Aménagement du Rhône (Procédure accélérée)
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle les explications de vote et le vote sur la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relative à l'aménagement du Rhône.
La Conférence des présidents a décidé que ce texte serait discuté selon la procédure de législation en commission prévue au chapitre XIV bis du Règlement du Sénat.
Nominations à une éventuelle CMP
Mme la présidente. - J'informe le Sénat que des candidatures pour siéger au sein de l'éventuelle commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur cette proposition de loi ont été publiées.
Ces candidatures seront ratifiées si la Présidence n'a pas reçu d'opposition dans le délai d'une heure prévu par notre Règlement.
Explications de vote
Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée, chargée du logement . - Aujourd'hui, nous parlons d'avenir : celui de la concession historique d'un fleuve national, le Rhône, ce « fleuve armé » dont parle Paul Claudel, célèbre pour son impétuosité, fleuve que nous avons dû dompter pour en limiter les crues et l'exploiter au mieux. Sans travaux d'aménagement, l'urbanisation de l'agglomération lyonnaise n'aurait pas été possible. Nous veillons à en préserver la biodiversité et les paysages. Il a évolué avec nous. Il appartient à notre passé et à notre avenir.
Cette proposition de loi de Patrick Mignola, votée à l'unanimité par l'Assemblée nationale, fait consensus ici aussi. Le Gouvernement est profondément attaché à la mission d'intérêt général de la Compagnie nationale du Rhône (CNR), dont la raison d'être est unique : le Rhône pour origine, les territoires pour partenaires et les énergies renouvelables pour avenir.
Cette concession est un formidable outil de transition écologique. Elle exerce trois missions historiques : production d'énergie, navigation fluviale et irrigation agricole. Avec ses dix-neuf centrales hydroélectriques, elle produit le quart de notre électricité hydroélectrique ; 330 kilomètres de voies navigables ont été aménagés pour relier Lyon à la Méditerranée ; la CNR est le premier producteur français d'énergies exclusivement renouvelables, tirant parti de l'eau, mais aussi du vent et du soleil ; elle participe du développement économique du territoire rhodanien ; elle concourt ainsi à la renaturation des berges du Rhône et à la réhabilitation des lônes.
L'engagement en faveur de la biodiversité est dans son ADN. Elle exporte d'ailleurs son modèle à l'international : elle est ainsi à l'origine de l'Initiative pour l'avenir des grands fleuves. À la veille du One Ocean Summit, qui doit s'ouvrir à Brest, la pollution des eaux, fluviales ou maritimes, n'est plus acceptable.
La CNR incarne avec brio ces différentes missions, dans une démarche globale.
Enfin, sa spécificité réside dans sa collaboration vertueuse avec les collectivités territoriales, qu'il s'agisse de financement, d'aménagement ou de protection de l'environnement. On le constate dans la composition même du capital de l'entreprise, auquel 183 collectivités sont associées, aux côtés de la Caisse des Dépôts et d'Engie.
En somme, la CNR est un modèle d'action publique efficace, concertée et adaptée, au plus près des territoires.
Le Gouvernement soutient cette proposition de loi. La concession doit expirer d'ici la fin 2023. Pour anticiper cette échéance, l'État a engagé des travaux dès 2014, qui ont donné lieu à la consultation du public entre 2019 et 2021. Dans la lignée des décisions prises de manière participative, ce texte pérennise les missions de la CNR jusqu'en 2041. Cette prévisibilité est nécessaire, pour le territoire rhodanien, pour l'entreprise et ses 1 300 salariés, pour les collectivités actionnaires.
Il était également vital d'assurer cette stabilité pour l'effort national de transition écologique. Je pense en particulier aux énergies renouvelables : pour atteindre 40 % d'électricité dans le mix national d'ici à 2030, nous avons besoin d'une force d'anticipation et de pilotage.
Cette proposition de loi renforce par la même occasion les exigences du cahier des charges : pérenniser la trajectoire d'investissements ambitieux menée par la CNR - plus de 500 millions d'euros de projets territoriaux financés depuis 2003. Le schéma directeur de la compagnie est aussi renforcé, avec 165 millions d'euros prévus tous les cinq ans. Le concessionnaire doit continuer à avancer avec ambition dans cette voie. De même, les exigences sont fortes pour le développement de l'énergie hydraulique et de la navigation fluviale, pour lesquels 500 millions d'euros d'investissement sont prévus. Cette réforme est donc un formidable coup d'accélérateur pour la réduction des émissions de gaz à effet de serre.
