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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Décès d'un ancien sénateur

Activité professionnelle indépendante (Conclusions de la CMP)

M. Christophe-André Frassa, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire

M. Jean-Baptiste Lemoyne, ministre délégué chargé du tourisme, des Français de l'étranger et de la francophonie, et chargé des PME

Mme Florence Blatrix Contat

M. Ludovic Haye

M. Franck Menonville

Mme Catherine Di Folco

Mme Mélanie Vogel

M. Fabien Gay

Mme Françoise Férat

M. Jean-Claude Requier

Aménagement du Rhône (Procédure accélérée)

Nominations à une éventuelle CMP

Explications de vote

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée, chargée du logement

M. Patrick Chauvet, rapporteur de la commission des affaires économiques

M. Bernard Buis

M. Claude Malhuret

Mme Vivette Lopez

M. Thomas Dossus

Mme Cécile Cukierman

M. Loïc Hervé

M. Henri Cabanel

Mme Florence Blatrix Contat

Outils de gestion des risques climatiques en agriculture (Procédure accélérée)

Discussion générale

M. Julien Denormandie, ministre de l'agriculture et de l'alimentation

M. Laurent Duplomb, rapporteur de la commission des affaires économiques

M. Patrice Joly, rapporteur pour avis de la commission des finances

M. Claude Nougein, rapporteur pour avis de la commission des finances

Demande de priorité

Discussion générale (Suite)

M. Franck Menonville

M. Fabien Gay

M. Daniel Gremillet

Prérogatives d'une commission d'enquête

Outil de gestion des risques climatiques en agriculture (Procédure accélérée - Suite)

Discussion générale (Suite)

M. Daniel Salmon

M. Pierre Louault

M. Henri Cabanel

M. Franck Montaugé

M. Bernard Buis

M. Vincent Segouin

M. Jean-Michel Arnaud

M. Denis Bouad

M. Olivier Rietmann

Discussion des articles

AVANT L'ARTICLE PREMIER

ARTICLE PREMIER

M. Gérard Lahellec

ARTICLE PREMIER BIS

APRÈS L'ARTICLE 16 (Appelé en priorité)

ARTICLE 2

ARTICLE 3

ARTICLE 3 BIS

APRÈS L'ARTICLE 3 BIS

ARTICLE 3 TER

ARTICLE 4

ARTICLE 5

ARTICLE 5 BIS A

ARTICLE 7

ARTICLE 8

ARTICLE 12

APRÈS L'ARTICLE 12

ARTICLE 16

INTITULÉ DU PROJET DE LOI

Interventions sur l'ensemble

M. Bernard Buis

M. Daniel Gremillet

M. Denis Bouad

M. Henri Cabanel

M. Pierre Louault

M. Franck Menonville

Décès d'un ancien sénateur

Activité professionnelle indépendante (Conclusions de la CMP)

M. Christophe-André Frassa, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire

M. Jean-Baptiste Lemoyne, ministre délégué chargé du tourisme, des Français de l'étranger et de la francophonie, et chargé des PME

Mme Florence Blatrix Contat

M. Ludovic Haye

M. Franck Menonville

Mme Catherine Di Folco

Mme Mélanie Vogel

M. Fabien Gay

Mme Françoise Férat

M. Jean-Claude Requier

Aménagement du Rhône (Procédure accélérée)

Nominations à une éventuelle CMP

Explications de vote

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée, chargée du logement

M. Patrick Chauvet, rapporteur de la commission des affaires économiques

M. Bernard Buis

M. Claude Malhuret

Mme Vivette Lopez

M. Thomas Dossus

Mme Cécile Cukierman

M. Loïc Hervé

M. Henri Cabanel

Mme Florence Blatrix Contat

Outils de gestion des risques climatiques en agriculture (Procédure accélérée)

Discussion générale

M. Julien Denormandie, ministre de l'agriculture et de l'alimentation

M. Laurent Duplomb, rapporteur de la commission des affaires économiques

M. Patrice Joly, rapporteur pour avis de la commission des finances

M. Claude Nougein, rapporteur pour avis de la commission des finances

Demande de priorité

M. Franck Menonville

M. Fabien Gay

M. Daniel Gremillet

Prérogatives d'une commission d'enquête

Outil de gestion des risques climatiques en agriculture (Procédure accélérée - Suite)

Discussion générale (Suite)

M. Daniel Salmon

M. Pierre Louault

M. Henri Cabanel

M. Franck Montaugé

M. Bernard Buis

M. Vincent Segouin

M. Jean-Michel Arnaud

M. Denis Bouad

M. Olivier Rietmann

Discussion des articles

AVANT L'ARTICLE PREMIER

ARTICLE PREMIER

M. Gérard Lahellec

ARTICLE PREMIER BIS

APRÈS L'ARTICLE 16 (Appelé en priorité)

Ordre du jour du mercredi 9 février 2022




SÉANCE

du mardi 8 février 2022

55e séance de la session ordinaire 2021-2022

présidence de Mme Laurence Rossignol, vice-présidente

Secrétaires : M. Jacques Grosperrin, Mme Victoire Jasmin.

La séance est ouverte à 14 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu intégral publié sur le site internet du Sénat, est adopté.

Décès d'un ancien sénateur

Mme la présidente.  - J'ai le regret de vous faire part du décès de notre ancien collègue Georges Labazée, sénateur des Pyrénées-Atlantiques de 2011 à 2017.

Activité professionnelle indépendante (Conclusions de la CMP)

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle l'examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi en faveur de l'activité professionnelle indépendante.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire .  - La commission mixte paritaire (CMP) réunie sur le projet de loi en faveur en faveur de l'activité professionnelle indépendante est tombée d'accord sans grande difficulté.

Il faut dire que les objectifs du texte sont des plus consensuels : faciliter la vie des trois millions de travailleurs indépendants, les aider à transmettre leur entreprise et mieux les protéger contre les aléas de la vie économique.

La création d'un nouveau statut d'entrepreneur individuel, séparant les patrimoines professionnel et personnel, offrira à nos entrepreneurs une protection renforcée en cas de défaillance. Certes, ce dispositif ne fera pas de miracles, les principaux créanciers pouvant continuer d'exiger des sûretés spéciales sur certains biens ; sa plus-value réelle reste ainsi à démontrer. Il n'en représente pas moins une révolution dans notre droit privé.

Alors que les principes pluriséculaires fondant la confiance et le crédit ne doivent être touchés que d'une main tremblante, le Gouvernement nous a soumis d'abord un texte assez bâclé. Certes, il était compréhensible qu'il veuille faire un geste à l'égard des trois millions d'indépendants à quelques mois d'une élection majeure... Mais de là à nous présenter un texte à trous !

Dans les deux semaines qui lui étaient imparties, le Sénat a fait son possible pour en combler les lacunes.

Ainsi, nous avons presque entièrement réécrit les dispositions relatives au nouveau statut d'entrepreneur individuel. L'Assemblée nationale a conservé une partie de nos apports : articulation du nouveau statut avec les régimes matrimoniaux pour ne pas provoquer de désordres dans les familles en cas de communauté des biens, opposabilité de la dualité de patrimoine subordonnée à l'existence publique de l'entreprise, clarification du régime du transfert universel du patrimoine professionnel.

Sur deux autres points importants, la CMP s'est entendue sur une rédaction de compromis.

Par ailleurs, le Sénat avait souhaité inscrire dans la loi les dispositions adaptant les procédures collectives et de surendettement, plutôt que de s'en remettre à une ordonnance - une de plus. L'Assemblée nationale nous a suivis.

Au total, grâce à nos échanges avec la rapporteure de l'Assemblée nationale et le ministère de la Justice, nous sommes parvenus à une rédaction commune satisfaisante.

S'agissant de la réforme de l'exercice en société des professions libérales réglementées, l'habilitation à légiférer par ordonnance était trop large, conséquence de l'impréparation du Gouvernement. La question n'est pas technique, mais pleinement politique : pour la sécurité de tous et pour préserver la confiance des Français envers leur notaire ou leur médecin, nous devons garantir l'indépendance des professionnels libéraux.

Sur ce sujet, j'ai dû me résoudre à un compromis qui ne me satisfait pas pleinement : l'habilitation est rétablie, mais l'ordonnance ne pourra pas augmenter la part du capital ou des droits de vote ouverte à des investisseurs autres que les professionnels concernés - ce qui est bien la moindre des garanties.

Le projet de loi a suscité de nombreuses attentes chez les travailleurs indépendants. Certaines seront peut-être déçues. Néanmoins, grâce aux apports de la navette, ce texte aura quelque utilité.

Aussi, je vous invite à adopter les présentes conclusions, en remerciant M. Babary et Mme Puissat, rapporteurs pour avis, pour leur travail constructif et les concessions consenties en CMP. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Bruno Belin.  - Très bien !

M. Jean-Baptiste Lemoyne, ministre délégué chargé du tourisme, des Français de l'étranger et de la francophonie, et chargé des PME .  - Depuis 1994 et la loi Madelin, dernier texte en faveur du travail indépendant, que de chemin parcouru ! Nous sommes fiers d'avoir mené à bien ce chantier cher au Président de la République.

C'est bien le moins que nous devions à nos trois millions d'entrepreneurs, qui portent haut les valeurs de travail, de mérite et d'initiative. Les chiffres de la création d'entreprise traduisent une dynamique qu'il nous appartient de conforter, en simplifiant la vie des indépendants et en renforçant leur protection.

Après la protection de la résidence principale en 2015, l'article premier de ce projet de loi marque une avancée considérable en dissociant les patrimoines professionnel et personnel des entrepreneurs. Je salue le travail parlementaire important mené à cet égard. Nous serons attentifs à la mise en oeuvre de cette mesure par les banques.

La transmission d'entreprise, horriblement complexe, sera grandement facilitée.

Entreprendre, c'est réussir parfois, et parfois échouer. Nous devons donc prévoir un filet de sécurité. Le texte ouvre la voie à l'élargissement des bénéficiaires de l'allocation pour les travailleurs indépendants (ATI). La CMP a maintenu le rapport d'évaluation prévu pour 2024 ; il pourra être soumis pour avis aux organisations syndicales.

Simplifier et protéger : tels sont les maîtres mots de cette réforme.

La formation des indépendants est aussi refondue, avec un organisme unique chargé de gérer les contributions.

Enfin, nous recodifierons, à droit constant, des dispositions éparpillées dans différents textes, pour plus de cohérence et de sécurité. Ce travail, sans conséquence pour l'Alsace et la Moselle, sera un chantier prioritaire de la Commission supérieure de codification.

Je salue le travail transpartisan mené sur ce texte, qui doit beaucoup à Alain Griset. Cette réforme est attendue par trois millions d'indépendants : l'État doit être au rendez-vous pour les accompagner et les protéger ! (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)

Mme Florence Blatrix Contat .  - Texte de circonstance avant les échéances électorales du printemps, ce projet de loi est censé s'adresser à tous les travailleurs indépendants. Or cette catégorie est très hétérogène : entrepreneurs, artisans, commerçants, professions libérales, travailleurs de plateformes.

Nous souhaitons que tous voient leur situation concrète s'améliorer dans un cadre stabilisé et protecteur.

Ce projet de loi devait mieux protéger les entrepreneurs individuels. La séparation des patrimoines professionnel et personnel est bienvenue, mais nous craignons que renoncer à cette protection ne devienne la règle, en sorte que la situation concrète des indépendants ne serait pas améliorée.

Le Gouvernement considère les travailleurs de plateformes comme des indépendants, au moment même où l'Union européenne s'apprête à instaurer la présomption de salariat. Il est regrettable que nous n'ayons pas été précurseurs en la matière.

En outre, l'accès de ces travailleurs à l'ATI reste très aléatoire, notamment au regard du caractère non viable de l'activité. Et il faudra attendre 2025, au moins, pour d'éventuels ajustements... Nous sommes encore loin des garanties équivalentes entre salariés et indépendants promises par le Président de la République !

Enfin, vous connaissez nos réserves sur la réforme du statut des personnels des chambres de commerce et d'industrie (CCI). La négociation en vue d'une nouvelle convention collective n'ayant pas abouti, le Gouvernement propose de nouvelles élections, espérant sans doute des élus mieux disposés... Pour forcer l'accord, il menace d'appliquer unilatéralement la convention Syntec. Nous dénonçons cette politique, qui envenimera le climat social.

La seule véritable avancée obtenue au cours de la navette tient à l'alignement de la durée du congé paternité pour les agents de droit public des CCI sur le régime de droit commun.

En première lecture, le groupe SER s'est abstenu devant l'écart entre l'ambition affichée et les mesures réellement prises. Nous maintenons notre position pour ne pas entraver une amélioration de la situation des indépendants, tout insatisfaisante qu'elle soit.

M. Ludovic Haye .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Ce texte est un volet essentiel du plan pour les indépendants annoncé le 16 septembre dernier par le Président de la République et défendu avec conviction par Alain Griset, dont vous avez, monsieur le ministre, poursuivi l'engagement en faveur des trois millions d'indépendants.

Nous nous réjouissons de l'issue favorable de la CMP, au service de travailleurs qui incarnent le sens de l'effort et l'esprit d'initiative, ainsi que le goût de l'innovation et de la transmission. Avec ce texte, salué comme audacieux par le rapporteur Frassa en première lecture, ils seront mieux armés et mieux accompagnés dans leurs démarches du quotidien.

Plusieurs apports du Sénat ont été conservés : articulation du nouveau statut d'entrepreneur individuel et du régime matrimonial, clarification des règles de transmission en cas de cessation d'activité, notamment.

Deux dispositions me paraissent essentielles : le nouveau statut de l'entrepreneur individuel, plus protecteur par exception au principe de l'unité du patrimoine, et l'accès facilité à l'ATI, auxquels les indépendants seront éligibles en l'absence de procédure collective - le dispositif sera évalué en 2024.

Nous voterons avec enthousiasme ce texte conforme aux valeurs de notre groupe. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Franck Menonville .  - En 2021, un million d'entreprises ont été créées dans notre pays, plus de 17 % de plus que l'année précédente. La France est un pays d'entrepreneurs !

Sans freiner le phénomène, la pandémie a mis en lumière les risques et les obstacles auxquels font face les entrepreneurs. Ce texte est très attendu, en l'absence de plan d'ensemble depuis la loi Madelin, voilà trente ans.

Artisans, commerçants, professionnels libéraux : ce projet de loi s'adresse à trois millions d'indépendants, dont il simplifie les démarches et renforce la protection. Il s'agit de préserver notre tissu économique comme nos savoir-faire. Il est donc heureux que la CMP ait été conclusive.

Le nouveau statut d'entrepreneur indépendant est une innovation juridique heureuse : la dualité patrimoniale, qui rompt avec la règle d'unicité, sera de plein droit et sans formalités. La renonciation sera possible, assortie d'un délai de réflexion ramené à trois jours, mais nécessitera une mention manuscrite.

Capital et droits de vote au sein des sociétés de professions libérales sont aussi protégés : le Gouvernement ne pourra pas les élargir par voie d'ordonnance.

Je salue le travail de nos trois rapporteurs. Le consensus réalisé honore le Parlement. En adoptant ce texte, la représentation nationale enverra un message fort aux indépendants, acteurs essentiels de l'économie du quotidien sur nos territoires ! (Applaudissements sur les travées du RDPI ; Mme Françoise Gatel applaudit également.)

Mme Catherine Di Folco .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le groupe Les Républicains se félicite du travail accompli sur ce texte, d'autant que le travail indépendant est en plein essor, singulièrement chez les jeunes.

Il est heureux que les travailleurs indépendants voient leurs biens personnels mieux protégés en cas de défaillance.

La CMP a trouvé un compromis sur le délai de réflexion en cas de renonciation à la dualité de patrimoine, réduit de sept à trois jours. De même, un accord a été atteint sur la charge de la preuve lors d'une saisie.

Nous saluons aussi la réduction du champ de l'habilitation prévue pour l'exercice sociétaire des professions libérales réglementées.

Nous sommes favorables à l'élargissement du bénéfice de l'ATI et nous nous réjouissons que plusieurs demandes de rapport aient été supprimées, à la demande du Sénat.

Nous félicitons les rapporteurs Frassa, Babary et Puissat pour la rigueur de leur travail. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Mélanie Vogel .  - Le GEST salue le résultat de la CMP, car il faut améliorer la protection et les droits sociaux des trois millions de travailleuses et travailleurs indépendants.

Le texte créé un nouveau statut de l'entrepreneur individuel qui protège le patrimoine individuel. Il double le crédit d'impôt formation et réduit d'un tiers le coût de l'assurance accidents du travail et maladies professionnelles pour les indépendants. Nous soutenons ces mesures, quoiqu'elles soient insuffisantes.

En revanche, nous déplorons les nouvelles réductions de cotisations et l'absence de protection supplémentaire pour les travailleurs des plateformes.

L'ATI ne couvre que 1 % des travailleuses et travailleurs indépendants, alors que 53 % des entreprises individuelles font faillite dans les cinq ans. Rappelons qu'un quart des indépendants gagnent moins que le SMIC, et un dixième moins que la moitié du SMIC.

Il faut définir un cadre plus protecteur et éviter que le travail indépendant ne soit une aubaine pour de grands groupes recourant à des formes d'emploi dégradées. Nous déplorons le refus d'ouvrir l'accès à l'ATI à tous les travailleurs d'Uber, de Deliveroo et de tant d'autres plateformes, privés de réelle sécurité en cas d'accident ou d'arrêt brutal de leur activité. Leur condition correspond à une forme d'exploitation moderne.

La réforme de l'activité professionnelle indépendante est un échec du Gouvernement, et ce n'est pas ce texte, en dessous des enjeux, qui redorera son bilan. Il comporte toutefois quelques mesures utiles, raison pour laquelle nous ne nous y opposerons pas.

M. Fabien Gay .  - Nous l'avons annoncé dès la première lecture : ce texte ne sera qu'une tentative de plus de remédier au déficit de protection sociale des travailleurs indépendants.

Il ne prend pas en compte la multiplicité des situations : commerçants, agriculteurs, professions libérales, chaque statut ayant ses spécificités. Si des garanties ont été apportées à l'Assemblée nationale, nous serons vigilants sur l'application du texte aux agriculteurs.

La séparation des patrimoines est bienvenue, mais votre déni des rapports de force économiques la videra de son contenu. Faute que la possibilité de renonciation ait été supprimée, les banques continueront d'imposer leur volonté.

On laisse entendre que le formalisme freinerait le choix du travail indépendant, mais on ne s'attaque pas aux vrais problèmes des entrepreneurs individuels. Aucune obligation n'est mise à la charge des banques. Dotons-nous d'une grande banque publique qui propose aux entrepreneurs des prêts à taux zéro ou leur accorde sa garantie !

Le dispositif relatif à l'ATI peine tout autant à convaincre. De nombreux indépendants risquent en effet de passer entre les mailles du filet. En outre, ceux qui n'auront pas perçu des revenus suffisants verront leur allocation réduite à moins de 800 euros.

Enfin, le texte reste muet sur les travailleurs de plateformes, malgré l'instauration par la Commission européenne de la présomption de salariat, à laquelle nous souscrivons.

Nous ne partageons donc pas l'enthousiasme des promoteurs du texte. Nous nous abstiendrons.

Mme Françoise Férat .  - (Applaudissements sur quelques travées des groupes UC et Les Républicains) Ce projet de loi représente une avancée importante pour les travailleurs indépendants, engagés pour leur entreprise, leur famille et notre économie. Ces trois millions de travailleurs attendent depuis 1994 des évolutions substantielles de leur statut.

À l'instar de nos rapporteurs, dont je salue le travail, je me félicite de l'accord trouvé en CMP, grâce à leur détermination.

Le groupe UC soutient le nouveau statut d'entrepreneur individuel, plus protecteur du patrimoine personnel - même si devenir entrepreneur, c'est prendre des risques. Il conviendra de veiller à sa bonne application par les banques : la renonciation ne doit pas devenir un argument de pression des banquiers.

Les conditions d'accès à l'ATI sont améliorées, mesure bienvenue car la loi de 2008 était trop restrictive. Mais la réforme pourra avoir des effets de bord négatifs pour certains indépendants, qui toucheront moins de 800 euros par mois. Monsieur le ministre, comment éviter cet écueil et avez-vous prévu des crédits suffisants pour cette nouvelle ATI ?

Ce projet de loi recèle de réelles avancées. Veillons à sa bonne mise en oeuvre avec le soutien des chambres de métiers et de l'artisanat et des CCI, qui sont de précieux interlocuteurs de proximité pour développer l'activité indépendante.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, ministre délégué.  - Tout à fait !

Mme Françoise Férat.  - Enfin, monsieur le ministre, j'attire votre attention sur les conséquences de l'augmentation du coût des matières premières et de l'énergie. Au-delà du bouclier tarifaire, le Gouvernement doit songer à des mesures structurelles pour soutenir les indépendants, dont l'équilibre économique est souvent fragile et qui ont besoin de visibilité.

Le groupe UC votera ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains)

M. Jean-Claude Requier .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Débuté en octobre dernier, l'examen de ce projet de loi se clôt par une CMP conclusive. Tous les textes ne connaissent pas une telle célérité, ni un tel succès...

De l'avis général, cette réforme est profitable aux professionnels concernés. En établissant un nouveau statut de professionnel indépendant, elle déroge au principe d'unicité du patrimoine. Mais, comme en d'autres domaines, les difficultés sont dans les détails : implications économiques et sociales du statut, modalités de transmission, de cessation ou de liquidation d'activité, notamment.

Le projet de loi met en extinction le régime de l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée (EIRL), créé il y a une dizaine d'années. Espérons que le nouveau régime connaisse davantage de succès...

Le texte fusionne les fonds d'assurance formation des artisans et réforme la procédure disciplinaire des experts-comptables, ainsi que la gestion des CCI.

Saluons les avancées sur l'artisanat, même si de nombreuses mesures sont renvoyées à une ordonnance ; c'est le cas aussi pour les professions libérales, à l'exception des règles relatives à la détention de parts sociales. Le texte aurait pu aller plus loin dans la préservation des spécificités des métiers, qui font la richesse de notre économie et de nos territoires.

Je salue le travail de notre collègue Cabanel sur la dématérialisation des procédures, car ces enjeux sont cruciaux.

La protection du conjoint salarié sera, elle aussi, renforcée. (Mme Frédérique Puissat approuve.)

Je regrette un peu que ces mesures, qui ne sont pas anodines, soient examinées en fin de législature. Je ne serais pas surpris que nous ayons à y revenir dans un avenir proche...

Le parti radical est un allié historique des petits indépendants, artisans et commerçants, un monde qui a l'habitude de ne compter que sur lui-même, sans attendre des aides de l'État. Gageons que ce texte leur apportera davantage de sécurité et de moyens pour mener à bien leurs projets au service de la prospérité de nos territoires !

Les membres du RDSE voteront les conclusions de la CMP. (Applaudissements sur les travées du RDSE)

À la demande du RDPI, le projet de loi est mis aux voix par scrutin public.

Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°95 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 253
Pour l'adoption 253
Contre    0

Le Sénat a adopté.

La séance, suspendue à 15 h 20, reprend à 15 h 30.

Aménagement du Rhône (Procédure accélérée)

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle les explications de vote et le vote sur la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relative à l'aménagement du Rhône.

La Conférence des présidents a décidé que ce texte serait discuté selon la procédure de législation en commission prévue au chapitre XIV bis du Règlement du Sénat.

Nominations à une éventuelle CMP

Mme la présidente.  - J'informe le Sénat que des candidatures pour siéger au sein de l'éventuelle commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur cette proposition de loi ont été publiées.

Ces candidatures seront ratifiées si la Présidence n'a pas reçu d'opposition dans le délai d'une heure prévu par notre Règlement.

Explications de vote

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée, chargée du logement .  - Aujourd'hui, nous parlons d'avenir : celui de la concession historique d'un fleuve national, le Rhône, ce « fleuve armé » dont parle Paul Claudel, célèbre pour son impétuosité, fleuve que nous avons dû dompter pour en limiter les crues et l'exploiter au mieux. Sans travaux d'aménagement, l'urbanisation de l'agglomération lyonnaise n'aurait pas été possible. Nous veillons à en préserver la biodiversité et les paysages. Il a évolué avec nous. Il appartient à notre passé et à notre avenir.

Cette proposition de loi de Patrick Mignola, votée à l'unanimité par l'Assemblée nationale, fait consensus ici aussi. Le Gouvernement est profondément attaché à la mission d'intérêt général de la Compagnie nationale du Rhône (CNR), dont la raison d'être est unique : le Rhône pour origine, les territoires pour partenaires et les énergies renouvelables pour avenir.

Cette concession est un formidable outil de transition écologique. Elle exerce trois missions historiques : production d'énergie, navigation fluviale et irrigation agricole. Avec ses dix-neuf centrales hydroélectriques, elle produit le quart de notre électricité hydroélectrique ; 330 kilomètres de voies navigables ont été aménagés pour relier Lyon à la Méditerranée ; la CNR est le premier producteur français d'énergies exclusivement renouvelables, tirant parti de l'eau, mais aussi du vent et du soleil ; elle participe du développement économique du territoire rhodanien ; elle concourt ainsi à la renaturation des berges du Rhône et à la réhabilitation des lônes.

L'engagement en faveur de la biodiversité est dans son ADN. Elle exporte d'ailleurs son modèle à l'international : elle est ainsi à l'origine de l'Initiative pour l'avenir des grands fleuves. À la veille du One Ocean Summit, qui doit s'ouvrir à Brest, la pollution des eaux, fluviales ou maritimes, n'est plus acceptable.

La CNR incarne avec brio ces différentes missions, dans une démarche globale.

Enfin, sa spécificité réside dans sa collaboration vertueuse avec les collectivités territoriales, qu'il s'agisse de financement, d'aménagement ou de protection de l'environnement. On le constate dans la composition même du capital de l'entreprise, auquel 183 collectivités sont associées, aux côtés de la Caisse des Dépôts et d'Engie.

En somme, la CNR est un modèle d'action publique efficace, concertée et adaptée, au plus près des territoires.

Le Gouvernement soutient cette proposition de loi. La concession doit expirer d'ici la fin 2023. Pour anticiper cette échéance, l'État a engagé des travaux dès 2014, qui ont donné lieu à la consultation du public entre 2019 et 2021. Dans la lignée des décisions prises de manière participative, ce texte pérennise les missions de la CNR jusqu'en 2041. Cette prévisibilité est nécessaire, pour le territoire rhodanien, pour l'entreprise et ses 1 300 salariés, pour les collectivités actionnaires.

Il était également vital d'assurer cette stabilité pour l'effort national de transition écologique. Je pense en particulier aux énergies renouvelables : pour atteindre 40 % d'électricité dans le mix national d'ici à 2030, nous avons besoin d'une force d'anticipation et de pilotage.

Cette proposition de loi renforce par la même occasion les exigences du cahier des charges : pérenniser la trajectoire d'investissements ambitieux menée par la CNR - plus de 500 millions d'euros de projets territoriaux financés depuis 2003. Le schéma directeur de la compagnie est aussi renforcé, avec 165 millions d'euros prévus tous les cinq ans. Le concessionnaire doit continuer à avancer avec ambition dans cette voie. De même, les exigences sont fortes pour le développement de l'énergie hydraulique et de la navigation fluviale, pour lesquels 500 millions d'euros d'investissement sont prévus. Cette réforme est donc un formidable coup d'accélérateur pour la réduction des émissions de gaz à effet de serre.

Le concessionnaire devra aussi réaliser une étude préalable à l'installation d'un nouvel ouvrage hydroélectrique à Saint-Romain-de-Jalionas. Puis les pouvoirs publics trancheront en tenant compte de tous les enjeux. Quoi qu'il en soit, l'équilibre économique sera maintenu.

Au-delà du développement des énergies renouvelables, la biodiversité sera défendue, six barrages existants seront équipés pour assurer la continuité piscicole. Le schéma directeur mentionne désormais explicitement la biodiversité.

Les amendements de M. Chauvet ont été adoptés.

M. Loïc Hervé.  - Très bien !

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée.  - Certains sont rédactionnels, d'autres renforcent les enjeux de transition énergétique ou le positionnement des collectivités.

J'espère que les deux chambres trouveront un accord sur un texte d'intérêt général que le Gouvernement soutient et qu'il espère voir aboutir avant la fin du quinquennat. Une bonne politique écologique regarde l'avenir, agit avec et non contre les territoires et part de l'existant pour en faire des occasions à saisir : tel est le sens de ce texte ambitieux et fédérateur ! (Applaudissements sur les travées du RDPI ; M. Éric Gold applaudit également.)

M. Patrick Chauvet, rapporteur de la commission des affaires économiques .  - (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains) Ce texte prolonge la concession attribuée à la CNR, alors même que nos concessions hydroélectriques font l'objet d'un contentieux européen.

Nous apprécions le modèle économique de la CNR, opérateur exemplaire pour la conciliation de l'activité économique avec les enjeux environnementaux et la complémentarité des actions entre collectivités territoriales et acteurs privés. Créée en 1933, cette société anonyme d'intérêt général est détenue pour un tiers par l'État et pour un sixième par les collectivités territoriales. Elle possède 47 ouvrages hydroélectriques, dont 20 centrales et produit 20 % de notre hydroélectricité. Elle est très impliquée dans le photovoltaïque et l'éolien.

Sa concession arrivant à échéance en 2023, elle ne saurait être placée sous le régime des délais glissants qui concerne 39 des 400 concessions existantes. Pourquoi une prolongation si tardive, et par voie législative ? Le Gouvernement aurait dû procéder par décret, sitôt les travaux préalables achevés. Cela étant, nous faisons confiance au Gouvernement quant à la conformité du présent texte aux engagements européens. Il faut mettre la CNR à l'abri du contentieux européen. Les concessions en délais glissants souffrent d'insécurité juridique, le Gouvernement doit apporter une réponse globale.

Cette proposition de loi approuve un nouveau cahier des charges et un nouveau schéma directeur : 3 000 hectares sont transférés de Voies navigables de France (VNF) vers la CNR ; des programmes pluriannuels quinquennaux d'un montant de 165 millions d'euros fixeront les grands investissements ; un programme de travaux supplémentaires est retenu -  le projet de Saint-Romain-de-Jalionas, d'un coût de 190 millions d'euros, reste en suspens et suscite quelques interrogations - ; la redevance reposera davantage sur l'évolution du coût de l'électricité ; enfin, les usages liés à l'irrigation sont confortés par la réaffectation de 10 000 kilowatts.

Mes amendements, adoptés, visent à consolider ce texte selon quatre axes.

Premièrement, il s'agit de développer les énergies renouvelables. Le but, c'est la neutralité carbone en 2050. Concrètement, nous voulons favoriser l'hydrogène renouvelable bas carbone et le photovoltaïque innovant.

Nous voulons mieux associer les collectivités, via les comités de suivi, et en prévoyant leur consultation sur le programme de travaux complémentaires. Nous rétablissons l'avis des conseils départementaux et régionaux sur le cahier des charges et le schéma directeur. Nous garantissons enfin l'éligibilité des groupements de communes aux projets de la CNR.

Nous voulons aussi mieux soutenir les agriculteurs, en associant le ministère de l'Agriculture. Pour les énergies réservées, nous avons tenu à éviter tout effet de bord et à garantir une compensation financière aux acteurs de terrain. Il nous a également semblé utile de compléter les missions de la CNR par le développement des emplois liés à l'irrigation agricole.

Enfin, nous avons tenu à renforcer la sécurité juridique de la concession, en maintenant la référence aux missions d'intérêt général de la CNR.

Mon travail s'est voulu concret, consensuel et concerté. Il répond directement aux demandes entendues lors de mes auditions. Je suis fier que ce texte, ainsi amendé, ait été adopté à l'unanimité par la commission : j'invite le Sénat à réitérer ce vote ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains)

M. Bernard Buis .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Né des eaux de fonte des glaciers, il traverse trois régions, côtoie nombre d'affluents, parcourt onze départements et termine sa course dans le delta de Camargue. C'est bien du Rhône que je vous parle. Si tout se passe bien, il restera en de bonnes mains.

Le génie humain a su maîtriser ce fleuve pour en donner tout le potentiel économique et stratégique. Je salue les représentants de la CNR, présents en tribune. Depuis près d'un siècle, la CNR a su tirer sa légitimité de sa grande proximité avec les territoires et de sa capacité à redistribuer de la valeur. Les missions cardinales de la CNR ont fait l'originalité et la force de la compagnie. Elles ont permis de créer des partenariats presque charnels avec les territoires.

Mais la CNR est aussi résolument tournée vers le renouvelable, avec ses 57 parcs éoliens dans toute la France et de nombreuses centrales photovoltaïques au sud d'une ligne Lyon-La Rochelle.

Nous disposons d'un trésor national, de 19 centrales et 47 ouvrages hydroélectriques, qu'il nous faut préserver.

Élu drômois, je pense à la centrale de Bourg-lès-Valence, inaugurée il y a cinquante ans, qui a nécessité trois ans de chantier, 2 200 hommes, plus de 20 entreprises... À la confluence du Rhône et de l'Isère, ce mastodonte a eu besoin d'un barrage de décharge. Aujourd'hui, la centrale alimente 500 000 habitants en électricité.

Cet enracinement, c'est l'originalité de la CNR. C'est grâce à lui que la Commission européenne a pu reconnaître, avec beaucoup de pragmatisme, que le projet ne relevait pas des aides d'État. L'auteur de ce texte, Patrick Mignola, a rappelé que la CNR ne saurait bénéficier d'avantages indus au titre du prolongement de sa concession.

Quelque 500 millions d'euros d'investissements sont prévus pour des projets en faveur des énergies renouvelables, de la modernisation des ouvrages ou encore de la biodiversité aquatique. La CNR a déjà restauré 120 kilomètres de cours d'eau et 120 000 m2 de zones humides. Elle a établi 69 ouvrages de franchissement piscicole. Au total, ses actions bénéficient à 80 espèces animales. La protection de l'environnement fait partie de ses missions, inscrites dans le cahier des charges et le schéma directeur. Les parlementaires seront étroitement associés à l'évolution de ses travaux.

