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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Remplacement d'un sénateur

Échecs en CMP

Questions orales

Impact de l'envol du prix de l'énergie pour les collectivités territoriales

M. Ronan Dantec, en remplacement de M. Jacques Fernique

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée, chargée du logement

Incendie industriel de Saint-Chamas

Mme Valérie Boyer

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée, chargée du logement

Classement en zone difficilement protégeable

M. Laurent Burgoa

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée, chargée du logement

Projet de LGV Bordeaux-Toulouse

M. Pierre-Antoine Levi

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée, chargée du logement

Dégâts sur le réseau routier des communes rurales

M. Patrick Chaize

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée, chargée du logement

Rénovation énergétique des logements locatifs de tourisme

Mme Sylvie Robert

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée, chargée du logement

Sauvegarde du patrimoine de l'ancien collège de Combrée

M. Stéphane Piednoir

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée, chargée du logement

Éclairage public et protection de l'environnement

M. Henri Cabanel

M. Joël Giraud, secrétaire d'État, chargé de la ruralité

Fiscalité additionnelle des syndicats composés exclusivement d'EPCI

Mme Martine Berthet

M. Joël Giraud, secrétaire d'État, chargé de la ruralité

Accompagnement à la mobilité des demandeurs d'emploi

Mme Monique Lubin

M. Joël Giraud, secrétaire d'État, chargé de la ruralité

Règles de sécurité routière pour les cyclistes

M. Stéphane Demilly

M. Joël Giraud, secrétaire d'État, chargé de la ruralité

Sanction des installations illicites

M. Jacques Le Nay

M. Joël Giraud, secrétaire d'État, chargé de la ruralité

Situation des accompagnants d'enfants en situation de handicap

Mme Martine Filleul

Mme Nathalie Elimas, secrétaire d'État, chargée de l'éducation prioritaire

Fermetures de classes en milieu rural

M. Serge Babary

Mme Nathalie Elimas, secrétaire d'État, chargée de l'éducation prioritaire

Viticulture et technique d'aspersion

M. Pierre Louault

Mme Nathalie Elimas, secrétaire d'État, chargée de l'éducation prioritaire

Assistants spécialisés en lutte contre la radicalisation

M. Daniel Gueret

Mme Nathalie Elimas, secrétaire d'État chargée de l'éducation prioritaire

Mandataires judiciaires à la protection des majeurs exerçant à titre individuel

Mme Catherine Belrhiti

Mme Nathalie Elimas, secrétaire d'État, chargée de l'éducation prioritaire

Exclusion de la TICPE de la base d'imposition de la TVA

M. Alain Cadec

Mme Nathalie Elimas, secrétaire d'État, chargée de l'éducation prioritaire

Déploiement de la fibre optique

Mme Marie-Pierre Richer

Mme Nathalie Elimas, secrétaire d'État, chargée de l'éducation prioritaire

Cadre juridique des AESH

Mme Nathalie Delattre

Mme Nathalie Elimas, secrétaire d'État, chargée de l'éducation prioritaire

Groupement hospitalier de Sancerre, Sury-en-Vaux et Boulleret

M. Rémy Pointereau

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État, chargé de l'enfance et des familles

Prévention des usages dangereux du protoxyde d'azote

M. Antoine Lefèvre

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État, chargé de l'enfance et des familles

Accueil des enfants handicapés français dans les établissements spécialisés en Belgique

M. Franck Menonville

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État, chargé de l'enfance et des familles

Difficultés des parents aidants d'enfants en situation de polyhandicap

Mme Jocelyne Guidez

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État, chargé de l'enfance et des familles

Expérimentation de la vidéo-verbalisation du trafic des poids-lourds

M. Philippe Bonnecarrère

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État, chargé de l'enfance et des familles

Accession en master

M. Thierry Meinen

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État, chargé de l'enfance et des familles

Accord en CMP

« Quelle réglementation pour les produits issus du chanvre ? »

M. Guillaume Gontard, pour le GEST

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée, chargée de l'autonomie

M. Alain Duffourg

M. Christian Bilhac

M. Gilbert-Luc Devinaz

M. Dominique Théophile

Mme Vanina Paoli-Gagin

M. Serge Babary

Mme Sophie Taillé-Polian

Mme Marie-Noëlle Lienemann

M. Pierre Louault

Mme Angèle Préville

M. François Bonhomme

M. Yan Chantrel

M. Jean-Raymond Hugonet

M. Cyril Pellevat

Mme Catherine Belrhiti

Mme Laurence Muller-Bronn

M. Daniel Salmon, pour le GEST

« Lutte contre les violences faites aux femmes et les féminicides : les moyens sont-ils à la hauteur ? »

Mme Laurence Cohen, pour le groupe CRCE

Mme Maryse Carrère

Mme Laurence Rossignol

M. Thani Mohamed Soilihi

M. Daniel Chasseing

M. Bruno Belin

Mme Sophie Taillé-Polian

M. Éric Bocquet

Mme Annick Billon

Mme Martine Filleul

Mme Laure Darcos

M. Jean-Michel Arnaud

Mme Elsa Schalck

Mme Élisabeth Moreno, ministre déléguée, chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l'égalité des chances

Mme Laurence Cohen, pour le groupe CRCE

Opportunité et efficacité des aides versées au titre du plan de relance dans le cadre de la crise sanitaire

M. Christian Redon-Sarrazy, pour le groupe SER

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée, chargée de l'industrie

Mme Sylvie Robert

M. Xavier Iacovelli

M. Claude Malhuret

M. Serge Babary

Mme Sophie Taillé-Polian

M. Fabien Gay

M. Jean-Marie Mizzon

Mme Guylène Pantel

M. Patrice Joly

Mme Catherine Belrhiti

M. Jean-Michel Arnaud

M. Olivier Jacquin

Mme Christine Lavarde

Mme Pascale Gruny

M. Vincent Segouin

M. Yves Bouloux

M. Jean-Claude Tissot

Ordre du jour du mardi 8 février 2022




SÉANCE

du jeudi 3 février 2022

54e séance de la session ordinaire 2021-2022

présidence de M. Georges Patient, vice-président

Secrétaires : Mme Françoise Férat, M. Joël Guerriau.

La séance est ouverte à 10 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Remplacement d'un sénateur

M. le président.  - Conformément à l'article 32 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, M. le ministre de l'Intérieur a fait connaître au président du Sénat qu'en application de l'article L.O. 320 du code électoral, Mme Daphné Ract-Madoux est appelée à remplacer, en qualité de sénatrice de l'Essonne, Olivier Léonhardt, décédé le mercredi 2 février 2022.

Son mandat a débuté ce jeudi 3 février 2022 à 0 heure.

Échecs en CMP

M. le président.  - Les commissions mixtes paritaires chargées d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition visant à démocratiser le sport en France et de la proposition de loi visant à combattre le harcèlement scolaire n'ayant pas abouti à l'adoption d'un texte commun, nous pourrions fixer le délai limite de dépôt d'amendements en séance publique en nouvelle lecture au début de la discussion générale de chacun de ces textes.

Il en est ainsi décidé.

Questions orales

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.

Impact de l'envol du prix de l'énergie pour les collectivités territoriales

M. Ronan Dantec, en remplacement de M. Jacques Fernique .  - Depuis quelques mois, les tarifs de l'énergie flambent de manière inédite.

À l'Assemblée nationale, Olivier Dussopt a affirmé qu'un grand nombre de communes étaient protégées par les tarifs réglementés. Or ceux-ci ne bénéficient qu'aux petites communes.

Les augmentations de factures s'échelonnent entre 30 et 300 % pour l'électricité et le gaz. Dans le Bas-Rhin, la commune de Marlenheim a vu sa facture bondir de 201 % !

Déjà fragilisées par la crise sanitaire, les collectivités territoriales doivent être accompagnées au même titre que les entreprises et les particuliers. Il y va du maintien d'un service public de qualité.

Les mesures comme le chèque énergie ne sont d'aucun secours pour les collectivités. Quant à la réduction de la taxe intérieure sur la consommation finale d'électricité (TICFE), elle n'aura qu'un faible impact sur les budgets locaux.

Dans ce contexte exceptionnel, quelles mesures de compensation et d'accompagnement prévoyez-vous pour les collectivités ? Envisagez-vous de rendre le tarif réglementé accessible à toutes celles qui le souhaitent, comme le demande l'Association des maires de France ?

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée, chargée du logement .  - L'État mobilise des moyens considérables face à la hausse des prix de l'énergie.

La baisse de la fiscalité, le bouclier tarifaire et l'augmentation à 120 térawattheures du volume de l'accès réglementé à l'énergie nucléaire historique (Arenh) bénéficient aussi aux collectivités territoriales. En particulier, la baisse de 95 % de la taxe sur l'électricité aura un effet majeur sur leurs factures. L'effort de l'État pour l'ensemble des consommateurs sera de 8 milliards d'euros en 2022.

Les petites collectivités sont éligibles aux tarifs réglementés de vente (TRV) ; dans le cadre du bouclier tarifaire, la hausse sera limitée pour elles à 4 %.

L'État agit également pour réduire à long terme les factures des collectivités territoriales, notamment en incitant aux économies d'énergie et en cofinançant la rénovation énergétique. De nombreuses aides aux collectivités existent, tant en concours financiers qu'en ingénierie.

M. Ronan Dantec.  - Les trous dans la raquette sont légion. Les grandes collectivités territoriales, en particulier, sont confrontées à des hausses massives. Il faut généraliser l'accès aux tarifs réglementés !

Incendie industriel de Saint-Chamas

Mme Valérie Boyer .  - Le bâtiment abritant les déchets du centre de récupération de déchets industriels non dangereux de Saint-Chamas, au bord de l'étang de Berre, a pris feu le 26 décembre dernier. Plus d'une semaine plus tard, l'incendie couvait toujours.

Cet accident a provoqué une importante pollution atmosphérique. Selon AtmoSud, au plus fort de l'incendie, le niveau de particules fines était comparable à celui de Pékin lors des épisodes de pollution...

Dès septembre 2021, le maire avait alerté la préfecture sur les risques liés à ce site. Le 14 décembre 2021, la préfecture a mis en demeure la société de se mettre en conformité avant la fin de l'année : la quantité de déchets était trente fois supérieure aux normes, et le site dépourvu de borne incendie.

Le feu a pris quelques jours plus tard, dévastant 30 000 mètres cubes de déchets - quand 1 000 mètres cubes avaient été déclarés.

Une entreprise industrielle de déchets est soumise à autorisation lorsque son stock est supérieur à 1 000 mètres cubes. En-deçà, le régime est simplement déclaratoire.

Le Gouvernement envisage-t-il de soumettre l'ensemble de ces entreprises à un régime d'autorisation, afin de renforcer les contrôles et d'éviter de nouvelles catastrophes ?

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée, chargée du logement .  - Je salue l'action du maire de Saint-Chamas, des élus de la ville et de la métropole, des services de l'État et du service départemental d'incendie et de secours. Collectivement, nous avons réussi à limiter les conséquences sanitaires et environnementales de cet événement.

L'évacuation des déchets est sous la responsabilité de l'exploitant, qui s'expose à des sanctions administratives et pénales en cas de non-respect des prescriptions préfectorales.

Enregistré sous le régime déclaratif, ce site est tenu de respecter le seuil maximal de 1 000 mètres cubes de déchets stockés. Le préfet a procédé à une mise en demeure en décembre dernier, à la suite des signalements reçus.

L'incendie s'est déclaré quelques jours plus tard ; l'enquête en déterminera la cause.

Il n'est pas souhaitable de soumettre l'ensemble des centres de tri à une procédure d'autorisation. La baisse du nombre de centres risquerait de favoriser les dépôts sauvages.

En revanche, le Gouvernement envisage de réviser les prescriptions applicables à ces installations. Les inspections générales des ministères de l'Environnement et de l'industrie feront des propositions en ce sens.

En cas d'infraction, les sanctions doivent être exemplaires. La loi Climat et résilience les a renforcées, elles doivent être appliquées.

Classement en zone difficilement protégeable

M. Laurent Burgoa .  - Face à la recrudescence des attaques de loups, de nombreux éleveurs des Causses gardoises souhaitent le classement de leurs communes en zone difficilement protégeable. Cette demande est soutenue par l'association Groupement de vulgarisation agricole des Causses.

Leur mode d'exploitation est menacé, alors que leur territoire est inscrit au patrimoine mondial de l'Unesco au titre de l'agropastoralisme méditerranéen.

Sur un territoire si étendu et au relief si escarpé, les troupeaux ne peuvent être intégralement protégés ni par des filets électrifiés ni par des chiens.

Entendons-nous bien : ce classement, rendu possible par le plan loup, ne ferait qu'autoriser des tirs de défense et faciliter les démarches d'indemnisation.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée, chargée du logement .  - C'est le préfet coordonnateur du plan loup qui décide du classement de certaines communes en zone difficilement protégeable, après avis des préfets de département. Les difficultés doivent avoir été constatées à la suite d'une ou plusieurs attaques.

La demande du Groupement de vulgarisation agricole des Causses a été rejetée le 20 juillet 2021, en raison du contentieux en cours sur la zone déjà délimitée au sein du front de colonisation du Massif central, contestée par une association de protection de la nature.

La situation est inchangée à ce jour. Néanmoins, quand le litige aura été tranché, la demande du Groupement de vulgarisation agricole des Causses pourra être examinée.

M. Laurent Burgoa.  - Une fois de plus, les éleveurs sont ennuyés - pour ne pas dire autre chose - par des militants écolos. Les éleveurs représentent pourtant la dernière activité économique sur ces territoires. Je vais le dire : que les écolos arrêtent de nous emmerder !

Projet de LGV Bordeaux-Toulouse

M. Pierre-Antoine Levi .  - Le projet de ligne à grande vitesse (LGV) Bordeaux-Toulouse est attendu depuis quinze ans par toute une région.

Les collectivités de l'ancienne région Midi-Pyrénées ont joué le jeu, en finançant une partie du tronçon Tours-Bordeaux. En contrepartie, le tronçon Bordeaux-Toulouse devait être réalisé.

Or le plan de financement n'est toujours pas bouclé. Après que la Gironde a refusé de participer, c'est le Lot-et-Garonne qui a voté contre le principe d'une contribution. Je ne comprends pas cette décision de mes amis lot-et-garonnais, d'autant que le projet prévoit une gare TGV desservant Agen.

Je déplore que ces deux conseils départementaux ne jouent pas collectif, mettant en péril ce projet décisif pour notre territoire.

Après des années d'atermoiements de l'État, le Premier ministre s'est engagé, en avril dernier, sur une participation de 50 % et un début du chantier en 2024 - autant dire demain. Reste que les dernières annonces m'inquiètent.

Le Gouvernement peut-il confirmer l'engagement de l'État dans le financement de la ligne LGV Bordeaux-Toulouse ? Le calendrier pourra-t-il être tenu ?

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée, chargée du logement .  - Le grand projet ferroviaire du Sud-ouest est une priorité de l'État en matière d'infrastructures.

Le Gouvernement s'est engagé, en avril 2021, à contribuer à parité avec les collectivités territoriales. La concertation avec celles-ci se poursuit sous l'égide du préfet de la région Occitanie, dans la perspective de la signature très prochaine d'un plan de financement.

Les collectivités territoriales pourront bénéficier de la taxe spéciale d'équipement instituée au profit du projet. L'ordonnance portant création de l'établissement public local sera publiée en mars prochain.

En outre, le projet candidatera à différents appels à projets européens. Il se situe sur le tronçon central du réseau transeuropéen de transport, dont la réalisation est jugée prioritaire par la Commission européenne.

Dans ces conditions, le calendrier de réalisation ne saurait être remis en cause. L'avancée des études au nord de Toulouse et au sud de Bordeaux permet d'envisager un début des travaux en 2024.

M. Pierre-Antoine Levi.  - Vous confirmez que le calendrier sera tenu. Nous verrons bien si vos paroles sont suivies d'effet.

Dégâts sur le réseau routier des communes rurales

M. Patrick Chaize .  - L'intérêt des usines de méthanisation pour la valorisation des déchets agricoles n'est pas à démontrer.

En revanche, elles nécessitent des apports en intrants et des évacuations de digestats, qui empruntent essentiellement les routes communales. Celles-ci, inadaptées à des passages fréquents de véhicules particulièrement lourds, subissent des dégâts et leur remise en état se révèle coûteuse.

Ne peut-on envisager une contribution des énergéticiens qui rachètent le gaz de ces usines, afin de financer l'entretien des routes ou les besoins d'aménagement ?

Le Gouvernement envisage-t-il un tel mécanisme pour remédier aux difficultés rencontrées dans les territoires ruraux ?

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée, chargée du logement .  - La production de biogaz par méthanisation contribue à l'objectif de neutralité carbone pour 2050. Le Gouvernement veille à ce que les effets indésirables soient maîtrisés. L'installation d'un méthaniseur suppose une consultation locale prenant en compte une desserte routière adéquate. En outre, des exigences de prévention des risques sont prévues. Les installations les plus importantes font l'objet d'une consultation publique obligatoire.

L'article L. 141-9 du code de la voirie routière prévoit qu'une détérioration de la voie entraîne une contribution spéciale des entreprises, en argent ou en prestations. Faute d'accord amiable, celle-ci est fixée par le tribunal administratif sur demande de la commune. Une contribution spécifique telle que vous la demandez ne semble donc pas nécessaire.

M. Patrick Chaize.  - De fait, certains maires sont heureux de voir arriver ces équipements, sans forcément mesurer les conséquences de l'exploitation des méthaniseurs. Il est parfois difficile de revenir a posteriori sur les conditions d'exploitation. Un signal du Gouvernement aurait à cet égard une efficacité certaine.

Rénovation énergétique des logements locatifs de tourisme

Mme Sylvie Robert .  - En février 2018, un rapport de l'Inspection générale des finances (IGF) invitait à améliorer la rénovation du bâti touristique, notamment en montagne et sur le littoral. Or quatre ans après, les logements locatifs de tourisme, loués moins de quatre mois par an, échappent toujours à toute obligation.

Rappelons qu'ils représentent 10 % du parc total de logements et que leur fréquentation était en hausse avant pandémie. C'est donc un enjeu de taille pour les collectivités qui s'engagent dans la lutte contre le réchauffement climatique.

Comptez-vous lever les freins réglementaires pour engager tous les logements dans cette démarche de rénovation ? Quel soutien aux propriétaires et aux collectivités pour ce faire ?

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée, chargée du logement .  - La loi Climat et résilience prévoit un gel des loyers pour les logements les plus énergivores dès mai 2022 et une interdiction de location à compter de 2025. Nous parlons de 1,8 million de logements à rénover. Plusieurs outils sont déjà déployés : MaPrimeRénov', avec 660 000 dossiers engagés en 2021 pour 2 milliards d'euros et France Rénov', qui simplifie les démarches avec 450 guichets sur le territoire.

Pour faciliter la rénovation, nous nous concentrons sur les résidences principales. Les logements touristiques sont loués ponctuellement, souvent en été, et n'ont de ce fait pas toujours d'équipement de chauffage. Pour autant, les propriétaires ont intérêt à les rénover dans la perspective d'une location classique. Sans compter que la valorisation énergétique est de plus en plus prise en compte au moment de la vente.

Le Gouvernement travaille avec les communes de montagne et la Caisse des dépôts dans le cadre du plan Montagne.

Mme Sylvie Robert.  - Il n'y a pas que la montagne, mais aussi le littoral. Ne pas inclure tous les logements risque de mettre à mal la transition énergétique.

Sauvegarde du patrimoine de l'ancien collège de Combrée

M. Stéphane Piednoir .  - L'ancien collège de Combrée, en Maine-et-Loire, accueille un centre de l'établissement pour l'insertion dans l'emploi (Epide) géré par la société 2IDE depuis 2007, dans le cadre d'un partenariat conclu avec la Caisse des dépôts.

Créé en 1854, cet édifice d'exception n'a été rénové que pour la partie réservée à l'Epide, soit 2 000 mètres carrés sur 15 000 au total. Or l'Epide doit être transféré dans une autre commune du département : l'ensemble risque alors de tomber en ruines.

L'association pour la sauvegarde et la mise en valeur du collège de Combrée se mobilise pour tenter de sauver cet ensemble, et souhaite qu'un appel à projet puisse être lancé pour le préserver et le reconvertir.

Quelles sont les possibilités d'implication du Gouvernement ?

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée, chargée du logement .  - La ministre de la Culture porte une attention particulière au patrimoine, en témoignent les crédits importants qui y sont consacrés dans le plan de relance et les deux dernières lois de finances.

Les équipes de la direction régionale des affaires culturelles des Pays de la Loire connaissent bien le complexe que vous mentionnez. Il est protégé par le plan local d'urbanisme intercommunal (PLUi) de 2016, qui précise que la suppression d'éléments du paysage est soumise à l'autorisation préalable de la communauté de communes.

Nos services n'ont pas connaissance d'un projet de réaffectation, mais nous sommes à la disposition des associations et des élus locaux.

M. Stéphane Piednoir.  - Je sais la ministre de la Culture intéressée par ce dossier, dans un département qui lui est cher. Cependant, les documents d'urbanisme ne suffisent pas : il faut une dynamique politique pour un projet global de rénovation, si l'on veut sauver cet édifice.

Éclairage public et protection de l'environnement

M. Henri Cabanel .  - L'éclairage public est un enjeu majeur pour les collectivités locales en termes d'économies d'énergie. Il représente 45 % de la consommation d'électricité et 40 % des factures pour les collectivités qui en assument la compétence. Dans mon département, le syndicat mixte Hérault Énergie a réalisé en 2015 le diagnostic de l'éclairage public de 150 communes. Parmi elles, 140, plutôt rurales, lui ont transféré leurs compétences dans ce domaine.

Le plan de relance est une opportunité unique, mais les projets de modernisation de l'éclairage public ne sont pas éligibles à la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL), largement consacrée au bâtiment. Pourtant, les gains énergétiques et financiers seraient encore plus importants. Des syndicats mixtes peuvent-ils déposer des demandes d'aide au titre de la DSIL ?

M. Joël Giraud, secrétaire d'État, chargé de la ruralité .  - Rien n'empêche de mobiliser la DSIL en matière d'éclairage public. En 2020, sur les 3 568 projets qu'elle subventionne, 118 sont relatifs à l'éclairage public, à hauteur de 13 millions d'euros, pour un coût total de 49 millions d'euros. Cela va de l'éclairage d'un bâtiment spécifique à celui de la voirie.

En outre, la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) finance la rénovation de l'éclairage public. En 2020, cela concernait 222 projets sur 20 464, pour 15 millions d'euros de subventions.

Les dotations du plan de relance, dont la DSIL exceptionnelle, complètent ces dispositifs. En 2020 et en 2021, sur 11 000 projets aidés, 550 relevaient de l'éclairage public, pour 57 millions d'euros. Les moyens sont réels et renforcés.