Le concessionnaire devra aussi réaliser une étude préalable à l'installation d'un nouvel ouvrage hydroélectrique à Saint-Romain-de-Jalionas. Puis les pouvoirs publics trancheront en tenant compte de tous les enjeux. Quoi qu'il en soit, l'équilibre économique sera maintenu.
Au-delà du développement des énergies renouvelables, la biodiversité sera défendue, six barrages existants seront équipés pour assurer la continuité piscicole. Le schéma directeur mentionne désormais explicitement la biodiversité.
Les amendements de M. Chauvet ont été adoptés.
M. Loïc Hervé. - Très bien !
Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. - Certains sont rédactionnels, d'autres renforcent les enjeux de transition énergétique ou le positionnement des collectivités.
J'espère que les deux chambres trouveront un accord sur un texte d'intérêt général que le Gouvernement soutient et qu'il espère voir aboutir avant la fin du quinquennat. Une bonne politique écologique regarde l'avenir, agit avec et non contre les territoires et part de l'existant pour en faire des occasions à saisir : tel est le sens de ce texte ambitieux et fédérateur ! (Applaudissements sur les travées du RDPI ; M. Éric Gold applaudit également.)
M. Patrick Chauvet, rapporteur de la commission des affaires économiques . - (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains) Ce texte prolonge la concession attribuée à la CNR, alors même que nos concessions hydroélectriques font l'objet d'un contentieux européen.
Nous apprécions le modèle économique de la CNR, opérateur exemplaire pour la conciliation de l'activité économique avec les enjeux environnementaux et la complémentarité des actions entre collectivités territoriales et acteurs privés. Créée en 1933, cette société anonyme d'intérêt général est détenue pour un tiers par l'État et pour un sixième par les collectivités territoriales. Elle possède 47 ouvrages hydroélectriques, dont 20 centrales et produit 20 % de notre hydroélectricité. Elle est très impliquée dans le photovoltaïque et l'éolien.
Sa concession arrivant à échéance en 2023, elle ne saurait être placée sous le régime des délais glissants qui concerne 39 des 400 concessions existantes. Pourquoi une prolongation si tardive, et par voie législative ? Le Gouvernement aurait dû procéder par décret, sitôt les travaux préalables achevés. Cela étant, nous faisons confiance au Gouvernement quant à la conformité du présent texte aux engagements européens. Il faut mettre la CNR à l'abri du contentieux européen. Les concessions en délais glissants souffrent d'insécurité juridique, le Gouvernement doit apporter une réponse globale.
Cette proposition de loi approuve un nouveau cahier des charges et un nouveau schéma directeur : un transfert de 3 000 hectares de Voies navigables de France (VNF) vers la CNR est prévu ; des programmes pluriannuels quinquennaux d'un montant de 165 millions d'euros fixeront les grands investissements ; un programme de travaux supplémentaires est retenu - en particulier, le projet de Saint-Romain-de-Jalionas, dont le coût s'élève à 190 millions d'euros, reste en suspens et suscite quelques interrogations - ; la redevance reposera davantage sur l'évolution du coût de l'électricité ; enfin, les usages liés à l'irrigation sont confortés par la réaffectation de 10 000 kilowatts.
Mes amendements, adoptés, visent à consolider ce texte selon quatre axes.
Premièrement, il s'agit de développer les énergies renouvelables. Le but, c'est la neutralité carbone en 2050. Concrètement, nous voulons favoriser l'hydrogène renouvelable bas carbone et le photovoltaïque innovant.
Nous voulons mieux associer les collectivités, via les comités de suivi, et en prévoyant leur consultation sur le programme de travaux complémentaires. Nous rétablissons l'avis des conseils départementaux et régionaux sur le cahier des charges et le schéma directeur. Nous garantissons enfin l'éligibilité des groupements de communes aux projets de la CNR.
Nous voulons aussi mieux soutenir les agriculteurs, en associant le ministère de l'Agriculture. Pour les énergies réservées, nous avons tenu à éviter tout effet de bord et à garantir une compensation financière aux acteurs de terrain. Il nous a également semblé utile de compléter les missions de la CNR par le développement des emplois liés à l'irrigation agricole.
