SÉANCE

du mercredi 15 décembre 2021

36e séance de la session ordinaire 2021-2022

présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires : M. Jacques Grosperrin, Mme Victoire Jasmin.

La séance est ouverte à 15 heures.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Questions d'actualité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.

Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet. Chacun sera attentif au respect des uns et des autres et du temps de parole.

Nouvelle-Calédonie (I)

M. Claude Malhuret .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur de nombreuses travées du groupe UC) Les Calédoniens ont choisi de rester Français ; ils l'ont décidé librement.

Mais le référendum de dimanche dernier ne marque pas la fin du chemin de pacification tracé en 1988 lors des accords de Matignon et les Calédoniens restent divisés.

Il s'agit désormais, a déclaré le Président de la République, de bâtir un projet commun en respectant la dignité de chacun.

Le premier défi sera de maintenir le dialogue avec toutes les composantes de la population, alors que les indépendantistes refusent de reprendre langue avec le Gouvernement. Le calme dans lequel s'est déroulée la consultation est néanmoins de bon augure.

Le deuxième défi est de construire un projet de vie en commun, prenant en compte la stratégie nickel, l'autonomie alimentaire et énergétique, le foncier, la fiscalité, l'environnement.

Enfin, il faut aussi répondre aux urgences que sont la crise sanitaire et l'inquiétant déséquilibre des comptes publics. Dans cette zone indopacifique stratégique, et sous le regard d'une Chine expansionniste, l'enjeu est de taille. Que comptez-vous faire ? (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et UC)

M. Jean Castex, Premier ministre .  - La consultation référendaire de dimanche dernier ne marque pas la fin de l'histoire, mais la fin d'une étape ouverte par les accords de Nouméa de 1998.

Les trois référendums prévus, qui se sont tous tenus sous le présent quinquennat, se sont soldés par le même résultat : la volonté de rester dans la République française. Je m'en réjouis, de même que je me réjouis des conditions d'organisation de ces trois consultations, alors que certaines formations politiques avaient appelé au boycott.

Tous les maires, quelle que soit leur tendance, ont organisé le scrutin, dans un climat de sérénité salué par la commission indépendante de contrôle du scrutin. C'est à l'honneur de la République et de la Nouvelle-Calédonie. (Applaudissements sur les travées du RDPI et du groupe INDEP)

Nouvelle-Calédonie (II)

M. François-Noël Buffet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Dimanche, nos compatriotes de Nouvelle-Calédonie ont fait le choix de rester Français. Cela met fin à un processus lancé avec les accords de Matignon puis de Nouméa.

Si nous avions pu regretter la réserve du Gouvernement avant le scrutin, il est désormais temps de préparer l'avenir. Nous avons dix-huit mois pour construire ensemble un projet institutionnel qui inscrive durablement la Nouvelle-Calédonie dans la République.

Quand allez-vous démarrer ce processus ? Le calendrier ne doit pas être tributaire de l'élection présidentielle, il est urgent d'envoyer des signes forts à nos compatriotes. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Évelyne Perrot applaudit également.)

M. Jean Castex, Premier ministre .  - L'avenir sera mieux préparé sur un terrain apaisé dans les deux camps, sans violence.

Les sénateurs, fins connaisseurs de la Nouvelle-Calédonie, savent que l'équilibre est toujours subtil...

Qu'allons-nous faire ? Ce que nous avons dit que nous ferions. J'ai reçu fin mai la plupart des acteurs de la vie politique calédonienne pour fixer la date du troisième référendum

La priorité, c'est le dialogue. Nous avions dit que l'histoire ne s'arrêterait pas au dernier référendum, nous avions exposé les conséquences du oui comme du non pour les Calédoniens et annoncé une phase de discussions. Celles-ci porteront sur le volet institutionnel mais aussi sur les sujets économiques et sociaux. La situation des finances publiques est préoccupante ; le Gouvernement a pris ses responsabilités et je suis en lien permanent avec le président Mapou.

Sébastien Lecornu est sur place pour discuter d'un calendrier, d'un contenu et d'une méthode de travail.