La baisse du débit du Rhône - de 10 à 40 % en 2050 - est alarmante. Les sécheresses, qui s'accentuent, doivent contraindre la CNR à amplifier ses projets éoliens et solaires. Forte de son maillage territorial et humain, elle recevra cette après-midi toute la confiance de notre groupe. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; MMJean-Claude Requier et Loïc Hervé applaudissent également.)

M. Claude Malhuret .  - De sa source, au sein d'un glacier suisse, jusqu'au terme de ses 814 kilomètres, le Rhône traverse une dizaine de départements, de grandes villes, comme Lyon, et de grands espaces naturels. Les hommes n'ont cessé de l'apprivoiser et de l'aménager. Son lit a été remodelé et il est en cours de renaturation. Le Rhône est l'une des principales solutions pour combattre le dérèglement climatique, dont il est lui-même victime.

Depuis plus de soixante ans, il est au coeur de l'hydroélectricité française. Une vingtaine d'usines hydroélectriques le jalonnent ; il traverse des territoires industriels majeurs et est un refuge de biodiversité. La nature et l'humain se rencontrent sur ses rives, mais l'équilibre est précaire.

Le Rhône est essentiel au transport fluvial. Les engagements exigeants de la France pour la réduction du CO2 passeront par les transports ferroviaires et fluviaux. Il est aussi un atout majeur pour le tourisme, mais aussi pour la faune et la flore.

Le travail fourni pour son aménagement, c'est aussi l'aménagement des territoires qui le bordent. Depuis près de quatre-vingt-dix ans, la CNR entretient le fleuve et dialogue avec les collectivités territoriales.

La prolongation de la concession est l'objectif principal de ce texte. C'est une proposition de loi d'équilibre entre les forces politiques du pays, qui a fait l'unanimité à l'Assemblée nationale comme ici, en commission. Même la Commission européenne juge cette prolongation compatible avec les dispositions relatives aux aides d'État.

Je salue le travail de notre rapporteur et soutiens pleinement cette volonté de prolongation.

De plus, deux points méritent d'être salués.

Le premier, ce sont les relations avec les territoires. Il faut encourager le travail considérable accompli par la CNR et les acteurs de terrain, au premier rang desquels les élus locaux.

Le second, c'est le fait d'inscrire l'aménagement du Rhône dans les objectifs de réduction de carbone, à horizon 2050. Le développement d'une écologie libérale est le seul moyen de réaliser la transition.

Enfin, je salue la sécurisation juridique de la concession.

Le groupe INDEP votera ce texte.

Mme Vivette Lopez .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Loïc Hervé applaudit également.) Sauvage et longtemps réputé indomptable, comme nous le sommes dans le Sud (sourires), le Rhône est le fleuve le plus puissant de France. Mais grâce à la CNR, il a été dompté en préservant les enjeux humains, économiques et écologiques.

Hydroélectricité, navigabilité et irrigation agricole, voilà les atouts de la CNR, dotée d'un modèle unique et efficace de gestion intégrée. Ses actifs de production éoliens et photovoltaïques en font le premier producteur national d'énergies renouvelables.

C'est pourquoi la prolongation de la concession jusqu'en 2041 a réuni un si large consensus. Une possible ouverture à la concurrence avait suscité des craintes, au regard notamment de l'éventuelle irruption d'intérêts étrangers compromettant notre indépendance énergétique. Il fallait protéger la CNR et la prolongation de la concession s'est imposée comme une évidence.

La feuille de route prévoit 500 millions d'euros d'investissements, en faveur de la navigabilité fluviale - transport de marchandises notamment - et de la production d'énergies renouvelables. Dans ses missions, en partenariat avec les 183 collectivités territoriales adhérentes, aménagement du territoire, biodiversité et irrigation agricole sont inscrits.

Élue du Gard, je considère que le périmètre de 27 000 hectares de la concession doit être étendu à l'ensemble du petit Rhône et du grand Rhône. Ainsi, seules les écluses de Beaucaire et de Saint-Gilles demeureraient gérées par VNF. L'ensemble des élus de mon territoire, regroupés dans un syndicat interrégional d'aménagement, est favorable à n'avoir plus qu'un seul interlocuteur : enfin une simplification !

Grâce aux plans quinquennaux, la CNR apportera des financements dans nos territoires. Il était temps, car peu avait été réalisé sur cette partie du Rhône.

Dans le delta, l'agriculture subit des remontées de sel en raison de l'élévation du niveau de la mer. Il faudrait adapter les prises d'eau en pompant les eaux de surface moins salées ; les plans quinquennaux doivent s'intéresser à l'accompagnement de la restauration écologique du petit Rhône et à de nouveaux modes de captation d'eau et de gestion des sédiments.

Je soutiens cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Loïc Hervé applaudit également.)

Mme Sophie Primas.  - Bravo !

M. Thomas Dossus .  - Ce texte était attendu, pour l'aménagement du Rhône, les salariés, les élus, et l'ensemble de notre politique énergétique, de lutte contre le changement climatique et de protection de la biodiversité.

Élu écologiste du Rhône, je soutiens la prolongation et le programme d'investissements. Les 500 millions prévus favoriseront des axes forts - énergie hydraulique, transport fluvial, biodiversité - pour donner à la CNR prévisibilité et moyens.

La baisse à venir du débit du fleuve le plus nucléarisé de France, voire d'Europe, est loin d'être anodine ! Il aurait également fallu insister davantage sur la protection de la biodiversité. La CNR doit poursuivre ses missions d'intérêt général qui participent au développement de la vallée du Rhône.

Ce texte est l'occasion de réaffirmer notre opposition à l'ouverture à la concurrence de notre modèle hydroélectrique. Certes, la CNR est désormais à l'abri, mais quid des autres concessions ? Il manque une réponse globale du Gouvernement. Nous défendons un vrai service public des énergies renouvelables, pour organiser la transition énergétique et assurer notre souveraineté énergétique, tout en maintenant un prix abordable et en régulant les initiatives privées. La question du statut hybride de la CNR, mi-public, mi-privé, se posera à terme : ces activités doivent répondre à des besoins d'intérêt général, pas aux besoins de rentabilité du privé.

Nous voterons ce texte, qui est un premier pas vers les propositions que nous avions faites il y a trois mois et qui avaient été rejetées en bloc par le Sénat.

Je veux conclure en ouvrant un autre débat : il faut oeuvrer à de nouveaux droits pour la nature. Des pays - Nouvelle-Zélande, Équateur, Colombie - ont reconnu la personnalité juridique à des rivières et des fleuves. Plusieurs personnalités le demandent pour le Rhône, j'y souscris pleinement.

Mme Cécile Cukierman .  - Notre groupe votera cette proposition de loi, car elle reporte à 2041 la question de la mise en concurrence de la concession. C'est un vrai bol d'air, dans le contexte libéral où l'on ouvre tout à la concurrence !

Je regrette que sur un tel sujet, le Gouvernement n'ait pas proposé un projet de loi.

La prolongation de la concession de la CNR est en discussion depuis sept ans. Dans le paysage des concessions hydroélectriques, ce modèle est unique. Je salue les représentants des organisations syndicales présents en tribune : ils ont permis l'abandon d'un projet de privatisation.

Il s'agit d'une concession unique, fondée sur quatre missions d'intérêt général financièrement solidaires, dotée d'une gouvernance atypique avec un ancrage local fort, et qui permet la redistribution équilibrée des bénéfices des activités économiques vers les parties prenantes.

Ce texte est attendu par les collectivités, les associations, les salariés. Tous les acteurs sont attachés à ce modèle hydroélectrique français caractérisé par la prise en compte solidaire de la gestion de la ressource en eau et de l'aménagement du territoire. Les fondamentaux du modèle sont préservés, et s'y ajoute la mission d'agir en faveur de la transition énergétique et écologique. Les investissements iront au développement des énergies renouvelables - l'accélération de la production d'hydrogène nécessitera davantage d'eau - et au maintien du parc nucléaire - avec une nécessaire sécurisation en eau supplémentaire.

Il s'agit aussi de développer la navigation, actuellement faible comparée aux files de camions sur l'A7. Il reste beaucoup à faire en matière de transport fluvial. Ainsi, les marchandises pourront circuler en douceur jusqu'au coeur de nos agglomérations.

Le projet de restauration environnementale du fleuve est très ambitieux et les salariés de la CNR développent des compétences uniques en la matière. Enfin, l'irrigation agricole deviendra plus vertueuse. Quant au développement des territoires, des crédits sont alloués aux projets menés par les collectivités territoriales.

Le groupe CRCE votera ce texte.

Mme Sophie Primas.  - Très bien !

M. Loïc Hervé .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) « Le Rhône est si profond, si rapide et si large, que dans la grande Europe il n'a pas son pareil. Emportant des bateaux sans nombre avec leur charge, il va roulant de l'or et roulant du soleil.» Jean Aicard a ainsi parlé de ce fleuve, alors que nous nous apprêtons à modifier la loi adoptée il y a cent ans, le 27 mai 1921.

Le modèle unique de la CNR a été préservé jusqu'à aujourd'hui. Je salue et remercie M. Chauvet qui a su, dans ce texte, conserver des équilibres essentiels.

Élu de Haute-Savoie, je suis heureux de porter la voix de mon groupe sur un texte au bénéfice de ce fleuve, qui part du Massif du Saint-Gothard pour se jeter en Méditerranée.

La CNR est un acteur central du développement des territoires rhodaniens, avec une concession de 27 000 hectares sur lesquels elle mène des projets d'aménagement. Il est heureux que sa concession soit prolongée, en inscrivant la date de 2041 dans le marbre de la loi.

La commission des affaires européennes a renforcé ce texte. Le développement des énergies renouvelables est désormais inscrit parmi les missions historiques de la CNR. Nous avons aussi mieux associé les collectivités territoriales, pour rester au plus près des territoires. Le soutien aux agriculteurs a été renforcé et la sécurité juridique de la concession consolidée.

La CNR n'est pas un simple concessionnaire qui aménage et exploite un fleuve : c'est un acteur central du sud-est de notre pays.

L'UC soutiendra cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

M. Henri Cabanel .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Voilà un moment rare. Les planètes sont alignées, malgré la directive européenne de 1994 sur les concessions...

La prolongation de la CNR jusqu'en 2041 est essentielle. Elle a été privée de l'exploitation des barrages entre 1946 et 2006, en raison de la nationalisation de la production d'énergie.

Cette initiative parlementaire est tout à fait originale, et ne fige pas l'avenir, car des décrets pourront intervenir par la suite, mais elle donne solennité à ces mesures.

Un cahier des charges ambitieux est établi, pour préserver la ressource en eau, alors que le débit du fleuve pourrait baisser de 40 % d'ici 2050.

Ce texte interroge sur la nécessaire modernisation des contrats de concession, qui sont très longs. Les clauses de revoyure en 2028 et 2034 sont à ce titre excellentes.

Nous devons faire en sorte que l'État garde la main sur les actifs stratégiques et que les concessionnaires ne se reposent pas sur leurs lauriers.

Les programmes pluriannuels quinquennaux portent sur 500 millions d'euros, et concernent de nombreux sujets, de l'agriculture à la production d'hydrogène.

Les élus sont bien associés au pilotage des travaux, par exemple pour le projet de Saint-Romain-de-Jalionas : il faut améliorer l'acceptabilité des installations et prévenir les conflits d'usage. La puissance publique doit continuer à exercer son rôle stratégique dans la maîtrise de l'énergie, mais aussi dans le partage des usages de l'eau. La CNR, c'est un quart de la production hydroélectrique de notre pays !

Les conditions de prolongation de la concession de la CNR sont favorables à la transition énergétique, nous voterons donc en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les travées du RDSE)

Mme Florence Blatrix Contat .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) En cette fin de législature, nous examinons dans l'urgence de nombreux textes importants. Cette proposition de loi essentielle n'y fait pas exception.

La mise en concurrence des concessions hydrauliques constitue toujours un point de discussion et de contentieux avec la Commission européenne : cette proposition de loi est donc un soulagement.

Le Rhône est un fleuve au débit irrégulier, parfois dangereux. Les hommes ont toujours cherché à en régulariser le cours.

Un siècle après la création de la CNR, les attentes de nos concitoyens ont évolué : le changement climatique nous oblige à modifier notre approche. Nous devons atteindre la neutralité carbone d'ici à 2050 et avancer résolument dans la réduction des émissions de gaz à effet de serre.

Nous devons aussi soutenir le développement de l'hydrogène et des procédés innovants en électricité photovoltaïque. C'est le sens des amendements adoptés au Sénat.

La CNR a étoffé ses activités, en matière de navigation fluviale, d'irrigation agricole et de production d'énergies renouvelables, avec 20 centrales hydrauliques, 57 parcs éoliens et 49 parcs photovoltaïques.

Le cahier des charges et le schéma directeur prévoient 500 millions d'euros d'investissement, par exemple, pour l'amélioration de six nouveaux barrages et la continuité piscicole.

Je suis très attentive à l'étude de faisabilité en cours sur le projet de Saint-Romain-de-Jalionas.

La CNR doit poursuivre ses missions d'intérêt général dans un cadre renouvelé. La prolongation de la concession jusqu'en 2041 doit préserver la participation des collectivités territoriales dans son pilotage, et nous devons veiller à ce que son capital reste majoritairement public. C'est une garantie de stabilité pour tous les acteurs locaux.

Avec Patrick Chaize, nous avons souhaité que les parlementaires soient pleinement associés aux comités de suivi. Le Sénat représente les territoires, il doit être officiellement représenté.

Le groupe SER est favorable à ce texte, qui modernise le modèle concessionnaire. (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques, applaudit également.)

La proposition de loi est adoptée.

La séance, suspendue à 16 h 30, reprend à 17 heures.

Outils de gestion des risques climatiques en agriculture (Procédure accélérée)

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant réforme des outils de gestion des risques climatiques en agriculture.

Discussion générale

M. Julien Denormandie, ministre de l'agriculture et de l'alimentation .  - Je suis fier de vous présenter une des réformes les plus importantes pour notre agriculture depuis la politique agricole commune (PAC).

Le Sénat a grandement participé aux réflexions sur le sujet depuis dix ans. Je pense à la proposition de loi de Jean-Claude Lenoir en 2015, à celle de 2016 portée par Franck Montaugé, Henri Cabanel et Didier Guillaume, à la proposition de résolution déposée en 2019 par Yvon Collin, Henri Cabanel et Nathalie Delattre.

L'épisode de gel du printemps 2021, plus grande catastrophe agronomique de ce début de XXle siècle, a témoigné de l'impact du changement climatique sur notre agriculture. Sécheresses, grêle, intempéries : nos agriculteurs ne peuvent supporter seuls le coût de ces aléas. C'est une épée de Damoclès, et donc un frein majeur à l'installation. Sans solidarité nationale, comment demander aux jeunes agriculteurs de s'installer, d'investir, quand une année de travail peut être réduite à néant ?

C'est pourquoi le Président de la République a annoncé le 10 septembre dernier, devant les jeunes agriculteurs, cette réforme ambitieuse qui est leur ceinture de sécurité.

Le statu quo était devenu intenable. Les filières sont unanimes pour dénoncer un système à bout de souffle : complexe, parfois injuste, toujours trop long. Ce projet de loi refonde le régime d'indemnisation des pertes de récolte pour les décennies à venir. L'Espagne a ouvert la voie.

Ce texte résulte d'une large concertation dans le cadre du Varenne de l'eau et du changement climatique. Le député Frédéric Descrozaille, qui présidait le groupe de travail dédié, a rendu ses conclusions fin juillet ; elles ont inspiré ce projet de loi.

Plusieurs réformes ont été envisagées par le passé : aucune n'a abouti, car toutes laissaient le monde agricole seul face aux risques climatiques. Or, sans solidarité nationale, point d'issue. C'est la première brique de ce texte. Le financement public dédié passera de 300 à 600 millions d'euros dès janvier 2023.

Le deuxième principe est celui d'une couverture universelle pour remplacer le double système actuel, qui laisse sans solution des pans entiers de notre agriculture.

Citons aussi une plus grande accessibilité de l'assurance multirisque climatique, qui ne couvre aujourd'hui que 18 % des surfaces, faute d'attractivité.

La constitution d'un pool mutualisant les risques, une tarification commune et une plus grande transparence dans la constitution des prix renforceront la confiance dans le système assurantiel.

Enfin, ce système incitera à la prévention, en cohérence avec les investissements déployés : 300 millions d'euros dans le cadre de France Relance, puis 200 millions d'euros en 2022 avec le plan France 2030.

Ce projet de loi propose une architecture de la gestion des risques climatiques en trois étages : le premier relève de l'agriculteur ; le second, de l'assureur - nous utiliserons au maximum les possibilités offertes par le règlement Omnibus, la prime d'assurance sera donc mieux subventionnée ; le troisième, au-dessus d'un seuil de perte, relèvera de l'État. Cela conduira à réduire le coût de l'assurance pour les agriculteurs et évitera également la sélection des « bons » risques par les assureurs.

Un organe de concertation et de pilotage du dispositif est créé entre agriculteurs, assureurs et État. Vous avez précisé en commission la composition et le rôle du Comité d'orientation du développement des assurances récoltes (Codar).

Ce texte pose les fondations de la nouvelle maison de l'assurance agricole, qu'il conviendra ensuite de préciser au niveau réglementaire, en définissant la taille des pièces et la couleur du papier peint. (Sourires)

L'objectif du Gouvernement est bien de porter les financements à 600 millions d'euros en 2023, de fixer les seuils de déclenchement par filière les plus favorables aux agriculteurs, et de profiter au maximum du règlement Omnibus. Cela suppose encore beaucoup de concertation. Cette réforme historique sera applicable dès le 1er janvier 2023, afin d'accompagner notre agriculture sur le chemin de l'adaptation au changement climatique. (Applaudissements sur les travées du RDPI, du RDSE et des groupes INDEP et UC)

M. Laurent Duplomb, rapporteur de la commission des affaires économiques .  - (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP) Je suis heureux d'aborder un débat où, pour une fois, l'agriculteur n'est pas sur le banc des accusés mais au rang de victime.

M. Vincent Segouin.  - Bravo !

M. Laurent Duplomb, rapporteur.  - Nos agriculteurs sont les vigies du changement climatique : depuis toujours, ils sèment sans savoir ce qu'ils récolteront, conscients que le risque zéro n'existe pas.

Mais les aléas climatiques sont de plus en plus fréquents, de plus en plus intenses, et entraînent des dommages croissants. Des épisodes comme le gel du printemps 2021 rappellent combien le travail paysan est un trésor vulnérable. À moyen terme, les évolutions climatiques redessineront la carte agricole, en France et dans le monde.

Le défi sera immense. Pour le relever, il faut s'interroger sur le maintien de nos capacités de production, fragilisées par la concurrence déloyale, par les attaques de certains activistes, par l'envolée des charges - ce Gouvernement aura augmenté la redevance pour pollution diffuse, supprimé les rabais et ristournes sur les intrants, interdit la séparation de la vente et du conseil sur les produits phyto... Fragilisées également par la faiblesse des recettes, le poids des géants de la distribution, et enfin par des aléas climatiques décourageants.

Le système historique d'indemnisation des risques climatiques est à bout de souffle. D'un côté, l'assurance récolte, jugée trop chère et peu adaptée aux besoins, peine à se diffuser. De l'autre, les indemnisations publiques sont contestées, certaines filières comme les grandes cultures ou la viticulture en sont exclues. Ces deux systèmes doivent être complémentaires et non plus concurrents.

C'est l'ambition de cette nouvelle architecture à trois étages, très attendue. Sa réussite repose sur plusieurs facteurs. D'abord, un lancement réussi, ce qui suppose que les assureurs n'augmentent pas artificiellement leurs primes et que l'expertise ne soit pas déshumanisée. Notre commission prévoit notamment une contre-enquête de terrain pour évaluer le niveau estimé des pertes.

Second facteur de réussite : que les assureurs retrouvent de la rentabilité. C'est l'objectif de l'article 7, qui permet, par voie d'ordonnance, la mutualisation des données et des risques. La commission a veillé à la compatibilité avec le droit de la concurrence.

Troisième facteur de succès : agir au niveau européen, dans le cadre de la présidence française de l'Union européenne, pour réformer le système de la moyenne olympique, qui pénalise nos exploitants.

La prévention est la seule solution pour renforcer la résilience de notre agriculture. Nous proposons un principe simple et incitatif : une baisse des primes pour les exploitants ayant mis en place des mesures de prévention.

Enfin, il convient de tendre vers un système assurantiel à la carte. La commission propose des assouplissements en ce sens.

J'ajouterais que la réussite dépend de la visibilité du système proposé. Comment s'engager dans un contrat d'assurance sur plusieurs années quand les taux de subvention, le niveau d'intervention de l'État ou la franchise peuvent varier du jour au lendemain ? La commission a prévu une stabilité de ces variables sur cinq ans.

Difficile de redonner confiance, alors que ce texte inabouti multiplie les renvois à des décrets et ordonnances, à quelques jours du Salon de l'agriculture et à quelques semaines de l'élection présidentielle, et que l'article 40 de la Constitution nous interdit de l'amender en profondeur... (M. le ministre indique qu'il n'en peut mais.)

Nous ne pouvons voter un texte aussi flou. Si nous vous donnons les clés du camion, au moins nous vous fournissons le GPS ! C'est ce que la commission vous propose en faisant de ce texte une véritable loi d'orientation, en indiquant clairement les cibles de taux pluriannuels. Vous ne pouvez priver le Parlement de ce débat essentiel.

Notre position est claire : Omnibus, tout Omnibus, rien qu'Omnibus. Or, une fois n'est pas coutume, nous sommes en pleine sous-transposition ! Il faut inciter les cultures les moins assurées à entrer dans le système en garantissant un seuil d'intervention de l'État à 30 % pour les prairies et les vergers notamment.

Nous vous invitons à signer un contrat de confiance avec le monde agricole en adoptant un projet de loi lisible et ambitieux. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC ; M. Franck Menonville applaudit également.)

M. Patrice Joly, rapporteur pour avis de la commission des finances .  - La commission des finances s'est saisie pour avis de ce projet de loi compte tenu de ses enjeux budgétaires.

Le changement climatique nous oblige à repenser l'indemnisation du risque climatique mais aussi nos pratiques agricoles, dans une logique de prévention et d'adaptation.

Quel sera le coût de cette réforme ? Le Gouvernement a annoncé un doublement des moyens alloués à la gestion des risques climatiques en agriculture de 300 à 600 millions d'euros dès 2023, sans détailler la ventilation de cette enveloppe.

La contribution du fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) aux subventions à l'assurance multirisque climatique (MRC) passera de 150 à 185 millions d'euros, tandis que le taux de la contribution additionnelle des agriculteurs au fonds national de gestion des risques en agriculture (FNGRA) doublera.

Toutefois, les dispositions fiscales ou budgétaires et les arbitrages financiers sont renvoyés au projet de loi de finances pour 2023 ; c'est un angle mort. Surtout, le taux de franchise, le taux de subvention par filière et le seuil d'intervention par l'État seront définis par voie réglementaire, privant les exploitants de visibilité. Nous avons donc précisé le texte sur ces points. (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. Vincent Segouin applaudit également.)

M. Laurent Duplomb, rapporteur.  - Très bien !

M. Claude Nougein, rapporteur pour avis de la commission des finances .  - (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP ; M. Patrice Joly, rapporteur pour avis, applaudit également.) Je me suis intéressé aux articles 7 et 10 du projet de loi, qui relèvent de notre commission des finances.

L'article 7 habilite le Gouvernement à légiférer par ordonnance sur le groupement d'assureurs. Si le principe d'une plus grande mutualisation est pertinent, l'article est bien trop imprécis et la méthode contestable. L'habilitation est très large, l'architecture du groupement n'est pas arrêtée et le Parlement privé d'un débat sur un sujet majeur.

Quel degré de concurrence entre les assureurs ? Comment rendre le marché attractif pour étoffer l'offre ? Je m'étonne que le Gouvernement ne propose pas un texte plus abouti, compte tenu des travaux préalables au dépôt du projet de loi.

Nous défendrons plusieurs amendements visant à resserrer le champ de l'habilitation. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Patrice Joly, rapporteur pour avis, applaudit également.)

Demande de priorité

Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques.  - Pour la clarté du débat, la commission des affaires économiques demande, en vertu de l'article 44 du Règlement, l'examen en priorité de son amendement n 103, qui porte sur les taux, afin qu'il soit examiné avant l'article 2.

M. Julien Denormandie, ministre.  - Avis favorable.

Mme la présidente.  - La priorité est ordonnée.

Discussion générale (Suite)

M. Franck Menonville .  - (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP) La réforme de l'assurance récolte est très attendue, compte tenu des effets du changement climatique, qui fragilisent les revenus des agriculteurs. Entre 2016 et 2019, les dégâts s'élèvent à près de 2 milliards d'euros. L'épisode de gel du printemps 2021 a démontré les failles d'un système de gestion des risques à bout de souffle, qui manque de visibilité et d'attractivité.

À ce jour, nous disposons de trois outils : l'assurance MRC pour les cultures assurables ; l'assurance monorisque, contre la grêle et la tempête, voire le gel ; enfin, l'indemnisation des calamités agricoles, pour les cultures jugées non assurables.

Ces outils ne sont plus adaptés. L'assurance MRC reste trop peu souscrite ; seules 18 % des surfaces d'exploitations sont couvertes. On constate aussi de grandes disparités entre les productions. Hors prairies, 96 % des surfaces agricoles sont exclues du bénéfice du régime des calamités agricoles.

Le Sénat est mobilisé sur ce sujet de longue date, avec deux propositions de loi, une proposition de résolution, une mission d'information et un groupe de travail, présidé par Laurent Duplomb.

Le projet de loi vise à généraliser la couverture MRC en créant une complémentarité des différents dispositifs, via un système à trois étages, afin de pérenniser l'offre assurantielle et de mettre en place un pool d'assureurs pour mutualiser les risques.

Ce dispositif, clef de voûte de la réforme, doit aboutir à une offre solide, pérenne, universelle. Grâce au partage de l'information, les assureurs pourront proposer des offres plus adaptées, couvrant davantage de cultures et de risques. D'où la nécessité de rendre obligatoire l'adhésion au pool.

Le succès du dispositif dépendra aussi de l'attractivité des offres assurantielles et de la pérennisation du soutien européen. M. le rapporteur a raison : nous devons exploiter au maximum le règlement Omnibus.

L'État devra garantir dans le temps son niveau d'aide, qui doit doubler pour atteindre 600 millions d'euros.

Enfin, monsieur le ministre, je salue votre engagement dans ce dossier : il y va de l'avenir de notre agriculture, de sa résilience et de notre souveraineté alimentaire. Mais la gestion des risques repose également sur la constitution de stocks, l'épargne de précaution, de meilleurs outils de gestion de l'eau, sans oublier les évolutions techniques et technologiques. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains)

M. Fabien Gay .  - Démarrage de végétation toujours plus précoce, gels destructeurs, grêle, canicules, manque de précipitations, rapports successifs du GIEC, toujours plus alarmants : les aléas d'hier sont devenus des risques récurrents. Il faut adapter nos outils : cette unique question devrait guider nos choix en matière de prévention et de gestion des risques agricoles, mais d'autres préoccupations priment : la concurrence, le marché, le profit.

La profession agricole bénéficiait des garanties minimales publiques, mais on a progressivement affaibli le fonds national de garantie des calamités agricoles, créé en 1964. On siphonne un fonds public pour développer l'assurance privée, alors même qu'elle est inefficace et inadaptée aux enjeux de notre siècle, et ne survit que grâce aux subventions ! Seules 20 % des surfaces agricoles sont couvertes par un contrat MRC, et seulement 2,5 % pour l'arboriculture et les prairies. Presque aucune structure familiale n'est couverte et ces contrats ne permettent pas de couvrir des pertes significatives. Ils ne sont pas accessibles pour des fermes familiales à faibles revenus.

Or c'est cette même direction que prend ce projet de loi, en prélevant sur le budget de la PAC pour généraliser les assurances privées.

Ce projet prétendument universel laissera nombre d'agriculteurs sans couverture. Il pénalise ceux qui n'auront pas souscrit d'assurance risque, qui seront moitié moins indemnisés. Vous excluez des productions essentielles, comme le maraîchage diversifié ou l'apiculture, pourtant en première ligne face au changement climatique, a rappelé la Confédération paysanne.

La commission des affaires économiques a même prévu à l'article 3 ter une minoration de l'aide à l'installation pour les candidats non assurés. Au lieu d'imposer des restrictions, nous devrions encourager l'accès aux aides à l'installation !

Enfin, ce texte acte un peu plus le retrait de l'État en laissant une place centrale aux assureurs dans la gouvernance.

Nous prônons pour notre part un nouveau régime ambitieux, public, solidaire et mutualisé, couvrant de manière universelle tous les agriculteurs, toutes les agricultures, financé notamment par un prélèvement sur les revenus financiers des grands groupes agroalimentaires, de la distribution, de l'industrie phytosanitaire, de la banque et de l'assurance.

La gestion de ce régime serait confiée majoritairement aux représentants de la profession agricole, pour assurer la meilleure couverture des pertes et jouer un vrai rôle de prévention et d'adaptation.

Malgré les avancées apportées en commission, comme la possibilité de contester l'évaluation des pertes ou de plafonner le montant des primes, nous ne voterons pas ce texte, sauf si nos amendements sont adoptés. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE)

M. Daniel Gremillet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Pierre Louault applaudit également.) Cet instant est presque solennel ; nous sommes en train de rebâtir l'édifice construit en 1964. Nous avons le devoir d'être au rendez-vous, non seulement des agriculteurs, mais de la souveraineté alimentaire. (M. Gérard Longuet opine.) Quels que soient les gouvernements, pendant 58 ans, ils ont été au rendez-vous, aux côtés des paysans.

En 1964, on disait déjà à l'agriculteur qu'il devait alimenter le fonds de gestion des calamités agricoles pour bénéficier du soutien de l'État. C'est un point fort. La responsabilité de ce que l'agriculteur peut assurer, quel que soit le type de production, va de pair avec celle des assureurs, de l'État et de l'Union européenne.

Monsieur le ministre, nous restons toutefois un peu frustrés. Cette initiative était certes nécessaire ; mais nous travaillons à la hâte et l'article 40 interdit un travail parlementaire approfondi. (M. le ministre s'en défend.)

Ce rendez-vous ne reviendra pas de sitôt, or nous manquons de certitudes. (M. le rapporteur le confirme.)

Monsieur le rapporteur, encore merci du travail que vous avez accompli. Pour les deux premiers étages de ce système - agriculteur et part assurantielle -, il y aura consensus ; mais la sécurité financière doit être inscrite noir sur blanc. C'est une responsabilité dans le temps, pour notre souveraineté alimentaire.

Les jeunes agriculteurs sont un enjeu à part entière. En 2015 et en 2017, j'avais déjà proposé un dispositif en leur faveur, auquel ils étaient très favorables. Il faut les aider à s'engager dans l'activité agricole.

Enfin, j'espère que tout se passera bien en 2022...

Mme Sophie Primas, présidente de la commission.  - Climatiquement ! (Sourires)

M. Daniel Gremillet.  - Certaines compagnies d'assurances ont augmenté leurs primes de 225 %. Les agriculteurs ne peuvent pas suivre : voilà pourquoi il faut agir.

Nous soutiendrons sans faille le travail de notre rapporteur, pour la souveraineté alimentaire de notre pays ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)

Prérogatives d'une commission d'enquête

Mme la présidente.  - Par lettre en date de ce jour, la commission des affaires sociales demande au Sénat, en application de l'article 5 ter de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, de lui conférer les prérogatives attribuées aux commissions d'enquête, pour une durée de six mois, afin de mener sa mission d'information sur le contrôle des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes.

La Conférence des présidents examinera cette demande lors de sa réunion de ce jour à 18 heures.

Outil de gestion des risques climatiques en agriculture (Procédure accélérée - Suite)

Discussion générale (Suite)

M. Daniel Salmon .  - Voilà trois ans que nous attendions un tel projet de loi. Il arrive opportunément, à deux mois des présidentielles. Il nous avait pourtant été promis le 21 juin 2019 par votre prédécesseur, Didier Guillaume ; un an plus tard, le même promettait une loi avant la fin de l'année. Après deux ans et demi de travaux, nous étions en droit d'attendre un meilleur texte. Il ne fallait pas tant de temps pour mettre la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA) d'accord avec elle-même ! On ne s'étonne pas, même si on le regrette, que vous ne cherchiez pas l'accord de la Confédération paysanne ; mais même les autres organisations syndicales s'inquiètent du flou qui entoure votre projet, dont de larges pans sont renvoyés aux ordonnances, aux décrets et à la loi de finances.

Le dérèglement climatique bouleverse en profondeur tout notre système assurantiel. Le risque climatique est d'une échelle sans commune mesure : le modèle assurantiel ne peut pas faire front quand il touche des départements entiers, voire tout le pays ! Les systèmes d'indemnisation publics, catastrophes naturelles et calamités agricoles, ne suffisent plus. De tels événements sont potentiellement dévastateurs - une année de revenus, perdue en quelques heures ! - et le coût des assurances est beaucoup trop élevé pour la majorité des agriculteurs.

Malgré les subventions, seuls 13 % d'entre eux sont assurés. Le système est déficitaire, avec un ratio de sinistralité de 105 %. Les assurances versent plus qu'elles ne touchent et, de ce fait, se retirent de certains territoires ou abandonnent le marché.

Pour combler cette faille structurelle, vous proposez de subventionner davantage les contrats d'assurance.