Enfin, nous avons tenu à renforcer la sécurité juridique de la concession, en maintenant la référence aux missions d'intérêt général de la CNR.
Mon travail s'est voulu concret, consensuel et concerté. Il répond directement aux demandes entendues lors de mes auditions. Je suis fier que ce texte, ainsi amendé, ait été adopté à l'unanimité par la commission : j'invite le Sénat à réitérer ce vote ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains)
M. Bernard Buis . - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Né des eaux de fonte des glaciers, il traverse trois régions, côtoie nombre d'affluents, parcourt onze départements et termine sa course dans le delta de Camargue. C'est bien du Rhône que je vous parle. Si tout se passe bien, nous lui permettrons de rester en de bonnes mains.
Le génie humain a su maîtriser ce fleuve pour en donner tout le potentiel économique et stratégique. Je salue les représentants de la CNR, présents en tribune. Depuis près d'un siècle, la CNR a su tirer sa légitimité de sa grande proximité avec les territoires et de sa capacité à redistribuer de la valeur. Les missions cardinales de la CNR ont fait l'originalité et la force de la compagnie. Elles ont permis de créer des partenariats presque charnels avec les territoires.
Mais la CNR est aussi résolument tournée vers le renouvelable, avec ses 57 parcs éoliens dans toute la France et de nombreuses centrales photovoltaïques au sud d'une ligne Lyon-La Rochelle.
Nous disposons d'un trésor national, de 19 centrales et 47 ouvrages hydroélectriques, qu'il nous faut préserver.
Élu drômois, je pense à la centrale de Bourg-lès-Valence, inaugurée il y a cinquante ans, qui a nécessité trois ans de chantier, 2 200 hommes, plus de 20 entreprises... À la confluence du Rhône et de l'Isère, ce mastodonte a eu besoin d'un barrage de décharge. Aujourd'hui, la centrale alimente 500 000 habitants en électricité.
Cet enracinement, c'est l'originalité de la CNR. C'est grâce à lui que la Commission européenne a pu reconnaître, avec beaucoup de pragmatisme, que le projet ne relevait pas des aides d'État. L'auteur de ce texte, Patrick Mignola, a rappelé que la CNR ne saurait bénéficier d'avantages indus au titre du prolongement de sa concession.
Quelque 500 millions d'euros d'investissements sont prévus pour des projets en faveur des énergies renouvelables, de la modernisation des ouvrages ou encore de la biodiversité aquatique. La CNR a déjà restauré 120 kilomètres de cours d'eau et 120 000 m2 de zones humides. Elle a établi 69 ouvrages de franchissement piscicole. Au total, ses actions bénéficient à 80 espèces animales. La protection de l'environnement fait partie de ses missions, inscrites dans le cahier des charges et le schéma directeur. Les parlementaires seront étroitement associés à l'évolution de ses travaux.
La baisse du débit du Rhône - de 10 à 40 % en 2050 - est alarmante. Les sécheresses, qui s'accentuent, doivent contraindre la CNR à amplifier ses projets éoliens et solaires. Forte de son maillage territorial et humain, elle recevra cette après-midi toute la confiance de notre groupe. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; MM. Jean-Claude Requier et Loïc Hervé applaudissent également.)
M. Claude Malhuret . - De sa source, au sein d'un glacier suisse, jusqu'au terme de ses 814 kilomètres, le Rhône traverse une dizaine de départements, de grandes villes, comme Lyon, et de grands espaces naturels. Les hommes n'ont cessé de l'apprivoiser et de l'aménager. Son lit a été remodelé et il est en cours de renaturation. Le Rhône est l'une des principales solutions pour combattre le dérèglement climatique, dont il est lui-même victime.
Depuis plus de soixante ans, il est au coeur de l'hydroélectricité française. Une vingtaine d'usines hydroélectriques le jalonnent ; il traverse des territoires industriels majeurs et est un refuge de biodiversité. La nature et l'humain se rencontrent sur ses rives, mais l'équilibre est précaire.
Le Rhône est essentiel au transport fluvial. Les engagements exigeants de la France pour la réduction du CO2 passeront par les transports ferroviaires et fluviaux. Il est aussi un atout majeur pour le tourisme, mais aussi pour la faune et la flore.