Les syndicats mixtes ne sont pas éligibles à la DSIL en tant que tels. Toutefois, par dérogation, lorsque la subvention est autorisée dans le cadre d'un contrat entre la collectivité et le préfet, ils peuvent en bénéficier. Enfin, la DETR est ouverte aux syndicats couvrant une population inférieure à 60 000 habitants.

M. Henri Cabanel.  - Merci. Les syndicats mixtes d'électrification rurale ont néanmoins des difficultés à formuler ces demandes. Votre réponse ouvre des pistes que je leur transmettrai pour les aider à assumer ces investissements importants.

Fiscalité additionnelle des syndicats composés exclusivement d'EPCI

Mme Martine Berthet .  - Un syndicat composé exclusivement d'établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) ne peut mettre en place une fiscalité additionnelle pour autofinancer son budget primitif principal, faculté réservée aux syndicats composés exclusivement de communes ou aux syndicats mixtes.

En Savoie, le syndicat du pays de Maurienne (SPM), syndicat mixte fermé composé des cinq communautés de communes, se trouve donc empêché. Structure « gemapienne » depuis le 1er janvier 2019, il arrête chaque année un produit fiscal global, dont la répartition entre les communautés de communes est fixée dans ses statuts, puis perçoit le montant sollicité par chaque communauté de communes.

Une expérimentation est-elle envisageable, pour que des syndicats composés exclusivement d'EPCI puissent lever une fiscalité additionnelle ?

M. Joël Giraud, secrétaire d'État, chargé de la ruralité .  - L'article 1609 quater du code général des impôts autorise les syndicats mixtes à lever une contribution fiscale, mais seulement après accord des communes. La demande doit être clairement formalisée ; elle est acceptée si les communes ne s'y opposent pas dans un délai de quarante jours. Votre analyse est donc juste : un syndicat mixte composé uniquement d'EPCI ne peut créer une contribution fiscale ; il ne peut appeler que des contributions budgétaires.

L'article 5 sexies du projet de loi 3DS, en cours d'examen, prévoit une expérimentation pour la compétence Gemapi et la mise en oeuvre de projets de bassin. Elle définira le cadre des futures évolutions.

Mme Martine Berthet.  - J'espère que cette expérimentation lèvera les freins et rassurera les élus. Je regrette néanmoins que la loi 3DS n'ait pas répondu à leurs attentes en matière de compétence sur l'eau.

Accompagnement à la mobilité des demandeurs d'emploi

Mme Monique Lubin .  - En 2021, Pôle Emploi a attribué, au niveau national, un marché de prestations d'accompagnement à la mobilité des demandeurs d'emploi. Le marché a été divisé en lots par département. Dans les Landes, deux associations locales, qui connaissent parfaitement le territoire et les besoins des demandeurs d'emploi, géraient jusqu'à présent ce type de prestations. Elles ont vu le marché attribué à Wimoov, dont le siège social est à Paris.

Résultat : d'une à deux semaines, les délais des diagnostics de mobilité sont passés d'un à deux mois. L'urgence liée à la mobilité n'est plus traitée, et certains perdent leur nouvel emploi. Que comptez-vous faire ?

M. Joël Giraud, secrétaire d'État, chargé de la ruralité .  - Dans le cadre de la stratégie nationale de lutte contre la pauvreté, le Gouvernement a demandé à Pôle emploi d'étendre le périmètre de l'accompagnement à la mobilité des demandeurs d'emploi. Un bilan mobilité a été créé ; les appels d'offres ont été publiés en 2020. Tout opérateur de mobilité était libre de répondre, les critères étant la connaissance du territoire et l'implantation locale. Les trois quarts des marchés ont été attribués à des plateformes de mobilité, mais rien n'interdit à Pôle Emploi de collaborer avec des associations, par exemple pour la mise à disposition ou la réparation de véhicules, ou encore l'autopartage.

Le Gouvernement est pleinement mobilisé sur la question, et le problème précis que rencontre votre département sera présenté à la ministre du travail.

Mme Monique Lubin.  - Je vous remercie.

Règles de sécurité routière pour les cyclistes

M. Stéphane Demilly .  - Chaque année, près de dix mille accidents impliquent des cyclistes, soit plus d'un par heure en moyenne. Ces chiffres inquiétants, en constante augmentation, traduisent autant de drames humains. Ce sont 180 cyclistes qui ont perdu la vie en 2021, soit une hausse de 7 % par rapport à 2018 et de 27 % par rapport à 2010. La région parisienne est de loin la plus concernée. Nous devons donc envisager des politiques de prévention, de sensibilisation, et sûrement de sanction, pour protéger la vie des cyclistes.

Je compte chaque jour, entre la gare du Nord et le Sénat, le nombre de cyclistes qui ne respectent pas les feux rouges. Faites l'exercice, c'est effrayant... et inacceptable. Les forces de l'ordre sont désabusées.

Il faut supprimer les règles dérogatoires pour rendre la réglementation plus lisible et uniforme. Et agir fermement concernant les trottinettes.

M. Joël Giraud, secrétaire d'État, chargé de la ruralité .  - En 2020, 178 cyclistes ont été tués, et 4 594 blessés. C'est une hausse de 5 % par rapport à l'année précédente, alors que la part du vélo dans le trafic général a augmenté de 10 %.

Le Gouvernement privilégie une approche globale. Il promeut les mesures éducatives - 60 000 enfants ont été formés au savoir rouler à vélo - et les campagnes sur le port des équipements de protection et de visibilité. Nous avons créé des zones de rencontre et rendu obligatoire l'affichage des angles morts sur les poids lourds.

Des mesures du code de la route ont été adaptées aux cyclistes, comme le double sens de circulation cycliste pour les zones où la vitesse est inférieure à 30 km/h. L'expérience est concluante, et ces mesures contribuent autant à la sécurité routière qu'à une meilleure cohabitation entre usagers de la route. Quoi qu'il en soit, le code de la route s'applique à tous.

Sanction des installations illicites

M. Jacques Le Nay .  - L'article 322-4-1 du code pénal, issu de la loi du 7 novembre 2018 relative à l'accueil des gens du voyage et à la lutte contre les installations illicites, prévoit une nouvelle amende forfaitaire délictuelle, mais son application pose problème. Malgré l'existence de cette disposition légale, les gendarmes ne disposent pas de cette procédure dans leur terminal de procès-verbal électronique.

Le Premier ministre a assuré les maires de Haute-Savoie de l'extension de l'expérimentation. Les élus du Morbihan sont tout aussi inquiets, car les installations y explosent en été. Le 28 juillet dernier, 200 élus, agriculteurs et riverains ont manifesté. Nous voulons aussi être inclus dans l'expérimentation.

Gérald Darmanin avait annoncé que les travaux aboutiraient à l'automne 2021, mais nous attendons toujours, et mes interpellations restent sans réponse. Le Gouvernement va-t-il prendre rapidement les mesures réglementaires nécessaires à l'application concrète des amendes forfaitaires délictuelles, et envisage-t-il d'étendre l'expérimentation à d'autres départements ?

M. Joël Giraud, secrétaire d'État, chargé de la ruralité .  - Les modalités de sanction des installations illicites sont multiples. Le Beauvau de la sécurité a mis en lumière un besoin de simplification. L'amende forfaitaire délictuelle constitue une réponse immédiate aux campements illégaux : son montant est de 500 euros, le montant minoré de 400 euros et le montant majoré de 1 000 euros. Cette mesure, efficace, permet aussi de désengorger les tribunaux.

Depuis le 31 mars 2021, trois nouveaux départements, dont la Haute-Savoie, ont rejoint l'expérimentation menée dans six départements. Nous attendons les résultats de l'étude d'impact avant d'envisager une généralisation. D'ici là, les procédures classiques sont applicables. Le Gouvernement reste mobilisé pour lutter contre les installations illicites. Par ailleurs, le travail des préfets sur les schémas territoriaux, en cours, améliorera la prévention.

Situation des accompagnants d'enfants en situation de handicap

Mme Martine Filleul .  - À quatre reprises en 2021, les accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH) ont manifesté pour dénoncer leurs conditions de travail difficiles. Pour les parents comme pour les enseignants, les AESH constituent un soutien essentiel. Leurs premières revendications portent sur la rémunération : le salaire mensuel moyen n'est que de 750 euros et l'augmentation accordée par le Gouvernement l'été dernier ne suffit pas.

La récente proposition de loi de la députée Michèle Victory prévoit un premier recrutement en CDI, une prise en compte des heures d'accompagnement dans la rémunération et le versement d'une indemnité à ceux qui exercent en réseau d'éducation prioritaire (REP) ou REP+. Elle a été votée, mais la majorité l'a vidée de sa substance en ne prévoyant le recrutement en CDI qu'au bout de trois ans pour les AESH et six ans pour les aides éducatives à domicile (AED).

Pourquoi leur refuser un statut digne de leur engagement, gage de l'inclusion scolaire de milliers d'enfants ?

Mme Nathalie Elimas, secrétaire d'État, chargée de l'éducation prioritaire .  - La proposition de loi portée par Michèle Victory doit poursuivre son chemin législatif. C'est malgré tout une avancée. La prime REP n'est pas possible, parce que les AESH ne dépendent pas du mouvement académique mais d'une notification MDPH ; cela créerait de surcroît une inégalité.

Je rappelle que 400 000 élèves en situation de handicap sont désormais accueillis dans une école pleinement inclusive, soit 19 % de plus en cinq ans ; 125 000 AESH ont été recrutés, 1 300 unités localisées pour l'inclusion scolaire (ULIS) et 250 structures dédiées à l'autisme ont été créées ; les familles sont mieux informées, mieux écoutées. En 2022, nous finançons le recrutement de 4 000 AESH.

Une nouvelle étape a été franchie au premier octobre : la grille indiciaire démarre désormais à l'indice 341.

Mme Martine Filleul.  - Merci de cette précision. Mais pourquoi attendre pour inscrire la proposition de loi de Mme Victory à l'ordre du jour du Sénat ?

Fermetures de classes en milieu rural

M. Serge Babary .  - L'ouverture ou la fermeture d'une classe - dès lors qu'elle n'entraîne pas la création ou la suppression d'une école - relève du directeur académique des services de l'Éducation nationale. Ces dernières semaines, j'ai été alerté par plusieurs communes rurales d'Indre-et-Loire qui s'inquiétaient du projet de carte scolaire qui leur a été soumis.

Le directeur académique m'a fait part des orientations fixées par le ministère pour la rentrée prochaine : allégement des charges des directeurs d'école, plafonnement à 24 élèves en grande section, CP et CE1, hors éducation prioritaire, et dédoublement des classes de CP, CE1 en REP et REP+. Ces orientations sont louables et nécessaires, mais l'équation comptable est compliquée : si le département devait perdre 1 059 élèves à la rentrée prochaine, le respect de ces trois orientations mobiliserait 33 postes alors que la dotation ne prévoit qu'un seul poste supplémentaire. Cela conduirait mathématiquement à la fermeture d'une trentaine de classes.

Cette situation apparaît en contradiction avec les conclusions du troisième comité interministériel aux ruralités et la volonté de garantir de nouveaux horizons pour les jeunes des territoires ruraux.

Quelles sont les intentions du Gouvernement pour la prochaine rentrée scolaire, en particulier en Indre-et-Loire ?

Mme Nathalie Elimas, secrétaire d'État, chargée de l'éducation prioritaire .  - Malgré une diminution démographique, 14 380 postes ont été créés dans le premier degré, notamment pour dédoubler les classes de CP et de CE1 et, dorénavant, de grande section. Dans votre département, le nombre d'élèves moyen par classe est de 22,6 à la rentrée 2021, contre 23,6 en 2019.

Nous avons dédoublé les classes de CP et de CE1 en REP, mais également plafonné toutes les classes, hors éducation prioritaire, à 24. Conformément à l'engagement du Président de la République, aucune fermeture d'école en milieu rural ne peut intervenir sans l'accord du maire - celui de ne fermer aucune classe n'avait été pris que pour la rentrée scolaire 2020, au regard du contexte sanitaire. La préparation de la carte scolaire donne lieu à de nombreux échanges avec les élus locaux et se fait sur la base d'une appréciation fine et objective de la situation de chaque école.

M. Serge Babary.  - Le comité technique spécial départemental qui doit étudier le projet de carte scolaire se tient aujourd'hui même. J'espère que vos propos seront entendus !

Viticulture et technique d'aspersion

M. Pierre Louault .  - Ma question s'adressait au ministre de l'Agriculture et à la ministre de l'Environnement...

L'année dernière, le gel a fait énormément de dégâts dans les vignobles et les plantations fruitières. La technique la plus efficace contre ce fléau est l'aspersion, par laquelle on dépose une pellicule d'eau qui se transforme en glace protectrice pour les fleurs et des plantes. Il faut pour cela un prélèvement d'eau ponctuel mais important en mars ou avril, dans des cours d'eau au débit très important.

Or la réglementation en vigueur concerne l'irrigation, donc des prélèvements en juillet-août, très contrôlés à juste titre. Dès lors, les viticulteurs se voient opposer des refus systématiques d'autorisation, nullement justifiés.

Il faudrait une réglementation plus ouverte sur une période de quelques jours par an, quelques heures par jour.

Mme Nathalie Elimas, secrétaire d'État, chargée de l'éducation prioritaire .  - Veuillez excuser M. Denormandie.

La protection contre le gel nous tient à coeur ; l'épisode de gel dramatique du printemps dernier a laissé des traces profondes. Le Gouvernement a choisi l'action : plan d'aide massif et inédit pour répondre dans l'urgence aux conséquences économiques ; réponse structurante et à long terme via le projet de loi sur l'assurance agricole, actuellement en cours d'examen au Sénat.

La question des prélèvements en eau en période de hautes eaux est d'une sensibilité particulière pour la viticulture mais concerne l'ensemble des productions. C'est l'un des principaux points discutés dans le cadre de la thématique 3 du Varenne agricole de l'eau et de l'adaptation au changement climatique, que le Premier ministre a clôturé le 1er février au terme de neuf mois de travaux intenses. Il a précisé que le décret du 23 juin 2021 sur la gestion quantitative de l'eau autorisait les préfets à définir les volumes prélevables en périodes de hautes eaux.

M. Pierre Louault.  - Merci pour cette réponse. Cette réglementation n'étant pas encore arrivée jusqu'aux directions départementales du territoire, je demanderais au ministre de l'Agriculture de la leur rappeler.

Assistants spécialisés en lutte contre la radicalisation

M. Daniel Gueret .  - Ma question s'adressait au ministre de la Justice.

En France, la radicalisation n'est pas une infraction, mais l'État a mis en place des moyens humains pour surveiller la « radicalité », processus conduisant à la radicalisation, voire à des actes inqualifiables. Depuis 2015, 37 assistants spécialisés en lutte contre la radicalisation et prévention des actes terroristes (Aspat), dépendant du ministère de la Justice sur la base d'un statut défini par le ministère de l'Intérieur, sont placés auprès des procureurs de la République et dispensent des formations de sensibilisation. Ils constituent un maillon essentiel du réseau de renseignement.

Ces assistants spécialisés sont recrutés pour une durée de six ans maximum, d'où une absence de continuité, une déperdition d'informations et un temps de formation long, à renouveler régulièrement.

Ne faudrait-il pas pérenniser ces postes tout en clarifiant leur statut interministériel, afin d'instaurer un pôle de compétences à la hauteur des annonces gouvernementales en matière de sécurité intérieure et des attentes des concitoyens ?

Mme Nathalie Elimas, secrétaire d'État chargée de l'éducation prioritaire .  - Je vous prie d'excuser le garde des Sceaux.

La loi du 24 décembre 2020 relative au parquet européen a conféré un statut légal aux Aspat, défini à l'article 706-25-15 du code de procédure pénale. Peuvent exercer ces fonctions les fonctionnaires de catégorie A ou B et les personnes disposant d'une formation universitaire spécifique, remplissant les conditions d'accès à la fonction publique et justifiant d'une expérience professionnelle minimale de quatre années. La nomination est de trois ans renouvelables.

En application d'une dépêche du directeur des services judiciaires datant du 14 juin dernier, les juridictions peuvent conclure un CDI avec un Aspat arrivé au terme des six ans, sous réserve qu'aucun fonctionnaire ne soit susceptible d'être recruté sur l'emploi concerné. Le détachement de fonctionnaires ne peut excéder cinq années, en application d'un décret de septembre 1985, mais il peut être renouvelé par périodes n'excédant pas cinq années.

Afin de développer une analyse fine de l'état de la lutte contre la radicalisation et le terrorisme sur le ressort concerné et de fournir ainsi une assistance effective aux magistrats, il convient de préserver au maximum un engagement durable des agents recrutés sur ces postes.

Mandataires judiciaires à la protection des majeurs exerçant à titre individuel

Mme Catherine Belrhiti .  - L'activité des mandataires judiciaires à la protection des majeurs exerçant à titre individuel représente 20 % des mesures judiciaires et concerne environ 80 000 personnes. Ils constituent une aide précieuse au système judiciaire, alors que le nombre de mesures de protection judiciaire ne cesse d'augmenter.

Un groupe de réflexion interministériel sur la réforme de leur statut a été constitué le 9 novembre 2020.

Les mandataires s'inquiètent de la conduite de ces travaux depuis le retrait de ce groupe de Mme Anne Caron-Déglise, avocate générale près la Cour de cassation. Cette dernière dénonçait les méthodes de travail, la programmation tardive des réunions, peu propice à une large participation, et le fait que des arbitrages aient été annoncés alors que des auditions essentielles n'avaient pas encore eu lieu.

Les mandataires demandent que la réforme prenne véritablement en compte leurs intérêts. Ils proposent l'instauration d'un statut d'exercice libéral, une valorisation de leurs compétences permettant une indexation de leur rémunération, ainsi que la création d'un code de déontologie et d'une instance ordinale.

Mme Nathalie Elimas, secrétaire d'État, chargée de l'éducation prioritaire .  - Le Gouvernement mesure toute l'importance de la protection des majeurs vulnérables et la nécessité de mieux prendre en compte les professionnels qui y participent.

À la suite de la parution, en septembre 2018, du rapport de la mission interministérielle sur l'évolution de la protection juridique des personnes présidée par Mme Caron-Déglise, le Gouvernement a engagé plusieurs actions.

Un guide méthodologique prenant en compte les précédents travaux a été élaboré par la Direction générale de la cohésion sociale (DGCS) et la Direction des affaires civiles et du sceau (DACS) afin de fournir des repères pour une réflexion éthique sur les pratiques professionnelles des mandataires.

Un groupe de travail sur la déontologie et le statut des mandataires s'est ensuite réuni pendant près de dix-huit mois. Il a formulé plusieurs propositions - notamment sur la définition de leurs missions, l'obligation de signalement des situations de maltraitance, la formation, ou encore le financement et le contrôle des mesures - dont les modalités de mise en oeuvre sont à l'étude.

La réflexion doit se poursuivre. L'atelier des États généraux de la justice consacré à la justice de protection aboutira certainement à de nouvelles propositions.

Mme Catherine Belrhiti.  - Les mandataires demandent que l'on entende leurs revendications.

Exclusion de la TICPE de la base d'imposition de la TVA

M. Alain Cadec .  - La TVA représente la première recette fiscale de l'État, l'essentiel des biens consommés et des services fournis y étant assujettis.

Les Français acquittent la TVA sur un bien ou un service déjà soumis à une autre taxe. Ainsi, les fournisseurs d'électricité répercutent sur le prix de vente les taxes auxquelles ils sont soumis, qui servent de base de calcul du montant de la TVA à acquitter par le consommateur. Le consommateur paye une taxe sur les taxes : c'est la double peine.

De même, la TVA s'applique au montant consommé majoré de la taxe intérieure sur la consommation énergétique (TICPE). En 2021, elle a représenté 0,14 euro par litre d'essence SP95, soit autant que le montant de la TVA sur le produit. Pour un plein d'essence, le montant de TVA perçu sur la TICPE s'élève à environ 7 euros.

Alors que l'augmentation du coût des carburants entame le pouvoir d'achat de nos concitoyens, ne serait-il pas plus juste d'exclure la TICPE de la base d'imposition de la TVA ? Ce n'est pas une prime d'inflation de 100 euros qui réglera le problème ! Il faut un système plus pérenne et plus juste.

Mme Nathalie Elimas, secrétaire d'État, chargée de l'éducation prioritaire .  - Ce sujet fait l'objet de débats chaque année en loi de finances.

L'état du droit est sans ambiguïté : le code général des impôts prévoit que tous les impôts, taxes, droits et prélèvements de toute nature se rattachant à la transaction sont inclus dans la base d'imposition à la TVA.

C'est une règle impérative prévue par le droit européen. La situation applicable aux carburants vaut pour tous les biens et tous les impôts. La TVA s'applique sur le prix du produit tel qu'il est mis à la consommation, en tenant compte de la fiscalité qui a déjà trouvé à s'appliquer,

Face à la hausse des prix de l'énergie, le Gouvernement a annoncé des mesures fortes : bouclier tarifaire, maintien du prix du gaz au niveau d'octobre 2021 et limitation à 4 % de la hausse du tarif de l'électricité. Les promesses sont tenues.

Déploiement de la fibre optique

Mme Marie-Pierre Richer .  - Malgré les mesures prises par le Gouvernement pour accélérer la mise en oeuvre du plan France Très Haut Débit, de nombreuses collectivités locales ne parviennent pas à obtenir les subventions indispensables au financement du déploiement de la fibre optique.

En janvier 2021, plusieurs départements ont reçu confirmation de l'éligibilité de leurs projets de raccordement à un nouveau soutien financier pour accompagner la seconde phase du déploiement de la fibre. Or bien que l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) ait validé l'attribution des subventions, aucune décision n'a été notifiée par l'État à certaines collectivités maîtres d'ouvrage, notamment dans le Cher.

Les collectivités ont besoin de visibilité sur les dépenses liées à ces projets. Quelle incidence les 150 millions d'euros supplémentaires annoncés le 20 décembre 2021 pour résoudre les raccordements complexes à la fibre dans les territoires ruraux auront-ils sur la signature des conventions de financement des travaux ?

Les subventions doivent être versées au plus vite. L'inclusion numérique ne peut plus être une vague promesse, particulièrement pour ceux de nos concitoyens qui ont le sentiment d'être les oubliés d'une société à deux vitesses.

Mme Nathalie Elimas, secrétaire d'État, chargée de l'éducation prioritaire .  - Le syndicat mixte Berry numérique bénéficie d'un premier soutien de l'État de 38,83 millions d'euros.

Le Gouvernement a annoncé sa volonté d'accélérer la généralisation de la couverture numérique en fibre optique d'ici fin 2025. À cet effet, 570 millions d'euros ont été mobilisés.

Dans le cadre du nouveau cahier des charges de l'appel à projets publié le 8 janvier 2021, onze projets, dont celui du Cher, ont fait l'objet d'une instruction par l'ANCT et d'une proposition d'accord de financement par le comité d'engagement.

Une étude pilotée par la Direction générale des entreprises et l'ANCT et menée en 2021 a pointé l'absence de génie civil en aval des points de branchement optique et en domaine public, ce qui freine le raccordement de nombreux locaux situés en zone d'initiative publique. L'État a donc annoncé un soutien supplémentaire au financement des infrastructures nécessaires au raccordement final, à hauteur de 150 millions d'euros.