Nous avons fixé des échéances, mais rien ne se fera sans dialogue ni apaisement. Nous veillons au respect des populations et des intérêts de la France, dans cette zone objet de convoitises. (Applaudissements sur les travées du RDPI et du groupe INDEP)

M. François-Noël Buffet.  - Le président du Sénat a mis en place un groupe de contact qui concentre les expertises. Il pourrait utilement être mobilisé. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Alain Richard applaudit également.)

Tensions en Ukraine

Mme Nadia Sollogoub .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) L'Ukraine est un grand pays tourné vers l'Europe, qui souhaite renforcer ses relations avec la France. Mais c'est aussi un pays en guerre dont l'intégrité territoriale est menacée depuis 2014. Il y a des morts tous les jours - 13 000 depuis le début du conflit du Donbass, malgré le cessez-le-feu de Minsk.

La situation est fébrile. Le groupe Wagner, à la solde du Kremlin, est sur le pied de guerre ; Moscou masse des hommes et des missiles aux frontières, disant procéder à des déploiements défensifs...

La diplomatie internationale s'active, des échanges ont lieu entre chefs d'État ; l'Union européenne discute de sanctions sans précédent en cas d'attaque russe et les élus américains ont demandé hier des sanctions préventives pour dissuader la Russie d'attaquer l'Ukraine.

Alors que les bruits de bottes enflent, où en sont les négociations ? Que feront la France et l'Europe en cas de conflit ouvert ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangères .  - Effectivement, les tensions montent aux frontières de l'Ukraine et la rhétorique russe devient alarmante. C'est à prendre très au sérieux. Nous disons clairement aux Russes qu'une nouvelle atteinte à l'intégrité territoriale de l'Ukraine aurait des conséquences stratégiques massives et un coût très important pour la Russie.

L'heure est aux échanges et consultations, pour dissuader. J'ai rencontré mes homologues européens et américains. Mais il faut conserver des canaux de discussion avec la Russie. C'est pourquoi le Président de la République s'est entretenu hier avec le président Poutine et aujourd'hui avec le président Zelensky.

Il faut une solution politique en Ukraine, dans la logique des accords de Minsk et de Paris. À court terme, des gestes d'apaisement sont nécessaires - libération des prisonniers, ouverture de certains points de passage, réaffirmation du cessez-le-feu. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Mme Nadia Sollogoub.  - Nous avons besoin d'entendre que l'Ukraine est et restera la ligne rouge de l'Europe. (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. Emmanuel Capus applaudit également.)

Budget des universités

M. Pierre Ouzoulias .  - Les universités accueillent des étudiants toujours plus nombreux, à moyens constants : c'est la loi du ciseau malthusien. Cela les conduit à renoncer à des recrutements d'enseignants, ce qui pénalise in fine les étudiants.

L'université de Nanterre aurait besoin d'un budget de fonctionnement de 25 millions d'euros, sa dotation est de 11 millions d'euros. Son conseil d'administration a donc voté un budget en déficit de 3 millions d'euros. D'autres universités pourraient faire de même.

Je connais déjà votre réponse, madame la ministre : vous allez nous dire que jamais aucun Gouvernement n'a consacré autant d'argent à l'université depuis un siècle. (Rires et applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et du GEST, ainsi que sur plusieurs travées du groupe Les Républicains ; Mme Sonia de La Provôté applaudit également.)

Comment peut-il exister un tel décalage entre votre perception et la réalité ? (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et du GEST, ainsi que sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)

Mme Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation .  - Je ne dis rien qui soit contraire à la réalité. (On en doute à droite.) Si le Sénat avait examiné le projet de loi de finances pour 2022 (protestations à droite), il aurait constaté que les crédits du programme 150 « Formations supérieures et recherche universitaire » ont augmenté d'1 milliard d'euros depuis 2017 ! (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Le budget de l'université de Nanterre est bien supérieur à 11 millions d'euros : c'est ce que nous avons ajouté à son budget depuis 2017 ! Conscients de sa fragilité en fin de gestion, nous venons de lui allouer 2 millions d'euros de plus. (Marques d'ironie à droite) Voilà les faits et les chiffres.

Nous continuons à accompagner les établissements. Nous avons annoncé 100 millions d'euros supplémentaires (« Ah ! » à droite) pour soutenir les innovations pédagogiques, et 300 millions d'euros (« Ah ! » à droite) pour les lauréats du programme ExcellencES.