Le travail fourni pour son aménagement, c'est aussi l'aménagement des territoires qui le bordent. Depuis près de quatre-vingt-dix ans, la CNR entretient le fleuve et dialogue avec les collectivités territoriales.
La prolongation de la concession est l'objectif principal de ce texte. C'est une proposition de loi d'équilibre entre les forces politiques du pays, qui a fait l'unanimité à l'Assemblée nationale comme ici, en commission. Même la Commission européenne juge cette prolongation compatible avec les dispositions relatives aux aides d'État.
Je salue le travail de notre rapporteur et soutiens pleinement cette volonté de prolongation.
De plus, deux points méritent d'être salués.
Le premier, ce sont les relations avec les territoires. Il faut encourager le travail considérable accompli par la CNR et les acteurs de terrain, au premier rang desquels les élus locaux.
Le second, c'est le fait d'inscrire l'aménagement du Rhône dans les objectifs de réduction de carbone, à horizon 2050. Le développement d'une écologie libérale est le seul moyen de réaliser la transition.
Enfin, je salue la sécurisation juridique de la concession.
Le groupe INDEP votera ce texte.
Mme Vivette Lopez . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Loïc Hervé applaudit également.) Sauvage et longtemps réputé indomptable, comme nous le sommes dans le Sud (sourires), le Rhône est le fleuve le plus puissant de France. Mais grâce à la CNR, il a été dompté en préservant les enjeux humains, économiques et écologiques.
Hydroélectricité, navigabilité et irrigation agricole, voilà les atouts de la CNR, dotée d'un modèle unique et efficace de gestion intégrée. Ses actifs de production éoliens et photovoltaïques en font le premier producteur national d'énergies renouvelables.
C'est pourquoi la prolongation de la concession jusqu'en 2041 a réuni un si large consensus. Une possible ouverture à la concurrence avait suscité des craintes, au regard notamment de l'éventuelle irruption d'intérêts étrangers compromettant notre indépendance énergétique. Il fallait protéger la CNR et la prolongation de la concession s'est imposée comme une évidence.
La feuille de route prévoit 500 millions d'euros d'investissements, en faveur de la navigabilité fluviale - transport de marchandises notamment - et de la production d'énergies renouvelables. Dans ses missions, en partenariat avec les 183 collectivités territoriales adhérentes, aménagement du territoire, biodiversité et irrigation agricole sont inscrits.
Élue du Gard, je considère que le périmètre de 27 000 hectares de la concession doit être étendu à l'ensemble du petit Rhône et du grand Rhône. Ainsi, seules les écluses de Beaucaire et de Saint-Gilles demeureraient gérées par VNF. L'ensemble des élus de mon territoire, regroupés dans un syndicat interrégional d'aménagement, est favorable à n'avoir plus qu'un seul interlocuteur : enfin une simplification !
Grâce aux plans quinquennaux, la CNR apportera des financements dans nos territoires. Il était temps, car peu avait été réalisé sur cette partie du Rhône.
Dans le delta, l'agriculture subit des remontées de sel en raison de l'élévation du niveau de la mer. Il faudrait adapter les prises d'eau en pompant les eaux de surface moins salées ; les plans quinquennaux doivent s'intéresser à l'accompagnement de la restauration écologique du petit Rhône et à de nouveaux modes de captation d'eau et de gestion des sédiments.
Je soutiens cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Loïc Hervé applaudit également.)
Mme Sophie Primas. - Bravo !
M. Thomas Dossus . - Ce texte était attendu, pour l'aménagement du Rhône, les salariés, les élus, et l'ensemble de notre politique énergétique, de lutte contre le changement climatique et de protection de la biodiversité.
Élu écologiste du Rhône, je soutiens la prolongation et le programme d'investissements. Les 500 millions prévus favoriseront des axes forts - énergie hydraulique, transport fluvial, biodiversité - pour donner à la CNR prévisibilité et moyens.
La baisse à venir du débit du fleuve le plus nucléarisé de France, voire d'Europe, est loin d'être anodine ! Il aurait également fallu insister davantage sur la protection de la biodiversité. La CNR doit poursuivre ses missions d'intérêt général qui participent au développement de la vallée du Rhône.