Mme Marie-Pierre Richer.  - Ma question demeure : quand le département du Cher recevra-t-il sa subvention ?

Cadre juridique des AESH

Mme Nathalie Delattre .  - Nous avons tous à coeur de protéger le service public de l'école inclusive. L'inclusion n'est ni une obsession ni une lubie : elle est notre part d'humanité. L'enjeu est d'assurer une scolarité de qualité à tous les élèves, en prenant en compte leur singularité. En 2021, 400 000 élèves en situation de handicap ont été encadrés par 125 500 accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH).

Or dans sa décision du 20 novembre 2020, le Conseil d'État a considéré qu'il appartenait aux collectivités locales de prendre en charge ce service lorsqu'elles organisent un service de restauration scolaire ou des activités périscolaires. Depuis le 1er janvier 2022, les collectivités doivent donc recruter directement des personnels aux compétences particulières, dont l'activité est difficile à organiser. Même si ces derniers peuvent bénéficier des formations assurées par l'Éducation nationale, cette jurisprudence fragilise l'accompagnement des élèves en situation de handicap, dans un contexte sanitaire tendu.

Cette situation accroît les tensions budgétaires, notamment dans les collectivités qui ouvrent beaucoup d'unités localisées pour l'inclusion scolaire (ULIS). Comment le Gouvernement entend-il mettre fin à cette décision qui pénalise les collectivités et les familles ?

Mme Nathalie Elimas, secrétaire d'État, chargée de l'éducation prioritaire .  - La décision du Conseil d'État clarifie le droit existant. Il n'appartient pas au Gouvernement d'y mettre fin. Les services du ministère de l'Éducation nationale travaillent à la mise en oeuvre des dispositifs cités - mise à disposition des AESH, emploi direct par une collectivité dans le cadre d'un cumul d'activités, recrutement conjoint par l'État et une collectivité -, en lien avec le ministère de la Cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, en veillant à la continuité de l'accompagnement des élèves.

Cette décision représente une double opportunité : un accompagnement de qualité et continu pour les élèves, et, pour les AESH qui le souhaitent, la possibilité de compléter leur temps de travail. Les services du ministère de l'Éducation nationale se tiennent à la disposition des collectivités pour travailler sur ce sujet.

Groupement hospitalier de Sancerre, Sury-en-Vaux et Boulleret

M. Rémy Pointereau .  - J'interpelle de nouveau le Gouvernement sur l'accès aux soins dans le Cher. Le groupement hospitalier de Sancerre, Sury-en-Vaux et Boulleret accueille 273 patients. Jusqu'ici tout va bien, mais les perspectives d'avenir sont alarmantes. La diminution du nombre de médecins, de quatre à deux cette année puis à un en 2023, met en péril l'ensemble du groupement hospitalier. Notre pays préfère attendre un drame pour agir... Il y va pourtant de la santé de nos concitoyens !

Quelles solutions pour le présent et pour l'avenir ?

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État, chargé de l'enfance et des familles .  - Des solutions ont été trouvées. En effet, il ne faut pas attendre pour agir. Ce groupement hospitalier, doté d'une expertise gériatrique notamment, est un support important de l'offre de soins du Cher. Il fait l'objet de toute l'attention du ministère. Étant donné le départ de deux praticiens, un médecin sera recruté pour garantir la qualité des soins et protéger l'activité des équipes en place. Un autre médecin, de l'Ehpad de Sury-en-Vaux, voit son activité prolongée. Enfin, l'activité du centre hospitalier sera réorganisée. La modernisation et potentiellement la reconstruction de tout ou partie des sites figurent parmi les priorités du Ségur. La décision appartiendra au nouveau directeur, qui prendra ses fonctions le 1er avril.

M. Rémy Pointereau.  - J'espère que ce ne sont pas que des mots et qu'il y aura du concret sur le terrain. Les élus sont très inquiets, après le manque de médecins urgentistes à Bourges et les problèmes rencontrés à Cosne et à Nevers.

Prévention des usages dangereux du protoxyde d'azote

M. Antoine Lefèvre .  - La loi du 1er juin 2021 interdit la vente de protoxyde d'azote aux mineurs et pénalise toute incitation à la consommation. Cette initiative sénatoriale était de bon sens lorsque l'on connaît les effets dévastateurs de ce gaz originellement utilisé dans l'alimentaire et prisé par de très nombreux 15-25 ans pour ses vertus hilarantes.

L'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) a alerté sur les conséquences les plus dramatiques : troubles du rythme cardiaque, risques neurologiques et neuromusculaires, déficiences circulatoires, hypoxie ou inflammation de la moelle épinière.

Autant de raisons qui justifient une réponse prompte des autorités. Pourtant, les deux mesures réglementaires d'application n'ont toujours pas été prises. Quand le seront-elles ?

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État, chargé de l'enfance et des familles .  - Je salue le chemin parcouru à l'initiative de Mme Létard au Sénat et de Mme Six à l'Assemblée nationale.

L'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) et l'Anses ont confirmé les conséquences de cette pratique et son augmentation chez les mineurs. Nous les connaissions et c'est pourquoi le Gouvernement a soutenu la proposition de loi de la sénatrice Létard.

La loi interdit la vente de ce produit aux mineurs, quels que soient le conditionnement et le commerce concerné. La provocation d'un mineur à en faire un usage détourné est punie de 15 000 euros d'amende. L'usage en bar, discothèque, débit de boissons temporaire et bureau de tabac est interdit. La vente des « crackers » est aussi visée.

Des textes d'application sont effectivement attendus. Ils ont donné lieu à une concertation intense en interministériel et avec les industriels. Nous avons voulu apporter toutes les garanties procédurales pour éviter d'être retoqué par la Commission européenne. Elle sera notifiée dans les tout prochains jours.

M. Antoine Lefèvre.  - J'attends cela dans les prochains jours, alors. Le confinement et la crise sanitaire ont mis à mal notre jeunesse et ont pu encourager les conduites addictives.

Accueil des enfants handicapés français dans les établissements spécialisés en Belgique

M. Franck Menonville .  - Ma question porte sur les enfants handicapés accueillis dans des établissements spécialisés belges. La fin de la convention de coopération franco-wallonne annoncée en décembre dernier est tombée comme un couperet pour les familles.

Actuellement, 8 500 personnes, dont 1 500 enfants, sont accueillies en Belgique, faute de structures adaptées en France. Les familles qui confient leurs enfants à des établissements belges ont d'abord essuyé des échecs en France. Notre système national est inadapté, notamment à l'autisme et au polyhandicap. Les enfants pris en charge en Belgique sont bien plus épanouis et leurs progrès sont réels. Un retour brutal dans un établissement français moins adapté constituerait un véritable traumatisme.

Dans la Meuse, la fin du conventionnement aura de lourdes conséquences financières pour près de cent familles. La prise en charge éducative de ces enfants handicapés relève de l'État. Monsieur le ministre, comptez-vous pérenniser les conventions afin que ces enfants puissent poursuivre leur scolarité dans un établissement adapté, quels que soient les revenus de leurs parents ? Comment prendre en compte le critère transfrontalier ? Les familles sont inquiètes et les élus mobilisés à leurs côtés.

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État, chargé de l'enfance et des familles .  - Ce sujet délicat n'est pas nouveau. Le conventionnement entre l'agence régionale de santé (ARS) des Hauts-de-France et les établissements belges recevant des enfants français a été introduit il y a sept ans à la demande de la France afin, notamment, de s'assurer de la qualité de leur accompagnement. Ces conventions sont efficaces.

Vous évoquez la situation particulière de l'école Saint-Mard (M. Franck Menonville le confirme) qui a souhaité mettre fin au conventionnement. J'ai immédiatement saisi l'ARS Grand-Est, région dont sont issus les enfants concernés.

Des financements ont été assurés à titre dérogatoire afin d'éviter tout reste à charge.

Aucune solution ne sera pensée sans les familles ni ne leur sera imposée. Des modalités de financement dérogatoires seront proposées aux familles qui souhaitent que leur enfant reste à Saint-Mard.

Difficultés des parents aidants d'enfants en situation de polyhandicap

Mme Jocelyne Guidez .  - Des milliers de parents aidants doivent garder à la maison leur enfant en situation de polyhandicap, en arrêtant de travailler et en assumant le coût, élevé, des outils et des aides techniques.

Malgré l'aide de la maison départementale des personnes handicapées (MDPH), les grands appareils ne sont que partiellement pris en charge. En outre, certains ne figurent pas sur la liste des produits et prestations remboursables par l'assurance maladie (LPP), ce qui réduit fortement le choix. Les parents aidants sont souvent contraints d'acquérir du matériel hors d'Europe où il est moins coûteux et plus convenable, mais non subventionné.

Ils attendent parfois des années une place en établissement spécialisé pour leur enfant et doivent renoncer à travailler, ce qui accroît leurs difficultés financières. Comment améliorer la prise en charge de ces enfants tout en respectant leur dignité ?

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État, chargé de l'enfance et des familles .  - La difficulté d'accès aux établissements médico-sociaux spécialisés, qui oblige les parents à renoncer à leur activité professionnelle, est bien identifiée. Mme Cluzel a réuni le 8 novembre dernier les représentants du secteur et leur a indiqué que les travaux se poursuivaient pour mieux répondre aux attentes des personnes polyhandicapées et de leurs aidants.

Entre 2016 et 2021, 1 738 places ont été créées, dont 75 % en établissement et 25 % à domicile, pour 138 millions d'euros.

Des réponses multiples sont engagées pour répondre aux problèmes de ressources humaines. Au total, 500 millions d'euros sont mobilisés. Nous avons notamment lancé une campagne de recrutement d'urgence et une campagne de communication pour renforcer l'attractivité des métiers du handicap. Une mission a été confiée à Denis Piveteau sur ce point.

Une conférence des métiers de l'accompagnement est prévue le 18 février, sous l'égide du Premier ministre. Enfin, une conférence interministérielle du handicap se tient aujourd'hui même.

Mme Jocelyne Guidez.  - La diminution drastique du financement de l'acquisition des fauteuils roulants réduit la diversité de l'offre et entraîne une perte de qualité.

Expérimentation de la vidéo-verbalisation du trafic des poids-lourds

M. Philippe Bonnecarrère .  - Je veux vous convaincre, au nom des élus locaux, d'accepter la vidéo-verbalisation des poids-lourds.

Dans le cadre de leur pouvoir de police, les maires fixent, par arrêté, les limitations de tonnage dans les centre-bourgs. Mais ces interdictions restent lettre morte car pour pouvoir verbaliser, encore faut-il que les gendarmes puissent intercepter, ce qui n'est guère aisé au coeur d'un village, sur des voies étroites.

D'où ma proposition de recourir aux radars agréés pour repérer les situations irrégulières et pouvoir les sanctionner sans interception. Le sujet est purement réglementaire, il relève d'un décret de 2016 qui ne prévoit la vidéo-verbalisation que pour les excès de vitesse.

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État, chargé de l'enfance et des familles .  - Les nuisances subies par les communes traversées par des poids-lourds sont réelles. Le maire, en charge de la police de la circulation, doit arbitrer des conflits d'usage - je rends hommage aux élus et les assure de la mobilisation de l'État.

Le contrôle sanction automatisé doit pouvoir constater l'infraction de manière certaine et l'associer à un véhicule. La loi d'orientation des mobilités prévoit l'installation de dispositifs fixes de contrôle automatisé afin de faciliter la constatation du non-respect des limitations de circulation en fonction du poids du véhicule. Ils sont en cours de déploiement, sous l'autorité du ministre des transports, prioritairement sur les itinéraires où la surcharge de poids lourds présente des risques pour les usagers ou pour la préservation des infrastructures.

Leur installation à l'initiative des maires pourrait être envisagée dans un second temps. En attendant, les services de police municipale et de police et de gendarmerie nationale peuvent procéder aux contrôles.

M. Philippe Bonnecarrère.  - Il faudra expérimenter l'élargissement de ce matériel aux communes, à la fois pour décharger les gendarmes, pour éviter des interceptions dangereuses et pour préserver la beauté de nos villages, abîmée par les aménagements urbains installés pour gêner la circulation.

Accession en master

M. Thierry Meinen .  - Je veux évoquer un cas particulier : celui de Lesline, une jeune fille du Blanc-Mesnil, ville populaire du « 93 » où les lycéens, moins favorisés que ceux des Hauts-de-Seine ou de Paris, mettent les bouchées doubles pour réussir.

Après un bac mention très bien et une licence de droit brillamment validée à l'université Paris-Descartes, cette étudiante rigoureuse a souhaité poursuivre en master. Paris, Nanterre, Pau, Bordeaux, Nantes : au total, quinze universités ont rejeté sa candidature.

Chaque année, des centaines d'étudiants sont ainsi bloqués dans leur cursus.

Il y a eu certaines avancées, comme l'ouverture des universités parisiennes aux lycées d'Île-de-France au-delà des frontières académiques, grâce à Laurent Lafon.

Le rectorat est tenu de proposer trois choix alternatifs à l'étudiant via le dispositif de saisine. Hélas, toutes les universités saisies par le rectorat de Paris du cas de Lesline ont opposé une fin de non-recevoir.

Quelles instructions comptez-vous donner pour que des solutions concrètes soient apportées aux nombreux étudiants concernés ?

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État, chargé de l'enfance et des familles .  - Il y a cinq ans, la loi Dupont, d'initiative sénatoriale, actait le principe de la sélection en master, assorti d'un dispositif de droit à la poursuite d'études mis en oeuvre par les rectorats.

La procédure a évolué l'an dernier pour plus de fluidité, et pour mieux tenir compte des étudiants en situation de handicap. Vous avez d'ailleurs intégré ces apports à la loi de programmation de la recherche.

Le fonctionnement n'est toutefois pas optimal, et le ministère de l'enseignement supérieur travaille à une plateforme d'affectation plus performante à l'horizon 2023. Dès cette année, les calendriers d'inscription en master seront harmonisés au niveau national, car la divergence selon les établissements pénalise les étudiants. Des évolutions réglementaires interviendront prochainement, dans le respect de l'autonomie et de la loi Dupont.

Chaque année, des places supplémentaires sont créées dans les formations les plus demandées : pas moins de 4 800 en 2021, notamment dans les masters de droit.

Enfin, à la suite de la mission confiée par Mme Vidal à Laurent Lafon, l'Île-de-France est désormais une région académique unique. Un étudiant de Seine-Saint-Denis a donc autant de chances qu'un autre de pouvoir s'inscrire dans l'établissement de son choix. Le Gouvernement a également mis en place une aide à la mobilité en master pour les étudiants qui changeraient d'académie.

Tout cela devrait faciliter le parcours des futures Lesline !

La séance est suspendue à midi trente.

présidence de Mme Nathalie Delattre, vice-présidente

La séance reprend à 14 h 30.

Accord en CMP

Mme la présidente.  - J'informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi pour un accès plus juste, plus simple et plus transparent au marché de l'assurance emprunteur est parvenue à l'adoption d'un texte commun.

« Quelle réglementation pour les produits issus du chanvre ? »

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle le débat sur le thème : « Quelle réglementation pour les produits issus du chanvre ? » à la demande du GEST.

M. Guillaume Gontard, pour le GEST .  - Je veux vous parler d'une plante cultivée depuis l'Antiquité sur tous les continents ; une plante qui nourrit, permet de s'habiller et de se loger ; une plante avec laquelle on fabrique du papier, des bioplastiques et des cosmétiques sans intrants chimiques ; une plante aux vertus thérapeutiques et qui apaise, aidant certains à trouver la quiétude et le sommeil ; une plante qui pousse vite et sans arrosage, restructure les sols, stocke le carbone davantage encore que la forêt ; une plante qui a inspiré Baudelaire, Rimbaud et d'autres poètes.

Cette plante extraordinaire, qui devrait être un outil majeur de la transition écologique, c'est le chanvre. Avec 20 000 hectares cultivés, la France en est le leader européen - pour l'instant.

Depuis des millénaires, le chanvre nourrit, habille et soigne les hommes, recueille leurs écrits, sert à confectionner les voiles et les cordages de leurs bateaux. Ma commune de Percy conserve dans ses archives un ordre de réquisition du chanvre par Louis XVI au profit de la marine royale...

Mais voilà : depuis le XIXe siècle, cette plante exceptionnelle est vouée aux gémonies, certaines de ses variétés produisant une fleur aux effets psychotropes. La guerre disproportionnée menée contre le cannabis a conduit à l'interdiction presque totale du chanvre.

Sa culture a repris, timidement, à partir des années 1990, avec le développement de variétés présentant un taux extrêmement faible de THC, le principe actif psychotrope du cannabis. Je déplore que cette filière et ses débouchés restent largement méconnus.

On commence à découvrir d'autres principes actifs de la plante, comme le cannabidiol, ou CBD, molécule non psychotrope aux propriétés apaisantes. Le CBD, qui n'est pas un produit stupéfiant, est utilisé en huiles essentielles, aliments, cosmétiques ou liquides pour cigarettes électroniques.

En France, les premiers détaillants ouvrent en 2018, mais certains sont fermés manu militari. La Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (Midelca) tente de préciser un arrêté de 1990, peu compréhensible. Mais il ressort de la circulaire de juin 2018 que, si le CBD est autorisé, les fleurs et les feuilles dont il est tiré sont interdites...

À la suite d'un arrêt de novembre 2020 de la Cour de justice de l'Union européenne, le Gouvernement n'a eu d'autre choix que de légaliser le CBD pour de bon. Mais la commercialisation de la fleur reste interdite. C'est un peu comme si la tomate ne pouvait être cultivée que pour en faire du concentré... Aberrant !

Le Conseil d'État a partiellement suspendu l'arrêté du 30 décembre 2021. Ce feuilleton juridique qui insécurise la filière n'a que trop duré. Nous avons pris un retard considérable, alors que le développement de la filière pourrait créer jusqu'à 20 000 emplois d'ici cinq ans.

Il faut dire que la demande explose, avec près de 7 millions de consommateurs, auxquels nos 2 000 détaillants vendent des produits qui ne sont pas français - un comble pour le premier producteur européen.

Oui, le CBD peut se fumer ; c'est d'ailleurs un substitut utilisé dans le sevrage du cannabis ou du tabac. Le ministre de la Santé craint que les gens fument de la tisane - mais beaucoup d'herbes se fument : marjolaine, sauge, feuilles de framboisier... Les interdit-on pour autant ?

Après ce nouveau camouflet juridique, le Gouvernement s'obstinera-t-il pour complaire aux syndicats de police ? Rassurons ces derniers : en Suisse, la police est équipée d'un test, de la taille d'une pièce de monnaie, qui détermine en moins d'une minute la concentration en THC.

Votre arrêté laisse en suspens de nombreuses demandes de clarification. Pourtant, des députés de la majorité présidentielle ont préconisé dans un rapport d'excellentes solutions.

D'abord, il faut autoriser l'usage des techniques agricoles comme la sélection variétale et le bouturage, et élargir le catalogue des cultivars aux variétés contenant moins de 1 % de THC, à l'instar d'autres pays.

Nous devons cartographier la production française pour faciliter les contrôles. FranceAgriMer, en particulier, doit connaître l'ensemble des plantations pour fluidifier le travail avec les forces de l'ordre, mais aussi planifier le développement de la filière.

Allez-vous déterminer un seuil de CBD au-delà duquel un produit basculera sous le régime de la pharmacopée ? Allez-vous autoriser l'inscription des produits alimentaires à base de CBD au catalogue des produits régis par le règlement européen Novel Food ? Fixer des normes d'étiquetage ?

Allez-vous préciser les choses en matière d'extraction, angle mort de l'arrêté ? Tout laboratoire peut-il se lancer ? Quel contrôle de l'élimination des résidus ? Maintenir le régime actuel, avec habilitation par l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), freinerait le développement de la filière.

Le marché français du CBD a besoin d'un cadre réglementaire clair, qui sécurise les acteurs. Nous avons pris du retard par rapport à nos voisins européens, mais il est encore temps de prendre un arrêté digne de ce nom avant la fin du quinquennat !

Enfin, il faut fixer un cadre réglementaire stable pour la certification des bétons de chanvre.

Le chanvre est une filière d'avenir, riche de promesses pour notre agriculture et notre industrie. Les pouvoirs publics doivent favoriser son développement ! (Applaudissements sur les travées du GEST et des groupes SER et CRCE ; M. Pierre Louault et Mme Laurence Muller-Bronn applaudissent également.)

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée, chargée de l'autonomie .  - Le chanvre et ses produits dérivés sont un sujet très important, du point de vue tant industriel et commercial - la France est le premier producteur européen de chanvre industriel, avec 1 414 producteurs - que thérapeutique.

La mobilisation du Gouvernement a conduit à l'expérimentation, en mars 2021, du cannabis à visée médicale. Elle concerne 3 000 patients dans les champs de la douleur, de l'oncologie et de l'épilepsie. Elle déterminera le cadre d'un éventuel circuit de prescription et de dispensation. À son issue, nous saurons si l'entrée de ces médicaments dans l'usage commun est souhaitable.

C'est une expérimentation de grande ampleur, avec 243 structures de référence et 1 148 professionnels de santé formés. Nous serons très attentifs à ses résultats.

En permettant la culture de cannabis à visée médicale, le Gouvernement entend assurer notre souveraineté en la matière, comme pour le chanvre industriel. Les textes réglementaires seront bientôt publiés.

Depuis plusieurs années, des produits dérivés du chanvre ont émergé qui présentent une teneur importante en CBD et une teneur variable en THC.

Faute de réglementation européenne adaptée, le Gouvernement a instauré de nouvelles règles pour autoriser la production tout en protégeant les consommateurs et en maintenant la capacité des forces de l'ordre de lutter contre les stupéfiants. Dans ce cadre, la vente directe de sommités fleuries est interdite. L'ordonnance du Conseil d'État du 24 janvier dernier a suspendu cette interdiction, ce dont nous prenons acte.

S'agissant du cannabis récréatif, rappelons que le caractère nocif de cette drogue est clairement établi, particulièrement pour les adolescents et les jeunes adultes.

Or la consommation est forte en France, avec 5 millions de consommateurs, dont 1,5 million de consommateurs réguliers et 900 000 consommateurs quotidiens. Nous voulons réduire les risques et prévenir l'entrée dans l'usage. Nous assumons vouloir que la consommation de ce produit baisse et que son image ne soit pas banalisée. Les réseaux criminels qui se cachent derrière les petits trafics doivent être combattus.

Mme Marie-Noëlle Lienemann.  - Quelle en est la cause ? (M. Guillaume Gontard approuve.)

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée.  - Le Gouvernement agit sur l'offre et la demande, dans un même effort. Le plan de mobilisation contre les addictions 2018-2022 vise la prévention des usages, la restauration de la crédibilité de l'interdit pénal et la lutte contre les trafics.

Le fonds de lutte contre le tabac est devenu le fonds de lutte contre les addictions ; il est doté de près de 120 millions d'euros par an. Nous agissons avec l'école pour renforcer les compétences psychosociales. Nous avons engagé une grande campagne de communication, notamment auprès des professionnels de santé. Les dispositifs d'aide doivent aussi être mieux connus.