Regardez les chiffres : jamais le budget de l'enseignement supérieur et de la recherche n'a autant augmenté que sur les cinq dernières années. (Exclamations à gauche ; applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Pierre Ouzoulias.  - Le déni ne peut étouffer le sentiment de péril imminent. La légitimité de la politique est en jeu, car la vraie cause de l'abstention réside dans ce décalage entre vos discours iréniques et ce que vivent nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et du GEST, ainsi que sur plusieurs travées des groupes Les Républicains et UC)

Bilan du plan de relance pour l'inclusion

M. Thani Mohamed Soilihi .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Madame Klinkert, vous avez eu la responsabilité du plan de relance pour l'inclusion.

Après un plan de soutien de 134 millions d'euros en août 2020, permettant de préserver 180 000 postes dans l'insertion au sein de 5 000 structures, 186 millions d'euros ont été déployés à la fin de l'année 2020.

Les résultats ont été publiés en février 2021 : 3 500 projets soutenus, 40 000 emplois créés.

Un nouvel appel à projet a été lancé au printemps 2021 pour 162 millions d'euros. 

Pourvoyeurs importants d'emplois, les secteurs de l'insertion par l'activité économique et les entreprises adaptées permettent à de nombreuses personnes de retrouver une place dans la société.

À Mayotte, les résultats sont au rendez-vous : 94 emplois ont été créés sur le territoire, l'accompagnement vers le retour à l'emploi fonctionne. Pouvez-vous nous faire le bilan du plan de relance pour l'inclusion au niveau national ? (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Mme Brigitte Klinkert, ministre déléguée, chargée de l'insertion .  - Dès l'été 2020, le plan de relance pour l'inclusion a été mis en place pour remettre à flot les 5 000 structures de l'insertion par l'activité économique et entreprises adaptées, les aider à se moderniser et à créer des emplois. Nous avons investi 500 millions d'euros et avons retrouvé le niveau d'emploi d'avant-crise.

D'ici la fin 2022, 110 000 emplois supplémentaires auront été créés dans l'inclusion ; nous en sommes déjà à 70 000 fin 2021. Ce ne sont pas que des chiffres, mais autant de personnes dont la vie change.

À Mayotte, ce sont 94 emplois créés, cinq projets innovants soutenus.

Je remercie tous les acteurs qui contribuent à l'insertion grâce à ce travail partenarial. Le Gouvernement reste pleinement mobilisé pour atteindre les ambitions fixées par le Président de la République en 2019. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Travailleurs de plateformes numériques

M. Olivier Jacquin .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Sur la question des travailleurs de plateformes, votre Gouvernement est toujours à contresens, à contretemps. En 2018-2019, vous proposiez des chartes facultatives quand la Cour de cassation requalifiait le contrat d'un chauffeur Uber en salariat et parlait, en 2020, d'indépendance fictive.

Cette année, vous proposez une énième ordonnance sur le dialogue social pour les seuls livreurs et VTC, alors que le Parlement européen vote la présomption de salariat pour tous les travailleurs de plateformes.

Hier, lors de sa conférence de presse sur la présidence française de l'Union européenne, le Président de la République n'a pas dit un mot du sujet, alors que le commissaire Nicolas Schmit présentait le jour même une proposition de directive comportant la présomption de salariat, l'inversion de la charge de la preuve en matière de requalification, la transparence de l'algorithme - tout ce que vous nous refusiez en mai lors de l'examen de notre proposition de loi !

Quand protégerez-vous les travailleurs plutôt que les plateformes ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER, du GEST et sur quelques travées du groupe CRCE)

Mme Élisabeth Borne, ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion .  - Nous continuons à avancer pour donner des droits concrets aux travailleurs des plateformes. Le projet de directive européenne repose sur trois piliers : présomption réfragable de salariat, transparence des algorithmes, contrôle des effets de ces algorithmes sur les travailleurs.

Sur le premier pilier, il n'est pas sûr que l'approche retenue par la Commission soit la plus favorable aux travailleurs. Quoi qu'il en soit, le processus d'adoption d'une directive est long, les itérations nombreuses.