Ce texte est l'occasion de réaffirmer notre opposition à l'ouverture à la concurrence de notre modèle hydroélectrique. Certes, la CNR est désormais à l'abri, mais quid des autres concessions ? Il manque une réponse globale du Gouvernement. Nous défendons un vrai service public des énergies renouvelables, pour organiser la transition énergétique et assurer notre souveraineté énergétique, tout en maintenant un prix abordable et en régulant les initiatives privées. La question du statut hybride de la CNR, mi-public, mi-privé, se posera à terme : ces activités doivent répondre à des besoins d'intérêt général, pas aux besoins de rentabilité du privé.
Nous voterons ce texte, qui est un premier pas vers les propositions que nous avions faites il y a trois mois et qui avaient été rejetées en bloc par le Sénat.
Je veux conclure en ouvrant un autre débat : il faut oeuvrer à de nouveaux droits pour la nature. Des pays - Nouvelle-Zélande, Équateur, Colombie - ont reconnu la personnalité juridique à des rivières et des fleuves. Plusieurs personnalités le demandent pour le Rhône, j'y souscris pleinement.
Mme Cécile Cukierman . - Notre groupe votera cette proposition de loi, car elle reporte à 2041 la question de la mise en concurrence de la concession. C'est un vrai bol d'air, dans le contexte libéral où l'on ouvre tout à la concurrence !
Je regrette que sur un tel sujet, le Gouvernement n'ait pas proposé un projet de loi.
La prolongation de la concession de la CNR est en discussion depuis sept ans. Dans le paysage des concessions hydroélectriques, ce modèle est unique. Je salue les représentants des organisations syndicales présents en tribune : ils ont permis l'abandon d'un projet de privatisation.
Il s'agit d'une concession unique, fondée sur quatre missions d'intérêt général financièrement solidaires, dotée d'une gouvernance atypique avec un ancrage local fort, et qui permet la redistribution équilibrée des bénéfices des activités économiques vers les parties prenantes.
Ce texte est attendu par les collectivités, les associations, les salariés. Tous les acteurs sont attachés à ce modèle hydroélectrique français caractérisé par la prise en compte solidaire de la gestion de la ressource en eau et de l'aménagement du territoire. Les fondamentaux du modèle sont préservés, et s'y ajoute la mission d'agir en faveur de la transition énergétique et écologique. Les investissements iront au développement des énergies renouvelables - l'accélération de la production d'hydrogène nécessitera davantage d'eau - et au maintien du parc nucléaire - avec une nécessaire sécurisation en eau supplémentaire.
Il s'agit aussi de développer la navigation, actuellement faible comparée aux files de camions sur l'A7. Il reste beaucoup à faire en matière de transport fluvial. Ainsi, les marchandises pourront circuler en douceur jusqu'au coeur de nos agglomérations.
Le projet de restauration environnementale du fleuve est très ambitieux et les salariés de la CNR développent des compétences uniques en la matière. Enfin, l'irrigation agricole deviendra plus vertueuse. Quant au développement des territoires, des crédits sont alloués aux projets menés par les collectivités territoriales.
Le groupe CRCE votera ce texte.
Mme Sophie Primas. - Très bien !
M. Loïc Hervé . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) « Le Rhône est si profond, si rapide et si large, que dans la grande Europe il n'a pas son pareil. Emportant des bateaux sans nombre avec leur charge, il va roulant de l'or et roulant du soleil.» Jean Aicard a ainsi parlé de ce fleuve, alors que nous nous apprêtons à modifier la loi adoptée il y a cent ans, le 27 mai 1921.
Le modèle unique de la CNR a été préservé jusqu'à aujourd'hui. Je salue et remercie M. Chauvet qui a su, dans ce texte, conserver des équilibres essentiels.
Élu de Haute-Savoie, je suis heureux de porter la voix de mon groupe sur un texte au bénéfice de ce fleuve, qui part du Massif du Saint-Gothard pour se jeter en Méditerranée.
La CNR est un acteur central du développement des territoires rhodaniens, avec une concession de 27 000 hectares sur lesquels elle mène des projets d'aménagement. Il est heureux que sa concession soit prolongée, en inscrivant la date de 2041 dans le marbre de la loi.