M. Julien Denormandie, ministre.  - Non !

M. Daniel Salmon.  - Comme beaucoup, nous craignons des effets d'aubaine. Le groupement d'assurances que vous voulez créer semble conduire droit à un oligopole. (Nouvelles dénégations du ministre) La gouvernance envisagée accorde beaucoup trop de place aux assureurs. Vous créez un régime à plusieurs vitesses, en favorisant la prise en charge publique des agriculteurs assurés au détriment des autres. Le risque, c'est le désengagement de la solidarité nationale et le recul de la protection pour les cultures non assurables.

Plutôt que des cultures diversifiées plus résilientes, vous protégez la monoculture, avec un système de calcul qui incite à toujours davantage de rendement, au détriment du financement de l'agroécologie et des mesures environnementales !

Comme le demande la majorité des organisations syndicales, le GEST votera contre ce texte, cautère sur une jambe de bois. Votre projet de loi ne pourra faire face à la multiplication des aléas climatiques. L'article 40 nous a empêchés de l'amender réellement pour proposer le projet d'assurance mutualiste, financé par la solidarité nationale et gouverné par les agriculteurs, que nous appelons de nos voeux.

M. Pierre Louault .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) De toute éternité, les agriculteurs traversent des années particulièrement difficiles. Agriculteur pendant 45 ans, j'ai connu l'année 1976. Cette année, certaines productions ont été détruites à 100 %. Je pense aux secteurs viticole et arboricole notamment.

Les régimes qui se sont succédé depuis 1964 et qui ont connu une période de bon fonctionnement, montrent leurs limites. La capacité de financement des agriculteurs n'étant pas à la hauteur du risque, les assurances ont capitulé.

La critique est aisée, mais l'art est difficile. Ce texte a au moins un mérite : considérer dans sa globalité la difficulté des agriculteurs à s'assurer, en proposant un dispositif partenarial, l'agriculteur prenant en charge l'aléa courant, notamment grâce à ses cotisations, l'assureur, l'aléa significatif, et la puissance publique, les calamités agricoles.

L'assurance doit être, sinon obligatoire, du moins fortement encouragée. Je suis favorable aux amendements de la commission qui vont dans ce sens. Les assureurs mutualistes, comme le Crédit Agricole et Groupama, sont en première ligne.

Le texte de la commission donne une visibilité à horizon de cinq ans sur le taux d'intervention publique, le temps que le dispositif monte en puissance et que la profession s'assure.

Il renforce le Codar, où toutes les filières pourront être représentées. La liste des risques non assurables devra, en parallèle, être définie clairement. Les moyens de prévention mis en oeuvre par l'exploitant seront un critère en fonction duquel sera adaptée la prime d'assurance.

L'Europe demande un système incitatif : dès lors, l'obligation d'assurance est impossible. Monsieur le ministre, nous avons confiance en vous ; nous ne savons pas qui sera ministre de l'Agriculture demain. Il faut prendre les précautions demandées par M. le rapporteur ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

M. Henri Cabanel .  - La nuit du 7 au 8 avril 2021, à cause de la gelée, nos agriculteurs ont tout perdu, leurs récoltes et leurs rêves. La gestion des risques est primordiale pour l'agriculture. Les travaux des météorologues sont sans appel : ce qui était exceptionnel hier sera commun demain.

Vous avez cité les travaux du Sénat, monsieur le ministre. En 2016, avec M. Montaugé, nous avions déposé une proposition de loi, votée à l'unanimité. Le RDSE s'était mobilisé dès 2008, avec une proposition de loi de MM. Collin et Baylet visant à rendre obligatoire l'assurance récolte. Ce texte avait été rejeté en séance ; la filière n'était pas prête.

La gelée noire de 2021 nous a conduits à nous emparer de ce sujet : mieux vaut tard que jamais.

Selon l'assurance Pacifica, près d'un agriculteur sur deux a connu un aléa climatique au cours des trois dernières années.

Seulement 18 % de la surface agricole française est couverte par un contrat MRC, mais avec de grandes disparités : 35 % pour les grandes cultures, 3 % pour l'arboriculture. La culture de gestion du risque est peu développée en France. En revanche, les jeunes agriculteurs sont largement favorables à une généralisation du système assurantiel.

Le FNGRA a dépensé 180 millions d'euros en 2020, montant inédit depuis 2014.

L'article 2 témoigne d'une forte avancée, en application du règlement Omnibus : le taux maximum des subventions publiques passera de 65 à 70 %. Le seuil d'éligibilité sera quant à lui abaissé de 30 à 20 % des pertes.

La proposition de M. Duplomb sur la minoration de la DJA a inspiré mes trois amendements.

Malgré ces réserves, le groupe RDSE votera ce texte. Jamais un agriculteur ne doit revivre les conséquences de cette nuit de gel d'avril 2021. Un jeune agriculteur doit pouvoir vivre ses rêves avec plus de sérénité. (Applaudissements sur les travées du RDSE et sur quelques travées du groupe UC)

M. Franck Montaugé .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Il a fallu du temps pour prendre conscience de la situation des agriculteurs, mais l'épisode de grand gel de 2021 a été crucial.

Le taux de pénétration des assurances agricoles est très faible en France : à peine 3 % pour certaines cultures.

L'échec est patent. En avril 2016, M. Cabanel, que je salue, faisait adopter une proposition de résolution pour mieux protéger le revenu des agriculteurs. Le Sénat avait ainsi créé un fonds de stabilisation du revenu agricole - que l'Assemblée nationale n'a jamais adopté.

Nous réformons ici le régime assurantiel des agriculteurs en l'adaptant au règlement Omnibus. Nous demandions ces réformes depuis 2017. Pourquoi avoir tant attendu ? Que de temps perdu !

Le système à trois étages qui est proposé va dans le bon sens, mais ne répond pas à toutes les demandes des agriculteurs. Les ordonnances et les décrets fixant les seuils et les taux seront cruciaux.

La question du calcul des moyennes de rendements reste en suspens. Les ordonnances sont un chèque en blanc signé au Gouvernement.

Il faudra encore creuser le sillon labouré depuis des années par notre groupe. Nous répondrons présents pour ces mesures, que nous voulons approfondir, en responsabilité. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

M. Bernard Buis .  - La capacité d'adaptation de l'espèce humaine est unique, mais le dérèglement climatique, fruit de notre activité, la dépasse parfois.

Les agriculteurs doivent s'adapter aux variations subites du climat : ils cultivent désormais du sorgho mais abandonnent d'autres cultures, comme le colza, car le gel printanier est trop risqué.

En quelques heures, le 7 avril 2021, nous avons vu des températures passer brutalement à -8°C. Les agriculteurs ont lutté comme ils ont pu, avec des bougies, des souffleurs d'air chaud, des feux de paille : en vain. Le montant des pertes liées au gel noir dans la Drôme s'élève à 200 millions d'euros, un cauchemar.

Mais les excès du climat ne vont pas cesser : pluies diluviennes, sécheresses, canicules - on se souvient des 46°C enregistrés dans le Gard en 2019.

Nous ne pouvons plus attendre... Trop de pertes, trop de drames humains. Nos agriculteurs sont très peu couverts - seulement 6 % des arboriculteurs sont assurés.

Dans le cadre du Varenne de l'eau, le régime assurantiel a été repensé en profondeur. Le Président de la République a souhaité donner un coup d'accélérateur.

La réforme que vous nous présentez repose sur un système à trois étages, assis sur la solidarité nationale. Le fonds sera doté de 600 millions d'euros par an, contre 300 millions d'euros actuels. Il s'agit de proposer des assurances accessibles à nos agriculteurs. Les délais d'indemnisation doivent aussi être réduits : il faut penser en semaines, non plus en mois.

Cependant, les amendements peu rigoureux du rapporteur, qui flirtent avec l'article 40, sont trop rigides et contre-productifs. Il ne faut pas passer outre les lois de finances. Ne tombons pas dans la communication, la précipitation, les effets d'annonce. (Signes d'agacement au banc des commissions)

Ce dernier grand texte agricole du quinquennat s'ajoute à divers textes au service d'une agriculture résiliente. Maintenons le cap.

Nous voterons ce texte.

M. Laurent Duplomb, rapporteur.  - Je ne demandais pas mieux !

M. Vincent Segouin .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Avec ce texte, il s'agit d'assurer une pérennité financière aux exploitations peu couvertes par les assurances. Pour les agriculteurs, le calcul de la moyenne olympique du rendement est décrié et le reste à charge de 30 % trop élevé. Pour les assureurs, le système n'est pas rentable.

Les aléas climatiques découragent les jeunes agriculteurs, mais le financement des assurances pose problème.

Les 360 millions d'euros budgétisés en 2021 ont été largement abondés grâce à l'intervention de l'État. Selon vous, pour financer les aides, la PAC versera 180 millions d'euros, l'État 300 millions et les agriculteurs 120 millions. Nous passerions ainsi à 600 millions. Mais votre discours, monsieur le ministre, n'est pas clair... Il ne s'agit pas uniquement de crédits de l'État. De plus, aucune projection n'a été fournie par vos services.

Les sinistres au-delà du seuil d'intervention doivent aussi être pris en compte. Le dispositif n'est en réalité pas pérenne et à l'article 7, le « quoiqu'il en coûte » se généralise.

Le texte ne réglera en rien les défis auxquels font face les agriculteurs, sur lesquels le Sénat alerte depuis des années.

Vous nous demandez de légiférer par ordonnances... Je désapprouve la méthode, tout comme le manque de sérieux budgétaire et le gonflement de la dette pour les générations futures.

En l'état, je ne voterai pas ce texte.

M. Jean-Michel Arnaud .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Il s'agit de s'armer et de s'adapter face au dérèglement climatique.

La gestion des risques n'est pas pertinente : elle est mal organisée et peu lisible pour les agriculteurs. Lors du gel de 2021, l'État fut, en partie, au rendez-vous.

Le système actuel montre des failles : les aides ne sont pas adaptées aux réalités territoriales.

Les trois étages de prise en charge proposés par ce texte constituent un modèle plus pertinent. Cependant, des limites subsistent.

Pour pouvoir s'adapter, les assureurs doivent disposer de temps.

En outre, l'Autorité de la concurrence alerte sur la conformité du groupement d'assureurs au droit européen. L'obligation d'y participer ne doit pas créer de distorsion de concurrence. La présence de la Caisse centrale de réassurance assurerait une meilleure harmonisation.

Les agriculteurs devront se saisir des outils de gestion de risque et en être les promoteurs.

Les 600 millions d'euros évoqués par le ministre viennent principalement de l'argent agricole, PAC comprise. Il ne faut pas laisser croire le contraire.

Nous devons être aux côtés de nos agriculteurs, essentiels pour notre souveraineté alimentaire et pour nos paysages. Nous devons leur donner confiance et nous espérons que les coûts des assurances seront supportables par chacun d'entre eux. Car si beaucoup ne sont pas assurés, c'est souvent faute de moyens.

Dans la vallée de la Durance, la gelée noire a plongé les agriculteurs dans une immense détresse. Monsieur le ministre, j'espère que votre écoute, réelle, ne sera pas vaine. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

M. Denis Bouad .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Jadis, le dérèglement climatique était un sujet de conversation pour les scientifiques. Désormais, c'est une réalité sur nos territoires, qui nous affectera plus encore demain. La ferme France est en première ligne, alors que l'aléa climatique devient un risque certain.

Au printemps 2021, j'ai accompagné les agriculteurs bouleversés par les conséquences du gel noir. Quelle catastrophe, quel drame humain !

Nous souhaitons un recours massif à la solidarité nationale, une application maximale du règlement Omnibus et la création d'un pool d'assureurs pour mutualiser les risques. Votre texte répond à des demandes anciennes, nous le voterons donc.

Mais nous exprimons des réserves, notamment en matière d'habilitation à légiférer par ordonnances.

J'espère que vous nous entendrez, car nous souhaitons que cette réforme aboutisse pour sécuriser nos agriculteurs.

Le caractère universel de ce nouveau système doit être garanti : il faut que tous les agriculteurs aient accès aux assurances. L'État doit s'engager en la matière.

Le niveau de franchise doit conduire à accroître les ratios d'agriculteurs assurés, bien au-delà du taux actuel de 18 %. Le succès de cette réforme se mesurera au niveau d'assurés MRC. Les conditions incitatives doivent être proposées sur le long terme. Il nous faut sécurité et pérennité.

La référence olympique est un véritable frein. La France doit s'engager au niveau international pour réformer cette disposition issue des accords de Marrakech.

Dans mon département, les agriculteurs ont subi trois sinistres en cinq ans ! La présidence française de l'Union européenne est l'occasion de porter ce sujet devant l'OMC. Saisissons-la. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

M. Olivier Rietmann .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Comment accueillir ce texte, si ce n'est avec bienveillance ?

Réformer les outils de gestion des risques climatiques est crucial pour nos agriculteurs comme pour notre souveraineté alimentaire.

Il est regrettable d'avoir attendu le gel d'avril 2021 pour légiférer. La Haute-Saône, comme d'autres départements, a été très marquée, notamment par le gel des cerisiers de Fougerolles.

Le système actuel est à bout de souffle. Il doit être réformé, mais les mesures proposées manquent de clarté.

Des engagements forts de l'État sont indispensables.

Le système actuel des calamités agricoles défavorise les exploitants diversifiés en raison du critère de 13 % de taux de pertes. Nous avons supprimé ce seuil, ce qui pousse à la diversification.

Par ailleurs, monsieur le ministre, nous attendons l'engagement du Gouvernement : l'indemnisation par l'État doit être déclenchée dès 30 % les cinq premières années pour les prairies et les vergers. Sinon, nous manquerons notre cible.

La moyenne olympique étant dépassée, la PFUE devra la faire évoluer. Par ailleurs, le règlement Omnibus doit être pleinement appliqué.

Enfin, l'article 3 bis prévoit une contre-expertise des pertes. Il faut le maintenir. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Franck Menonville applaudit également.)

M. Julien Denormandie, ministre.  - MM. Gremillet et Menonville ont qualifié ce projet de loi d'historique ; c'est bien le cas. Il faut aller au bout de la réforme, qui s'inspire notamment de ce que fait l'Espagne.

D'aucuns estiment que nous agissons par opportunisme et par électoralisme. Mais s'il est un ministre qui s'est penché avec application sur cette question, c'est bien moi. Vous savez que nous travaillons depuis longtemps sur le sujet. Monsieur Cabanel, la résolution de 2016 prévoyait de financer l'assurance récolte par le deuxième pilier de la PAC : les agriculteurs finançaient les agriculteurs. La proposition de loi de Jean-Claude Lenoir de 2018 envisageait quant à elle une réserve spéciale d'exploitation. Dans les deux cas, les agriculteurs se couvraient eux-mêmes, sans recours à la solidarité nationale.

Monsieur Segouin, j'ai toujours été clair sur le financement, je l'ai d'ailleurs rappelé à cette tribune : les 300 millions actuels ne relèvent pas uniquement des crédits d'État. Il en va de même des 600 euros annoncés, avec un effort marqué pour le budget de l'État.

Monsieur Gay, monsieur Salmon, le fondement de ce texte est la solidarité nationale : nous passons de 300 à 600 millions d'euros, et vous dénoncez un désengagement de l'État ? Il n'est pas question de favoriser les assureurs, bien au contraire. Ils ne sont guère favorables à la réforme d'ailleurs, car ils savent que mon objectif est de leur serrer la ceinture. Je ne sais plus quoi faire pour vous contenter...

S'agissant de la moyenne olympique, je vous rappelle qu'elle relève de l'OMC. Il faut ouvrir ce dossier au niveau international.

La discussion générale est close.

Discussion des articles

AVANT L'ARTICLE PREMIER

Mme la présidente.  - Amendement n°92, présenté par M. Duplomb, au nom de la commission des affaires économiques.

I.  - Avant l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le présent article fixe les objectifs, la stratégie et la programmation financière et opérationnelle de l'intervention de l'État pour renforcer la résilience de l'agriculture française face au changement climatique par le biais d'une mobilisation d'un système universel de gestion des risques en agriculture pour la période 2023 à 2030.

Cette programmation, qui contribue à assurer la pérennité et la résilience des systèmes de production agricole dans un contexte d'accélération du changement climatique, en garantissant l'accès des agriculteurs à un système universel de gestion des risques climatiques en agriculture, vise trois objectifs :

1° Développer des dispositifs de prévention et de protection adaptés à toutes les cultures ;

2° Créer et mieux diffuser des produits d'assurance et des mécanismes d'indemnisation efficaces et complémentaires entre eux, en accompagnement de stratégies d'adaptation des filières et des bassins de production ;

3° Appliquer systématiquement un principe de solidarité nationale pour préserver la pérennité des cultures agricoles.

Les dépenses publiques prévisionnelles pour atteindre ces objectifs s'inscrivent dans la perspective d'une enveloppe annuelle de 600 millions d'euros par an sur la période 2023-2030.

II.  -  En conséquence, faire précéder cet article d'une division additionnelle et de son intitulé ainsi rédigé :

Chapitre...

Programmation des interventions publiques pour promouvoir une meilleure résilience de l'agriculture française face au changement climatique par la mobilisation de divers outils de gestion des risques

M. Laurent Duplomb, rapporteur.  - Le fonds Calamités a été ponctionné par l'État à hauteur de 10 millions d'euros chaque année...

M. Vincent Segouin.  - Eh oui !

M. Laurent Duplomb, rapporteur.  - Sans compter les 255 millions d'euros récupérés par l'État en 2015. (M. René-Paul Savary s'offusque.) L'État est aussi responsable de l'échec du système.

Cet amendement transforme le texte en projet de loi d'orientation budgétaire, en indiquant clairement que le budget prévisionnel annuel se montera à 600 millions d'euros.

M. Julien Denormandie, ministre.  - Retrait ou avis défavorable. Votre amendement confond dispositifs de protection et assurances. Or les 600 millions d'euros de 2023 ne concerneront que l'assurance, pas les dispositifs de protection : vous êtes donc moins-disant que le Gouvernement.

M. Laurent Duplomb, rapporteur.  - Justement !

M. Julien Denormandie, ministre.  - En outre, une telle disposition relève de la loi de finances initiale.

M. Vincent Segouin.  - Le ministre confirme que rien n'est réellement budgétisé : vous procédez au doigt mouillé. Vous gérez l'argent public sans penser au montant de la dette.

M. Franck Montaugé.  - Nous sommes favorables à cet amendement qui donne une perspective pluriannuelle. Nous nous affranchissons ainsi des contraintes de l'article 40 et cela nous permet d'améliorer la situation des agriculteurs.

M. Laurent Duplomb, rapporteur.  - Il s'agit de prévisions. Qui peut le plus, peut le moins ! Nous avons retenu le chiffre de 600 millions d'euros conformément aux propos du Président de la République et aux vôtres. Article 40 oblige, nous nous sommes gardés de dépasser ce montant. Si vous allez au-delà, nous sommes preneurs !

M. Julien Denormandie, ministre.  - Je ne suis pas responsable de l'article 40.

Votre amendement ne traite pas que de l'assurance récolte mais aussi de la prévention et de la protection. Nous investissons par ailleurs 380 millions d'euros en 2021-2022 avec France Relance et 2,8 milliards d'euros avec France 2030.

Enfin, cet amendement n'est pas normatif.

L'amendement n°92 est adopté et devient un article additionnel.

ARTICLE PREMIER

M. Gérard Lahellec .  - L'article 40 nous empêche une nouvelle fois de débattre. Nous avons besoin d'un système assurantiel solidaire universel pour les exploitations agricoles en difficulté. Je regrette que ce texte laisse des agriculteurs sur le bord de la route.

L'article premier est adopté.

ARTICLE PREMIER BIS

Mme la présidente.  - Amendement n°93, présenté par M. Duplomb, au nom de la commission des affaires économiques.

Supprimer cet article.

L'amendement de coordination n°93, repoussé par le Gouvernement, est adopté et l'article premier bis est supprimé.

Les amendements nos6, 67 et 44 rectifié n'ont plus d'objet.

APRÈS L'ARTICLE 16 (Appelé en priorité)

Mme la présidente.  - Amendement n°103, présenté par M. Duplomb, au nom de la commission des affaires économiques.

Après l'article 16

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Est approuvé le rapport annexé à la présente loi, qui fixe, à titre indicatif, les orientations relatives au pilotage du dispositif de gestion des risques en agriculture par l'État pour les premières années suivant l'entrée en vigueur de la présente loi.

RAPPORT ANNEXÉ

Afin d'atteindre les objectifs fixés à l'article 1er A de la présente loi, à titre de programmation, et conformément aux annonces gouvernementales de septembre 2021 prévoyant un doublement du budget public dédié à la subvention à l'assurance et à l'indemnisation des pertes de récoltes, pour passer d'environ 300 à 600 millions d'euros par an, en moyenne, le présent rapport annexé expose les principaux objectifs, fixés à l'État, relatifs au pourcentage des surfaces agricoles assurées par le biais d'un contrat d'assurance multirisque climatique subventionné au regard des surfaces agricoles totales à horizon 2030.

Ces taux prévisionnels, production par production, sont fixés ainsi :

Pourcentage des surfaces assurées en MRC (surface assurée / surface totale) par production

Données pour 2020

Objectif cible pour 2030

Céréales, oléagineux, protéagineux, plantes industrielles

33 %

60 %

Vignes

34 %

60 %

Arboriculture

3 %

30 %

Prairies

1 %

30 %

Légumes (industrie et marché du frais)

28 %

60 %

Horticulture

3 %

30 %

Plantes à parfum, aromatiques et médicinales

6 %

30 %

Autres cultures (non assurables à ce stade)

n.s.

n.s.

Pour garantir aux acteurs économiques concernés la possibilité effective d'évaluer avec un degré de prévisibilité raisonnable les niveaux d'intervention publique concernant le dispositif de gestion des risques en agriculture, dans la mesure où ce niveau s'apparente à une incitation à s'assurer dans le temps pour les exploitants agricoles et à proposer des contrats offrant un équilibre économique satisfaisant pour les entreprises d'assurances, le présent rapport fixe, à titre indicatif, les niveaux d'intervention publique pour les premières années d'application de la réforme entre 2023 et 2027 :

Taux indicatifs applicables de 2023 à 2027 par production

Seuil de pertes rendant les contrats éligibles à subvention

Part des primes et cotisations afférentes aux contrats prise en charge par une aide cumulée de l'État et de l'Union européenne

Seuil de pertes de récoltes ou de cultures déclenchant l'intervention de l'État au titre de la solidarité nationale

Céréales, oléagineux, protéagineux, plantes industrielles

20 %

70 %

40 %

Vignes

20 %

70 %

40 %

Arboriculture

20 %

70 %

30 %

Prairies

20 %

70 %

30 %

Légumes (industrie et marché du frais)

20 %

70 %

30 à 40 % selon les productions

Horticulture

20 %

70 %

30 %

Plantes à parfum, aromatiques et médicinales

20 %

70 %

30 %

Autres cultures (non assurables à ce stade)

20 %

70 %

30 %

Ces niveaux seront fixés par décret, dans les conditions prévues à l'article L. 361-9 du code rural et de la pêche maritime dans sa rédaction résultant de l'article 5 bis A de la présente loi.

M. Laurent Duplomb, rapporteur.  - Pour donner de la visibilité aux acteurs économiques, cet amendement prévoit un rapport annexé rappelant les objectifs à atteindre en matière de surfaces agricoles assurées à l'horizon 2030.

Il est important d'être transparent sur les taux de franchise, de subvention et les seuils de déclenchement de la solidarité nationale.

Le message que nous envoyons aux agriculteurs est clair.

M. Julien Denormandie, ministre.  - Retrait ou avis défavorable. Cet amendement pousse les curseurs au maximum, sur les taux comme sur les seuils. C'est précisément ce que je fais. Je suis favorable au principe, mais pas à la méthode retenue.

À nouveau, cet amendement n'est pas normatif. Il porte sur la période 2023-2027. En cela, il n'est pas cohérent avec l'amendement après l'article premier relatif aux 600 millions d'euros, à moins que vous ne pensiez atteindre ce montant qu'en 2027, ce qui impliquerait que les crédits soient inférieurs les années précédentes. Et si nous allions au-delà de cette somme ?

Chacun doit bénéficier de la réforme : il me semble préférable que ces chiffres soient fixés au niveau réglementaire.

Le 70 % ab initio que vous proposez est un cadeau fait aux assureurs qui vont augmenter leurs primes. Or, la priorité des priorités, c'est l'article 7 : il faut serrer la ceinture des assureurs. (M. Pierre Louault applaudit.)

On ne peut se contenter de transmission de statistiques comme le prévoyait la proposition de loi de M. Lenoir. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains)

Je salue les assureurs qui sont restés dans nos campagnes. Beaucoup, en effet, sont partis. Je me bats depuis deux ans pour pousser les curseurs, mais il ne faut pas les inscrire dans la loi. Préférons la concertation avec les filières, plutôt que de l'imposer par la loi.

M. Vincent Segouin.  - Je trouve vos propos insupportables. Deux assureurs sont restés aux côtés des agriculteurs, malgré des ratios d'indemnisation de 145%. Et vous dites qu'il faut leur serrer la ceinture !

Il faut un système équilibré, juste et pérenne. Nous avons besoin de chiffres et de précisions, plutôt que d'ordonnances.

M. Daniel Salmon.  - Je comprends le souci du rapporteur de sécuriser le monde paysan en fixant dans la loi des seuils et des taux. Mais, pour nous, c'est la logique assurantielle elle-même qui n'est pas adaptée. Elle est pertinente dans certains domaines - pour les véhicules, par exemple -, mais, pour les calamités agricoles, ce système ne fonctionnera pas !

M. Franck Montaugé.  - Depuis quand les lois d'exécution doivent-elles être rigoureusement conformes à la loi d'orientation et de programmation ? Voyez la loi de programmation militaire... Cet argument est sans valeur. (M. le rapporteur approuve.)

Mme Victoire Jasmin.  - C'est juste !

M. Franck Montaugé.  - Le Sénat prend ses responsabilités, sur la base de discussions approfondies avec les filières - c'est du moins ce qu'on m'a dit. Ensuite, nous ajusterons à chaque exercice.

Monsieur le ministre, le taux de 70 % ferait le miel des assureurs ? Je comprends que vous ne voulez pas mettre en oeuvre Omnibus, alors que vous affirmez le contraire.

M. Laurent Duplomb, rapporteur.  - Monsieur le ministre, soyons pragmatiques.

Dans la discussion générale, vous avez dit vouloir maximiser Omnibus. C'est ce que nous proposons d'écrire dans la loi.

Vous avez parlé des seuils les plus bénéfiques pour les agriculteurs. Le plus bénéfique serait de tout fixer à 30 %, ce que nous ne faisons pas - certaines filières nous l'ont pourtant demandé. Nous avons pris nos responsabilités. Il est donc faux de prétendre que nous fixons les taux les plus sexy pour contenter tout le monde !

D'après nos calculs, ce système permet de rester dans l'enveloppe des 600 millions d'euros jusqu'en 2027.

Notre tableau ne fixe que trois taux. Les autres paramètres, à commencer par le taux d'indemnisation, restent à votre main.

Agriculteurs et assureurs veulent des taux connus, pour plus de clarté et de confiance. Pourquoi ne pas les leur donner maintenant, alors que vous serez obligé de le faire dans six mois ?

M. Jean-Louis Masson.  - Souvent, pour récuser un amendement, les rapporteurs avancent qu'il n'a pas de caractère législatif. Peut-on m'expliquer quel est le caractère législatif de celui-ci ?

Mme Sophie Primas, présidente de la commission.  - Monsieur Masson, cet amendement correspond à un texte dont nous entendons faire une loi d'orientation et de programmation ; nous proposerons d'ailleurs de modifier en ce sens son intitulé. Il n'a pas une portée législative obligatoire, mais il s'agit d'un guide, d'un référentiel.

L'essentiel, c'est de donner confiance aux agriculteurs, pour qu'ils s'assurent. C'est le signal que nous voulons envoyer.

Nous avons consulté l'ensemble des filières, qui soutiennent le travail de M. Duplomb.

Le Sénat l'a prouvé, notamment dans le cadre du texte sur l'assurance emprunteur : quand le bien commun est en jeu, nous n'avons pas peur d'être en contradiction avec les assureurs ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Françoise Férat applaudit également.)

M. Vincent Segouin.  - Très bien !

M. Julien Denormandie, ministre.  - Dans la partie normative du texte - puisque vous y introduisez, malgré moi, une partie législative mais non normative... -, le volet sinistres est encadré. Mais ce que l'on fait pour le numérateur du ratio, monsieur Segouin, il n'est pas concevable de ne le pas le faire aussi pour le dénominateur. Il faut donc encadrer aussi les primes. C'est ce que j'appelle serrer la ceinture des assureurs - ce n'est pas une critique de leur métier.

Monsieur Montaugé, je le répète : mon objectif est de pousser Omnibus au maximum, à condition que l'agriculteur en bénéficie. La fixation du taux à 70 % suppose donc un encadrement puissant des primes à l'article 7.

Monsieur le rapporteur, nous disons en somme la même chose.

M. Laurent Duplomb, rapporteur.  - C'est bien pourquoi nous ne comprenons pas votre opposition...

M. Julien Denormandie, ministre.  - Je considère que la loi doit être normative, et les seuils fixés par la voie réglementaire. Vous ne nous faites pas confiance, je ne puis qu'en prendre acte.

M. Laurent Duplomb, rapporteur.  - J'ai sans doute trop de bon sens paysan, mais je ne comprends pas...

Nous sommes d'accord sur tous les taux - sauf peut-être le 40 %. Mais alors, pourquoi butez-vous sur notre tableau ? À un moment ou à un autre, vous serez bien obligé de fixer des taux.

J'ajoute que notre texte ménage la possibilité de revenir sur les taux prévus, car le ministre doit disposer de marges de pilotage.

J'espère bien que le Sénat adoptera cet amendement, et que la CMP trouvera une solution intelligente. À l'arrivée, vous aurez gagné six mois ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

L'amendement n°103 est adopté et devient un article additionnel.

ARTICLE 2

Mme la présidente.  - Amendement n°71, présenté par MM. Salmon, Labbé, Gontard, Benarroche, Dantec, Dossus et Fernique, Mme de Marco, M. Parigi et Mmes Poncet Monge, Taillé-Polian et M. Vogel.

Rédiger ainsi cet article :

L'article L. 361-4 du code rural et de la pêche maritime est abrogé.

M. Daniel Salmon.  - La rédaction retenue néglige la transition vers un système résilient. Or le rapport Dantec-Roux a souligné l'intérêt de nombreuses pratiques, comme l'agroforesterie. Nous devons orienter l'agriculture vers des systèmes résilients.

M. Laurent Duplomb, rapporteur.  - Supprimer la subvention, c'est du perdant-perdant, car cela empêchera les agriculteurs de s'assurer. Je suis d'accord sur l'encouragement à la résilience, mais ce que vous proposez serait tout à fait contre-productif. Avis défavorable.

M. Julien Denormandie, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°71 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°72, présenté par MM. Salmon, Labbé, Gontard, Benarroche, Dantec, Dossus et Fernique, Mme de Marco, M. Parigi et Mmes Poncet Monge, Taillé-Polian et M. Vogel.

Alinéa 2, deuxième phrase

Compléter cette phrase par les mots :

ainsi que, à compter du 1er janvier 2024, en fonction des engagements éthiques et de la responsabilité de l'entreprise assurantielle proposant ledit contrat, dans des modalités définies par décret

M. Daniel Salmon.  - Encore une fois, nous considérons que l'assurance récolte n'est pas efficace pour l'adaptation de l'agriculture au changement climatique. De surcroît, le financement public de ce système ne bénéficiera qu'aux exploitants les plus aisés.

Le rapport Descrozaille prévoit une baisse de l'indemnisation des non-assurés. Or, en 2030, la moitié seulement des agriculteurs seraient assurés. Ce modèle est donc inégalitaire, en plus d'être inefficace.

Il y va de notre souveraineté alimentaire. Il faut un fonds mutuel et solidaire, alimenté par les agriculteurs, les acteurs de l'aval et la solidarité nationale.

Enfin, ce choix budgétaire en faveur de l'assurance privée a des conséquences sur d'autres politiques, notamment sur l'agroécologie. L'enveloppe consacrée aux assurances a déjà été augmentée dans la nouvelle PAC. Pendant ce temps, les mesures agroenvironnementales et climatiques sont largement sous-financées, comme les aides au bio...

M. Laurent Duplomb, rapporteur.  - Je ne sais pas ce que veut dire « éthique » : une pratique est légale ou ne l'est pas.

Vous redoutez une fongibilité entre les piliers, mais c'est impossible jusqu'en 2027. Ensuite, les personnes aux manettes décideront, et cet amendement n'y changera rien.

M. Julien Denormandie, ministre.  - Avis défavorable, pour les mêmes raisons. Monsieur Salmon, il faut arrêter de dire que l'enveloppe bio a été réduite dans le cadre du plan stratégique national : c'est l'exact contraire qui s'est produit !

L'amendement n°72 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°81, présenté par le Gouvernement.

I.  -  Alinéa 2, dernière phrase

Compléter cette phrase par les mots :

ou, s'il est différent, au taux qui résulte des règlements européens applicables

II.  -  Alinéa 3

Après le taux :

20 %

insérer les mots :

ou, s'il est différent, au taux qui résulte des règlements européens applicables.

M. Julien Denormandie, ministre.  - Il faut pouvoir adapter le mécanisme prévu à une éventuelle évolution des taux fixés par le droit européen, en cas de crise par exemple.

M. Laurent Duplomb, rapporteur.  - Avis favorable.

L'amendement n°81 est adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°59, présenté par M. Buis et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

Alinéa 3

Remplacer les mots :

la plus élevée parmi les moyennes issues des modalités de calcul

par les mots :

, calculée selon des modalités

M. Bernard Buis.  - Cet amendement supprime la référence à la moyenne de la production annuelle de l'exploitant la plus élevée parmi les moyennes calculées. L'agriculteur doit avoir la liberté de choisir sa moyenne.