Nous agissons sans attendre pour renforcer les droits des travailleurs, en nous appuyant sur le dialogue social. Je note au passage que le projet de directive reprend la consultation des représentants des travailleurs.

Le projet de loi de ratification et d'habilitation que vous avez adopté le 15 novembre dernier est une étape importante dans la construction de ces droits. Les deux démarches sont complémentaires. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Olivier Jacquin.  - Vos arguments sont spécieux. Vous invoquez le dialogue social mais vous voulez casser le droit du travail !

L'Allemagne, l'Espagne, l'Italie, la Belgique, le Portugal soutiennent la proposition du commissaire européen. Vous êtes isolés, réagissez ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST ; Mme Laurence Cohen applaudit également.)

Passe sanitaire et vaccination

M. Christian Bilhac .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) M. Véran affirme pouvoir faire les 20 millions de rappels vaccinaux d'ici Noël. Je voudrais y croire, mais la réalité est différente. Les plateformes de rendez-vous sont débordées. Près de 400 000 personnes prioritaires de plus de 65 ans n'ont toujours pas eu ce rappel, faute de pouvoir trouver un rendez-vous, alors que l'on ouvre aujourd'hui la vaccination aux enfants.

Quid du passe sanitaire, qui risque d'être invalidé au 15 décembre pour les plus de 65 ans, au 15 janvier pour les autres ? Envisagez-vous un report ? (Applaudissements sur quelques travées du RDSE)

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État, chargé de l'enfance et des familles .  - La confiance est essentielle en matière de vaccination. Nous en sommes à 15 millions de rappels : 100 000 doses sont administrées chaque jour. La trajectoire fixée par le ministre des Solidarités et de la santé, de 20 millions de rappels d'ici Noël, sera tenue.

Nous faisons tout pour que les plus de 65 ans soient vaccinés avant l'échéance fixée pour l'intégration de la troisième dose au passe sanitaire : coupe-file, créneaux sans rendez-vous, envoi de SMS, mobilisation des 1 300 centres de vaccination, des médecins de ville et des pharmacies. Pour toutes les autres personnes éligibles à un rappel, l'échéance est fixée au 15 janvier. Les moyens sont mobilisés et nous atteindrons les objectifs. (M. François Patriat applaudit.)

M. Christian Bilhac.  - Je ne doute pas de votre volonté, mais je ne suis qu'à moitié convaincu.

Au pays des Lumières, je regrette que le passe sanitaire soit obligatoire pour accéder aux bibliothèques, aux médiathèques ou aux musées, alors qu'il ne l'est pas pour les centres commerciaux...

M. Loïc Hervé.  - Supprimons le passe sanitaire !

Dégazage sauvage au large de la Corse

M. Paul Toussaint Parigi .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) Un crime écologique a eu lieu au large de la Corse, le 11 juin dernier. Après un dégazage sauvage, une nappe d'hydrocarbure de 15 km2 s'est répandue au large de nos côtes. Mmes Girardin et Pompili sont venues nous annoncer que des auteurs potentiels avaient été identifiés, que les enquêtes seraient diligentées au plus vite et que les responsables - des voyous ! - subiraient les foudres de la loi.

Nous faisions remarquer que cette zone étroite et sensible était dépourvue de tout moyen de lutte contre la pollution, malgré les accidents. Là encore, vous nous aviez promis une traque sans concession, et un débat avec les élus locaux pour améliorer la sécurité.

Six mois plus tard, nous ne voyons rien venir. Où en sommes-nous ? (Applaudissements sur les travées du GEST ; Mme Marie-Arlette Carlotti applaudit également.)

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué, chargé des transports .  - En juin, Mmes Pompili et Girardin se sont rendues en Corse à la suite de cette pollution. Des actions ont été immédiatement menées, sous l'égide du préfet maritime, pour limiter les dégâts dans la zone touchée et 15 m3 d'hydrocarbures ont été récupérés en mer.

Une enquête a été ouverte par le parquet de Marseille ; elle est confiée à la gendarmerie maritime. Les peines pour rejet volontaire sont très lourdes, jusqu'à dix ans de prison et 15 millions d'euros d'amende. En outre, le centre Polmar d'Ajaccio sera doté de moyens supplémentaires en 2022. Grâce au travail des services de l'État en mer et sur terre, notre espace maritime est l'un des plus surveillés au monde.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Ce n'est pas la question !

