Indemnisation des catastrophes naturelles (Conclusions de la CMP)
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle l'examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à définir les dispositions préalables à une réforme de l'indemnisation des catastrophes naturelles.
Mme Christine Lavarde, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire . - (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC ; M. Jean-Pierre Corbisez applaudit également.) Je suis heureuse de vous présenter les conclusions positives de la CMP sur un texte que le Sénat attendait depuis bien longtemps - trop longtemps. Une mission d'information sénatoriale de 2019 s'était penchée sur le sujet, puis un texte a été adopté début 2020 par notre assemblée. Il a fallu, hélas, attendre un autre texte, déposé par les députés Modem, plusieurs mois plus tard. Un texte qui n'est pas très éloigné du nôtre...
La CMP a été conclusive, grâce au travail collaboratif mené avec les députés. Nous avons réussi à y intégrer les attentes de la commission des finances et de la commission du développement durable du Sénat.
Ce texte permettra de renforcer l'information et l'accompagnement des communes, la protection et l'indemnisation des sinistrés.
Le texte de la commission départementale des risques naturels majeurs doit être ciblé ; ce sera le rôle du référent départemental.
Je n'ai qu'un regret, mais d'importance : l'absence de la question du retrait-gonflement des argiles (RGA) dans le texte. Ce phénomène emporte des risques importants pour nos finances publiques, comme pour les particuliers. Le Gouvernement avait déposé un amendement prévoyant une habilitation à légiférer par ordonnance, procédé auquel le Sénat s'est opposé, d'autant que le Gouvernement dispose déjà d'un rapport de l'inspection générale des finances sur le sujet, qui nourrira certainement celui que nous demandons à l'article 7.
Le Gouvernement a néanmoins déposé un nouvel amendement en ce sens dans le cadre du projet de loi 3DS, que les députés ont adopté nuitamment.
À terme, l'ensemble du territoire pourrait être touché par le RGA. La commission des finances continuera à travailler sur le sujet et sera attentive au texte du Gouvernement. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC ; MM. Jean-Pierre Corbisez et Ronan Dantec applaudissent également.)
M. Jean-Baptiste Lemoyne, ministre délégué, chargé du tourisme, des Français de l'étranger et de la francophonie, et des petites et moyennes entreprises . - Permettez-moi une pensée pour les sinistrés des Landes et des Pyrénées Atlantiques, récemment touchés par les inondations ; pour certains, c'est une vie qui s'écroule. Je salue les services de secours qui leur sont venus en aide. Le ministre de l'Intérieur sera à nouveau à leurs côtés lundi.
Ces inondations font suite à d'autres catastrophes naturelles - Irma, Alex, inondations dans le Var - qui rendent nécessaires la réforme du régime d'indemnisation.
Le Sénat, avec le rapport de Nicole Bonnefoy, a balisé le terrain.
Ce texte apporte une première réponse. Il ne met pas un point final au débat, mais, en quelque sorte, un point-virgule.
Le régime d'indemnisation des catastrophes naturelles a montré sa solidité. Depuis sa création en 1982, environ 10 % des communes françaises en bénéficient chaque année, pour 1 milliard d'euros d'indemnisations versées.
Unique au monde, il est fondé sur un système de solidarité, avec un taux de surprime identique pour tous.
Avec le réchauffement climatique et la demande de transparence, il devait évoluer. Après la sécheresse de 2003, la question de la transparence s'était en partie posée. À cet égard, le référent départemental constitue une avancée ; la commission nationale permettra un vrai débat public sur le fonctionnement du régime.
À l'initiative du Sénat, les politiques de prévention seront renforcées grâce à l'appui de la caisse nationale de réassurance.
Enfin, j'ai entendu vos inquiétudes sur le RGA. L'amendement du Gouvernement est une bonne nouvelle : enfin, une mesure dédiée au RGA ! La contrepartie du recours à l'ordonnance, c'est l'association du Parlement en amont, pour puiser à bonne source. Le chantier se poursuivra ainsi avec les élus.