L'inscription sur la liste des produits régis par le règlement européen Novel Food requiert une autorisation de l'autorité européenne de sécurité des aliments ; le processus est en cours. Les normes d'étiquetage sont en cours d'élaboration au niveau européen, et une teneur maximale sera fixée sur la base des données scientifiques disponibles. Des spécifications en matière d'extraction seront également déterminées.

M. Alain Duffourg .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Le chanvre est utilisé depuis des millénaires pour ses nombreuses propriétés.

Il s'agit, en particulier, d'un superaliment. Dans le Gers, les producteurs ont trouvé à cette culture alternative des débouchés novateurs qui intéressent commerçants et restaurateurs : farine, huile, pâte à tartiner.

Or la réglementation est confuse. Un arrêté de décembre 2021 a suspendu la commercialisation de ces produits, mais le Conseil d'État vient de l'invalider. Quant à la Cour de cassation, elle accepte le principe de la commercialisation.

Quelles dispositions entendez-vous prendre pour développer la culture et la commercialisation du chanvre alimentaire ?

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée.  - Certains produits à base de graines de variétés peu concentrées en THC, comme cannabis sativa, peuvent être commercialisés. L'huile et la farine sont autorisées.

Les cannabinoïdes non consommés avant 1997, comme le CBD, sont considérés comme de nouveaux aliments ou ingrédients. L'autorité européenne de sécurité alimentaire, l'EFSA, doit les examiner pour garantir l'absence de risque.

Une fois cette analyse scientifique terminée, nous fixerons des conditions précises de mise sur le marché. Nous étudions sérieusement ces perspectives de développement, mais rien ne se fera au détriment de la santé des Français, notre priorité absolue.

M. Christian Bilhac .  - Vive le chanvre ! C'est une chance pour notre économie.

Le chanvre n'est pas le cannabis ; ses propriétés sont intéressantes à de nombreux égards. L'arrêté du mois de décembre, heureusement suspendu, est un exemple de plus d'un amalgame regrettable.

La filière a été abandonnée, alors que cette culture est bénéfique pour l'économie comme pour l'écologie. En Lozère, le chanvre est à l'origine d'une production de jeans français de grande qualité. Il est valorisé sous de multiples formes : papier, isolants, compléments alimentaires.

La France doit asseoir sa place de leader en Europe. Pourquoi entraver le développement d'une filière qui peut participer à la réindustrialisation du pays ?

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée.  - La revalorisation de la filière textile française est très intéressante. Le chanvre est une excellente alternative au coton, avec un bilan écologique très appréciable.

La filière textile française est encouragée par l'appel à projets Résilience, dans le cadre du plan France relance. Par ailleurs, nous allons promouvoir cette fibre lors des Jeux Olympiques de 2024.

Les étapes de valorisation sont trop peu développées, à l'image du défibrage, du peignage et du tissage. Nous travaillons avec l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe), les ministères de l'économie et de l'agriculture et FranceAgriMer sur des projets d'infrastructures et de recherche.

M. Christian Bilhac.  - Nous sommes bien d'accord : vive le chanvre ! (Sourires)

M. Gilbert-Luc Devinaz .  - La France est le premier producteur de chanvre, avec 1 500 producteurs et 17 000 hectares cultivés.

Vous dites soutenir la filière, mais le récent arrêté gouvernemental a donné un coup d'arrêt à son développement. D'autres pays saisissent cette opportunité : en un an, les États-Unis sont passés de 9 000 à 33 000 hectares cultivés !

Si la position de la France reste inchangée, notre production sera déstabilisée, alors que cette culture représente une réelle opportunité agroécologique. Elle nécessite peu d'intrants, une faible irrigation et absorbe autant de CO2 que la forêt.

Le Gouvernement doit sortir de l'ambiguïté !

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée.  - Le Gouvernement est attaché au développement de cette filière jeune, qu'il faut structurer.

Les produits à faible teneur en THC sont soutenus. Le revenu des producteurs dépend de la valorisation de toute la plante : l'équilibre est donc fragile, d'autant que les surfaces sont insuffisantes.

L'aide couplée, dont l'enveloppe est de 1,6 million d'euros par an, suppose un contrat de culture passé avec une entreprise de transformation ou de semences certifiée.

Le chanvre fait partie des cultures à faible impact sur l'eau. Il s'inscrit dans le soutien aux projets structurants dans l'agroalimentaire.

Enfin, le chanvre fait partie des produits de construction biosourcés, encouragés par les pouvoirs publics.

M. Gilbert-Luc Devinaz.  - Le question de consommation récréative mérite un grand débat national. La population française y est prête. (M. Yan Chantrel approuve.)

M. Dominique Théophile .  - Le Conseil d'État a décidé de réautoriser les produits CBD. Le marché croît : 400 boutiques il y a un an, trois fois plus aujourd'hui.

Selon un récent rapport de l'Assemblée nationale, le CBD pourrait réduire la consommation de stupéfiants. On lit dans les presse des témoignages de consommateurs affirmant avoir réduit, voire abandonné, leur consommation de cannabis.

Le ministre de la Santé a plusieurs fois souligné les risques pour la santé de la combustion de fleurs et feuilles de CBD et le peu de données scientifiques sur la valeur thérapeutique de ce dernier. Pour autant, cette substitution, combinée à une baisse de l'usage de stupéfiants, semble bénéfique.

Avez-vous des données en ce sens ? D'autres pays européens peuvent-ils servir d'exemples ?

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée.  - Le cannabis à usage médical est étudié dans le traitement d'épilepsies sévères, de douleurs réfractaires, en soins palliatifs et dans le traitement des douleurs spastiques liées à la sclérose en plaques. Il peut aussi réduire les effets secondaires de certains traitements, comme les chimiothérapies.

L'expérimentation prévue durera deux ans et inclura 3 000 patients.

Un premier médicament contenant du CBD et du THC, le Sativex, a reçu une autorisation de mise sur le marché en 2014. Il n'est pas commercialisé en France. En 2019, l'Epidyolex, qui ne contient que du CBD, a également obtenu une autorisation de mise sur le marché.

Des équipes de l'hôpital Necker commencent à prescrire des médicaments à base de CBD, dans certains cas.

En revanche, nous ne disposons encore d'aucune donnée sur le rôle du CBD dans le sevrage du cannabis.

Mme Vanina Paoli-Gagin .  - Le 12 janvier dernier, j'ai interrogé la ministre chargée de l'industrie sur l'avenir de la filière chanvre. Elle m'a répondu que l'arrêté du 30 décembre 2021 était une chance pour la filière. C'est mesurable pour les grands chanvriers, dont ceux de l'Aube.

D'autres aspects de sa réponse m'ont moins convaincue. En particulier, l'interdiction prévue était disproportionnée, comme le Conseil d'État l'a reconnu.

La réglementation doit être équilibrée entre production et consommation, ainsi qu'entre les acteurs de la chaîne de valeur.

Peut-on envisager une licence de production? En attendant que le Conseil d'État se prononce sur le fond, la filière reste dans le flou. Allez-vous apporter des correctifs sans attendre, ce qui serait sage ?

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée.  - Nous partageons l'objectif d'équilibre entre sécurité sanitaire et développement industriel.

La France est le premier producteur européen de chanvre, et la filière est déjà forte. Le Gouvernement entend consolider son cadre juridique.

En revanche, nous ne souhaitons pas étendre la dérogation à la commercialisation des fleurs ou feuilles brutes, car les risques sanitaires associés sont élevés. Les forces de l'ordre doivent conserver leur capacité d'action et de distinction des produits.

Le cadre s'affine, nous recherchons le meilleur équilibre compte tenu des connaissances disponibles. Je ne puis vous en dire plus à ce jour sur la délivrance d'une licence.

M. Serge Babary .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Depuis des mois, les commerces spécialisés dans le CBD, y compris dans la vente de fleurs et feuilles brutes, se multiplient. La filière est malheureusement dans l'incertitude.

Fin 2020, la Cour de justice de l'Union européenne a jugé que le CBD n'était pas un stupéfiant. La Cour de cassation a ensuite jugé licite la vente de fleurs et feuilles produites dans un autre État de l'Union. Le Conseil constitutionnel examinera bientôt les dispositions du code de la santé publique à ce sujet.

Quand définirez-vous un cadre légal adapté ?

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée.  - L'arrêté du 30 décembre 2021 vise à sécuriser l'activité de la filière. Les variétés autorisées sont inscrites au catalogue commun des plantes agricoles ou des plantes cultivées en France. La teneur en THC autorisée a été relevée de 0,2 à 0,3, en accord avec les règles européennes.

L'enjeu est également de sécuriser les activités économiques liées à la commercialisation des produits contenant du chanvre. Le nouvel arrêté complète les réglementations.

Il s'agit aussi de préserver la filière industrielle du chanvre. Le flyer « L'indispensable sur le CBD » clarifie les règles applicables.

Toutefois, le Gouvernement considère que la protection de la santé et la lutte contre les trafics de stupéfiants demeurent prioritaires. Nous attendons les conclusions au fond du Conseil d'État.

M. Serge Babary.  - Comme toute filière économique, les acteurs du chanvre ont besoin d'un cadre stable et compréhensible.

Mme Sophie Taillé-Polian .  - Nous tournons en rond, madame la ministre ! Vous rappelez les objectifs de l'arrêté du 30 décembre 2021, mais le Conseil d'État l'a remis en cause. Qu'allez-vous faire à présent ?

Avant même de rendre ses conclusions au fond, le Conseil d'État a relevé une atteinte à la liberté d'entreprendre - ce n'est pourtant pas nous, d'habitude, qui la défendons par principe...

J'avais, moi aussi, préparé une question à vous lire, mais le fait est que nous ne comprenons rien à vos réponses. Encore une fois, que comptez-vous faire ?

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée.  - Permettez-moi de persister dans ma position. Nous ne pouvons aller au fond des choses, car nous attendons le jugement au fond.

Pour l'heure, nous prenons acte de la décision du 24 janvier 2022. Bien sûr, nous entendons y donner suite. J'essaie d'être aussi précise que possible dans mes réponses, mais en quelle qualité pourrais-je m'engager plus loin à cet instant ?

Mme Sophie Taillé-Polian.  - Ministre, par exemple ?

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée.  - Vous nous renvoyez souvent les arguments du Conseil d'État : il serait aberrant de nous demander de ne pas en tenir compte...

Le Gouvernement réaffirme sa volonté d'un cadre réglementaire sécurisant pour assurer le développement de la filière.

Mme Sophie Taillé-Polian.  - Je vous demande de répondre en tant que ministre. Nous avons le droit de connaître vos scenarii de travail. Nous avons l'impression que vous temporisez, peut-être parce que s'engager sur le cannabis ne serait pas du meilleur effet électoral... (Mme la ministre déléguée le conteste.) Votre cécité place toute une filière dans une situation difficile !

Mme Marie-Noëlle Lienemann .  - Vous entretenez la confusion, madame la ministre : le débat ne porte pas sur le cannabis et sa légalisation, mais sur la filière CBD.

Votre position relève de l'aveuglement idéologique. Pour faire croire aux Français que vous luttez contre la drogue, vous prenez des mesures antiéconomiques !

Le seul argument de M. Darmanin, c'est qu'il faudrait interdire la commercialisation des fleurs parce qu'on peut les fumer. Dérisoire ! Qu'on commence par s'occuper du tabac.

Les kits utilisés en Suisse permettent de mesurer le taux de THC, on l'a dit.

Votre arrêté prévoit l'analyse des produits : comment mettre en place une stratégie d'analyse fiable ?

M. Babary a dit vrai : il faut un cadre clair pour consolider la filière !

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée.  - Point de parti pris idéologique : je m'en tiens aux faits et aux connaissances scientifiques.

Le CBD n'est pas pharmacologiquement inerte. S'il agit peu sur les récepteurs cannabinoïdes, il agit sur le cerveau, les récepteurs à la dopamine et à la sérotonine. C'est un psychoactif, qui peut aussi interagir avec certains médicaments.

Le Gouvernement a refusé l'autorisation de mise sur le marché faute d'autorisation européenne dans le cadre du règlement Novel Food.

Cette distribution reviendrait à ouvrir la commercialisation de plantes à fumer. C'est une question de santé publique.

Mme Marie-Noëlle Lienemann.  - Alors, il faut arrêter le tabac !

M. Pierre Louault .  - Le débat est passionné, presque autant que le débat vax-antivax...

La culture du chanvre n'est pas récente : Georges Washington encourageait à en semer partout ! Mon village est dans la vallée des chanvriers...

La difficulté tient au développement fulgurant des dérivés du CBD. Beaucoup de pays européens diffèrent de la France en la matière.

J'attends du Gouvernement une analyse exhaustive. Un produit de chanvre à fumer contenant du goudron s'apparente au tabac, mais certains extraits peuvent avoir des vertus thérapeutiques.

Le chanvre pousse vite, même s'il appauvrit aussi beaucoup les sols. Son développement bénéficiera à notre économie. Comment le Gouvernement compte-t-il l'encourager ?

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée.  - Le Gouvernement défend la compétitivité des filières agricoles et industrielles françaises.

La filière chanvre est un fleuron agricole de notre pays : nous sommes même le premier producteur européen.

Nous voulons consolider la sécurité juridique de cette activité. La révision de l'arrêté de 1990 va dans ce sens en autorisant la valorisation de toute la plante, tant que la teneur en THC ne dépasse pas 0,3 %. Cela concerne les seuls agriculteurs actifs utilisant des semences vérifiées et inscrites au catalogue.

La mobilisation du Gouvernement est totale pour cette filière d'excellence aux débouchés variés : papeterie, isolation, construction. Nous entendons oeuvrer à son développement.

Mme Angèle Préville .  - Comme l'écrivait Antonin Artaud, « la loi sur les stupéfiants met entre les mains de l'inspecteur (...) de la santé publique le droit de disposer de la douleur des hommes ». Un siècle plus tard, la France est le plus gros consommateur d'anxiolytiques et de somnifères d'Europe. La dépendance qui en résulte est un problème de société majeur.

Pour le Gouvernement, le chanvre est une menace. Pourtant, il se cultive en France de manière ancestrale. Dans le Lot, toute une filière s'organise. La rusticité, le faible besoin en eau et la résistance aux parasites en font une culture intéressante.

Employé comme isolant, cordage ou textile, le chanvre est aussi une plante médicinale. Il agit sur les troubles du sommeil ou la douleur et n'est pas psychotrope. L'absence d'effets secondaires est documentée.

Le chanvre est en réalité porteur d'espoir, de ressources complémentaires pour les agriculteurs, et de réduction de coûts pour la sécurité sociale.

Entendez-vous continuer à interdire la commercialisation des fleurs et feuilles de chanvre, malgré toutes les attentes ? Ferez-vous évoluer le cadre réglementaire, pour une herboristerie de qualité ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée.  - Tout apport à la lutte contre la douleur est bénéfique. C'est pourquoi la loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 prévoit un projet d'expérimentation du cannabis à usage médical. Cette expérimentation, qui a débuté le 26 mars 2021 pour deux ans, concernera 3 000 patients relevant de l'oncologie, des douleurs chroniques, de l'épilepsie sévère, ou victimes de symptômes rebelles ou d'une résistance aux médicaments. Le traitement est délivré par les professionnels de santé sous forme d'huile ou de fleurs séchées, puis peut être renouvelé.

Le cadre de cette expérimentation est défini par le ministère de la santé et sa mise en oeuvre est assurée par l'ANSM.

Voilà où nous en sommes. Point de frilosité, mais beaucoup de précautions !

M. François Bonhomme .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La France a la chance de disposer d'une véritable capacité de production de chanvre, passée de 4 000 hectares en 1999 à 20 000 hectares en 2021. Mais la filière est fragilisée par une réglementation inadaptée et des incertitudes juridiques, dans un climat excessivement passionné.

Je suis opposé à tout encouragement à la consommation de drogues. Pour autant, certaines distinctions s'imposent. Nous pourrions définir des doses journalières recommandées, mentionner la présence de CBD dans certains produits et sensibiliser les acteurs de la nutrivigilance sur l'importance des effets indésirables dans les produits cosmétiques et compléments alimentaires.

Le Gouvernement entend-il rester sur sa position dogmatique à l'égard du CBD ?

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée.  - Le CBD synthétique est utilisé en gélule par certains patients de l'hôpital Necker, enfants ou adultes. Quelque 180 patients ont participé à une étude sur trois mois, à l'issue de laquelle il apparaît que le CBD constitue un apport thérapeutique majeur dans certaines maladies rares ou génétiques.

L'effet du cannabis et de ses molécules est étudié dans le traitement et l'accompagnement de certaines pathologies. Nous sécurisons un cadre en nous appuyant sur ces études et sur les données scientifiques existantes.

M. Yan Chantrel .  - (Mme Angèle Préville applaudit.) Nous tournons un peu en rond dans ce débat !

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée.  - Oui.

M. Yan Chantrel.  - À l'heure où de nombreux pays d'Europe et d'Amérique du Nord réglementent l'usage du CBD, la position de la France est à contre-courant.

Un rapport de l'OMS de 2018 a qualifié le potentiel dépendogène du CBD d'« inexistant ». La Cour de justice de l'Union européenne a estimé en 2019 qu'il ne pouvait être considéré comme un stupéfiant, car il n'a ni effet psychotrope ni conséquences sur la santé humaine. Ce que confirment les connaissances scientifiques actuelles.

En dépit de ces avis éclairés, votre ministère a pris en décembre dernier - en pleine trêve des confiseurs  - un arrêté interdisant la commercialisation de fleurs et de feuilles de chanvre, heureusement suspendu en référé par le Conseil d'État. Allez-vous récidiver sans tenir compte des avis scientifiques ?

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée.  - Aucune malice en la matière : ni trêve des confiseurs, ni idéologie. Toutes ces décisions sont, en outre, interministérielles.

Depuis plusieurs années, la commercialisation de produits dérivés du chanvre se développe, avec une teneur en THC variable. Il s'agit d'une substance stupéfiante. L'arrêté de décembre 2021 concilie plusieurs objectifs : un développement sécurisé de la filière agricole et des activités économiques, la protection de la santé des consommateurs, le maintien de la capacité des forces de l'ordre à lutter contre les stupéfiants. La réglementation, hormis la vente directe de fleurs et de feuilles, n'est pas remise en cause pas la décision du Conseil d'État.

Le ministère de la Santé étudie avec intérêt les opportunités médicales associées au CBD. Plusieurs études sont en cours.

Le Gouvernement soutient activement cette filière, avec les restrictions qui nous ont été imposées.

M. Jean-Raymond Hugonet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La promotion des matériaux biosourcés est un enjeu majeur pour l'habitat de demain, car ils concourent à la transition écologique. En Essonne, nous avons le plaisir d'accueillir un fleuron, l'entreprise Gatichanvre.

L'Île-de-France est la seule région à posséder deux chanvrières. Mais les commandes restent anecdotiques, les débouchés rares, en raison d'une réglementation défavorable aux matériaux biosourcés. Le marché est verrouillé. Faute d'agrément spécifique, impossible d'utiliser le chanvre pour construire en R+2. La commande publique est donc fermée. Les agriculteurs producteurs de chanvre risquent dès lors se détourner des matériaux de construction pour aller vers d'autres filières plus rémunératrices.

Comment comptez-vous y remédier ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Marie-Noëlle Lienemann applaudit également.)

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée.  - La réglementation environnementale 2020 (RE2020) qui fixe les nouvelles règles de construction des bâtiments neufs poursuit des objectifs de décarbonation. Elle favorise les matériaux biosourcés, donc le béton de chanvre. Mais la filière doit suivre des règles professionnelles, notamment en matière de taille des bâtiments et de nombre d'étages. Le chanvre peut être utilisé pour des bâtiments de petite taille, tels que des maisons individuelles.

La filière a souhaité voir ces règles évoluer pour dépasser les limites existantes. Des échanges ont lieu dans le cadre d'une commission technique, qui a demandé des éléments complémentaires afin de pouvoir se prononcer.

La filière du béton de chanvre est soutenue par l'État depuis plusieurs années. Le ministère du Logement travaille en lien avec elle.

M. Jean-Raymond Hugonet.  - Je veux bien vous croire. J'avais visité Gatichanvre avec Jacques Mézard en 2017 - on se hâte avec lenteur, tout de même ! (Sourires ; Mme Catherine Belrhiti applaudit.)

M. Cyril Pellevat .  - Le 24 janvier 2022, le Conseil d'État a provisoirement suspendu l'arrêté gouvernemental d'interdiction de commercialisation de fleurs de chanvre. Nos voisins continuent d'en vendre. Nous devons prendre en compte cette réalité et ajuster notre réglementation.

Le taux de THC autorisé varie selon les pays. En France, il est de 0,3 %, contre 0,6 % en Italie et 1 % en Suisse. Ce taux, arbitraire, servait à l'origine à la classification des sous-variétés de cannabis.

Certains pays vendent des produits contenant du CBD à des prix moins élevés qu'en France. Si nul n'est censé ignorer la loi, pouvons-nous attendre de nos concitoyens qu'ils vérifient systématiquement qu'ils ont bien acheté un produit au bon taux ? Il faut trouver une solution à l'échelle européenne, en associant la Suisse.

Dans l'attente d'une harmonisation, il faudrait faire preuve de souplesse s'agissant des retraits de permis pour les personnes ayant consommé du CBD à un taux de THC compris entre 0,3 et 1 %. La loi prévoit des aménagements pour raisons professionnelles pour la conduite en état d'ivresse, mais pas en cas de consommation de substances psychoactives. Cela me semble injuste.

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée.  - La détection de THC caractérise le délit de conduite sous l'emprise de stupéfiants, quel que soit le taux contenu dans le produit. S'il y a dépistage, l'infraction peut être caractérisée, même si le conducteur n'est pas sous influence d'un psychotrope.

La loi distingue l'usage d'un produit et la conduite après l'usage d'un produit. Dès lors, une harmonisation des législations sur le taux de CBD n'a guère d'intérêt.

On ne peut pas à la fois revendiquer les effets relaxants du CBD et soutenir que son usage est sans danger pour la conduite routière !

Au demeurant, la loi ne prévoit plus la possibilité d'un aménagement de la suspension du permis de conduire pour des raisons professionnelles après une conduite sous l'empire d'un état alcoolique.

Mme Catherine Belrhiti .  - La France a toujours cultivé le chanvre, notamment pour l'industrie textile.

Cette filière est au coeur de nombreuses innovations et opportunités économiques. L'arrêté du 30 décembre 2021 a été jugé incompréhensible par les professionnels, alors que les règles sont déjà trop strictes.

Le débat sur le chanvre est pollué par le caractère psychotrope du cannabis.

Le chanvre bien-être est en pleine expansion en Europe. Le CBD peut également constituer une solution de remplacement à certains traitements médicamenteux. Deux cents centres hospitaliers expérimentent son usage thérapeutique, preuve que vous en mesurez les bénéfices potentiels. Comment expliquer cette incohérence ? Assouplirez-vous la réglementation ?