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Vous ne répondez pas !

M. Paul Toussaint Parigi.  - J'attendais une autre réponse. Aucune concertation, aucun respect des élus locaux. Qu'attendez-vous pour réagir ? Une marée noire ? (Applaudissements sur les travées du GEST)

Un Président de la République en campagne

Mme Alexandra Borchio Fontimp .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Ce soir, le Président de la République parle - vive le candidat !

Les règles démocratiques visant à assurer l'égalité entre les candidats doivent s'appliquer, quel que soit leur statut.

Le Président de la République a le droit de convoquer la télévision, mais le devoir de ne pas en user à des fins électorales. Combien de temps durera cette mascarade ? Le Président de la République n'est pas encore candidat, mais il est en pleine campagne, et le chéquier des Français est devenu son meilleur allié...

Le CSA, tatillon avec les postulants déclarés, laxiste avec l'aspirant masqué, entretient la fiction juridique.

À quatre mois de l'élection, organiser une interview sur mesure, sur un sujet qu'il a choisi, le jour où sa principale concurrente devait s'exprimer sur une autre chaîne ! Quelle élégance ! (Marques d'approbation sur les travées du groupe Les Républicains)

Ce privilège monarchique est très vieux monde... Le président candidat doit accepter un débat loyal ! Il y va de l'équité démocratique. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Philippe Bonnecarrère applaudit également.)

M. Gabriel Attal, secrétaire d'État, porte-parole du Gouvernement .  - (« Ah ! » à droite) Les règles qui régissent la parole des formations politiques ne sont pas fixées par le Gouvernement ou le Parlement, mais par le CSA.

Voix à droite.  - Nommé par qui ?

M. Gabriel Attal, secrétaire d'État.  - Elles prévoient qu'un tiers du temps de parole est dédié à l'exécutif, le reste aux formations politiques, majorité et opposition. Quand le Président de la République s'exprime, le CSA distingue les propos relevant de ses fonctions régaliennes, qui sont décomptés comme parole de l'exécutif, de ceux qui relèvent du débat politique, décomptés du temps de parole des formations politiques.

Ainsi, lors de sa dernière allocution, les propos sur la vaccination relevaient de la première catégorie, mais pas le reste.

Ce soir, les mêmes règles s'appliquent.

Le CSA a publié le 6 octobre dernier des recommandations pour la période de la campagne, à compter du 1er janvier, que vous n'avez pas critiquées. Je ne comprends pas cette polémique autoportée. (Marques d'indignation sur les travées du groupe Les Républicains, tandis que Mme Patricia Schillinger applaudit.) Je rejoins Mme Dati qui la juge dépassée.

Fermer les discothèques, imposer le masque à l'école primaire, réformer l'assurance-chômage, est-ce être en campagne ? Non. Nous prenons des décisions difficiles car c'est notre responsabilité. (Huées sur les travées du groupe Les Républicains ; applaudissements sur les travées du RDPI)

Mme Alexandra Borchio Fontimp.  - L'attitude du Président de la République est révélatrice : il est fébrile et évite le débat sur son bilan qui est désastreux ! (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Remplaçants dans le premier degré

Mme Marie-Pierre Monier .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Les alertes sur les non-remplacements des enseignants du premier degré, je ne les compte plus. On en vient à rappeler des retraités ! Nos élèves s'accumulent les retards, après la crise sanitaire : c'est le prix à payer lorsque l'on multiplie les objectifs et que l'on augmente les heures de décharge sans créer de postes.

Qu'allez-vous faire ? Allez-vous vous débloquer les crédits pour enfin assurer les remplacements ?

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports .  - Le remplacement est effectivement un sujet sensible, qui comporte un aspect structurel et un aspect conjoncturel.

Il faut d'abord prévenir l'absentéisme suscité par l'institution, en organisant la formation continue davantage en dehors du temps scolaire.