M. Laurent Duplomb, rapporteur.  - Notre système est plus favorable à l'agriculteur. Dans certains cas de figure, la moyenne triennale glissante neutralise des défauts de la moyenne olympique. Avis défavorable.

M. Julien Denormandie, ministre.  - M. le rapporteur souhaite la moyenne la plus élevée, M. Buis propose de laisser l'agriculteur choisir. De fait, un agriculteur peut ne pas préférer la moyenne plus élevée, pour payer une prime moindre. Dès lors, avis favorable à l'amendement. Nous confirmerons cela d'ici à la CMP.

M. Bernard Buis.  - Ce que je redoute, c'est bien la hausse des primes d'assurance.

M. Laurent Duplomb, rapporteur.  - Hors cas particuliers, je ne connais pas un agriculteur voulant s'assurer qui préférera un rendement plus bas que celui qu'il peut retenir...

M. Vincent Segouin.  - C'est évident !

M. Laurent Duplomb, rapporteur.  - Je veux bien en reparler en CMP, mais je maintiens mon avis défavorable.

M. Daniel Gremillet.  - Il n'y a pas que les dégâts climatiques. Aujourd'hui, les références sont parfois lourdement amputées par les dégâts de gibier ou ceux causés par d'autres animaux - je pense aux grues cendrées du lac du Der. C'est un vrai problème, notamment lorsque ces dégâts se répètent. Les sommes en jeu sont importantes, et les prairies naturelles aussi sont concernées.

L'article 40 ne nous a pas permis d'ouvrir ce débat. Mais, d'ici à la CMP, il faut travailler sur la question des références dans tous ses aspects.

L'amendement n°59 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°94, présenté par M. Duplomb, au nom de la commission des affaires économiques.

Alinéa 4, première phrase

1° Remplacer les mots :

Les contrats

par les mots :

Les entreprises d'assurance qui commercialisent les contrats

2° Remplacer les mots :

sur proposition

par les mots :

, après avis

L'amendement rédactionnel n°94, accepté par le Gouvernement, est adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°51, présenté par M. Buis et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

Alinéa 4, deuxième et dernière phrases

1° Après le mot :

fixe

insérer le mot :

notamment

2° Remplacer les mots :

permettant de calculer le niveau d'indemnisation en cas de pertes de récoltes et de cultures. Il établit les conditions minimales dans lesquelles les contrats prennent en compte les mesures de prévention mises en oeuvre par les

par les mots :

et les mesures d'incitation à la prévention mises en oeuvre par les assureurs auprès des

M. Bernard Buis.  - Cet amendement autorise l'agriculteur à choisir un prix subventionné inférieur ou supérieur au barème prévu dans le cahier des charges.

Mme la présidente.  - Amendement n°79, présenté par MM. Salmon, Labbé, Gontard, Benarroche, Dantec, Dossus et Fernique, Mme de Marco, M. Parigi et Mmes Poncet Monge, Taillé-Polian et M. Vogel.

Alinéa 4, dernière phrase

Après les mots :

les mesures

insérer les mots :

et les pratiques

M. Daniel Salmon.  - Certaines pratiques agricoles, notamment agronomiques, contribuent à prévenir les risques : elles devraient être prises en compte dans les contrats et subventionnées.

M. Laurent Duplomb, rapporteur.  - Avis favorable à l'amendement n°51, dont l'adoption satisferait l'amendement n°79. Plus la prévention sera grande, moins la prime sera élevée. C'est exactement le principe que nous défendons, monsieur Salmon...

M. Julien Denormandie, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°51 est adopté.

L'amendement n°79 n'a plus d'objet.

Mme la présidente.  - Amendement n°7, présenté par M. Bouad et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Alinéa 4

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Il veille également, au travers de préconisations écrites, à favoriser une offre assurantielle responsable et éthique.

M. Sebastien Pla.  - Le cahier des charges doit comporter des préconisations destinées à favoriser une offre assurantielle éthique. Il faut éviter les effets d'aubaine, s'agissant de deniers publics ! N'allons pas rémunérer des actionnaires ou favoriser le secteur privé. Les assureurs ont déjà amorcé une hausse de leurs primes... Les débats en cours sur la taxonomie européenne montrent qu'il est possible de caractériser les comportements éthiques.

Mme la présidente.  - Amendement n°42, présenté par M. Gay et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Compéter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :

« Les aides publiques versées en application du présent article ont vocation à favoriser une offre assurantielle responsable et éthique.

« Une liste d'assureurs agréés est constituée sur la base de la taxonomie européenne dès lors que celle-ci est adoptée dans le droit européen et français. »

M. Gérard Lahellec.  - Nous entendons responsabiliser, voire moraliser l'offre assurantielle.

M. Laurent Duplomb, rapporteur.  - Encore une fois, je ne connais que du légal et du non-légal. Avis défavorable.

M. Julien Denormandie, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°7 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°42.

Mme la présidente.  - Amendement n°95, présenté par M. Duplomb, au nom de la commission des affaires économiques.

Alinéa 5

1° Deuxième phrase

a) Remplacer les mots :

Le niveau de franchise est harmonisé

par les mots :

Pour les garanties des contrats pouvant bénéficier de la prise en charge prévue au présent article, le décret fixe les niveaux de franchise

b) Après les mots :

selon la nature des productions,

insérer les mots :

, le seuil de pertes défini au troisième alinéa du présent article,

2° Dernière phrase

a) Remplacer les mots :

. Le décret peut fixer

par les mots :

, et peut aussi fixer

b) Remplacer les mots :

de groupe

par les mots :

des groupes

L'amendement rédactionnel n°95, accepté par le Gouvernement, est adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°52, présenté par M. Buis et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

Alinéa 5, dernière phrase

Supprimer les mots :

, en tenant compte de la destination des cultures

M. Bernard Buis.  - Les dispositions relatives à la superficie en cultures de vente prennent déjà en compte la destination des cultures de vente dans le cadre de la définition réglementaire des critères de couverture surfacique minimale.

M. Laurent Duplomb, rapporteur.  - Avis défavorable. Il faut plus de souplesse ! Dans le cas de plusieurs cultures sur une même exploitation, le seuil de 80 % ne fonctionne plus. Par exemple, si je possède 40 hectares de céréales, 20 hectares de lentilles et 40 hectares de maïs, je suis obligé d'assurer le maïs, qui n'en a pas besoin, pour atteindre 80 %. Ne rétablissons pas un dispositif qui freine l'assurance dans la polyculture-élevage.

M. Julien Denormandie, ministre.  - Il ne s'agit que des cultures de vente, monsieur le rapporteur, pas des cultures autoconsommées. Cela dit, M. Buis et vous poursuivez le même objectif. Sagesse.

L'amendement n°52 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°8, présenté par M. Bouad et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

...  -  Dans un délai de deux ans à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport dressant un état des lieux de l'offre assurantielle proposée aux exploitants agricoles, au regard du montant important des aides publiques dont bénéficieront les entreprises d'assurance commercialisant les contrats et considérant la nécessité de favoriser une offre éthique et responsable dans le cadre de la future taxonomie européenne.

M. Hervé Gillé.  - M. le ministre  a dit qu'il fallait mobiliser les fonds pour les agriculteurs, pas pour les assurances. Dans cet esprit, le Gouvernement doit nous remettre un bilan de l'offre assurantielle. Nous devons veiller à ce que les aides publiques n'alimentent pas la spéculation ou la rémunération des actionnaires.

M. Laurent Duplomb, rapporteur.  - Ce contrôle relève du Parlement. Avis défavorable.

M. Julien Denormandie, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°8 n'est pas adopté.

L'article 2, modifié, est adopté.

ARTICLE 3

Mme la présidente.  - Amendement n°53, présenté par M. Buis et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

Alinéa 2, seconde phrase

Remplacer les mots :

la plus élevée parmi les moyennes issues des modalités de calcul

par les mots :

calculée selon des modalités

M. Bernard Buis.  - Amendement de coordination avec notre amendement n°59. Je le maintiens en vue de la CMP.

M. Laurent Duplomb, rapporteur.  - Avis défavorable.

M. Julien Denormandie, ministre.  - Avis favorable.

L'amendement n°53 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°9, présenté par M. Bouad et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Alinéa 2, seconde phrase

Après le mot :

calcul

insérer les mots :

qui s'attacheront à prendre en compte la récurrence des aléas climatiques,

M. Sebastien Pla.  - Le futur décret devra prendre en compte, au maximum de ce que permet Omnibus, la récurrence des aléas climatiques. Des aléas peuvent frapper les mêmes exploitations trois ou quatre années d'affilée - dans l'Aude, nous le savons bien.

M. Laurent Duplomb, rapporteur.  - La commission a émis un avis de sagesse. À titre personnel, je voterai l'amendement.

M. Julien Denormandie, ministre.  - C'est l'intensité qui importe, pas la récurrence. Au reste, le changement climatique est un fait permanent. Retrait ?

M. Sebastien Pla.  - La viticulture de mon département a été touchée, certes à des intensités différentes, pendant quatre années consécutives.

L'amendement n°9 est adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°54, présenté par M. Buis et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

Alinéa 3, seconde phrase

Remplacer les mots :

Dans ce cas, l'indemnisation est

par les mots :

Afin de garantir la célérité de l'indemnisation, celle-ci peut être

M. Bernard Buis.  - L'aide fondée sur la solidarité nationale pour les agriculteurs ayant souscrit un contrat d'assurance MRC doit pouvoir être versée par l'assureur pour le compte de l'État, en cohérence avec les versements au titre du contrat d'assurance et avec les dispositions portant sur les interlocuteurs agréés.

M. Laurent Duplomb, rapporteur.  - Avis favorable.

M. Julien Denormandie, ministre.  - Avis favorable.

L'amendement n°54 est adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°68, présenté par MM. Salmon, Labbé, Gontard, Benarroche, Dantec, Dossus et Fernique, Mme de Marco, M. Parigi et Mmes Poncet Monge, Taillé-Polian et M. Vogel.

Alinéa 4

Supprimer les mots :

afin de garantir le caractère incitatif des dispositions prévues au même article L. 361-4,

M. Daniel Salmon.  - L'indemnisation au titre de la solidarité nationale sera minorée d'au moins 50 % pour les agriculteurs non assurés. Nous alertons sur le caractère inégalitaire de cette mesure, prévue par le droit européen.

Je le répète, seules les exploitations les plus rentables ont les moyens de souscrire un contrat d'assurance ; en 2019, elles n'étaient que 13,1 % à disposer d'un contrat MRC. Et les assurances ont annoncé une hausse de leurs tarifs pour 2022...

Le rapport Descrozaille prévoit, à horizon de 2030, une dégressivité de l'indemnisation des non-assurés par la solidarité nationale. Nous dénonçons cette incitation punitive qui s'apparente à une redistribution inversée.

M. Laurent Duplomb, rapporteur.  - Les 50 % sont dans le droit européen ; nous ne reviendrons pas dessus.

En outre, le système mutualisé ne fonctionnera que si nous y amenons le plus d'agriculteurs possible - c'est la même logique qu'avec l'ancien système des calamités agricoles. La massification fera baisser les primes. Le pire serait un effondrement du système par manque d'adhérents.

L'avis est donc défavorable.

M. Julien Denormandie, ministre.  - Ce 50 % est un copier-coller de la réglementation européenne. En outre, vous contestez la philosophie même du texte. Retrait, sinon avis défavorable.

M. Daniel Gremillet.  - J'appuie le rapporteur. Il y a deux ou trois ans, les agriculteurs assurés ont été moins bien indemnisés que ceux relevant des calamités agricoles. Quel échec !

Ce n'est pas un problème de taille : de petites exploitations sont assurées. (M. le rapporteur le confirme.) Nous aurions même pu débattre, comme nos devanciers en 1964, du caractère obligatoire de l'assurance. Cet amendement va à rebours de ce qui est nécessaire pour sécuriser nos agriculteurs.

M. Daniel Salmon.  - J'entends bien votre logique. Mais les chiffres sont têtus : la trajectoire envisagée nous amène à 50 % seulement de paysans assurés en 2030. Ceux qui ne seront pas assurés, souvent par manque de moyens, seront pénalisés.

L'amendement n°68 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°10 rectifié bis, présenté par M. Bouad et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Alinéa 4

Remplacer les mots :

au plus 50 % 

par les mots :

une part, dont le taux est égal au plus à celui prévu par le droit européen, 

M. Franck Montaugé.  - Supprimons la référence aux 50 %, en renvoyant simplement à la règle européenne. Nous éviterons ainsi toute surtransposition et toute sous-transposition, compte tenu des évolutions possibles.

M. Laurent Duplomb, rapporteur.  - Avis favorable.

M. Julien Denormandie, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°10 rectifié bis est adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°37, présenté par M. Gay et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Alinéa 5

Supprimer cet alinéa.

M. Gérard Lahellec.  - Il n'est pas souhaitable de transférer la gestion de l'indemnisation par la troisième section du FNGRA à des entreprises ou des assurances privées.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°70, présenté par MM. Salmon, Labbé, Gontard, Benarroche, Dantec, Dossus et Fernique, Mme de Marco, M. Parigi et Mmes Poncet Monge, Taillé-Polian et M. Vogel.

M. Daniel Salmon.  - L'alinéa 5 dispose que l'indemnisation pourra être versée par un réseau d'interlocuteurs agréés agissant pour le compte de l'État. Il s'agira vraisemblablement de sociétés d'assurance distribuant l'assurance récolte.

Les délais d'indemnisation ne sont pas toujours satisfaisants, nous le savons. Améliorons plutôt la performance des services publics en leur donnant les moyens de leur action.

Nous refusons cette logique d'affaiblissement de l'administration au profit d'acteurs privés !

De plus, les garanties ne sont pas suffisantes sur de potentielles atteintes aux données des exploitations.

Enfin, quid des agriculteurs non assurés ? Ils pourraient être contraints de s'adresser à un assureur, au lieu de la DDT, pour toucher l'indemnité issue de la solidarité nationale...

Mme la présidente.  - Amendement n°55, présenté par M. Buis et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

Alinéa 5, seconde phrase

Remplacer le mot :

identiques

par le mot :

similaires

M. Bernard Buis.  - Amendement sémantique : le mot « similaire » autorise des aménagements à la marge, contrairement au mot « identique ».

M. Laurent Duplomb, rapporteur.  - Avis défavorable aux amendements identiques nos37 et 70. Un interlocuteur unique sera plus efficace pour les assurés. (M. le ministre approuve.)

M. Salmon pose une question intéressante : qui sera l'interlocuteur des non-assurés ? En audition, il nous a été répondu que ce pourrait être la DDT. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous éclairer ?

Avis défavorable à l'amendement n°55. L'indemnisation doit d'autant plus être identique que l'interlocuteur sera unique.

M. Julien Denormandie, ministre.  - Avis défavorable aux amendements identiques nos37 et 70.

Monsieur Salmon, nous parlons d'interlocuteurs agréés, pas uniques : il pourra s'agir d'entités diverses. Les DDT seront de facto agréés. D'autre part, un agriculteur même non assuré pourra s'adresser à un assureur, si celui-ci est agréé.

En ce qui concerne l'amendement n°55, soyons pragmatiques. Une DDT et un assureur n'ont pas la même gestion, à quelques écarts près. Nous prenons un risque colossal si l'indemnisation doit être strictement identique. Avis favorable.

Les amendements identiques nos37 et 70 ne sont pas adoptés, non plus que l'amendement n°55.

Mme la présidente.  - Amendement n°96, présenté par M. Duplomb, au nom de la commission des affaires économiques.

Alinéa 6, première phrase

Supprimer les mots :

dans les conditions déterminées à l'article L. 361-9

L'amendement de coordination juridique n°96, accepté par le Gouvernement, est adopté.

La séance est suspendue à 20 heures.

présidence de M. Vincent Delahaye, vice-président

La séance reprend à 21 h 30.

M. le président.  - Amendement n°77, présenté par MM. Salmon, Labbé, Gontard, Benarroche, Dantec, Dossus et Fernique, Mme de Marco, M. Parigi et Mmes Poncet Monge, Taillé-Polian et M. Vogel.

Alinéa 6, seconde phrase

Après les mots :

nature des productions,

insérer les mots :

afin de ne pas pénaliser les exploitations diversifiées

M. Daniel Salmon.  - La diversification des productions agricoles, levier important de résilience au changement climatique, n'est pas bien prise en compte dans le montant des indemnités ou les seuils de déclenchement, ce qui conduit à favoriser la monoculture.

Les amendements de la commission ont permis des modifications dans ce sens, mais cela reste insuffisant.

M. le président.  - Amendement n°73, présenté par MM. Salmon, Labbé, Gontard, Dantec, Dossus et Fernique, Mme de Marco, M. Parigi et Mmes Poncet Monge, Taillé-Polian et M. Vogel.

Alinéa 6, seconde phrase

Après le mot :

 échéant,

insérer les mots :

dans un souci d'équité du dispositif, et de maintien d'une diversité de productions sur les territoires,

M. Daniel Salmon.  - Cet amendement de repli concerne le seuil de déclenchement de l'indemnisation via la solidarité nationale, ainsi que les montants de l'indemnité. Pour l'apiculture ou l'arboriculture, un seuil supérieur à 30 % marquerait un net recul ; les fermes difficilement assurables, faute d'offre, n'auraient plus de garanties. L'article 40 nous empêche d'agir, or il y va de notre souveraineté alimentaire ! Le miel, les fruits et légumes font partie des produits que nous importons le plus...

M. Laurent Duplomb, rapporteur.  - Avis défavorable aux deux amendements. Je ne connais guère d'exploitations non diversifiées, à l'exception peut-être de la monoculture du maïs. Même les céréaliers et les betteraviers ont intérêt à diversifier leurs cultures.

Je souhaite toutefois entendre le ministre sur les 13 % de solidarité nationale.

M. Julien Denormandie, ministre.  - Avis défavorable à l'amendement n°77 pour les mêmes raisons que le rapporteur.

Avis défavorable à l'amendement n°73. Le seuil de 13 % disparaît de facto dans le cadre du système que nous proposons : le deuxième étage se calera sur les contrats d'assurance, le troisième viendra en surplus.

L'amendement n°77 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°73.

M. le président.  - Amendement n°21 rectifié bis, présenté par M. S. Demilly, Mme Jacquemet, MM. Levi, Capo-Canellas, Le Nay et Hingray, Mme Saint-Pé, MM. J.M. Arnaud, Mizzon, Folliot, Maurey, Belin, Delcros, Lefèvre et Duffourg, Mmes Drexler et Dumont, M. Pellevat, Mme Garriaud-Maylam et M. Longeot.

Alinéa 6

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Le décret peut également fixer les conditions dans lesquelles les évaluations des pertes peuvent faire l'objet d'une demande de réévaluation par les exploitants.

M. Stéphane Demilly.  - Cet amendement renvoie au décret les conditions dans lesquelles les évaluations des pertes peuvent faire l'objet d'une demande de réévaluation par les exploitants.

En effet, les services d'enquête usent de diverses technologies comme les drones, l'imagerie satellitaire et la modélisation informatique, qui donnent une meilleure vision du sinistre. Les modalités actuelles seront peut-être dépassées dans quelques années.

M. le président.  - Amendement identique n°57, présenté par M. Buis et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

M. Bernard Buis.  - L'amendement réintroduit la capacité à fixer par décret les conditions de réévaluation des pertes.

M. Laurent Duplomb, rapporteur.  - Avis défavorable. Nous traiterons le problème dans un amendement ultérieur.

M. Julien Denormandie, ministre.  - Je reconnais la subtilité du rapporteur. Avis favorable, car je ne partage pas son analyse sur l'article 3 bis.

M. Laurent Duplomb, rapporteur.  - Nous souhaitons créer un comité départemental d'expertise pour le cas où un nombre significatif d'agriculteurs - qui pourra être fixé par décret - estime que le satellite réalise une expertise erronée du sinistre.

Cela s'est déjà vu après une sécheresse. Satellite et réalité peuvent diverger. Un peu comme quand un satellite vous interdit l'accès à un parking prétendument plein, alors que vous voyez bien qu'il est vide ! (Sourires)

Le recours à une expertise de terrain est nécessaire pour prendre en compte l'aspect humain de la catastrophe climatique. Il est insupportable pour des agriculteurs de se voir refuser une indemnisation alors qu'ils sont frappés par une catastrophe - cela sape la confiance dans l'État.

M. Julien Denormandie, ministre.  - Je ne suis pas opposé à une voie de recours, mais je préfère d'autres modalités que le comité d'experts indépendants que vous proposez.

Il est vrai que la pousse verte repérée par le satellite ne préjuge pas de la qualité du foin récolté. Il faut trouver un équilibre entre la temporalité du versement de l'aide et celle des voies de recours. Ce n'est pas aisé. Recours et contre-expertises individuelles conduiraient à un allongement des délais d'indemnisation.

Les amendements identiques nos21 rectifié bis et 57 ne sont pas adoptés.

L'article 3, modifié, est adopté.

ARTICLE 3 BIS

M. le président.  - Amendement n°58, présenté par M. Buis et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

Supprimer cet article.

M. Bernard Buis.  - L'article 3 bis complexifie le dispositif d'indemnisation, risque d'allonger les délais de traitement et fait craindre des inégalités entre agriculteurs.

M. Laurent Duplomb, rapporteur.  - Avis défavorable à cet amendement qui supprime le comité départemental d'expertise (CDE). Monsieur le ministre, si le satellite considère qu'il n'y a pas eu de sécheresse, il n'y a pas d'indemnisation. Ce n'est pas une question de délai !

M. Julien Denormandie, ministre.  - Avis favorable. Le niveau d'indemnisation varie en fonction du niveau de sécheresse constaté par le satellite. La voie de recours idoine est complexe à trouver. On ne peut envoyer un agent de la DDT faire un relevé dans chaque exploitation !

M. Laurent Duplomb, rapporteur.  - Nous proposons de renvoyer à un décret. À vous de le rédiger, et de border les choses.

Il ne s'agit pas de traiter les détails de cas particuliers mais d'éviter des erreurs colossales de diagnostic. Je le redis : il y va de la confiance dans le dispositif.

L'amendement n°58 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°97, présenté par M. Duplomb, au nom de la commission des affaires économiques.

I.  -  Alinéa 2, deuxième phrase

Après le mot :

arrêté

insérer le mot :

préfectoral

II.  -  Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

« Un décret fixe les conditions dans lesquelles les évaluations des pertes de récoltes ou de cultures peuvent faire l'objet d'une autre demande de réévaluation par les exploitants. »

M. Laurent Duplomb, rapporteur.  - Cet amendement apporte deux précisions : le CDE sera mis en place par arrêté préfectoral ; un décret fixera les conditions de contestation des pertes de récoltes.

M. Julien Denormandie, ministre.  - Avis favorable à la seconde partie de l'amendement seulement, car il faut un arrêté national pour que les conditions de déclenchement soient les mêmes partout. Avis défavorable si l'amendement n'est pas rectifié.

M. Laurent Duplomb, rapporteur.  - Vous ne voulez pas recréer le CDE, dont l'administration juge qu'il est souvent influencé par le politique. Mais il faut trouver une solution avec les acteurs de terrain, sans forcément se déplacer dans chaque exploitation.

Les chambres d'agriculture, par exemple, réalisent des mesures de pousse de l'herbe, autre moyen d'estimer les pertes. Je le redis, vous avez la main, puisque nous renvoyons au décret.

M. Julien Denormandie, ministre.  - Le problème n'est pas là. Il faut un cadre national pour régir à la fois l'éligibilité au dispositif et le montant de l'indemnisation. Très souvent, les demandes des territoires n'entrent pas dans le dispositif national d'indemnisation. Il faut trouver un juste milieu pour éviter que la voie de recours n'entraîne une perte de temps pour l'agriculteur.

L'amendement n°97 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°11, présenté par M. Bouad et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Alinéa 2, après la troisième phrase

Insérer une phrase ainsi rédigée :

Les entreprises d'assurance commercialisant les produits d'assurance bénéficiant de l'aide prévue à l'article L. 361-4 sont tenues de fournir une réponse écrite dans un délai d'un mois à compter de la réception des préconisations du comité départemental d'expertise.

M. Franck Montaugé.  - Le CDE pourra mener une enquête de terrain et s'appuyer sur l'expertise des chambres d'agriculture en cas de contestations sur l'évaluation des pertes. Ses recommandations ne doivent pas rester sans réponse de la part des assureurs.

M. Laurent Duplomb, rapporteur.  - Avis favorable.

M. Julien Denormandie, ministre.  - Avis défavorable.

L'amendement n°11 est adopté.

L'article 3 bis, modifié, est adopté.

APRÈS L'ARTICLE 3 BIS

M. le président.  - Amendement n°46 rectifié, présenté par MM. Cabanel, Artano, Bilhac, Corbisez, Fialaire, Gold et Guérini, Mme Guillotin, M. Guiol et Mme Pantel.

Après l'article 3 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article L. 361-8 du code rural et de la pêche maritime, il est inséré un article L. 361-8-... ainsi rédigé :

« Art. L. 361-8...  -  Les aides versées par l'autorité de gestion dans le cadre de la politique agricole commune sont minorées si les exploitants agricoles n'ont pas souscrit une assurance contre les dommages causés aux exploitations agricoles mentionnée au premier alinéa de l'article L. 361-4 ou s'ils n'ont pas réalisé un diagnostic de gestion des risques constatant un niveau de maîtrise des risques suffisant sur l'exploitation. Les modalités d'application de cet article sont définies par décret. »

M. Henri Cabanel.  - Cet amendement de repli lie le niveau des aides versées dans le cadre de la PAC à la souscription par l'exploitant d'un contrat d'assurance récolte. L'objectif est de pousser un maximum d'agriculteurs à s'assurer afin de faire baisser le prix des polices.

L'amendement n°98 du rapporteur sur la dotation jeune agriculteur (DJA) poursuit un objectif similaire. Si nous pouvons le faire pour les jeunes agriculteurs, pourquoi pas pour tous ?

M. Laurent Duplomb, rapporteur.  - Nous ne pouvions pas prévoir de « moduler » la DJA, mais seulement de la « minorer », article 40 oblige. Heureusement, le ministre a déposé un amendement pour passer outre, je l'en remercie.

Les aides de la PAC sont une compensation de revenus ; l'objectif de la DJA est différent ; elle peut être conditionnée, par exemple à une exigence de formation. On ne peut pas pénaliser les agriculteurs sur le premier pilier de la PAC. Avis défavorable.

M. Julien Denormandie, ministre.  - Je suis contre la conditionnalité des aides à l'assurance récolte. Il faut inciter, non obliger. Avis défavorable. Je défendrai un amendement qui remplace la minoration de la DJA par une modulation : dans mon esprit, c'est à la hausse !

M. Henri Cabanel.  - Cela ne répond pas à mon inquiétude sur la couverture de l'assurance récolte. L'objectif de 50 % de couverture sera difficile à atteindre et toujours insuffisant. Qu'adviendra-t-il des agriculteurs non assurés ? Au-delà de 50 % de pertes, on fait faillite.

Pour le gel de 2021, le Gouvernement a fait un effort de 1 milliard d'euros. Pourra-t-il le faire une autre fois pour les non-assurés ?

L'amendement n°46 rectifié n'est pas adopté.

ARTICLE 3 TER

M. le président.  - Amendement n°38 rectifié, présenté par M. Gay et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Supprimer cet article.

Mme Céline Brulin.  - Le déficit d'installation est tel que le modèle d'agriculture familiale, à taille humaine, risque de disparaître, au détriment de notre souveraineté alimentaire. La minoration de la DJA en cas d'absence d'assurance est à contre-courant.

M. le président.  - Amendement identique n°61, présenté par M. Buis.

M. Bernard Buis.  - La moitié des agriculteurs partiront à la retraite d'ici dix ans. Nous avons besoin d'une relève ! Il faut inciter, plutôt que contraindre les jeunes agriculteurs.

M. le président.  - Amendement identique n°74, présenté par MM. Salmon, Labbé, Gontard, Benarroche, Dantec, Dossus et Fernique, Mme de Marco, M. Parigi et Mmes Poncet Monge, Taillé-Polian et M. Vogel.

M. Daniel Salmon.  - Les jeunes ont déjà du mal à s'installer. N'allons pas complexifier leur installation.

M. Laurent Duplomb, rapporteur.  - Avis défavorable. Nous allons moduler la DJA grâce à l'amendement du Gouvernement.

Je proposais pour ma part une minoration, mais assortie d'une dérogation en cas de diagnostic de l'évaluation des risques, afin de sensibiliser les jeunes agriculteurs à la prévention. Celui qui aurait diversifié sa culture ou mis en place un système paragrêle bénéficierait de la DJA maximale.

M. Julien Denormandie, ministre.  - Avis favorable aux trois amendements. Cependant, s'ils ne sont pas votés, mon amendement précisera le dispositif de la commission. Comme le rapporteur, je crois à l'intérêt d'une approche fondée sur le diagnostic.

Les amendements identiques nos38 rectifié, 61 et 74 ne sont pas adoptés.

L'amendement n°47 n'est pas défendu.

M. le président.  - Amendement n°50 rectifié, présenté par MM. S. Demilly, Longeot, Courtial et J.M. Arnaud, Mme Guidez, MM. Pellevat et Pointereau, Mme Thomas, M. Anglars, Mmes Drexler, Férat, Sollogoub et Billon, M. Hingray, Mme Gatel et MM. Lefèvre, Capo-Canellas, Bacci, Bonnus, Le Nay, Levi, Laménie, Duffourg et Lafon.

Remplacer les mots :

est minorée

par les mots :

peut être modulée

M. Stéphane Demilly.  - Cet amendement remplace le terme de minoration par celui de modulation. Il ne faut pas pénaliser les jeunes agriculteurs s'ils n'ont pas souscrit une assurance MRC ou un diagnostic de gestion des risques. Parlons plutôt de bonification.

M. le président.  - Amendement identique n°91, présenté par le Gouvernement.

M. Julien Denormandie, ministre.  - Défendu.

M. le président.  - Amendement identique n°98, présenté par M. Duplomb, au nom de la commission des affaires économiques.

M. Laurent Duplomb, rapporteur.  - Défendu.

Les amendements identiques nos50 rectifié, 91 et 98 sont adoptés.

M. le président.  - Amendement n°12, présenté par M. Bouad et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Après les mots :

de l'article L. 361-4

insérer les mots :

dès lors qu'une offre assurantielle suffisante et acceptable dans les conditions prévues aux articles L. 361-4 et L. 361-4-1 leur a été proposée,

M. Denis Bouad.  - Inquiets pour les jeunes agriculteurs qui peinent à s'installer, nous aurions préféré une bonification incitative de la DJA mais l'article 40 nous l'interdit.

Cet amendement conditionne la minoration de la DJA en cas de non souscription à une assurance agricole au fait que l'agriculteur se soit vu offrir un contrat dans des conditions acceptables.

M. Laurent Duplomb, rapporteur.  - Satisfait par l'amendement sur la modulation de la DJA : retrait, sinon rejet.

M. Julien Denormandie, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°12 n'est pas adopté.

L'article 3 ter, modifié, est adopté.

ARTICLE 4

M. le président.  - Amendement n°41, présenté par M. Gay et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Alinéa 2

Supprimer cet alinéa.

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - Cet alinéa restreint l'utilisation des calamités agricoles aux pertes de fonds - c'est-à-dire du matériel et de l'équipement - et supprime l'indemnisation des pertes de récolte dès lors qu'elles concernent des risques non assurables.

Les pertes de récolte non assurables risquent de n'être indemnisées par l'État qu'à partir d'un seuil de déclenchement élevé, qui plus est avec une indemnisation minorée. Ce serait un recul de protection pour des filières comme l'apiculture ou l'arboriculture qui intéressent peu les assureurs.

Les garanties apportées par la commission à l'article 3 pour les productions non assurables ne sont pas suffisantes ; des pans entiers de l'agriculture française risquent d'être abandonnés.

M. le président.  - Amendement identique n°78, présenté par MM. Salmon, Labbé, Gontard, Benarroche, Dantec, Dossus et Fernique, Mme de Marco, M. Parigi et Mmes Poncet Monge, Taillé-Polian et M. Vogel.

M. Daniel Salmon.  - Défendu.

M. le président.  - Amendement n°22 rectifié bis, présenté par M. S. Demilly, Mme Jacquemet, MM. Levi, Le Nay, Capo-Canellas et Hingray, Mme Saint-Pé, MM. J.M. Arnaud et Mizzon, Mme Billon, MM. Folliot, Maurey, Belin, Delcros, Lefèvre et Duffourg, Mmes Drexler et Dumont, M. Pellevat, Mme Garriaud-Maylam et M. Longeot.

I.  -  Alinéa 2

Après le mot :

pertes

insérer les mots :

non assurables

II.  -  Après l'alinéa 2

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

...° Les deuxième et troisième alinéas du même article L. 361-5 sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :

« Les calamités agricoles sont les dommages résultant de risques considérés comme non-assurables dans les conditions prévues au troisième alinéa, d'importance exceptionnelle, dus à des variations anormales d'intensité d'un agent naturel climatique, lorsque les moyens techniques de lutte préventive ou curative employés habituellement dans l'agriculture, compte tenu des modes de production considérés, n'ont pu être utilisés ou se sont révélés insuffisants ou inopérants. Les risques considérés comme non-assurables pour la gestion du Fonds national de gestion des risques en agriculture sont ceux pour lesquels il n'existe aucune possibilité de couverture au moyen de produits d'assurance et qui sont reconnus comme tels par arrêté conjoint des ministres chargés de l'agriculture, de l'économie et du budget pris après avis de la commission d'orientation et de développement des assurances récolte mentionnée au huitième alinéa de l'article L. 361-8. » ;

M. Stéphane Demilly.  - Tout risque climatique est assurable, et l'exception de la non-assurabilité demeure couverte par le régime des calamités agricoles.

Il ne faut pas pénaliser nos agriculteurs.

En matière de MRC, deux assureurs sont en position de duopole : ils pourront choisir quelles cultures et quels risques seront couverts, en fonction de leur rentabilité. Ne laissons pas les agriculteurs sans solution, il y va de notre souveraineté alimentaire.