La commission des affaires européennes a renforcé ce texte. Le développement des énergies renouvelables est désormais inscrit parmi les missions historiques de la CNR. Nous avons aussi mieux associé les collectivités territoriales, pour rester au plus près des territoires. Le soutien aux agriculteurs a été renforcé et la sécurité juridique de la concession consolidée.
La CNR n'est pas un simple concessionnaire qui aménage et exploite un fleuve : c'est un acteur central du sud-est de notre pays.
L'UC soutiendra cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)
M. Henri Cabanel . - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Voilà un moment rare. Les planètes sont alignées, malgré la directive européenne de 1994 sur les concessions...
La prolongation de la CNR jusqu'en 2041 est essentielle. Elle a été privée de l'exploitation des barrages entre 1946 et 2006, en raison de la nationalisation de la production d'énergie.
Cette initiative parlementaire est tout à fait originale, et ne fige pas l'avenir, car des décrets pourront intervenir par la suite, mais elle donne solennité à ces mesures.
Un cahier des charges ambitieux est établi, pour préserver la ressource en eau, alors que le débit du fleuve pourrait baisser de 40 % d'ici 2050.
Ce texte interroge sur la nécessaire modernisation des contrats de concession, qui sont très longs. Les clauses de revoyure en 2028 et 2034 sont à ce titre excellentes.
Nous devons faire en sorte que l'État garde la main sur les actifs stratégiques et que les concessionnaires ne se reposent pas sur leurs lauriers.
Les programmes pluriannuels quinquennaux portent sur 500 millions d'euros, et concernent de nombreux sujets, de l'agriculture à la production d'hydrogène.
Les élus sont bien associés au pilotage des travaux, par exemple pour le projet de Saint-Romain-de-Jalionas : il faut améliorer l'acceptabilité des installations et prévenir les conflits d'usage. La puissance publique doit continuer à exercer son rôle stratégique dans la maîtrise de l'énergie, mais aussi dans le partage des usages de l'eau. La CNR, c'est un quart de la production hydroélectrique de notre pays !
Les conditions de prolongation de la concession de la CNR sont favorables à la transition énergétique, nous voterons donc en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les travées du RDSE)
Mme Florence Blatrix Contat . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) En cette fin de législature, nous examinons dans l'urgence de nombreux textes importants. Cette proposition de loi n'y fait pas exception. Elle est pourtant essentielle.
La mise en concurrence des concessions hydrauliques constitue toujours un point de discussion et de contentieux avec la Commission européenne : cette proposition de loi est donc un soulagement.
Le Rhône est un fleuve au débit irrégulier, parfois dangereux. Les hommes ont toujours cherché à en régulariser le cours.
Un siècle après la création de la CNR, les attentes de nos concitoyens ont évolué : le changement climatique nous oblige à modifier notre approche. Nous devons atteindre la neutralité carbone d'ici à 2050 et avancer résolument dans la réduction des émissions de gaz à effet de serre.
Nous devons aussi soutenir le développement de l'hydrogène et des procédés innovants en électricité photovoltaïque. C'est le sens des amendements adoptés au Sénat.
La CNR a étoffé ses activités, en matière de navigation fluviale, d'irrigation agricole et de production d'énergies renouvelables, avec 20 centrales hydrauliques, 57 parcs éoliens et 49 parcs photovoltaïques.
Le cahier des charges et le schéma directeur prévoient 500 millions d'euros d'investissement, par exemple pour l'amélioration de six nouveaux barrages et la continuité piscicole.
Je suis très attentive à l'étude de faisabilité en cours sur le projet de Saint-Romain-de-Jalionas.
La CNR doit poursuivre ses missions d'intérêt général dans un cadre renouvelé. La prolongation de la concession jusqu'en 2041 doit préserver la participation des collectivités territoriales dans son pilotage, et nous devons veiller à ce que son capital reste majoritairement public. C'est une garantie de stabilité pour tous les acteurs locaux.
Avec Patrick Chaize, nous avons souhaité que les parlementaires soient pleinement associés aux comités de suivi. Le Sénat représente les territoires, il doit être officiellement représenté.
Le groupe SER est favorable à ce texte, qui modernise le modèle concessionnaire. (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques, applaudit également.)
La proposition de loi est adoptée.
La séance, suspendue à 16 h 30, reprend à 17 heures.