Le vivier de remplaçants est de 30 000 dans le primaire, soit 9 % du corps enseignant ; il n'y a jamais eu autant de recrutements que depuis quatre ans, malgré un nombre d'élèves décroissant. (Vives protestations sur les travées du groupe SER) Le taux d'encadrement n'a jamais été aussi haut pour le premier degré : c'est inédit sous la Ve République. (Nouvelles protestations sur les travées du groupSER)

Pour compenser l'absentéisme lié à la crise sanitaire, qui existe dans tous les métiers, faire appel à des retraités est une mesure pragmatique. Nous recrutons aussi plus de contractuels. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Mme Marie-Pierre Monier.  - Les retraités ne veulent pas y retourner, et les contractuels ne sont pas la solution. Il faut plus de postes !

Le ras-le-bol est général, et vous supprimez des postes dans le second degré parce que le primaire est la priorité du quinquennat. Les conditions d'enseignement se dégradent ! (M. le ministre le conteste vigoureusement.) Dans le projet de loi de finances pour 2022, zéro création de postes pour le premier degré ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; Mme Monique de Marco applaudit également.)

Pénurie de lits et de soignants dans les hôpitaux

M. Alain Milon .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Nadia Sollogoub applaudit également.) Les projections de l'Institut Pasteur sont préoccupantes. Les besoins en lits augmentent alors que les urgences sont engorgées et le personnel hospitalier épuisé. Les hôpitaux sont contraints à la déprogrammation, les médecins à la priorisation. C'est une bombe à retardement. L'agacement s'accroît quand 70 à 80 % des lits de réanimation sont occupés par des personnes non vaccinées.

Comment comptez-vous épauler les professionnels confrontés au triage ? Le critère de vaccination sera-t-il retenu comme discriminant positif ? Enfin, allez-vous solliciter le privé pour répondre à la crise ?

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État, chargé de l'enfance et des familles .  - Les tensions à l'hôpital sont réelles, amplifiées par les virus hivernaux. On s'attend à voir 4 000 personnes en réanimation fin décembre.

Le ministre Olivier Véran a demandé une enquête sur la situation des ressources humaines à l'hôpital. Nous en partagerons les conclusions avec vous. Il faut aussi des mesures d'urgence : prolongation des majorations d'heures supplémentaires, temps de travail additionnel et cumul emploi-retraite.

Nous sommes particulièrement attentifs aux tensions en pédiatrie et maternité. Les ARS sont mobilisées, les cellules territoriales de suivi activées, les établissements privés et les professionnels libéraux sont sollicités partout où cela est nécessaire.

Les efforts du Ségur sont importants et les effets se feront sentir à long terme. Enfin, la loi Rist donne aux hôpitaux de nouveaux outils pour adapter leur gouvernance et mieux répondre aux défis.

M. Alain Milon.  - Votre majorité nous reproche de ne pas faire de propositions... Mais nous suggérons de mobiliser fortement le secteur privé, de faciliter l'aval, de clarifier le message des ARS, de rapatrier à l'hôpital des soignants des centres de vaccination, car il n'est pas besoin d'être infirmier pour vacciner.

Et pourquoi pas, en dernier recours, réquisitionner ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Wokisme dans l'enseignement supérieur

M. Jean Hingray .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Que se passe-t-il à Sciences Po Poitiers ? Les étudiants peuvent suivre un cours sur la sociologie de la race. Au programme, le constructivisme racial en France, la France face à la race, la blanchité dans l'hégémonie raciale,... Tout un programme, en effet ! Il emprunte moins à Gobineau qu'à la cancel culture et à l'idéologie woke.

Vous avez demandé une enquête sur le sujet au CNRS, qui a refusé de la mener. Qui donc décide dans ce pays ? (« Bravo ! » à droite)

À Sciences Po Paris, il y a trois fois plus de cours sur le genre que sur les collectivités territoriales ! (Applaudissements sur plusieurs travées des groupes UC et Les Républicains)

Dix mois après votre engagement à lutter contre les idéologies, qu'avez-vous fait de concret ?

M. François Bonhomme.  - Rien !

M. Jean Hingray.  - Le CNRS et Sciences Po continuent tranquillement à jouer leur partition... (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains)

Mme Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation .  - L'université est au coeur de notre société : la première n'est pas étanche aux courants qui traversent la seconde. Du reste, la controverse fait avancer la connaissance.