M. Laurent Duplomb, rapporteur.  - Avis défavorable aux amendements identiques nos41 et 78. M. Salmon ne veut pas voter ce texte, au moins est-il cohérent.

Avis défavorable à l'amendement n°22 rectifié bis qui est contre-productif. Nous avons adopté pour les cultures non assurables un taux de 30 % ; le taux de 13 % du revenu brut, que nous avons supprimé, viendrait apporter une contrainte supplémentaire. Retrait, sinon rejet.

M. Julien Denormandie, ministre.  - Nous voulons sortir de la dichotomie entre cultures assurables et cultures non assurables. Tout est assurable, ce n'est qu'une question de prix ! Lors de l'épisode de gel de 2021, nous avons recouru à la solidarité nationale pour des cultures dites assurables.

En revanche, en fonction de la présence d'assureurs accessibles, le seuil sera plus ou moins haut. Avis défavorable à ces amendements.

L'amendement n°22 rectifié bis est retiré.

Les amendements identiques nos41 et 78 ne sont pas adoptés.

L'article 4 est adopté.

ARTICLE 5

M. le président.  - Amendement n°39, présenté par M. Gay et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Supprimer cet article.

M. Fabien Gay.  - Nous nous opposons à la création d'un Codar au sein du comité national de la gestion des risques en agriculture.

Ce Codar renforce le poids des assureurs privés dans la conduite et le pilotage des politiques publiques en matière de gestion des risques en agriculture. Même si la commission a introduit une représentation des filières, elles n'auront qu'une voix consultative. Avec 70 % d'aide publique à la souscription des contrats, vous assurez avant tout les assureurs, qui prendront bien peu de risques !

M. Laurent Duplomb, rapporteur.  - Avis défavorable, cette suppression est contraire aux objectifs poursuivis par le texte.

M. Julien Denormandie, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°39 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°90 rectifié, présenté par le Gouvernement.

I.  -  Alinéa 4

1° Remplacer les mots :

des rapports remis par le Gouvernement au Parlement et rendus publics chaque année avant le 1er avril, sur le bilan de l'application des articles L. 361-4 et L. 361-4-1 du présent code et les

par les mots :

d'éléments de bilan de l'application des articles L. 361-4 et L. 361-4-1 du présent code et de

2° Supprimer le mot :

envisagées

et les mots :

le comité, s'appuyant sur les travaux de

3° Remplacer le mot :

, formule

par les mots :

peut formuler

4° Supprimer les mots :

les taux à retenir pour

II.  -  Alinéa 5

Supprimer les mots :

de franchise

III.  -  Alinéa 7

Supprimer les mots :

d'intervention de l'État

IV.  -  Alinéa 8

Supprimer les mots :

de l'État

et les mots :

en fonction des modalités d'indemnisation

V.  -  Alinéa 10

Supprimer cet alinéa.

M. Julien Denormandie, ministre.  - Clarifications rédactionnelles concernant les recommandations faites par le Codar.

M. le président.  - Amendement n°99, présenté par M. Duplomb, au nom de la commission des affaires économiques.

I.  -  Alinéa 4

1° Supprimer le mot :

envisagées

2° Supprimer les mots :

le comité, s'appuyant sur les travaux de

3° Supprimer les mots :

les taux à retenir pour

II.  -  Alinéa 5

Supprimer les mots :

de franchise

III.  -  Alinéa 7

Supprimer les mots :

d'intervention de l'État

IV.  -  Alinéa 8

1° Supprimer les mots :

de l'État

2° Supprimer les mots :

en fonction des modalités d'indemnisation

V.  -  Alinéa 10

1° Remplacer le mot :

Il

par le mot :

Elle

2° Remplacer les mots :

des recommandations

par le mot :

un avis

M. Laurent Duplomb, rapporteur.  - C'est à peu près le même amendement, à quelques nuances près. Monsieur le ministre, soutenez le mien !

M. Julien Denormandie, ministre.  - Et vous le mien ! (Sourires)

J'espère vous convaincre... La commission des affaires économiques a introduit dans le cahier des charges de nouveaux critères, qui rigidifient et vont moins loin que ce que permet le droit actuel. Faites-moi confiance !

M. Laurent Duplomb, rapporteur.  - L'amendement du Gouvernement vide le Codar de sa substance. En outre, le rapport sur la situation financière doit être transmis au Parlement. (Marques d'approbation sur les travées du groupe Les Républicains)

L'amendement n°90 rectifié n'est pas adopté.

L'amendement n°99 est adopté.

M. Olivier Rietmann.  - Duplomb, c'est du bon !

M. le président.  - Amendement n°56, présenté par M. Buis et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

Alinéa 9

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Ces recommandations sont pluriannuelles.

M. Bernard Buis.  - Le Codar doit décider de la fréquence de ses recommandations et de la période sur laquelle elles portent.

M. le président.  - Amendement n°88, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 9

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Elles sont assorties d'une évaluation de leur impact sur les montants totaux de l'aide prévue à l'article L. 361-4 et de l'indemnisation de l'État prévue à l'article L. 361-4-1.

M. Julien Denormandie, ministre.  - Cet amendement prévoit qu'une analyse de l'impact sur les finances publiques accompagne systématiquement les recommandations du Codar pour éclairer les débats budgétaires. Vous auriez dû me suivre sur l'amendement précédent... (Sourires)

M. Laurent Duplomb, rapporteur.  - Avis défavorable à l'amendement n° 56 : nous tenons à une périodicité de cinq ans.

Avis favorable à l'amendement n°88 du Gouvernement : vous retrouvez la raison.

M. Julien Denormandie, ministre.  - Retrait de l'amendement n°56 au profit de celui du Gouvernement.

L'amendement n°56 est retiré.

L'amendement n°88 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°15, présenté par M. Bouad et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Alinéa 12, seconde phrase

Remplacer les mots :

des organisations

par les mots :

de toutes les organisations

M. Sebastien Pla.  - Toutes les organisations syndicales doivent être représentées au sein du Codar. La filière viticole, la plus assurée, sera-t-elle bien associée aux instances décisionnelles ? Évitons les erreurs du passé.

M. Laurent Duplomb, rapporteur.  - Avis défavorable. Aucune organisation n'est exclue.

M. Julien Denormandie, ministre.  - Avis défavorable.

L'amendement n°15 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°100, présenté par M. Duplomb, au nom de la commission des affaires économiques.

Alinéa 12, seconde phrase

Après les mots :

organisations syndicales représentatives

insérer les mots :

des exploitants agricoles

L'amendement rédactionnel n°100, accepté par le Gouvernement, est adopté.

M. le président.  - Amendement n°65, présenté par M. Buis et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

Alinéa 12, seconde phrase

1° Après les mots :

entreprises d'assurance

insérer les mots :

et de réassurance

2° Après le mot :

État

insérer les mots :

, de la caisse centrale de réassurance

M. Bernard Buis.  - L'association des entreprises de réassurance et de la caisse centrale de réassurance aux délibérations du Codar doit être possible.

M. Laurent Duplomb, rapporteur.  - Avis défavorable.

M. Julien Denormandie, ministre.  - Avis favorable.

L'amendement n°65 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°1 rectifié, présenté par MM. J.M. Arnaud, Chasseing, Henno et Kern, Mme Billon, MM. Duffourg, Delcros, Mizzon, Hingray, Le Nay et Levi et Mme Jacquemet.

Alinéa 12, seconde phrase

Après les mots :

entreprises d'assurance,

insérer les mots :

des intermédiaires d'assurance,

M. Jean-Michel Arnaud.  - Cet amendement intègre au Codar les intermédiaires d'assurance tels que les agents généraux. Ces acteurs de terrain sont des interlocuteurs indispensables pour la bonne compréhension et la distribution du futur produit MRC.

M. le président.  - Amendement n°64, présenté par M. Buis et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

Alinéa 12, seconde phrase

Après le mot :

État

insérer les mots :

, des intermédiaires d'assurance

M. Bernard Buis.  - Ces acteurs ont un rôle important à jouer dans le développement de l'assurance MRC et dans la mise en oeuvre de la réforme.

M. Laurent Duplomb, rapporteur.  - Avis défavorable. La précision est inutile ; les intermédiaires seront représentés au titre des assureurs, et le Codar devra auditionner le pool des assureurs. N'énumérons pas de catégories particulières.

M. Julien Denormandie, ministre.  - Sagesse.

M. Jean-Michel Arnaud.  - J'insiste. Nous voulons nous prévenir d'un risque de duopole. En ouvrant le Codar à d'autres assureurs, on élargit l'assiette et on favorise l'appropriation du dispositif par le plus grand nombre.

M. Julien Denormandie, ministre.  - Je ne crois pas au risque de duopole. Les deux assureurs qui restent ont un historique avec les agriculteurs et ont choisi de ne pas abandonner le secteur, contrairement à tous les autres ! Ne laissons pas croire qu'ils s'enrichissent sur le dos des agriculteurs. Heureusement qu'ils sont là, tirons-leur notre chapeau !

M. Laurent Duplomb, rapporteur.  - Les intermédiaires seront compris dans le pool d'assureurs. Nous avons déjà garanti l'effectivité de la concurrence puisque la tarification commerciale sera libre.

Je remercie le ministre d'avoir accepté que la caisse centrale de réassurance joue son rôle : cela garantit une forme de soutien de l'État à tous les assureurs du pool.

Les intermédiaires ne sont pas maltraités par ce texte.

M. Marc Laménie.  - Je comprends la volonté d'associer d'autres compagnies d'assurances ; néanmoins, je suivrai l'avis du rapporteur. Les deux assureurs en question ont un bon maillage territorial, à travers le réseau des caisses locales.

M. Vincent Segouin.  - Il semblerait que tout repose sur la capacité à convaincre les agriculteurs de souscrire ces nouveaux contrats : cela passera par les réseaux.

N'en déplaise au ministre, il y a bien un duopole. Cependant, avec l'assurance grêle, ce duopole n'est plus si évident.

Les intermédiaires auront un rôle à jouer dans le déploiement du dispositif. Il faut veiller à ce qu'ils ne soient pas exclus par les compagnies d'assurances.

Mme Victoire Jasmin.  - En outre-mer, le risque assurantiel est élevé, compte tenu du niveau du risque climatique. Or il n'y a qu'un seul assureur pour les Caraïbes, qui pratique des tarifs élevés, au moins 40 % supérieurs à ceux de la métropole. Il faut travailler sur le sujet.

L'amendement n°1 rectifié n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°64.

M. le président.  - Amendement n°62, présenté par M. Buis et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

Alinéa 12, seconde phrase

1° Remplacer les mots :

et, sur désignation

par les mots :

et, le cas échéant, sur désignation

2° Après le mot :

filières

insérer le mot :

spécialement

M. Bernard Buis.  - Amendement de précision sur l'association des filières aux délibérations du Codar.

M. Laurent Duplomb, rapporteur.  - Avis favorable.

M. Julien Denormandie, ministre.  - Avis favorable.

L'amendement n°62 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°26 rectifié bis, présenté par MM. Chasseing, Menonville, Guerriau et Wattebled, Mme Mélot, MM. Lagourgue, Laménie, Bonhomme, Détraigne, Pellevat, Lefèvre et Folliot et Mmes Saint-Pé, Garriaud-Maylam et Dumont.

Alinéa 12

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Des représentants de la profession agricole, pour chaque secteur de production, sont associés à la gouvernance de ces comités.

M. Marc Laménie.  - L'évaluation des pertes préalables au déclenchement des indemnisations, la mise au point des indices et référentiels visant à procéder à cette évaluation et les modalités d'indemnisation doivent reposer sur une approche partenariale entre État, collectivités, assurances et agriculteurs.

Les représentants de la profession agricole doivent donc être associés à la gouvernance du comité national de la gestion des risques en agriculture et du Codar.

M. Laurent Duplomb, rapporteur.  - Cet amendement est satisfait par le texte de la commission. Les filières seront entendues par le Codar. Retrait ou avis défavorable.

M. Julien Denormandie, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°26 rectifié bis est retiré.

L'article 5, modifié, est adopté.

ARTICLE 5 BIS A

M. le président.  - Amendement n°82, présenté par le Gouvernement.

Alinéas 2 à 8

Remplacer ces alinéas par deux alinéas ainsi rédigés :

« Art. L. 361-9.  -  Après avis de la commission chargée de l'orientation et du développement des assurances garantissant les dommages causés aux récoltes mentionnée à l'article L. 361-8, les décrets prévus aux articles L. 361-4 et L. 361-4-1 fixent les seuils, les taux de subvention et les taux d'indemnisation pour une durée de trois ans.

« Un arrêté des ministres chargés de l'agriculture et de l'économie peut fixer temporairement des taux et seuils dérogatoires, après avis de la commission. »

M. Julien Denormandie, ministre.  - La commission a prévu des seuils pluriannuels. Je comprends la logique, mais cinq ans me semblent être une durée trop longue. Aussi, je propose trois ans.

M. le président.  - Amendement n°16, présenté par M. Bouad et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Alinéa 7

Compléter cet alinéa par les mots :

et accord des organisations syndicales représentatives présentes en son sein

M. Denis Bouad.  - Cet amendement prévoit l'accord, et non le simple avis, des organisations syndicales présentes au sein du Codar en cas de fixation temporaire de taux et seuils annuels dérogatoires.

M. le président.  - Amendement n°101, présenté par M. Duplomb, au nom de la commission des affaires économiques.

Alinéa 8

Après les mots :

après avis de la

rédiger ainsi cet alinéa :

même commission.

M. Laurent Duplomb, rapporteur.  - Amendement rédactionnel.

Je vous félicite, monsieur le ministre, pour l'amendement n°82 qui signifie que vous acceptez les taux pluriannuels. Cependant, je préfère cinq ans. Avis défavorable à l'amendement n°82.

Avis défavorable à l'amendement n°16 qui va un peu trop loin.

M. Julien Denormandie, ministre.  - Je sens l'humeur taquine du rapporteur... Lorsque le Gouvernement a déposé cet amendement, il n'avait pas connaissance des vôtres qui ont été déposés quelques heures avant la séance. (Sourires)

Retrait de l'amendement n°16 au profit de l'amendement n°82.

Avis défavorable à l'amendement n°101.

L'amendement n°82 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°16.

L'amendement n°101 est adopté.

L'article 5 bis A, modifié, est adopté, ainsi que les articles 5 bis et 6.

ARTICLE 7

M. le président.  - Amendement n°40, présenté par M. Gay et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Supprimer cet article.

M. Fabien Gay.  - Nous défendons une ligne politique différente de celle du rapporteur. (M. le rapporteur le confirme.)

Nous allons essayer de rester cohérents, ce qui est déjà beaucoup par les temps qui courent. (Rires)

Nous nous retrouvons cependant sur le respect du Parlement. Cet article, qui est le coeur du réacteur de ce projet de loi, prévoit une habilitation à légiférer par ordonnances sur des sujets majeurs. Nous devrions avoir un débat.

M. le président.  - Amendement identique n°75, présenté par MM. Salmon, Labbé, Gontard, Benarroche, Dantec, Dossus et Fernique, Mme de Marco, M. Parigi et Mmes Poncet Monge, Taillé-Polian et M. Vogel.

M. Daniel Salmon.  - Très bien défendu !

M. Laurent Duplomb, rapporteur.  - Oui, légiférer par ordonnances ne respecte guère le Parlement.

M. Olivier Rietmann.  - On a l'habitude !

M. Laurent Duplomb, rapporteur.  - Je crois cependant que le Gouvernement n'est pas encore en mesure de nous détailler le contenu des mesures envisagées à cet article. (M. le ministre le confirme.) Nous attendons l'avis de l'Autorité de la concurrence sur la question du pool des données.

En d'autres termes, nous n'avons guère le choix. Avis défavorable.

M. Julien Denormandie, ministre.  - Même avis.

M. Fabien Gay.  - « On a l'habitude », ai-je entendu... Mais on ne devrait pas s'habituer ! La législature touche à son terme et on nous impose un rythme effréné pour adopter des projets de loi, sans compter ceux maquillés en propositions de loi.

Légiférez sans nous, si ce doit être par ordonnance ! Le Président Larcher aura beau jeu, ensuite, de se plaindre du nombre d'ordonnances.

Les amendements identiques nos40 et 75 ne sont pas adoptés.

M. le président.  - Amendement n°83, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 2

1° Après le mot :

consister

insérer les mots :

à communiquer les données qu'elles détiennent à l'État,

2° Après le mot :

partagées

insérer les mots :

ainsi qu'à l'État

3° Supprimer les mots :

et, le cas échéant

4° Après le mot :

clients,

insérer les mots :

à exercer en commun certaines activités liées à ces produits,

M. Julien Denormandie, ministre.  - Cet amendement apporte plusieurs précisions. Les données des assureurs membres du pool devront aussi être partagées avec l'État.

En outre, il est proposé de rétablir les dispositions relatives à l'exercice en commun de certaines activités.

M. Laurent Duplomb, rapporteur.  - Je vais faire plaisir à Fabien Gay. Avis favorable à cet amendement si les 3° et 4° sont supprimés : il faut encadrer l'ordonnance. Sinon, avis défavorable.

M. Julien Denormandie, ministre.  - Je ne souhaite pas modifier mon amendement.

L'amendement n°83 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°2 rectifié, présenté par MM. J.M. Arnaud, Chasseing, Henno et Kern, Mme Billon, MM. Duffourg, Delcros, Mizzon, Hingray, Le Nay et Levi et Mme Jacquemet.

Alinéa 4

Remplacer le mot:

doivent

par le mot :

peuvent

M. Jean-Michel Arnaud.  - Le groupe UC votera ce texte, mais je trouve bien optimiste de prévoir une mise en oeuvre au 1er janvier 2023. Les assurances devront reformuler complètement leurs contrats et les agriculteurs en prendre connaissance avant de les signer.

Si l'ordonnance doit être prise dans un délai de neuf mois, cela me semble même intenable.

M. Laurent Duplomb, rapporteur.  - Avis défavorable. Remplacer « doivent » par « peuvent » serait contre-productif. Nous avons intérêt à avoir le maximum d'assureurs dans le pool pour mutualiser les risques.

M. Julien Denormandie, ministre.  - Même avis.

M. Jean-Michel Arnaud.  - Le rapporteur a répondu à mon amendement n°3 rectifié sur l'article 12, défendu par erreur... Quant à l'amendement n°2 rectifié dont il est question ici, j'allais le retirer.

L'amendement n°2 rectifié est retiré.

M. le président.  - Amendement n°76, présenté par MM. Salmon, Labbé, Gontard, Benarroche, Dantec, Dossus et Fernique, Mme de Marco, M. Parigi et Mmes Poncet Monge, Taillé-Polian et M. Vogel.

Alinéa 6

Supprimer cet alinéa.

M. Daniel Salmon.  - Cet amendement de repli supprime l'habilitation à légiférer sur la fixation d'obligations déclaratives pour les agriculteurs non assurés. Il leur appartient de décider librement s'ils déclarent les informations qui les concernent aux sociétés d'assurance.

M. le président.  - Amendement n°84, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 6

1° Remplacer les mots :

qu'il ne soit pas fait appel de manière irrégulière, abusive ou frauduleuse à la solidarité nationale dans le

par le mot :

du

2° Supprimer les mots :

d'assurer le respect,

M. Julien Denormandie, ministre.  - L'amendement inclut dans le champ des mesures de contrôle et de sanction le respect par les assureurs des obligations qui pourraient être mises à leur charge.

M. Laurent Duplomb, rapporteur.  - Avis favorable à l'amendement n°84. Avis défavorable à l'amendement n°76 : on ne peut indemniser sans déclaration.

M. Julien Denormandie, ministre.  - Avis défavorable également à l'amendement n°76.

M. Daniel Gremillet.  - L'obligation de faire remonter les informations des assureurs à l'État concerne-t-elle aussi les relations entre assurés et assureurs, c'est-à-dire le deuxième étage du dispositif ?

M. Daniel Salmon.  - Le secteur assurantiel devient incontournable, même pour les non-assurés. L'État se défausse...

M. Julien Denormandie, ministre.  - Absolument, monsieur Gremillet. Le texte borne le risque maximum auquel sont confrontés les assureurs du fait de l'intervention de la solidarité nationale au troisième étage. Cela limite le niveau de capital mobilisé sur le risque climatique. Ainsi, le coût des primes diminue ou est à tout le moins régulé.

L'amendement n°76 n'est pas adopté.

L'amendement n°84 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°85, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 10, première phrase

Remplacer le mot :

quatre

par le mot :

six

M. Julien Denormandie, ministre.  - Cet amendement prolonge de quatre à six mois le délai d'habilitation, car les ordonnances doivent ensuite être présentées à l'Autorité de la concurrence.

M. Laurent Duplomb, rapporteur.  - Avis plutôt défavorable. Nous voulons inciter le Gouvernement à rédiger les ordonnances avant les échéances électorales.

M. Julien Denormandie, ministre.  - Votre « plutôt », monsieur le rapporteur, prouve que vous comprenez le Gouvernement. Comme je vous l'ai dit, je ne suis pas maître du calendrier de l'Autorité de la concurrence.

M. Laurent Duplomb, rapporteur.  - Nous gardons quand même quatre mois !

L'amendement n°85 n'est pas adopté.

L'article 7, modifié, est adopté.

ARTICLE 8

M. le président.  - Amendement n°102, présenté par M. Duplomb, au nom de la commission des affaires économiques.

I.  -  Alinéa 4

Remplacer les mots :

et les articles L. 361-4-1 à L. 361-6

par les mots :

, les articles L. 361-4-1 à L. 361-6 et la dernière phrase du premier alinéa de l'article L. 361-8

II.  -  Alinéa 6 

Remplacer les mots :

et les articles L. 361-4-1 à L. 361-6

par les mots :

, les articles L. 361-4-1 à L. 361-6 et la dernière phrase du premier alinéa de l'article L. 361-8

III.  -  Alinéa 11

Compléter cet alinéa par les mots :

et la dernière phrase du premier alinéa de l'article L. 361-8

IV.  -  Alinéa 16

Compléter cet alinéa par les mots :

et la dernière phrase du premier alinéa de l'article L. 361-8

L'amendement de coordination n°102, accepté par le Gouvernement, est adopté.

L'article 8, modifié, est adopté.

Les articles 9, 10 et 11 sont adoptés.

ARTICLE 12

M. le président.  - Amendement n°3 rectifié, présenté par MM. J.M. Arnaud, Henno et Kern, Mme Billon, MM. Mizzon, Hingray et Levi et Mme Jacquemet.

Alinéa 1

Remplacer l'année :

2023

par l'année :

2024

M. Jean-Michel Arnaud.  - Je l'ai défendu tout à l'heure. J'espère une mise en oeuvre rapide de la réforme, mais il faut rester réaliste.

M. le président.  - Amendement n°29 rectifié, présenté par M. Segouin, Mme Thomas, M. J.B. Blanc, Mmes Garriaud-Maylam et Estrosi Sassone, MM. Mouiller, Daubresse et J.P. Vogel, Mme Eustache-Brinio, MM. Piednoir, Cadec, Panunzi et de Nicolaÿ, Mme Imbert, MM. Burgoa et Favreau, Mme Lopez, MM. Bouchet, Milon, Longuet, Lefèvre et J.M. Boyer, Mmes Canayer et Dumont, M. Pellevat et Mme Gosselin.

I.  -  Alinéa 1

Remplacer le mot :

janvier

par le mot :

août

II.  -  Alinéa 4

Supprimer cet alinéa.

M. Vincent Segouin.  - L'entrée en vigueur du projet de loi au 1er janvier 2023 est incompatible avec le calendrier des cultures qui commence au mois d'août. Cet amendement la reporte donc au 1er août 2023.

M. Laurent Duplomb, rapporteur.  - Je pensais caler la mise en oeuvre de la réforme sur celle de la nouvelle PAC. Avis défavorable. (On le déplore sur diverses travées du groupe Les Républicains.)

M. Julien Denormandie, ministre.  - Les contrats d'assurance sont négociés avant l'été, d'où la pression des assureurs pour une entrée en vigueur de la réforme en août.

Je souhaite une mise en oeuvre au 1er janvier 2023. Les contrats en cours pourront être mis en conformité avec la nouvelle loi. Avis défavorable.

M. Vincent Segouin.  - Pourquoi le 1er janvier 2023 ? La saison culturelle commence au mois d'août. Pour le colza et le blé, nous serions dans l'ancien système, et dans le nouveau pour les autres cultures. Il faudrait refaire les contrats et informer les assurés. (M. le ministre le confirme.)

M. Daniel Gremillet.  - C'est un vrai sujet. Brûlons des cierges pour qu'il ne se passe rien en 2022... La mise en oeuvre de la réforme en septembre 2023 équivaudrait à la repousser de deux campagnes. La déclaration d'assolement se fait au 31 décembre, elle est ajustée en mai.

Voyez le nombre de contrats dédits en 2022 du fait de la hausse des primes d'assurance ! Il faut aller vite.

M. Franck Menonville.  - Je rejoins notre rapporteur et M Gremillet. Repousser la réforme fait courir un risque.

L'amendement n°3 rectifié n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°29 rectifié.

M. le président.  - Amendement n°86, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 3, première phrase

1° Après le mot :

demander

insérer les mots :

, dans un délai de trois mois à compter de cette date,

2° Remplacer les mots :

qui intervient dans un délai de trois mois à compter de cette même date

par les mots :

laquelle intervient dans un délai de trente jours à compter de la réception de la demande par l'entreprise d'assurance, sauf si la campagne de production pour la culture considérée arrive à son terme au cours de ces délais

M. Julien Denormandie, ministre.  - Cet amendement précise le délai dans lequel l'agriculteur peut demander à son assureur de modifier son contrat.

M. Laurent Duplomb, rapporteur.  - Sagesse.

L'amendement n°86 est adopté.

L'article 12, modifié, est adopté.

APRÈS L'ARTICLE 12

M. le président.  - Amendement n°5, présenté par M. Pla.

Après l'article 12

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au plus tard deux mois après la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport relatif à la création d'un fonds professionnel mutuel et solidaire au niveau national.

M. Sebastien Pla.  - Encadré et financé par les pouvoirs publics, un tel fonds ferait intervenir une diversité de contributeurs en assurant une mutualisation des risques entre exploitants agricoles. Il serait géré par l'ensemble des contributeurs. L'État conserverait un rôle d'arbitre et les DDT continueraient à être associées étroitement au montage des dossiers départementaux. Ce fonds qui couvrirait toutes les fermes serait abondé grâce à la solidarité des filières.

M. le président.  - Amendement n°66 rectifié, présenté par MM. Salmon, Labbé, Gontard, Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique et Parigi et Mmes de Marco, Poncet Monge, Taillé-Polian et M. Vogel.

Après l'article 12

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au plus tard un an après la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport relatif à la création d'un fonds professionnel mutuel et solidaire pour la gestion des risques climatiques, au niveau national. Ce rapport identifie également les méthodes par lesquelles des entreprises de l'aval de la filière agroalimentaire peuvent être mises à contribution.

M. Daniel Salmon.  - Cette demande de rapport vise à contourner l'article 40.

Nous déplorons la vision très comptable de certains acteurs de l'assurance. La philosophie mutualiste permet de couvrir les risques plus difficilement assurables. Un fonds assurantiel nouveau neutraliserait tous les risques. Les agriculteurs y seraient représentés et l'État aurait un rôle d'arbitre. Tel est le système assurantiel que nous appelons de nos voeux.

M. Laurent Duplomb, rapporteur.  - Ce sont deux amendements d'appel pour connaître l'avis du ministre sur le sujet. Avis défavorable.

M. Julien Denormandie, ministre.  - Même avis. La création d'un fonds professionnel mutuel pose deux séries de questions.

Autant de tels fonds peuvent exister pour les risques sanitaires, autant le monde agricole ne peut seul supporter le coût des risques environnementaux. La solidarité nationale et les assureurs doivent participer.

Deuxièmement, comment impliquer tous les acteurs et éviter que l'amont ne reporte les charges sur l'aval ?

L'amendement n°5 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°66 rectifié.

ARTICLE 16

M. le président.  - Amendement n°45 rectifié, présenté par MM. Cabanel, Artano, Bilhac et Corbisez, Mme N. Delattre, MM. Fialaire, Gold et Guérini, Mme Guillotin, M. Guiol, Mme Pantel et M. Requier.

Alinéa 2

Rédiger ainsi cet alinéa :

Afin de prendre en compte la réalité des impacts du changement climatique pour les exploitants, ce rapport évalue notamment les pistes d'évolution les plus pertinentes à promouvoir pour réformer les modalités de calcul du potentiel de production moyen par culture, dont la nécessité d'allonger à dix années au moins la durée permettant le calcul de la moyenne olympique.

M. Henri Cabanel.  - La moyenne olympique n'a pas été réformée depuis 1994. Or les aléas climatiques sont plus fréquents, plus intenses.

Dans sa proposition de résolution de 2019, le RDSE prônait un allongement à dix ans de cette moyenne olympique. Que le Gouvernement agisse au niveau européen !

M. Laurent Duplomb, rapporteur.  - Je comprends votre logique mais cette problématique doit être abordée à l'échelle de l'OMC. Avis défavorable.

M. Julien Denormandie, ministre.  - Même avis, pour les mêmes raisons.

L'amendement n°45 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°17 rectifié, présenté par M. Bouad et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Après l'alinéa 2

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

Il dresse un bilan des actions concrètes que l'État français aura menées dans le cadre de la Présidence française de l'Union européenne de 2022 pour engager une révision de l'accord international sur l'agriculture de l'Organisation mondiale du commerce signé à Marrakech en 1994 concernant son volet relatif à la moyenne olympique et aux aides de la « boite verte ».

M. Franck Montaugé.  - Nous voulons que soient précisées les actions du Gouvernement dans le cadre de la PFUE s'agissant de la moyenne olympique issue des accords de Marrakech de 1994.

M. Laurent Duplomb, rapporteur.  - Ce serait utile. Sagesse.

M. Julien Denormandie, ministre.  - Le Gouvernement est engagé sur la moyenne olympique. Mais le sujet relève de la « boîte verte de l'OMC » : si nous l'ouvrons, nous pouvons y gagner mais aussi y perdre.

Il faut avancer avec une coalition internationale. Les accords de Marrakech sont dépassés : il faut donc actualiser les dispositions en vigueur. Un nouveau référentiel est nécessaire, mais le chantier est immense, et nous n'avons pas encore eu le temps de nous y atteler. Retrait ou avis défavorable.

L'amendement n°17 rectifié est adopté.

M. le président.  - Amendement n°69, présenté par MM. Salmon, Labbé, Gontard, Benarroche, Dantec, Dossus et Fernique, Mme de Marco, M. Parigi et Mmes Poncet Monge, Taillé-Polian et M. Vogel.

Alinéa 3, seconde phrase

Remplacer les mots :

disposant des moyens de prévention offrant une protection suffisante face à certains risques

par les mots :

tout en accompagnant ces exploitations pour la mise en place de pratiques et de dispositifs permettant de prévenir les risques climatiques

M. Daniel Salmon.  - La minoration de l'indemnité perçue par les agriculteurs non assurés résulte du droit européen. Le rapport doit donc proposer des pistes pour que les exploitants non assurés ne soient pas pénalisés. Accompagnons ces exploitations pour les aider à développer des pratiques et des dispositifs de gestion des risques.

M. Laurent Duplomb, rapporteur.  - Nous en avons déjà parlé plusieurs fois. Avis défavorable.

M. Julien Denormandie, ministre.  - Avis défavorable. Nous appliquons la règle européenne qui prévoit qu'un non-assuré ne peut toucher plus de 50 % du montant perçu par les assurés. Ce texte ne pénalise nullement les agriculteurs non assurés.

M. Daniel Gremillet.  - Jusqu'à présent, l'agriculteur devait déclarer l'ensemble des surfaces assurables en fonction des aides européennes perçues. À la moindre erreur, pas d'indemnités ! Nous avons beaucoup progressé avec ce texte.

L'amendement n°69 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°43, présenté par MM. Gontard, Salmon, Labbé, Benarroche, Dantec, Dossus et Fernique, Mme de Marco, M. Parigi et Mmes Poncet Monge, Taillé-Polian et M. Vogel.

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Il présente des perspectives d'amélioration de la prise en charge des pertes de récolte, de culture ou des pertes matérielles dues aux orages de grêle. Il propose une définition d'échelle de classement de l'intensité des événements de grêle, en lien avec Météo-France ainsi qu'un seuil au-delà duquel les pertes liées à la grêle peuvent être compensées par la troisième section du Fonds national de gestion des risques en agriculture défini par la présente loi.

M. Guillaume Gontard.  - Le risque de grêle s'accroît du fait du réchauffement climatique, ce qui entraîne un renchérissement des assurances que seuls 60 % des agriculteurs sont en mesure de souscrire. Il convient donc de compléter la couverture assurantielle des agriculteurs contre les épisodes de grêle. Pour ce faire, nous devons nous doter d'outils pour mesurer l'intensité des orages. Météo-France apparaît comme l'acteur le plus à même de fournir des données scientifiques fiables.

M. Laurent Duplomb, rapporteur.  - Avis défavorable. Un contrat MRC inclut une couverture pour la grêle. Sans assurance, l'agriculteur percevra les 50 % de l'indemnisation de l'État.

M. Julien Denormandie, ministre.  - À défaut de contrat grêle, le troisième étage - la solidarité nationale - sera mobilisé.

L'amendement n°43 n'est pas adopté.

L'article 16 est adopté.

INTITULÉ DU PROJET DE LOI

M. le président.  - Amendement n°104, présenté par M. Duplomb, au nom de la commission des affaires économiques.

Remplacer les mots :

portant réforme des outils de gestion des risques climatiques en agriculture

par les mots :

d'orientation relative à une meilleure diffusion de l'assurance récolte en agriculture et portant réforme des outils de gestion des risques climatiques en agriculture

M. Laurent Duplomb, rapporteur.  - Je propose de renommer la loi pour rappeler son caractère programmatique.

M. Julien Denormandie, ministre.  - Retrait ou avis défavorable.

Je vous remercie pour la qualité de nos débats. La garantie du risque pour les agriculteurs est essentielle. C'est un nouveau cap que nous franchissons aujourd'hui.