Ce texte apportera de meilleures réponses aux sinistrés. Je m'en réjouis. (M. Didier Rambaud applaudit.)
M. Gérard Lahellec . - Je regrette pour ma part le passage de ce texte en procédure accélérée et la mise à l'écart du texte de Nicole Bonnefoy, qui a mené un travail exemplaire.
Face aux risques liés au réchauffement climatique, l'État doit prendre ses responsabilités en termes d'indemnisation comme d'accompagnement et d'adaptation des territoires. Il était urgent d'agir.
Nous nous réjouissons du prolongement à cinq ans du délai de prescription pour les assurés, de la prise en charge des frais de relogement et de l'extension de l'indemnisation à l'arrêt des désordres existants.
L'article premier sur la motivation de l'avis remis aux collectivités territoriales représente également une avancée pour les élus.
Nous regrettons en revanche la suppression, à l'article 2, de la mention de l'accompagnement des communes par le référent, du portail national des risques naturels et de la cellule de soutien.
De même, nous regrettons les reculs sur la commission nationale consultative des catastrophes naturelles, ou encore la suppression de la couverture obligatoire des dégâts causés par la grêle.
Les dispositions de l'article 7 du Sénat sur le RGA auraient aussi été fort utiles...
Bref, ces conclusions ne font pas le compte. C'est pourquoi nous nous abstiendrons sur ce texte.
M. Pascal Martin . - (M. Jean-François Longeot applaudit.) Ce texte représente une première étape de la réforme du régime des catastrophes naturelles.
Le sujet a fait l'objet d'un important travail du Sénat, entamé avec la mission d'information Vaspart-Bonnefoy, et ce texte aura mobilisé trois commissions permanentes.
Ce texte apporte des améliorations louables, mais beaucoup reste à faire. (Mme la rapporteure approuve.)
M. Jean-Baptiste Lemoyne, ministre délégué. - C'est une première pierre.
M. Pascal Martin. - De fait, le réchauffement climatique va accroître l'intensité et la fréquence des évènements climatiques exceptionnels.
La commission de l'aménagement du territoire et du développement durable s'était vu déléguer au fond les articles 2, 4 et 7.
Parmi les évolutions positives, citons le renforcement de la transparence de la procédure, l'accompagnement des communes et la prise en charge des dommages.
Je regrette néanmoins que l'Assemblée nationale n'ait pas repris la proposition de loi Bonnefoy - quitte à la modifier - pour gagner du temps.
Nous ne pouvons nous satisfaire de l'absence de mesures concernant le RGA, phénomène qui touche tout le territoire.
Si la prescription quinquennale est bienvenue, il est dommage, en revanche, d'avoir supprimé la cellule de soutien pour les maires et le portail national sur les risques naturels.
Il est bon d'avoir étoffé le rôle du référent départemental. M. Pelletier, préfet à la reconstruction dans la vallée de la Roya, joue un rôle primordial ; la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable a pu s'en rendre compte sur place.
Toutes les communes doivent pouvoir bénéficier d'un soutien de cette qualité.
Le groupe UC votera ce texte, malgré ses insuffisances. (M. Jean-François Longeot applaudit.)
M. Jean-Pierre Corbisez . - Nous achevons nos travaux sur la réforme du régime de catastrophes naturelles. Je me réjouis de l'accord trouvé en CMP, malgré le bilan en demi-teinte du parcours législatif de ce texte.
Je regrette que certains apports du Sénat n'aient pas été conservés ; nous aurions pu aller plus loin.
Sur la transparence de la procédure, le renvoi à un décret ne nous rassure guère.
L'allongement des délais est en revanche un signe fort pour les sinistrés et les élus locaux.
Il est dommage en revanche de ne pas avoir maintenu la cellule de soutien aux maires et l'obligation d'un schéma de prévention des risques naturels majeurs pour les territoires exposés au phénomène du RGA.
Ces reculs représentent une véritable déception malgré les apports du texte.