Néanmoins, depuis trop longtemps, des établissements sont perturbés sur des fondements partisans, idéologiques, voire extrémistes. Des enseignants-chercheurs et doctorants sont empêchés de mener leurs travaux.

Plusieurs voix à droite - Et donc ?

Mme Frédérique Vidal, ministre.  - Le Sénat ne s'y est pas trompé, puisque la mission d'information présidée par Étienne Blanc et dont le rapporteur était André Gattolin a enquêté sur les influences extra-européennes qui menacent les libertés académiques.

Nous avons refondu le cadre réglementaire de l'intégrité scientifique. Ma main n'a jamais tremblé quand il s'est agi d'envoyer une inspection ou de faire évacuer des perturbateurs. Et cela faisait trop longtemps que les mains tremblaient...

L'inspection générale a créé une mission d'appui aux établissements pour intervenir lorsque la liberté académique n'est pas respectée. (M. François Patriat applaudit.)

M. Jean Hingray.  - J'espère que votre main n'a pas tremblé non plus quand vous avez signé la nomination du nouveau directeur de Sciences Po et que le ménage sera fait dans cette institution.

Ce sont les impôts des Français qui financent l'université. Les valeurs de la France doivent être respectées ! (Vifs applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains)

Agression du maire de Saint-Macaire

Mme Florence Lassarade .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le maire de Saint-Macaire a été violemment agressé par deux jeunes. Chaque jour, des élus sont victimes de tels actes. Malgré les instructions ministérielles et les sanctions, le problème grandit : 200 % d'augmentation en 2020 !

Ces violences ne sauraient être tolérées. La justice doit être plus réactive et sévère : les jeunes ne la craignent pas, puisqu'elle est en état d'embolie. Quelles décisions comptez-vous prendre ? Comment allez-vous accompagner les élus agressés ? Pensez-vous que l'Association des maires de France (AMF) puisse se porter partie civile ? Quel accompagnement pour les élus ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur .  - Depuis quinze ans, les violences contre des élus, mais aussi des gendarmes et des pompiers, se multiplient.

L'agression du 8 décembre relève d'un problème de voisinage. Dans ce cas, il s'agit d'adolescents de 13 et 14 ans : c'est l'autorité parentale qui doit être rétablie ! (M. Martin Lévrier applaudit.)

Dans les cas plus graves, nous avons supprimé la remise de peine automatique pour les auteurs d'agressions contre les élus. Nous sommes prêts à travailler avec l'AMF pour mettre en place l'accompagnement que souhaite le président David Lisnard. Quand un élu est touché, une enquête judiciaire est toujours déclenchée. Protéger les élus, c'est protéger la République. (Mme Patricia Schillinger applaudit.)

Mme Florence Lassarade.  - Le père de l'enfant concerné a menacé de mort le maire et sa famille, et s'est rendu à la mairie où il a agressé la secrétaire de mairie. Au lieu de minimiser, vous devriez plutôt lancer un signal fort. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Situation en Arménie

M. Gilbert-Luc Devinaz .  - Le 3 novembre 1896, à propos des massacres d'Arménie, Jean Jaurès dénonçait l'hypocrisie de l'Europe au service d'intérêts diplomatiques et économiques.

Aujourd'hui, il serait impensable que reste dans l'histoire un camouflet infligé à nos valeurs par un État aidé par des groupes terroristes.

L'existence même de l'Arménie est menacée par le bloc turco-azéri. Le pays a besoin d'aide. La France doit prendre toute sa place dans le groupe de Minsk, au service d'une paix durable.

Un cessez-le-feu a été signé il y a un an sous l'égide de la Russie, sans les représentants du groupe de Minsk. Que fait le Gouvernement pour obtenir la libération des prisonniers et soutenir les populations ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangères .  - La situation sécuritaire demeure très tendue en Arménie et dans la région ; le cessez-le-feu est régulièrement violé. Il faut trouver les moyens de rebâtir la confiance, nous y travaillons dans tous les domaines. J'ai réuni il y a quelques jours mes homologues dans le cadre du groupe de Minsk.

Le partenariat oriental se réunit aujourd'hui même à Bruxelles. Nous continuerons de jouer notre rôle au sein du groupe de Minsk. En raison de notre histoire, nous avons une solidarité particulière avec l'Arménie. Une feuille de route a été signée par Jean-Baptiste Lemoyne pour renforcer notre coopération, en lien avec l'Agence française de développement.