L'amendement n°104 est adopté et le projet de loi est ainsi intitulé.

Interventions sur l'ensemble

M. Bernard Buis .  - Nous espérons un accord en CMP, dans l'intérêt de nos agriculteurs.

Certes, des divergences existent : la majorité de l'Assemblée nationale souhaite avancer dans la concertation, celle du Sénat, fixer un grand nombre de mesures dans la loi, au risque de la rigidité. Nous sommes toutefois d'accord sur l'essentiel.

Nous voterons ce texte, optimistes pour une mise en oeuvre au 1er janvier 2023 !

M. Daniel Gremillet .  - Je remercie notre rapporteur, qui a su donner une colonne vertébrale au texte transmis par l'Assemblée nationale.

Tout n'est pas gagné, car la confiance ne se décrète pas. Nous avons en mémoire l'échec de l'assurance récolte.

Il faut que les agriculteurs s'engagent en nombre. De votre côté, monsieur le ministre, vous avez le devoir de faire en sorte que l'État soit au rendez-vous. Il y va de notre souveraineté alimentaire.

Nous voterons ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Denis Bouad .  - Le fonds de calamité agricole est à bout de souffle : vous avez raison, monsieur le ministre, de vouloir le réformer. Voilà des années que notre groupe appelle à agir en ce sens.

Je me réjouis de l'application pleine et entière du règlement Omnibus, comme de la création d'un pool d'assureurs face au désengagement des acteurs historiques que sont Groupama et le Crédit Agricole.

La solidarité nationale est également nécessaire pour garantir la ferme France contre les aléas climatiques ; c'est une clé du renouvellement des générations et de l'accès au crédit pour nos agriculteurs. Car si l'incendie d'une habitation est un risque aléatoire, le gel, pour un agriculteur, est un risque certain...

Nous voterons ce projet de loi.

M. Laurent Burgoa.  - Très bien !

M. Henri Cabanel .  - Après de multiples débats depuis de trop nombreuses années, voici que le Parlement adopte enfin un texte sur l'assurance récolte. Je vous remercie, monsieur le ministre, d'avoir mené à bien ce chantier. Je remercie également notre rapporteur pour son travail.

J'espère de tout coeur que les objectifs seront atteints, même si je doute un peu, compte tenu des freins que constituent les moyennes olympiques et le coût des contrats. Il faut aussi se préoccuper des 50 % d'agriculteurs qui resteront non assurés.

M. Pierre Louault .  - Le gel du printemps dernier a mis en lumière les limites du fonds de calamités agricoles.

Ce texte représente un réel progrès pour l'ensemble de nos agriculteurs. J'en remercie le ministre, ainsi que la commission et son rapporteur.

Les jeunes agriculteurs, obligés de s'assurer pour emprunter, paient actuellement le prix fort. La mutualisation du risque est donc bienvenue.

Je n'ai qu'un regret : les fonds devraient être capitalisés, car les catastrophes climatiques sont récurrentes, mais irrégulières. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

M. Franck Menonville .  - Nous voterons avec conviction ce texte fondateur pour la résilience de notre agriculture. L'engagement de l'État devra être sécurisé dans le temps.

À la demande de la commission, le projet de loi est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°96 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 343
Pour l'adoption 315
Contre   28

Le Sénat a adopté.

(Applaudissements sur les travées du RDPI, du RDSE et des groupes INDEP, UC et Les Républicains)

Mme Sophie Primas, présidente de la commission.  - Ce texte répond à un enjeu majeur pour l'avenir de notre agriculture productive. Il y avait urgence, compte tenu de la détresse de nombreux agriculteurs et du besoin de confiance des plus jeunes. Il y a aussi un enjeu politique, ne le dissimulons pas.

Je remercie tous ceux qui ont contribué à la rédaction issue de nos travaux. La commission a mené de très larges consultations auprès des filières.

Je fais le voeu d'une CMP conclusive. Est-ce par vanité ? Toujours est-il que, depuis Egalim 1, la commission des affaires économiques a l'habitude des CMP réussies, même quand la situation paraît désespérée...

Je remercie le ministre, avec lequel nous avons toujours des débats éclairés et respectueux. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP, ainsi que du RDSE et du RDPI)

M. Julien Denormandie, ministre.  - Il est vrai que nous avons parfois réussi l'impossible ! Je souhaite que, cette fois encore, un accord soit trouvé.

Je remercie le rapporteur, que je commence à bien connaître... (Sourires)

Beaucoup reste à faire pour la mise en oeuvre de cette réforme. (Applaudissements sur les travées du RDPI, du RDSE et du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains)

Prochaine séance demain, mercredi 9 février 2022, à 15 heures.

La séance est levée à 23 h 45.

Mardi 8 février 2022

Bas sommaire

Sommaire

Décès d'un ancien sénateur1

Activité professionnelle indépendante (Conclusions de la CMP)2

M. Christophe-André Frassa, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire2

M. Jean-Baptiste Lemoyne, ministre délégué chargé du tourisme, des Français de l'étranger et de la francophonie, et chargé des PME2

Mme Florence Blatrix Contat2

M. Ludovic Haye2

M. Franck Menonville2

Mme Catherine Di Folco2

Mme Mélanie Vogel2

M. Fabien Gay2

Mme Françoise Férat2

M. Jean-Claude Requier2

Aménagement du Rhône (Procédure accélérée)2

Nominations à une éventuelle CMP2

Explications de vote2

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée, chargée du logement2

M. Patrick Chauvet, rapporteur de la commission des affaires économiques2

M. Bernard Buis2

M. Claude Malhuret2

Mme Vivette Lopez2

M. Thomas Dossus2

Mme Cécile Cukierman2

M. Loïc Hervé2

M. Henri Cabanel2

Mme Florence Blatrix Contat2

Outils de gestion des risques climatiques en agriculture (Procédure accélérée)2

Discussion générale2

M. Julien Denormandie, ministre de l'agriculture et de l'alimentation2

M. Laurent Duplomb, rapporteur de la commission des affaires économiques2

M. Patrice Joly, rapporteur pour avis de la commission des finances2

M. Claude Nougein, rapporteur pour avis de la commission des finances2

Demande de priorité2

M. Franck Menonville2

M. Fabien Gay2

M. Daniel Gremillet2

Prérogatives d'une commission d'enquête2

Outil de gestion des risques climatiques en agriculture (Procédure accélérée - Suite)2

Discussion générale (Suite)2

M. Daniel Salmon2

M. Pierre Louault2

M. Henri Cabanel2

M. Franck Montaugé2

M. Bernard Buis2

M. Vincent Segouin2

M. Jean-Michel Arnaud2

M. Denis Bouad2

M. Olivier Rietmann2

Discussion des articles2

AVANT L'ARTICLE PREMIER2

ARTICLE PREMIER2

M. Gérard Lahellec2

ARTICLE PREMIER BIS2

APRÈS L'ARTICLE 16 (Appelé en priorité)2

SÉANCE

du mardi 8 février 2022

55e séance de la session ordinaire 2021-2022

présidence de Mme Laurence Rossignol, vice-présidente

Secrétaires : M. Jacques Grosperrin, Mme Victoire Jasmin.

La séance est ouverte à 14 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu intégral publié sur le site internet du Sénat, est adopté.

Décès d'un ancien sénateur

Mme la présidente.  - J'ai le regret de vous faire part du décès de notre ancien collègue Georges Labazée, sénateur des Pyrénées-Atlantiques de 2011 à 2017.

Activité professionnelle indépendante (Conclusions de la CMP)

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle l'examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi en faveur de l'activité professionnelle indépendante.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire .  - La commission mixte paritaire (CMP) réunie sur le projet de loi en faveur en faveur de l'activité professionnelle indépendante est tombée d'accord sans grande difficulté.

Il faut dire que les objectifs du texte sont des plus consensuels : faciliter la vie des trois millions de travailleurs indépendants, les aider à transmettre leur entreprise et mieux les protéger contre les aléas de la vie économique.

La création d'un nouveau statut d'entrepreneur individuel, séparant les patrimoines professionnel et personnel, offrira à nos entrepreneurs une protection renforcée en cas de défaillance. Certes, ce dispositif ne fera pas de miracles, les principaux créanciers pouvant continuer d'exiger des sûretés spéciales sur certains biens ; sa plus-value réelle reste ainsi à démontrer. Il n'en représente pas moins une révolution dans notre droit privé.

Alors que les principes pluriséculaires fondant la confiance et le crédit ne doivent être touchés que d'une main tremblante, le Gouvernement nous a soumis d'abord un texte assez bâclé. Certes, il était compréhensible qu'il veuille faire un geste à l'égard des trois millions d'indépendants à quelques mois d'une élection majeure... Mais de là à nous présenter un texte à trous !

Dans les deux semaines qui lui étaient imparties, le Sénat a fait son possible pour en combler les lacunes.

Ainsi, nous avons presque entièrement réécrit les dispositions relatives au nouveau statut d'entrepreneur individuel. L'Assemblée nationale a conservé une partie de nos apports : articulation du nouveau statut avec les régimes matrimoniaux pour ne pas provoquer de désordres dans les familles en cas de communauté des biens, opposabilité de la dualité de patrimoine subordonnée à l'existence publique de l'entreprise, clarification du régime du transfert universel du patrimoine professionnel.

Sur deux autres points importants, la CMP s'est entendue sur une rédaction de compromis.

Par ailleurs, le Sénat avait souhaité inscrire dans la loi les dispositions adaptant les procédures collectives et de surendettement, plutôt que de s'en remettre à une ordonnance - une de plus. L'Assemblée nationale nous a suivis.

Au total, grâce à nos échanges avec la rapporteure de l'Assemblée nationale et le ministère de la Justice, nous sommes parvenus à une rédaction commune satisfaisante.

S'agissant de la réforme de l'exercice en société des professions libérales réglementées, l'habilitation à légiférer par ordonnance était trop large, conséquence de l'impréparation du Gouvernement. La question n'est pas technique, mais pleinement politique : pour la sécurité de tous et pour préserver la confiance des Français envers leur notaire ou leur médecin, nous devons garantir l'indépendance des professionnels libéraux.

Sur ce sujet, j'ai dû me résoudre à un compromis qui ne me satisfait pas pleinement : l'habilitation est rétablie, mais l'ordonnance ne pourra pas augmenter la part du capital ou des droits de vote ouverte à des investisseurs autres que les professionnels concernés - ce qui est bien la moindre des garanties.

Le projet de loi a suscité de nombreuses attentes chez les travailleurs indépendants. Certaines seront peut-être déçues. Néanmoins, grâce aux apports de la navette, ce texte aura quelque utilité.

Aussi, je vous invite à adopter les présentes conclusions, en remerciant M. Babary et Mme Puissat, rapporteurs pour avis, pour leur travail constructif et les concessions consenties en CMP. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Bruno Belin.  - Très bien !

M. Jean-Baptiste Lemoyne, ministre délégué chargé du tourisme, des Français de l'étranger et de la francophonie, et chargé des PME .  - Depuis 1994 et la loi Madelin, dernier texte en faveur du travail indépendant, que de chemin parcouru ! Nous sommes fiers d'avoir mené à bien ce chantier cher au Président de la République.

C'est bien le moins que nous devions à nos trois millions d'entrepreneurs, qui portent haut les valeurs de travail, de mérite et d'initiative. Les chiffres de la création d'entreprise traduisent une dynamique qu'il nous appartient de conforter, en simplifiant la vie des indépendants et en renforçant leur protection.

Après la protection de la résidence principale en 2015, l'article premier de ce projet de loi marque une avancée considérable en dissociant les patrimoines professionnel et personnel des entrepreneurs. Je salue le travail parlementaire important mené à cet égard. Nous serons attentifs à la mise en oeuvre de cette mesure par les banques.

La transmission d'entreprise, horriblement complexe, sera grandement facilitée.

Entreprendre, c'est réussir parfois, et parfois échouer. Nous devons donc prévoir un filet de sécurité. Le texte ouvre la voie à l'élargissement des bénéficiaires de l'allocation pour les travailleurs indépendants (ATI). La CMP a maintenu le rapport d'évaluation prévu pour 2024 ; il pourra être soumis pour avis aux organisations syndicales.

Simplifier et protéger : tels sont les maîtres mots de cette réforme.

La formation des indépendants est aussi refondue, avec un organisme unique chargé de gérer les contributions.

Enfin, nous recodifierons, à droit constant, des dispositions éparpillées dans différents textes, pour plus de cohérence et de sécurité. Ce travail, sans conséquence pour l'Alsace et la Moselle, sera un chantier prioritaire de la Commission supérieure de codification.

Je salue le travail transpartisan mené sur ce texte, qui doit beaucoup à Alain Griset. Cette réforme est attendue par trois millions d'indépendants : l'État doit être au rendez-vous pour les accompagner et les protéger ! (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)

Mme Florence Blatrix Contat .  - Texte de circonstance avant les échéances électorales du printemps, ce projet de loi est censé s'adresser à tous les travailleurs indépendants. Or cette catégorie est très hétérogène : entrepreneurs, artisans, commerçants, professions libérales, travailleurs de plateformes.

Nous souhaitons que tous voient leur situation concrète s'améliorer dans un cadre stabilisé et protecteur.

Ce projet de loi devait mieux protéger les entrepreneurs individuels. La séparation des patrimoines professionnel et personnel est bienvenue, mais nous craignons que renoncer à cette protection ne devienne la règle, en sorte que la situation concrète des indépendants ne serait pas améliorée.

Le Gouvernement considère les travailleurs de plateformes comme des indépendants, au moment même où l'Union européenne s'apprête à instaurer la présomption de salariat. Il est regrettable que nous n'ayons pas été précurseurs en la matière.

En outre, l'accès de ces travailleurs à l'ATI reste très aléatoire, notamment au regard du caractère non viable de l'activité. Et il faudra attendre 2025, au moins, pour d'éventuels ajustements... Nous sommes encore loin des garanties équivalentes entre salariés et indépendants promises par le Président de la République !

Enfin, vous connaissez nos réserves sur la réforme du statut des personnels des chambres de commerce et d'industrie (CCI). La négociation en vue d'une nouvelle convention collective n'ayant pas abouti, le Gouvernement propose de nouvelles élections, espérant sans doute des élus mieux disposés... Pour forcer l'accord, il menace d'appliquer unilatéralement la convention Syntec. Nous dénonçons cette politique, qui envenimera le climat social.

La seule véritable avancée obtenue au cours de la navette tient à l'alignement de la durée du congé paternité pour les agents de droit public des CCI sur le régime de droit commun.

En première lecture, le groupe SER s'est abstenu devant l'écart entre l'ambition affichée et les mesures réellement prises. Nous maintenons notre position pour ne pas entraver une amélioration de la situation des indépendants, toute insatisfaisante qu'elle soit.

M. Ludovic Haye .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Ce texte est un volet essentiel du plan pour les indépendants annoncé le 16 septembre dernier par le Président de la République et défendu avec conviction par Alain Griset, dont vous avez, monsieur le ministre, poursuivi l'engagement en faveur des trois millions d'indépendants.

Nous nous réjouissons de l'issue favorable de la CMP, au service de travailleurs qui incarnent le sens de l'effort et l'esprit d'initiative, ainsi que le goût de l'innovation et de la transmission. Avec ce texte, salué comme audacieux par le rapporteur Frassa en première lecture, ils seront mieux armés et mieux accompagnés dans leurs démarches du quotidien.

Plusieurs apports du Sénat ont été conservés : articulation du nouveau statut d'entrepreneur individuel et du régime matrimonial, clarification des règles de transmission en cas de cessation d'activité, notamment.

Deux dispositions me paraissent essentielles : le nouveau statut de l'entrepreneur individuel, plus protecteur par exception au principe de l'unité du patrimoine, et l'accès facilité à l'ATI, auxquels les indépendants seront éligibles en l'absence de procédure collective - le dispositif sera évalué en 2024.

Nous voterons avec enthousiasme ce texte conforme aux valeurs de notre groupe. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Franck Menonville .  - En 2021, un million d'entreprises ont été créées dans notre pays, plus de 17 % de plus que l'année précédente. La France est un pays d'entrepreneurs !

Sans freiner le phénomène, la pandémie a mis en lumière les risques et les obstacles auxquels font face les entrepreneurs. Ce texte est très attendu, en l'absence de plan d'ensemble depuis la loi Madelin, voilà trente ans.

Artisans, commerçants, professionnels libéraux : ce projet de loi s'adresse à trois millions d'indépendants, dont il simplifie les démarches et renforce la protection. Il s'agit de préserver notre tissu économique comme nos savoir-faire. Il est donc heureux que la CMP ait été conclusive.

Le nouveau statut d'entrepreneur indépendant est une innovation juridique heureuse : la dualité patrimoniale, qui rompt avec la règle d'unicité, sera de plein droit et sans formalités. La renonciation sera possible, assortie d'un délai de réflexion ramené à trois jours, mais nécessitera une mention manuscrite.

Capital et droits de vote au sein des sociétés de professions libérales sont aussi protégés : le Gouvernement ne pourra pas les élargir par voie d'ordonnance.

Je salue le travail de nos trois rapporteurs. Le consensus réalisé honore le Parlement. En adoptant ce texte, la représentation nationale enverra un message fort aux indépendants, acteurs essentiels de l'économie du quotidien sur nos territoires ! (Applaudissements sur les travées du RDPI ; Mme Françoise Gatel applaudit également.)

Mme Catherine Di Folco .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le groupe Les Républicains se félicite du travail accompli sur ce texte, d'autant que le travail indépendant est en plein essor, singulièrement chez les jeunes.

Il est heureux que les travailleurs indépendants voient leurs biens personnels mieux protégés en cas de défaillance.

La CMP a trouvé un compromis sur le délai de réflexion en cas de renonciation à la dualité de patrimoine, réduit de sept à trois jours. De même, un accord a été atteint sur la charge de la preuve lors d'une saisie.

Nous saluons aussi la réduction du champ de l'habilitation prévue pour l'exercice sociétaire des professions libérales réglementées.

Nous sommes favorables à l'élargissement du bénéfice de l'ATI et nous nous réjouissons que plusieurs demandes de rapport aient été supprimées, à la demande du Sénat.

Nous félicitons les rapporteurs Frassa, Babary et Puissat pour la rigueur de leur travail. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Mélanie Vogel .  - Le GEST salue le résultat de la CMP, car il faut améliorer la protection et les droits sociaux des trois millions de travailleuses et travailleurs indépendants.

Le texte créé un nouveau statut de l'entrepreneur individuel qui protège le patrimoine individuel. Il double le crédit d'impôt formation et réduit d'un tiers le coût de l'assurance accidents du travail et maladies professionnelles pour les indépendants. Nous soutenons ces mesures, quoiqu'elles soient insuffisantes.

En revanche, nous déplorons les nouvelles réductions de cotisations et l'absence de protection supplémentaire pour les travailleurs des plateformes.

L'ATI ne couvre que 1 % des travailleuses et travailleurs indépendants, alors que 53 % des entreprises individuelles font faillite dans les cinq ans. Rappelons qu'un quart des indépendants gagnent moins que le SMIC, et un dixième moins que la moitié du SMIC.

Il faut définir un cadre plus protecteur et éviter que le travail indépendant ne soit une aubaine pour de grands groupes recourant à des formes d'emploi dégradées. Nous déplorons le refus d'ouvrir l'accès à l'ATI à tous les travailleurs d'Uber, de Deliveroo et de tant d'autres plateformes, privés de réelle sécurité en cas d'accident ou d'arrêt brutal de leur activité. Leur condition correspond à une forme d'exploitation moderne.

La réforme de l'activité professionnelle indépendante est un échec du Gouvernement, et ce n'est pas ce texte, en dessous des enjeux, qui redorera son bilan. Il comporte toutefois quelques mesures utiles, raison pour laquelle nous ne nous y opposerons pas.

M. Fabien Gay .  - Nous l'avons annoncé dès la première lecture : ce texte ne sera qu'une tentative de plus de remédier au déficit de protection sociale des travailleurs indépendants.

Il ne prend pas en compte la multiplicité des situations : commerçants, agriculteurs, professions libérales, chaque statut ayant ses spécificités. Si des garanties ont été apportées à l'Assemblée nationale, nous serons vigilants sur l'application du texte aux agriculteurs.

La séparation des patrimoines est bienvenue, mais votre déni des rapports de force économiques la videra de son contenu. Faute que la possibilité de renonciation ait été supprimée, les banques continueront d'imposer leur volonté.

On laisse entendre que le formalisme freinerait le choix du travail indépendant, mais on ne s'attaque pas aux vrais problèmes des entrepreneurs individuels. Aucune obligation n'est mise à la charge des banques. Dotons-nous d'une grande banque publique qui propose aux entrepreneurs des prêts à taux zéro ou leur accorde sa garantie !

Le dispositif relatif à l'ATI peine tout autant à convaincre. De nombreux indépendants risquent en effet de passer entre les mailles du filet. En outre, ceux qui n'auront pas perçu des revenus suffisants verront leur allocation réduite à moins de 800 euros.

Enfin, le texte reste muet sur les travailleurs de plateformes, malgré l'instauration par la Commission européenne de la présomption de salariat, à laquelle nous souscrivons.

Nous ne partageons donc pas l'enthousiasme des promoteurs du texte. Nous nous abstiendrons.

Mme Françoise Férat .  - (Applaudissements sur quelques travées des groupes UC et Les Républicains) Ce projet de loi représente une avancée importante pour les travailleurs indépendants, engagés pour leur entreprise, leur famille et notre économie. Ces trois millions de travailleurs attendent depuis 1994 des évolutions substantielles de leur statut.

À l'instar de nos rapporteurs, dont je salue le travail, je me félicite de l'accord trouvé en CMP, grâce à leur détermination.

Le groupe UC soutient le nouveau statut d'entrepreneur individuel, plus protecteur du patrimoine personnel - même si devenir entrepreneur, c'est prendre des risques. Il conviendra de veiller à sa bonne application par les banques : la renonciation ne doit pas devenir un argument de pression des banquiers.

Les conditions d'accès à l'ATI sont améliorées, mesure bienvenue car la loi de 2008 était trop restrictive. Mais la réforme pourra avoir des effets de bord négatifs pour certains indépendants, qui toucheront moins de 800 euros par mois. Monsieur le ministre, comment éviter cet écueil et avez-vous prévu des crédits suffisants pour cette nouvelle ATI ?

Ce projet de loi recèle de réelles avancées. Veillons à sa bonne mise en oeuvre avec le soutien des chambres de métiers et de l'artisanat et des CCI, qui sont de précieux interlocuteurs de proximité pour développer l'activité indépendante.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, ministre délégué.  - Tout à fait !

Mme Françoise Férat.  - Enfin, monsieur le ministre, j'attire votre attention sur les conséquences de l'augmentation du coût des matières premières et de l'énergie. Au-delà du bouclier tarifaire, le Gouvernement doit songer à des mesures structurelles pour soutenir les indépendants, dont l'équilibre économique est souvent fragile et qui ont besoin de visibilité.

Le groupe UC votera ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains)

M. Jean-Claude Requier .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Débuté en octobre dernier, l'examen de ce projet de loi se clôt par une CMP conclusive. Tous les textes ne connaissent pas une telle célérité, ni un tel succès...

De l'avis général, cette réforme est profitable aux professionnels concernés. En établissant un nouveau statut de professionnel indépendant, elle déroge au principe d'unicité du patrimoine. Mais, comme en d'autres domaines, les difficultés sont dans les détails : implications économiques et sociales du statut, modalités de transmission, de cessation ou de liquidation d'activité, notamment.

Le projet de loi met en extinction le régime de l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée (EIRL), créé il y a une dizaine d'années. Espérons que le nouveau régime connaisse davantage de succès...

Le texte fusionne les fonds d'assurance formation des artisans et réforme la procédure disciplinaire des experts-comptables, ainsi que la gestion des CCI.

Saluons les avancées sur l'artisanat, même si de nombreuses mesures sont renvoyées à une ordonnance ; c'est le cas aussi pour les professions libérales, à l'exception des règles relatives à la détention de parts sociales. Le texte aurait pu aller plus loin dans la préservation des spécificités des métiers, qui font la richesse de notre économie et de nos territoires.

Je salue le travail de notre collègue Cabanel sur la dématérialisation des procédures, car ces enjeux sont cruciaux.

La protection du conjoint salarié sera, elle aussi, renforcée. (Mme Frédérique Puissat approuve.)

Je regrette un peu que ces mesures, qui ne sont pas anodines, soient examinées en fin de législature. Je ne serais pas surpris que nous ayons à y revenir dans un avenir proche...

Le parti radical est un allié historique des petits indépendants, artisans et commerçants, un monde qui a l'habitude de ne compter que sur lui-même, sans attendre des aides de l'État. Gageons que ce texte leur apportera davantage de sécurité et de moyens pour mener à bien leurs projets au service de la prospérité de nos territoires !

Les membres du RDSE voteront les conclusions de la CMP. (Applaudissements sur les travées du RDSE)

À la demande du RDPI, le projet de loi est mis aux voix par scrutin public.

Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°95 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 253
Pour l'adoption 253
Contre    0

Le Sénat a adopté.

La séance, suspendue à 15 h 20, reprend à 15 h 30.

Aménagement du Rhône (Procédure accélérée)

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle les explications de vote et le vote sur la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relative à l'aménagement du Rhône.

La Conférence des présidents a décidé que ce texte serait discuté selon la procédure de législation en commission prévue au chapitre XIV bis du Règlement du Sénat.

Nominations à une éventuelle CMP

Mme la présidente.  - J'informe le Sénat que des candidatures pour siéger au sein de l'éventuelle commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur cette proposition de loi ont été publiées.

Ces candidatures seront ratifiées si la Présidence n'a pas reçu d'opposition dans le délai d'une heure prévu par notre Règlement.

Explications de vote

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée, chargée du logement .  - Aujourd'hui, nous parlons d'avenir : celui de la concession historique d'un fleuve national, le Rhône, ce « fleuve armé » dont parle Paul Claudel, célèbre pour son impétuosité, fleuve que nous avons dû dompter pour en limiter les crues et l'exploiter au mieux. Sans travaux d'aménagement, l'urbanisation de l'agglomération lyonnaise n'aurait pas été possible. Nous veillons à en préserver la biodiversité et les paysages. Il a évolué avec nous. Il appartient à notre passé et à notre avenir.

Cette proposition de loi de Patrick Mignola, votée à l'unanimité par l'Assemblée nationale, fait consensus ici aussi. Le Gouvernement est profondément attaché à la mission d'intérêt général de la Compagnie nationale du Rhône (CNR), dont la raison d'être est unique : le Rhône pour origine, les territoires pour partenaires et les énergies renouvelables pour avenir.

Cette concession est un formidable outil de transition écologique. Elle exerce trois missions historiques : production d'énergie, navigation fluviale et irrigation agricole. Avec ses dix-neuf centrales hydroélectriques, elle produit le quart de notre électricité hydroélectrique ; 330 kilomètres de voies navigables ont été aménagés pour relier Lyon à la Méditerranée ; la CNR est le premier producteur français d'énergies exclusivement renouvelables, tirant parti de l'eau, mais aussi du vent et du soleil ; elle participe du développement économique du territoire rhodanien ; elle concourt ainsi à la renaturation des berges du Rhône et à la réhabilitation des lônes.

L'engagement en faveur de la biodiversité est dans son ADN. Elle exporte d'ailleurs son modèle à l'international : elle est ainsi à l'origine de l'Initiative pour l'avenir des grands fleuves. À la veille du One Ocean Summit, qui doit s'ouvrir à Brest, la pollution des eaux, fluviales ou maritimes, n'est plus acceptable.

La CNR incarne avec brio ces différentes missions, dans une démarche globale.

Enfin, sa spécificité réside dans sa collaboration vertueuse avec les collectivités territoriales, qu'il s'agisse de financement, d'aménagement ou de protection de l'environnement. On le constate dans la composition même du capital de l'entreprise, auquel 183 collectivités sont associées, aux côtés de la Caisse des Dépôts et d'Engie.

En somme, la CNR est un modèle d'action publique efficace, concertée et adaptée, au plus près des territoires.

Le Gouvernement soutient cette proposition de loi. La concession doit expirer d'ici la fin 2023. Pour anticiper cette échéance, l'État a engagé des travaux dès 2014, qui ont donné lieu à la consultation du public entre 2019 et 2021. Dans la lignée des décisions prises de manière participative, ce texte pérennise les missions de la CNR jusqu'en 2041. Cette prévisibilité est nécessaire, pour le territoire rhodanien, pour l'entreprise et ses 1 300 salariés, pour les collectivités actionnaires.

Il était également vital d'assurer cette stabilité pour l'effort national de transition écologique. Je pense en particulier aux énergies renouvelables : pour atteindre 40 % d'électricité dans le mix national d'ici à 2030, nous avons besoin d'une force d'anticipation et de pilotage.

Cette proposition de loi renforce par la même occasion les exigences du cahier des charges : pérenniser la trajectoire d'investissements ambitieux menée par la CNR - plus de 500 millions d'euros de projets territoriaux financés depuis 2003. Le schéma directeur de la compagnie est aussi renforcé, avec 165 millions d'euros prévus tous les cinq ans. Le concessionnaire doit continuer à avancer avec ambition dans cette voie. De même, les exigences sont fortes pour le développement de l'énergie hydraulique et de la navigation fluviale, pour lesquels 500 millions d'euros d'investissement sont prévus. Cette réforme est donc un formidable coup d'accélérateur pour la réduction des émissions de gaz à effet de serre.

Le concessionnaire devra aussi réaliser une étude préalable à l'installation d'un nouvel ouvrage hydroélectrique à Saint-Romain-de-Jalionas. Puis les pouvoirs publics trancheront en tenant compte de tous les enjeux. Quoi qu'il en soit, l'équilibre économique sera maintenu.

Au-delà du développement des énergies renouvelables, la biodiversité sera défendue, six barrages existants seront équipés pour assurer la continuité piscicole. Le schéma directeur mentionne désormais explicitement la biodiversité.

Les amendements de M. Chauvet ont été adoptés.

M. Loïc Hervé.  - Très bien !

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée.  - Certains sont rédactionnels, d'autres renforcent les enjeux de transition énergétique ou le positionnement des collectivités.

J'espère que les deux chambres trouveront un accord sur un texte d'intérêt général que le Gouvernement soutient et qu'il espère voir aboutir avant la fin du quinquennat. Une bonne politique écologique regarde l'avenir, agit avec et non contre les territoires et part de l'existant pour en faire des occasions à saisir : tel est le sens de ce texte ambitieux et fédérateur ! (Applaudissements sur les travées du RDPI ; M. Éric Gold applaudit également.)

M. Patrick Chauvet, rapporteur de la commission des affaires économiques .  - (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains) Ce texte prolonge la concession attribuée à la CNR, alors même que nos concessions hydroélectriques font l'objet d'un contentieux européen.

Nous apprécions le modèle économique de la CNR, opérateur exemplaire pour la conciliation de l'activité économique avec les enjeux environnementaux et la complémentarité des actions entre collectivités territoriales et acteurs privés. Créée en 1933, cette société anonyme d'intérêt général est détenue pour un tiers par l'État et pour un sixième par les collectivités territoriales. Elle possède 47 ouvrages hydroélectriques, dont 20 centrales et produit 20 % de notre hydroélectricité. Elle est très impliquée dans le photovoltaïque et l'éolien.

Sa concession arrivant à échéance en 2023, elle ne saurait être placée sous le régime des délais glissants qui concerne 39 des 400 concessions existantes. Pourquoi une prolongation si tardive, et par voie législative ? Le Gouvernement aurait dû procéder par décret, sitôt les travaux préalables achevés. Cela étant, nous faisons confiance au Gouvernement quant à la conformité du présent texte aux engagements européens. Il faut mettre la CNR à l'abri du contentieux européen. Les concessions en délais glissants souffrent d'insécurité juridique, le Gouvernement doit apporter une réponse globale.

Cette proposition de loi approuve un nouveau cahier des charges et un nouveau schéma directeur : un transfert de 3 000 hectares de Voies navigables de France (VNF) vers la CNR est prévu ; des programmes pluriannuels quinquennaux d'un montant de 165 millions d'euros fixeront les grands investissements ; un programme de travaux supplémentaires est retenu - en particulier, le projet de Saint-Romain-de-Jalionas, dont le coût s'élève à 190 millions d'euros, reste en suspens et suscite quelques interrogations - ; la redevance reposera davantage sur l'évolution du coût de l'électricité ; enfin, les usages liés à l'irrigation sont confortés par la réaffectation de 10 000 kilowatts.

Mes amendements, adoptés, visent à consolider ce texte selon quatre axes.

Premièrement, il s'agit de développer les énergies renouvelables. Le but, c'est la neutralité carbone en 2050. Concrètement, nous voulons favoriser l'hydrogène renouvelable bas carbone et le photovoltaïque innovant.

Nous voulons mieux associer les collectivités, via les comités de suivi, et en prévoyant leur consultation sur le programme de travaux complémentaires. Nous rétablissons l'avis des conseils départementaux et régionaux sur le cahier des charges et le schéma directeur. Nous garantissons enfin l'éligibilité des groupements de communes aux projets de la CNR.

Nous voulons aussi mieux soutenir les agriculteurs, en associant le ministère de l'Agriculture. Pour les énergies réservées, nous avons tenu à éviter tout effet de bord et à garantir une compensation financière aux acteurs de terrain. Il nous a également semblé utile de compléter les missions de la CNR par le développement des emplois liés à l'irrigation agricole.

Enfin, nous avons tenu à renforcer la sécurité juridique de la concession, en maintenant la référence aux missions d'intérêt général de la CNR.