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée.  - Il n'y a pas d'incohérence entre l'arrêté de décembre 2021 et l'expérimentation dont vous parlez : ce sont deux sujets complètement différents. L'expérimentation a trait à des applications déterminées et vise à obtenir les premières données françaises sur l'efficacité de ces thérapeutiques et à envisager le meilleur circuit pour une prescription future. Nous parlons de médecine, de prise en charge de patients cancéreux ou en fin de vie. L'objectif est d'inclure 3 000 patients dans des structures sélectionnées par l'ANSM. C'est un enjeu de santé publique important, notamment pour la prise en charge de la douleur. L'expérimentation doit permettre d'évaluer le circuit logistique et le parcours des patients.

L'arrêté du 30 décembre 2021 ne concerne pas l'usage médical du CBD, au contraire. Nous parlons de l'utilisation du CBD avec un seuil maximum autorisé de THC dans des produits de consommation courante, à disposition des citoyens, sans aucun cadre médical.

Mme Catherine Belrhiti.  - Le CBD n'est qu'un cannabinoïde parmi d'autres, dont les effets n'ont rien à voir avec ceux du cannabis stupéfiant. Le Gouvernement doit assouplir la réglementation conformément à la jurisprudence européenne.

Mme Laurence Muller-Bronn .  - Le chanvre a de nombreuses qualités. Aucun argument ne peut justifier la décision du Gouvernement. Déjà en novembre 2020, la Cour de justice de l'Union européenne avait jugé illégale l'interdiction en France du CBD. La Cour de cassation lui a emboîté le pas en juin dernier. Allez-vous interdire l'importation de CBD ?

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée.  - Le 19 novembre 2021, la Cour de justice de l'Union européenne a annulé l'arrêté qui limitait la culture et l'utilisation du chanvre aux seules fibres et graines de la plante. Des travaux ont été engagés pour modifier la réglementation à l'aune de cette décision.

Le projet de nouvel arrêté, publié le 31 décembre 2021, prévoit la culture et l'utilisation industrielle et commerciale de toutes les parties de la plante, sous réserve d'une teneur en THC inférieure à 0,3 %. La vente aux consommateurs de fleurs ou feuilles brutes était interdite pour lutter contre les trafics, et pour des raisons de santé publique, s'agissant d'un psychotrope à part entière.

Les produits contenant du CBD ne peuvent revendiquer d'allégations thérapeutiques sous peine de sanction pénale, à moins d'avoir été autorisés comme médicaments.

Nous attendons le jugement de fond du Conseil d'État, tout en conservant la volonté de consolider cette filière.

Mme Laurence Muller-Bronn.  - Allez-vous interdire l'importation ? Telle était ma question. En vertu de l'article 34 du traité pour l'Union européenne, vous ne pouvez faire entrave à la libre importation des marchandises. Si vous ne faites rien, ce sont les juges européens qui risquent de décider à notre place.

M. Daniel Salmon, pour le GEST .  - Je me félicite de la tenue de ce débat, même s'il a un peu tourné en rond. Il a montré que le sujet était transpartisan. La législation actuelle est hypocrite, c'est de l'enfumage. (Sourires)

Le chanvre, cultivé autrefois pour ses fibres, est tombé en désuétude sous l'action des lobbyistes du nylon, du pétrole et de la pâte à papier. Mais il est en pleine renaissance. En poussant très vite, jusqu'à trois mètres de haut en quelques mois, sans engrais ni pesticides mais avec des rotations, il répond aux défis écologiques, dans la construction et l'alimentation, et a des bénéfices apaisants. Ses usages sont multiples.

La France est le premier producteur européen et le troisième au monde, avec 20 000 hectares de cultures. Le potentiel de la filière est estimé à 2 milliards d'euros.

Le Gouvernement freine son développement de façon anachronique, en impactant toute la rentabilité de la filière. Les entreprises françaises doivent s'approvisionner à l'étranger. La distorsion de concurrence est difficile à comprendre. Nous dégradons encore un peu plus notre balance commerciale et nous nous privons d'un superbe outil de transition écologique, à cause de vues dogmatiques.

Je regrette que le Gouvernement ne réponde pas aux inquiétudes de la filière. Quand sortirez-vous de votre posture politicienne ? Quand simplifierez-vous les règles ? Nous voulons l'appui de l'État ! Rattrapons le retard sur nos voisins.

Il faut un accompagnement fin et une vraie cartographie des exploitations. Il faut travailler sur les protéines et édicter des normes claires pour la construction. Le béton de chanvre subit les changements de bord permanents de la réglementation.

Le chanvre textile doit bénéficier d'infrastructures nouvelles, pour réindustrialiser la France et lutter contre le chanvre chinois, produit de manière non écologique.

La réglementation du cannabis subit aussi le dogmatisme. Depuis les premières expérimentations sous Marisol Touraine en 2013, nous avons perdu presque dix ans sans évolution réglementaire, alors que 21 des 27 pays européens l'ont autorisé à vocation thérapeutique, pour la sclérose en plaques ou le glaucome.

Le débat sur le chanvre ne doit pas être réduit au CBD. Nous devons avancer sur des fondements objectifs et pragmatiques. (Applaudissements à gauche)

La séance est suspendue quelques instants.

« Lutte contre les violences faites aux femmes et les féminicides : les moyens sont-ils à la hauteur ? »

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle le débat sur le thème : « Lutte contre les violences faites aux femmes et les féminicides : les moyens sont-ils à la hauteur ? », à la demande du groupe CRCE.

Mme Laurence Cohen, pour le groupe CRCE .  - Le groupe CRCE a fait le choix de ce débat face à la multiplication des féminicides. Il est essentiel de dresser un bilan objectif de l'action du Gouvernement.

Qu'il s'agisse des inégalités salariales ou du temps partiel subi, les violences économiques font aussi partie des violences faites aux femmes dans notre société capitaliste et patriarcale. Mais je me concentrerai sur les violences sexuelles et sexistes.

Les violences faites aux femmes sont un phénomène systémique de notre société patriarcale. De plus en plus de victimes parlent enfin.

En 2017, la loi Schiappa a allongé de vingt à trente ans le délai de prescription pour les crimes sexuels sur mineur, élargi la définition du cyberharcèlement et créé une nouvelle infraction contre le harcèlement de rue. Mais la déception a été vive face à l'absence de seuil de consentement pour les mineures. La loi Billon a pallié certaines défaillances.

Un Grenelle des violences conjugales a été organisé en 2019. L'urgence n'était pas à un énième bilan. On a perdu du temps. Néanmoins, un plan gouvernemental a été élaboré, pour mieux prendre en compte les besoins en matière d'hébergement, améliorer le dépôt de plainte, inscrire dans la réglementation la reconnaissance du suicide forcé, ou encore étendre le bracelet anti-rapprochement.

Je me réjouis du décret mettant en place une mesure réclamée par Ernestine Ronai : informer systématiquement la victime de la sortie de prison de son agresseur. Le drame d'Épinay-sur-Seine aurait pu être évité...

Cependant, la vision globale manque. En 2013, mon groupe avait déposé une loi-cadre d'une centaine d'articles, qui n'a jamais pu être examinée. Nous avons appelé le Gouvernement à s'en saisir, en vain. Qu'il en soit autrement après les élections !

Pas moins de 113 féminicides ont eu lieu en 2021, déjà 13 en 2022 : les chiffres sont toujours aussi alarmants. Les violences ont augmenté pendant la crise sanitaire, de 40 % pendant le premier confinement et de 60 % pendant le deuxième.

Les outils peinent à prouver leur efficacité. Les femmes, en 2022, sont toujours autant victimes de violences de toute sorte, certaines meurent toujours sous les coups d'hommes qui veulent les soumettre. Les chiffres sont implacables.

Le patriarcat règne partout ; il est donc judicieux d'observer les solutions trouvées dans les autres pays. L'Espagne, depuis 2004 et le vote d'une loi très protectrice, a réussi à baisser le nombre de féminicides de 25 %, par une politique très volontariste.

En France, certains actes viennent contredire la volonté politique. La remise en cause du numéro 3919, par exemple.

Selon le ministre de l'Intérieur, les femmes atteintes psychologiquement ou physiquement par leur compagnon déposent plainte systématiquement, et il y a systématiquement des gardes à vue et des poursuites judiciaires. Pourtant, les chiffres du ministère de la Justice montrent qu'un tiers seulement des violences sexuelles font l'objet de poursuites !

La comparaison des moyens consacrés à la lutte contre ces violences est alarmante : 1 milliard d'euros en Espagne, contre 360 millions d'euros en France.

Le rapport de nos collègues Éric Bocquet et Arnaud Bazin a montré que ce milliard n'était pas un totem, mais une nécessité, à mettre en perspective avec le coût de ces violences pour la société, qui est de plus de 3 milliards d'euros par an.

Je ne peux dresser un bilan exhaustif de cinq ans d'action, ou plutôt d'inaction...

Je terminerai par les demandes des associations féministes, qui veulent la fin de la correctionnalisation des viols, crimes qui méritent la cour d'assises ; la création de tribunaux spécialisés ; l'instauration d'un délit spécifique de violences conjugales ; une meilleure application de la loi sur la prostitution et une lutte accrue contre la pornographie.

Nous en avons assez de compter les victimes. Pourquoi toujours les mêmes scénarios macabres ? Le machisme et le sexisme tuent et tout n'est pas mis en oeuvre pour les circonscrire. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER, INDEP et du GEST, ainsi que sur quelques travées des groupes UC et Les Républicains)

Mme Élisabeth Moreno, ministre déléguée, chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l'égalité des chances.  - Merci d'avoir mis en avant certaines actions du Gouvernement. Mais je ne peux m'empêcher de réagir quand vous parlez d'inaction. Nous avons fait voter quatre lois en moins de cinq ans pour protéger les victimes de violences et leurs enfants. Le Grenelle a décidé de 46 mesures inédites ! Et 100 % d'entre elles ont déjà été mises en oeuvre.

L'Espagne a investi 1 milliard d'euros sur cinq ans. En France, c'est 1,2 milliard d'euros en 2021 : des dépenses parfaitement mesurables dans le document transversal à disposition de tous ! Non, il n'y a pas eu d'inaction. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Mme Laurence Cohen.  - Je n'ai pas dit qu'il n'y avait que de l'inaction, mais des actions et de nombreuses limites.

Le budget dont vous parlez est transversal. Il comptabilise par exemple les actions de développement à l'international ou le salaire des enseignants pour éduquer sur les différences entre les filles et les garçons. Il faut plus de portée politique et d'écoute des associations, sur lesquelles tout repose. (Mme Pascale Gruny applaudit.)

Mme Maryse Carrère .  - Comment commencer ce débat sans une pensée pour les 113 femmes tuées par leurs compagnons ou ex-compagnons en 2021, et les 13 femmes tuées cette année ? Je remercie le groupe CRCE d'avoir initié ce débat sur un sujet important.

Les moyens sont-ils à la hauteur ? Ma réponse sera nuancée. Les réponses juridiques ont été complétées. Des propositions de loi ont été portées ici même au Sénat, mais cet arsenal ne suffit pas, face à l'augmentation, par exemple, de 30 % des violences sexuelles.

Dans les Hautes-Pyrénées, il y a eu 220 faits de violences en 2021 contre 90 en 2020.

Il existe des failles dans la prise en compte des plaintes. En 2019, 80 % des plaintes ont été classées sans suite, ce qui renforce le sentiment d'impunité. Je pense au cas de Chahinez Daoud, brûlée vive par son ex-mari après un tel classement...

Nous devons aller plus loin dans le traitement des plaintes : il faut accélérer les délais, et développer les moyens humains. Le Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes préconise un budget d'1 milliard d'euros. Il faut un meilleur accueil des victimes, une sensibilisation accrue, des places supplémentaires d'hébergement en accueil sécurisé mère-enfant. Les personnes violées doivent aussi être mieux prises en charge, et les procédures d'accompagnement simplifiées. Il n'y a pas suffisamment de médecins légistes. Une enfant violée à plusieurs reprises ne peut se faire examiner dans les Pyrénées-Atlantiques, à quelques kilomètres de Tarbes, parce qu'elle ne serait pas du département... Une autre est renvoyée de l'unité médico-judiciaire (UMJ) de Pau et conduite à Toulouse. Tant de situations qu'il faut éradiquer !

Ne pourrait-on pas réfléchir avant tout à l'accueil des victimes et à leur accompagnement médical et psychologique ?

Mais la lutte contre les violences ne peut se réduire aux moyens : il faut éduquer, et proposer une réponse pénale ferme. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, INDEP et UC)

Mme Élisabeth Moreno, ministre déléguée.  - J'ai une pensée pour M. Léonhardt, qui a beaucoup oeuvré au sein de cette assemblée, et a porté des combats humanistes. J'ai aussi une pensée émue pour toutes les femmes assassinées par leur conjoint ou ex-conjoint, et pour toutes les femmes sauvées grâce aux dispositifs mis en place sous ce quinquennat.

En 2008, il y a eu 168 féminicides, contre 113 l'année dernière. Certes, tout féminicide est un de trop, mais il y a des progrès. Et prétendre que les dispositifs ne fonctionnent pas n'aide pas à libérer la parole.

L'amélioration de la formation de 90 000 policiers et gendarmes est à saluer. Le sujet avait été trop longtemps ignoré. Des intervenants sociaux ont été recrutés pour accroître la compréhension du sujet dans les commissariats et gendarmeries. La grille d'évaluation du danger a été mise en place. Le dépôt de plainte a considérablement évolué et nous l'expérimentons en association, à la mairie ou au chez un membre de la famille.

Tant qu'une seule femme mourra, nous devrons continuer, mais nous progressons.

Mme Maryse Carrère.  - Beaucoup a été fait en matière législative. J'insiste : ces violences touchent aussi les territoires ruraux. Or les unités médico-judiciaires sont dans les grands hôpitaux. Il faudrait les rapprocher des populations, peut-être avec des antennes plus légères.

Mme la présidente.  - Je remercie Mme la ministre pour ses mots pour Olivier Léonhardt.

Mme Laurence Rossignol .  - Merci au CRCE pour ce débat. Au fil des ans, le Sénat a acquis une sérieuse compétence sur ces sujets.

Je concentrerai mon propos sur trois points.

Premier point : les violences conjugales commises par des policiers. Le dernier féminicide a donné lieu à un avis de recherche portant sur l'ex-conjoint, un policier. Mais cette fois, pas de portrait, pas d'appel à témoins ni de nom... Comment expliquer qu'un policier connu pour des faits de violences conjugales ait toujours son arme de service ? Vous allez me répondre qu'une enquête administrative est en cours. Comment la police gère-t-elle ses membres connus pour faits de violences conjugales ? Combien sont-ils ? Sont-ils à l'accueil pour recevoir les plaintes des victimes ?

Depuis le livre de Sophie Boutboul, nous savons que les femmes de policiers ou de gendarmes sont les moins bien placées pour porter plainte. Que faites-vous pour y remédier ?

Deuxième point : les violences post-séparation. Malgré la réforme, l'ordonnance de protection n'est toujours pas efficace. Trop de femmes en sont privées alors que les menaces sont certaines même s'il n'y a pas eu de violence constatée. Or les deux conditions sont cumulatives pour bénéficier d'une ordonnance de protection. Mais quand un homme dit à son ex-conjointe qu'il va la tuer, il ne l'a pas encore fait !

En cas d'autorité parentale conjointe, il est en outre impossible de dissimuler l'adresse de la victime, puisque le père sait où est scolarisé l'enfant.

Troisième point : l'articulation entre justice pénale et justice familiale. J'ai vu trop de dossiers où, à la suite d'une séparation, souvent décidée par la mère, des enfants se plaignaient d'attouchements ou de viols à l'occasion du droit de visite et d'hébergement chez leur père. La mère n'en doit pas moins lui remettre l'enfant un week-end sur deux ! Une mère a porté plainte contre l'État après avoir appris que son ex-mari était poursuivi pour viol sur mineurs dans une autre juridiction ! En attendant, les faits avaient continué pendant quatre ans...

Comment faire ? Il faudrait une révolution dans les pratiques, dans les moyens de la justice. On soupçonne les femmes d'être menteuses et manipulatrices, d'instrumentaliser l'enfant pour régler des conflits qui n'existent que dans la tête des juges ! Il est temps de proscrire toute décision de justice faisant référence au prétendu syndrome d'aliénation parentale, car on fait vivre un enfer à ces femmes et à leurs enfants. (Applaudissements à gauche et sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)

Mme Élisabeth Moreno, ministre déléguée.  - Il ne m'appartient pas de commenter une affaire en cours, mais les procédures administratives et judiciaires permettent d'aller jusqu'à l'exclusion d'un policier. Les dispositifs existent, aux juges et à l'autorité hiérarchique de s'en saisir.

Une loi du 30 juillet 2020 permet de saisir les armes dès le dépôt de plainte, que le conjoint soit plombier ou policier. L'arme de service peut également être saisie dans le cadre d'une procédure administrative.

Il faut séparer sanction et protection des victimes ; les ordonnances de protection, créées en 2010, ont été renforcées par les lois du 4 août 2014 et du 28 décembre 2019, avec une extension de la durée et un raccourcissement du délai de 32 à 6 jours.

Mme Laurence Rossignol.  - Je le sais bien !

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Ce n'est pas le Gouvernement qui l'a voulu mais le Parlement !

Mme Élisabeth Moreno, ministre déléguée.  - En trois ans, les demandes d'ordonnances de protection ont bondi de 138,5 %. Il faut désormais que le monde de la justice s'en saisisse.

Mme Laurence Rossignol.  - Je ne vous demande pas de me raconter le monde merveilleux de la loi : je vous parle du monde réel des femmes et des enfants. Oui, l'ordonnance de protection existe, c'est mieux, mais cela ne suffit pas.

Je ne nie pas votre engagement, mais vous pourriez reconnaître parfois qu'il faut aller plus loin.

Je connais toutes les lois et les décrets - bien souvent, ces textes ont fini par être acceptés par le Gouvernement sous la pression du Sénat ! (Applaudissements à gauche et sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)

M. Thani Mohamed Soilihi .  - Merci au groupe CRCE d'avoir fait inscrire ce débat à l'ordre du jour.

Le Gouvernement a fait de la lutte contre les violences faites aux femmes une priorité. Le Grenelle des violences conjugales a permis de recenser 46 mesures : ouverture de 2 000 nouvelles places d'hébergement d'urgence, formation de 90 000 policiers et gendarmes, mise à disposition de 1 000 bracelets anti-rapprochement, ouverture 24 heures sur 24 du numéro d'écoute 3919... Nombreuses sont les réalisations.

La loi du 28 décembre 2019 a réformé l'ordonnance de protection, donné un nouvel essor au téléphone grave danger et au bracelet, et donné au juge pénal le droit d'agir en matière familiale.

La loi du 30 juillet 2020 a accordé l'aide juridictionnelle de plein droit pour les procédures urgentes comme l'ordonnance de protection. Le juge peut suspendre le droit de visite et d'hébergement du parent violent, décharger les proches d'assistance alimentaire ou encore lever le secret médical dans certains cas.

Ces textes sur lesquels le Gouvernement avait engagé la procédure accélérée ont été adoptés à l'unanimité, preuve d'une volonté partagée de fléchir la courbe des féminicides.

Les moyens financiers ont été renforcés : plus 77 % entre 2019 et 2022. Le téléphone grave danger a vu ses crédits augmenter de 145 % entre 2018 et 2021. On ne peut laisser dire que rien n'est fait.

Le secrétaire d'État à l'enfance confirmait l'objectif, affirmé en 2019, de déployer des unités d'accueil pédiatriques enfance en danger sur tout le territoire, pour 14 millions d'euros. Quand le département de Mayotte en bénéficiera-t-il ?

Que répondez-vous à ceux qui disent que le Gouvernement s'est plus concentré sur la protection des victimes que sur la dissuasion des auteurs ?

En 2017 déjà, le Conseil économique, social et environnemental rapportait que les violences intrafamiliales étaient plus fréquentes et plus graves outre-mer, car l'insularité et la faible superficie entravent la libération de la parole et rendent inopérant l'éloignement du conjoint violent. Cela a été récemment confirmé par l'Insee.

À Mayotte, sur 650 signalements, seuls 150 donnent lieu à des suites judiciaires, et encore ce chiffre est-il largement en dessous de la réalité, en raison de la dépendance économique des victimes et de la pression sociale.

Il y a cinq bracelets anti-rapprochement disponibles à Mayotte et autant de téléphones grave danger. Ont-ils été utilisés ? D'autres seront-ils commandés ? Cette solution est-elle pertinente compte tenu de l'exiguïté du territoire ?

Une enveloppe de 325 000 euros était prévue pour un appel à projet spécifique à l'outre-mer. Les lauréats ont-ils déjà été identifiés ?

Mme Élisabeth Moreno, ministre déléguée.  - Le temps imparti ne suffira pas à répondre à toutes vos questions.

Je vous remercie de votre implication sur ces sujets, comme élu de Mayotte et comme avocat.

Il n'y a pas un seul dispositif mis en place dans l'Hexagone qui ne l'ait été exactement de la même façon outre-mer, où je sais que ces violences peuvent être plus graves.

En 2021, nous avons investi 2,3 millions d'euros en Outre-mer. Depuis le 30 août 2021, le 3919 répond 24 heures sur 24, notamment pour que les ultramarins y aient plus facilement accès. Cinq centres de prise en charge des auteurs de violences ont été ouverts dans les départements d'Outre-mer, qui accueillent en outre 10% des nouvelles places d'hébergement.

Les bracelets anti-rapprochement ont été expérimentés puis déployés fin 2020 : 689 placements, 489 bracelets actifs, dont 14 en Outre-mer. Il y en avait 228 en août : vous voyez que l'accélération est notable.

M. Daniel Chasseing .  - La protection des femmes, leur émancipation et la lutte contre le sexisme sont des exigences. Dans huit cas sur dix, les violences faites aux femmes sont commises par une personne vivant sous le même toit. Rien qu'en janvier, huit femmes et une enfant de 2 ans sont mortes de la sorte.

En 2019, année du Grenelle, 146 femmes ont perdu la vie, 113 en 2021. Ces féminicides ne sont que la partie émergée de l'iceberg des violences psychologiques vécues en silence.

Tout agresseur devrait au moins être convoqué pour un rappel à la loi. La parole des femmes n'est pas assez prise en compte, malgré les récents progrès.

Nous devons former les professionnels de santé pour favoriser l'écoute. Il faut que les femmes retrouvent leur dignité, se défassent de leur peur et de leur honte ; il importe de démonter les mécanismes d'emprise.

Les téléphones grave danger et les bracelets anti-rapprochement sont des réponses concrètes.

Depuis peu, les victimes sont informées de la sortie de prison de leur conjoint ou ex-conjoint violent

La recrudescence des violences, de 25% depuis 2019, s'explique par une hausse significative du phénomène pendant le premier confinement et par la libération de la parole. Les victimes peuvent désormais alerter les forces de l'ordre dans les pharmacies, ce qui devrait favoriser les signalements.

