La loi Climat prévoit qu'un décret fixe la liste des communes concernées par le recul du trait de côte et l'élaboration de cartographies. Sous l'autorité des préfets, les communes du littoral ont été appelées à rendre, avant la fin du mois de janvier 2022, un avis préalable afin de figurer sur cette liste.
Plusieurs élus, ainsi que l'Association des maires de France et l'Association nationale des élus du littoral, ont appelé à un report de la consultation, le délai de deux mois étant intenable en raison de la crise sanitaire mais aussi de l'impossibilité de disposer aussi rapidement des diagnostics préalables nécessaires pour se prononcer sur le transfert de responsabilité proposé.
L'engagement d'un financement national du recul du trait de côte n'ayant pas été tenu dans le projet de loi de finances pour 2022, les élus craignent que ce transfert de compétences ne s'accompagne d'un désengagement de l'État au plan technique et financier.
J'appelle le Gouvernement à organiser une nouvelle consultation afin que l'ensemble des communes concernées puissent disposer des éléments et garanties nécessaires.
M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué, chargé des transports . - Veuillez excuser Mme Pompili.
La loi Climat et résilience vise à anticiper l'érosion littorale, ce qui suppose d'identifier les communes les plus exposées au recul du trait de côte. Les préfets ont explicité les critères d'élaboration de la liste ; des éléments complémentaires ont été apportés et un accompagnement par le Cerema est en cours de définition.
Compte tenu du contexte, le délai a été reporté au 14 février 2022, sachant que le retour des collectivités territoriales pourra être pris en compte jusqu'à la réunion des instances nationales.
L'État financera 80 % de la cartographie. Dans le cadre du projet partenarial d'aménagement (PPA), les projets de recomposition spatiale pourront profiter de 10 millions d'euros du plan France Relance. Les établissements publics fonciers pourront aussi les accompagner sur le long terme. Un cadre financier sera déterminé dans la prochaine loi de finances.
M. Didier Mandelli. - Les élus manquent de visibilité. Le Conseil national d'évaluation des normes et le Conseil national de la mer et des littoraux ont émis un avis défavorable au projet de décret - ils ont eu 48 heures pour se prononcer...
Lutte contre les nuisances aériennes
M. Jean-Raymond Hugonet . - Les troubles cardio-vasculaires sont plus fréquents chez les personnes exposées au bruit, qui est aussi un facteur de stress et de perturbation du sommeil. Ce devrait donc être une priorité de politique de santé publique.
Autour de l'aéroport d'Orly, ce sont 251 communes et 1,9 million d'habitants qui sont survolés à moins de 3 000 mètres d'altitude ; 439 000 personnes subissent quotidiennement un niveau de bruit supérieur aux recommandations de l'Organisation mondiale de la santé.
Or le plan de prévention du bruit dans l'environnement (PPBE), obligatoire depuis 2008, ne reprend aucune des revendications exprimées par les riverains lors de la consultation du public, à savoir le respect du plafonnement à 200 000 mouvements annuels et le couvre-feu quotidien de huit heures consécutives.
Multiplier les consultations citoyennes en faisant fi des demandes devient insupportable.
L'impact sanitaire du bruit est-il une priorité pour les pouvoirs publics ? Si oui, quelles mesures concrètes comptez-vous prendre ?
M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué, chargé des transports . - La question des nuisances sonores autour de l'aéroport d'Orly fait l'objet d'une attention particulière.
Des cartes stratégiques de bruit ont été établies et un plan de prévention du bruit dans l'environnement pour la période 2018-2023 a été élaboré ; dans ce cadre, l'impact du bruit sur les fortes gênes et sur les perturbations du sommeil a été évalué.
La concertation des parties prenantes, pendant un an, a fait évoluer les projets. L'essentiel des demandes a été pris en compte, dont l'abandon d'une zone C et d'une zone D, l'accélération de la généralisation des descentes continues, et la fixation d'un objectif de réduction de 6 décibels sur la plage de 22 heures à 6 heures. La concertation se poursuivra sur le prochain PPBE.
Une consultation publique a été organisée et une synthèse est en ligne sur le site du ministère. Les demandes de plafonnement à 200 000 mouvements et d'extension du couvre-feu ne peuvent être satisfaites sans étude d'impact préalable. Celle-ci déterminera les moyens pour atteindre l'objectif de réduction du bruit.