Mon travail s'est voulu concret, consensuel et concerté. Il répond directement aux demandes entendues lors de mes auditions. Je suis fier que ce texte, ainsi amendé, ait été adopté à l'unanimité par la commission : j'invite le Sénat à réitérer ce vote ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains)

M. Bernard Buis .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Né des eaux de fonte des glaciers, il traverse trois régions, côtoie nombre d'affluents, parcourt onze départements et termine sa course dans le delta de Camargue. C'est bien du Rhône que je vous parle. Si tout se passe bien, nous lui permettrons de rester en de bonnes mains.

Le génie humain a su maîtriser ce fleuve pour en donner tout le potentiel économique et stratégique. Je salue les représentants de la CNR, présents en tribune. Depuis près d'un siècle, la CNR a su tirer sa légitimité de sa grande proximité avec les territoires et de sa capacité à redistribuer de la valeur. Les missions cardinales de la CNR ont fait l'originalité et la force de la compagnie. Elles ont permis de créer des partenariats presque charnels avec les territoires.

Mais la CNR est aussi résolument tournée vers le renouvelable, avec ses 57 parcs éoliens dans toute la France et de nombreuses centrales photovoltaïques au sud d'une ligne Lyon-La Rochelle.

Nous disposons d'un trésor national, de 19 centrales et 47 ouvrages hydroélectriques, qu'il nous faut préserver.

Élu drômois, je pense à la centrale de Bourg-lès-Valence, inaugurée il y a cinquante ans, qui a nécessité trois ans de chantier, 2 200 hommes, plus de 20 entreprises... À la confluence du Rhône et de l'Isère, ce mastodonte a eu besoin d'un barrage de décharge. Aujourd'hui, la centrale alimente 500 000 habitants en électricité.

Cet enracinement, c'est l'originalité de la CNR. C'est grâce à lui que la Commission européenne a pu reconnaître, avec beaucoup de pragmatisme, que le projet ne relevait pas des aides d'État. L'auteur de ce texte, Patrick Mignola, a rappelé que la CNR ne saurait bénéficier d'avantages indus au titre du prolongement de sa concession.

Quelque 500 millions d'euros d'investissements sont prévus pour des projets en faveur des énergies renouvelables, de la modernisation des ouvrages ou encore de la biodiversité aquatique. La CNR a déjà restauré 120 kilomètres de cours d'eau et 120 000 m2 de zones humides. Elle a établi 69 ouvrages de franchissement piscicole. Au total, ses actions bénéficient à 80 espèces animales. La protection de l'environnement fait partie de ses missions, inscrites dans le cahier des charges et le schéma directeur. Les parlementaires seront étroitement associés à l'évolution de ses travaux.

La baisse du débit du Rhône - de 10 à 40 % en 2050 - est alarmante. Les sécheresses, qui s'accentuent, doivent contraindre la CNR à amplifier ses projets éoliens et solaires. Forte de son maillage territorial et humain, elle recevra cette après-midi toute la confiance de notre groupe. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; MM. Jean-Claude Requier et Loïc Hervé applaudissent également.)

M. Claude Malhuret .  - De sa source, au sein d'un glacier suisse, jusqu'au terme de ses 814 kilomètres, le Rhône traverse une dizaine de départements, de grandes villes, comme Lyon, et de grands espaces naturels. Les hommes n'ont cessé de l'apprivoiser et de l'aménager. Son lit a été remodelé et il est en cours de renaturation. Le Rhône est l'une des principales solutions pour combattre le dérèglement climatique, dont il est lui-même victime.

Depuis plus de soixante ans, il est au coeur de l'hydroélectricité française. Une vingtaine d'usines hydroélectriques le jalonnent ; il traverse des territoires industriels majeurs et est un refuge de biodiversité. La nature et l'humain se rencontrent sur ses rives, mais l'équilibre est précaire.

Le Rhône est essentiel au transport fluvial. Les engagements exigeants de la France pour la réduction du CO2 passeront par les transports ferroviaires et fluviaux. Il est aussi un atout majeur pour le tourisme, mais aussi pour la faune et la flore.

Le travail fourni pour son aménagement, c'est aussi l'aménagement des territoires qui le bordent. Depuis près de quatre-vingt-dix ans, la CNR entretient le fleuve et dialogue avec les collectivités territoriales.

La prolongation de la concession est l'objectif principal de ce texte. C'est une proposition de loi d'équilibre entre les forces politiques du pays, qui a fait l'unanimité à l'Assemblée nationale comme ici, en commission. Même la Commission européenne juge cette prolongation compatible avec les dispositions relatives aux aides d'État.

Je salue le travail de notre rapporteur et soutiens pleinement cette volonté de prolongation.

De plus, deux points méritent d'être salués.

Le premier, ce sont les relations avec les territoires. Il faut encourager le travail considérable accompli par la CNR et les acteurs de terrain, au premier rang desquels les élus locaux.

Le second, c'est le fait d'inscrire l'aménagement du Rhône dans les objectifs de réduction de carbone, à horizon 2050. Le développement d'une écologie libérale est le seul moyen de réaliser la transition.

Enfin, je salue la sécurisation juridique de la concession.

Le groupe INDEP votera ce texte.

Mme Vivette Lopez .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Loïc Hervé applaudit également.) Sauvage et longtemps réputé indomptable, comme nous le sommes dans le Sud (sourires), le Rhône est le fleuve le plus puissant de France. Mais grâce à la CNR, il a été dompté en préservant les enjeux humains, économiques et écologiques.

Hydroélectricité, navigabilité et irrigation agricole, voilà les atouts de la CNR, dotée d'un modèle unique et efficace de gestion intégrée. Ses actifs de production éoliens et photovoltaïques en font le premier producteur national d'énergies renouvelables.

C'est pourquoi la prolongation de la concession jusqu'en 2041 a réuni un si large consensus. Une possible ouverture à la concurrence avait suscité des craintes, au regard notamment de l'éventuelle irruption d'intérêts étrangers compromettant notre indépendance énergétique. Il fallait protéger la CNR et la prolongation de la concession s'est imposée comme une évidence.

La feuille de route prévoit 500 millions d'euros d'investissements, en faveur de la navigabilité fluviale - transport de marchandises notamment - et de la production d'énergies renouvelables. Dans ses missions, en partenariat avec les 183 collectivités territoriales adhérentes, aménagement du territoire, biodiversité et irrigation agricole sont inscrits.

Élue du Gard, je considère que le périmètre de 27 000 hectares de la concession doit être étendu à l'ensemble du petit Rhône et du grand Rhône. Ainsi, seules les écluses de Beaucaire et de Saint-Gilles demeureraient gérées par VNF. L'ensemble des élus de mon territoire, regroupés dans un syndicat interrégional d'aménagement, est favorable à n'avoir plus qu'un seul interlocuteur : enfin une simplification !

Grâce aux plans quinquennaux, la CNR apportera des financements dans nos territoires. Il était temps, car peu avait été réalisé sur cette partie du Rhône.

Dans le delta, l'agriculture subit des remontées de sel en raison de l'élévation du niveau de la mer. Il faudrait adapter les prises d'eau en pompant les eaux de surface moins salées ; les plans quinquennaux doivent s'intéresser à l'accompagnement de la restauration écologique du petit Rhône et à de nouveaux modes de captation d'eau et de gestion des sédiments.

Je soutiens cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Loïc Hervé applaudit également.)

Mme Sophie Primas.  - Bravo !

M. Thomas Dossus .  - Ce texte était attendu, pour l'aménagement du Rhône, les salariés, les élus, et l'ensemble de notre politique énergétique, de lutte contre le changement climatique et de protection de la biodiversité.

Élu écologiste du Rhône, je soutiens la prolongation et le programme d'investissements. Les 500 millions prévus favoriseront des axes forts - énergie hydraulique, transport fluvial, biodiversité - pour donner à la CNR prévisibilité et moyens.

La baisse à venir du débit du fleuve le plus nucléarisé de France, voire d'Europe, est loin d'être anodine ! Il aurait également fallu insister davantage sur la protection de la biodiversité. La CNR doit poursuivre ses missions d'intérêt général qui participent au développement de la vallée du Rhône.

Ce texte est l'occasion de réaffirmer notre opposition à l'ouverture à la concurrence de notre modèle hydroélectrique. Certes, la CNR est désormais à l'abri, mais quid des autres concessions ? Il manque une réponse globale du Gouvernement. Nous défendons un vrai service public des énergies renouvelables, pour organiser la transition énergétique et assurer notre souveraineté énergétique, tout en maintenant un prix abordable et en régulant les initiatives privées. La question du statut hybride de la CNR, mi-public, mi-privé, se posera à terme : ces activités doivent répondre à des besoins d'intérêt général, pas aux besoins de rentabilité du privé.

Nous voterons ce texte, qui est un premier pas vers les propositions que nous avions faites il y a trois mois et qui avaient été rejetées en bloc par le Sénat.

Je veux conclure en ouvrant un autre débat : il faut oeuvrer à de nouveaux droits pour la nature. Des pays - Nouvelle-Zélande, Équateur, Colombie - ont reconnu la personnalité juridique à des rivières et des fleuves. Plusieurs personnalités le demandent pour le Rhône, j'y souscris pleinement.

Mme Cécile Cukierman .  - Notre groupe votera cette proposition de loi, car elle reporte à 2041 la question de la mise en concurrence de la concession. C'est un vrai bol d'air, dans le contexte libéral où l'on ouvre tout à la concurrence !

Je regrette que sur un tel sujet, le Gouvernement n'ait pas proposé un projet de loi.

La prolongation de la concession de la CNR est en discussion depuis sept ans. Dans le paysage des concessions hydroélectriques, ce modèle est unique. Je salue les représentants des organisations syndicales présents en tribune : ils ont permis l'abandon d'un projet de privatisation.

Il s'agit d'une concession unique, fondée sur quatre missions d'intérêt général financièrement solidaires, dotée d'une gouvernance atypique avec un ancrage local fort, et qui permet la redistribution équilibrée des bénéfices des activités économiques vers les parties prenantes.

Ce texte est attendu par les collectivités, les associations, les salariés. Tous les acteurs sont attachés à ce modèle hydroélectrique français caractérisé par la prise en compte solidaire de la gestion de la ressource en eau et de l'aménagement du territoire. Les fondamentaux du modèle sont préservés, et s'y ajoute la mission d'agir en faveur de la transition énergétique et écologique. Les investissements iront au développement des énergies renouvelables - l'accélération de la production d'hydrogène nécessitera davantage d'eau - et au maintien du parc nucléaire - avec une nécessaire sécurisation en eau supplémentaire.

Il s'agit aussi de développer la navigation, actuellement faible comparée aux files de camions sur l'A7. Il reste beaucoup à faire en matière de transport fluvial. Ainsi, les marchandises pourront circuler en douceur jusqu'au coeur de nos agglomérations.

Le projet de restauration environnementale du fleuve est très ambitieux et les salariés de la CNR développent des compétences uniques en la matière. Enfin, l'irrigation agricole deviendra plus vertueuse. Quant au développement des territoires, des crédits sont alloués aux projets menés par les collectivités territoriales.

Le groupe CRCE votera ce texte.

Mme Sophie Primas.  - Très bien !

M. Loïc Hervé .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) « Le Rhône est si profond, si rapide et si large, que dans la grande Europe il n'a pas son pareil. Emportant des bateaux sans nombre avec leur charge, il va roulant de l'or et roulant du soleil.» Jean Aicard a ainsi parlé de ce fleuve, alors que nous nous apprêtons à modifier la loi adoptée il y a cent ans, le 27 mai 1921.

Le modèle unique de la CNR a été préservé jusqu'à aujourd'hui. Je salue et remercie M. Chauvet qui a su, dans ce texte, conserver des équilibres essentiels.

Élu de Haute-Savoie, je suis heureux de porter la voix de mon groupe sur un texte au bénéfice de ce fleuve, qui part du Massif du Saint-Gothard pour se jeter en Méditerranée.

La CNR est un acteur central du développement des territoires rhodaniens, avec une concession de 27 000 hectares sur lesquels elle mène des projets d'aménagement. Il est heureux que sa concession soit prolongée, en inscrivant la date de 2041 dans le marbre de la loi.

La commission des affaires européennes a renforcé ce texte. Le développement des énergies renouvelables est désormais inscrit parmi les missions historiques de la CNR. Nous avons aussi mieux associé les collectivités territoriales, pour rester au plus près des territoires. Le soutien aux agriculteurs a été renforcé et la sécurité juridique de la concession consolidée.

La CNR n'est pas un simple concessionnaire qui aménage et exploite un fleuve : c'est un acteur central du sud-est de notre pays.

L'UC soutiendra cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

M. Henri Cabanel .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Voilà un moment rare. Les planètes sont alignées, malgré la directive européenne de 1994 sur les concessions...

La prolongation de la CNR jusqu'en 2041 est essentielle. Elle a été privée de l'exploitation des barrages entre 1946 et 2006, en raison de la nationalisation de la production d'énergie.

Cette initiative parlementaire est tout à fait originale, et ne fige pas l'avenir, car des décrets pourront intervenir par la suite, mais elle donne solennité à ces mesures.

Un cahier des charges ambitieux est établi, pour préserver la ressource en eau, alors que le débit du fleuve pourrait baisser de 40 % d'ici 2050.

Ce texte interroge sur la nécessaire modernisation des contrats de concession, qui sont très longs. Les clauses de revoyure en 2028 et 2034 sont à ce titre excellentes.

Nous devons faire en sorte que l'État garde la main sur les actifs stratégiques et que les concessionnaires ne se reposent pas sur leurs lauriers.

Les programmes pluriannuels quinquennaux portent sur 500 millions d'euros, et concernent de nombreux sujets, de l'agriculture à la production d'hydrogène.

Les élus sont bien associés au pilotage des travaux, par exemple pour le projet de Saint-Romain-de-Jalionas : il faut améliorer l'acceptabilité des installations et prévenir les conflits d'usage. La puissance publique doit continuer à exercer son rôle stratégique dans la maîtrise de l'énergie, mais aussi dans le partage des usages de l'eau. La CNR, c'est un quart de la production hydroélectrique de notre pays !

Les conditions de prolongation de la concession de la CNR sont favorables à la transition énergétique, nous voterons donc en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les travées du RDSE)

Mme Florence Blatrix Contat .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) En cette fin de législature, nous examinons dans l'urgence de nombreux textes importants. Cette proposition de loi n'y fait pas exception. Elle est pourtant essentielle.

La mise en concurrence des concessions hydrauliques constitue toujours un point de discussion et de contentieux avec la Commission européenne : cette proposition de loi est donc un soulagement.

Le Rhône est un fleuve au débit irrégulier, parfois dangereux. Les hommes ont toujours cherché à en régulariser le cours.

Un siècle après la création de la CNR, les attentes de nos concitoyens ont évolué : le changement climatique nous oblige à modifier notre approche. Nous devons atteindre la neutralité carbone d'ici à 2050 et avancer résolument dans la réduction des émissions de gaz à effet de serre.

Nous devons aussi soutenir le développement de l'hydrogène et des procédés innovants en électricité photovoltaïque. C'est le sens des amendements adoptés au Sénat.

La CNR a étoffé ses activités, en matière de navigation fluviale, d'irrigation agricole et de production d'énergies renouvelables, avec 20 centrales hydrauliques, 57 parcs éoliens et 49 parcs photovoltaïques.

Le cahier des charges et le schéma directeur prévoient 500 millions d'euros d'investissement, par exemple pour l'amélioration de six nouveaux barrages et la continuité piscicole.

Je suis très attentive à l'étude de faisabilité en cours sur le projet de Saint-Romain-de-Jalionas.

La CNR doit poursuivre ses missions d'intérêt général dans un cadre renouvelé. La prolongation de la concession jusqu'en 2041 doit préserver la participation des collectivités territoriales dans son pilotage, et nous devons veiller à ce que son capital reste majoritairement public. C'est une garantie de stabilité pour tous les acteurs locaux.

Avec Patrick Chaize, nous avons souhaité que les parlementaires soient pleinement associés aux comités de suivi. Le Sénat représente les territoires, il doit être officiellement représenté.

Le groupe SER est favorable à ce texte, qui modernise le modèle concessionnaire. (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques, applaudit également.)

La proposition de loi est adoptée.

La séance, suspendue à 16 h 30, reprend à 17 heures.

Outils de gestion des risques climatiques en agriculture (Procédure accélérée)

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant réforme des outils de gestion des risques climatiques en agriculture.

Discussion générale

M. Julien Denormandie, ministre de l'agriculture et de l'alimentation .  - Je suis fier de vous présenter une des réformes les plus importantes pour notre agriculture depuis la politique agricole commune (PAC).

Le Sénat a grandement participé aux réflexions sur le sujet depuis dix ans. Je pense à la proposition de loi de Jean-Claude Lenoir en 2015, à celle de 2016 portée par Franck Montaugé, Henri Cabanel et Didier Guillaume, à la proposition de résolution déposée en 2019 par Yvon Collin, Henri Cabanel et Nathalie Delattre.

L'épisode de gel du printemps 2021, plus grande catastrophe agronomique de ce début de XXle siècle, a témoigné de l'impact du changement climatique sur notre agriculture. Sécheresses, grêle, intempéries : nos agriculteurs ne peuvent supporter seuls le coût de ces aléas. C'est une épée de Damoclès, et donc un frein majeur à l'installation. Sans solidarité nationale, comment demander aux jeunes agriculteurs de s'installer, d'investir, quand une année de travail peut être réduite à néant ?

C'est pourquoi le Président de la République a annoncé le 10 septembre dernier, devant les jeunes agriculteurs, cette réforme ambitieuse qui est leur ceinture de sécurité.

Le statu quo était devenu intenable. Les filières sont unanimes pour dénoncer un système à bout de souffle : complexe, parfois injuste, toujours trop long. Ce projet de loi refonde le régime d'indemnisation des pertes de récolte pour les décennies à venir. L'Espagne a ouvert la voie.

Ce texte résulte d'une large concertation dans le cadre du Varenne de l'eau et du changement climatique. Le député Frédéric Descrozaille, qui présidait le groupe de travail dédié, a rendu ses conclusions fin juillet ; elles ont inspiré ce projet de loi.

Plusieurs réformes ont été envisagées par le passé : aucune n'a abouti, car toutes laissaient le monde agricole seul face aux risques climatiques. Or sans solidarité nationale, point d'issue. C'est la première brique de ce texte. Le financement public dédié passera de 300 à 600 millions d'euros dès janvier 2023.

Le deuxième principe est celui d'une couverture universelle pour remplacer le double système actuel, qui laisse sans solution des pans entiers de notre agriculture.

Citons aussi une plus grande accessibilité de l'assurance multirisque climatique, qui ne couvre aujourd'hui que 18 % des surfaces, faute d'attractivité.

La constitution d'un pool mutualisant les risques, une tarification commune et une plus grande transparence dans la constitution des prix renforceront la confiance dans le système assurantiel.

Enfin, ce système incitera à la prévention, en cohérence avec les investissements déployés : 300 millions d'euros dans le cadre de France Relance, puis 200 millions d'euros en 2022 avec le plan France 2030.

Ce projet de loi propose une architecture de la gestion des risques climatiques en trois étages : le premier relève de l'agriculteur ; le second, de l'assureur - nous utiliserons au maximum les possibilités offertes par le règlement Omnibus, la prime d'assurance sera donc mieux subventionnée ; le troisième, au-dessus d'un seuil de perte, relèvera de l'État. Cela conduira à réduire le coût de l'assurance pour les agriculteurs et évitera également la sélection des « bons » risques par les assureurs.

Un organe de concertation et de pilotage du dispositif est créé entre agriculteurs, assureurs et État. Vous avez précisé en commission la composition et le rôle du Comité d'orientation du développement des assurances récoltes (Codar).

Ce texte pose les fondations de la nouvelle maison de l'assurance agricole, qu'il conviendra ensuite de préciser au niveau réglementaire, en définissant la taille des pièces et la couleur du papier peint. (Sourires)

L'objectif du Gouvernement est bien de porter les financements à 600 millions d'euros en 2023, de fixer les seuils de déclenchement par filière les plus favorables aux agriculteurs, et de profiter au maximum du règlement Omnibus. Cela suppose encore beaucoup de concertation. Cette réforme historique sera applicable dès le 1er janvier 2023, afin d'accompagner notre agriculture sur le chemin de l'adaptation au changement climatique. (Applaudissements sur les travées du RDPI, du RDSE et des groupes INDEP et UC)

M. Laurent Duplomb, rapporteur de la commission des affaires économiques .  - (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP) Je suis heureux d'aborder un débat où, pour une fois, l'agriculteur n'est pas sur le banc des accusés mais au rang de victime.

M. Vincent Segouin.  - Bravo !

M. Laurent Duplomb, rapporteur.  - Nos agriculteurs sont les vigies du changement climatique : depuis toujours, ils sèment sans savoir ce qu'ils récolteront, conscients que le risque zéro n'existe pas.

Mais les aléas climatiques sont de plus en plus fréquents, de plus en plus intenses, et entraînent des dommages croissants. Des épisodes comme le gel du printemps 2021 rappellent combien le travail paysan est un trésor vulnérable. À moyen terme, les évolutions climatiques redessineront la carte agricole, en France et dans le monde.

Le défi sera immense. Pour le relever, il faut s'interroger sur le maintien de nos capacités de production, fragilisées par la concurrence déloyale, par les attaques de certains activistes, par l'envolée des charges - ce Gouvernement aura augmenté la redevance pour pollution diffuse, supprimé les rabais et ristournes sur les intrants, interdit la séparation de la vente et du conseil sur les produits phyto... Fragilisées également par la faiblesse des recettes, le poids des géants de la distribution, et enfin par des aléas climatiques décourageants.

Le système historique d'indemnisation des risques climatiques est à bout de souffle. D'un côté, l'assurance récolte, jugée trop chère et peu adaptée aux besoins, peine à se diffuser. De l'autre, les indemnisations publiques sont contestées, certaines filières comme les grandes cultures ou la viticulture en sont exclues. Ces deux systèmes doivent être complémentaires et non plus concurrents.

C'est l'ambition de cette nouvelle architecture à trois étages, très attendue. Sa réussite repose sur plusieurs facteurs. D'abord, un lancement réussi, ce qui suppose que les assureurs n'augmentent pas artificiellement leurs primes et que l'expertise ne soit pas déshumanisée. Notre commission prévoit notamment une contre-enquête de terrain pour évaluer le niveau estimé des pertes.

Second facteur de réussite : que les assureurs retrouvent de la rentabilité. C'est l'objectif de l'article 7, qui permet, par voie d'ordonnance, la mutualisation des données et des risques. La commission a veillé à la compatibilité avec le droit de la concurrence.

Troisième facteur de succès : agir au niveau européen, dans le cadre de la présidence française de l'Union européenne, pour réformer le système de la moyenne olympique, qui pénalise nos exploitants.

La prévention est la seule solution pour renforcer la résilience de notre agriculture. Nous proposons un principe simple et incitatif : une baisse des primes pour les exploitants ayant mis en place des mesures de prévention.

Enfin, il convient de tendre vers un système assurantiel à la carte. La commission propose des assouplissements en ce sens.

J'ajouterais que la réussite dépend de la visibilité du système proposé. Comment s'engager dans un contrat d'assurance sur plusieurs années quand les taux de subvention, le niveau d'intervention de l'État ou la franchise peuvent varier du jour au lendemain ? La commission a prévu une stabilité de ces variables sur cinq ans.

Difficile de redonner confiance, alors que ce texte inabouti multiplie les renvois à des décrets et ordonnances, à quelques jours du Salon de l'agriculture et à quelques semaines de l'élection présidentielle, et que l'article 40 de la Constitution nous interdit de l'amender en profondeur... (M. le ministre indique qu'il n'en peut mais.)

Nous ne pouvons voter un texte aussi flou. Si nous vous donnons les clés du camion, au moins nous vous fournissons le GPS ! C'est ce que la commission vous propose en faisant de ce texte une véritable loi d'orientation, en indiquant clairement les cibles de taux pluriannuels. Vous ne pouvez priver le Parlement de ce débat essentiel.

Notre position est claire : Omnibus, tout Omnibus, rien qu'Omnibus. Or, une fois n'est pas coutume, nous sommes en pleine sous-transposition ! Il faut inciter les cultures les moins assurées à entrer dans le système en garantissant un seuil d'intervention de l'État à 30 % pour les prairies et les vergers notamment.

Nous vous invitons à signer un contrat de confiance avec le monde agricole en adoptant un projet de loi lisible et ambitieux. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC ; M. Franck Menonville applaudit également.)

M. Patrice Joly, rapporteur pour avis de la commission des finances .  - La commission des finances s'est saisie pour avis de ce projet de loi compte tenu de ses enjeux budgétaires.

Le changement climatique nous oblige à repenser l'indemnisation du risque climatique mais aussi nos pratiques agricoles, dans une logique de prévention et d'adaptation.

Quel sera le coût de cette réforme ? Le Gouvernement a annoncé un doublement des moyens alloués à la gestion des risques climatiques en agriculture de 300 à 600 millions d'euros dès 2023, sans détailler la ventilation de cette enveloppe.

La contribution du fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) aux subventions à l'assurance multirisque climatique (MRC) passera de 150 à 185 millions d'euros, tandis que le taux de la contribution additionnelle des agriculteurs au fonds national de gestion des risques en agriculture (FNGRA) double.

Toutefois, les dispositions fiscales ou budgétaires et les arbitrages financiers sont renvoyés au projet de loi de finances pour 2023 ; c'est un angle mort. Surtout, le taux de franchise, le taux de subvention par filière et le seuil d'intervention par l'État seront définis par voie réglementaire, privant les exploitants de visibilité. Nous avons donc précisé le texte sur ces points. (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. Vincent Segouin applaudit également.)

M. Laurent Duplomb, rapporteur.  - Très bien !

M. Claude Nougein, rapporteur pour avis de la commission des finances .  - (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP ; M. Patrice Joly, rapporteur pour avis, applaudit également.) Je me suis intéressé aux articles 7 et 10 du projet de loi, qui relèvent de notre commission des finances.

L'article 7 habilite le Gouvernement à légiférer par ordonnance sur le groupement d'assureurs. Si le principe d'une plus grande mutualisation est pertinent, l'article est bien trop imprécis et la méthode contestable. L'habilitation est très large, l'architecture du groupement n'est pas arrêtée et le Parlement privé d'un débat sur un sujet majeur.

Quel degré de concurrence entre les assureurs ? Comment rendre le marché attractif pour étoffer l'offre ? Je m'étonne que le Gouvernement ne propose pas un texte plus abouti, compte tenu des travaux préalables au dépôt du projet de loi.

Nous défendrons plusieurs amendements visant à resserrer le champ de l'habilitation. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Patrice Joly, rapporteur pour avis, applaudit également.)

Demande de priorité

Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques.  - Pour la clarté du débat, la commission des affaires économiques demande, en vertu de l'article 44 du Règlement, l'examen en priorité de son amendement n 103, qui porte sur les taux, afin qu'il soit examiné avant l'article 2.

M. Julien Denormandie, ministre.  - Avis favorable.

Mme la présidente.  - La priorité est ordonnée.

M. Franck Menonville .  - (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP) La réforme de l'assurance récolte est très attendue, compte tenu des effets du changement climatique, qui fragilisent les revenus des agriculteurs. Entre 2016 et 2019, les dégâts s'élèvent à près de 2 milliards d'euros. L'épisode de gel du printemps 2021 a démontré les failles d'un système de gestion des risques à bout de souffle, qui manque de visibilité et d'attractivité.

À ce jour, nous disposons de trois outils : l'assurance MRC pour les cultures assurables ; l'assurance monorisque, contre la grêle et la tempête, voire le gel ; enfin, l'indemnisation des calamités agricoles, pour les cultures jugées non assurables.

Ces outils ne sont plus adaptés. L'assurance MRC reste trop peu souscrite ; seules 18 % des surfaces d'exploitations sont couvertes. On constate aussi de grandes disparités entre les productions. Hors prairies, 96 % des surfaces agricoles sont exclues du bénéfice du régime des calamités agricoles.

Le Sénat est mobilisé sur ce sujet de longue date, avec deux propositions de loi, une proposition de résolution, une mission d'information et un groupe de travail, présidé par Laurent Duplomb.

Le projet de loi vise à généraliser la couverture MRC en créant une complémentarité des différents dispositifs, via un système à trois étages, afin de pérenniser l'offre assurantielle et de mettre en place un pool d'assureurs pour mutualiser les risques.

Ce dispositif, clef de voûte de la réforme, doit aboutir à une offre solide, pérenne, universelle. Grâce au partage de l'information, les assureurs pourront proposer des offres plus adaptées, couvrant davantage de cultures et de risques. D'où la nécessité de rendre obligatoire l'adhésion au pool.

Le succès du dispositif dépendra aussi de l'attractivité des offres assurantielles et de la pérennisation du soutien européen. M. le rapporteur a raison : nous devons exploiter au maximum le règlement Omnibus.

L'État devra garantir dans le temps son niveau d'aide, qui doit doubler pour atteindre 600 millions d'euros.

Enfin, monsieur le ministre, je salue votre engagement dans ce dossier : il y va de l'avenir de notre agriculture, de sa résilience et de notre souveraineté alimentaire. Mais la gestion des risques repose également sur la constitution de stocks, l'épargne de précaution, de meilleurs outils de gestion de l'eau, sans oublier les évolutions techniques et technologiques. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains)

M. Fabien Gay .  - Démarrage de végétation toujours plus précoce, gels destructeurs, grêle, canicules, manque de précipitations, rapports successifs du GIEC, toujours plus alarmants : les aléas d'hier sont devenus des risques récurrents. Il faut adapter nos outils : cette unique question devrait guider nos choix en matière de prévention et de gestion des risques agricoles, mais d'autres préoccupations priment : la concurrence, le marché, le profit.

La profession agricole bénéficiait des garanties minimales publiques, mais on a progressivement affaibli le fonds national de garantie des calamités agricoles, créé en 1964. On siphonne un fonds public pour développer l'assurance privée, alors même qu'elle est inefficace et inadaptée aux enjeux de notre siècle, et ne survit que grâce aux subventions ! Seules 20 % des surfaces agricoles sont couvertes par un contrat MRC, et seulement 2,5 % pour l'arboriculture et les prairies. Presque aucune structure familiale n'est couverte et ces contrats ne permettent pas de couvrir des pertes significatives. Ils ne sont pas accessibles pour des fermes familiales à faibles revenus.

Or c'est cette même direction que prend ce projet de loi, en prélevant sur le budget de la PAC pour généraliser les assurances privées.

Ce projet prétendument universel laissera nombre d'agriculteurs sans couverture. Il pénalise ceux qui n'auront pas souscrit d'assurance risque, qui seront moitié moins indemnisés. Vous excluez des productions essentielles, comme le maraîchage diversifié ou l'apiculture, pourtant en première ligne face au changement climatique, a rappelé la Confédération paysanne.

La commission des affaires économiques a même prévu à l'article 3 ter une minoration de l'aide à l'installation pour les candidats non assurés. Au lieu d'imposer des restrictions, nous devrions encourager l'accès aux aides à l'installation !

Enfin, ce texte acte un peu plus le retrait de l'État en laissant une place centrale aux assureurs dans la gouvernance.

Nous prônons pour notre part un nouveau régime ambitieux, public, solidaire et mutualisé, couvrant de manière universelle tous les agriculteurs, toutes les agricultures, financé notamment par un prélèvement sur les revenus financiers des grands groupes agroalimentaires, de la distribution, de l'industrie phytosanitaire, de la banque et de l'assurance.

La gestion de ce régime serait confiée majoritairement aux représentants de la profession agricole, pour assurer la meilleure couverture des pertes et jouer un vrai rôle de prévention et d'adaptation.

Malgré les avancées apportées en commission, comme la possibilité de contester l'évaluation des pertes ou de plafonner le montant des primes, nous ne voterons pas ce texte, sauf si nos amendements sont adoptés. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE)

M. Daniel Gremillet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Pierre Louault applaudit également.) Cet instant est presque solennel ; nous sommes en train de rebâtir l'édifice construit en 1964. Nous avons le devoir d'être au rendez-vous, non seulement des agriculteurs, mais de la souveraineté alimentaire. (M. Gérard Longuet opine.) Quels que soient les gouvernements, pendant 58 ans, ils ont été au rendez-vous, aux côtés des paysans.

En 1964, on disait déjà à l'agriculteur qu'il devait alimenter le fonds de gestion des calamités agricoles pour bénéficier du soutien de l'État. C'est un point fort. La responsabilité de ce que l'agriculteur peut assurer, quel que soit le type de production, va de pair avec celle des assureurs, de l'État et de l'Union européenne.

Monsieur le ministre, nous restons toutefois un peu frustrés. Cette initiative était certes nécessaire ; mais nous travaillons à la hâte et l'article 40 interdit un travail parlementaire approfondi. (M. le ministre s'en défend.)

Ce rendez-vous ne reviendra pas de sitôt, or nous manquons de certitudes. (M. le rapporteur le confirme.)

Monsieur le rapporteur, encore merci du travail que vous avez accompli. Pour les deux premiers étages de ce système - agriculteur et part assurantielle -, il y aura consensus ; mais la sécurité financière doit être inscrite noir sur blanc. C'est une responsabilité dans le temps, pour notre souveraineté alimentaire.

Les jeunes agriculteurs sont un enjeu à part entière. En 2015 et en 2017, j'avais déjà proposé un dispositif en leur faveur, auquel ils étaient très favorables. Il faut les aider à s'engager dans l'activité agricole.

Enfin, j'espère que tout se passera bien en 2022...

Mme Sophie Primas, présidente de la commission.  - Climatiquement ! (Sourires)

M. Daniel Gremillet.  - Certaines compagnies d'assurances ont augmenté leurs primes de 225 %. Les agriculteurs ne peuvent pas suivre : voilà pourquoi il faut agir.