En Corrèze, les crédits pour l'hébergement d'urgence sont insuffisants. Il faudrait améliorer la coordination entre les associations locales. Les conclusions d'Arnaud Bazin et d'Éric Bocquet, dans leur rapport de juillet 2020, sont confirmées par les acteurs de terrain. Les financements sont versés sur des périodes trop courtes pour les associations, qui sont réduites à naviguer à vue, s'appuyant sur le dévouement de leurs salariés et bénévoles. L'association Le Roc a ainsi dû licencier trois personnes.

La prise en charge médicale ne doit pas prendre le pas sur l'accompagnement social. Collectivement, nous devons renforcer la prise en charge des victimes en situation de précarité. Il est essentiel d'augmenter le nombre d'hébergements d'urgence sécurisés.

Nous devons aussi prendre en charge les auteurs pour éviter la récidive.

Nous sommes sur la bonne voie, mais les violences persistent, aggravées par les confinements. Il faut aller plus loin et développer une culture de la vigilance. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et Les Républicains)

Mme Élisabeth Moreno, ministre déléguée.  - La libération de la parole des victimes est salutaire. En fait, elles parlent depuis longtemps, mais on les écoute enfin.

Si les signalements augmentent de 33 %, c'est qu'après la libération de la parole sur les réseaux sociaux, après l'action des associations, les politiques publiques s'en sont saisies. Il faut continuer dans ce sens-là.

Depuis l'année dernière, le budget de mon ministère a augmenté de 40 %, et de 25 % en 2022. La plus grande partie va directement vers les associations. La semaine dernière, la présidente de la Fédération nationale des centres d'information sur les droits des femmes et des familles (FNCIDFF) disait : « Il n'y a que des paroles, pas d'actes ». Nous avons pourtant augmenté son budget de 38 % !

Le maillage territorial fonctionne en Corrèze, où nous avons créé huit comités locaux d'aide aux victimes.

M. Daniel Chasseing.  - Je ne doute pas de votre bonne volonté. Mais l'association Le Roc, en Corrèze, a dû licencier trois personnes et a perdu trois de ses six places d'hébergement. Sécuriser les hébergements d'urgence est très important.

Mme Laurence Cohen.  - Très bien.

M. Bruno Belin .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Jean-Michel Arnaud applaudit également.) Sommes-nous à la hauteur de l'enjeu ? Non. Les chiffres sont têtus : dans l'Aisne, les violences sexuelles ont augmenté de 23 %, nous dit Pascale Gruny. Ces chiffres choquent. Derrière, il y a les féminicides, mais aussi la réalité des violences quotidiennes.

Sommes-nous à la hauteur en termes de sécurité ? Non. Nous ne pouvons assurer la sécurité d'une femme même quand nous avons des informations préoccupantes. Nous ne pouvons assurer l'hébergement alors qu'il faudrait inverser la sanction du départ du domicile. Mme Carrère et M. Chasseing ont rappelé les difficultés particulières des zones rurales.

Sommes-nous à la hauteur sur la santé ? Non, alors que treize départements n'ont pas de gynécologues. Un lieu de santé qui disparaît, c'est un lieu de confiance perdu pour les femmes. Je salue l'opération « Masque 19 » mise en place dans les pharmacies.

Sommes-nous à la hauteur sur la place des femmes ? Non. Comme les correspondants défense, créons des correspondants violences dans les conseils municipaux. Permettre l'écoute, c'est permettre la parole.

Au-delà des quotas, ouvrons à la parité toutes les écoles de commissaires, d'officiers de police, et même l'ENA, où 80 % des élèves sont des hommes. La violence perdurera tant que nous n'aurons pas fait une place pour les femmes à tous les niveaux de l'État.

Sommes-nous à la hauteur sur la formation ? Non, quand l'éducation à la sexualité prévue par l'article L. 312-16 du code de l'éducation se résume à quelques minutes à peine. Ouvrons les vannes de l'instruction civique et de la formation à l'école !

Laurence Rossignol et Laurence Cohen ont évoqué les travaux de la délégation des femmes sur la pornographie : la réalité vous ferait tomber de votre siège. Il faut avoir le courage de décider. Une fois de plus, nous ne sommes pas à la hauteur.

Pour conclure, je salue le travail de notre délégation aux droits des femmes et de sa présidente Annick Billon, c'est un honneur d'y participer. (Applaudissements sur plusieurs travées) J'ai une pensée aujourd'hui pour les femmes afghanes : le monde ne pourra vivre sereinement tant qu'une femme sera violentée. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, CRCE, SER et UC)

Mme Élisabeth Moreno, ministre déléguée.  - Je précise à M. Chasseing que le Roc a obtenu sept places d'hébergement en 2021.

Monsieur Belin, j'aurais aimé que votre famille politique fasse oeuvre du même volontarisme, de la même ambition. (Exclamations indignées sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Laure Darcos.  - Et Aurélien Pradié alors ?

Mme Élisabeth Moreno, ministre déléguée.  - Agir contre ces drames demande de l'humilité et de la détermination, mais s'il n'y a pas de ministère aux droits des femmes, comme sous Nicolas Sarkozy, il est difficile d'en parler.

M. Bruno Belin.  - Qu'est-ce que ça vient faire là ?

Mme Élisabeth Moreno, ministre déléguée.  - Le sujet est trop grave pour être instrumentalisé. (On se récrie sur les travées du groupe Les Républicains.)

Certes, tout féminicide est un féminicide de trop, mais le chiffre baisse, grâce aux dispositifs que nous avons mis en place. En 2015, il était de 144. Il faut continuer de donner espoir à ces femmes et enfants. Je refuse la fatalité.

M. Bruno Belin.  - Je suis choqué, madame la ministre, que vous cédiez à la politique politicienne. Les plus grandes lois sociales ont été l'oeuvre de la droite : la sécurité sociale sous De Gaulle (marques d'ironie à gauche), l'IVG sous Giscard, la loi handicap sous Chirac !

Les féminicides sont votre seul indicateur, mais les 230 000 violences quotidiennes subies par les femmes sont tout aussi terribles !

Comme le dit Mme Cohen, donnez des instructions, la Chancellerie est là pour ça ! (Mme Pascale Gruny applaudit.)

Mme Sophie Taillé-Polian .  - L'année 2022 commence à peine et déjà treize féminicides... Quel décompte macabre. Soyez prudente quand vous donnez des chiffres, madame la ministre : en 2016, il n'y en avait que 109.

Les chiffres démontrent que les violences persistent. Je salue les femmes qui ont le courage de les dénoncer, dans des circonstances souvent difficiles. Grâce à elles, la prise de conscience évolue.

Personne n'affirme que le Gouvernement ne fait rien. Mais nous disons qu'il n'est pas à la hauteur de la situation. Difficile de l'être, alors que le patriarcat domine depuis des siècles. Surtout, le Gouvernement n'est pas à la hauteur de ses propres mots. Vous parlez de « grande cause du quinquennat », vous annoncez 1 milliard d'euros, mais on ne voit pas ou peu d'amélioration sur le terrain. Les associations sont en difficulté, l'hébergement ne suit pas. Vous vous mettrez vous-même en difficulté, avec vos discours. Vous suscitez la déception et la colère, alors qu'il faudrait porter une dynamique collective.

Si vous étiez à la hauteur de vos mots et de ceux du Président de la République, nous vous aurions tous soutenus ici !

La prise de conscience progresse, mais les moyens ne suivent pas. MM. Bazin et Bocquet l'ont montré dans leur rapport d'information. Le fameux milliard est très artificiel et se cantonne à des annonces, à l'image de celles de Mme Schiappa fin 2019-début 2020.

Il faut un sursaut collectif. Le prochain quinquennat doit faire de la lutte contre les violences faites aux femmes une vraie grande cause, sur le terrain, au sein des commissariats, pour la mise à l'abri, pour la protection de celles qui parlent. Les moyens, je le redis, ne sont pas là, malgré les belles paroles. (Applaudissements à gauche)

Mme Élisabeth Moreno, ministre déléguée.  - Une précision : en 2016, il y avait 157 féminicides. Les chiffres que vous avez donnés ne prennent pas en compte les partenaires hors mariage. Même si les chiffres seuls ne suffisent pas, il faut pouvoir mesurer le progrès.

Une dynamique collective, je ne demande pas mieux ! Oui, beaucoup reste à faire, madame Rossignol. Je ne manque pas d'humilité, je reconnais qu'il faut aller plus loin ; mais reconnaissez à ce Gouvernement qu'il s'est emparé de la question de manière volontariste. Il aura fait voter quatre lois en cinq ans pour protéger les victimes, et deux lois pour reconnaître la contribution économique des femmes.

Je serai attentive à vos propositions, de même que je salue le travail magistral de la délégation aux droits des femmes et de sa présidente, avec qui nous avons toujours travaillé main dans la main.

Nous continuerons à contribuer au débat public avec humilité et volontarisme.

Mme Sophie Taillé-Polian.  - Pour beaucoup d'associations, ce volontarisme est de façade. Si les droits des femmes avancent, ce n'est pas de votre fait mais grâce à la mobilisation des associations, des militantes qui portent leur parole.

Annoncer le milliard alors qu'il n'y est pas, c'est manquer singulièrement d'humilité et de décence !

Enfin, des propositions, nous vous en avons fait à chaque débat budgétaire ! Bien souvent, le Gouvernement était aux abonnés absents.

M. Éric Bocquet .  - Le CRCE a souhaité débattre de cette grande cause du quinquennat. Le 1er septembre 2021, M. Dupond-Moretti avait répondu à la délégation aux droits des femmes de l'Assemblée que beaucoup avait été fait, mais peut-être pas assez.

Le sujet des violences faites aux femmes s'est imposé dans le débat public, mais les récentes évolutions législatives souffrent du manque de moyens. Le budget de votre ministère a certes doublé, mais ses missions ont augmenté parallèlement. Sans compter qu'une partie de l'enveloppe correspond à la réallocation de crédits non utilisés. Enfin, le milliard revendiqué par le Gouvernement s'échelonne sur plusieurs exercices et près de la moitié rémunère les enseignants qui parlent d'égalité entre les sexes en classe. Il faut donc relativiser le bilan.

Je ne nie pas pour autant les progrès réalisés. Dans son rapport de novembre 2021, l'association Femmes solidaires cite la hausse du nombre de policiers et gendarmes formés et la formation des magistrats à l'accueil des femmes victimes. Elle salue le déploiement de référents violences dans les commissariats et gendarmeries, les expérimentations telles que la Maison des femmes de Saint-Denis. Mais elle note aussi la persistance de freins : peur des représailles, coût des procédures, réticences à se rendre dans un commissariat. Ainsi, seule une victime sur six porte plainte.

La police comme la justice manquent de moyens matériels et humains. Des associations participent à l'accueil avec les services de police, ce qui est cité comme un facteur d'amélioration de l'écoute de la victime. Que pensez-vous de l'intégration d'associations dans l'accueil des victimes de violence en commissariat ou gendarmerie ?

La crise sanitaire a impacté les plus précaires. Mme Michelle Gréaume avait déposé une proposition de loi pour attribuer une aide financière d'urgence aux victimes de violences conjugales, afin de faciliter leur départ du domicile : que pensez-vous de cette proposition ? (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et UC ; Mme Laure Darcos applaudit également.)

Mme Élisabeth Moreno, ministre déléguée.  - Je connais le rapport que vous avez signé avec Arnaud Bazin.

Les crédits consacrés à la lutte contre les violences faites aux femmes dépassent le budget de mon seul ministère. Une candidate à la présidentielle a dit vouloir un « vrai » milliard, mais financer la formation des policiers et magistrats à l'accompagnement des victimes, n'est-ce pas un vrai budget ? Financer la déconstruction des stéréotypes et enseigner le consentement dès le plus jeune âge, n'est-ce pas un vrai budget ? (Mme Marie-Noëlle Lienemann proteste.)

Ainsi, le milliard n'existerait pas car il se situe hors du programme 137 ? Surprenant.

Le document de politique transversale relate les budgets investis pour lutter contre ce fléau, qu'ils dépendent du ministère de la Santé, de la Justice, du Logement ou de l'Intérieur. Les crédits du 3919 sont passés de 1,5 million d'euros à 3,2 millions d'euros de 2020 à 2022.

M. Éric Bocquet.  - Il serait judicieux de s'appuyer davantage sur les associations, qui sont efficaces, notamment au moment de l'accueil. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE ; Mme Esther Benbassa applaudit également.)

Mme Annick Billon .  - Il y a beaucoup à dire et à faire sur ce sujet grave. Chaque année, 213 000 femmes sont victimes de violences de leur conjoint ou ex-conjoint ; 113 sont mortes en 2021.

Le ministre de l'Intérieur fait état d'une hausse de 57 % des violences intrafamiliales et de 82 % des violences sexuelles déclarées depuis 2017. C'est décourageant, alors que la lutte contre les violences faites aux femmes est dite « grande cause du quinquennat ».

Je remercie le CRCE et Mme Cohen de mettre en lumière cette problématique.

Les onze millions de femmes des territoires ruraux sont les grandes oubliées des financements. Notre délégation aux droits des femmes leur consacre un rapport, intitulé « Femmes et ruralités : en finir avec les zones blanches de l'égalité ». Aucune des 181 mesures de l'agenda rural ne mentionnait l'égalité femme-homme : je me réjouis que le Gouvernement s'en saisisse désormais.

Ces femmes subissent une double peine : la moitié des violences et des féminicides ont lieu dans ces territoires ruraux qui ne représentent qu'un tiers de la population ; seul un quart des appels au 3919 en émanent. Ces femmes sont plus isolées, moins informées, moins protégées. S'ajoutent des difficultés de mobilité qui compliquent les plaintes et le départ. Les acteurs locaux manquent de moyens et de coordination.

Notre délégation a formulé de nombreuses recommandations. Il faut mieux communiquer sur les dispositifs d'aide, en s'appuyant par exemple sur les pharmaciens, et varier les supports d'information : sachets de pain, boîtes postales, etc.

Nous devons améliorer les conditions d'accueil des victimes avec au moins une maison de confiance de la gendarmerie nationale dans chaque département, recruter davantage d'intervenants sociaux en gendarmerie et mieux former les accueillants.

Ensuite il faut développer l'hébergement des victimes, mais aussi des auteurs de violences pour limiter la récidive.

Enfin il faut un référent violence dans chaque conseil municipal.

Je vous sais attentive, madame la ministre. Quelle suite donnerez-vous aux 75 propositions du rapport ? (Applaudissements)

Mme Élisabeth Moreno, ministre déléguée.  - Je vous remercie pour votre énergie, madame la présidente de la délégation, et pour votre travail. Vous m'avez remis vos 75 propositions pour les femmes dans la ruralité. Avec Joël Giraud, nous nous en sommes emparés. Nous avons déjà ouvert 166 lieux d'écoute dans 69 départements, et de nombreux sites d'accueil de jour. En 2022, nous créons 41 points d'accueil dans les centres commerciaux et 103 centres d'information sur les droits des femmes et des familles (CIDFF), y compris en milieu rural, pour renforcer le maillage.

Nous avons augmenté le budget du CIDFF, et cherchons, via des appels à manifestations d'intérêt, à favoriser la lutte contre les violences familiales et conjugales, mais aussi l'entrepreneuriat des femmes, pour encourager leur autonomie financière ; 400 000 euros permettront de financer dans six régions des structures mobiles « En voiture, Simone ».

Mme Annick Billon.  - S'agissant de la grande cause du quinquennat, les résultats ne seront là que si la volonté politique est partagée par tous les acteurs et toutes les institutions. Depuis 2016 et le vote de la loi contre le système prostitutionnel, nous n'avons pas progressé !

Aujourd'hui, la parole se libère, les associations croulent sous les demandes. Il faut des moyens humains et financiers. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains, SER et CRCE)

Mme Martine Filleul .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Les chiffres apportent la réponse : non, la grande cause n'a pas été remplie. C'est la réalité crue... En 2021, encore 113 féminicides, et déjà 13 depuis le début de l'année.

Les moyens sont insuffisants. Seules 38 des 46 mesures du Grenelle des violences conjugales - les moins coûteuses - ont été mises en oeuvre. Il faut notamment plus de places d'hébergement spécialisées : 40 % des femmes qui appellent le 115 n'ont pas de réponse et seulement 16 % obtiennent une place dans un lieu d'accueil avec accompagnement spécialisé. Il manque 32 millions d'euros au budget de l'État pour répondre aux besoins et créer les 13 000 places manquantes.

Avec la libération de la parole des femmes, les associations font face à un afflux de demandes d'aide, auxquelles elles ne peuvent donner satisfaction.

La politique de prévention a été un angle mort du Grenelle, alors que l'éducation en milieu scolaire est essentielle. La plupart des établissements n'ont pas les moyens d'assurer les cours d'éducation à la sexualité et à l'égalité. Il faut améliorer la culture de la protection.

Seulement 27 % des victimes se déplacent à la gendarmerie ou au commissariat, et elles se heurtent trop souvent à un refus lorsqu'elles veulent déposer plainte. À quand le « quoi qu'il en coûte » pour lutter contre les violences faites aux femmes ? (Applaudissements sur les travées des groupeSER et CRCE ; Mme Esther Benbassa applaudit également.)

Mme Laurence Rossignol.  - Très bien !

Mme Élisabeth Moreno, ministre déléguée.  - On me reproche de donner des chiffres - mais vous commencez par-là, je dois donc y revenir. Sous le quinquennat Hollande, il y a eu 166 féminicides en 2012, 134 en 2014, 122 en 2015. Chaque victime est une victime de trop.

Il y avait 4 500 places d'hébergement, nous en avons créé 9 000 sous ce quinquennat. Le budget du ministère était de 27 millions d'euros, il est de 50,6 millions à présent. Il y avait 1 800 ordonnances de protection en 2013, contre 3 900 aujourd'hui !

Nous pouvons toujours aller plus loin, je l'admets bien volontiers. Mais nous avons accru le budget des associations. Restons factuels, reconnaissons ce qui a été accompli, et continuons d'avancer.

Mme Martine Filleul.  - Je ne reviendrai pas sur les chiffres : vos propos sont piteux. L'Espagne, elle, est exemplaire ! Notre voisin dépense 748 millions d'euros...

Mme Élisabeth Moreno, ministre déléguée.  - En cinq ans !

Mme Martine Filleul.  - Non, c'est le chiffre annuel, en cumulant l'ensemble des budgets nationaux et régionaux.

Mme Laure Darcos .  - (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC) Il est difficile de mettre en oeuvre des mesures efficaces immédiatement. Combien de rapports, de lois votées ? Notre arsenal juridique est florissant, mais les chiffres ne sont pas bons et quatorze enfants ont encore perdu la vie récemment au cours de violences conjugales et familiales. Sur les 213 000 femmes à avoir subi des violences physiques ou sexuelles, une sur cinq a porté plainte, alors que dans neuf cas sur dix elles connaissent leur agresseur.

Le nombre de demandes de protection a certes doublé depuis 2015, mais il y en a eu 27 000 en Espagne, contre 3 900 en France !

Les bracelets anti-rapprochement sont en cours de déploiement, mais il en faut plus, tout comme les téléphones grave danger remis aux victimes : moins de 2 000 téléphones en circulation à novembre 2021...

Les violences au sein du couple illustrent un rapport de domination, elles s'accumulent et s'aggravent avec le temps. Que faire quand le temps de la justice n'est pas celui de l'agresseur ?

La formation systématique des forces de l'ordre est nécessaire, pour mieux accueillir et mieux accompagner les victimes dans le parcours judiciaire. Nous prônons la création de juridictions spécialisées et des délais de jugement resserrés.

Ce n'est pas une utopie : l'Espagne a réussi à mieux prévenir, à mieux protéger et à condamner. Son arsenal juridique est plus dense, grâce à une approche globale et des moyens financiers très importants : 5 euros par habitant en France, 16 en Espagne.

Il faut nous inspirer de cet exemple, doter la justice de moyens suffisants. Il faudrait également une loi-cadre, pour mettre fin à l'éparpillement des mesures.

Ce combat est vital. Dépassons les mots, il faut des actes. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et CRCE)

Mme Élisabeth Moreno, ministre déléguée.  - Vous avez raison : 70 % des victimes n'osent pas encore déposer plainte. Certaines décèdent sans avoir jamais passé les portes d'un commissariat. Ma responsabilité est de créer des espaces de confiance, pour qu'elles parlent et ainsi sauvent leur vie. Nous avons fait un immense travail pour libérer la parole. Les dispositifs de protection et d'accompagnement sont nombreux : téléphones grave danger, ordonnances de protection, bracelets, numéros d'appel, site arretonslesviolences.gouv.fr. Je souhaiterais que la France, un jour, soit prise pour modèle.

Vous nous comparez avec l'Espagne, mais dans notre 1,3 milliard d'euros, le budget de la sécurité sociale et des collectivités territoriales n'est pas compté. Il s'agit d'un budget interministériel. Peu importe d'où vient l'argent : ce qui compte, c'est qu'il soit utile aux victimes.

Mme Laure Darcos.  - Nous savons que vous avez pris ce dossier à bras-le-corps. Mais le budget de la Justice, dans le projet de loi de finances pour 2020, avait oublié d'inscrire des crédits pour les bracelets anti-rapprochement ! C'est le Sénat qui a dû, en pleine nuit, les ajouter. Le dispositif n'est pas du tout généralisé. Il faut accélérer car tous les jours, des femmes risquent leur vie.

M. Jean-Michel Arnaud .  - (Mme Annick Billon applaudit.) Le mouvement initié depuis 2017 restera dans les annales et constituera sans doute un marqueur social fort du début du XXIe siècle.

Les violences faites aux femmes sont insupportables, pour les femmes comme pour tant d'hommes de France qui ne se retrouvent pas dans ces maltraitances.

Grande cause du quinquennat : avec quels résultats ? La prise de conscience est transpartisane, les évolutions législatives louables. Mais la question doit infuser dans toutes les politiques publiques. L'Agenda rural doit prendre en compte ces questions, comme l'a demandé le Sénat : je remercie les ministres Moreno et Giraud.

Les moyens supplémentaires annoncés ne sont pas à hauteur des enjeux. Sur 1 000 euros de dépenses publiques, 4 euros seulement pour la justice... La médecine légale est totalement absente dans certains départements, comme les Hautes-Alpes, alors qu'elle est essentielle pour juger.

Les sages-femmes et autres professionnels de santé pourraient être mieux associés à la prévention.

La dimension organisationnelle des acteurs est importante aussi. Détecter, signaler : cela appelle une coordination, un effort qui ne va pas de soi dans les administrations toujours trop verticales.

Il faudrait systématiser les permanences des CIDFF et des maisons France Services.

La raréfaction des services publics complique la lutte contre les violences faites aux femmes. Je salue celles et ceux qui aident les victimes, et j'espère que les propositions de notre rapport « Femmes et ruralité » seront prises en compte, concrètement. (Mme Laurence Cohen applaudit.)