Je regrette enfin que nous ayons cédé au lobby des assureurs s'agissant du délai maximum d'indemnisation.
Il faut désormais engager un travail de fond sur la prévention.
Nous sommes au milieu du gué, mais résolus à le traverser. Le groupe RDSE votera ce texte.
Puisse le voeu de Mme Lavarde être exaucé rapidement.
Mme Isabelle Briquet . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Les victimes des aléas climatiques ont attendu deux ans pour obtenir des avancées après la mission commune d'information du Sénat et la proposition de loi Bonnefoy, adoptée à l'unanimité en janvier 2020.
Le Gouvernement a préféré le texte de l'Assemblée nationale... Si la méthode est contestable, le texte n'en demeure pas moins attendu. Le temps presse, car le réchauffement climatique n'est plus un concept abstrait. Les conséquences s'en font lourdement sentir et bien peu de communes ignorent encore ce qu'est une déclaration de catastrophe naturelle.
Le délai de prescription est porté à cinq ans en cas de sécheresse ; les obligations des assureurs sont renforcées, avec une meilleure information ; la qualité des experts fait l'objet d'un suivi ; le rapport annuel de la commission nationale consultative des catastrophes naturelles nous sera transmis, comme celui de la commission interministérielle.
De même, l'accompagnement des collectivités territoriales est amélioré.
Les députés, hélas, sont revenus sur des apports du Sénat comme la prise en charge des orages de grêles et de l'échouage des sargasses, ou le crédit d'impôt de prévention des aléas climatiques - le préventif est pourtant moins coûteux que l'indemnisation.
Il est dommage que le phénomène de RGA ne soit pas traité au fond.
Nous prenons acte de la volonté du Gouvernement de créer un régime spécifique pour les sinistres liés à la sécheresse. Mais le recours à une ordonnance ne nous convient pas. La proposition de loi Bonnefoy aurait pu et dû prospérer. Jusqu'au bout, le traitement par le Gouvernement des travaux de la mission d'information Bonnefoy-Vaspart aura été particulier...
Compte tenu des avancées, nous voterons néanmoins le texte.
M. Didier Rambaud . - Je salue tout le travail réalisé en amont qui a permis d'aboutir à cette CMP conclusive, qui comporte des avancées attendues. Trois mots les résument : transparence, prévention et célérité.
L'opacité de la procédure de déclaration de catastrophe naturelle était dénoncée de longue date. Il y aura désormais un référent départemental pour répondre aux attentes des maires et des sinistrés.
Les délais pour obtenir réparation du préjudice sont raccourcis. L'assureur aura un mois ou 21 jours maximum pour verser l'indemnisation, selon les cas.
Le délai pour déposer une demande de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle passe de 18 à 24 mois, ce qui n'est pas négligeable pour les communes.
Nous continuons à travailler sur les risques liés à la sécheresse-réhydratation des sols.
Les conséquences du dérèglement climatique sont visibles. Depuis 2000, il y a eu 7 348 désastres naturels dans le monde, deux fois plus que pendant les vingt années précédentes.
Oui, il reste du travail à accomplir, sur la prévention, les régimes juridiques, la protection des biens.
Les avancées sont toutefois bien réelles : le RDPI votera donc les conclusions de la CMP.
M. Claude Malhuret . - Le législateur légifère souvent avec un temps de retard. Il est vrai qu'il peut difficilement en être autrement : les remontées du terrain nous aident à bien décider.
Le réchauffement climatique est à l'oeuvre et bouleverse déjà le métier d'assureur. La sinistralité climatique évolue ; les agriculteurs et viticulteurs l'ont, eux aussi, bien compris : pour eux, le dérèglement climatique est une épée de Damoclès.
La fréquence et l'intensité des épisodes climatiques graves vont continuer d'augmenter, et les indemnisations avec elles.
Les lenteurs et écueils des procédures actuelles ne sont plus tolérables.
Je me réjouis donc de cet accord entre l'Assemblée nationale et le Sénat. Nous soutenons ce texte, qui rejoint assez largement l'initiative sénatoriale issue de la mission d'information Vaspart-Bonnefoy.