Nous soutiendrons sans faille le travail de notre rapporteur, pour la souveraineté alimentaire de notre pays ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

Prérogatives d'une commission d'enquête

Mme la présidente.  - Par lettre en date de ce jour, la commission des affaires sociales demande au Sénat, en application de l'article 5 ter de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, de lui conférer les prérogatives attribuées aux commissions d'enquête, pour une durée de six mois, afin de mener sa mission d'information sur le contrôle des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes.

La Conférence des présidents examinera cette demande lors de sa réunion de ce jour à 18 heures.

Outil de gestion des risques climatiques en agriculture (Procédure accélérée - Suite)

Discussion générale (Suite)

M. Daniel Salmon .  - Voilà trois ans que nous attendions un tel projet de loi. Il arrive opportunément, à deux mois des présidentielles. Il nous avait pourtant été promis le 21 juin 2019 par votre prédécesseur, Didier Guillaume ; un an plus tard, le même promettait une loi avant la fin de l'année. Après deux ans et demi de travaux, nous étions en droit d'attendre un meilleur texte. Il ne fallait pas tant de temps pour mettre la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA) d'accord avec elle-même ! On ne s'étonne pas, même si on le regrette, que vous ne cherchiez pas l'accord de la Confédération paysanne ; mais même les autres organisations syndicales s'inquiètent du flou qui entoure votre projet, dont de larges pans sont renvoyés aux ordonnances, aux décrets et à la loi de finances.

Le dérèglement climatique bouleverse en profondeur tout notre système assurantiel. Le risque climatique est d'une échelle sans commune mesure : le modèle assurantiel ne peut pas faire front quand il touche des départements entiers, voire tout le pays ! Les systèmes d'indemnisation publics, catastrophes naturelles et calamités agricoles, ne suffisent plus. De tels événements sont potentiellement dévastateurs - une année de revenus, perdue en quelques heures ! - et le coût des assurances est beaucoup trop élevé pour la majorité des agriculteurs.

Malgré les subventions, seuls 13 % d'entre eux sont assurés. Le système est déficitaire, avec un ratio de sinistralité de 105 %. Les assurances versent plus qu'elles ne touchent et, de ce fait, se retirent de certains territoires ou abandonnent le marché.

Pour combler cette faille structurelle, vous proposez de subventionner davantage les contrats d'assurance.

M. Julien Denormandie, ministre.  - Non !

M. Daniel Salmon.  - Comme beaucoup, nous craignons des effets d'aubaine. Le groupement d'assurances que vous voulez créer semble conduire droit à un oligopole. (Nouvelles dénégations du ministre) La gouvernance envisagée accorde beaucoup trop de place aux assureurs. Vous créez un régime à plusieurs vitesses, en favorisant la prise en charge publique des agriculteurs assurés au détriment des autres. Le risque, c'est le désengagement de la solidarité nationale et le recul de la protection pour les cultures non assurables.

Plutôt que des cultures diversifiées plus résilientes, vous protégez la monoculture, avec un système de calcul qui incite à toujours davantage de rendement, au détriment du financement de l'agroécologie et des mesures environnementales !

Comme le demande la majorité des organisations syndicales, le GEST votera contre ce texte, cautère sur une jambe de bois. Votre projet de loi ne pourra faire face à la multiplication des aléas climatiques. L'article 40 nous a empêchés de l'amender réellement pour proposer le projet d'assurance mutualiste, financé par la solidarité nationale et gouverné par les agriculteurs, que nous appelons de nos voeux.

M. Pierre Louault .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) De toute éternité, les agriculteurs traversent des années particulièrement difficiles. Agriculteur pendant 45 ans, j'ai connu l'année 1976. Cette année, certaines productions ont été détruites à 100 %. Je pense aux secteurs viticole et arboricole notamment.

Les régimes qui se sont succédé depuis 1964 et qui ont connu une période de bon fonctionnement, montrent leurs limites. La capacité de financement des agriculteurs n'étant pas à la hauteur du risque, les assurances ont capitulé.

La critique est aisée, mais l'art est difficile. Ce texte a au moins un mérite : considérer dans sa globalité la difficulté des agriculteurs à s'assurer, en proposant un dispositif partenarial, l'agriculteur prenant en charge l'aléa courant, notamment grâce à ses cotisations, l'assureur, l'aléa significatif, et la puissance publique, les calamités agricoles.

L'assurance doit être, sinon obligatoire, du moins fortement encouragée. Je suis favorable aux amendements de la commission qui vont dans ce sens. Les assureurs mutualistes, comme le Crédit Agricole et Groupama, sont en première ligne.

Le texte de la commission donne une visibilité à horizon de cinq ans sur le taux d'intervention publique, le temps que le dispositif monte en puissance et que la profession s'assure.

Il renforce le Codar, où toutes les filières pourront être représentées. La liste des risques non assurables devra, en parallèle, être définie clairement. Les moyens de prévention mis en oeuvre par l'exploitant seront un critère en fonction duquel sera adaptée la prime d'assurance.

L'Europe demande un système incitatif : dès lors, l'obligation d'assurance est impossible. Monsieur le ministre, nous avons confiance en vous ; nous ne savons pas qui sera ministre de l'Agriculture demain. Il faut prendre les précautions demandées par M. le rapporteur ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

M. Henri Cabanel .  - La nuit du 7 au 8 avril 2021 fut noire ; à cause de la gelée, nos agriculteurs ont tout perdu, leurs récoltes et leurs rêves. La gestion des risques est primordiale pour l'agriculture. Les travaux des météorologues sont sans appel : ce qui était exceptionnel hier sera commun demain.

Vous avez cité les travaux du Sénat, monsieur le ministre. En 2016, avec M. Montaugé, nous avions déposé une proposition de loi. Ce texte a été voté à l'unanimité. Mais dès 2008, le RDSE s'était mobilisé sur le sujet, avec une proposition de loi de MM. Collin et Baylet visant à rendre obligatoire l'assurance récolte. Ce texte a été rejeté en séance ; la filière n'était pas prête.

La gelée noire de 2021 nous a conduits à nous emparer de ce sujet : mieux vaut tard que jamais.

Selon l'assurance Pacifica, près d'un agriculteur sur deux a connu un aléa climatique au cours des trois dernières années.

Seulement 18 % de la surface agricole française est couverte par un contrat MRC, mais avec de grandes disparités : 35 % pour les grandes cultures, contre 3 % pour l'arboriculture. La culture de gestion du risque est peu développée en France. En revanche, les jeunes agriculteurs sont largement favorables à une généralisation du système assurantiel.

Le FNGRA a dépensé 180 millions d'euros en 2020, montant inédit depuis 2014.

L'article 2 témoigne d'une forte avancée, en application du règlement Omnibus : le taux maximum des subventions publiques sera de 70 %, au lieu de 65 % actuellement. Le seuil d'éligibilité sera quant à lui abaissé de 30 à 20 % des pertes.

La proposition de M. Duplomb sur la minoration de la dotation jeunes agriculteurs m'a servi de base pour présenter trois amendements.

Malgré ces réserves, le groupe RDSE votera ce texte. Jamais un agriculteur ne doit revivre les conséquences de cette nuit de gel d'avril 2021.

Un jeune agriculteur doit pouvoir vivre ses rêves avec plus de sérénité. (Applaudissements sur les travées du RDSE et sur quelques travées du groupe UC)

M. Franck Montaugé .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Il a fallu du temps pour prendre conscience de la situation des agriculteurs, mais l'épisode de grand gel de 2021 a été crucial, d'où l'examen de ce texte.

Le taux de pénétration des assurances agricoles est très faible en France : à peine 3 % pour certaines cultures.

L'échec est patent. En avril 2016, le groupe SER, avec M. Cabanel que je salue, faisait adopter une proposition de résolution pour mieux protéger le revenu des agriculteurs. Le Sénat avait ainsi créé un fonds de stabilisation du revenu agricole que l'Assemblée nationale n'a jamais adopté.

Nous réformons aujourd'hui le régime assurantiel des agriculteurs, en l'adaptant au règlement Omnibus. Depuis 2007, nous demandions ces réformes. Pourquoi avoir tant attendu ? Que de temps perdu !

Le système à trois étages proposé aujourd'hui va dans le bon sens, mais il ne répond pas à toutes les demandes des agriculteurs. Les ordonnances et les décrets fixant les seuils et les taux seront cruciaux.

La question du calcul des moyennes de rendements reste en suspens. Les ordonnances sont un chèque en blanc signé au Gouvernement.

Il faudra encore creuser le sillon labouré depuis des années par notre groupe.

Nous répondrons présents pour ces mesures, que nous voulons approfondir, en responsabilité. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

M. Bernard Buis .  - La capacité d'adaptation de l'espèce humaine est unique, mais le dérèglement climatique, fruit de notre activité, la dépasse parfois.

Les agriculteurs doivent maintenant s'adapter aux variations subites du climat, qui en viennent à cultiver du sorgho. D'autres cultures, comme le colza, sont abandonnées, car le gel printanier est trop risqué.

Le gel d'avril dernier a marqué les esprits. En quelques heures, le 7 avril 2021, nous avons vu des températures passer brutalement à - 8°C. Les agriculteurs ont lutté comme ils ont pu, avec des bougies, des souffleurs d'air chaud, des feux de paille : tout cela en vain.

Le montant des pertes liées au gel noir dans la Drôme s'élève à 200 millions d'euros, un cauchemar.

Mais les excès du climat ne vont pas s'arrêter : pluies diluviennes, sècheresses, canicules. On se souvient des 46°C enregistrés dans le Gard en 2019.

Nous ne pouvons plus attendre... Trop de pertes, trop de drames humains. Nos agriculteurs sont très peu couverts - seulement 6 % des arboriculteurs sont assurés.

Dans le cadre du Varenne de l'eau, le régime assurantiel a été repensé en profondeur. Le Président de la République a souhaité un coup d'accélérateur.

La réforme que vous nous présentez repose avant tout sur un système à trois étages, fondé sur la solidarité nationale. Le fonds sera doté de 600 millions d'euros par an, au lieu des 300 millions d'euros actuels. Il s'agit de proposer des assurances accessibles à nos agriculteurs. Les délais d'indemnisation doivent aussi être réduits : il faut penser en semaines, plus en mois.

Cependant, les amendements budgétaires peu rigoureux du rapporteur qui flirtent avec l'article 40 sont trop rigides et contre-productifs. Il ne faut pas passer outre les lois de finances. Ne tombons pas dans la communication, la précipitation, les effets d'annonce. (Signes d'agacement au banc de la commission)

Ce dernier grand texte agricole du quinquennat s'ajoute à divers textes au service d'une agriculture résiliente. Maintenons le cap.

Nous voterons ce texte.

M. Laurent Duplomb, rapporteur.  - Je ne demandais pas mieux !

M. Vincent Segouin .  - (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains) Avec ce texte, il s'agit d'assurer une pérennité financière aux exploitations, qui sont peu couvertes par les assurances. Pour les agriculteurs, le calcul de la moyenne olympique du rendement est décrié et le reste à charge de 30 % trop élevé. Pour les assureurs, le système n'est pas rentable.

Les aléas climatiques découragent les jeunes agriculteurs, mais le financement des assurances pose problème.

Les 360 millions d'euros budgétisés en 2021 ont été largement abondés grâce à l'intervention de l'État. Selon vous, pour financer les aides, la PAC versera 180 millions d'euros, l'État 300 millions et les agriculteurs 120 millions. Nous passerions ainsi à 600 millions. Mais votre discours, monsieur le ministre, n'est pas clair... Il ne s'agit pas uniquement de crédits de l'État. De plus, aucune projection n'a été fournie par vos services.

Les sinistres au-delà du seuil d'intervention doivent aussi être pris en compte. Le dispositif n'est en fait pas pérenne et à l'article 7, le « quoiqu'il en coûte » se généralise.

Le texte ne réglera en rien les défis auxquels font face les agriculteurs. Depuis des années, le Sénat alerte sur ces sujets.

Vous nous demandez de légiférer par ordonnances... Je désapprouve la méthode, tout comme le manque de sérieux budgétaire et le gonflement de la dette pour les générations futures.

En l'état, je ne voterai pas ce texte.

M. Jean-Michel Arnaud .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Il s'agit de s'armer et de s'adapter face au dérèglement climatique.

La gestion des risques n'est pas pertinente : elle est mal organisée et peu lisible pour les agriculteurs. Lors du gel de 2021, l'État fut, en partie, au rendez-vous.

Le système actuel montre des failles : les aides ne sont pas adaptées aux réalités territoriales.

Avec ce texte, les trois étages de prise en charge constituent un modèle plus pertinent. Cependant, des limites subsistent.

Pour pouvoir s'adapter, les assureurs doivent disposer de temps.

En outre, l'Autorité de la concurrence alerte sur la conformité du groupement d'assureurs au droit européen. L'obligation d'y participer ne doit pas créer de distorsion de concurrence. La présence de la Caisse centrale de réassurance autoriserait une meilleure harmonisation.

Les agriculteurs devront se saisir des outils de gestion de risque et en être les promoteurs.

Les 600 millions d'euros évoqués par le ministre viennent principalement de l'argent agricole, PAC comprise. Il ne faut pas laisser croire le contraire.

Nous devons être aux côtés de nos agriculteurs, essentiels pour notre souveraineté alimentaire et pour nos paysages. Nous devons leur donner confiance et nous espérons que les coûts des assurances seront supportables par chacun d'entre eux. En effet, si beaucoup ne sont pas assurés, cela s'explique souvent par un manque de moyens.

Dans la vallée de la Durance, la détresse des agriculteurs face à la gelée noire a été immense. Monsieur le ministre, j'espère que votre écoute, réelle, ne sera pas vaine. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

M. Denis Bouad .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Il fut un temps, le dérèglement climatique était un sujet de conversation pour les scientifiques. Désormais, c'est une réalité sur nos territoires, qui nous affectera plus encore demain. La ferme France est en première ligne. L'aléa climatique devient un risque certain.

Au printemps 2021, j'ai accompagné les agriculteurs sur le terrain, bouleversés par les conséquences du gel noir. Quelle catastrophe, quel drame humain !

Nous souhaitons un recours massif à la solidarité nationale, une application maximale du règlement Omnibus et la création d'un pool d'assureurs pour mutualiser les risques. Votre texte répond à certaines de nos demandes, anciennes, d'où notre vote favorable.

Mais nous exprimons des réserves, notamment en matière d'habilitation à légiférer par ordonnances.

Nous espérons que vous saurez nous entendre, car nous souhaitons que cette réforme aboutisse pour sécuriser nos agriculteurs.

Le caractère universel de ce nouveau système doit être garanti : il faut que tous les agriculteurs aient accès aux assurances. L'État doit s'engager en la matière.

Le niveau de franchise doit conduire à accroître les ratios d'agriculteurs assurés, bien au-delà du taux actuel de 18 %. Le succès de cette réforme se mesurera au niveau d'assurés MRC. Les conditions incitatives doivent être proposées sur le long terme. Il nous faut sécurité et pérennité.

La référence olympique est un véritable frein. La France doit s'engager au niveau international pour réformer cette disposition issue des accords de Marrakech.

Dans mon département, les agriculteurs ont subi trois sinistres en cinq ans ! La PFUE doit porter ce sujet devant l'OMC. Saisissons cette occasion unique. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

M. Olivier Rietmann .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Comment accueillir ce texte, si ce n'est avec bienveillance ?

Réformer les outils de gestion des risques climatiques est crucial pour nos agriculteurs comme pour notre souveraineté alimentaire.

Il est regrettable d'avoir attendu le gel d'avril 2021, encore dans tous les esprits, pour légiférer. La Haute-Saône, comme d'autres départements, a été très marquée, notamment par le gel des cerisiers de Fougerolles.

Le système actuel est à bout de souffle. Il doit être réformé, mais la clarté des mesures proposées fait défaut.

Des engagements forts de l'État sont indispensables.

Le système actuel des calamités agricoles défavorise les exploitants diversifiés en raison du critère de 13 % de taux de pertes. Nous avons supprimé ce seuil, ce qui pousse à la diversification.

Par ailleurs, monsieur le ministre, nous attendons l'engagement du Gouvernement : l'indemnisation par l'État doit être déclenchée à 30 % les cinq premières années pour les prairies et les vergers. Sinon, nous manquerons notre cible.

La moyenne olympique étant dépassée, la PFUE devra la faire évoluer. Par ailleurs, le règlement Omnibus doit être pleinement appliqué.

L'article 3 bis prévoit une contre-expertise des pertes. Il faut le maintenir. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Franck Menonville applaudit également.)

M. Julien Denormandie, ministre.  - MM. Gremillet et Menonville ont qualifié ce projet de loi d'historique ; c'est bel et bien le cas. Il faut aller au bout de la réforme, qui s'inspire notamment de ce que fait l'Espagne.

D'aucuns estiment que nous agissons par opportunisme et par électoralisme. Mais s'il est un ministre qui s'est penché avec application sur cette question, c'est bien moi. Vous savez que nous travaillons depuis longtemps sur le sujet. Monsieur Cabanel, la résolution de 2016 prévoyait de financer l'assurance récolte par le deuxième pilier de la PAC, c'est-à-dire que les agriculteurs finançaient les agriculteurs. La proposition de loi de Jean-Claude Lenoir de 2018 envisageait quant à elle une réserve spéciale d'exploitation. Dans les deux cas, les agriculteurs se couvraient eux-mêmes, sans recours à la solidarité nationale.

Monsieur Segouin, j'ai toujours été clair sur le financement, je l'ai d'ailleurs rappelé à cette tribune au début de la discussion générale : les 300 millions actuels ne relèvent pas uniquement des crédits d'État. Il en va de même des 600 euros annoncés, avec un effort marqué pour le budget de l'État.

Monsieur Gay, monsieur Salmon, le fondement de ce texte est la solidarité nationale : nous passons de 300 à 600 millions d'euros, et pourtant vous dénoncez un désengagement de l'État. Il n'est pas non plus question de favoriser les assureurs, bien au contraire. Ils ne sont guère favorables à la réforme d'ailleurs, car ils savent que mon objectif est de leur serrer la ceinture. Je ne sais plus quoi faire pour vous contenter...

S'agissant de la moyenne olympique, je vous rappelle qu'elle relève de l'OMC. Il faut ouvrir ce dossier au niveau international.

La discussion générale est close.

Discussion des articles

AVANT L'ARTICLE PREMIER

Mme la présidente.  - Amendement n°92, présenté par M. Duplomb, au nom de la commission des affaires économiques.

I.  - Avant l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le présent article fixe les objectifs, la stratégie et la programmation financière et opérationnelle de l'intervention de l'État pour renforcer la résilience de l'agriculture française face au changement climatique par le biais d'une mobilisation d'un système universel de gestion des risques en agriculture pour la période 2023 à 2030.

Cette programmation, qui contribue à assurer la pérennité et la résilience des systèmes de production agricole dans un contexte d'accélération du changement climatique, en garantissant l'accès des agriculteurs à un système universel de gestion des risques climatiques en agriculture, vise trois objectifs :

1° Développer des dispositifs de prévention et de protection adaptés à toutes les cultures ;

2° Créer et mieux diffuser des produits d'assurance et des mécanismes d'indemnisation efficaces et complémentaires entre eux, en accompagnement de stratégies d'adaptation des filières et des bassins de production ;

3° Appliquer systématiquement un principe de solidarité nationale pour préserver la pérennité des cultures agricoles.

Les dépenses publiques prévisionnelles pour atteindre ces objectifs s'inscrivent dans la perspective d'une enveloppe annuelle de 600 millions d'euros par an sur la période 2023-2030.

II.  -  En conséquence, faire précéder cet article d'une division additionnelle et de son intitulé ainsi rédigé :

Chapitre...

Programmation des interventions publiques pour promouvoir une meilleure résilience de l'agriculture française face au changement climatique par la mobilisation de divers outils de gestion des risques

M. Laurent Duplomb, rapporteur.  - Le fonds Calamités a été ponctionné par l'État à hauteur de 10 millions d'euros chaque année...

M. Vincent Segouin.  - Eh oui !

M. Laurent Duplomb, rapporteur.  - Sans compter les 255 millions d'euros récupérés par l'État en 2015.

M. René-Paul Savary.  - Hein ?

M. Laurent Duplomb, rapporteur.  - L'État est aussi responsable de l'échec du système.

Cet amendement modifie le texte en le transformant en projet de loi d'orientation budgétaire. Nous écrivons ici clairement que le budget prévisionnel annuel se montera à 600 millions d'euros.

M. Julien Denormandie, ministre.  - Retrait ou avis défavorable. Votre amendement confond dispositifs de protection et assurances. Du coup, les chiffres sont moins-disants car les 600 millions d'euros de 2023 ne concerneront que l'assurance, pas les dispositifs de protection : vous êtes donc moins-disant que le Gouvernement.

M. Laurent Duplomb, rapporteur.  - Justement !

M. Julien Denormandie, ministre.  - En outre, une telle disposition relève de la loi de finances initiale.

M. Vincent Segouin.  - Vous venez de confirmer que rien n'est réellement budgétisé : vous procédez au doigt mouillé. Vous gérez de l'argent public sans égard pour le montant de la dette.

M. Franck Montaugé.  - Nous sommes favorables à cet amendement qui donne une perspective pluriannuelle. Nous nous affranchissons ainsi des contraintes de l'article 40 et cela nous permet d'améliorer la situation des agriculteurs.

M. Laurent Duplomb, rapporteur.  - Il s'agit de prévisions. Qui peut le plus, peut le moins... Nous avons fixé le chiffre de 600 millions d'euros conformément aux propos du Président de la République et aux vôtres. Pour éviter l'article 40, nous nous sommes bien gardés de ne pas dépasser les 600 millions. Si vous allez au-delà, nous sommes preneurs !

M. Julien Denormandie, ministre.  - Je ne suis pas responsable de l'article 40.

Votre amendement ne traite pas que de l'assurance récolte mais aussi de la prévention et de la protection. Nous investissons par ailleurs 380 millions d'euros en 2021-2022 avec France Relance et 2,8 milliards d'euros avec France 2030.

Enfin, cet amendement n'est nullement normatif.

L'amendement n°92 est adopté et devient un article additionnel.

ARTICLE PREMIER

M. Gérard Lahellec .  - L'article 40 nous empêche une nouvelle fois de débattre. Nous avons besoin d'un système assurantiel solidaire universel pour les exploitations agricoles en difficulté économique. Je regrette l'absence d'un tel dispositif dans le texte, qui laisse les agriculteurs sur le bord de la route.

L'article premier est adopté.

ARTICLE PREMIER BIS

Mme la présidente.  - Amendement n°93, présenté par M. Duplomb, au nom de la commission des affaires économiques.

Supprimer cet article.

L'amendement de coordination n°93, repoussé par le Gouvernement, est adopté et l'article premier bis est supprimé.

Les amendements nos6, 67 et 44 rectifié n'ont plus d'objet.

APRÈS L'ARTICLE 16 (Appelé en priorité)

Mme la présidente.  - Amendement n°103, présenté par M. Duplomb, au nom de la commission des affaires économiques.

Après l'article 16

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Est approuvé le rapport annexé à la présente loi, qui fixe, à titre indicatif, les orientations relatives au pilotage du dispositif de gestion des risques en agriculture par l'État pour les premières années suivant l'entrée en vigueur de la présente loi.

RAPPORT ANNEXÉ

Afin d'atteindre les objectifs fixés à l'article 1er A de la présente loi, à titre de programmation, et conformément aux annonces gouvernementales de septembre 2021 prévoyant un doublement du budget public dédié à la subvention à l'assurance et à l'indemnisation des pertes de récoltes, pour passer d'environ 300 à 600 millions d'euros par an, en moyenne, le présent rapport annexé expose les principaux objectifs, fixés à l'État, relatifs au pourcentage des surfaces agricoles assurées par le biais d'un contrat d'assurance multirisque climatique subventionné au regard des surfaces agricoles totales à horizon 2030.

Ces taux prévisionnels, production par production, sont fixés ainsi :

Pourcentage des surfaces assurées en MRC (surface assurée / surface totale) par production

Données pour 2020

Objectif cible pour 2030

Céréales, oléagineux, protéagineux, plantes industrielles

33 %

60 %

Vignes

34 %

60 %

Arboriculture

3 %

30 %

Prairies

1 %

30 %

Légumes (industrie et marché du frais)

28 %

60 %

Horticulture

3 %

30 %

Plantes à parfum, aromatiques et médicinales

6 %

30 %

Autres cultures (non assurables à ce stade)

n.s.

n.s.

Pour garantir aux acteurs économiques concernés la possibilité effective d'évaluer avec un degré de prévisibilité raisonnable les niveaux d'intervention publique concernant le dispositif de gestion des risques en agriculture, dans la mesure où ce niveau s'apparente à une incitation à s'assurer dans le temps pour les exploitants agricoles et à proposer des contrats offrant un équilibre économique satisfaisant pour les entreprises d'assurances, le présent rapport fixe, à titre indicatif, les niveaux d'intervention publique pour les premières années d'application de la réforme entre 2023 et 2027 :

Taux indicatifs applicables de 2023 à 2027 par production

Seuil de pertes rendant les contrats éligibles à subvention

Part des primes et cotisations afférentes aux contrats prise en charge par une aide cumulée de l'État et de l'Union européenne

Seuil de pertes de récoltes ou de cultures déclenchant l'intervention de l'État au titre de la solidarité nationale

Céréales, oléagineux, protéagineux, plantes industrielles

20 %

70 %

40 %

Vignes

20 %

70 %

40 %

Arboriculture

20 %

70 %

30 %

Prairies

20 %

70 %

30 %

Légumes (industrie et marché du frais)

20 %

70 %

30 à 40 % selon les productions

Horticulture

20 %

70 %

30 %

Plantes à parfum, aromatiques et médicinales

20 %

70 %

30 %

Autres cultures (non assurables à ce stade)

20 %

70 %

30 %

Ces niveaux seront fixés par décret, dans les conditions prévues à l'article L. 361-9 du code rural et de la pêche maritime dans sa rédaction résultant de l'article 5 bis A de la présente loi.

M. Laurent Duplomb, rapporteur.  - Pour mieux répondre aux besoins de visibilité des acteurs économiques, cet amendement ajoute à la loi un rapport annexé rappelant les objectifs à atteindre en matière de surfaces agricoles assurées à l'horizon 2030.

Il est important d'être transparent sur les taux de franchise, de subvention et les seuils de déclenchement de la solidarité nationale.

Le message que nous apportons aux agriculteurs est donc clair.

M. Julien Denormandie, ministre.  - Retrait ou avis défavorable. Cet amendement pousse les curseurs au maximum sur les taux comme sur les seuils. C'est précisément ce que je ne cesse de vouloir faire. Je suis favorable au principe, mais pas à la méthode retenue.

À nouveau, cet amendement n'est pas normatif. Il porte sur la période 2023-2027. En cela, il n'est pas cohérent avec l'amendement créant un article additionnel après l'article premier relatif aux 600 millions d'euros, à moins que vous ne pensiez atteindre ce montant qu'en 2027, ce qui impliquerait que les crédits soient inférieurs les années précédentes. Et si nous allions au-delà de cette somme ?

Chacun doit bénéficier de la réforme : il me semble préférable que ces chiffres soient fixés au niveau réglementaire.

Le 70 % ab initio que vous proposez est un cadeau fait aux assureurs qui vont augmenter leur prime. Or, la priorité des priorités, c'est l'article 7 : il faut serrer la ceinture des assureurs. (M. Pierre Louault applaudit.)

On ne peut se contenter de transmission de statistiques comme le prévoyait la proposition de loi de M. Lenoir. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains)

Je salue les assureurs qui sont restés dans nos campagnes. Beaucoup, en effet, sont partis. Je me bats depuis deux ans pour pousser les curseurs, mais il ne faut pas les inscrire dans la loi. Préférons la concertation avec les filières, plutôt que de l'imposer par la loi.

M. Vincent Segouin.  - Je trouve vos propos insupportables. Deux assureurs sont aux côtés des agriculteurs avec des ratios d'indemnisation de 145. Et vous dites qu'il faut leur serrer la ceinture !

Il faut un système équilibré, juste et pérenne. Il faut des chiffres et des précisions, plutôt que des ordonnances.

M. Daniel Salmon.  - Je comprends le souci du rapporteur de sécuriser le monde paysan en fixant dans la loi des seuils et des taux. Mais, pour nous, c'est la logique assurancielle elle-même qui n'est pas adaptée. Elle est pertinente dans certains domaines - pour les véhicules, par exemple -, mais, pour les calamités agricoles, ce système ne fonctionnera pas !

M. Franck Montaugé.  - Depuis quand les lois d'exécution doivent-elles être rigoureusement conformes à la loi d'orientation et de programmation ? Voyez la loi de programmation militaire... Cet argument est sans valeur. (M. le rapporteur approuve.)

Mme Victoire Jasmin.  - C'est juste !

M. Franck Montaugé.  - Le Sénat prend ses responsabilités, sur la base de discussions approfondies avec les filières - c'est du moins ce qu'on m'a dit. Ensuite, nous ajusterons à chaque exercice.

Monsieur le ministre, le taux de 70 % ferait le miel des assureurs ? Je comprends que vous ne voulez pas mettre en oeuvre Omnibus, alors que vous affirmez le contraire.

M. Laurent Duplomb, rapporteur.  - Monsieur le ministre, soyons pragmatiques.

Dans la discussion générale, vous avez dit vouloir maximiser Omnibus. C'est ce que nous proposons d'écrire dans la loi.

Vous avez parlé des seuils les plus bénéfiques. Le plus bénéfique, ce serait de tout fixer à 30 %, ce que nous ne faisons pas - certaines filières nous l'ont pourtant demandé. Nous avons pris nos responsabilités. Il est donc faux de prétendre que nous mettrions les taux les plus sexy pour contenter tout le monde.

D'après nos calculs, ce système permet de rester dans l'enveloppe des 600 millions d'euros jusqu'en 2027.

Notre tableau ne fixe que trois taux. Les autres paramètres, à commencer par le taux d'indemnisation, restent à votre main.

Agriculteurs et assureurs veulent des taux connus, pour plus de clarté et de confiance. Pourquoi ne pas les leur donner maintenant, alors que vous serez obligé de le faire dans six mois ?

M. Jean-Louis Masson.  - Souvent, pour récuser un amendement, les rapporteurs avancent qu'il n'a pas de caractère législatif. Peut-on m'expliquer quel est le caractère législatif de celui-ci ?

Mme Sophie Primas, présidente de la commission.  - Monsieur Masson, cet amendement correspond à un texte dont nous entendons faire une loi d'orientation et de programmation ; nous proposerons d'ailleurs de modifier en ce sens son intitulé. Il n'a pas une portée législative obligatoire, mais il s'agit d'un guide, d'un référentiel.

L'essentiel, c'est de donner confiance aux agriculteurs, pour qu'ils s'assurent. C'est le signal que nous voulons envoyer.

Nous avons consulté l'ensemble des filières, qui soutiennent le travail de M. Duplomb.

Le Sénat l'a prouvé, notamment dans le cadre du texte sur l'assurance emprunteur : quand le bien commun est en jeu, nous n'avons pas peur d'être en contradiction avec les assureurs ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Françoise Férat applaudit également.)

M. Vincent Segouin.  - Très bien !

M. Julien Denormandie, ministre.  - Dans la partie normative du texte - puisque vous y introduisez, malgré moi, une partie législative mais non normative... -, le volet sinistres est encadré. Mais ce que l'on fait pour le numérateur du ratio, monsieur Segouin, il n'est pas concevable de ne le pas le faire aussi pour le dénominateur. Il faut donc encadrer aussi les primes : c'est tout ce que je dis en parlant de serrer la ceinture des assureurs - ce n'est pas une critique de leur métier.

Monsieur Montaugé, je le répète : mon objectif est de pousser Omnibus au maximum, à condition que l'agriculteur en bénéficie. La fixation du taux à 70 % suppose donc un encadrement puissant des primes à l'article 7.

Monsieur le rapporteur, nous disons en somme la même chose.

M. Laurent Duplomb, rapporteur.  - C'est bien pourquoi nous ne comprenons pas votre opposition...

M. Julien Denormandie, ministre.  - Je considère que la loi doit être normative, et les seuils fixés par la voie réglementaire. Vous ne nous faites pas confiance, je ne puis qu'en prendre acte.

M. Laurent Duplomb, rapporteur.  - J'ai sans doute trop de bon sens paysan, mais je ne comprends pas...

On est d'accord sur tous les taux - sauf peut-être le 40 %. Mais alors, pourquoi butez-vous sur notre tableau ? Surtout que, à un moment ou à un autre, vous serez bien obligé de fixer des taux.

J'ajoute que notre texte ménage la possibilité de revenir sur les taux prévus. C'est d'ailleurs normal, le ministre devant disposer de marges de pilotage.

J'espère bien que le Sénat adoptera cet amendement. Ensuite, vous aurez quelques jours pour y réfléchir, afin que la CMP trouve une solution intelligente. À l'arrivée, vous aurez gagné six mois ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

L'amendement n°103 est adopté et devient un article additionnel.

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Pour la Directrice des Comptes rendus du Sénat,

Rosalie Delpech

Chef de publication

Ordre du jour du mercredi 9 février 2022

Séance publique

À 15 h, à 16 h 30 et le soir

Présidence :

M. Gérard Larcher, président

Mme Pascale Gruny, vice-président

Mme Nathalie Delattre, vice-présidente

Secrétaires :

M. Dominique Théophile - Mme Corinne Imbert

1. Questions d'actualité

2. Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale (texte de la commission, n°423, 2021-2022)

3. Nouvelle lecture de la proposition de loi organique, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relative aux lois de financement de la sécurité sociale (texte de la commission, n°430, 2021-2022) et nouvelle lecture de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relative aux lois de financement de la sécurité sociale (texte de la commission, n°431, 2021-2022)

4. Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à encourager l'usage du contrôle parental sur certains équipements et services vendus en France et permettant d'accéder à Internet (texte de la commission, n°398, 2021-2022)