Mme Élisabeth Moreno, ministre déléguée.  - Je vous remercie pour votre implication. Nous avons effectivement besoin que les hommes prennent le sujet à bras-le-corps eux aussi.

La justice voit son budget augmenter de 8 % cette année, ce qui n'était pas arrivé depuis bien longtemps. Grâce à cela les magistrats pourront traiter ces questions. L'aide apportée à des associations comme France victimes est passée de 6,9 à 12,2 millions d'euros en 2022.

Les mentalités changent dans tous les ministères, qui veulent tous avancer ensemble.

M. Jean-Michel Arnaud.  - Dans mon département, il n'y a pas de médecine légale. Il couvre 5 550 kilomètres : impossible d'assurer les permanences de proximité à partir du seul chef-lieu. Une bonne répartition des lieux d'accueil est à imaginer, afin que les femmes ne restent plus isolées.

Mme Elsa Schalck .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Ces violences sont un véritable fléau. Les chiffres, effrayants, traduisent autant de drames humains. La prise de conscience est désormais collective, grâce à #MeToo, à la médiatisation, à l'engagement de nombreux acteurs. La libération de la parole reste cependant fragile. Il faut que l'inacceptable soit enfin sanctionné.

Nous devons agir plus. Tant qu'une femme sera victime de violences, il faudra être à ses côtés. Les bracelets anti-rapprochement et les téléphones grand danger sont bienvenus, mais les gendarmeries et les collectivités territoriales soulignent de nombreuses difficultés. L'objectif du Grenelle n'est pas encore atteint, malgré la communication du Gouvernement.

Il faut pérenniser les moyens financiers et humains des associations. La vigilance doit être présente 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. Dans le Bas-Rhin, pour 1,2 million d'habitants, on dénombre deux intervenants sociaux en gendarmerie...

Il faut donner aux associations les moyens de leur action. Et créer une juridiction spécialisée.

Nous devons accentuer la prévention, maillon faible du Grenelle. Où en sommes-nous sur ce sujet ? De plus en plus de jeunes couples sont en proie à la violence. Il faut agir sur l'éducation.

L'accompagnement doit être spécialisé, global, social, juridique et psychologique. Il faut prendre en compte les réalités territoriales, et la demande de proximité, par exemple pour la garde d'enfants, afin de pouvoir se rendre au tribunal. Les élus, notamment dans les territoires ruraux, doivent être formés à mieux détecter, car ils sont souvent en première ligne.

Voilà ce qui ressort de mes échanges avec les acteurs du Bas-Rhin. Le combat doit être permanent, collectif, à la hauteur de ce terrible fléau.

Mme Élisabeth Moreno, ministre déléguée, chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l'égalité des chances .  - Certains combats exigent autant d'humilité que de détermination, ils nous imposent de dépasser les clivages transpartisans et l'instrumentalisation à des fins politiques.

Ce fléau tue ; nous devons faire preuve de la plus grande exemplarité. Nous le devons aux victimes, aux associations, à nos concitoyens. Si le Gouvernement s'est investi comme jamais, le travail législatif a lui aussi été précieux et je vous en remercie.

Nous avons pu avoir des divergences de vues, mais soyons fiers d'avoir oeuvré collectivement pour mieux protéger les victimes.

C'est ainsi que je vois l'action politique, loin des polémiques stériles. Je crois en la coconstruction et au débat entre Parlement et Gouvernement, entre majorité et oppositions.

Longtemps tues, cantonnées à la rubrique des faits divers, les violences conjugales et intrafamiliales sont désormais au coeur du débat public, et c'est tant mieux. La loi du silence s'est brisée.

Avec la libération de la parole sur les réseaux sociaux, le travail acharné des associations et la mobilisation des élus, de plus en plus de victimes parlent et la société ouvre les yeux. Enfin ! Mais cette transformation culturelle est longue. Je voudrais, comme vous, l'accélérer.

Ces violences ignorent les frontières géographiques, sociales ou culturelles. Il faut des myriades d'acteurs pour les combattre : forces de l'ordre, professionnels de santé et de la justice, travailleurs sociaux et associations.

C'est un combat interministériel, que nous avons érigé en grande priorité. Beaucoup de nos voisins nous envient cette initiative.

Vous avez cité l'exemple de l'Espagne, qui a commencé ce travail il y a quinze ans. Et pourtant, mon homologue espagnole, Irene Montero, que j'ai rencontrée en juillet 2021, m'a dit que le « terrorisme familial », comme elle le désigne, existe toujours. Cela nous impose l'humilité.

Je m'accroche à notre ambition. Nous avons étendu les horaires du 39 19, doublé le budget de mon ministère, déployé les instruments de protection, doublé le nombre d'enquêteurs sur les violences intrafamiliales et augmenté le nombre d'intervenants sociaux dans les gendarmeries et commissariats. Une expérimentation est en cours pour que les victimes puissent porter plainte partout où elles se sentent en confiance. Avec Olivier Véran, nous avons mis en place la prise de plainte à l'hôpital et le recueil de preuves sans plainte.

Je pense aussi aux trente centres de prise en charge des auteurs de violences, car cette prise en charge permet de lutter contre la récidive.

Autant de mesures concrètes qui ont fait leurs preuves.

Le combat pour éradiquer les violences faites aux femmes est un combat de civilisation. Si le nombre de féminicides a baissé depuis quinze ans, si les victimes se signalent plus qu'hier. Le combat n'est pas terminé.

Oui, nous pouvons aller plus loin, améliorer les dispositifs et pratiquer la tolérance zéro sur les manquements.

Mais les victimes doivent surtout savoir qu'il n'y a pas de fatalité. Des vies sont sauvées tous les jours. Nous arriverons à éradiquer ce fléau dans notre pays. (Applaudissements sur les travées du RDPI et du RDSE ; Mme Laurence Rossignol applaudit également.)

Mme Laurence Cohen, pour le groupe CRCE .  - Merci, madame la ministre, d'avoir joué le jeu démocratique et d'avoir pris le temps de répondre à chaque intervention. Nous partageons beaucoup de choses, même si nous avons des désaccords.

Merci à nos collègues de tous les bancs pour leurs interventions argumentées : il est important d'avoir un tel consensus, c'est ainsi que l'on progresse. (Applaudissements ; Mme la ministre applaudit également.)

Oui, du chemin a été parcouru depuis 22 ans. D'autres lois ont été votées. Mais ma collègue a raison : attention à l'écart entre la loi et la réalité.

Dans le Val-de-Marne, une femme a été pendant plusieurs années séquestrée et violée par son ex-compagnon. Une petite fille est née et elle l'a élevée seule. Sa plainte a été perdue, classée sans suite. Un juge la condamne à présent pour non-présentation de l'enfant, avant de la lui retirer, à l'âge de 10 ans, pour la confier au géniteur violeur. (Marques d'indignation)

Voici un exemple de ce que je dénonce.

Mme Laurence Rossignol.  - Il y a hélas plein d'exemples !

Mme Laurence Cohen.  - Un groupe d'experts du Conseil de l'Europe sur la violence domestique a publié un rapport en 2019 : il décrit les améliorations nécessaires pour que la France respecte la convention d'Istanbul, en ouvrant des hébergements d'urgence, en améliorant la réponse pénale et le suivi judiciaire.

Françoise Héritier disait que la violence n'est pas innée, mais acquise. Je sais que vous partagez cette analyse : il faut une éducation non sexiste dès le plus jeune âge avec des cours obligatoires en partenariat avec les associations féministes.

Pendant la crise sanitaire, le Gouvernement a su trouver 400 milliards d'euros. Quand on a la volonté politique, on y parvient !

Pour une « grande cause nationale », cela aurait du sens d'atteindre le milliard d'euros que les associations, et nous avec elles, vous demandons. Il faut aussi une loi-cadre pour une vision globale.

Nous devons mener le combat pour l'égalité sur tous les terrains, privé et public. « La tolérance institutionnelle de la violence domestique crée une culture de l'impunité qui contribue à normaliser la violence publique infligée aux femmes », a écrit Silvia Federici. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et du RDSE ; Mmes Esther Benbassa et Pascale Gruny applaudissent également.)

La séance est suspendue quelques instants.

Opportunité et efficacité des aides versées au titre du plan de relance dans le cadre de la crise sanitaire

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle le débat sur l'évaluation de l'opportunité et de l'efficacité des aides versées au titre du plan de relance dans le cadre de la crise sanitaire, à la demande du groupe SER.

M. Christian Redon-Sarrazy, pour le groupe SER .  - Franck Montaugé, empêché, devait s'exprimer : je reprends ses propos. Nous avons proposé ce débat dans un contexte de crise et de finances publiques dégradées.

René Char écrivait : « Ne t'attarde pas à l'ornière des résultats. »

Les crédits d'urgence ont été efficaces ; l'impact de la crise sanitaire sur l'emploi et la trésorerie des entreprises a été limité. Mais la seule étude dont nous disposons est insuffisante.

Le PIB reste inférieur à celui de 2019 et le déficit commercial est historique. Notre compétitivité s'est dégradée par rapport à celle de nos voisins.

Le comité d'évaluation de la relance souligne que les objectifs de moyen terme, la transformation de l'industrie ou la décarbonation, sont passés au second plan. Et les enveloppes ont été distribuées sans critères d'examen communs.

Attention au trou d'air en 2022. Malgré l'ultracommunication du Gouvernement, l'économie française reste dans une situation difficile. Deux secteurs sont toujours en berne : l'aéronautique et l'automobile. Pour le premier, la demande est limitée ; le second fait face à une crise de l'offre et les chaînes de production doivent être transformées pour l'électrique. Les pénuries - de semi-conducteurs par exemple - rendent la production industrielle vulnérable. Comment le Gouvernement compte-t-il réduire notre dépendance aux importations ?

Tandis que les prix de l'énergie explosent, le Gouvernement procrastine et remet en question le futur du groupe EDF. Drôle d'ambition que d'affaiblir un groupe à qui nous devons une grande part de la compétitivité de nos entreprises depuis 75 ans ! (M. Olivier Jacquin renchérit.) Quelle est la vision du Gouvernement, s'il en a une ?

Pas moins de 44 % des entreprises peinent à trouver des employés. Quelle politique de revalorisation salariale allez-vous mener ?

Le Gouvernement fait comme si la reprise était acquise. Pas d'abondement de dispositifs du plan de relance qui ont pourtant fait leurs preuves, pas de crédits nouveaux, aucune politique de gestion prévisionnelle des emplois, alors que la mutation technologique est puissante.

Après les programmes des investissements d'avenir, PIA3, PIA4, après France Relance, voici France 2030... On n'attend même plus qu'un plan soit exécuté et évalué pour en présenter un nouveau, de 100 milliards d'euros, en grande partie non budgétisés.

La Cour des comptes critique cette façon de faire. Mais pourquoi se priver d'un chèque en blanc de 34 milliards d'euros, introduit par amendement, sans étude d'impact ? Huit des dix actions de France 2030 sont déjà au PIA4, annoncé il y a un an mais non encore déployé.

Ces choix traduisent un manque d'anticipation. Vous financez toujours les mêmes secteurs. S'agirait-il pour le Gouvernement de se préparer une réserve de dépenses en période préélectorale ?

Le montant de la relance ne doit pas faire tourner les têtes.

Il faut voir plus loin, avoir une vision stratégique de réindustrialisation, peser sur les discussions européennes pour garantir un retour sur investissement de notre production nucléaire et plus largement de notre mix énergétique, et viser une compétitivité durable.

Le comité de suivi de la relance juge insuffisant l'impact environnemental des mesures.

Quelles leçons le Gouvernement a-t-il tirées du plan de relance ?

René Char engageait à conduire le réel jusqu'à l'action. Le réel, c'est la place de la France qui a reculé dans le monde. Pour l'action, il faudra bien plus que le plan de relance. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée, chargée de l'industrie .  - Je ne reviendrai pas sur les mesures d'urgence, me concentrant sur le plan de relance, conçu comme un instrument stratégique pour les transitions, la résilience et la compétitivité.

Comprenant 100 milliards d'euros, dont 40 milliards financés par l'Union européenne, il a été construit en un temps record. Merci au groupe SER de me donner l'opportunité d'en faire le bilan.

Notre méthode privilégie le collectif : nous n'avons cessé de consulter pour construire une vision stratégique. Le plan de relance est l'aboutissement de plus d'un an de concertation avec les syndicalistes, les élus, les industriels, les filières, les experts académiques. C'est ce qui nous a permis d'aller aussi vite.

Le suivi par le Conseil national du suivi de la relance, relayé par des comités départementaux et régionaux animés par les préfets, nous a permis d'améliorer sans cesse les dispositifs - par exemple, en simplifiant les dossiers de demande d'aides industrielles fin 2020 - et de redéployer la ressource là où elle était plus efficace.

Notre objectif était très clair : augmenter la croissance potentielle de notre pays et anticiper les mutations technologiques.

Nous avions fixé avec Bruno Le Maire l'objectif que 70 % soit engagé en 2021 ; finalement, nous avons réalisé 72 %.

Nous avons trois priorités stratégiques : 25 milliards d'euros ont été alloués à la transformation écologique, 20 milliards d'euros à la compétitivité et à la reconquête industrielle, 26 milliards d'euros à la cohésion sociale et territoriale.

Après seize mois de déploiement, où en sommes-nous ? Nous avions dit que l'efficacité de France Relance se mesurerait à l'aune de la croissance, de l'emploi et de la réalisation de nos grands objectifs - amélioration de l'offre française, décarbonation, renforcement des qualifications, notamment.

Avec une croissance de 7 % en 2021 selon l'Insee, l'objectif est atteint. Le niveau d'activité d'avant-crise a été retrouvé dès la fin du troisième trimestre de 2021 ; nous sommes le premier pays européen à y être parvenu.

Quant à l'emploi, il a renoué avec son niveau d'avant-crise dès le deuxième trimestre. Au total, un million d'emplois ont été créés sur le quinquennat, et notre taux d'emploi est au plus haut depuis cinquante ans.

Au-delà de la dimension conjoncturelle, France Relance vise à répondre à nos défis structurels : transition écologique et décarbonation, reconquête industrielle, renforcement des qualifications.

Notre industrie se décarbone. Nous encourageons la réduction des émissions de gaz à effet de serre, notamment dans les secteurs fortement émetteurs que sont la métallurgie, le ciment et la chimie lourde, ainsi que l'investissement dans l'innovation bas-carbone. Plus de 140 projets de décarbonation ont déjà évité l'émission de 2,8 millions tonnes de carbone.

Notre désindustrialisation était la conséquence de trente ans de capitulation. Nous avons lancé la reconquête. Pour la première fois depuis 2000, nous avons créé des emplois industriels !

Plus précisément, nous avons financé 10 600 projets, autour de quatre priorités : décarbonation, modernisation des chaînes de production, innovation et relocalisation.

À plus de 90 %, ces mesures bénéficient à nos TPE, PME et ETI. Nous avons ainsi créé ou protégé 230 000 emplois industriels.

Grâce aux 2 millions d'euros consacrés aux primes à l'embauche, 720 000 jeunes étaient en apprentissage en 2021, contre 300 000 en 2017.

Même s'il faut continuer à conforter notre économie, France Relance est donc un succès. D'autant que nous sommes les plus avancés en Europe dans la mise en oeuvre de notre stratégie de relance.

S'agissant enfin de la balance commerciale, c'est le rebond de la croissance qui, par un mécanisme macroéconomique bien connu, tire les importations. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Mme Sylvie Robert .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Dans le rapport d'information que j'ai signé avec Sonia de La Provôté, nous insistons sur la nécessité d'un accompagnement de long terme pour conforter le monde de la culture, en particulier le spectacle vivant.

En décembre dernier, le rétablissement des jauges et l'interdiction des concerts debout ont de nouveau fragilisé un secteur qui n'en avait pas besoin. La reprise est timide, le retour du public compliqué. Dans ce contexte, le signal envoyé n'était pas le bon. Non, les lieux de culture ne sont pas des lieux à risque !

L'aide coûts fixes ne bénéficie pas aux associations, nombreuses dans ce secteur. En outre, les embauches que nécessite la mise en oeuvre du passe vaccinal ne font l'objet d'aucune compensation.

Quelles mesures efficaces allez-vous prendre pour accompagner le secteur de la culture dans la durée ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée.  - La culture est une priorité du Gouvernement. Nous l'avons d'ailleurs soutenue plus fortement que beaucoup d'autres pays.

Au total, 12 milliards d'euros ont été mobilisés durant la crise sanitaire, en tenant compte de la prolongation de l'année blanche pour les intermittents. Il faut y ajouter 2 milliards d'euros au titre du plan de relance.

Presque toutes les rénovations de monuments n'appartenant pas à l'État ont bénéficié de la relance, et les mesures de soutien ont atteint plus de 8 000 bénéficiaires. Au titre de France 2030, 600 millions d'euros supplémentaires sont prévus.

Dans votre département, France Relance soutient trois projets patrimoniaux : cathédrale Saint-Pierre de Rennes, abbatiale de Redon, ancienne cathédrale de Dol-de-Bretagne.

Enfin, je vous confirme que l'aide coûts fixes sera étendue aux associations.

Mme Sylvie Robert.  - Dans notre rapport, nous annoncions que 2022 serait une année compliquée pour le spectacle vivant. C'est bien le cas. Il faut impérativement préserver ce tissu auquel nous tenons tous.

M. Xavier Iacovelli .  - Dès le premier confinement, le Gouvernement a fait le choix d'un soutien massif à notre économie, avec l'activité partielle, les prêts garantis par l'État et le fonds de solidarité. Notre économie a tenu.

Ce n'est pas assez, soutiennent certains ; vous cramez la caisse, prétendent les autres. Pourtant, les faits sont là : en sortie de crise, notre taux d'emploi est historiquement élevé.

France 2030 s'organise autour de l'écologie, la compétitivité et la cohésion sociale. Les fruits en sont bien visibles, comme le nombre record d'apprentis : 718 000 ! Je pense aussi à l'accompagnement à la transition numérique.

Le « quoi qu'il en coûte » a préservé l'emploi, et le plan de relance s'inscrit dans sa continuité. Comment le Gouvernement compte-t-il continuer de renforcer la confiance et de construire la France de 2030 ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée.  - La politique du Gouvernement s'est déclinée sur trois niveaux d'intervention.

D'abord, l'amortissement de la crise, pour protéger nos emplois, nos compétences et nos outils de production. Contrairement aux mesures d'urgence prises en 2008-2009, les nôtres débouchent sur un rebond de la croissance et de l'emploi.

Ensuite, l'accompagnement des transformations : rénovation thermique, électrification, par exemple. Qui aurait imaginé il y a quelques mois que les entreprises auraient des difficultés à recruter ?

Enfin, la construction des filières industrielles de demain : hydrogène bas-carbone, aéronautique à faible émission, filière intégrée des batteries, santé.

Cette stratégie complète renforcera notre croissance potentielle.

M. Claude Malhuret .  - À l'heure où les milliards dopent la relance partout dans le monde, il est sain que le Parlement veille au bon usage de l'argent public. Mais quels sont les objectifs à atteindre, et dans quel délai ? C'est là que se font jour les divergences politiques.

Dans bien des cas, l'opportunité et l'efficacité des aides ne posent pas problème. Les principaux indicateurs sont d'ailleurs au vert : croissance de 7 %, taux d'emploi de 65 %, niveau record d'apprentis.

En revanche, pour les aides allouées aux collectivités territoriales, les indicateurs de performance sont moins évidents. Lesquels retenez-vous pour ces aides, notamment celles liées à la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée.  - Les critères de sélection pour la DSIL Relance sont tournés vers l'accélération de la transition écologique et la résilience sanitaire.

En matière de rénovation thermique et énergétique, les projets sont fléchés vers l'efficacité énergétique, facilement mesurable, et l'impact sur la relance, c'est-à-dire une activation dans un délai réduit.

Le soutien de France Relance aux collectivités territoriales se monte à plus de 10 milliards d'euros. Dès 2020, l'État a compensé plus de 8 milliards d'euros de pertes aux collectivités territoriales. En outre, 3,5 milliards d'euros sont consacrés à l'accompagnement des projets spécifiques : friches, transports, très haut débit.

M. Serge Babary .  - Le plan de relance a assuré une continuité indispensable dans les aides aux entreprises. À quel prix ? Au prochain Président et à son gouvernement de répondre - et à leurs successeurs, vu l'ampleur de la dette...

Les entreprises étant sous perfusion, les défaillances ont temporairement chuté, avant de repartir à la hausse ; cette tendance se confirme en 2022. On ne pourra apprécier l'utilité des aides qu'à moyen terme.

Comme je l'ai maintes fois signalé, les TPE et PME se plaignent d'une application trop stricte des critères d'éligibilité et de différences de traitement non justifiées. Il faut traiter au cas par cas et en urgence la situation d'entreprises saines prisonnières de critères inadaptés.

Je déplore aussi le manque de transparence dans l'attribution des crédits de France Relance.

Enfin, la croissance atteint certes 7 % en 2021, mais après une récession de 8 % l'année précédente : il faut donc relativiser...

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée.  - À propos des difficultés de trésoreries d'entreprises n'entrant pas dans les critères, je rappelle que le dispositif d'accompagnement de droit commun a été simplifié, sous l'égide du médiateur du crédit. Dans ce cadre, des étalements de dette sont possibles.

S'agissant de la croissance, je répète que nous avons retrouvé le niveau d'avant-crise dès le troisième trimestre de 2021.

Sur les choix d'attribution des crédits, des comités d'évaluation étudient l'impact des projets, en toute transparence. Territoires d'industries a travaillé avec les régions et BPI France pour s'assurer du sérieux du porteur de projet et du business plan.

Mme Sophie Taillé-Polian .  - Le Gouvernement a dépensé 400 milliards d'euros pendant la crise, soit 20 % du PIB. Résultat : le PIB est revenu à 1,6 % sous son niveau de 2019. La performance est limitée...

Selon la Direction de l'animation, de la recherche, des études et des statistiques (Dares), le nombre de chômeurs est de plus de 5 millions, le même qu'en 2017. Si le taux baisse, c'est parce que la population active augmente.

Au surplus, les nouveaux emplois sont précaires ou financés par l'État avec un effet d'aubaine : avec « un jeune, une solution », l'apprentissage est gratuit pour les entreprises. Jusqu'à quand ? Juin 2022... La chute risque d'être rude.

Beaucoup d'entreprises ont certes été créées, mais ce sont en grande majorité des microentreprises, dont la moitié ne survit pas.

Votre relance n'est donc pas pérenne !

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée.  - Vous soutenez l'insertion des jeunes, mais vous vous offusquez que nous soutenions l'apprentissage... On ne reste évidemment pas apprenti toute sa vie. Le taux d'insertion en sortie d'apprentissage est très élevé. Il s'agit donc bien d'une mesure durable.

Cette réussite en matière d'apprentissage bénéficie aussi aux personnes en situation de handicap, sans limite d'âge.

Notre taux d'emploi est le plus élevé depuis cinquante ans ! Certes, il reste plus faible qu'en Allemagne : continuons à progresser.

Le nombre de CDI a progressé, preuve que votre vision est partielle. Nous commençons à faire reculer notre chômage structurel, très élevé.