M. Gilbert-Luc Devinaz.  - L'Arménie est une démocratie mise à mal par des régimes autoritaires. Il est des moments dans l'histoire où il faut savoir choisir son camp ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)

Préavis de grève à la SNCF

M. Philippe Tabarot .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Gares transformées en camps de fortune, trains bondés, familles séparées... Voici ce qui attend les Français à la suite du préavis de grève déposé par certains syndicats de la SNCF - les méthodes de maître chanteur sont de retour ! D'autant que les revendications sont confuses et corporatistes.

C'est un mouvement suicidaire au moment de l'ouverture à la concurrence, et après les réformes et les aides. Effacement de la dette : 35 milliards d'euros ; compensation des baisses de recettes pendant la crise du Covid : 3 milliards d'euros ; prise en compte des grèves précédentes : 1,8 milliard d'euros.

Pour quel résultat ? Une entreprise en danger, prise en otage par quelques salariés irresponsables, qui mettent en échec l'amélioration du service public ferroviaire.

Comment le Gouvernement peut-il l'accepter ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué, chargé des transports .  - Le dialogue social à la SNCF est nourri depuis plusieurs semaines. (On ironise sur les travées du groupe Les Républicains.) La direction a proposé la revalorisation des bas salaires, ainsi que des primes pour compenser l'inflation et la sous-activité liée à la crise sanitaire. L'UNSA et la CFDT ont signé un accord.

Oui, l'État a injecté des milliards d'euros. Cette grève, si elle avait lieu, serait incompréhensible, ce serait un sacré cadeau pour la concurrence et une mauvaise manière faite aux Français.

La direction de la SNCF a fait savoir qu'elle reste à l'écoute. Je fais le pari de la responsabilité des syndicats cheminots.

M. Philippe Tabarot.  - Vous avez mis les moyens, ceux du « quoi qu'il en coûte ». Mais les résultats ne sont pas au rendez-vous. C'est à l'image d'un quinquennat de l'échec et du déclin. Autant d'argent public, sans résultat : les Français n'en peuvent plus ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Titre de séjour pour raisons médicales

M. François Bonhomme .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) L'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a publié un rapport sur le titre de séjour pour raisons médicales : en 2020, 25 000 personnes ont été admises, provenant de 127 pays, Algérie, Congo, Mali mais aussi Émirats ou Canada...

Cette voie de procédure est utilisée de manière systématique par les déboutés du droit d'asile. Que répondez-vous à ce rapport ? Que faites-vous contre ce détournement ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur .  - Je ne « réponds » pas grand-chose à ce rapport : l'OFII travaille sous l'autorité du ministre de l'Intérieur, donc sous la mienne ! Ce titre de séjour a été créé en 1996 ; mais le contrôle de ces dossiers a été transféré des médecins de l'ARS à ceux de l'OFII en 2017 seulement.

On a observé depuis une baisse de 40 % du nombre des demandes. Il y en a encore entre 26 000 et 30 000. Il s'agit de personnes ne pouvant être soignées dans leur pays d'origine. Le titre avait été créé notamment pour le VIH ou le cancer et c'est tout à l'honneur du gouvernement Juppé de l'avoir fait.

Le contrôle biologique est désormais systématique pour constater la maladie. Un avis médical collégial est aussi exigé. Les demandeurs sont convoqués par un médecin de l'Office avant même le dépôt de leur dossier.

Quelques cas frauduleux perdurent, mais rien à voir avec la situation que nous avons trouvée en arrivant aux responsabilités ! (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. François Bonhomme.  - Je ne retrouve pas les points mis en lumière par le rapport. Les collèges de médecins sont inefficaces : les malades ne se présentant pas, ils ne peuvent pas statuer... (M. le ministre le conteste.)

Il n'y a rien de pire que le simulacre d'action. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. le président. - Les prochaines questions d'actualité auront lieu le 5 janvier, soit l'an prochain. Je vous souhaite de bonnes fêtes de Noël et de fin d'année !

La séance est suspendue à 16 h 15.

présidence de M. Pierre Laurent, vice-président

La séance reprend à 16 h 30.