Nous n'avons pas de temps à perdre : il est urgent d'améliorer le système.
Ce texte de compromis issu de la CMP améliore substantiellement le régime assurantiel, ce qui est une bonne nouvelle pour les sinistrés comme pour les maires.
Actuellement, les décisions manquent parfois de motivation et de lisibilité. Le référent ad hoc nommé dans chaque département aidera les élus à mieux jouer leur rôle de courroie de transmission.
Je regrette que le crédit d'impôt pour la prévention des aléas climatiques, proposé par le Sénat, ne figure pas dans le texte final. C'est une piste à explorer.
Le groupe INDEP votera néanmoins ce texte, qui améliorera significativement le régime des catastrophes naturelles.
M. Didier Mandelli . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Pas une semaine ne se passe sans que nous évoquions le sujet des catastrophes naturelles. Après le nord de la France, les inondations ont frappé les Pyrénées-Atlantiques et les Landes.
Le coût des catastrophes naturelles pourrait croître de 50 % d'ici à 2050. Le régime de 1982 est dépassé ; il manque de fluidité et de transparence.
Nous avions adopté une proposition de loi à l'unanimité il y a deux ans, fruit du travail remarquable de Michel Vaspart et Nicole Bonnefoy. Un temps précieux a été perdu.
Je remercie Mme Lavarde et M. Martin pour leur travail comme rapporteurs.
Le référent départemental est une réponse concrète qui permettra un soutien de proximité aux élus, qui sont en première ligne.
Cette proposition de loi, enrichie par le Sénat, simplifie les démarches, renforce la transparence et élargit les droits des sinistrés.
Il y a pourtant des lacunes, notamment le mode de financement. La sinistralité avoisine désormais 2 milliards d'euros par an dans notre pays - contre 1,1 milliard d'euros entre 2006 et 2020. Au niveau mondial, cela représente 228 milliards d'euros.
Une réflexion doit être engagée sur de nouveaux modes de financement.
D'autre part, les phénomènes de sécheresse-réhydratation des sols argileux doivent être mieux pris en compte.
Le groupe Les Républicains votera ce texte de compromis et restera mobilisé sur ce sujet central. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Ronan Dantec . - Inondations, sécheresses, tempêtes : les catastrophes naturelles ont doublé en vingt ans sous l'effet du réchauffement climatique, et les situations de détresse se multiplient.
Les défis sont nombreux : critères de reconnaissance des communes, rôle respectif de l'assurance et de l'indemnisation solidaire, causalité, limites de la garantie décennale, comparaison entre coûts de réparation ou de démolition-reconstruction, prévention.
Les conclusions de la CMP ne résolvent pas tout. Elles ont toutefois le mérite de permettre certaines avancées en faveur des sinistrés.
Nous sommes donc heureux de l'accord trouvé.
Le Sénat a beaucoup travaillé sur ce sujet et plusieurs de ses apports ont été conservés. S'appuyer sur le travail de Mme Bonnefoy aurait permis de gagner du temps - en plus d'être plus élégant...
Certaines mesures sont bienvenues, notamment en matière d'accélération des procédures et d'accélération des délais.
L'indemnisation des sinistrés sera améliorée, notamment pour ceux dont la commune n'a pas adopté de plan de prévention des risques naturels.
Les élus demandent à être accompagnés. Le référent départemental leur apportera un soutien utile.
La suppression de la publicité des débats de la commission interministérielle est regrettable. Le rapport sur le RGA devra être très précis. Un premier rapport existe, qui devrait être rendu public.
La prise en compte de l'adaptation dans la stratégie énergie-climat est une bonne chose.
Ce texte est donc la première pierre d'une réforme plus globale. Il faut cesser de baisser les moyens, notamment humains, pour l'accompagnement des collectivités territoriales. (Applaudissements sur les travées du GEST)
Les conclusions de la CMP sont définitivement adoptées.
(Applaudissements)
La séance est suspendue quelques instants.