Mme Sophie Taillé-Polian.  - Il faut une conditionnalité sociale des aides, au service d'emplois durables !

M. Fabien Gay .  - Prêts garantis, plan de relance, France 2030 : il s'agit toujours d'argent public et nous avons un droit de regard sur ces aides.

Les très grandes entreprises ont toutes été aidées depuis deux ans. Avec quelle conditionnalité ?

J'ai posé la question à M. Duffourcq, directeur général de BPI France, sur les prêts garantis par l'État. Il m'a renvoyé vers le directeur général du Trésor. J'ai donc posé la question à ce dernier : il a bafouillé que les entreprises ne devaient pas avoir de liens avec les paradis fiscaux et, pour le reste, m'a renvoyé vers le ministre.

À votre tour de me répondre, donc ! Je suis disponible pour venir 24 ou 48 heures à Bercy examiner les dossiers de prêts signés par M. Le Maire et les critères exigés...

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée.  - Dans le cadre du plan de relance, 90 % des mesures ont été assorties de contreparties. Par convention, les aides peuvent être remboursées si les projets ne sont pas correctement exécutés.

M. Fabien Gay.  - Mais bien sûr...

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée.  - Le chômage partiel a financé le maintien de l'emploi.

Pour Air France, par exemple, les aides ont été conditionnées à une politique de dividendes et à des engagements de décarbonation.

Rappelons enfin que le PGE n'est pas une aide d'État : si l'entreprise rembourse, l'État n'a pas dépensé d'argent.

M. Fabien Gay.  - À Saint-Nazaire, où j'étais récemment, les ouvriers détachés sont maltraités par le patronat, alors que les chantiers vont toucher plus de 1 milliard d'euros.

Vous parlez d'Air France : ce sont 7 500 postes supprimés ! Renault en supprime le double, dont 5 000 en France.

Il est essentiel de prévoir une conditionnalité sociale !

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée.  - Sans les PGE, les entreprises auraient déposé le bilan, avec plusieurs dizaines de milliers d'emplois perdus. Notre boussole, c'est l'emploi.

M. Fabien Gay.  - Accor Invest : 477 millions d'euros de prêts et 1 880 suppressions d'emploi. Lagardère : 465 millions d'euros et de nombreuses antennes locales mises à mal. Galeries Lafayette : 300 millions d'euros et 177 postes en moins. Où est passé l'argent ? En tout cas, pour ces entreprises, pas dans le maintien de l'emploi en France.

M. Jean-Marie Mizzon .  - Un fonds de 100 millions d'euros a été créé pour des pistes cyclables sécurisées.

Selon le réseau Vélo & Territoires, la pratique cycliste progresse, avec des disparités territoriales. Mais le nombre de cyclistes tués augmente aussi, de 20 %.

Ne faudrait-il pas redéployer des crédits pour l'aménagement de pistes cyclables et la réfection de la voirie communale ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée.  - France Relance consacre 200 millions d'euros au vélo, dont 100 millions dans le cadre de la DSIL Vélo.

Les résultats sont là : 13 000 kilomètres de pistes en plus. Nous veillons à ce qu'elles soient sécurisées, pour faire mentir la triste statistique que vous avez mentionnée.

M. Jean-Marie Mizzon.  - Votre réponse me satisfait sur le plan intellectuel, mais sur ce plan seulement. Dans les faits, les dotations sont trop faibles au regard de l'objectif de triplement du nombre de cyclistes. La DSIL finance tellement de choses que, à la fin de l'année, il ne reste rien pour le vélo.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée.  - Je parlais bien d'une DSIL spécifique au vélo.

M. Jean-Marie Mizzon.  - De manière générale, la DSIL ne suffit pas à couvrir les besoins. Mesurez-vous l'ampleur de ceux-ci ? De nombreuses collectivités veulent agir, par exemple pour assurer une meilleure cohabitation entre les usagers de la voie publique. Il faut redéployer des crédits pour les soutenir.

Mme Guylène Pantel .  - Grâce aux aides accordées, notre pays connaît une sortie de crise exceptionnellement rapide. Mais cette reprise a une contrepartie : l'inflation.

Selon l'Insee, elle atteint 18,6 % à la fin de 2021. L'envolée des carburants, en particulier, atteint des niveaux jamais vus ; et ce n'est pas terminé...

Pourquoi le plan de relance ne prévoit-il rien pour développer des solutions de mobilité dans les zones rurales et hyperrurales, particulièrement touchées par cette situation ? Pour leurs habitants, c'est la double peine : éloignement des services publics et dépendance à la voiture.

Actuellement, l'aide à la mobilité du quotidien ne concerne que les métropoles, puisqu'elle vise les transports en commun en site propre. Le monde rural ne doit pas en rester être exclu !

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée.  - En effet, l'inflation est là, mais inférieure aux niveaux constatés dans nombre d'autres pays, en Europe et dans le monde. Les dispositifs que nous mettons en place pour la contenir fonctionnent.

En matière de carburants, nous sommes dépendants des marchés mondiaux. La seule solution est d'aller vers l'électrique. D'où les aides à la conversion et le déploiement de bornes.

Nous prévoyons 450 millions d'euros pour les transports publics en site propre et 150 millions d'euros pour le vélo.

Nous accompagnons aussi les Français avec le chèque inflation, de 100 euros pour 38 millions d'entre eux.

M. Patrice Joly .  - Un des points phares du plan de relance est la baisse des impôts de production, pour 20 milliards d'euros sur deux ans. Le tout sans aucune contrepartie en matière d'emploi, de responsabilité sociale ou de transition écologie.

Cette baisse profite notamment aux entreprises les plus aisées. Aucune nouvelle ressource n'étant levée, elle est intégralement convertie en dette.

Il faudra trouver des dizaines de milliards d'euros, surtout si l'on veut, comme le Gouvernement l'annonce, ramener le déficit sous les 3 %. Va-t-on vers des plans d'austérité, comme après la crise de 2008 ? Prévoyez-vous de baisser les dépenses publiques ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée.  - Nos impôts de production étaient sept fois plus élevés qu'en Allemagne et trois fois plus que dans la moyenne des pays européens...

Cette fiscalité empêchait nos entreprises d'investir. Ce qui explique sans doute largement notre différentiel de taux de marge avec l'Allemagne, avec ses conséquences sur l'emploi.

Nous assumons de baisser la fiscalité pour les ménages comme pour les entreprises. Plus d'emploi, ce sont plus de cotisations sociales, plus d'impôts qui alimentent le budget de l'État.

J'ajoute que 60 % de ces baisses bénéficient à l'industrie, qui ne représente que 10 % de notre activité.

M. Patrice Joly.  - Le Gouvernement se flatte que la France attire les investissements étrangers. C'est donc que nos impôts ne sont pas rédhibitoires... Je pense au contraire qu'ils financent des dépenses dont les entreprises profitent aussi, notamment dans la santé, l'éducation et les infrastructures.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée.  - En 2017, notre niveau d'impôt était l'un des plus élevés de l'OCDE, sinon le plus élevé. Nous avons baissé les impôts de 52 milliards d'euros, pour les ménages et pour les entreprises à parité. Grâce à cette politique, nous avons accueilli en 2020 plus de projets industriels que l'Allemagne, l'Espagne et le Royaume-Uni réunis.

M. Patrice Joly.  - La France est attractive depuis des années. Le niveau de nos prélèvements obligatoires ne posait pas problème. Au contraire, la dépense publique contribue à un environnement propice au développement des entreprises.

Mme Catherine Belrhiti .  - Les entreprises victimes de restrictions ont encore besoin d'aide. Or les trois quarts de ces aides étaient des prêts.

Le secteur de la restauration et de l'hébergement reste en danger : une entreprise sur dix est insolvable, quatre sur cinq ont subi un choc de trésorerie. Nombre de ces entreprises ont contracté des PGE, qu'il va falloir rembourser. Comment le Gouvernement compte-t-il les soutenir ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée.  - Au total, 697 000 entreprises ont souscrit un PGE. L'encours se monte à 143 milliards d'euros.

Nous estimons le risque de défaut à 3,8 %. C'est une bonne nouvelle, car ce taux est faible.

Il faudra accompagner les entreprises qui ont le plus de difficultés. Les TPE, les moins armées, pourront bénéficier d'un étalement sur dix ans et d'un report du début du remboursement à la fin de 2022. Le médiateur du crédit pourra leur obtenir un étalement sans passer par le tribunal de commerce.

Concrètement, un restaurateur dont l'entreprise est économiquement viable peut appeler son correspondant du côté de l'État pour étaler son remboursement sur dix ans.

Mme Catherine Belrhiti.  - Il faut agir, car les défaillances risquent de se multiplier en 2022.

M. Jean-Michel Arnaud .  - Dans les Hautes-Alpes, le plan de relance atteint 106 millions d'euros. C'est fort intéressant, mais j'attire votre attention sur les clubs sportifs professionnels, en grande difficulté.

Je pense à nos deux clubs professionnels de hockey sur glace. Les Diables rouges de Briançon accusent une perte de recette de 237 000 euros, soit presque un quart de leur budget.

Les compensations sont fondées sur l'excédent brut d'exploitation. Alors que les trésoreries des clubs sont mises à mal par les remboursements de PGE, ne pourrait-on moduler l'étalement selon les pertes de recettes ? Cela garantirait une certaine visibilité.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée.  - Les dispositifs de compensation des recettes de billetterie représentent 210 millions d'euros.

Nous nous fondons sur l'excédent brut d'exploitation - le chiffre d'affaires moins les charges -, parce qu'il correspond à la trésorerie avant investissement. C'est le moyen d'être au plus près des besoins des clubs.

M. Olivier Jacquin .  - Certains s'interrogent sur les milliards du plan de relance, déclarant même que le Président de la République « cramerait la caisse » au nom du « quoi qu'il en coûte ». Ce n'est pas le cas ce soir et tant mieux.

Je salue les investissements majeurs dans le ferroviaire : 35 milliards d'euros de désendettement de la SNCF - même si vous y avez été contraints par la transformation en société anonyme - auxquels vous avez ajouté 5 milliards d'euros via le plan de relance. Mais ce n'est ni suffisant, ni cohérent.

En 2017, le Président de la République avait annoncé qu'il favoriserait les transports du quotidien, ce qui s'est traduit en 2019 dans la programmation financière de la loi d'orientation des mobilités (LOM). Mais patatras ! En juillet, de nouvelles lignes à grande vitesse (LGV) sont annoncées, certes nécessaires, mais non financées, et en novembre nous apprenons que SNCF Réseau, étranglée par un plan d'investissement impossible, devra augmenter les péages de train de 30 % à échéance 2030, sans tenir compte de la crise sanitaire ou climatique.

Il manque 1 milliard d'euros. Que comptez-vous faire ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée.  - Je vous remercie de saluer l'effort du Gouvernement en faveur du ferroviaire, pour décarboner les transports et répondre aux besoins du quotidien.

Il y a 35 milliards d'euros de dette repris par l'État, mais aussi 4,7 milliards d'euros consacrés aux lignes du quotidien, non remises en cause.

M. Olivier Jacquin.  - Ce n'est pas assez !

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée.  - C'est d'une autre nature que le plan de relance.

J'étais hier dans le Pas-de-Calais avec le Président de la République, qui y a annoncé des crédits complémentaires pour désenclaver le bassin minier. Voilà une réponse concrète.

Je ne vous rejoins pas dans votre analyse.

M. Olivier Jacquin.  - Vous ne me répondez pas. Il n'y a toujours pas de modèle économique pour le ferroviaire, alors que l'avion a été largement soutenu. Le ferroviaire est maintenu la tête sous l'eau. Le plan de relance agit en primitif, comme dit René Char, mais lui-même dit qu'il faut prévoir en stratège. Tel n'est pas votre cas ! (M. Olivier Jacquin proteste car Mme la ministre ne souhaite pas lui répondre.)

Mme Christine Lavarde .  - Dans l'étude d'impact du projet de loi de finances pour 2021, la direction générale du Trésor évaluait le coût de la tonne de CO2 évitée à 320 euros, avec 32 milliards de dépenses favorables à l'environnement. Le Haut Conseil pour le climat critiquait cependant cette donnée.

J'ai fait un rapide calcul de pointage, retenant 56 grammes de CO2 par kilowattheure électrique. En l'appliquant aux travaux de bâtiment sur le premier semestre 2021 pour MaPrimeRénov', j'atteins 9 500 euros par tonne de CO2 évitée. Une entité publique que j'ai interrogée estimait à 800 euros la tonne de CO2 évitée.

La Cour des comptes, dans son rapport de septembre 2021, insistait sur l'équilibre entre ambition quantitative et résultat qualitatif. Communiquerez-vous sur le coût de la tonne de CO2 évitée ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée.  - Nous travaillons sur les économies d'énergie, passant d'économies de 3,9 mégawattheures par an et par logement à plus de 5 désormais.

De plus, 2,8 millions de tonnes ont été évitées dans l'industrie. Le prix est différent d'un secteur à l'autre et dans celui-ci, on est largement en dessous de 100 euros.

Oui, nous avons une approche économique.

Mme Christine Lavarde.  - Quels sont vos méthodes et outils ? Quelque 80 % des véhicules vendus au premier semestre 2021 ont été fabriqués hors de France, avec un mix énergétique moins bon. La baisse des émissions ne doit pas être compensée à la fabrication.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée.  - Je vous renvoie au contrat stratégique de la filière automobile, avec 1 milliard d'euros consacré aux relocalisations. Je ne vais pas choisir à la place des Français, mais avec l'ajustement carbone aux frontières au niveau européen et les travaux sur les filières électriques, oui, on combine économie et décarbonation.

Durant les années où votre majorité gouvernait, l'empreinte carbone de notre pays a crû de 17 % avec des pertes d'emplois industriels.

Mme Christine Lavarde.  - Une piste d'évaluation : le décret du 23 avril 2021 supprime la possibilité de communiquer les données des propriétaires réalisant les travaux de rénovation. Les services statistiques du ministère pourront-ils, dans ces conditions, réaliser les enquêtes nécessaires pour chiffrer ce coût de la tonne de CO2 évitée ?

C'est crucial pour le suivi de nos objectifs bas carbone européens « Fit for 55 ».

Mme Pascale Gruny .  - Le plan de relance ambitionne de relancer l'investissement public local avec 10,5 milliards d'euros destinés aux collectivités territoriales, mais il intègre des dépenses très diverses.

Les 4,2 milliards d'euros compensant les pertes de recettes liées à la crise sanitaire sont très insuffisants face aux pertes financières de 7,5 milliards d'euros en 2020.

Le plan de relance agglomère 113 mesures fourre-tout, incluant l'hébergement d'urgence des migrants en Île-de-France, le replantage de haies ou la climatisation des théâtres. Des crédits de relance vont rénover le Grand Palais ou financer les Jeux Olympiques de 2024.

Le plan de relance ne couvre-t-il pas des dépenses de fonctionnement, pour les minorer artificiellement ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée.  - Le plan de relance a trois objectifs : décarbonation, compétitivité, emploi et cohésion sociale. Dans ces trois cas, on ne trouve que des investissements. J'y inclus les dépenses de capital humain, avec l'apprentissage, l'alternance et la formation, qui ont des retombées importantes de croissance potentielle et de lutte contre le chômage structurel, au plus bas depuis dix ans.

Ce sont bien des mesures structurelles. Les travaux dans les bâtiments publics participent aussi, classiquement, à une relance de l'économie. Si nous n'avions pas pris ces mesures, l'investissement, public et privé, ce serait effondré. Cela nous aurait fait prendre du retard.

Les grands chapitres ont peu été remis en cause, ni par le comité Coeuré ni par le Conseil national.

Mme Pascale Gruny.  - La crise sanitaire n'est pas structurelle. Or il manque de l'argent pour les communes, qui investissent via les entreprises locales. Pour le département de l'Aisne, le coût de la crise est de 8,2 millions d'euros, dont 7,4 millions de reste à charge. Le centre de vaccination de Saint-Quentin a coûté 953 000 euros, dont 660 000 euros de reste à charge. Cela aurait dû être inclus dans le plan de relance.

M. Vincent Segouin .  - Le plan de relance d'octobre 2020, voté à la hâte, n'a pas été accompagné d'une étude de notre capacité d'emprunt et des répercussions pour les générations futures. Imaginez que des Français gèrent ainsi leur budget : c'est surréaliste.

Quelque 100 milliards d'euros ont été votés et 72 milliards d'euros engagés, notamment en faveur de la compétitivité des entreprises. Vous vous engagez à réindustrialiser la France : où en sommes-nous à J+1 an ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée.  - J'ai rappelé nos quatre objectifs sur l'industrie.

Le premier est la modernisation, avec 8 600 entreprises accompagnées, surtout des PME et TPE, qui ont bénéficié d'un gain de compétitivité.

Le deuxième est l'innovation : plus de 1 000 entreprises de sous-traitance ont été accompagnées, avec par exemple la voiture autonome ou l'allègement des matériaux. La plateforme du plan de relance les présente.

Le troisième est la relocalisation et la densification, avec plus de 700 projets, dans l'agroalimentaire, la santé, les intrants, le nucléaire, la 5G, avec 230 000 emplois confortés ou créés. Les intentions d'embauche estimées par la Dares sont de 225 000 sur 2022.

Le quatrième est l'exportation : 9 000 entreprises sont accompagnées. Elles sont plus nombreuses à exporter qu'il y a deux ans - mais il faut continuer, c'est vrai.

présidence de Mme Pascale Gruny, vice-président

M. Vincent Segouin.  - Je vous interrogeais sur les résultats à +1 an. En termes d'export, la balance commerciale est le meilleur indice. Moins 58 milliards en 2019 ; moins 65 milliards en 2020 ; moins 78 milliards en 2021. Elle est excédentaire en Allemagne et en Italie. L'Allemagne a investi 130 milliards d'euros dans son plan de relance ; la France, 100 milliards d'euros. Notre balance commerciale a perdu 13 milliards d'euros. Sur ce point, le plan de relance est un échec.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée.  - Sur 100 euros de production manufacturée, si 35 sont produits en France, vous avez mécaniquement, avec une reprise forte, une dégradation de la balance commerciale, accentuée par la hausse du prix des matières premières.

Retrouvons-nous quand les lignes de production seront construites et produiront - ce qui prend plus que douze mois. L'emploi est un indicateur avancé, et 70 000 recrutements sont ouverts dans l'industrie contre 40 000 avant la crise.

M. Yves Bouloux .  - France Relance avait vocation à prendre le relais des mesures de soutien aux entreprises mises en oeuvre en mars 2020, avec le double objectif de retrouver le niveau d'activité d'avant-crise et de se préparer aux enjeux de demain.

En août 2021, 49 milliards d'euros étaient engagés. C'est 70 milliards d'euros aujourd'hui. Le rebond économique est là mais il est trop tôt pour faire la part des choses entre urgence et relance. Pour autant, le décaissement rapide des crédits a eu un impact sur les exigences de qualité d'investissement.

Si la relance de l'investissement industriel est là, c'est au détriment de la transformation de l'industrie française. Ne faudrait-il pas une programmation à long terme ?

En outre, les entreprises et les collectivités territoriales sont obligées d'être à l'affût. Ne faudrait-il pas des dispositifs plus visibles ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée.  - Sur les entreprises industrielles, l'enjeu était de consolider l'existant et de commencer à décarboner le processus de production. Les chambres de commerce et d'industrie et l'État ont appelé toutes les entreprises industrielles. Une entreprise de plus de cinq salariés sur trois a bénéficié du plan de relance ; une ETI sur deux. Le taux de couverture est inédit dans l'histoire des politiques économiques.

Les aides de l'État s'achèvent le 30 juin. Nous travaillons désormais sur le long terme avec France 2030 et ses 30 milliards d'euros de subventions - ni des prêts ni des fonds propres. Ils accompagneront la décarbonation pour moitié, et seront consacrés à dix enjeux stratégiques et fondamentaux.

M. Jean-Claude Tissot .  - Ce débat a été l'occasion d'aborder la relance économique. J'en remercie les participants dont vous, madame la ministre.

La crise du printemps 2020 a révélé les déficiences de notre économie, incapable de fournir le matériel nécessaire. Pourtant, dès 2017, le candidat Macron avait promis un plan Marshall de la réindustrialisation des territoires perdus. La crise aura au moins eu ce mérite.

Le plan de relance et France 2030 s'ajoutent aux aides de compensation des restrictions. Les données économiques montrent que quand l'État joue son rôle de soutien de l'économie, c'est un succès. Pourtant le comité Coeuré livre une évaluation très prudente. Nous examinerons ses rapports avec attention.

Les aides du plan de relance ont-elles été efficaces ? Nous vous avons demandé d'évaluer les résultats obtenus à ce jour. J'ai entendu vos remarques, mais les premiers constats paraissent insuffisants face à l'enjeu de l'industrialisation. L'économiste Patrick Artus s'inquiète de la poursuite de la désindustrialisation. Depuis 2019, 45 000 emplois industriels ont été perdus dans un contexte de création d'emplois, selon les chiffres de l'Insee.

La transition écologique et le contexte géopolitique instable montrent la nécessité d'une production industrielle dans notre pays, adaptée aux futurs enjeux. Or la relance à court terme a prévalu sur la transformation structurelle de l'industrie. Tout le problème est là.

Deux axes sont à prendre en considération. Le premier est de se concentrer sur les secteurs stratégiques et les grands groupes. Nous ne comprenons donc pas que le Gouvernement sacrifie EDF en relevant le plafond de l'Accès réglementé à l'énergie nucléaire historique (Arenh).

Le deuxième est de relocaliser. Les pouvoirs publics doivent être aux côtés des petites entreprises. Nous avons perdu des savoir-faire dans de nombreux secteurs. Je pense à l'industrie textile, dont nous avons vu l'utilité lorsque nous avons manqué de masques. Dans mon département de la Loire, une entreprise, Les Tissages de Charlieu, soutenue à hauteur de 800 000 euros par le plan de relance, y a relocalisé la production de sacs cabas.

Les crédits du plan de relance ont été rapidement engagés. En espérant la fin de la crise sanitaire, quel sera l'état de l'économie une fois les aides terminées ? Il faudra un bilan complet dans les mois et années à venir.

Prochaine séance, mardi 8 février 2022, à 14 h 30

La séance est levée à 20 heures.

Pour la Directrice des Comptes rendus du Sénat,

Rosalie Delpech

Chef de publication

Ordre du jour du mardi 8 février 2022

Séance publique

À 14h30 et le soir

Présidence :

Mme Laurence Rossignol, vice-présidente

M. Vincent Delahaye, vice-président

Secrétaires :

Mme Victoire Jasmin - M. Jacques Grosperrin

1. Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi en faveur de l'activité professionnelle indépendante (texte de la commission, n°388 rect., 2021-2022)

2. Explications de vote puis vote sur la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relative à l'aménagement du Rhône (texte de la commission, n°439, 2021-2022)

3. Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant réforme des outils de gestion des risques climatiques en agriculture (texte de la commission, n°394, 2021-2022)