M. Jean-Raymond Hugonet. - On se hâte avec lenteur...
Création de l'agence territoriale de la biodiversité de Guyane
M. Georges Patient . - Lors de son récent déplacement en Guyane, Mme Pompili a annoncé la création d'une agence territoriale de la biodiversité de Guyane, avec pour mission la préservation mais aussi la valorisation des biodiversités.
« La biodiversité amazonienne ne doit pas être mise sous cloche mais valorisée », disait Patrick Karam.
L'annonce gouvernementale arrive à point nommé, car tout projet en Guyane suscite l'opposition farouche de militants écologistes radicaux.
L'agence ne doit donc pas être confiée à ces militants qui voudraient maintenir la Guyane dans un état originel fantasmé. Il faudra associer les agriculteurs, les pêcheurs, les chasseurs, le secteur forestier et aurifère.
Tous sont sensibilisés à la préservation de notre environnement. Mais il faut intégrer la biodiversité dans la stratégie des entreprises.
M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué, chargé des transports . - La richesse naturelle guyanaise est exceptionnelle et mérite d'être préservée et valorisée. La collectivité territoriale, l'État et l'Office français de la biodiversité (OFB) ont travaillé à la création d'une agence territoriale de la biodiversité via un groupement d'intérêt public, dont la préfiguration a été lancée en 2018, mais le ministère a dû revoir les statuts pour prendre acte du refus de la collectivité territoriale de délibérer.
La collectivité territoriale de Guyane a toutefois manifesté sa volonté de créer cette agence territoriale de la biodiversité. Le Gouvernement soutient le développement de cette nouvelle structure. Sa création sera le fruit d'un travail commun. Toute la diversité des acteurs économiques guyanais devra être représentée.
Comme annoncé en février 2022 par Mme Pompili, l'État, l'OFB et la collectivité territoriale s'engagent à financer cette future agence, tout en s'ouvrant à différents partenariats.
Évolution du classement en zone tendue
Mme Annick Billon . - Avec la crise sanitaire, la pression immobilière s'est accentuée dans de nombreuses communes littorales, notamment aux Sables d'Olonne. Raréfaction des biens à la vente, inflation du prix au mètre carré, difficulté de louer à l'année, aggravée par le développement des sites de location de type Airbnb : faute de biens à des prix raisonnables, des actifs ne peuvent s'installer dans les communes littorales où ils travaillent à l'année ou en saison.
Le déséquilibre entre l'offre et la demande entraîne des difficultés d'accès au logement dans le parc résidentiel existant. C'est la définition même d'une zone tendue. Or ne peuvent être considérées en zone tendue que les communes constituant une aire urbaine de plus de 50 000 habitants. Ce critère de population n'est plus adapté en l'espèce.
La majoration de la taxe d'habitation sur les résidences secondaires serait une première réponse pertinente. Envisagez-vous d'étendre les critères de classement en zone tendue ?
M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué, chargé des transports . - La taxe sur les logements vacants ne peut être appliquée que dans les zones urbanisées de plus de 50 000 habitants. Les communes concernées peuvent majorer la taxe d'habitation sur les résidences secondaires.
Le Gouvernement partage votre analyse : les zones touristiques littorales présentent un marché immobilier tendu, avec une forte proportion de résidences secondaires et de locations touristiques. Aux Sables d'Olonne, le prix avoisine les 4 800 euros par mètre carré, bien plus élevé que dans de nombreuses métropoles.
L'application de la taxe sur les logements vacants et la majoration de la taxe d'habitation sur les résidences secondaires peuvent être une solution, mais d'autres outils existent : le conseil municipal peut rendre obligatoire la demande d'autorisation pour le changement d'usage d'un logement, et la commune peut participer au plan national de lutte contre les logements vacants.
Mme Annick Billon. - L'agglomération des Sables d'Olonne compte 53 000 habitants. J'avais eu un rendez-vous avec le maire et le cabinet de Mme Wargon, qui s'était engagée sur ce dossier. La situation est la même à Noirmoutier et dans d'autres communes littorales. Il est urgent d'agir !
La séance est suspendue à 12 h 50.
présidence de Mme Pascale Gruny, vice-président
La séance reprend à 14 h 30.